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Miscellany

La criminalité à Londres au xixe siècle : le cas des cambriolages chez les particuliers1

Crime in Victorian London: The Robberies in Some Metropolitan Districts
Tri Tran

Résumé

During the 19th century, many Londoners had the impression of living in a dangerous city, under the constant threat of vicious and skilful criminals. The many articles published in the police press, as well as in more serious newspapers, reinforced their fear. However, official statistics tend to show that this impression was not grounded and that crime was contained by the police and the courts after the early 1840s, although the population of London was expanding. Using unpublished archives e.g. Parliamentary Papers, Home Office records, and Sessions’ Papers of the Central Criminal Court, this contribution attempts to assess the extent of robberies, the character of the criminals and their treatment by the judicial system.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 L’auteur tient à exprimer ici sa gratitude à Martin Wiener pour ses conseils, ainsi que les rapport (...)

1L’histoire de la criminalité en Grande-Bretagne au xixe siècle est un chantier d’histoire sociale prometteur. Après de nombreuses études générales sur la criminalité et la délinquance, les chercheurs s’orientent maintenant vers des explorations plus ciblées et plus affinées, privilégiant l’exploitation des archives locales ou bien l’analyse d’un type de délit en particulier.

  • 2 Tri Tran. « Les vols dans les docks de Londres au xixe siècle ». Revue française de civilisation br (...)

2Cet article sur les cambriolages à Londres, s’appuie sur des sources parlementaires, judiciaires et journalistiques, et se situe dans le prolongement d’un récent article2 sur « les vols dans les docks de Londres au xixe siècle » qui explique les agissements des bandes organisées dans le port de Londres, mais aussi les conséquences de la criminalisation de certaines habitudes prises par les travailleurs des compagnies des docks. En effet, l’urbanisation, le développement du capital, de l’industrie, la hausse du niveau de vie et de la consommation en produits manufacturés firent qu’il y eut au xixe siècle davantage de biens à voler dans la première métropole du monde que nulle part ailleurs. En outre les cambriolages du Londres victorien fournirent matière aux spéculations les plus alarmistes des observateurs et des médias, et entretinrent les peurs des Londoniens car ils affectèrent à la fois les quartiers bourgeois et populaires. Ainsi beaucoup de Victoriens avaient, à tort ou à raison, le sentiment de vivre dans une métropole violente et dangereuse. Notre objectif ici sera d’expliquer l’évolution du nombre des cambriolages au cours du xixe siècle, puis nous tenterons de mieux cerner le profil des délinquants, avant d’analyser leurs modes opératoires, leur détection et leur arrestation, et enfin leur jugement par les cours d’assises.

1 L’ampleur des vols et cambriolages

  • 3 Mémo interne du 18-1-1879, dans : HO 45 / 9755 / A-60557.
  • 4 « table 4 : Metropolitan district showing the total number of persons committed or bailed for trial (...)
  • 5 Vanity Fair, 18 Jan. 1879 : « the police force going to pieces ».
  • 6 Emsley 28.

3L’étude des statistiques officielles des cambriolages ne peut se faire sans une bonne connaissance des politiques du gouvernement en matière de traitement de la criminalité et de la délinquance : ces politiques étaient ensuite mises en œuvre par les institutions policières et judiciaires. Elles influencèrent directement la façon dont ces statistiques furent collectées et traitées. Par exemple, un document interne3 du ministère de l’Intérieur recense près de 12 573 crimes et délits commis à Londres en 1877, dont 1 344 cambriolages pour un coût total de 55 529 livres. Or en 1871 on ne dénombrait que 240 cambriolages4 et 94 vols à main armée. Cette hausse vertigineuse des statistiques de la délinquance fut abondamment commentée par les journaux de qualité mais aussi par la presse populaire et bon marché, qui ne manquèrent pas de critiquer sévèrement l’inefficacité de la police et du gouvernement en matière de criminalité : « property is less secure, and… serious crimes are increasing at the same time that the efficiency of the Police is rapidly diminishing5 ». À première vue, ces chiffres élevés justifiaient le ton alarmiste du journaliste. En fait ce dernier n’avait pas vraiment analysé le détail des chiffres qui incluait un petit nombre de cambriolages très importants commis dans des entrepôts commerciaux pour un montant global de 50 000 livres. En outre la police avait procédé à un changement6 de ses méthodes de calcul des statistiques : ainsi, jusqu’en 1877 la police métropolitaine considérait les cambriolages sans violence et sans effraction, comme des vols; en 1877 elle affina ses statistiques et il y eut donc une hausse apparente des cambriolages déclarés en 1878.

  • 7 Gatrell, Valentine Arthur Charles, and T. B. Hadden, « Criminal Statistics and their Interpretation(...)
  • 8 Par exemple, le rapport parlementaire de 1834 sur la police explique que la hausse annuelle de 36 % (...)

4Cette anecdote nous amène indirectement à réexaminer7 avec précaution la valeur des différentes statistiques des vols et cambriolages disponibles pour le xixe siècle. Tout d’abord on peut considérer que les statistiques émanant de la police sont plus proches de la réalité que celles produites par les institutions judiciaires. En effet, il y avait toujours un écart entre les délits commis, ceux déclarés à la police et les inculpations prononcées (il fallait dans ce cas un coupable physique à la disposition de la justice). Ensuite les variations apparentes des chiffres des cambriolages pouvaient certes refléter une évolution de la criminalité mais aussi signifier une meilleure efficacité de la police8 ; un durcissement de l’attitude des propriétaires, des magistrats et des juges, déterminés à faire des exemples; la création de nouveaux types de délits. On peut donc dire que la publication de ces statistiques eut surtout pour effet de créer le sentiment que les crimes et délits étaient une question nationale, de vaste ampleur et qu’il existait des classes criminelles organisées, alors que la plupart des délits étaient des vols mineurs commis fortuitement par des pauvres et des ouvriers peu qualifiés.

  • 9 Ces statistiques sont publiées dans les Sessions’ Papers (cf. bibliographie).
  • 10 Pour Clive Emsley les périodes de récession et de chômage, de troubles politiques de la première mo (...)
  • 11 Emsley 205. Voir aussi l’article de Howard Taylor (cf. bibliographie).

5La lecture des Criminal Statistics9 montre l’évolution suivante pour les cambriolages : à partir de 1750 il y eut une hausse10 des vols et des attaques, jusqu’au début des années 1840, suivie d’une stabilisation dans les années 1840-1850, puis d’une relative diminution (à l’exception des cambriolages qui se maintinrent, surtout dans la périphérie de Londres), si on se réfère à la hausse démographique. On peut donc s’interroger sur cette surprenante stabilisation de la courbe des crimes et des graves délits peu après 1840 : on s’attendrait plutôt à une augmentation à cause de la hausse démographique, du développement de la police, et de méthodes statistiques de plus en plus fines et précises. Clive Emsley explique cela par la réforme du système pénal : avec les lois de 1855 et 1879 (Criminal Justice Acts), un nombre de plus en plus important de vols et délits fut jugé par les magistrats et les tribunaux de police, en comparution immédiate, sans aller jusqu’à des procès en assises11. Ces vols étaient requalifiés en larcins (larceny) et n’apparaissent donc pas dans les affaires jugées (vols avec violence, cambriolages). Howard Taylor explique cette réforme par la volonté du gouvernement et des autorités locales de procéder à des économies budgétaires : après 1846, l’État prit en charge l’intégralité des frais de justice et remboursait les frais des témoins et des plaignants. Mais vu le coût de cette mesure, ces remboursements furent diminués en 1858. Les affaires jugées par les magistrats des juridictions de base étaient moins coûteuses à l’État que des procès en assises. En outre les peines prononcées étaient moins sévères (des peines de prison courtes ou des amendes). Mais cela eut également pour effet de décourager les victimes de déposer plainte.

  • 12 Taylor 581.
  • 13 On peut aussi voir : Chadwick, Roger. Bureaucratic Mercy : the Home Office and the Treatment of Cap (...)

6Finalement, tout ceci explique pourquoi on eut une apparente stabilisation12 de la courbe des délits dans la seconde moitié du xixe siècle, alors que la population avait augmenté, que la loi criminelle avait été modifiée, et que la police se modernisait. Tous les délits ne furent pas enregistrés ; cela aurait eu un effet néfaste sur l’image de l’appareil policier et judiciaire. Le gouvernement et son administration13 entretinrent l’illusion que peu de délits étaient commis et que leurs auteurs étaient capturés, jugés et condamnés sévèrement.

2 Le profil des cambrioleurs

  • 14 En 1814 l’abrogation de la loi sur l’apprentissage (Statute of Artificers & Apprentices, 1563) acce (...)

7Au xixe siècle, la grande majorité (50-75 %) des délits était constituée de vols peu importants et la plupart des délinquants étaient des hommes très jeunes, des adolescents, des enfants, des femmes. Par contre, à la lecture des minutes des procès à l’Old Bailey, on voit que les cambrioleurs étaient un peu plus âgés, souvent de jeunes adultes en apprentissage ou au chômage14, épaulés par des complices plus expérimentés, parfois des soldats démobilisés, rarement des femmes. Les cambrioleurs avaient derrière eux une longue carrière commencée dès l’enfance avec des vols à la tire ou à l’étalage, qui se poursuivait ensuite avec l’acquisition de savoir-faire indispensables pour pénétrer par ruse ou par effraction chez les particuliers ou les commerçants. Ces connaissances pouvaient avoir été acquises en prison et les témoignages des policiers et des magistrats soulignaient l’endurcissement des jeunes voleurs, qui avaient tendance à commettre des délits de plus en plus graves :

  • 15 P. 43 [Mr William Payne, high constable of the Birmingham division in the county of Warwick], in : (...)

— Do you find that by mixing in prison with many abandoned characters, the boy’s character generally suffers ? — Yes… before he goes to prison he feels alarmed the first time... but he has none afterwards. When a boy has been there and comes back again, his morals are most likely corrupted... it [the treadmill] is only a little amusement for them, they laugh at it... after they have become acquainted with it they care nothing about it, it is only good exercise15.

  • 16 Emsley 168, 172.
  • 17 Mayhew, par ses articles dans le Morning Chronicle, contribua à cette perception de « classes crimi (...)
  • 18 Par exemple, voir mon article : Tri Tran. « Les vols dans les docks de Londres au xixe siècle ». Re (...)

8C’est pourquoi, comme le souligne Clive Emsley16, on ne peut pas parler de « classes criminelles » : « In general, it would be impossible to prove that most thefts and most violence was the work of persons who indulged in criminal behaviour as a way of life ». Cette notion, très répandue au xixe siècle17 et relayée par la police press, repose sur l’idée que les classes sociales les plus défavorisées s’adonnaient régulièrement au crime. Elle implique que la plupart des délits auraient été commis par un groupe déterminé et stable. Or, très peu de délinquants vivaient de leurs forfaits : les délits les plus importants furent commis par des délinquants à col blanc, des receleurs, et de petits groupes18 de professionnels organisés. Les Minutes de la Cour Centrale Criminelle de Londres, que l’auteur de ces lignes a consultées, montrent clairement que la plupart des vols étaient commis par des citoyens, certes pauvres, mais qui ne faisaient pas partie de bandes organisées. Leurs délits étaient plutôt le résultat de circonstances favorables et fortuites : ils étaient rarement prémédités et ne rapportaient en général pas beaucoup à leurs auteurs. Ils étaient ponctuels et ne constituaient pas une source de revenus réguliers. Par contre, les cambrioleurs, dont nous allons décrire les modes opératoires, étaient bien plus équipés et organisés. Ils constituent un groupe bien plus homogène et identifiable pour le chercheur car les vols importants qu’ils commirent bénéficièrent de toute l’attention de l’appareil policier et judiciaire.

3 Les modes opératoires des cambrioleurs

  • 19 En 1867, la police dénombra 1 787 lieux de rencontre des délinquants et criminels, pour Londres; ce (...)
  • 20 Emsley 108.

9Pour les décrire, nous disposons de sources variées mais concordantes : les minutes des cours d’assises, les titres de la police press, comme l’Illustrated Police News, et les enquêtes de Mayhew. On voit bien que l’environnement urbain permettait véritablement les vols et les cambriolages : les constructions denses, les nombreux lieux de rencontre19 de la pègre (débits de boisson, bars, maisons closes, boutiques des receleurs...), la surpopulation, favorisaient l’anonymat et la préparation des mauvais coups. Les voleurs s’attaquèrent d’abord aux boutiques du centre, aux entrepôts du port et des zones commerciales et industrielles, puis dans la seconde moitié du siècle, du fait de la plus grande présence policière dans les rues, les zones résidentielles20 furent davantage visitées.

10Selon des policiers qui déposèrent devant une commission parlementaire en 1828, il y avait à Londres quelques grands chefs de bandes qui commanditaient tous les méfaits importants et percevaient la majeure partie des bénéfices de ces délits : ils citaient le directeur d’une barrière de péage de Londres (turnpike trust), un ancien chirurgien de l’armée et deux hommes sans emploi mais assez prospères pour posséder chacun plus de 30 000 livres :

  • 21 P. 14, in : HC 1828 (533) VI.1 : report from the select committee on the police of the metropolis.

It is alarming to have observed how long these persons have successfully carried on their plans of plunder ; themselves living in affluence and apparent respectability, bribing confidential servants to betray the transactions of their employers, possessing accurate information as to the means and precautions by which valuable parcels are transmitted; then corrupting others to perpetrate the robberies planned in consequence, and finally receiving, by means of these compromises, a large emolument, with secure impunity to themselves and their accomplices21.

  • 22 Il n’était pas rare de voir des domestiques cambrioler leur ancien employeur, comme un certain Josi (...)

11Un cambriolage commençait donc par une préparation minutieuse, une collecte d’informations sur la disposition des lieux, les objets à dérober et les habitudes22 des occupants :

  • 23 Mayhew, p. 338, vol. 4.

The houses to be robbed are carefully watched for several weeks, sometimes for months, before the burglary is attempted. The thieves take great precautions in such cases. They glean information secretly as to the inmates of the house ; where they sleep, and where valuable property is kept. Sometimes this is done by watching the lights over the house for successive nights23.

12Pour s’introduire chez les particuliers, certains voleurs se faisaient parfois passer pour des couples respectables en quête d’un logement à louer : une fois dans la place ils dérobaient tous les objets de valeur et prenaient la fuite :

  • 24 East London Advertiser, 11 Aug 1888 : « Audacious robbery in Mile End ».

We warned our readers a week or two ago that a gang of daring burglars and thieves were at work in Mile End in the neighbourhood of St Peter’s road ... on the Friday preceding Bank Holiday two well-dressed persons — a man and woman — called at her [Mrs Grover’s] house and engaged furnished apartments... Mrs Grover’s daughter... happened to leave a jewellery box containing ornaments of considerable value... on the following day... in the absence of Mrs Grover they left the house... it was found the parties had decamped with the jewellery without leaving any trace of their whereabouts24.

13Les journaux et la police recommandaient fréquemment aux habitants de bien verrouiller leurs portes et fenêtres le soir; les commerçants et industriels étaient encouragés à laisser un apprenti ou un garde pour surveiller leurs locaux. Dans les minutes de l’Old Bailey toutes les victimes soulignent avoir bien fermé leurs maisons et se montrent généralement impressionnées par la détermination et l’ingéniosité des voleurs, comme William Goodman, un riche drapier d’Hillingdon :

  • 25 P. 679, case no 1290 (7th session), in : Sessions’ Papers, 1832-1833.

I went into the kitchen and found part of the panel was cut out of the cellar-door... and a small window at the back of the house had the glass taken out, and the cross-bar and two squares of glass were taken out25.

  • 26 Voir nombreux cas de fausses clés dans : app. 10 de HC 1834 (600) XVI.1 (infra). Et aussi : cambrio (...)
  • 27 Mayhew (p. 289, vol. 4) cite le cas de servantes des maisons bourgeoises, en contact avec la pègre. (...)
  • 28 Cf. cas de Joseph Kinsley, arrêté en possession de fausses clés pour serrures Bramah; (second Middl (...)
  • 29 Illustrated Police News, 28 March 1874, p. 3 : « Burglary at a City’s jeweller’s » (donne une liste (...)
  • 30 Pour entrer chez Thomas Wade, un respectable habitant de St Mary, à Islington, John Game, James Rog (...)
  • 31 Mayhew, p. 293, vol. 4.
  • 32 Mayhew mentionne l’emploi de papier de couleur imitant la teinte de la porte pour masquer les trous (...)

14Les cambrioleurs disposaient de fausses clés26 (s’ils avaient des complices27 à l’intérieur) et de pinces pour forcer les serrures brevetées Bramah28 et Chubb; de chignoles et d’instruments29 spéciaux pour percer les portes30, les planchers, les plafonds, les cloisons; de couteaux spéciaux pour découper les vitres. Ils pouvaient aussi pénétrer par les toits en soulevant les tuiles et se retrouver dans les greniers : dans ce cas ils choisissaient l’heure du dîner pour être tranquilles31, la salle à manger se situant souvent au rez-de-chaussée des maisons. Une fois entrés, ils refermaient les portes et dissimulaient32 les traces d’effraction pour tromper le policier du secteur :

  • 33 Mayhew, p. 287, vol. 4.

In the case of entering these dwellings they make their way to the bedrooms... their chief object being to steal the jewellery and dressing-case left on the dressing-table, often of great value. They also take clothes out of the drawers, and other articles. On coming out they often put on some of the apparel, such as an overcoat, and fill the pockets with stolen property33.

  • 34 Les voleurs opéraient dans le silence... et l’obscurité : « on entering the house they go about the (...)
  • 35 Philippe Chassaigne. « Voyeurisme et mélodrame : la police press » (p. 338), in : Ville & violence (...)

15Parfois, malgré leurs précautions34, les cambrioleurs se trouvaient confrontés aux occupants des maisons; c’est à partir des récits des victimes ayant vécu ces rencontres dangereuses qu’étaient élaborés les articles à sensation de la « police press ». Ces journaux contribuèrent fortement à la propagation d’un sentiment d’insécurité, au sentiment de vivre dans une métropole certes vivante et prospère mais aussi terriblement dangereuse et violente. Ils accréditèrent l’idée qu’une grande partie de la population de Londres, notamment celle vivant dans l’East End, constituait une classe criminelle. Ainsi l’Illustrated Police News, fondé en 1864, était lu par les classes moyennes inférieures et beaucoup de femmes. Il tirait sa matière première des rapports des tribunaux de police et des minutes des cours d’assises, notamment la Cour centrale criminelle de Londres (l’Old Bailey). Tiré en grand format (broadsheet), il comportait une dizaine de pages : la première était illustrée par plusieurs bandeaux d’images fort bien dessinées, liées aux affaires criminelles relatées (meurtres, cambriolages avec violence, assassinats, morts violentes). Pour Philippe Chassaigne, qui les a également utilisées, « [les gravures] servent... à capter l’attention en procédant à une surenchère dans l’étalage de la violence et du macabre. Car plus encore que la violence c’est le spectacle de la mort qui est ici présenté avec complaisance : mort criminelle, mais aussi parfois mort accidentelle, en tous les cas mort violente... on décrit aussi avec insistance les derniers moments de la vie des victimes afin de mieux faire ressortir la fragilité de la vie humaine et la soudaineté avec laquelle elle peut être interrompue35 ». Les articles étaient écrits de façon à inspirer l’horreur, l’effroi, avec constamment une insistance sur la violence, la ruse, l’audace, la rapidité d’action des voleurs mais aussi le courage, la résistance héroïque des victimes, surprises chez elles, dans leur foyer et leur intimité; bref une opposition entre le bien et le mal, avec même parfois des allusions sexuelles ou pornographiques, par exemple des illustrations de femmes dénudées surprises dans leurs chambres à coucher. Mais le plus souvent, les voleurs étaient prudents et ne voulaient pas aggraver leur cas :

  • 36 Sorte de poing américain.
  • 37 Mayhew, p. 340, vol. 4. Les Papiers Parlementaires montrent qu’entre 1877 et 1886, seulement 5 part (...)

when discovered by the inmates they are generally disposed to make their escape rather than to fight, and try to avoid violence unless hotly pursued. If driven to extremity, they are ready to use the life-preserver36, jemmy or other weapon37.

  • 38 Q. 322, p. 43, Colonel Rowan ; in : HC 1834 (600) XVI.1 : report from the select committee on the p (...)
  • 39 Patrick Colquhoun donne une liste détaillée des commerçants à surveiller dans un rapport parlementa (...)

16Après le vol, les marchandises étaient transportées soit par des complices soit sur des chariots38, puis écoulées chez des receleurs39, ou mises en dépôt dans des débits de boisson, des maisons closes, le cambrioleur touchant alors entre 25 % et 50 % de la valeur des objets :

  • 40 Mayhew, p. 375, vol. 4.

This man, when in custody, stated that he had received the goods from a well-known Jewish dealer, who was thereupon arrested. On searching his premises, the officers found a great part of the booty of twelve burglaries, and of three other robberies, one of them being a quantity of jewellery of great value, the whole of the property amounting to from 2 000 £ to 3 000 £40.

  • 41 P. 20, in : HC 1828 (533) VI.1 : report from the sel.cttee. on the police of the metropolis.
  • 42 Après un cambriolage chez le bijoutier John Charlton le 17-3-1836, un gang de 5 membres essaya de r (...)

17Afin de mieux contrôler les commerçants suspectés de recel, la police leur distribua à partir des années 1820 la Police Gazette, qui était une liste descriptive41 des délinquants notoires et des objets dérobés et recherchés par les détectives. Cela contribua à neutraliser les receleurs, à priver les voleurs de débouchés et de complices, et permit même des arrestations42.

4 L’arrestation des criminels

  • 43 À Londres les anciens bureaux de police composés de magistrats et de policiers payés par les parois (...)
  • 44 Ils travaillaient de longues journées (8 h) par tous les temps, avaient un équipement insuffisant ( (...)
  • 45 Le salaire était régulier mais bas (24-32 s./semaine), les perspectives de promotion étaient faible (...)
  • 46 Entre 1844 et 1848 : environ 500 départs par an; en 1876, 600. Cf. HC 1849 (24) XLIV.479 : number o (...)

18Une vue communément répandue est que les forces de police qui précédèrent la création de la police métropolitaine43 en 1829 étaient globalement inefficaces et mal encadrées, qu’elles s’acquittèrent péniblement de leurs missions de maintien de l’ordre et de lutte contre les criminels, mais que tout changea avec l’avènement de la police moderne de Sir Robert Peel, mieux payée, entraînée et équipée. Les archives de la police métropolitaine nous montrent une réalité un peu différente : à cause de la pénibilité44 et de la dangerosité du travail et des bas salaires45, le taux de démission46 était élevé parmi les agents de police. Ces derniers sombraient parfois dans l’alcoolisme et les petits délits :

  • 47 Vanity Fair, 18-1-1879 : « The police force going to pieces ».

Every Christmas the number of drunken cases brought before the police magistrates is the subject of remarks... it is said that between 100 and 150 constables were dismissed, fined, or otherwise punished for drunkenness at Christmas last... during the last six years 2,300 constables have been dismissed or compelled to resign for misconduct47.

  • 48 Dans un rapport parlementaire de 1834, un témoin dit avoir vu des policiers boire dans un pub avec (...)
  • 49 Le 4-10-1833, à St Giles-in-the-Field, les 5 apprentis du bijoutier David Jones arrivent à appréhen (...)

19En termes de vols et de cambriolages il est très difficile d’évaluer l’efficacité des policiers : certains témoignages dénoncent leur lenteur ou des comportements laxistes48. Il reste néanmoins que les archives judiciaires montrent le rôle essentiel des policiers en patrouille : très présents, ils interviennent généralement rapidement, soit en capturant eux-mêmes les voleurs soit en prenant part à leur arrestation, aux côtés de la victime ou de son entourage49.

  • 50 Emsley 15.
  • 51 Les Sessions’ Papers relatent le cas d’un inspecteur de police, Samuel Rice, témoin du début d’un c (...)
  • 52 Mayhew raconte ainsi (p. 341, vol. 4) la planque d’un détective à Westbourne Park, près de Paddingt (...)
  • 53 Voir par exemple : Emsley, Clive. The English Police : a Political and Social History. 2nd ed. Lond (...)
  • 54 Emsley 258.

20Clive Emsley souligne la plus grande liberté d’appréciation50 dont disposait l’agent de police employé par les paroisses au xviiie siècle : par exemple s’il était témoin d’un cambriolage, il pouvait décider d’attendre et d’appréhender51 le délinquant ou bien seulement d’alerter le voisinage et causer sa fuite. Il avait un travail dangereux52 et prenant, pas assez rémunéré pour être exercé à plein temps. Les premières forces de police ont fait l’objet de peu d’études53 mais les minutes de l’Old Bailey montrent que certaines forces, mises en place dans des paroisses de Londres du début du xixe siècle étaient très bien organisées, dirigées par d’anciens officiers et employaient des hommes sélectionnés, entraînés et déterminés : ils appréhendèrent54 168 cambrioleurs entre 1795 et 1804, puis 226 pour la période 1804-1815.

21En 1869 le Parlement vota l’Habitual Criminals Act qui permit une meilleure surveillance des détenus libérés sur parole et des récidivistes par les détectives de la police, au moyen d’un registre comportant leurs signalements et leurs adresses. On note que, tout au long du xixe siècle, les autorités considérèrent que les voleurs et les cambrioleurs restaient liés d’une façon ou d’une autre, à leur ancien milieu :

  • 55 P. 455, in : HC 1834 (600) XVI.1 : report from sel.cttee. on the police of the metropolis. Les réci (...)

None of [the convicts who have returned from Botany Bay]... are known to me to be employed in any creditable pursuit; on the contrary all... are either at this moment thieves upon the town, or have been executed for new offences ; among those last is one Nicholas English, who begged his passage home, arrived two years ago, was tried for a burglary two months after, and hanged55.

  • 56 Emsley 23.

22Néanmoins il faut savoir que la plupart de ces personnes n’avaient commis que des délits mineurs et se plaignaient d’être suspectés systématiquement par la police. Il n’y avait aucun critère précis pour définir ces délinquants : il suffisait d’une arrestation56 pour se voir inscrit dans ces listes de « known thieves and depredators ». De plus après leur arrestation sur de simples suppositions, les suspects devaient se disculper; la police pouvait utiliser les condamnations ultérieures comme éléments à charge. Finalement dans beaucoup de cas les magistrats ne pouvaient que les relâcher faute de preuves sérieuses, ou bien les condamnaient à des peines de prison légères.

23La police disposait aussi de listes de repaires de voleurs et de délinquants multirécidivistes (flashhouses) : c’étaient des maisons closes, des débits de boisson, des public places, des garnis, et elle y envoyait parfois ses détectives :

  • 57 Mayhew, p. 288, vol. 4. Les Sessions’ Papers contiennent parfois des dépositions détaillées d’enquê (...)

On visiting a public-house near Tottenham Court Road, one saturday night, he saw a middle-aged, intelligent man, like a respectable mechanic, conversing with a person at the bar... the sharp eye of the detective observed the former with a neckerchief which corresponded with one of the articles of this stolen property. The suspicion of the officer was aroused and he followed him late at night and saw where he resided. On the next morning he went with two officers to his house... and arrested him for the robbery57.

  • 58 Times du 23-07-1889 : « Letter to the editor ».

24À la fin des années 1880, dans le district de Whitechapel, les meurtres de Jack l’Éventreur mirent en lumière non seulement le manque chronique d’effectifs de police dans ce district, mais permirent aussi à certaines personnalités locales de révéler au public et au gouvernement l’ampleur de la criminalité dans les quartiers populaires; selon le Révérend Samuel Barnett de la paroisse de St Jude, Whitechapel était laissé à l’abandon : c’est ce qui avait permis le développement de la criminalité, de la délinquance : « [there are] houses... where crime is protected... the streets still offer almost every night scenes of brutality and degradation... [there are] rows in which stabbing is common, but on which the police are able to get no charges58 ». Selon lui, les habitants de Whitechapel devaient se mobiliser et agir pour mettre fin aux activités des délinquants et criminels qui avaient élu domicile à Whitechapel : les statistiques montrent d’ailleurs que la classe ouvrière était la première victime de la violence et des délits. Il préconisait une action vigoureuse de la police et des habitants organisés en comité de vigilance car les commerçants du quartier réclamaient en vain plus de policiers :

  • 59 MEPO 3 / 141 / folios 136-137 : petition to Home Secretary from Whitechapel traders for an increase (...)

for some years past, we have been painfully aware that the protection afforded by the police has not kept pace with the increase of population in Whitechapel. Acts of violence and robbery have been committed in this neighbourhood almost with impunity owing to the existing police regulations and the insufficiency of the number of officers... the government no longer ensure the security of life and property in East London and that in consequence respectable people fear to go out shopping... the police in this district may be largely increased in order to remove the feeling of insecurity which is destroying the trade of Whitechapel59.

  • 60 Lettre du chef de la police au Ministre de l’Intérieur, in : PRO HO 144 / 220 / 25-31 : Files re- t (...)

25Scotland Yard n’ignorait rien de la situation à Whitechapel et considérait qu’il fallait démolir les taudis pour éradiquer le crime : « clear out the slums and lodging houses to which vicious persons resort, and vice will disappear, respectability taking its place60 ».

  • 61 Q. 1268 & q. 1271, in : HC 1834 (600) XVI.1 : report from sel.cttee. on police of metropolis.
  • 62 Certains habitants se plaignirent que les policiers ne patrouillaient pas assez dans les rues secon (...)

26L’absence des policiers est une critique qui revient fréquemment dans la presse, mais aussi dans les enquêtes parlementaires : des témoins auditionnés se plaignaient de la trop grande régularité61 des rondes, ainsi que de leur espacement, préjudiciables à la détection des délits et l’arrestation des coupables. Cependant s’il est vrai qu’on pouvait aisément sanctionner les délits sur la voie publique comme l’ivresse ou la prostitution, il était bien plus difficile d’empêcher les vols dans des propriétés fermées, peu détectables de la rue principale62; selon des témoins auditionnés par une commission parlementaire on pouvait cependant avec un réseau d’informateurs anticiper les vols et attraper les cambrioleurs en flagrant délit, une vue qui ne fut toutefois pas partagée par les rédacteurs du rapport final :

  • 63 Q. 3652, Thomas G. B. Estcourt, journalist, in : HC 1834 (600) XVI.1.

My opinion is, that for a police to be effective, it is the duty of its members to become acquainted with all the bad characters they can discover in London, as it is only from the knowledge of these bad characters they can apply a remedy to prevent their speculations63.

27Les minutes des procès et les enquêtes de Mayhew montrent que les équipes de cambrioleurs avaient toutes un ou plusieurs guetteurs dans la rue qui pistaient le policier de ronde et n’hésitaient pas à distraire son attention par diverses ruses si nécessaire, comme l’emploi de prostituées placées sur le chemin de l’agent verbalisateur.

5 Le jugement des délinquants

  • 64 App. 26, p. 263 : « table of criminal law, 25 Edward III to 59 George III », in : HC 1819 (585) VII (...)
  • 65 HC 1819 (585) VIII.1 : report from sel.cttee. on criminal laws.
  • 66 On peut citer par exemple les frais de voyage du plaignant et ses témoins, le coût des ordonnances (...)

28Depuis le xvie siècle64, les vols chez les particuliers et les commerçants étaient classés parmi les crimes et délits les plus sérieux et au xixe siècle, ils étaient jugés par les cours d’assises, dans les chef lieux des comtés et pour Londres à l’Old Bailey. Les vols dans les boutiques de plus de 5 shillings et les vols dans les maisons particulières de plus de 40 shillings étaient des délits capitaux65. Selon le système en vigueur en Grande-Bretagne la victime pouvait décider d’entamer une action en justice si elle le jugeait nécessaire et apporter la preuve de la culpabilité du cambrioleur : si c’était une personne modeste elle considérait inévitablement le coût66 d’une telle procédure (surtout si les biens volés étaient sans grande valeur) et parfois abandonnait les poursuites; s’ajoutaient à cela l’embarras d’un procès, la perte de temps, le poids des liens familiaux ou professionnels.

29Les archives parlementaires montrent que beaucoup d’affaires se réglaient sans procès : les objets volés étaient restitués (parfois en échange d’une récompense offerte par l’entremise des journaux), ou bien la victime acceptait un dédommagement financier, ou dans le cas d’un domestique coupable, ce dernier se voyait congédié :

  • 67 P. 9, in : HC 1828 (533) VI.1 : report from sel.cttee. on the police of the metropolis.

Two banks, that had severally been robbed of notes to the amount of £ 4,000, recovered them on payment of £ 1,000 each. In another case, £ 2,200 was restored, out of £ 3,200 stolen, for £ 230 or £ 240... in another, where bills had been stolen of £ 16,000 but which were not easily negotiable by the thieves, restitution of £ 6,000 was offered for £ 30067.

30Une victime déterminée pouvait se mettre à la recherche du voleur, engager des chasseurs de prime (thieftakers) et demander à un magistrat un mandat pour faire fouiller la maison d’un suspect. Ensuite elle pouvait décider d’envoyer le coupable devant une juridiction de proximité (un juge de paix d’une summary court) ou devant une juridiction supérieure, une cour d’assises (assizes) en vue d’un procès. L’avocat du plaignant devait donc préparer une liste de chefs d’accusation et un dossier de preuves et de témoignages.

  • 68 Emsley 252.
  • 69 Ainsi la loi de 1723 (Waltham Black Act, 9 Geo. I, c. 22) fut dirigée contre les petits fermiers et (...)
  • 70 En fait ces délits renvoyaient à des actes très isolés et très précis, pas vraiment à des catégorie (...)
  • 71 Les homicides au cours de cambriolages furent très peu nombreux au xixe siècle : moins de 5 % des c (...)

31Au xviie siècle, la peine capitale punissait essentiellement68 les homicides, les incendies volontaires, les viols et les cambriolages. Mais ensuite, au début du xviiie siècle, on assista à une forte augmentation du nombre de crimes capitaux, sous la pression d’associations ou de particuliers puissants et fortunés, soucieux de protéger les droits des propriétaires terriens et de criminaliser certaines pratiques traditionnelles69, et à la fin du xviiie siècle on dénombrait plus de 200 crimes et délits70 capitaux, essentiellement des délits dirigés contre la propriété (vols, cambriolages, destructions de biens); très peu concernaient des actes de violence contre les personnes. En outre tout dépendait de la perception par la victime elle-même du degré de violence qu’elle avait subi : un vol sans violence n’entraînait pas nécessairement la mort et pouvait faire l’objet d’une procédure simplifiée; par contre un cambriolage avec violence71 se jugeait aux assises et pour Londres à la Central Criminal Court. Il faut souligner ici le rôle essentiel de la police dans le traitement des affaires criminelles : elle avait une grande influence sur la suite donnée aux plaintes. Elle pouvait dissuader une victime de porter plainte si les indices et les preuves étaient insuffisants, elle informait le plaignant sur ses chances de succès et sur les frais d’une procédure parfois longue et coûteuse.

  • 72 En fait les condamnés pouvaient solliciter la clémence de la Couronne : au xixe siècle cette possib (...)
  • 73 En 1783, deux cambrioleurs, John Tasker et John Best, échappèrent de peu à la corde : ils commirent (...)
  • 74 Un cambriolage était passible de la peine de mort si le voleur avait usé de violence ou s’il avait (...)

32Les exemples que nous avons trouvés vont dans ce sens : on constate une grande sévérité des jugements rendus vers les années 1780 et jusque dans les années 1800 à l’encontre des cambrioleurs et des voleurs. Puis on note une plus grande mesure de la part des juges des cours d’assises, une attitude plus humaine des jurys, conscients de la sévérité de la peine capitale72. Souvent ils n’hésitaient pas à diminuer sciemment la valeur73 des biens volés, ou les charges74 pesant sur l’accusé, pour lui éviter la pendaison; dans ce cas le coupable était soit emprisonné soit déporté pour une durée variable dans les colonies pénitentiaires d’Australie :

  • 75 P. 13, in : HC 1819 (585) VIII.1 : report from sel.cttee. on criminal laws.

Mr Joseph Harmer... a solicitor at the Old Bailey... informed the Committee... that he had seen juries influenced... by the severity of the punishment in numerous capital cases... give verdicts of acquittal where the proof of the prisoner’s guilt was perfectly clear75.

33La commission d’enquête parlementaire de 1819 souligne le désir des victimes de ne pas poursuivre les procédures à l’encontre des voleurs quand les peines encourues sont sévères (peine capitale ou déportation) et quand il n’y a pas eu violence ou mise en danger de la vie d’autrui; ceci explique en partie les écarts entre le nombre des délits, le nombre de jugements prononcés, et le nombre d’exécutions :

  • 76 P. 10, 85, in : HC 1819 (585) VIII.1 : report from sel.cttee. on criminal laws.

Mr Hobler, clerk to the Lord Mayor and to the sitting magistrates in London for thirty years, stated the anxiety of prosecutors to lower the value of goods stolen... Mr Yardley, clerk at the office in Worship St.... has often heard prosecutors, especially females, say, « I hope it isn’t a hanging matter76 ».

  • 77 App.3, p.140 : « statement of number of persons charged with criminal offences... in cities of Lond (...)
  • 78 Une possibilité offerte par la loi de 1836. Il faut aussi mentionner la loi de 1903 (Poor Prisoner’ (...)
  • 79 C’est pourquoi pour Patrick Colquhoun, l’accusation devait être l’affaire de la Couronne et être fi (...)

34Ainsi en 1818, sur 75 cambrioleurs jugés aux assises à Londres, 39 furent reconnus coupables, 24 furent acquittés, 8 virent les charges contre eux retirées et seulement 4 furent exécutés77. Cela avait un effet pervers : la victime altérait son témoignage de façon à ce qu’il soit plus favorable à l’accusé, et les criminels jouissaient alors d’une certaine impunité; ils acceptaient volontiers de plaider coupable car ils savaient qu’ils avaient des chances raisonnables d’échapper au gibet. On peut dire qu’ici la loi était contournée à la fois par les délinquants et les victimes. De plus les cambrioleurs les plus organisés disposaient d’un réseau de soutien, d’avocats véreux78, des faux témoins, et d’argent pour conclure79 des arrangements illicites avec les victimes ou suborner des témoins :

  • 80 Mayhew, p. 337, vol. 4. Autre témoignage similaire : p. 455, in : HC 1834 (600) XVI.1 : report from (...)

on the trial it was said the prisoners’ women had given several pounds to bribe this man [a witness] and he pretended he could not identify them, and they were acquitted. They have since been transported for other burglaries80.

  • 81 Cf. p. 358-359, Chassaigne (1999) : « principaux textes législatifs traitant des actes de violence, (...)
  • 82 On peut citer la Criminal Law Commission de 1833 dont l’objectif était une révision de la loi pénal (...)
  • 83 Après 1838 la peine de mort fut surtout appliquée pour les affaires d’homicides volontaires.
  • 84 Taylor 572.

35La diminution du nombre de crimes et délits capitaux au début du xixe siècle s’accompagna du vote de nouvelles lois81 visant à réprimer davantage les violences physiques. Cela coïncida aussi avec la réflexion82 menée par la profession et le pouvoir judiciaire dans la première moitié du xixe siècle sur la loi criminelle et une possible réforme du système judiciaire : on envisagea l’introduction d’un code pénal unique visant à uniformiser les pratiques et les traitements des affaires criminelles par les cours d’assises : en 1832, la peine de mort83 fut abolie pour les cambriolages et les vols par effraction commis sans homicide et sans violence. Elle fut remplacée par des peines de prison (assorties parfois de travaux forcés) ou par la déportation dans les colonies britanniques (jusqu’au milieu du siècle). Ainsi après avoir légiféré pour régler des problèmes locaux au xviiie siècle, l’État britannique chercha davantage à appréhender le crime et la délinquance dans leur globalité. Les Criminal Justice Acts84 de 1855 et 1879 introduisirent un changement de hiérarchie dans la nature des délits : seuls les vols les plus importants furent jugés par la Cour Criminelle Centrale (Old Bailey). Celle-ci fut agrandie en 1834 et installée dans de nouveaux bâtiments, afin de rendre une justice plus uniforme pour la région de Londres (en englobant le Middlesex, l’Essex, le Kent et le Surrey). La plupart des affaires de vols et de cambriolages furent confiés aux tribunaux de police et aux magistrats.

  • 85 Voir en annexe tableau et . Source : « List of all cases in which the conduct of the prosecution wa (...)
  • 86 HC 1887 (190) LXVII.347 : return relating to outrages in metropolitan police districts committed by (...)

36Les exemples trouvés dans des Papiers Parlementaires85 de 1887 montrent un changement dans l’attitude des jurys à la fin du siècle, notamment à l’égard des cambriolages perpétrés avec violence : on note bien sûr l’absence d’exécutions capitales, et des peines de prison allant de quelques mois à une quinzaine d’années. Ces quelques cas de cambriolages étaient peu nombreux parmi une liste de 260 affaires importantes jugées à l’Old Bailey en 1879 et 1884, en majorité des meurtres, des viols, des voies de faits et des affaires de pédophilie. Par contre les cambrioleurs qui avaient fait usage d’armes à feu ou d’armes blanches contre des policiers ou des particuliers se voyaient lourdement condamnés86 : en cas d’homicide, les tribunaux prononçaient, soit la peine capitale, soit la prison à vie; en cas de blessures, les peines de prison étaient plus légères (entre 7 et 10 ans). On peut donc dire qu’à partir des années 1840 seuls les vols avec violence et les vols importants furent confiés à la Central Criminal Court.

Conclusion

37Les archives parlementaires, gouvernementales et judiciaires consultées montrent que les cambriolages à Londres au xixe siècle furent apparemment des délits relativement rares, du fait de la sévérité de la loi, de l’action de la police et des précautions dont s’entouraient les habitants. En outre ces délits nécessitaient une certaine préparation et pour les vols importants, une solide organisation dont seules quelques bandes organisées étaient capables. C’est pourquoi on ne peut pas vraiment parler d’une classe criminelle qui engloberait toutes les couches inférieures de la société, mais plutôt de groupes de cambrioleurs décidés et parfois violents qui réalisaient les plus gros butins et qui, peut-être, en fournissant matière à la police press, inspiraient les vols opportunistes et ponctuels d’une masse d’individus tombés dans la pauvreté ou la précarité. En somme, il faut relativiser l’ampleur du phénomène et savoir que les médias victoriens étaient tout prêts à exagérer ces délits, à l’instar de nos journaux à sensation contemporains. Néanmoins il faut bien avoir conscience que beaucoup de vols et de cambriolages ne furent pas comptabilisés dans les Criminal Statistics, du fait d’un changement de hiérarchie dans les délits, introduit par les lois de 1855 et 1879. Ce n’est qu’en compilant systématiquement les archives de tous les tribunaux de police du Londres victorien que les chercheurs arriveront à cerner davantage l’ampleur des vols et des cambriolages.

Tableau 1. — Quelques exemples de cambrioleurs jugés à la Central Criminal Court en 1886

Tableau 1. — Quelques exemples de cambrioleurs jugés à la Central Criminal Court en 1886
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Bibliographie

Sources consultées

1) Sources primaires

a) Public Record Office, Kew

HO 45/9755/A-60557 : papers re-state of crime in the metropolis and the Metropolitan Police, 1878-1879.
HO 144/220/25-31 : Files re- the Whitechapel murders.
MEPO 3/141/folios 136-137 :
petition to Home Secretary from Whitechapel traders for an increase of police staff in Whitechapel, 15 Oct. 1888.

b) House of Commons’ Papers

HC 1819 (585) VIII.: report of the select committee on criminal law.
HC
1828 (533) VI.I : report of the select committee on the police of the metropolis.
HC
1828 (545) VI.419 : report of the select committee on criminal commitments and convictions.
HC
1834 (600) XVI.: report of the select committee on the police of the metropolis.
HC
1872 [C. 665] L.179 : memorandum respecting the decrease of crime in England and Wales in 1871.
HC
1887 (119) LXVII.143 : return relating to the prosecution of Offences Acts, 1879, 1884.
HC
1887 (190) LXVII.347 : return of outrages in metropolis committed by burglars carrying firearms, 1877-1886.

c) Sessions’ Papers (Central Criminal Court)

Sessions’ Papers, 1832-1833. London : printed for H. Buckler by George Titterton, 1832.
Sessions’ Ppaers, 1835-1836. [vol. III, sessions I-6] London : George Hibbert, 1836.

d) Journaux

East London Advertiser
Illustrated London Clipper
Illustrated Police News
Times

2) Ouvrages & articles

Cale, Michelle. Law & Society. An Introduction to Sources for Criminal and Legal History from 1800. Kew : PRO Publications, 1996.

Emsley, Clive. Crime and Society in England, 1750-1900. 2nd ed. London : Longman, 1996.

Lamb, Frederick. Forty Years in the Old Bailey. London : Stevens, 1913.

Mayehw, Henry. London Labour & the London Poor [1861-1862] vols. New- York : Dover, 1968.

Radzinowicz, Leon, and Roger Hood. A History of English Criminal Law and its Administration since 1750. London : Stevens & Sons, 1986.

Select Criminal Trials at Justice Hall in the Old Bailey. Durham : G. Walker, 1810.

Taylor, Howard. « Rationing Crime : the Political Economy of Criminal Statistics since the 1850s ». Economic History Review, vol. LI, n53 (1998) : 569-590.

3) Thèses

Chassaigne, Philippe. Ville & violence dans la Grande-Bretagne victorienne. H.D.R. d’histoire, dir. J.-P. Poussou, Paris IV, 1999.

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Notes

1 L’auteur tient à exprimer ici sa gratitude à Martin Wiener pour ses conseils, ainsi que les rapporteurs anonymes du comité de lecture des CVE.

2 Tri Tran. « Les vols dans les docks de Londres au xixe siècle ». Revue française de civilisation britannique, vol. XII.3, Dec. 2003 : 85-96.

3 Mémo interne du 18-1-1879, dans : HO 45 / 9755 / A-60557.

4 « table 4 : Metropolitan district showing the total number of persons committed or bailed for trial for certain selected indictable offences, 1861-1871 », in : HC 1872 [C. 665] L.179 : memorandum respecting the decrease of crime in England & Wales in 1871 ; (181).

5 Vanity Fair, 18 Jan. 1879 : « the police force going to pieces ».

6 Emsley 28.

7 Gatrell, Valentine Arthur Charles, and T. B. Hadden, « Criminal Statistics and their Interpretation », in : Wrigley, Edward Anthony, éd. 19th Century Society : Essays in the Use of Quantitative Methods for the Study of Social Data. Cambridge, CUP, 1972, 336-396.

8 Par exemple, le rapport parlementaire de 1834 sur la police explique que la hausse annuelle de 36 % des petits délits (vols sur la voie publique ou dans des magasins) est surtout due à un meilleur travail de la police, plus présente et plus à l’affût des bandes organisées. Cf. q. 3922, William St Julien Arabin, judge at the Old Bailey; in : HC 1834 (600) XVI.1.

9 Ces statistiques sont publiées dans les Sessions’ Papers (cf. bibliographie).

10 Pour Clive Emsley les périodes de récession et de chômage, de troubles politiques de la première moitié du xixe siècle, ont diminué les inhibitions et entraîné indirectement plus de vols et de cambriolages. Ceci est corroboré par les minutes des procès criminels : certains accusés invoquent leur pauvreté pour atténuer leur responsabilité. De plus, en période de récession les victimes avaient plus tendance à entamer des poursuites contre les délinquants. Dans la 2e moitié du siècle il y eut certes des périodes de chômage mais moins en phase avec les hausses des prix des denrées de base.

11 Emsley 205. Voir aussi l’article de Howard Taylor (cf. bibliographie).

12 Taylor 581.

13 On peut aussi voir : Chadwick, Roger. Bureaucratic Mercy : the Home Office and the Treatment of Capital Cases in Victorian Britain. New York : Garland, 1992, 424 p.

14 En 1814 l’abrogation de la loi sur l’apprentissage (Statute of Artificers & Apprentices, 1563) accentua la précarisation des jeunes adultes des milieux populaires.

15 P. 43 [Mr William Payne, high constable of the Birmingham division in the county of Warwick], in : HC 1828 (545) VI.419 : report of the select committee on criminal commitments and convictions.

16 Emsley 168, 172.

17 Mayhew, par ses articles dans le Morning Chronicle, contribua à cette perception de « classes criminelles » : c’est aussi l’avis de Clive Emsley, que nous partageons : « these descriptions contributed to the construction of a reality for their readers... this gave the reader a sense of superiority over criminals and a sense too that society was not responsible for the idle and vagrant who belonged to that class » (Emsley 175).

18 Par exemple, voir mon article : Tri Tran. « Les vols dans les docks de Londres au xixe siècle ». Revue française de civilisation britannique, vol. XII.3, Dec. 2003 : 85-96.

19 En 1867, la police dénombra 1 787 lieux de rencontre des délinquants et criminels, pour Londres; ce chiffre diminua ensuite fortement (1 139 en 1871) après le vote en 1869 de l’Habitual Criminals Act et du Wine & Beer House Act. Cf. « table 2, Metropolitan district : number of houses of known bad characters, as returned by police », in : HC 1872 [C. 665] L.179 : memorandum respecting the decrease of crime in England & Wales in 1871.

20 Emsley 108.

21 P. 14, in : HC 1828 (533) VI.1 : report from the select committee on the police of the metropolis.

22 Il n’était pas rare de voir des domestiques cambrioler leur ancien employeur, comme un certain Josiah Allen le 14-12-1835; cf. p. 173, no 186 (second session, 14-12-1835), in : Sessions’ Papers, 1835-1836.

23 Mayhew, p. 338, vol. 4.

24 East London Advertiser, 11 Aug 1888 : « Audacious robbery in Mile End ».

25 P. 679, case no 1290 (7th session), in : Sessions’ Papers, 1832-1833.

26 Voir nombreux cas de fausses clés dans : app. 10 de HC 1834 (600) XVI.1 (infra). Et aussi : cambriolage chez le bijoutier Gervase Wheeler perpétré par George Coney le 20-1-1833. cf. p. 217-223, in : Sessions’ papers, 1832-1833.

27 Mayhew (p. 289, vol. 4) cite le cas de servantes des maisons bourgeoises, en contact avec la pègre. Des Papiers parlementaires de 1834 citent aussi le cas d’un domestique qui maquille un vol en cambriolage; cf. app. 10 « statements of 22 robberies and burglaries from the parish of St Luke, Finsbury », in : HC 1834 (600) XVI.1 : report from the select committee on the police of the metropolis.

28 Cf. cas de Joseph Kinsley, arrêté en possession de fausses clés pour serrures Bramah; (second Middlesex jury, 30-11-1832) p. 6, in : Sessions’ Papers, 1832-1833.

29 Illustrated Police News, 28 March 1874, p. 3 : « Burglary at a City’s jeweller’s » (donne une liste complète des outils des cambrioleurs).

30 Pour entrer chez Thomas Wade, un respectable habitant de St Mary, à Islington, John Game, James Rogers et Robert Taylor avaient percé la porte de derrière pour la déverrouiller; cf. p. 116 (Second session, 3-1-1833, first Middlesex jury), in : Sessions’ Papers, 1832-1833.

31 Mayhew, p. 293, vol. 4.

32 Mayhew mentionne l’emploi de papier de couleur imitant la teinte de la porte pour masquer les trous percés par les voleurs.

33 Mayhew, p. 287, vol. 4.

34 Les voleurs opéraient dans le silence... et l’obscurité : « on entering the house they go about the work very cautiously and quietly, taking off their shoes, some walking in their stockings, and others with India-rubber overalls... the dark lantern is very small, with oil and cotton wick, and sometimes only shows a light about the size of a shilling, so that reflection is not seen on the street without » ; Mayhew, p. 338-340, vol. 4.

35 Philippe Chassaigne. « Voyeurisme et mélodrame : la police press » (p. 338), in : Ville & violence dans la Grande-Bretagne victorienne. Thèse HDR d’histoire, dir. J.-P. Poussou, Paris IV, 1999, 573 p.

36 Sorte de poing américain.

37 Mayhew, p. 340, vol. 4. Les Papiers Parlementaires montrent qu’entre 1877 et 1886, seulement 5 particuliers furent tués ou blessés par armes à feu au cours de cambriolages, 9 le furent par armes blanches ; cf. HC 1887 (190) LXVII.347 : return relating to outrages in metropolitan police districts committed by burglars carrying firearms, 1877-1886.

38 Q. 322, p. 43, Colonel Rowan ; in : HC 1834 (600) XVI.1 : report from the select committee on the police of the metropolis.

39 Patrick Colquhoun donne une liste détaillée des commerçants à surveiller dans un rapport parlementaire de 1834 : « dealers in old naval stores; wholesale dealers in naval stores, handstuff, rags; retail dealers in handstuff, rags; dealers in second-hand wearing apparel, bed and table linen; itinerant dealers in wearing apparel; dealers in old iron and other metal, by wholesale; retail dealers in old iron and other metal; manufacturers purchasing metals of persons not licensed » ; app. C, p. 446, in : HC 1834 (600) XVI.1 : report of select committee on the police of the metropolis.

40 Mayhew, p. 375, vol. 4.

41 P. 20, in : HC 1828 (533) VI.1 : report from the sel.cttee. on the police of the metropolis.

42 Après un cambriolage chez le bijoutier John Charlton le 17-3-1836, un gang de 5 membres essaya de revendre son butin à des commerçants, qui lisaient la Police Gazette; ils alertèrent la police. Cf. p. 869, case no 877 (6th session, 4-4-1836), in : Sessions’ Papers, 1835-1836.

43 À Londres les anciens bureaux de police composés de magistrats et de policiers payés par les paroisses fonctionnèrent jusqu’en 1839.

44 Ils travaillaient de longues journées (8 h) par tous les temps, avaient un équipement insuffisant (1 uniforme par an), d’où des maladies pulmonaires ou respiratoires.

45 Le salaire était régulier mais bas (24-32 s./semaine), les perspectives de promotion étaient faibles, d’où une grande instabilité de l’effectif et des revendications salariales en 1872 et 1878; cf. MEPO 2/38 : recruiting procedure : Sir Robert Peel’s proposal ; MEPO 2/146 : police pay grievances : requests for increase, Sept-Nov.1872 ; MEPO 2/150 : petitions from divisions for increase, 1878. Cf. Tri Tran. « Les vols dans les docks de Londres au xixe siècle ». Revue Française de Civilisation Britannique, vol. XII.3, Dec. 2003.

46 Entre 1844 et 1848 : environ 500 départs par an; en 1876, 600. Cf. HC 1849 (24) XLIV.479 : number of police constables who have resigned their appointments, 1844-1848 ».

47 Vanity Fair, 18-1-1879 : « The police force going to pieces ».

48 Dans un rapport parlementaire de 1834, un témoin dit avoir vu des policiers boire dans un pub avec un ancien déporté (associé à des cambrioleurs), qui les avait distraits de leur devoir ; q. 3573, p. 275, Mr Briscoe (member of a deputation from the parish of St Luke’s), in : HC 1834 (600) XVI.1 : report of sel.cttee. on police of metropolis.

49 Le 4-10-1833, à St Giles-in-the-Field, les 5 apprentis du bijoutier David Jones arrivent à appréhender John Delaney, Patrick Mahoney et Richard Ryan qui avaient brisé la vitrine le soir peu avant la fermeture. Cf. p. 799, no 1406 (8th session, 17-10-1833), in : Sessions’ Papers, 1832-1833.

50 Emsley 15.

51 Les Sessions’ Papers relatent le cas d’un inspecteur de police, Samuel Rice, témoin du début d’un cambriolage à son propre domicile à Stepney le 6-11-1835, et qui décide de tendre un piège aux voleurs en les laissant entrer pour les arrêter ensuite; cf. p. 4, case no 4 (First jury), Sessions’ Papers, 1835-1836.

52 Mayhew raconte ainsi (p. 341, vol. 4) la planque d’un détective à Westbourne Park, près de Paddington : surpris par les voleurs il se bat contre eux et manque d’être tué par un coup de pied de biche; néanmoins blessé il arrive à arrêter ses deux adversaires. Voir aussi l’Illustrated Police News du 11-4-1874 (p. 2) : « the burglary and attempted murder at Windsor » (raconte la lutte héroïque et victorieuse d’un policier blessé par l’arme du voleur : il est ensuite promu à la 1re classe de son corps). Les Papiers Parlementaires montrent qu’entre 1877 et 1886, 2 policiers furent tués par armes à feu, 13 furent blessés par armes à feu et 11 par armes blanches, au cours de l’interpellation de cambrioleurs. Cf. HC 1887 (190) LXVII.347 : return relating to outrages in metropolitan police districts committed by burglars carrying firearms, 1877-1886.

53 Voir par exemple : Emsley, Clive. The English Police : a Political and Social History. 2nd ed. London : Longman, 1996.

54 Emsley 258.

55 P. 455, in : HC 1834 (600) XVI.1 : report from sel.cttee. on the police of the metropolis. Les récidivistes étaient généralement condamnés à mort ; ex : un certain Thomas Knight, après son 2e cambriolage le 10-9-1833 (il venait de purger une peine de déportation en Nouvelle-Galles du Sud). Cf. p.803, no 1409 (8th session, 17-10-1833) ; in : Sessions’ Papers, 1832-1833.

56 Emsley 23.

57 Mayhew, p. 288, vol. 4. Les Sessions’ Papers contiennent parfois des dépositions détaillées d’enquêteurs de police qui expliquent leurs investigations aux domiciles des voleurs; par exemple l’officier Daniel Forrester qui trouve chez George Coney des papiers relatifs aux préparatifs d’un cambriolage chez le bijoutier Gervase Wheeler; p. 221, in : Sessions’ Papers, 1832-1833.

58 Times du 23-07-1889 : « Letter to the editor ».

59 MEPO 3 / 141 / folios 136-137 : petition to Home Secretary from Whitechapel traders for an increase of police staff in Whitechapel, 15 Oct. 1888.

60 Lettre du chef de la police au Ministre de l’Intérieur, in : PRO HO 144 / 220 / 25-31 : Files re- the Whitechapel murders.

61 Q. 1268 & q. 1271, in : HC 1834 (600) XVI.1 : report from sel.cttee. on police of metropolis.

62 Certains habitants se plaignirent que les policiers ne patrouillaient pas assez dans les rues secondaires (back streets) et que les cambrioleurs passaient par l’arrière des maisons; cf. q. 4038, Mr Thomas Bridge, beadle of the parish of Christ Church ; in : HC 1834 (600) XVI.1.

63 Q. 3652, Thomas G. B. Estcourt, journalist, in : HC 1834 (600) XVI.1.

64 App. 26, p. 263 : « table of criminal law, 25 Edward III to 59 George III », in : HC 1819 (585) VIII.1 : report from sel.cttee. on criminal laws.

65 HC 1819 (585) VIII.1 : report from sel.cttee. on criminal laws.

66 On peut citer par exemple les frais de voyage du plaignant et ses témoins, le coût des ordonnances judiciaires. Or dès 1778 les frais de justice du plaignant furent pris en charge par les cours de justice si l’accusé était reconnu coupable. En 1826 ceci fut étendu aux frais des témoins. En 1836 les frais furent supportés à parts égales par l’État et les autorités locales. En 1846, le gouvernement central assura l’intégralité des remboursements.

67 P. 9, in : HC 1828 (533) VI.1 : report from sel.cttee. on the police of the metropolis.

68 Emsley 252.

69 Ainsi la loi de 1723 (Waltham Black Act, 9 Geo. I, c. 22) fut dirigée contre les petits fermiers et les métayers qui avaient pris l’habitude de tirer parti des commons et des terres inutilisées des grands propriétaires.

70 En fait ces délits renvoyaient à des actes très isolés et très précis, pas vraiment à des catégories de délits distincts.

71 Les homicides au cours de cambriolages furent très peu nombreux au xixe siècle : moins de 5 % des crimes de sang.

72 En fait les condamnés pouvaient solliciter la clémence de la Couronne : au xixe siècle cette possibilité fut très utilisée : entre 1866 et 1881 près de 50 % des condamnés à mort virent ainsi leur peine commuée (en fonction de l’avis du juge et du jury, et des doutes sur la culpabilité) et seulement 20 % furent effectivement exécutés. Cf. RadzinowiczHood 678-679.

73 En 1783, deux cambrioleurs, John Tasker et John Best, échappèrent de peu à la corde : ils commirent leur forfait de nuit, avec effraction et emportèrent les effets d’un certain John Hely. Or, au procès, Hely ne spécifia pas à la cour la valeur de ses biens et ils furent reconnus coupables d’un vol de 39 shillings et condamnés à 7 ans de déportation en Australie. Cf. p. 349, in : Select Criminal Trials.

74 Un cambriolage était passible de la peine de mort si le voleur avait usé de violence ou s’il avait effrayé la victime.

75 P. 13, in : HC 1819 (585) VIII.1 : report from sel.cttee. on criminal laws.

76 P. 10, 85, in : HC 1819 (585) VIII.1 : report from sel.cttee. on criminal laws.

77 App.3, p.140 : « statement of number of persons charged with criminal offences... in cities of London and Westminster and county of Middlesex... » ; in : HC 1819 (585) VIII.1 : report from sel.cttee. on criminal laws.

78 Une possibilité offerte par la loi de 1836. Il faut aussi mentionner la loi de 1903 (Poor Prisoner’s Defence Act). Certains de ces avocats étaient particulièrement doués : un certain John Calbraith fut accusé de cambriolage chez un nommé Richard Payze, mais son avocat démontra qu’il n’y avait eu que tentative d’effraction : « the insertion of an instrument [is] not sufficient; the hand, or a portion of the body must enter » (Reg. V. Calbraith, vol. 73, p. 469), in : Lamb, p. 140-141. C’est la même défense qu’avaient utilisé 3 cambrioleurs (John Hughes, Samuel Gilbert et William Stewart) en 1784 et ils furent acquittés ; cf. p. 461, in : Select Criminal Trials (1810).

79 C’est pourquoi pour Patrick Colquhoun, l’accusation devait être l’affaire de la Couronne et être financée par les taxes.

80 Mayhew, p. 337, vol. 4. Autre témoignage similaire : p. 455, in : HC 1834 (600) XVI.1 : report from sel.cttee. on police of the metropolis.

81 Cf. p. 358-359, Chassaigne (1999) : « principaux textes législatifs traitant des actes de violence, 1803-1911 » : — loi de 1803 (Ellenborough’s Act) : agression à main armée avec intention de tuer : peine capitale. — loi de 1822 : homicide involontaire : déportation à vie ou 3 ans de prison ou amende (le problème ici étant la détermination du type d’homicide). — loi de 1837 : tentative de meurtre + coups & blessures : peine capitale. — loi de 1861 (Offences against the persons Act) : une loi majeure : elle définit mieux les divers degrés d’homicide : homicides volontaires + préméditation : peine de mort; homicides involontaires : 2 ans de prison; tentatives de meurtre : 5 ans au moins de travaux forcés; coups & blessures : 5 ans de prison au plus avec ou sans travaux forcés. Voir aussi : Lamb, p. 13-14 (références des lois votées sous Victoria).

82 On peut citer la Criminal Law Commission de 1833 dont l’objectif était une révision de la loi pénale et la constitution d’un ensemble de textes cohérents. Elle proposa dans son 7e rapport la création de 45 classes de délits avec les châtiments correspondants. Celle de 1845 réduit le nombre de classes à 18 et donna plus de latitude aux juges notamment pour les crimes et délits graves. En 1864 on ne retint plus que 6 classes de crimes et délits, chacun affecté d’un châtiment type : crime & délit contre les personnes, délits contre la propriété commis avec/sans violence, délits volontaires et prémédités contre la propriété, délits de fausse monnaie, autres délits (sédition, rébellion, trahison, émeutes).

83 Après 1838 la peine de mort fut surtout appliquée pour les affaires d’homicides volontaires.

84 Taylor 572.

85 Voir en annexe tableau et . Source : « List of all cases in which the conduct of the prosecution was undertaken by the Director of Prosecutions and carried out in his department or by his agents », in : HC 1887 (119) LXVII.143 : return relating to the prosecution of Offences Acts, 1879 & 1884.

86 HC 1887 (190) LXVII.347 : return relating to outrages in metropolitan police districts committed by burglars carrying firearms, 1877-1886.

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Table des illustrations

Titre Tableau 1. — Quelques exemples de cambrioleurs jugés à la Central Criminal Court en 1886
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Pour citer cet article

Référence électronique

Tri Tran, « La criminalité à Londres au xixe siècle : le cas des cambriolages chez les particuliers »Cahiers victoriens et édouardiens [En ligne], 61 Printemps | 2005, mis en ligne le 08 mars 2024, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cve/14082 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11s95

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Auteur

Tri Tran

Tri Tran est maître de conférences au département d’anglais de l’Université de Tours. Il a publié de nombreux articles dans différentes revues universitaires comme Études Anglaises et Revue Française de Civilisation Britannique. Depuis sa thèse de doctorat (1996, Paris IV), considérée comme un travail pionnier sur les archives du port de Londres au xixe siècle, il poursuit ses recherches sur divers aspects de l’histoire ouvrière au xixe siècle (criminalité, émigration, syndicalisme, socialisme), tout en contribuant régulièrement aux Cahiers Victoriens & Édouardiens.

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