Pierre Bouet, Giorio Otreanto et André Vauchez (dir.), Culte et pèlerinages à saint Michel en Occident. Les trois monts dédiés à l’archange
Pierre Bouet, Giorio Otreanto et André Vauchez (dir.), Culte et pèlerinages à saint Michel en Occident. Les trois monts dédiés à l’archange, Actes du colloque organisé par l’École française de Rome, l’Office universitaire d’études normandes de l’Université de Caen Basse-Normandie et le Centro di studi Micaelici e Garganici de l’Université de Bari, Cerisy-la-Salle et le Mont-Saint-Michel, 27-30 septembre 2000, Rome, École française de Rome (« Collection de l’École française de Rome » 316), 2003, VIII-606 p.
ISBN 2-7283-0670-2.
Texte intégral
1Vingt-huit historiens, onze de langue italienne, les autres de langue française, se sont réunis pour étudier en vingt-cinq communications (trois d’entre elles ont une double signature) l’histoire des principaux lieux de culte et de pèlerinage dédiés à l’archange saint Michel dans l’Europe latine : à partir du Ve siècle, sur le Mont Gargan, dans les Pouilles ; à partir du début du VIIIe siècle, aux confins de la Bretagne et de la future Normandie ; et à partir de la fin du Xe siècle, à la Cluse dans le Piémont. Cet ensemble de communication est précédé par l’édition et par la traduction en italien et en français du récit fondateur de chacun des trois sites ; il est suivi d’un Index des noms de lieux et de personnes, mais non d’une table des figures, tableaux et photographies pourtant nombreux dans le volume, et pour la plupart fort utiles.
2Les multiples points de vue à partir desquels ces hauts-lieux peuvent être étudiés sont pris en compte, avec des accentuations variables d’une communication à l’autre. J’en donne la liste, en rattachant les auteurs à celui qu’ils privilégient, bien que leur développement soit généralement plus complexe et en embrasse plusieurs. La religion se taille évidemment la part du lion, en étant considérée dans ses différentes expressions : théologiques, ecclésiologiques (Germana Gandino), liturgiques, dévotionnelles (Philippe Faure, François Neveux), sociales (Giorgio Otranto, Catherine Vincent), culturelles (Nicole Bériou, Michele d’Arienzo, Dominique Julia, Giampietro Casiraghi, Philippe Contamine, Colette Beaune, Christine Étienne et Vincent Juhel), sans oublier ses rapports avec la politique (Pierre Bouet, Eugenio Susi, Katherine S. B. Keats-Rohan, Jean-Marie Martin). Ne sont pas oubliées l’architecture (Maylis Baylé, Giuseppe Roma, Carlo Tosco), l’histoire de l’art (Pina Belli d’Elia, Juliana Hervieu), l’archéologie (Marco Trotta et Antonio Renzulli, Anne-Marie Flambard Héricher), l’épigraphie (Carlo Carletti) et même la littérature avec Guillaume de Saint-Pair et son Roman du Mont-Saint-Michel (1155 ; Catherine Bougy et Stéphane Laîné). L’ère chronologique est vaste : elle commence donc au Ve siècle avec l’apparition de saint Michel sur le Mont Gargan et conduit en six cents pages jusqu’à nos jours avec le bilan de l’association « Les chemins du Mont-Saint-Michel » et les efforts de celle-ci pour réhabiliter, avec l’appui du Conseil de l’Europe, les anciennes voies des pèlerinages michaeliques.
3Une telle richesse ne peut se résumer en quelques lignes. Dans les limites de ce compte rendu, je m’en tiendrai à la communication qui porte sur le recueil composite (Avranches, BM, ms. 213) réalisé sous l’abbatiat de Pierre Le Roy (1386-1410) et titré Libellus de angelis et hominibus - du moins pour l’auteur de la communication, Philippe Faure ; le même manuscrit apparaît sous le nom de Historiae Montis S. Michaelissur le site web « Enluminures » coproduit par l’IRHT, pour ne rien dire des catalogues de manuscrits. Cette concurrence des titres, que le contenu du manuscrit justifie pleinement, met en lumière l’osmose que ce lieu réalise : la vénération des anges s’y accomplit dans une histoire assumée ; l’angélologie y est inséparable d’une solide attache terrestre.
4En décrivant très précisément la culture du compilateur, les analyses de Philippe Faure ne démentent pas cette double postulation. Elles montent que les références angélologiques du manuscrit vont plutôt à un Grégoire le Grand on ne peut plus pragmatique qu’à un Denys l’Aréopagite si puissamment spéculatif ; et, encore à la fin du XIVe siècle, de telles références prolongent des traditions monastiques séculaires en ignorant le milieu universitaire relativement récent. Philippe Faure inscrit ses analyses dans un courant qui lui tient particulièrement à cœur : l’émergence de l’ange gardien vers la fin du Moyen Âge. Sans doute n’a-t-il pas tort. Mais si l’on se souvient que le commanditaire du manuscrit est aussi le maître d’œuvre des remarquables travaux de fortifications dont l’abbaye se dote et qu’en ces temps de guerre de Cent Ans saint Michel devient le protecteur du royaume de France, il paraît difficile de séparer les fonctions de l’ange gardien de celles de l’archange, la culture de la personne de l’émergence du sentiment national. L’abbaye devient le lieu privilégie où se développe la dialectique des contraires : la conscience de l’identité personnelle est inséparable de celle de l’identité collective, et le connaissance du Même est consubstantielle à la perception de l’Autre.
Pour citer cet article
Référence électronique
Max Lejbowicz, « Pierre Bouet, Giorio Otreanto et André Vauchez (dir.), Culte et pèlerinages à saint Michel en Occident. Les trois monts dédiés à l’archange », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 15 juillet 2008, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/6492 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.6492
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