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2008

Corinne Pierreville, Gautier d’Arras, l’autre chrétien

Bernard Ribémont
Référence(s) :

Corinne Pierreville, Gautier d’Arras, l’autre chrétien, Paris, Champion (« Nouvelle Bibliothèque du Moyen Âge » 55), 2001, 380 p.
ISBN 2-7453-0311-2

Texte intégral

1Gautier d’Arras, c’est indéniable, a souffert de la concurrence de Chrétien de Troyes. Dès le Moyen Âge, c’est le trouvère troyen qui écrase le picard de sa réputation et de son œuvre et la critique postérieure suit le mouvement. On a reproché en particulier à Gautier son « incohérence narrative » (M.-L. Ollier). C. Pierreville a consacré une thèse à cette rivalité (Lyon, 1997) et, dans cet ouvrage, elle propose une étude de Gautier à part entière, afin de dégager l’originalité de cet auteur. Le premier chapitre est dévolu à l’intertextualité dans Ille et Galeron et Eracle, suivi d’une étude des relations intertextuelles avec Chrétien de Troyes. On pourra regretter que cette étude, qui vise à souligner le caractère propre de l’œuvre de Gautier commence ainsi. Sans doute eut-il été préférable de traiter de cette question un peu plus avant dans le texte, après l’analyse proprement dite des œuvres de Gautier. Au fil de l’étude on remarque d’ailleurs que la comparaison revient très souvent, en décalage donc de ce qu’annonce l’introduction. Cette analyse est conduite selon quatre axes : 1) l’espace et le temps ; 2) l’idéal chevaleresque ; 3) la fin’amor ; 4) l’esthétique romanesque, l’accent étant mis sur le 1 et le 3. Nous nous pencherons ici plus particulièrement sur le chapitre V, qui peut apparaître comme le point d’aboutissement des analyses le précédant. Selon C. Pierreville, l’esthétique de Gautier « s’avère nettement différente de celle de son rival ». Trois domaines ont été choisis par l’auteur afin de déterminer cette esthétique : le réalisme, l’humour et la « manière ». Du côté des personnages, Gautier refuse, à quelques exceptions près, de mettre en scène des personnages merveilleux et choisit des personnages proches de la réalité. Dans Ille et Galeron, « alors que son confrère champenois dépeint surtout des chevaliers appartenant à une haute aristocratie, notre poète choisit pour héros un chevalier issu d’une famille modeste » (p. 245). Il « recrute » aussi dans les trois ordres de la société et les « vilains » ont un véritable statut, pouvant même être désignés comme « preudommes » selon leurs qualités morales. Ainsi, le vilain d’Eracle est doué d’une authentique personnalité. Autre trait original : des personnages initialement nobles connaissent la valeur du travail manuel en effectuant des tâches modestes (Cassine et Galeron). Réalisme encore dans la représentation du milieu, de l’espace. Aux procédés rhétoriques, aux descriptions artificielles, Gautier préfère la « peinture de détails précis qui donnent un effet de réel » (p. 251). Les œuvres de Gautier ouvrent donc la voie aux romans dits « réalistes ». Au cours de ses romans, Gautier fait preuve d’un certain humour, visant à faire sourire. Il use pour cela de « procédés aussi différents que le choix d’un vocabulaire pittoresque, de situations amusantes ou de personnages plaisants » (p. 258), jouant sur différents registres, raillerie, sarcasme, ironie. C. Pierreville distingue ici l’analyse des prologues  (A) de l’« aspect didactique » (B).  Ces rubriques de plan me paraissent mal articulées : il me semble qu’au contraire, l’étude des prologues est essentielle dans l’approche de tout ce qui est à vocation didactique au Moyen Âge. Le (C), l’étude de la versification, appelle des remarques analogues. Cette partie est donc assez confuse du point de vue de son organisation et le lecteur s’y retrouve assez mal pour comprendre la démarche de C. Pierreville et ce qu’elle entend démontrer. La conclusion ouvre sur la réception et sur l’influence de Gautier sur des romans « réalistes », mais le lecteur restera sur sa faim en ce domaine. L’étude de C. Pierreville apporte un élément nouveau et intéressant à la connaissance de Gautier d’Arras, et elle est un appel à mieux considérer cet auteur. Elle pèche cependant par quelques défauts d’organisation et par un caractère parfois trop descriptif, qui conduit le lecteur à parcourir les textes de Gautier, mais sans entrer suffisamment au fond de questions essentielles, qui sont bien tracées par l’auteur, mais insuffisamment traitées. On sent peut-être trop l’ombre de Chrétien qui, en dépit de ce qu’annonce C. Pierreville, occupe dans doute une place encore trop importante ici. Ne faudrait-il pas en effet complètement ignorer Chrétien et ne considérer Gautier que dans sa propre démarche ?

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Pour citer cet article

Référence électronique

Bernard Ribémont, « Corinne Pierreville, Gautier d’Arras, l’autre chrétien »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 01 juillet 2008, consulté le 16 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/293 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.293

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Auteur

Bernard Ribémont

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