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2008

Vessela Guenova, La Ruse dans le Roman de Renart et dans les œuvres de François Rabelais

Paola Cordella
Référence(s) :

Vessela Guenova, La Ruse dans le Roman de Renart et dans les œuvres de François Rabelais, Orléans, Paradigme, 2003, 374 p.

Texte intégral

1Véritable étude taxinomique de la ruse textuelle, cet ouvrage nous décrit les différents procédés « déceptifs » mis en acte dans le Roman de Renart et dans l’œuvre de Rabelais, tant au niveau de la narration que de l’écriture au sens large. Le choix des corpus à examiner (dont est exclu le Cinquième Livre en raison de son attribution douteuse à Rabelais) est justifié par la continuité idéologique entre le cycle renardien et le cycle des géants ; continuité assurée par l’importance du symbolisme et de l’ambivalence et par la conception ludique du monde que Rabelais aurait hérité de la culture du Moyen Âge. À la base du parallélisme est la ruse comme principe constitutif, en tant qu’» art de tromper » au sens large et pas nécessairement générateur d’effets comiques.

2Toutefois, les deux corpus étant foncièrement différents, l’analyse ne peut procéder qu’en marquant l’écart entre l’un et l’autre, pour montrer, en conclusion, que l’importance des différents types de ruse est dans les deux corpus inversement proportionnelle. Dans sa classification très détaillée et en partie inspirée des catégories genettiennes, l’auteur distingue la ruse : a) « de comportement », b) « référentielle », c) « intertextuelle » et d) « verbale ».

3La ruse de comportement est le mécanisme structurant du Roman de Renart : la narration est en fait une suite de tours et détours joués dans la plupart des cas par le goupil, qui s’affirme comme modèle de personnage trompeur. En revanche, ce type de ruse, qui contribue au développement narratif, n’est utilisé dans l’œuvre rabelaisienne que par Panurge.

4L’anthropomorphisme et le gigantisme sont par contre les expressions majeures de la ruse référentielle dans le sens où l’interprétation de la réalité extra-littéraire est toujours déformée par la nature particulière des personnages.

5La définition de l’intertextualité « abusive » (cf. tableau p. 199) est plus complexe et s’applique à plusieurs niveaux : a) paratextuel (les prologues des branches renardiennes, ou le pseudonyme décepteur d’Alcofibras) ; b) intratextuel (l’écriture se reflétant elle-même, ce qui apparaît plus nettement dans le Roman de Renart à cause de la reprise des aventures du goupil ; c) au niveau de l’intertextualité au sens strict (citations ou références directes à d’autres ouvrages insérées dans un contexte dévalorisant, celle-ci étant de loin plus développée chez Rabelais ; et enfin d) au niveau de la tradition littéraire des genres qu’il parodient (le Roman de Renart par rapport à la chanson de geste ou au roman courtois ; Gargantua et Pantagruel par rapport aux romans de chevalerie et le Tiers et Quart Livres par rapport aux romans de quête).

6Enfin la ruse verbale – à distinguer du comique verbal –, sous ses différentes formes (jeux de mots, glissement de sens, code fatrasique, matérialisation et objectivation des paroles etc.), est presque absente du Roman de Renart (le mensonge séducteur du goupil se rapproche plutôt de la ruse comportementale), tandis qu’elle représente le principe organisateur de l’œuvre rabelaisienne.

7Certes, le mécanisme de l’illusion trompeuse n’est pas toujours évident à déceler, et la frontière de ses différents domaines souvent floue ; pourtant cette analyse, bien que parfois trop minutieuse, nous offre un cadre exhaustif des variantes de réalisation de la ruse dans les deux corpus, en nous permettant d’apprécier sa valeur esthétique. Par son jeu parodique et son intratextualité, le Roman de Renart se forge une place à part au sein de la littérature universelle. Pareillement, l’œuvre de Rabelais, dans son inépuisable verve linguistique, sous l’égide de la ruse verbale, reste unique en son genre dans la lignée des œuvres « du discours libre ». L’ambivalence ludique et déceptrice constituent donc la vision du monde commune aux auteurs des deux corpus, qui l’ont exprimée dans leur richesse créatrice.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Paola Cordella, « Vessela Guenova, La Ruse dans le Roman de Renart et dans les œuvres de François Rabelais »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 11 juillet 2008, consulté le 16 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/227 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.227

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