Navigation – Plan du site

AccueilPublications en ligneRecensions par année de publication2024Élodie Burle-Errecade, Le Fou d’E...

2024

Élodie Burle-Errecade, Le Fou d’Elsa de Louis Aragon : le sujet médiéval réinventé, 2023

Myriam White-Le Goff
Référence(s) :

Élodie Burle-Errecade, Le Fou d’Elsa de Louis Aragon : le sujet médiéval réinventé, Paris, Champion, 2023, 312 p.

ISBN 978-2-7453-5872-1

Texte intégral

1L’ouvrage est divisé en 6 chapitres, suivis d’annexes et d’une bibliographie. Élodie Burle-Errecade inscrit dès l’introduction son travail dans une perspective médiévaliste « naturelle », puisqu’elle s’appuie sur la « résonance » (p. 9) explicite qu’Aragon met en avant entre son travail et le Moyen Âge dans « La leçon de Ribérac ». Ainsi, par exemple, le trobar clus est « un avatar poétique du mentir-vrai » (p. 10), cher à l’auteur.

2Le chapitre I traite des « Place et enjeux de l’écho médiéval : le lyrisme d’un genre à l’autre ». Il évoque la Grenade médiévale, la référence à la tapisserie ou encore la lecture de La Célestine, tragi-comédie de Fernando de Rojas (1492), pour élaborer une « scénographie médiévale » (p. 19) et reprendre un ethos lyrique (p. 23), non sans opérer « un glissement oriental » (p. 37) et défier la chronologie (p. 38), en élaborant un « double-temps » (p. 39).

3Le chapitre II s’intéresse aux « Questions de genre et de mémoire » : art d’aimer ou art poétique, façon de mêler la théorie à la fiction, enjeux des seuils des œuvres, désignation générique fluctuante… L’auteure rappelle les convergences entre Aragon et Arnaut Daniel : par l’« orchestration de la parole, Aragon instaure un nouveau pacte de lecture et d’écriture » (p. 69). La question du genre induit également celle de sa transgression. Ce que l’on appelle « poésie » est à la fois « sensation », « échange » (p. 83), « mouvement lyrique » (p. 88) ou encore « processus englobant de la création » (p. 91)... en autant de « définitions expérimentales » (p. 92). Pour souligner la singularité d’Aragon, l’auteure la place au regard de celles d’autres poètes comme Eluard, par exemple.

4Le chapitre III, « Récit factuel et fiction dans la fiction : La Célestine ou l’image des subversion et invention génériques », aide à comprendre l’ancrage théorique et l’intertexte privilégié d’Aragon dans le Fou d’Elsa. Il y est question des rapports de l’Histoire et de la fiction et notamment de l’« intérêt pour le brouillage et l’enchevêtrement des discours, problème crucial des catégories génériques » (p. 93). La question du genre se pose particulièrement ici entre théâtre et poème, jusqu’à envisager une supra-généricité (p. 108). Ces réflexions s’appuient sur un « travail de réflexivité poétique », un « métadiscours » (p. 130), présents dans les œuvres.

5Le chapitre IV s’engage « à la recherche du conteur », en demandant « qui vraiment parle ? ». Il y est question du jeu des voix entre auctoritas, auctor et auteur, par exemple. « Le Fou d’Elsa se présente alors comme la poursuite d’une réflexion énonciative de l’auteur, où les instances de discours sont multipliées et poétiquement distribuées » (p. 152) ; cela passe en particulier par le choix d’un lexique médiéval érudit. La voix de « l’auteur-scripteur […] s’infiltre et se dévoile constamment dans la construction poétique et narrative » (p. 154). En outre, « la voix poétique est […] distribuée entre de nombreux personnages » et « l’auteur-personnage [est] bien distinct de l’auteur-narrateur » (p. 169). Nous avons particulièrement apprécié ce chapitre qui mêle utilisation fine des outils d’analyse littéraires et stylistiques et une sensibilité très personnelle à Aragon.

6Le chapitre V, qui évoque « Les figures-personnages qui ‘marche[nt] pêle-mêle avec les songes des siècles désordonnés’ », repose la question de l’auteur et mobilise de nombreuses références médiévales, y compris non-explicites chez Aragon. Le poète s’incarne en amant courtois, en fou d’amour, habité par un chant où se mêlent des voix ancestrales, sur lesquelles s’appuyer comme sur autant de « pilotis » (image récurrente dans l’ouvrage). L’une des références importantes dans ce chapitre est celle d’Arnaut Daniel.

7Le chapitre VI, « Interlocution romanesque et conversation littéraire », explore la « zone dialogique entre les activités d’écriture et de lecture » (p. 221). La dame et le dialogue amoureux entrent dans cette zone.

8La conclusion montre que les « pratiques antérieures de l’auteur » nourrissent l’écriture de l’œuvre « tardive » qu’est Le Fou d’Elsa et qu’une « érudition vertigineuse (…) irradie le discours poétique » (p. 253). « Se construit progressivement une figure du poète […]. Il s’agit, à partir de figures, de fictions ou de mythes fondateurs, comme le Majnûn, Merlin, Lancelot, Robert le Diable, Arnaut Daniel…, de conjoindre des images qui puissent nous aider à appréhender le monde contemporain » (p. 255). « Le Moyen Âge est un détour idéologique et stylistique » (p. 259).

9Le volume contient des annexes : « La Leçon de Ribérac ou l’Europe française » et le « Tableau de classement générique des œuvres d’Aragon ». L’ensemble est suivi d’une bibliographie riche et bien organisée, ainsi que d’index très utiles.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Myriam White-Le Goff, « Élodie Burle-Errecade, Le Fou d’Elsa de Louis Aragon : le sujet médiéval réinventé, 2023 »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 17 septembre 2024, consulté le 12 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/18632 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12b9u

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search