Les Histoires tragiques du xvie siècle – Pierre Boaistuau et ses émules, sous la direction de Jean-Claude Arnould, 2018
Les Histoires tragiques du xvie siècle – Pierre Boaistuau et ses émules, sous la direction de Jean-Claude Arnould, Paris, Classiques Garnier, 2018, 366 p.
ISBN 978-2-406-06833-4
Texte intégral
1« Plus vaste ensemble de narration brève du temps » selon Jean-Claude Arnould dans l’Introduction du volume, les Histoires tragiques du xvie siècle sont en général étudiées ou en fonction des successeurs du siècle suivant ou au gré des auteurs spécifiques qui s’y sont adonnés, et c’est donc un mérite de cet ouvrage rassemblant dix-neuf contributions que d’embrasser un corpus qui va de leur fondation en 1559 par Pierre Boaistuau jusqu’aux avatars de Vérité Habanc et Bégnine Poissenot dans les années 1580, en passant par la collection de François de Belleforest qui prolonge ces derniers.
2Un premier volet envisage les questions éditoriales. Jean-Claude Arnould ouvre lui-même l’ensemble en retraçant l’histoire des premières Histoires tragiques, de leur édition princeps de 1559 à la mort de Boaistuau en 1566. Puis Stephen Bamforth met l’accent sur la seule intervention de l’auteur en la matière, soit l’édition qu’il produit à l’intention d’Elisabeth Ire en 1559, avant que Rosanna Gorris Camos ne déplace le regard vers Turin et l’Italie pour s’attarder sur les versions procurées par la famille de libraires-imprimeurs Farina. Preuve enfin de leur notoriété, les recueils de Boaistuau et Belleforest se voient honorés en 1581 d’un « Thrésor », qu’Anne Réach-Ngô confronte à celui des Amadis.
3Dans un second temps, on s’attarde sur le récit bref et sa fortune. Nora Viet étudie la relation entre le recueil fondateur et le Décaméron de Boccace, avec les Histoires des amans fortunez comme intermédiaires, tandis que Magda Campanini s’attache, quant à elle, à mesurer le déplacement qui s’opère de Bandello à Boaistuau, dans la conception du tragique en particulier. Hervé-Thomas Campangne expose ensuite les métamorphoses que connaît le modèle dans le septième et dernier tome des Histoires tragiques par Belleforest, alors que Thibault Catel revient à Boaistuau mais pour ses Histoires prodigieuses et le goût de la merveille qu’elles manifestent, laquelle vient nuancer leur aspect exemplaire traditionnel au profit d’une mise en valeur du singulier. Enfin, Valerio Cordiner nous conduit à la quatrième histoire de Poissenot et son éloge des voyageurs, en y voyant une « anti-nouvelle contre-humaniste ».
4Un troisième temps est consacré à des questions plus thématiques et éthiques. Philippe de Lajarte rouvre son enquête sur le tragique en une distinction entre « tragique du mal » et « tragique du malheur », qui coïncide plus ou moins avec deux types de récits, de nature criminelle ou à tendance romanesque. Ullrich Langer de son côté montre qu’à la douce équité des nouvelles se substitue l’âpreté de la loi des Histoires tragiques. Les femmes sont alors à l’honneur, femme guerrière de Belleforest sous la plume de Maroua Eudes-Feki, femmes soumises et femmes héroïques de Poissenot sous celle d’Ines Ben Zaied. Pour finir, Tamara Valčić Bulić épouse l’élargissement de la perspective qui est celle de la collection, en examinant les personnages de Turcs et de Chrétiens dans les Balkans chez Boaistuau et Poissenot, mais non sans révéler que subsistent dans ce cas des préoccupations propres aux narrateurs.
5Un dernier temps revient à des aperçus formels, mais sous l’angle spécifiquement rhétorique et stylistique. Le regretté Gérard Milhe Poutingon remarque la remotivation des métaphores de la représentation dans les Histoires tragiques, qui garantit la force de l’exemplarité pour le narrateur et le lecteur. Bruno Méniel identifie quant à lui une influence de la rhétorique judicaire chez Belleforest. Véronique Duché et Gregoria Manzin se centrent sur la sixième des Histoires de Boiastuau, confrontée à son original chez Bandello, et envisagée selon le lexique des émotions qu’elle mobilise. Ce sont les corps mutilés qui retiennent l’attention alors de Justyna Giertnatowska, et les procédés stylistiques qui les expriment en leur donnant force édifiante. Enfin, Pascale Mounier choisit à son tour une Histoire particulière, soit la quatrième de Poissenot, faisant ressortir l’humour qui la caractérise de manière inattendue.
6On le voit, ce parcours fait ressortir à la fois l’évolution et les possibilités d’analyse à géométrie variable d’un corpus foisonnant. Ne prétendant aucunement épuiser les ressources de ce dernier, le volume en suggère au contraire la richesse, et ouvre des voies pour son examen intégral, qui vaut le coup d’être repris selon l’optique ici adoptée.
Pour citer cet article
Référence électronique
Olivier Guerrier, « Les Histoires tragiques du xvie siècle – Pierre Boaistuau et ses émules, sous la direction de Jean-Claude Arnould, 2018 », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 09 août 2024, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/18547 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/125rm
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