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Les festivités joyeuses et leur production littéraire : pratiques parodiques en scène et en textes, en France et en Europe (XVIe-XVIIIe s.)

Rabelais à Leyde au début du XVIIIe siècle

Parodie et collectivité joyeuse dans la Lyste van rariteiten d’Anna Folie
Rabelais in Leiden at the beginning of the eighteenth century. Parody and joyful community in Anna Folie’s Lyste van rariteiten
Paul J. Smith
p. 439-461

Résumés

La Lyste van rariteiten, texte néerlandais anonyme publié entre 1699 et 174, a été écrit sans doute par un groupe d’étudiants de l’université de Leyde. Il s’inscrit dans la tradition parodique du catalogue imaginaire, inspiré par le Pantagruel de Rabelais. L’article vise à contextualiser la Lyste et ses enjeux parodiques et à reconstituer sa création collective et joyeuse.

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Index de mots-clés :

Leyde, éducation, parodie, Rabelais

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Leyde, education, parody, Rabelais
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Notes de l’auteur

Le présent article a été écrit dans le cadre du projet Hybrid Discourses – Transcoding Processes. Literature in the Margins of the Vernacular (1500-1700), financé par la Netherlands Organisation for Scientific Research (NWO). Nous tenons à remercier Dirk Geirnaert et Céline Zaepffel ainsi que le reviewer anonyme de leur lecture critique d’une première version de cet article.

Texte intégral

  • 2 Voir S. Lammers, « De aardigheden van Rabelais in de leugenboeken van Anna Folie », Mededelingen va (...)

1Le propos de cet article porte sur la Lyste van rariteiten (Liste de raretés), un texte néerlandais anonyme, publié en deux volumes, sans indication de la date ni du lieu de sa publication, ni même du nom de l’imprimeur. Certaines références à d’autres textes permettent de le dater, très approximativement, entre 1699 et 17412. Les deux volumes se présentent comme la parodie d’un catalogue de vente aux enchères. Outre un bref poème liminaire, ils consistent, sans autre contextualisation, en une liste typographiquement verticale de lots numérotés, soit respectivement mille lots dans le premier volume et 288 lots dans le second. Ce texte est, selon nous, un bon exemple d’un produit issu d’une culture joyeuse qui cherche à affirmer son identité par le biais de la parodie. Avant d’étudier cette thématique de plus près, il est utile de nous interroger sur la nature générique de ce texte. Dans ce but, commençons par la lecture de sa page de titre, qui indique ce à quoi le lecteur pourra s’attendre :

Lyste van Rariteiten, Die verkocht zullen werden op den 32 van Bokkem-maand, in den Jaren dat tweemaal drie zoo veel doet als driemaal twee. Ten Huyze van Anna Folie. Alwaar dezelve Rariteiten drie dagen na de verkooping van niemand konnen gezien worden. Gedrukt in Arabien, midden op de Zand-zee, in’t vervalle Kasteel van den Razenden Roeland.

« Liste de raretés, qui se vendront le 32 du mois du hareng dans l’année où trois fois deux équivaut deux fois trois, dans la maison d’Anna Folie, où, trois jours après la vente, l’exposition des lots ne sera ouverte à personne. Imprimé en Arabie, au milieu de la Mer Sablonneuse, dans le Château délabré du Roland Furieux. »

  • 3 J. Koopmans et P. Verhuyck, Sermon joyeux et truanderie (Villon – Nemo – Ulespiègle), Amsterdam, Ro (...)
  • 4 M. Bakhtine, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissan (...)
  • 5 F. Rabelais, Œuvres complètes, éd. M. Huchon, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1994, p (...)
  • 6 Selon le décompte de B.C. Bowen, Enter Rabelais Laughing, Nashville-Londres, Vanderbilt University (...)

2La page de titre présente une série d’impossibilia suivant une tradition séculaire que Jelle Koopmans et Paul Verhuyck ont baptisée « néminique3 ». Koopmans et Verhuyck font remonter cette tradition au nom de « Nemo » (Οὖτις) que, dans L’Odyssée d’Homère, se donne Ulysse afin de cacher son identité. Elle est en rapport avec la thématique du « monde à l’envers », dans l’œuvre de Lucien de Samosate (iie siècle après J.‑C.). On retrouve cette thématique chez les auteurs humanistes (Erasme, Thomas More, Rabelais…) ainsi que dans la tradition carnavalesque, étudiée par Mikhaïl Bakhtine4. Plus précisément, en présentant des objets imaginaires sous forme d’un catalogue, la Lyste s’intègre dans une longue tradition qui prend son origine dans le célèbre chapitre 7 de Pantagruel (1532) de François Rabelais, intitulé « Comment Pantagruel vint à Paris : et des beaulx livres de la librairie de saint Victor5 ». En énumérant 42 titres imaginaires (139 dans l’édition « définitive » de François Juste de 15426), ce chapitre fait la satire de la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Victor, monument réputé du savoir médiéval – et produit néfaste de la scolastique, la bête noire de Rabelais humaniste érasmien.

Le genre du catalogue imaginaire

3Le catalogue imaginaire est un genre littéraire extrêmement protéiforme, et par là difficilement définissable. Cette protéiformité générique se montre si on la soumet à un certain nombre de questionnements, dont voici les quatre principaux, qui nous serviront à mieux définir les spécificités de la Lyste van rariteiten en comparaison à celles du catalogue de Rabelais, prototype du genre :

41. Quelle est la catégorie de catalogues sérieux que le catalogue imaginaire parodie ? S’agit-il d’un catalogue de bibliothèque, d’un inventaire de propriété, d’un catalogue de stock de libraire, ou d’un catalogue de vente (aux enchères), qui ont tous leurs propres formats plus ou moins standardisés ? Énumère-t-il, outre les livres, des objets naturels et/ou artificiels, en prenant comme modèle parodié le catalogue d’un musée public ou d’un cabinet de curiosités privé ?

5Dans le cas de Rabelais, ce sont les deux catalogues sérieux de la Bibliothèque de Saint‑Victor, conçus en 1513 et en 1514 par le bibliothécaire Claude de Grandrue, qui semblent être parodiés : le caractère comiquement chaotique du catalogue de Rabelais sert à se gausser de l’ordre strict et logique de ces deux catalogues.

  • 7 Pour une analyse des objets non-livresques du Musaeum clausum de Browne, voir B. Juel‑Jensen, « Mus (...)
  • 8 Voir H.J. Witkam, Catalogues of all the chiefest rarities in the publick Anatomie Hall of the Unive (...)
  • 9 J. Koopmans, « La farce d’un Vendeur de livres », Early Modern Catalogues of Imaginary Books, éd. A (...)
  • 10 Bibliotheca Parliamenti. Libri Theologici, Politici, Historici, qui prostant venales in Vico vulgo (...)
  • 11 B. van Selm, « Een menighte treffelijcke Boecken ». Nederlandse boekhandelscatalogi in het begin va (...)

6La parodie de notre Lyste vise deux autres genres de catalogues sérieux, dont le premier est le catalogue de collection privée ou de musée, qui énumère des objets non-livresques, naturels et artificiels. En effet, si l’énumération rabelaisienne se limite à des livres, notre Lyste contient principalement des raretés non-livresques. L’idée de mettre des objets autres que des livres dans un catalogue imaginaire fait son apparition assez tardivement dans l’histoire du genre : Thomas Browne semble être le premier à les insérer en grand nombre et de manière systématique dans son Musaeum clausum (1684)7. La Lyste semble parodier un catalogue de musée en particulier, celui du Theatrum anatomicum de Leyde, qui depuis 1669 est publié et réédité en plusieurs langues (latin, néerlandais, français et anglais)8. Le second genre de catalogues sérieux parodié par la Lyste est le catalogue de la vente de livres. L’idée de présenter les livres comme s’ils étaient à vendre n’est pas nouvelle : la Farce du Vendeur de livres, contemporain de Pantagruel, met en scène un colporteur qui fait l’éloge de ses livres à vendre9. Cette idée s’impose pour la première fois de façon systématique sous forme de liste dans un catalogue français intitulé Catalogue d’aucuns livres nouveaux traittans d’affaires d’estat, qui se vendront à la prochaine Foire de Francfort (1635) et dans un catalogue anglais, Bibliotheca parliamenti (1653)10, dont le titre précise : « Books to be sold in Little-Brittaine ». Si dans ces cas-là il s’agit des parodies de catalogues de libraires et de foires, la Lyste van rariteiten parodie les catalogues de ventes aux enchères, genre particulièrement fréquent aux Pays-Bas du xviie siècle11.

72. Qu’est-ce qui est précisément réel ou imaginaire dans un catalogue imaginaire : la bibliothèque, la collection et/ou la vente ? Les livres et/ ou les autres objets ? Les auteurs de livres et/ou fabricateurs d’objets ? Le possesseur, l’imprimeur et/ou le vendeur ? … Dans le cas d’un catalogue de livres, un mélange d’auteurs (a) et de titres (b) existants (c) et non‑existants (d) est tout à fait normal. Ainsi, à l’intérieur d’un seul catalogue, les combinaisons ac et bd, ou ad et bd sont fréquentes. Dans la plupart des catalogues ces deux combinaisons sont en coprésence, la combinaison ad et bc étant moins fréquente. Logiquement, la quatrième combinaison ac et bc, omniprésente dans les catalogues de bibliothèques réelles, se rencontre dans les catalogues imaginaires seulement en coprésence des autres possibilités combinatoires.

8En retournant au catalogue de Rabelais et à la Lyste, on constate que la question de l’imaginaire se pose différemment. Chez Rabelais, elle est complexe : la bibliothèque de Saint-Victor est réellement existante, mais présentée sous une forme détournée, comme un lieu dysphorique. Dans la Lyste, par contre, le possesseur des livres n’est pas mentionné, et la localité de la vente est imaginaire, comme le souligne assez lourdement sa page de titre citée plus haut. Quant aux auteurs et aux livres mentionnés, le catalogue de Rabelais et la Lyste se ressemblent en ce qu’ils concrétisent les deux combinaisons susmentionnées ac et bd, et ad et bd : tous les titres sont imaginaires, et les auteurs, s’ils ne sont pas anonymes, sont soit réels soit fictifs.

  • 12 U. Eco, La Vertigine della Lista, Milan, Bompiani, 2009.

93. Quel est le statut littéraire du catalogue imaginaire ? Fait-il partie intégrante d’un contexte narratif, ou est-il écrit et publié de façon plus ou moins autonome et décontextualisée ? Et quant à sa mise en page : est-elle énumération typographiquement horizontale ou liste verticale ? Cette liste est-elle infinie et chaotique (Umberto Eco12), ou finie (numérotée) et structurée ? Et concernant la description des titres individuels, celle-ci est-elle standardisée (comme dans la plupart des catalogues de vente) ou pas ?

  • 13 Voir R. Cappellen et P. J. Smith, « Entre l’auteur et l’éditeur. La forme-liste chez Rabelais », L’ (...)
  • 14 P. Hamon, Introduction à l’analyse du descriptif, Paris, Hachette, 1981, p. 12, cité par M. Jeay, L (...)

10L’idée de présenter les livres typographiquement en une liste verticale plutôt qu’en suivant la forme d’une énumération horizontale ne s’est pas imposée immédiatement dans la première édition de Pantagruel, imprimée par Claude Nourry, mais dans l’édition de Juste, mentionnée plus haut, où la verticalisation de la mise en page semble en fait l’initiative de l’imprimeur plutôt que de Rabelais lui-même13. La verticalité crée un « kyste textuel », tel que le décrit Madeleine Jeay, en citant Philippe Hamon : « un élément étranger, inassimilable, de l’œuvre14 ». Elle observe :

  • 15 Jeay, Le commerce des mots, p. 9.

L’intérêt de l’expression [« kyste textuel »] est de mettre l’accent sur l’effet de rupture produit par l’intrusion d’une liste dans le tissu textuel où elle s’insère. Elle se distingue en cela de la simple énumération qui ne bouscule la linéarité de l’énoncé que lorsqu’elle s’amplifie en accumulation. […] L’essentiel est précisément l’effet de rupture, de présence dans l’énoncé hôte d’un bloc textuel identifiable par son hétérogénéité15.

11La verticalité de la mise en page souligne le statut autonome de Fremdkorper – autonomisation qui se constate tout suite après Rabelais, chez des auteurs comme le Flamand Eduard de Dene, l’Italien Anton Francesco Doni et l’Allemand Johann Fischart, dont les catalogues imaginaires s’inspirent de celui de Rabelais. Depuis lors, la mise en liste verticale des livres énumérés se posera comme la norme du genre – en effet le mot Lyste dans le titre de notre catalogue implique une énumération verticale.

  • 16 Pour ce genre de catalogues, voir D. Werle, Copia librorum. Problemgeschichte imaginierter Biblioth (...)

124. Finalement, quel est le but du catalogue imaginaire : présentation sérieuse d’une idéologie16, parodie littéraire ou satire politique ? Et dans le cas d’un but comique, comment le rire se produit-il : par allusion érudite, par renversement systématique des valeurs dans la tradition du carnaval, ou autrement ?

13Si le catalogue de Rabelais – ses implications parodiques et satiriques, son comique à la fois carnavalesque et humaniste – a été souvent et profondément analysé et problématisé, ce questionnement reste encore sans réponse dans le cas de la Lyste. Le présent article se propose d’y donner une tentative de réponse.

  • 17 J. Koopmans, « La farce d’un Vendeur de livres ».
  • 18 P. Brown, « “Hac ex consilio meo via progredieris”: Courtly Reading and Secretarial Meditation in D (...)
  • 19 Catalogue bilingue (latin-allemand) par Gottfried Wilhelm Leibniz, publié vers 1689 sous le double (...)

14Dans tous les cas mentionnés, les catalogues imaginaires ne parasitent pas seulement certains catalogues sérieux, mais ils prennent exemple aussi sur d’autres catalogues imaginaires et d’autres genres parodiques. Ainsi, Rabelais lui-même semble avoir trouvé son inspiration dans certaines pratiques théâtrales, comme l’a montré récemment Jelle Koopmans17. Si le grand modèle à suivre reste Rabelais, on a tendance à l’oublier au cours du xviie siècle. C’est ce que l’on constate dans les cas célèbres du Catalogus librorum satyricus (connu sous le titre anglais The Courtier’s Library (vers 1604)) de John Donne18, le Catalogus librorum ab auctoribus illustribus de Gottfried Leibniz (1689)19, et le susmentionné Musaeum clausum de Thomas Browne, ainsi que dans le cas moins connu des pamphlets anonymes, publiés en 1672, sous forme de catalogues imaginaires, contre Johan de Witt, homme politique néerlandais.

15Ce n’est pas le cas de notre Lyste : comme nous le verrons, celle-ci n’oublie en effet pas Rabelais, le créateur du genre.

La Lyste van rariteiten : production et lecture joyeuses

16Il est temps de regarder de plus près la Lyste van rariteiten. Cet ouvrage anonyme n’est pas le produit d’un seul auteur, mais probablement d’une collectivité d’auteurs, qui prennent la plume successivement. En effet, la Lyste est composée d’un certain nombre de séries de lots d’inspiration et de qualité littéraire très diverses. Nous y reviendrons.

  • 20 Lyste, II, lot 174 : « quod omne animal sit post Coitum triste excepto Gallo gallinaceo, dat is, da (...)
  • 21 Au sujet des éditions de la Lyste, nos observations sont nécessairement hypothétiques, car, en fait (...)

17Du fait de multiples références à l’Université de Leyde, on peut supposer que les auteurs sont des étudiants de cette ville. Ces références incluent dès lors les problèmes reconnaissables (et atemporels) de la vie étudiante : les conflits avec les autres habitants de la ville et avec la police, et plus spécialement les stoepjes (les gardiens policiers qui s’occupent des étudiants), ainsi que les conflits entre étudiants et propriétaires loueurs de chambres. On trouve aussi la citation moqueuse d’un problème philosophique, tirée de tel manuel sans doute peu apprécié des étudiants20. Les étudiants-auteurs de la Lyste sont sans doute fortunés, pouvant couvrir les coûts d’impression d’une liste d’objets verticalement et spacieusement imprimée en deux volumes, qui, de plus, semble être remise sur le marché, malgré les ventes probablement décevantes de la première édition21.

  • 22 Cette situation n’est pas sans faire penser, mutatis mutandis et toute proportion gardée, à celle d (...)

18Les étudiants anonymes se présentent comme une collectivité : une seule voix de présentateur (ou présentatrice – est-ce Anna Folie ?), parlant à la première personne du singulier22. C’est déjà évident dans le paratexte qui ouvre le premier volume, et qui déploie toute une rhétorique d’inclusion et d’exclusion :

Lezers snakje na wat zwierigs,
Geestigs, koddigs of playsierigs :
Hier is yets tot u geryf
Voortgebracht, tot tydverdryf.
[…]
k Acht Vieshoofden, noch Trekneuzen,
Vitters die het al verkneuzen,
’tGeen dat niet is van haar tand
Wyzen ze maar van der hand.

Willens’ uyt me Kraam niet kopen,
Laat se voor Sint Felten open,
Of naar Rome al haar best;
Want ik lach met al de rest.

Lecteurs, si vous désirez quelque chose
de désinvolte, de spirituel, de comique
ou de plaisant, voici une chose pour
vous plaire et vous faire passer le temps.
[…]
Je n’aime ni les têtes sales, ni les mépri-
sants, ni les dédaigneux qui méprisent
et rejettent tout ce qui n’est pas à leur
goût.

S’ils ne veulent pas acheter les mar-
chandises de ma baraque, qu’ils aillent
à Saint Crapule ou, s’ils préfèrent, à
Rome, car je me moque de tout cela.

19Ce paratexte utilise la même rhétorique d’exclusion et d’inclusion que la célèbre inscription sur la grande porte d’entrée de l’Abbaye de Thélème (Gargantua, chap. 54), dont les apostrophes refusent l’entrée aux lecteurs malveillants (« Cy n’entrez pas Hypocrites, bigotz… », et Rabelais de continuer ces imprécations plusieurs strophes durant) ou, au contraire, adressent une invitation aux lecteurs bienveillants (« Cy entrez vous, et bien soyez venuz… »). La grande différence avec Rabelais réside dans la tonalité de la Lyste, qui est loin d’être polémique ou satirique. En effet, si les références sont souvent actuelles, elles restent apolitiques. Les auteurs ne prennent pas position, sauf dans certaines remarques anti-papales, dont, par ailleurs, la présence n’étonne pas dans une université protestante. La seule référence polémique s’adresse à une personne anonyme qui, dans un pamphlet virulent, s’est attaquée au Haegse Mercurius, l’un des modèles à suivre pour les auteurs de la Lyste (II, lot 210). Cette auto‑représentation tout de même modeste des auteurs de la Lyste comme un collectif joyeux sans prétentions politiques, religieuses ou autres, souligne la place unique que prend la Lyste dans le corpus des catalogues imaginaires, dont la grande majorité est de tonalité satirique et proclame à haute voix un engagement politique ou idéologique.

20Afin de se faire une idée plus précise de l’identité de ces étudiants-auteurs, regardons les titres qui ouvrent le premier volume de la Lyste :

  • 23 Dirk Geirnaert nous a signalé que le mot stoepje signifie aussi perron de la porte. Cette autre sig (...)

1. EEn kleyn oud Hoedje, waarvan de rand niet
boven de twee vingers (ruym gerekend) breed, en
een weynig door de Muyzen beknaagt is, dat het
zelve zoo veel tanden als een zaag heeft ; om zyn
voortreffelykheyt wordende bewaard in een glaze
hoedekas, als hebbende voor dezen een cieraad
geweest op het hoofd van Don Louis de Requesens,
Gouverneur der Spaanse Nederlanden.
2. Een Mantel voor dezen zwart geweest, doch
sedert de dood van Hendrik de III. Koning
van Vrankryk, heeft de zelve tot teyken van
zyne getrouwe diensten, een weynig naar het
blaauw beginnen te trekken, welke couleur
hy met voortgang van tyden, zoo zeer na zich
genomen heeft, dat men nu zou zweren, dat hy
zoo geverft was, zynde van een klep beschaduwt,
die in grote een ganzebort overtreft, en met
een reeks knopen bezet, die (menschelyker wyse
gesproken) na hoender-eyeren gelyken.
3. Een Baktand van Cicero, verwonderlyk
groot en wit, in Zilver beslagen.
4. Een Pistool van Lekkerbeetje, daar
Briauté mé is doorschoten, aan den haan wat
ontranponeert.
5. Een yzer Vorkje, daar Duc d’Alba gemeenlyk
mede at, zoo goed als nieuw, doch wat verroest.

6. Een Kim uyt het Vat,waarin Gerrit van
Velzen, om de Moord aan Graaf Floris begaan,
wierd dood gerold.
7. De Veldslag tusschen Tamerlan en Bajazet,
door een voornaam Meester, in de holligheyt
van een Tabakdoos geschildert.
8. Een eyndje van een Fakkel, op de uytvaart
van Paus Sixtus de V. gebruykt.
9. Een halve Piek van een Leyds Stoepje
23, in
een beroemde Actie tusschen de Heeren Studenten
ontnomen, uytnemend goed om Koffy over te
koken.
10. Een paar Poolse Laarzen van een Mensschen
vel gemaakt, en rondom met allerley zeldsame
Historien beschildert.

Un vieux petit chapeau, dont le bord
n’excède pas la largeur de deux doigts (tout
au plus), et est rongé un peu par les souris,
au point qu’il a autant de dents qu’une scie ;
on le conserve dans une boîte à chapeaux en
verre à cause de sa grande valeur, parce qu’il
a orné la tête de Don Luís de Requesens,
gouverneur des Pays-Bas espagnols.
Un manteau, à l’origine de couleur noire,
mais depuis la mort d’Henri III, roi de
France, il a commencé à tirer vers le bleu,
ce qui est le signe de ses services fidèles.
Au cours des temps, il a tant pris cette
couleur, que maintenant on jurerait qu’il
a été peint. Il a un capuchon qui surpasse
un échiquier en grandeur, et une rangée
de boutons qui ressemblent, si l’on ose
dire, à des œufs de poule.


Une dent molaire de Cicéron, étonnam-
ment grande et blanche, garnie d’argent.
Un pistolet de Lekkerbeetje [friand mor-
ceau], par lequel Briauté a été tué, quelque
peu disloqué au chien.
Une petite fourchette en fer avec laquelle
le Duc d’Albe avait l’habitude de manger,
comme neuve, mais un peu rouillée.

Un cercle venant du tonneau dans lequel
Gérard van Velsen fut roulé à mort pour
avoir assassiné le comte Floris.
La bataille entre Tamerlan et Bajazet,
peinte par un maître important, dans le
creux d’une boîte à tabac.
Le bout d’une torche, utilisée à
l’enterrement du pape Sixtus V.
Une demie pique d’un gardien policier de
Leyde, obtenu lors d’une action célèbre
parmi Messieurs les Étudiants, extrême-
ment bon pour en faire du café.
Une paire de bottes polonaises, faites d’une
peau humaine, et peintes tout autour de
toutes sortes d’histoires rares.

21Ces titres témoignent d’un intérêt spécifique pour l’histoire, en particulier l’histoire nationale (lots 1, 4, 5, 6), mais aussi l’histoire étrangère (lots 2 et 7). Il n’y a qu’un seul lot (lot 9) qui vise à l’actualité – non pas celle des grands événements, mais bien celle de la vie estudiantine de Leyde. Un seul lot enfin se rapporte à la littérature antique (lot 3 : Cicéron). Dans ce début de liste, il ne s’agit pas de livres mais d’objets, qui sont triviaux (lots 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9) et par là relèvent du procédé du travestissement burlesque, ou qui sont laborieusement et excessivement artistiques. Ainsi, le lot 7 semble parodier l’art pictural ou sculptural sur noyaux de cerise, bien connu des cabinets de curiosités, et le lot 10 comporte un haut degré d’horreur, caractéristique des objets exposés au Theatrum anatomicum de Leyde.

22Le goût pour les jeux de mots souvent assez spécieux est également frappant, comme c’est le cas pour les oxymores des lots 5 et 8 : « zo goed als nieuw doch wat verroest » (comme neuf, mais quelque peu rouillé), et « Paus Sixtus de V. » (le Pape Sixtus V).

23La variation thématique qui caractérise cette première dizaine de lots est loin d’être soutenue partout dans le volume. Le volume présente un certain nombre de séries qui sont si différentes les unes des autres qu’elles sont probablement écrites de mains différentes. Certains de ces collaborateurs, par manque de temps, d’inspiration ou de talent, ont recours à des solutions assez faciles. Regardons de plus près les séries principales telles qu’elles se présentent dans l’ordre du livre :

    • 24 Voir Bruggeman, « De datering van de Lyste van Rariteiten ».

    Une série de 36 lots (numéros 96-132) reprend, presque littéralement et sans mention de source, l’énumération des objets du Haegse Mercurius24.

  1. Une série de 64 lots (numéros 260-308) consiste en un ensemble monotone de lots qui commencent tous par « ’t Geraamte van » (« Le squelette de… »). « De Geest van » (« L’esprit de… »), ou « ’t Portrait van … » (« Le portrait de … »). Cette longue série est interrompue trois fois seulement (lots 267, 277, 308). La même personne semble prendre la parole à trois autres reprises dans le premier volume de la Lyste : lots 586-599, 886-897 et 902-906.

  2. À partir du lot 512, plusieurs lots se composent de phrases qui riment : les lots 512, 518, 520, 521, 525, 527, 528 et 529, qui consistent respectivement en 8, 8, 2, 6, 2, 2, 2, 2 phrases rimées. À partir du lot 529, la forme rimée se rencontre régulièrement.

  3. À partir du lot 671, les lots ont tendance à s’étendre. Ainsi les lots 671, 683 et 690 dépassent la longueur d’une page. Cette tendance va de pair avec une croissance du nombre de termes français et de gallicismes. Par exemple, le lot 690 contient les termes suivants : refraicheren, principalijk, empressement, ordinaire, ouvrez vos Coquilles, devotaris, Captieus, Impertinent, Insuffiçant, Irrelevant, bien-venu, decharge.

  4. Une série de 15 lots (numéros 768-782) présente des références aux romans de chevalerie, qui, au xviie siècle, sous forme d’éditions en prose de bon marché, connaissent un regain de popularité (on pense à la bibliothèque bleue, bien connue aussi aux Pays-Bas). C’est surtout le roman Ourson et Valentin qui est cité.

24Afin de montrer la différence par rapport aux premiers lots, citons l’exemple du lot 956, qui présente une recette culinaire sous forme rimée :

  • 25 Coquille pour asti, vin d’Asti ?

956. ’tGeraamte van een Kok, die in zyn leven
delicate spys kon bereyden, ende onder anderen
een kosje zeer delicaat, bestaande in een
     Neusje van een Zalm, gelardeerd met
     Olyven,
     Met Kappers, Atsia, Magnis, Bambous,
     Ansjovis.
     Limasses, Champignons en Siccis Ranarum
     Ovis

Le squelette d’un cuisinier, qui, pendant
sa vie, savait préparer des mets délicats,
parmi lesquels un mets particulièrement
délicat, consistant en un :
     Nez de saumon, lardé avec des olives,
     Avec câpres, atsia [ ?]
25, magnis [ ?],
     bambou, anchois,
     Limaces, champignons et œufs séchés de grenouilles

  • 26 J. Pleyn de Courage, Negotianum Satyricum, of de Quinta Essentia van den Toeback, Maarsdam, Actaeon (...)

25Nous avons affaire ici à un emprunt à un autre texte drolatique, à savoir Negotianum Satyricum, of de Quinta Essentia van den Toeback (1676) par Jean Pleyn de Courage (pseudonyme possible d’un certain Jan van Bergen ( Janus Montanus))26.

26Le dernier lot est d’une toute autre tonalité : il raconte une histoire drolatique et scatologique, consistant en une série d’impossibilia, présentée en une seule phrase longue, alourdie d’un grand nombre d’adjectives déictiques (« de zelve », « voorschrevene », « voornoemde » :

1000. Een groot end Vliegerbot, waar mede
men een Vlieger tot Romen heeft laten opgaan,
en waer aan men 533 dagen, en 6 uren lang
het botvierde, derhalven zond men een ervaren
Matroos na boven, om te zien waar de zelven
Vlieger voleind was, waar op den zelven langs
het touw opklimmende, in de tyd van drie uren
zodanig avanceerde, dat hy met zyn hoofd een
stuk van de Maan stiet, en tegen de zelve, als
tegen de Mars van een Schip opgeklommen zynde,
ging wat rusten van zyn reys ; en alzo hem
de nood dwong om zyn zemelkist te ontlasten,
zettende hy hem met de billen op de neus van de
Maan ter neer, en scheet als doen door het rechter
neusgat ; dat de kruymelen in de tyd vaneen
quarttier-uurs op een Molquerns Oorlog-schip
juist onder de Maan varende, vielen, waar door
het zelve Schip te gronde ging ; ver volgende den
voorschreven Bootsgezel als doen weder langs
het voorschreve touw zyn reys, om de Vlieger te
zoeken ; maar alzo hy het ongeluk had, dat het
voornoemde bot of touw brak, viel in de tyd van
een minuit wel 60 voet diep in de Aarde, waar
op hy vliegens na huis liep, haalde een schop,
en groef ’er zigzelfs wederom uit.

Un long morceau de fil, avec lequel,
à Rome, on a fait voler un cerf-volant.
Après 533 jours et 6 heures de suspension
en l’air, on fit monter un matelot
expérimenté pour voir où se trouvait ce
cerf-volant. Le matelot grimpa le long du
fil pendant trois heures, jusqu’à ce qu’il
casse un morceau de la lune. Il monta
sur la lune, comme s’il grimpait au mât
d’un bateau, il prit un moment de repos,
et pressé du besoin de chier, il s’assit sur
le nez de la lune, et chia à travers le trou
droit du nez, de façon que les étrons tombèrent
un quart d’heure plus tard sur un
navire de guerre de Molwerkum [village
en Frise], qui, par malheur, naviguait droit
au-dessous de la lune, ce par quoi le navire
coula. Continuant son chemin le long du
fil susmentionné à la recherche du cerf-
volant, le susmentionné matelot eut la
malchance que ledit fil rompit, il tomba
en une minute sur la terre, dans laquelle
il s’enfonça plus de 60 pieds, puis il alla
rapidement chez lui pour chercher une
pelle, afin de se déterrer lui-même.

27Le mot final « uit », qui, en Néerlandais, veut dire aussi « fin de l’histoire », termine le premier volume.

28La coprésence de plusieurs séries de lots de longueur, de style, de thématique et de qualité littéraire très différentes permet de distinguer plusieurs personnalités. On s’imagine un petit groupe de quatre ou cinq étudiants au minimum, qui se réunissent à plusieurs reprises. Pour chaque réunion, ces étudiants préparent un certain nombre de lots ; la totalité des lots est fixée à l’avance à 1.000. L’ensemble des résultats est rédigé sans doute par un seul étudiant, qui homogénéise l’orthographe des contributions, et prépare le manuscrit pour l’imprimeur. Il le fait avec soin, parce que le texte contient peu d’inconséquences d’orthographe et d’autres erreurs.

29En ouvrant le second volume, on découvre un autre type d’étudiant, qui s’intéresse aux affaires juridiques et financières et s’exprime dans un jargon de métier, mêlé de termes français, référant régulièrement, mais sans véritable érudition, à la mythologie de l’Antiquité. La tendance à l’anecdote est également remarquable en comparaison avec le début du premier volume. Aussi, les lots y sont-ils beaucoup plus longs. Ainsi, les lots 1 à 5 couvrent non moins de quatre pages, et le lot 3 occupe à lui seul 1½ pages.

30Le second volume apparaît moins comme le produit d’un collectif : on y distingue deux, peut-être trois voix, tout au plus. Autre différence : ce second volume est beaucoup plus un texte à lire qu’un texte à dire. En témoignent les pastiches parodiques de plusieurs formes de correspondance sérieuse, la lettre officielle, la lettre familière, adressée par le fils à son père, la correspondance commerciale, truffée de jargon français, ainsi que la lettre douce, où l’on se moque de l’abus de la métaphore périphrastique, typique du discours amoureux. Citons, comme exemple de la lettre douce parodiée, les métaphores périphrastiques du lot 254 : l’auteur commence par le champ métaphorique du siège d’un château : « les pionniers de vos attraits ont tant creusé les murs de ma liberté que le pauvre opprimé de mon désir est venu se rendre au commandant de votre modestie. » Puis, on change de champ métaphorique en recourant au théâtre : « les acteurs de votre pitié », « la farce de quelque faveur », « les spectateurs de mon amour fidèle ». Ensuite c’est la pêche marine : « les matelots de vos cruautés », « la mer de votre rigueur », « les poissons de la connaissance de mon devoir ».

31On constate donc un développement qui, concernant sa production, va de la collectivité joyeuse du premier volume à une écriture et lecture plutôt individuelles du second volume. Ce développement est confirmé par la liste des proverbes parodiques, qui est ajoutée à certaines éditions du premier et du second volume, et qui forme un tout avec la Lyste van rariteiten, parce que la pagination continue. Plus précisément, il s’agit d’une liste de zeispreuken (wellerismes)¸ c’est-à-dire de proverbes et de locutions détournés de façon ludique, reposant sur l’absurde et qui sont, pour la plupart, construits selon le même modèle syntaxique : locution/proverbe + (dit-il) + et il (action qui contredit la locution ou la tourne en ridicule), du type « J’ai d’autres chats à fouetter (dit Jean), et il battit son chien. » (exemple controuvé). Voici quelques exemples de ces expressions néerlandaises parodiées, extrêmement difficiles à traduire en français :

455. Staagjes an, staagjes an dan breekt de
Lijn niet (sey Gijs) en hy wierd gekielhaalt.


20. Dat smaakt (sey den Boer) en hy at het
pap sijn kind op.
4. Tot weersiens (sey de Blinde).

Doucement, doucement, ne tirez pas trop
sur la ficelle (dit Gijs), et on le fit passer
sous la quille.

C’est bon (dit le paysan), et il mangea
le potage de son enfant.
Au revoir (dit l’aveugle).

32Remarquons que, du point de vue du contenu, ces exemples ne sont pas très représentatifs ; c’est que la plupart des locutions et proverbes cités sont grossièrement érotiques et scatologiques (citons comme exemple typique le numéro 450 : « Mijn dat Visje (sey Lena) en sy haalde een Paling uyt Joris sijn Fuyk » (« Ce poisson est à moi (dit Lena), et elle tira une anguille du verveux de Joris »). Les personnages appartiennent toujours au bas peuple : il s’agit souvent de paysans ou de femmes légères, de gens pauvres, attaqués par les puces, les poux et les morpions – et chose frappante : ces personnages sont assez souvent de nationalité allemande. Souvent aussi, comme dans l’exemple de la cale par-dessous la quille, il s’agit de l’humour de potence, la dernière plaisanterie d’un condamné à mort.

33On remarque que l’auteur anonyme de cette liste de proverbes parle au singulier : « door een liefhebber vergaard », c’est-à-dire « rassemblés par un amateur ». Un tel texte exclut cette production collective joyeuse présente surtout dans le premier volume de la Lyste, et, dans une moindre mesure, dans son second volume.

34La tendance vers une production et une lecture individuelles de la Lyste se constate aussi dans une de ses rééditions, pourvue d’un titre long qui omet toute référence aux premières éditions :

  • 27 La datation de ce livre n’est pas connue. Le STCN (Short-Title Catalogue, Netherlands) le date de « (...)

Catalogus van een curieuse party fraye en nooit te ziene rariteiten en schilderyen. Die verkocht zullen worden ten Huize van Mie Sas en Kruidt, Casteleinesse in den vermaarden Herberg den Valsen en Vlugtende Reider, alwaar dezelve Goederen 13 dagen na de Verkoping van niemand kunnen gezien worden. Uit het Engelsch vertaalt. Rotterdam, Arrenberg en D. Visch27.

« Catalogue d’un lot de belles raretés et peintures, jamais vues avant, qui seront vendues chez Mie Sas en Kruidt, Châtelaine de la célèbre auberge du Chevalier Faux et Fuyant, où, 13 jours après la vente, lesdites choses ne pourront être vues de personne. Traduit de l’anglais. Rotterdam, Arrenberg et D. Visch ».

  • 28 Nederlandsche Letter-courant 43, 29 mai 1759, p. 344. The Monthly Review est un périodique anglais (...)

35L’éditeur ajoute une liste d’une vingtaine d’imprimeurs et de libraires réellement existants. Parmi ces libraires on mentionne Luzac, qui tient boutique à Leyde. Ce livre est sévèrement jugé dans le Nederlandsche Letter-courant (Le Journal littéraire des Pays‑Bas) de 1759, où il est sommairement exécuté en ces termes : « A rhapsody of nonsense, comme diraient les critiques du Monthly Review28 ». Ce n’est sans doute pas une simple coïncidence, puisque l’éditeur du journal se trouve être Elias Luzac de Leyde. : Elias Luzac de Leyde. Quoi qu’il en soit, cette dernière publication confirme que la Liste avait perdu la convivialité et la nature performatrice du premier volume, dans sa première édition.

36Retournons à cette première édition, dans laquelle nous avons noté que les étudiants-auteurs essayent de rompre la monotonie, le taedium, de l’énumération par le biais de l’alternance. Qui plus est, on a l’impression que chaque auteur s’efforce de faire non seulement autrement que son prédécesseur, mais aussi mieux. La liste semble donc être le résultat d’une émulation entre les auteurs – émulation en spéciosité, érudition livresque, humour souvent bêtasse et parfois scatologique. C’est dans ces ruptures émulatives du taedium que Rabelais joue un rôle important. Rabelais entre dans la Lyste par deux voies : par la traduction néerlandaise de Nicholas Jarichides Wieringa et par le journal satirique De Haegse Mercurius.

Avant la Lyste van rariteiten : wieringa29

  • 29 Ce paragraphe et le suivant présentent une version remaniée et traduite en français de P. J. Smith (...)
  • 30 Rabelais, Alle de geestige werken, transl. Claudio Gallitalo ( = Nicholas Jarichides Wieringa), Ams (...)

37Regardons d’abord la traduction de Wieringa, publiée en 1682, sous le pseudonyme de Claudio Gallitalo30. Wieringa a choisi ce pseudonyme bipartite – « Gall- » (« Français ») combiné avec « Italo » (« italien ») –, après s’être spécialisé dans la traduction de ces deux langues. Sa traduction coïncide avec un regain d’intérêt pour les œuvres de Rabelais, publiées par Louis et Daniel Elsevier à Amsterdam en 1663, ainsi que dans de nombreuses éditions pirates. Avec sa traduction Wieringa offre un travail inédit à l’échelle mondiale : bien qu’il ne soit pas le premier traducteur de Rabelais, il est le premier à traduire ses Œuvres complètes, incluant dès lors ses lettres « italiennes » ainsi qu’un grand nombre de paratextes et de commentaires datant du xviie siècle.

38En général Wieringa traduit fidèlement et cela vaut aussi pour l’épisode de la Bibliothèque de Saint-Victor. En effet, on note qu’à la différence de ses prédécesseurs allemand (Johann Fischart, Aller Praktik Großmutter (1572)) et anglais (Thomas Urquhart, traducteur de Gargantua et Pantagruel (1653)), Wieringa ne se laisse pas emporter par le « vertige de la liste » (le terme est d’Umberto Eco), mais qu’il travaille à l’inverse sans élaborer les titres originaux et sans en ajouter de nouveaux non plus. Une autre différence avec ces deux prédécesseurs réside dans le fait qu’il ne cite pas littéralement les titres macaroniques de Rabelais, mais les traduit tous en néerlandais. La seule exception (par ailleurs bien compréhensible) à cette règle concerne le titre intraduisible : « De Anti perïcatametanaperbeugedamfieratibrati[ë]n der dongheeren ». L’omission des titres latins de Rabelais a pour effet que le jeu sur la langue latine et la langue vernaculaire se perd, mais Wieringa fait de son mieux pour compenser cette perte en créant des excentricités linguistiques pleines de paronomasies, ainsi qu’en témoignent les trois titres suivants :

Rabelais
Les cymbales des dames
La martingale des fianteurs
Virevoustatorum nacquettorum per f.
Pedebilletis

Wieringa
De bellen, spellen en vellen der Vrouwen
De krieukrau krawaagje der Beer-steekers
Den haastje wat aagje der waaghalzen door
Frie-Fijstegate

  • 31 Rabelais, Alle de geestige werken, vol. I, p. 67.

39Dans le premier titre les mots « bellen, spellen en vellen » sont onomatopéiques, imitant le son des « cymbales » (« bellen » en néerlandais). Dans le second titre, on a l’impression que Wieringa ne sait pas quoi faire avec le mot martingale. Si ailleurs dans sa traduction, il laisse ce mot non traduit31, il choisit ici en revanche de le traduire par un non-sens néerlandais, basé sur l’allitération et l’assonance, dans lequel la séquence de voyelles /i/, /au/, /a/ montre une ouverture croissante des voyelles, et la répétition des consonnes /kr/ peut être interprétée comme une onomatopée (le mot « krawaagje » dénote quant à lui l’action de gratter). Dans le troisième titre, le latin macaronique et difficilement compréhensible de Rabelais est traduit, une fois de plus, dans un non-sens néerlandais allitératif et assonant.

Avant la Lyste van rariteiten : doedijns et son haegse mercurius

  • 32 Sur Simon van Leeuwen lecteur de Rabelais, voir P. J. Smith, « Rabelais-ontleningen bij Simon van L (...)
  • 33 Sur cet avocat de La Haye, qui, à la fin de sa vie, s’est voué à l’écriture et à la publication de (...)
  • 34 Les numéros (non-paginés) de cette gazette ont été rassemblées en un seul volume en trois parties c (...)
  • 35 Voir P. J. Smith, « Doedijns’ Haegse Mercurius en Rabelais », Mededelingen van de Stichting Jacob C (...)
  • 36 T. Browne, Museum clausum of Bibliotheca abscondita, dans idem, Alle de werken, traducteur anonyme, (...)

40Le catalogue de Rabelais, dans la traduction de Wieringa, n’a pas manqué d’être cité et imité dans les années suivantes. Ainsi, on le trouve dans un roman libertin de Simon van Leeuwen32, intitulé De verliefde reyziger door Vrankryk en Italien (Le voyageur amoureux, parcourant la France et l’Italie) (Amsterdam, 1730), réédité sous le titre De Bedreevene Galant of de Vermakelyke Levensloop van een Hollands Edelman (Le galant expérimenté ou la vie amusante d’un noble hollandais) (1759). Dans ce roman il est question de la bibliothèque du frère Andoulje, qui consiste en 30 titres, dont 18 titres néerlandais sont pris dans la traduction de Wieringa et 12 titres latins sont empruntés directement au texte de Rabelais. La traduction de Wieringa a été aussi utilisée en 1699 dans le Haegse Mercurius (Le Mercure de La Haye), écrit et publié par Hendrik Doedijns (ca. 1659–1700)33. Depuis son premier numéro cette gazette est parue deux fois par semaine dans les deux années complètes de sa publication (7 août 1697-1er août 1699). Seuls onze numéros ont vu le jour dans sa troisième année – le dernier numéro ayant été publié le 9 septembre 169934. Le Haegse Mercurius contient de nombreux emprunts et références à Rabelais que Doedijns lit non seulement dans la traduction de Wieringa, mais aussi directement dans le texte français35. Doedijns insère régulièrement de longues énumérations dans ses textes, toujours imprimées horizontalement et donc jamais en listes verticales en raison du nombre restreint des pages disponibles. Elles comprennent non seulement des livres, mais aussi des objets merveilleux. Il n’est pas impossible que la fusion des choses merveilleuses et des livres fictifs ait été inspirée par le Musaeum clausum de Thomas Browne (traduit en néerlandais en 1688)36, bien que dans les catalogues non-imaginaires, tels que les catalogues de vente (aux enchères), un mélange de livres et d’objets (artificiels et naturels) ne fût pas rare.

  • 37 Haegse Mercurius, 1, 80.
  • 38 Rabelais, Œuvres complètes 871.
  • 39 Haegse Mercurius, 1, 97.
  • 40 Rabelais, Alle de geestige werken, vol. II, p. 8.

41Rabelais est introduit graduellement dans le Haegse Mercurius. Aucun emprunt direct ne lui est fait dans la première énumération de Doedijns37, qui mentionne un certain nombre de « wonderen in de Spullen » (choses curieuses) et qui fait penser vaguement à la description des naturalia imaginaires (parmi lesquels le Phénix) du Pays d’Ouy‑Dire de Rabelais38. La seconde énumération de Doedijns39 a été inspirée par les impossibilia achetés par Pantagruel et ses compagnons dans l’île de Medamothi (Quart Livre, chap. 2–3). On relève donc un emprunt évident cette fois à Rabelais, cité dans la traduction de Wieringa : le « klaeg-lied van Philomela, door haer schoon-of lelyken broeder Tereus verkragt en de tong uytgesneen40 » (« la lamentation de Philomèle, qui a été violée par Térée, son beau-(ou laid)-frère, qui lui a coupé la langue »).

  • 41 Haegse Mercurius, 1, 103.

42La troisième énumération de Doedijns41 comprend le catalogue imaginaire de la bibliothèque de Mercure, le patron de la gazette :

Mercurius, syne Bibliotheecq willende zuyveren van onnutte Boecken, heeft de over-tollige doen verkopen (’t welk selden een teiken van te veel rijkdom is) en alleenlijk maer behouden de volgende :

« Mercure voulant purger sa bibliothèque de tous les livres inutiles, a pu vendre tous les livres superflus (ce qui est rarement un signe de trop grande richesse), à l’exception des livres suivants qui lui sont restés : »

43Cette ouverture est suivie de cinq titres, qui font référence aux livres populaires et aux romans de chevalerie médiévaux, qui, depuis le xvie siècle, continuent à être imprimés dans des versions en prose : « De Histori van Malegys [L’histoire de Maugis], De 4 Heemskinderen [Les quatre fils Aymon], Margrietje van Limburg [Marguerite de Limbourg], De ridder met der Swaanen [Le chevalier au cygne] et Oursson en Valentyn [Ourson et Valentin] ». Doedijns fait suivre ces cinq titres d’une trentaine d’autres aux origines diverses, puis d’un certain nombre de titres d’origine rabelaisienne, dans la traduction de Wieringa, mêlés à des titres de son propre cru mais créés toujours selon la manière de Rabelais. L’énumération se termine par un titre ironique, plein d’auto‑dérision : « En de Haegse Mercurius compleet, seer dienstig om al lachende de fouten te incideren, attenueren en te expelleren » (Et le Haegse Mercurius complet, très utile pour résoudre, atténuer et éliminer les fautes en riant).

Rabelais dans la Lyste

  • 42 Rabelais, Œuvres complètes, p. 22.
  • 43 Rabelais, Œuvres complètes, p. 220.
  • 44 Rabelais, Œuvres complètes, p. 236.

44Bien que Rabelais soit à l’origine du genre du catalogue imaginaire, il est à peu près absent du premier volume de la Lyste, dans lequel nous n’avons trouvé que six références à ses œuvres. Ce qui est remarquable c’est que celles-ci se situent à la fin du volume. Dans un sens donc, elles semblent annoncer la présence massive de Rabelais dans le second volume. Ce n’est qu’au cours du second volume qu’un ou plusieurs des collaborateurs semblent avoir eu l’idée de recourir de façon systématique au texte de Rabelais – ne s’arrêtant par ailleurs pas, et de loin, à son catalogue de la bibliothèque de Saint‑Victor. Cela se constate d’abord dans les lots 45 et 46 du volume II, qui, outre Grandgousier et Gargamelle, citent quelques autres géants rabelaisiens, à savoir Roquetaillade et Croquemouche42. Le lot 51 mentionne un autre géant, celui-ci tiré de Pantagruel : Happemouche43. Le lot 55 mentionne quant à lui un titre de la bibliothèque de Saint-Victor : la « Nonnetje van Poissy in barendsnood44 » (« une nonnain de Poissy estant en mal d’enfant »), prise directement dans la traduction de Wieringa ou indirectement via le Haegse Mercurius de Doedijns. Les emprunts à la bibliothèque de Saint-Victor que l’on trouve dans les lots 56, 58 and 59 ne sont pas redevables à Doedijns, mais viennent directement de la traduction de Wieringa.

45On constate donc que le ou les étudiants, en insérant les citations rabelaisiennes dans la Lyste, suivent l’ordre de leur lecture des Œuvres complètes de Rabelais, qui, on le sait, ouvrent sur Gargantua et continuent par Pantagruel. Cette lecture les mène finalement au lot 61, qui donne la « considerabele Bibliotheecq van Pasquijn en Marforio » (La bibliothèque considérable de Pasquin et Marforio). Ce lot contient une longue série de titres de livres, numérotés et classés en fonction de leur format, suivant ainsi l’exemple des catalogues de vente (aux enchères) : 13 titres en folio, 12 en quarto, 12 en octavo, 16 en « duodecimo et minori Formâ ». La plupart des titres sont basés sur ceux de Wieringa, mais ils s’avèrent sans doute un peu ennuyeux pour les étudiants-auteurs, puisqu’ils les amplifient dans le style des catalogues de vente de livres, comme on peut le voir dès les deux premiers titres (nous avons mis en gras les mots ajoutés) :

1. De Lapsak der Rechten, door Joannes Perverso, met kopere Platen, 2 voll.

« 1. La braguette de la justice, par Johannes Perverso, avec cuivres, 2 vols. »

2. De Sleepschoe der Besluyten, door Giovanni Talmerini. Molquernae 783. 3 voll.

« 2. La pantoufle des décisions, par Giovanni Talmerini. Molkwerum 783. 3 vols. »

46La liste se termine par une parodie des terminaisons habituelles des catalogues de vente aux enchères : la formule habituelle « Enige pakketten met boeken » (quelques parcelles de livres) est transformée en « Eenige Pakketten sonder Boeken » (quelques parcelles sans livres), et ainsi de suite.

47Le Pantagruel reste très présent dans la Lyste, parce que dans le lot 62, nous trouvons une allusion au chapitre 33 de ce livre :

62. Een Extract Authentijcq uyt zeker Boek van de andere Weerelt, geintituleert, Register van alle de Officianten der Elizesche Velden, gebonden in Boks-Parkement, waar in te lesen is, hoedanig de navolgende Personaadjes in de andere Weerelt haar selven aan de Kost helpen, namentlijk :

« 62. Un extrait authentique d’un certain livre de l’autre monde, intitulé Registre de tous les Officiants des Champs Élyséens, reliés en parchemin de bouc, où l’on peut lire comment les personnes suivantes gagnent leur vie dans l’autre monde, à savoir : »

  • 45 Rabelais, Œuvres complètes, p. 322-325.
  • 46 Rabelais, Œuvres complètes, p. 541.
  • 47 Rabelais, Œuvres complètes 578-581.

48Suit alors une liste verticale de 78 personnes numérotées, prises parmi les personnes célèbres aux professions étranges que le personnage rabelaisien Epistemon a rencontrées au cours de son séjour aux Enfers45. Les lots suivants sont également pris dans Rabelais. Toutefois, étant donné que les auteurs anonymes semblent avoir le sentiment d’avoir épuisé leur source Pantagruel, leur attention se concentre désormais sur le Quart Livre de Rabelais (le fait que le Tiers Livre soit ignoré est frappant mais reste inexplicable, d’autant plus qu’il contient de nombreuses et longues listes). On trouve encore deux peintures qui viennent de l’épisode de Medamothi du Quart Livre (lots 66 et 67)46 et le géant Bringuenarilles (lot 71)47. Enfin, dans le lot 72, l’anatomie de Quaresmeprenant est donnée dans une liste de plus de trois pages. Dès lors, Rabelais ne disparaît pas complètement de la Lyste van Rariteiten, mais sa présence se raréfie. Ainsi, les lots 80, 81, 82 présentent les personnages de Gymnaste, de Carpalim et d’Eusthènes dans leurs occupations inutiles lors du calme plat, épisode du Quart Livre. Le lot 90 se rapporte à un autre épisode du Quart Livre, celui des Andouilles, et le lot 95 mentionne le roi Panigon, autre personnage du même ouvrage. On voit donc que l’auteur anonyme ne quitte pas son Quart Livre.

49Et chose intéressante : si les références à Rabelais disparaissent lentement de la Lyste, son influence reste sensible dans le lot 196, où l’on trouve un autre catalogue imaginaire de livres, ordonné selon le format des livres cités (folio, quarto, octavo, etc.), présentant pour chaque format six titres. On remarque aussi l’utilisation de différents caractères pour indiquer les titres, à savoir gothique, roman et italique – tout cela selon les usages des catalogues de libraires et de ventes réels et sérieux.

Conclusion

50La Lyste van rariteiten appartient à une tradition séculaire qui prend son origine dans le catalogue rabelaisien de la bibliothèque de Saint‑Victor. Cette tradition est de nature surtout textuelle et individuelle : en effet, les catalogues fictifs qui en sortent sont toujours des produits textuels d’auteurs individuels. Notre Lyste s’écarte de cette tradition, parce qu’elle est le produit d’une collectivité joyeuse. Celle-ci n’a pas tendance à s’exhiber au grand public des lecteurs extérieurs. Au contraire, elle cherche à s’intérioriser en se cachant dans un anonymat dont aucun des collaborateurs ne semble souhaiter sortir ; c’est pourquoi cette Lyste n’a de cesse de nous intriguer.

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Notes

2 Voir S. Lammers, « De aardigheden van Rabelais in de leugenboeken van Anna Folie », Mededelingen van de Stichting Jacob Campo Weyerman, 12, 1989, p. 8-18, et J. Bruggeman, « De datering van de Lyste van Rariteiten », Mededelingen van de Stichting Jacob Campo Weyerman, 14, 1991, p. 20-22. Il existe plusieurs éditions de la Lyste, avec des différences importantes : voir l’introduction de Marti Roos à son édition numérique publiée sur le site de l’Université de Leyde, Department of Dutch Language and Literature. Notre édition de référence est celle de Roos, basée sur le recueil factice de la Bibliothèque de l’Université de Leyde, qui réunit les deux volumes dans leurs premières éditions (cote UBL 1193 F 15 : 1-2).

3 J. Koopmans et P. Verhuyck, Sermon joyeux et truanderie (Villon – Nemo – Ulespiègle), Amsterdam, Rodopi, 1987, p. 96-106.

4 M. Bakhtine, L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Paris, Galimard, 1970.

5 F. Rabelais, Œuvres complètes, éd. M. Huchon, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1994, p. 235.

6 Selon le décompte de B.C. Bowen, Enter Rabelais Laughing, Nashville-Londres, Vanderbilt University Press, 1998, p. 95.

7 Pour une analyse des objets non-livresques du Musaeum clausum de Browne, voir B. Juel‑Jensen, « Musaeum clausum, or Bibliotheca abscondita. Some thoughts on curiosity cabinets and imaginary books », Journal of the History of Collections 4, 1 (1992), p. 127-140.

8 Voir H.J. Witkam, Catalogues of all the chiefest rarities in the publick Anatomie Hall of the University of Leyden, Leyde, Leiden University Library, 1980.

9 J. Koopmans, « La farce d’un Vendeur de livres », Early Modern Catalogues of Imaginary Books, éd. A.‑P. Pouey-Mounou et P. J. Smith, à paraître.

10 Bibliotheca Parliamenti. Libri Theologici, Politici, Historici, qui prostant venales in Vico vulgo vocato Little-Britain. Classis secunda. Done into English for the Assembly of Divines, Londres, s.n., 1653. Ce pamphlet a été édité par W. Scott dans The Somers Collection of Tracts, vol. 7 (2e éd.), Londres, imprimé pour T. Cadell et W. Davies, etc., 1812.

11 B. van Selm, « Een menighte treffelijcke Boecken ». Nederlandse boekhandelscatalogi in het begin van de zeventiende eeuw, Utrecht, HES, 1987 ; O.S. Lankhorst, « Les ventes de livres en Hollande et leurs catalogues (xviiexviiie siècles) », Les ventes de livres et leurs catalogues xviiexviiie, éd. A. Charron et E. Pacinet, Paris, École des Chartes, 2000, p. 11-26.

12 U. Eco, La Vertigine della Lista, Milan, Bompiani, 2009.

13 Voir R. Cappellen et P. J. Smith, « Entre l’auteur et l’éditeur. La forme-liste chez Rabelais », L’année rabelaisienne, 1, 2017, p. 121-144.

14 P. Hamon, Introduction à l’analyse du descriptif, Paris, Hachette, 1981, p. 12, cité par M. Jeay, Le commerce des mots. L’usage des listes dans la littérature médiévale (xiie xve siècles), Genève, Droz, 2006, p. 9.

15 Jeay, Le commerce des mots, p. 9.

16 Pour ce genre de catalogues, voir D. Werle, Copia librorum. Problemgeschichte imaginierter Bibliotheken 1580-1630, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 2007.

17 J. Koopmans, « La farce d’un Vendeur de livres ».

18 P. Brown, « “Hac ex consilio meo via progredieris”: Courtly Reading and Secretarial Meditation in Donne’s The Courtier’s Library », Renaissance Quarterly, 61, 2008, p. 833-866, et D. Starza Smith, M. Payne, M. Marshall, « Rediscovering John Donne’s Catalogus librorum satyricus », The Review of English Studies, 69, 2018, p. 455-487.

19 Catalogue bilingue (latin-allemand) par Gottfried Wilhelm Leibniz, publié vers 1689 sous le double titre Catalogus librorum ab auctoribus illustribus Sub finem anni 1688. & initio anni 1689. editorum. Verzeichniss der Bücher so von Durchl. Auctoribus Am Ende des 1688. Und Anfang des 1689. Jahres Ans Liecht gestellet worden, s.l., s.n., s.d.

20 Lyste, II, lot 174 : « quod omne animal sit post Coitum triste excepto Gallo gallinaceo, dat is, dat de Haan altijd sijn veren na den slag schud, zijnde even couragieus als voor de Battaille, waar in hy alle dieren surpasseert » (que tout animal est triste après le coït à l’exception du coq, en traduction : que le coq secoue ses plumes après la bataille, étant aussi courageux qu’il était avant la bataille, où il surpasse tous les autres animaux). La liste cite littéralement ce problème philosophique assez connu dans le livre de Georgius Horn, professeur à Leyde : Arca Mosis sive historia mundi, Leyde-Rotterdam, Officina Hackiana, 1668, p. 108.

21 Au sujet des éditions de la Lyste, nos observations sont nécessairement hypothétiques, car, en fait, le statut éditorial (réédition, réimpression, nouvelle émission) des différentes éditions est loin d’être clair, et mériterait une analyse bibliographique approfondie.

22 Cette situation n’est pas sans faire penser, mutatis mutandis et toute proportion gardée, à celle de Louise Labé, qui est, selon l’interprétation de Mireille Huchon, une « créature de papier », une voix (féminine) imaginaire derrière laquelle se cachent plusieurs auteurs (masculins). Voir M. Huchon, Louise Labé : Une créature de papier, Genève, Droz, 2006.

23 Dirk Geirnaert nous a signalé que le mot stoepje signifie aussi perron de la porte. Cette autre signification aurait des conséquences pour la traduction de la dernière partie de la phrase (où la signification précise de la préposition over est problématique), qui pourrait se lire ainsi : « pour y [id est sur ce perron] faire du café ».

24 Voir Bruggeman, « De datering van de Lyste van Rariteiten ».

25 Coquille pour asti, vin d’Asti ?

26 J. Pleyn de Courage, Negotianum Satyricum, of de Quinta Essentia van den Toeback, Maarsdam, Actaeon van Stamme, 1676. La Lyste contient d’autres emprunts à ce texte.

27 La datation de ce livre n’est pas connue. Le STCN (Short-Title Catalogue, Netherlands) le date de « après 1753 », sans doute parce que l’on ne connaît pas de livres imprimés par Arrenberg avant cette date. Dirk Geirnaert nous signale un autre livre anonyme dont, pour le moment, il n’est pas clair si ce livre s’inspire du premier volume de la Lyste ou s’il en est un des modèles : Zardammer Spreeuwen-gezang. Door de verreezene spotter, Amsterdam, Timotheus ten Hoorn, 1707. La tonalité de ce livre est celle d’une production plutôt individuelle.

28 Nederlandsche Letter-courant 43, 29 mai 1759, p. 344. The Monthly Review est un périodique anglais qui est un des premiers à publier des revues d’œuvres.

29 Ce paragraphe et le suivant présentent une version remaniée et traduite en français de P. J. Smith et D. Geirnaert, « Wieringa – Doedijns – Anna Folie – Van Lennep: Dutch Versions of Rabelais’s Library of Saint-Victor », Early Modern Catalogues of Imaginary Books, éd. A.‑P. Pouey-Mounou et P. J. Smith.

30 Rabelais, Alle de geestige werken, transl. Claudio Gallitalo ( = Nicholas Jarichides Wieringa), Amsterdam, Jan ten Hoorn, 1682, 2 vols. Cette traduction est disponible sur le site de l’Université de Leyde, Department of Dutch Language and Literature. Sur Wieringa, voir C.L. Thijssen-Schoute, « N.J. Wieringa, traducteur hollandais de Rabelais », Humanisme et Renaissance, 3, 1936, p. 43-51 ; ead., Nicolaas Jarichides Wieringa. Een zeventiende-eeuwse vertaler van Boccalini, Rabelais, Barclai, Leti e.a., Assen, Van Gorcum, 1939 ; E. E. Kraaijveld et P. J. Smith, « Les premiers traducteurs de Rabelais : Wieringa lecteur de Fischart et d’Urquhart », Éditer et traduire Rabelais à travers les âges, éd. P.J Smith, Amsterdam-Atlanta, GA, Rodopi, 1997, p. 174-194.

31 Rabelais, Alle de geestige werken, vol. I, p. 67.

32 Sur Simon van Leeuwen lecteur de Rabelais, voir P. J. Smith, « Rabelais-ontleningen bij Simon van Leeuwen S.J.Z. », Mededelingen van de Stichting Jacob Campo Weyerman, 12, 1989, p. 91-95.

33 Sur cet avocat de La Haye, qui, à la fin de sa vie, s’est voué à l’écriture et à la publication de son journal satirique, voir R. van Vliet., « Inleiding », in Hendrik Doedijns, De Haegse Mercurius 7 augustus 1697 – 1 februari 1698, éd. R. van Vliet, Leyde, Astraea, 1996, p. 1-81.

34 Les numéros (non-paginés) de cette gazette ont été rassemblées en un seul volume en trois parties correspondant aux trois années de la publication : H. D[oedijns], Haegse Mercurius, behelsende Vermakelijke, Satyrique, Galante, Stigtelijke, Politique, Academische, Emblematique, en andere Reflexien ; Gemaakt op de voorvallen van desen Tijd, La Haye, Gilles van Limburg pour l’auteur, 1698 [1699]. Seconde édition : Amsterdam, Erven J. Ratelband et Comp., 1735. Nous nous référons à l’édition de 1698 en indiquant l’année et le numéro en question.

35 Voir P. J. Smith, « Doedijns’ Haegse Mercurius en Rabelais », Mededelingen van de Stichting Jacob Campo Weyerman, 15, 1992, p. 1–9, et idem, « Hendrik Doedijns en de gekookte sleutels van Rabelais », Mededelingen van de Stichting Jacob Campo Weyerman 20, 1997, p. 24-27.

36 T. Browne, Museum clausum of Bibliotheca abscondita, dans idem, Alle de werken, traducteur anonyme, Amsterdam, Joannes et Gillis Janssonius, 1688, p. 308-316.

37 Haegse Mercurius, 1, 80.

38 Rabelais, Œuvres complètes 871.

39 Haegse Mercurius, 1, 97.

40 Rabelais, Alle de geestige werken, vol. II, p. 8.

41 Haegse Mercurius, 1, 103.

42 Rabelais, Œuvres complètes, p. 22.

43 Rabelais, Œuvres complètes, p. 220.

44 Rabelais, Œuvres complètes, p. 236.

45 Rabelais, Œuvres complètes, p. 322-325.

46 Rabelais, Œuvres complètes, p. 541.

47 Rabelais, Œuvres complètes 578-581.

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Pour citer cet article

Référence papier

Paul J. Smith, « Rabelais à Leyde au début du XVIIIe siècle »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 37 | 2019, 439-461.

Référence électronique

Paul J. Smith, « Rabelais à Leyde au début du XVIIIe siècle »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 37 | 2019, mis en ligne le 01 août 2022, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/17597 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.17597

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Auteur

Paul J. Smith

Université de Leyde

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Droits d’auteur

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