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Les festivités joyeuses et leur production littéraire : pratiques parodiques en scène et en textes, en France et en Europe (XVIe-XVIIIe s.)

La justice de l’abbaye de Maugouvert

XVIe-XVIIIe siècles, Dauphiné, Lyonnais et Savoie
Justice in the Abbeys of Misrule. Sixteenth–eighteenth centuries, Dauphiné, Lyonnais, and Savoie
Jean-Yves Champeley
p. 315-332

Résumés

Au xvie siècle, les abbayes de Maugouvert ont exercé autour de la question du mariage et de la vie conjugale une justice admise par tous. Cette justice parodique reprenait fidèlement les titres et les procédures de la justice étatique. Les hommes de loi ont longtemps contribué à la reconnaissance de cette justice abbatiale avant de la combattre tout en réutilisant à l’occasion la sanction de la chevauchée sur l’âne.

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theatre history, parody, justice, charivari
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Texte intégral

  • 1 J-Y Champeley, « Redevances communautaires sur les mariages et abbayes de la basoche en Savoie (164 (...)
  • 2 A.C. de Chambéry, BB, 15 février 1602. Dans ce document le greffier de la ville de Chambéry emploie (...)
  • 3 C. Expilly, Ensemble plusieurs Arrests & reiglemens notable dudit Parlement (de Grenoble), 5e éditi (...)
  • 4 B. Dominique, « Introduction : État des lieux », La parodie, Seizième siècle, 2, 2006, p. 7-19. Ave (...)
  • 5 Ces correspondances sont connues dès les premiers travaux sur l’abbaye de Maugouvert, voir l’abbé R (...)
  • 6 Notre corpus porte prioritairement sur les archives judiciaires et communales exploitées dans Organ (...)

1En Lyonnais et en Dauphiné, la forme abbatiale dominante est celle de l’abbaye de Maugouvert. En Savoie, c’est l’abbaye de la basoche qui l’emporte1. La variation des vocables qualifiant les abbayes et la plasticité des formes abbatiales sont un vaste sujet que nous ne traiterons pas ici. Pour ces trois provinces, nous nous bornerons à rappeler que les scribes des villes et des villages se limitent parfois à la mention du terme d’abbaye, ou d’abbaye de la ville ou encore d’abbaye des compagnons. Ainsi en 1602, le procureur de la ville de Chambéry précisait en parlant de « l’abbaye de la ville » de cette ancienne capitale du duché de Savoie : « Telle abbaye n’est chose nouvelle y ayant longtemps qu’il y en a heu en la presente ville et autres principales tant de ce pays que hors icelluy2 ». Ces abbayes de Lyonnais, Dauphiné et Savoie sont surtout connues pour leur participation aux grandes festivités urbaines. Ici comme ailleurs, elles ont en leur sein des lettrés qui ont pu produire les récits joyeux et savants. Sans vouloir étudier ici la littérature joyeuse à motif juridique, nous devons rappeler que des arrêts à caractère joyeux sont parfois insérés au sein des corpus judiciaires des plus sérieux. « Ceste honneste licence de plaider des causes grasse […] vous n’en pouvés blasmer l’invention & la coustume. […] Il est bien raisonnable de choisir quelquesfois des suiet ioyeux & agreables3 ». Il est tentant de mettre en évidence la parodie juridique résultant de la correspondance entre un hypertexte issu de la jurisprudence sérieuse et un hypotexte à connotation joyeuse4. Cette complexité de la relation entre ces registres sérieux et joyeux se trouve dans les textes mais aussi dans certaines formes pratiques des rituels et des procédures judiciaires des abbayes. À l’instar de la liturgie de l’Église et de sa parodia sacra, il nous semble intéressant d’observer comment la tradition juridico-judiciaire a su ménager une place aux tribunaux et aux procédures parodiques au cours du xvie siècle5. Les abbayes de Maugouvert constituées en tribunaux parodiques ont parfois laissé les traces écrites témoignant de la réalité de leurs activités circonscrite à la police et à la justice du fait conjugal. C’est ce corpus documentaire à l’échelle de trois provinces de l’espace francophone qu’il nous semble intéressant de reprendre6.

Une organisation parodique reconnue par les instances politiques et juridiques

  • 7 J.‑L. Laffont, « La police de voisinage à la base de l’organisation policière des villes de l’ancie (...)
  • 8 Dans notre espace, seule la ville de Lyon comprend plusieurs abbayes de Maugouvert. Voir J. Rossiau (...)
  • 9 Archives communales (A.C.) de Gap (Hautes-Alpes), BB 17 (1612-1614), fo 608r, conseil général, déce (...)
  • 10 A.C. de Rochegude (Drôme), BB 1 (1545-1602), 1 mai 1551. Même type d’élection dans le village voisi (...)

2Notre espace d’enquête couvre deux provinces au sud-est du royaume de France et la province voisine du duché de Savoie. Dans ces provinces, il existe évidemment une superposition des justices supervisées par le roi ou le duc. Cette organisation est bien décrite par les juristes du temps. Le sommet de cette pyramide judiciaire est aux mains du roi et de son conseil. Il a en-dessous de lui ses parlements, siégeant dans nos trois provinces à Grenoble, à Paris et à Chambéry, pour exercer notamment la justice d’appel. En dessous des parlements, ce sont les justices intermédiaires des bailliages, sénéchaussées et présidiaux qui siègent dans les villes d’importance ou dans de plus petites villes de quelques milliers d’habitants. Enfin, dans les villages et dans les bourgs, les justices locales obéissent déjà à des règles strictes fixées par les légistes des princes. À ce niveau inférieur ou premier de la justice locale, bien des contentieux sont réglés oralement sans laisser de trace écrite. En ville, la nécessité de cette police de proximité amène les chefs des corporations et/ou les dizeniers à régler immédiatement et oralement les affaires qui ne méritent pas d’être couchées par écrit. Ces chefs des quartiers ou des rues sont le plus souvent nommés par les conseils politiques de la ville7. De la même façon, ces conseils municipaux des villes et des villages nomment le plus souvent les abbés8. En Dauphiné comme dans la ville de Gap, l’abbé de Maugouvert peut même siéger épisodiquement et ainsi donner son avis au conseil de ville9. Dans le tout petit village de Rochegude en 1551, le conseil général des habitants nomme les syndics, les répartiteurs de l’impôt mais aussi l’abbé des compagnons, son lieutenant ainsi que le porcher, le chevrier, le garde champêtre, le maréchal-ferrant et le barbier10. Pour toutes ces abbayes, il s’agit toujours de placer à leur tête des hommes sérieux et responsables qui doivent manier l’argent prélevé et dépensé par l’abbaye. Ils doivent aussi exercer cette police et cette justice du fait conjugal de façon joyeuse et pacifique autant que possible.

  • 11 G. Vallier, « La grande abbaye de Dauphiné », Revue du Dauphiné et du Vivarais, 5, 1879, p. 420-432
  • 12 Bibliothèque municipale (B.M.) de Grenoble, R 10258 no 1, fonds Royer, transcription dactylographié (...)
  • 13 Abbé Fillet, « La grande abbaye de Dauphiné », Revue du Dauphiné et du Vivarais, 6, 1879, p. 486-48 (...)

3En Dauphiné, les exemples sont nombreux attestant la supériorité de l’abbé de Grenoble sur les abbés des villes et des villages du Dauphiné. Il est ainsi nommé le grand abbé de Dauphiné et l’abbaye grenobloise est dite la grande abbaye de Dauphiné11. Derrière cela se profile la prétention à former une seule et même organisation provinciale avec des ramifications locales subalternes. Ainsi ces abbés de Maugouvert des villages, des bourgs et des villes du Dauphiné apparaissent parfois dans la nécessité d’obtenir confirmation de leur nomination auprès de l’abbé de la capitale provinciale, Grenoble. L’abbé grenoblois est le plus souvent un homme de loi qui conseille et assiste le cas échéant l’abbé local jusque devant les tribunaux du roi. En 1609, les statuts de refondation de l’abbaye de Vienne prévoient que l’abbé nouvellement élu se fera confirmer par l’abbé grenoblois12. Déjà en 1551, l’abbé de Saint‑Agnan et le Rousset exhibe ses lettres de nomination envoyées par l’abbé grenoblois13. En 1609, à Romans, le corps de ville demande à l’abbé grenoblois de trancher la question de la rétribution possible pour un abbé romanais. Surtout, l’abbé grenoblois est très bien introduit au parlement de la province où il peut intervenir directement ou en appel pour régler les différends survenus dans l’exercice de la police et de la justice du fait conjugal.

  • 14 N. Charbot (1645-1722), Dictionnaire étymologique de la langue vulgaire qu’on parle en Dauphiné, tr (...)
  • 15 J. Le Goff et J.‑C. Schmidt, Le charivari, Actes de la table ronde organisée à Paris (25-27 avril 1 (...)
  • 16 A.D. de l’Isère, B 1025, fo 181, arrêt du Parlement, affaire Beraud / André du Boys, abbé de Malgou (...)
  • 17 Abbé Rouchier, « L’abbaye de Maugouvert », p. 31.
  • 18 Recueil des chevauchées de l’asne faites à Lyon en 1566 et 1578 augmenté d’une complainte inédite d (...)

4Les prérogatives bien connues de l’abbaye de Maugouvert permettent à cette société d’arbitrer le mauvais et le bon gouvert, qui est avant tout compris comme le gouvernement du fait conjugal14. Pour cela, l’abbaye contrôle les mariés qui doivent s’acquitter d’une contribution en argent. Cette somme peut aussi se comprendre comme le prix de l’enrôlement dans l’abbaye communautaire. L’abbaye est la réunion joyeuse de la communauté des mariés et des célibataires instruits ainsi de leurs droits et devoirs. Tout cela est rappelé lors des manifestations de l’abbaye notamment au temps propice du carnaval. L’abbaye lève des contributions renforcées sur les remariés qui subissent le charivari15. Ainsi en 1558, les juges du parlement de Dauphiné condamnent un mari charivarisé à régler, à l’abbaye de Maugouvert de Vienne, l’intégralité du prix de ce charivari. Les magistrats expliquent dans leur arrêt que ce mari « a heu sa part du passe-temps qui se fist par le moyen de l’abbaye16 ». En 1576 dans le bourg de la Voulte, un notaire rédige l’acte d’élection de l’abbaye de Maugouvert ainsi que le tarif des contributions sur les mariages. Il précise que l’abbé et ses officiers ont « pouvoir et puissance de gouverner, administrer, régir et administrer les affaires de ladite abbaye de Maugouvert en toute honnesteté et joyeuseté17 ». L’abbaye organise aussi des barrières ou péages à acquitter pour les filles nouvellement mariées et partant s’installer chez un mari résidant hors du ressort territorial de l’abbaye locale. La police et la justice abbatiales sont encore et surtout connues par l’organisation des chevauchées sur l’âne pour le mari se laissant battre par sa femme. Tout cette police et justice de Maugouvert est réputée suffisamment joyeuse et utile à la constitution d’une bonne société pour que la communauté urbaine puisse se présenter en cet ordre festif devant les hôtes illustres et dans les grandes occasions18.

  • 19 A.C de Bernin (Isère), 4 E 189, no 179. Registres paroissiaux de Bernin contenant deux feuillets in (...)

5Plus prosaïquement, nous possédons certains documents comptables et financiers qui attestent du payement de ces droits de police des mariages, des remariages et des chevauchées sur l’âne. Ainsi dans un petit village de Bernin, proche de Grenoble, l’abbé de Maugouvert de ce lieu a dû récapituler en 1624 toutes les sommes encaissées par lui sur les remariés, sur les filles nouvellement mariées et rejoignant un mari étranger à la paroisse et encore sur les maris ayant bénéficié d’une chevauchée sur l’âne. Le montant de la douzaine de taxes levées entre 1599 et 1624 varie entre dix sols et quatre livres19. Ce sont majoritairement les maris qui les payent à l’abbé. Parmi les douze payeurs, on trouve toutefois un père qui contribue pour sa fille. On dénombre douze taxes sur une période de vingt-cinq ans, soit en moyenne une action abbatiale tous les deux ans.

  • 20 Abbé Rouchier, « L’abbaye de Maugouvert », p. 29-32. Pour les remises prononcées à Besançon en 1470 (...)
  • 21 A. Lacroix, Arrondissement de Valence. À travers l’histoire du canton de Loriol et du Royans, Valen (...)
  • 22 L’origine des masque, mommerie, bernez, et revennez es iours gras de Caresmprenàt, menez sur l’asne (...)
  • 23 A.C de Romans (Drôme), GG 42 (1581-1614) no 100, « S’ensuit le recueil des mariages célébrés en l’a (...)

6Cinq taxes concernent des filles mariées partant s’installer chez un mari extérieur au village. Deux taxes frappent des filles non natives de Bernin mais devant traverser le village le jour de leurs noces pour se rendre de leur lieu de naissance et de mariage vers le village de leur mari. Pour ces deux filles c’est donc un droit de passage par la paroisse et le ressort de l’abbé de Bernin qui est payé. Trois remariés ont payé leur remariage et deux maris battus ont payé leur « chevaucherie » sur l’âne. En vingt-cinq ans avec douze taxes cela ferait en moyenne une action abbatiale tous les deux ans dans ce petit village. Il est possible d’imaginer d’autres manifestations abbatiales chaque début d’année avec des taxes payées en nature sous forme de simple buvette notamment pour les mariés tous deux natifs du lieu ou encore pour les protagonistes trop pauvres et exemptés d’un payement en argent. À la Voulte l’acte notarié rédigé en 1576 précise que l’abbé et les officiers de cette abbaye de Maugouvert doivent avoir « esgard aux facultés des mariés sellon leur pouvoir et faculté de leur bien dot et benefice ou faire telle grace que bon leur semblera20 » . Dans le bourg de Saint-Nazaire en Royans en 1611, les droits de remariage des nommées Cordeil, Drogue et Virrepuis se montent à un barral de vin et le nommé Rivail paye trois livres et un barral de vin muscat pour son quatrième mariage21. Le juge Claude Noirot, dissertant sur les sanctions infligées aux maris, évoque la chevauchée sur l’âne du mois de mai. Il précise que l’amende infligée au mari est « aplicable a l’entretenement du palais des voisines & autres de la troupe ioyeuse […] si bien que divers proces s’en sont feuz instruictz en ces petites buvettes villageoises […]22 ». À Romans, seconde ville de la province de Dauphiné, les curés fournissaient les listes des mariés de l’année pour qu’au moment du carnaval l’abbé vienne demander les droits à tous les nouveaux mariés23.

  • 24 A.D du Rhône, A.C. Saint Forgueux, GG 1 (1543-1552), rajout en dernière page de cette mention.
  • 25 Abbé Rouchier, « L’abbaye de Maugouvert », 1866, p. 29-31.
  • 26 A.C. de Vienne (Isère), BB 15, le 29 avril 1537, liste du 13 février 1537, 9 février 1540.

7Évidemment, cette police des mariages pouvait aussi déboucher sur une justice des maris offensés. Au xvie siècle, cette justice des maris battus était reconnue par tous. Nous pouvons ainsi trouver les traces d’une chevauchée sur l’âne de l’année 1579 consignée après les actes de naissance inscrits par le curé de la paroisse de Saint‑Forgueux24. Dans tous ces cas, il pouvait se produire des refus de payer. Pour réaffirmer ses principes, l’abbaye, par les soins de ses officiers ou dignitaires, faisait homologuer par écrit les tarifs de ces droits par les conseils de la communauté villageoise et urbaine et si nécessaire par devant notaire25. Néanmoins, l’abbaye pouvait être confrontée à des particuliers récalcitrants et mauvais payeurs. Les resquilleurs refusant d’acquitter leurs taxes lors des tournées du carnaval, qui reste le temps par excellence des célébrations nuptiales et des quêtes abbatiales, étaient alors dénoncés par l’abbaye aux autorités municipales. Les abbés fournissaient la liste de ces réfractaires au conseil de la ville comme à Vienne en 1537 et en 154026.

Procédures et titulatures parodiques

  • 27 Abbé Rouchier, « L’abbaye de Maugouvert », p. 29-32.
  • 28 A.D. de l’Isère, B 1025 fo 181, arrêt du Parlement, affaire Beraud / André du Boys, abbé de Malgouv (...)

8Si la question s’envenimait, alors le contentieux pouvait être porté devant la justice supérieure des tribunaux du roi. En 1576, l’acte d’élection de l’abbé du lieu de la Voulte précisait « tous reffusans qui ne vouldront payer aulcune chose a ladite abaye les faire constraindre par devant tous magistrats et courts qu’il appartiendra les poursuivre par toutes rigueurs de justice jusques a sentence deffinitive27 ». Ainsi, la justice du parlement de Grenoble en 1558 est saisie de l’appel de l’abbé de Vienne, soutenu par celui de Grenoble. Le procureur ou avocat du grand abbé de Dauphiné présente donc une requête au parlement afin d’être reçu comme intervenant dans ce procès. Il s’agissait concrètement de contrer un avocat remarié qui avait subi un charivari sans vouloir en acquitter le prix fixé à dix écus. L’abbaye de Vienne avait dépêché « l’huissier de l’abbaye » pour prendre en gage le cheval de l’avocat Béraud qui n’avait payé que quatre écus sur les dix écus que lui demandait l’abbaye de Vienne pour prix de ce charivari. L’abbé de Vienne nommé du Bois, secondé par celui de Grenoble, faisait donc appel au parlement provincial. Il s’agissait de réformer la décision obtenue par l’avocat Béraud auprès de la cour de justice de Vienne qui avait invalidé la saisie du cheval ordonnée par l’abbé viennois. Surtout, devant le parlement son procureur avait prétexté que Béraud était sujet de l’abbaye de la localité voisine de Sainte-Colombe, qui se trouvait sur l’autre rive du Rhône et donc en province du Lyonnais. Rien de tout cela ne lui fut concédé et les juges du parlement de Grenoble concluaient en renvoyant à la décision du grand abbé de Grenoble. Celui-ci avait fait remarquer que « la matière (de ce procès) est de son gibier et juridiction ordinaire […] comme appert par bons et légitimes privilèges octroyés et obtenus par les roys daulphins et vérifiés par la cour de céans28 ». Faisant droit à cette demande les juges décidaient :

Pour le regard de la matiere abbatiale, a renvoyé et renvoie les parties par devant le grand abbé de ce païs de Daulphiné pour y estre procedé comme de rayson et cependant par matiere de provision et sans prejudice des droicts des parties ordonne que ledict Béraud consignera entre les mains dudict du Boys abbé, la somme de dix escus distrait toutefois quatre escus deja payés et sans despans dommages et interests…

9Force est de constater que pendant tout le xvie siècle, les magistrats supervisaient et défendaient le bien-fondé des abbayes de Maugouvert et de leur justice.

10Si l’abbaye était toujours dirigée par un abbé, parfois secondé par un lieutenant ou enseigne dans les villages, les abbayes des bourgs et des villes peuvent distribuer de nombreux titres. Nous pourrions juger hâtivement qu’ils étaient fantaisistes ou même satiriques, alors que bien souvent ils correspondent aussi à des fonctions réelles et sérieuses. À Tain-L’Hermitage en 1599, aux lendemains des troubles, l’assemblée de ce bourg se réunit en présence du lieutenant de la justice locale, pour permettre l’intervention du procureur fiscal de l’abbaye qui est aussi le fils du consul de ce bourg. Il explique que l’abbé a quitté la ville depuis dix-huit ans sans espoir de retour. Il précise plus largement les nécessités de ce rétablissement d’un abbé.

  • 29 A.C. de Tain-l’Hermitage (Drôme), BB 1 (1553-1614), pièce no 16, assemblée de ville du samedi 12 fé (...)

…à cette fin que tant d’abus qui sont commis audit lieu et qui accroissent de jour à autre, soient réprimés, et que la justice et police soient observées de point en point, l’on fasse une eslection d’abbé par devant lequel l’on promettra et jurera de luy obéir en tout et partout. Pour, après ladicte eslection faicte, celui qui sera abbé prestera le serment en tel cas requis, et suivant les statuts et ordonnances delphinales29.

  • 30 A.C. de Chambéry (Savoie), BB 29 (1602-1616), fo 10 ro et vo, délibération « pour l’election de l’A (...)

11Dans ces assemblées urbaines et villageoises, tous pensent que cette justice et cette police joyeuses de l’abbaye sont totalement conformes aux règlements politiques et juridiques anciens sans que l’on puisse toujours retrouver ces textes. En 1558 à Vienne et au parlement de Grenoble, en 1599 à Tain dans le conseil de ville, tout comme en 1608 à Vienne ou en 1602 à Chambéry, les notables et les hommes de loi invoquent toujours ces anciens statuts. Dans cette dernière ville, ces statuts sont ceux donnés à l’abbaye de la ville à la fin du xve siècle par le duc de Savoie30.

  • 31 En région lyonnaise, le corrier est le magistrat chargé de s’occuper de la justice et des affaires (...)

12À Tain pour l’élection du nouvel abbé de 1599, nous possédons une liste complète des dignitaires de l’abbaye. Celle-ci comprend une quarantaine de titulaires. Avec l’abbé et son vicaire général, qui est dans la vie courante le lieutenant de justice de la ville, il y a un grand prieur, un sacristain, un receveur et trésorier général ainsi qu’un contrôleur. Ce comité directeur de six personnes tient les comptes de l’abbaye. Il est renforcé par le personnel judiciaire de l’abbaye qui comprend une douzaine de personnes : un juge, son lieutenant, un procureur fiscal, un secrétaire, un procureur général, un corrier, le substitut du corrier, les conseillers et le chancelier31. Le troisième groupe des dignités abbatiales comprend un doyen, un diacre, un archidiacre, un maître de chœur, un prévôt général, un lieutenant de prieur, un secrétaire de prieur, un grand aumônier, un médecin. Il existe encore quatorze archers venant devant tous les moines qui sont l’ensemble des habitants mariés et tous les novices constitués par les célibataires de ce bourg.

  • 32 A.D de la Drôme, 2 E 276, registre du notaire Terrot, fo 365, « acte de promesse et submission » (3 (...)
  • 33 Des prisons abbatiales « pour rire » mais dans lesquelles peuvent se trouver placés les mauvais pla (...)

13Nous avons vu comment cette police du fait conjugal avait conduit en 1558 l’abbé de Vienne à faire saisir par « l’huissier de l’abbaye » le cheval d’un mauvais payeur. L’abbaye pouvait faire saisir des biens en gage du payement réclamé pour les droits de mariage/remariage ou encore pour les promesses de don non tenues. Pour le village de Saint-Jean-en-Royans en 1587, nous disposons d’un acte notarié passé entre des membres de l’abbaye locale32. Ceux-ci se promettent devant notaire et par acte écrit de financer les musiciens qui feront danser « les chevaliers de l’abbaye » à l’occasion du retour de la paix. Le preneur et payeur des festivités s’engage « à payne de tous despans » et jure sur les livres saints. Le texte initial prévoit qu’en cas de non-paiement, l’affaire soit portée devant la justice royale du bailliage de Saint-Marcellin et de la justice locale de Saint-Nazaire en Royans. Mais le notaire biffe la formule et la remplace par une phrase expliquant qu’en l’absence de payement le donateur pourrait subir « la prise de corps » par l’abbaye avec la précision : « mesme sa personne aux prisons de ladite abbaye ». Ces arrestations et ces prisons locales improvisées attestent la capacité des villageois à organiser la police et la justice de proximité en attendant l’éventuelle résolution du contentieux par les autorités supérieures33.

  • 34 À Romans (Drôme) la rue baptisée « Mathieu de la Drôme » était anciennement nommée la « rue de l’ab (...)

14Avant son crépuscule, l’abbaye de Maugouvert possédait officiellement sa juridiction, marquée par des symboles encore connus de tous. L’ensemble de la communauté se trouvait placée sous le pouvoir de l’abbaye symbolisé notamment par la crosse peinte ou gravée en certains emplacements de la ville, comme au carrefour de Tortorel à Romans34. Le plus grand nombre se soumettait à cette juridiction abbatiale, à son personnel, à ses jugements et à ses sanctions.

La disparition de Maugouvert et la survie des parodies judiciaires

  • 35 Notice sur Louis Garon et la fête du cheval fol, suivie des stances…par Louis Garon, Lyon, Boitel, (...)
  • 36 E. Rabut, Le Roi, l’Eglise et le temple, l’exécution de l’Edit de Nantes en Dauphiné, Grenoble, La (...)

15La fin du xvie siècle et les lendemains des troubles voient la réactivation plus ou moins efficace de certaines de ces abbayes de Maugouvert. Très vite se met aussi en place une première vague de disparition complète ou partielle touchant un grand nombre de villes dès les années 1600-1630. Dans cette première décennie du Grand siècle à Lyon, le poète Jean Garon écrit sur la disparition de Maugouvert35. « Des anciens esbat la joie est abolie ; / on n’entend plus parler de la grande Abbaye / dite de Malgouvert, le monde n’est plus fol / ». En Dauphiné, les statuts rédigés en 1608-1609 à Vienne constituent le chant du cygne de l’abbaye viennoise si active au siècle précédent. L’abbaye romanaise tente de survivre en maintenant une partie de ses activités dans les deux premières décennies du xviie siècle. Comme à Vienne en 1608-1609, à Romans entre 1606 et 1617 ou à Grenoble dans la décennie 1640, nous voyons ces abbayes tenter un aggiornamento entre leurs vieilles pratiques et les directives nouvelles de la Contre-Réforme et de l’État royal. Il s’agit par exemple, pour les abbés, de proposer plus ou moins spontanément de reverser tout ou partie des taxes sur les mariés et les remariés au profit d’œuvres pieuses et non plus de les affecter au financement des banquets et des bals du carnaval. Ces droits sur les mariés ou les remariés pourraient ainsi devenir facultatifs. Dans les modalités pratiques de l’application de l’Edit de Nantes, les représentants de la minorité protestante demandent l’exemption de ces pratiques abbatiales pour leurs coreligionnaires36. Les habits et les insignes de Maugouvert disparaissent à la demande du clergé catholique qui juge immoral l’usage de ces ornements abbatiaux. Ils peuvent dorénavant être clairement dénoncés comme une imitation négative des vêtements et des enseignes ecclésiastiques. Le biographe de l’abbé de Saint-Antoine dénonçait l’abbaye de Maugouvert de Romans en ces termes :

  • 37 Jean de Loyac, Le bon prélat, ou discours de la vie & de la mort de Reverend Père en Dieu Messire A (...)

une société abominable, dans laquelle non seulement la plus part de la ieunesse, mais aussi les hommes mariez s’enroloient. Cette assemblée portoit le nom de l’Abbaye de Maugouvert, dont le Principal ou Supérieur prenoit par dérision, le nom d’Abbé, il estoit revestu d’ornemens Pontificaux, et portoit une Crosse, et tous les Confraires avoient des habits qui n’estoient pas moins injurieux à la Religion Catholique […] au quatriesme mois de son seiour en la ville de Romans tous les Confraires de cette pretendue Confrairie, luy vindrent apporter leur Crosse, leurs Habis, leurs Reglemens, & furent conduicts par luy à leur Archevesque & legitime Pasteur, qui les fist brusler37.

16Dans ce contexte nouveau, voyons ce que deviennent les fonctions parodiques, longtemps connotées positivement, de police et de justice de l’abbaye de Maugouvert.

  • 38 A. Favre (1557-1624), Codex Fabrianus…, Lyon, 1606, dernière édition Turin 1829, p. 67, article « d (...)
  • 39 A.D. du Rhône, 4 B 240 (année 1628).
  • 40 A.D. de la Drôme, B 41, présidial de Valence, no 79, 34 fo (année 1640). J.‑P. Bernard, « La sancti (...)

17Après les troubles des guerres de religion, les justices royales abandonnent leur longue entente avec les juridictions abbatiales. Le juriste Antoine Favre écrit à ce sujet « l’ancienneté de ces coutumes n’emporte pas qu’elles soient éternelles surtout si elles blessent la piété et les bonnes mœurs38 ». Vers 1630 en Dauphiné et Lyonnais nous voyons les tenants de la police et justice de Maugouvert en mauvaise posture face à leurs détracteurs. Les affaires judiciaires se multiplient entre les partisans de ces pratiques abbatiales et les particuliers qui veulent s’affranchir des taxes sur les mariés ou des sanctions aux maris battus. Les documents judiciaires des premières années du xviie siècle signalent le basculement vers un nouvel état d’esprit. Dans le bourg lyonnais de Thizy, le juge local explique aux derniers nostalgiques que le titre de capitaine des enfants de l’abbaye de Malgouvert est interdit par un arrêt du parlement de Paris39. En 1640, un groupe villageois est condamné en première instance pour avoir organisé une « paillade ». La « paillade » consiste à répandre de la paille sur les chemins proches de la maison d’un couple dont la femme était soupçonnée d’avoir battu son mari. Le bien-fondé de cette variante de la chevauchée sur l’âne est plaidé par leur avocat en appel devant le présidial de Valence. Il défend cette pratique en écrivant que tout cela s’est fait sans violence et sans injure « par forme de passe-temps pendant le carnaval dans les formes et coutumes de tous temps pratiquées en ce lieu comme dans d’autres et preuvé par toutes sorte de sociétés civiles. Lesdits appelant n’ayant en cella rien faict de nouveau ny d’extraordinaire40 ». Le grand changement en quelques décennies, c’est que la justice et la police de Maugouvert ne sont plus acceptées par les tribunaux du roi qui prennent alors la défense des individus récalcitrants.

  • 41 C. Talon, « Notes de Folklore extraites de documents des 16e, 17e, et 18e siècles » (Rhône, Ain, Is (...)
  • 42 J.‑P. Bernard, « La sanction coutumière des maris battus… », p. 147-159.
  • 43 A.D. de la Drôme, B 599, no 89-92, plainte et information judiciaires (décembre 1771).
  • 44 B.M. de Grenoble, O/9841, factum judiciaire, Parlement de Grenoble (1785), « Pour les sieurs Pichat (...)
  • 45 B.M. de Grenoble., O/9841, p. 1.

18Pourtant, ce n’est pas la fin de la police des mariages, des charivaris et des chevauchées sur l’âne. Tout cela survivra, plus ou moins clandestinement, jusque tard. La dernière chevauchée sur l’âne en Dauphiné est signalée en 1937 à Dolomieu. Les habitants de ce village ont rapporté à l’enquêteur que cette chevauchée portait le nom de « la baï41 ». À la fin du xviiie siècle, la police des mœurs hors du cadre familial ou religieux ne pouvait être assumée en dernier ressort que par la seule justice royale. Cette dernière se montrait soucieuse de la tranquillité publique. Mais, pour ne prendre qu’un seul exemple de survie des sanctions abbatiales, il faut constater que la lutte contre les chevauchées sur l’âne pour les maris battus était compliquée. Nous connaissons le cas d’une chevauchée sur l’âne à Livron en 177142. Dans ce bourg, une chevauchée violente se déroule avec un mari doublement battu, vraisemblablement d’abord par sa femme puis par ceux qui l’ont attaché sur l’âne43. Ce modeste travailleur, Jean-Louis Richard, obtient le soutien du ministère public en la personne du procureur juridictionnel qui dépose plainte contre les organisateurs de la chevauchée. Ces responsables avaient demandé l’autorisation du consul de Livron. Un homme d’expérience avait en vain expliqué aux organisateurs qu’ils se mettaient dans un mauvais cas s’ils ne pouvaient obtenir l’autorisation des officiers de la communauté. Le consul leur permit « sous conditions qu’ils ne faisoient ni mal ni insulte audit Richard et que s’il leur fit un procès, ils le payeraient ». Après quoi, les participants font chauffer le vin, placent des cocardes à leurs chapeaux et battent la caisse pour assembler la population. Jean-Louis Richard tente de s’échapper après avoir perdu connaissance, il est heureusement délivré de la « populace » par le châtelain. En 1784 à Chatonnay, deux chevauchées sur l’âne pour des maris battus par leurs femmes sont organisées plus pacifiquement par les villageois dirigés par le secrétaire de la communauté. Mais à son tour, ce dernier profite d’une chevauchée. Il goûte assez peu la chose et porte plainte devant la justice de Vienne qui condamne les organisateurs à vingt-quatre livres d’aumône pour les pauvres mais à plus de 350 livres de frais de procès. Ces derniers vont en appel au parlement de Grenoble avec l’avocat Barnave qui fait imprimer un factum ou mémoire de défense44. Il précise que « s’il étoit possible qu’ils fussent coupables, ce soit parce qu’ils sont mariés, qu’ils habitent et qu’ils y sont soumis aux bonnes comme aux mauvaises coutumes du lieu45 ». Aucune référence ici à la lointaine abbaye de Maugouvert. L’invocation des coutumes et des usages a remplacé le souvenir des statuts des abbayes et des reconnaissances anciennes de leur pouvoir de police et de justice. Mais ces chevauchées du village de Châtonnay recouraient aux jugements d’un bailliage fantaisiste de Châtonnay. « Dès l’instant qu’il étoit connu qu’une femme avoit porté des mains impies sur son mari, on le plaignoit, on faisoit contre lui un jugement portant en substance : le prévôt soussigné du bailliage de Châtonnay, somme le mari battu par sa femme, de comparoir aujourd’hui, pour voir exécuter le jugement porté contre lui ». Cette affaire en appel au parlement de Grenoble est jugée le 18 février 1786. Le parlement met hors de cours et de procès les organisateurs de la chevauchée sur l’âne organisée contre le secrétaire greffier de Châtonnay. Dans ce laps de temps, en 1785, le procureur général du parlement de Dauphiné décrit à son subalterne à Romans la marche à suivre pour empêcher les chevauchées.

  • 46 B.M. de Grenoble, Q 4 tome 5, fo 133, copie de la lettre du procureur général du Parlement monsieur (...)

Je suis informé, monsieur, qu’on se propose de faire un attroupement dimanche prochain dans votre ville à l’occasion d’une prétendue querelle entre les mariés Monier, aubergistes. L’un des voisins des Monier se propose de monter sur un âne et de courir ainsi la ville suivis de la multitude. Les attroupements sont non seulement contraires au bon ordre mais encore tendent le plus souvent à mettre la désunion dans les ménages. En conséquence, vous voudrez bien prendre toutes les précautions nécessaires pour empêcher que le scandale ait lieu46.

  • 47 René Favier, « La cérémonie de l’âne en question à la fin du xviiie siècle Veurey-en-Dauphiné, janv (...)

19Mais en janvier 1786 une nouvelle chevauchée contre un mari prétendument battu défrayait la chronique villageoise de Veurey. Elle donnait lieu à un procès au parlement de Grenoble avec la production de plusieurs mémoires judiciaires contradictoires qui étaient ainsi répandus dans le public47. L’avocat rédigeant un des factums de cette affaire mentionnait l’affaire de Châtonnay et citait aussi le récit de la chevauchée lyonnaise de 1566.

  • 48 Cela est encore vrai pour certains charivaris du xixe siècle où maires et gendarmes laissent faire. (...)

20Bien longtemps après la disparation de l’abbaye de Maugouvert, les populations restaient intéressées par ces rituels entourant mariage, remariage et mari battu. Généralement, les responsables de l’ordre collectif dans les villages et les villes ne suivaient pas les interdictions contre le charivari, les quêtes sur les mariés et les promenades sur l’âne48. Il faut une situation extraordinaire ou de grands débordements pour engager des poursuites judiciaires, et notamment que ces pratiques soient mises au service de manifestations séditieuses. Derrière les interdictions générales du charivari et des quêtes sur les mariés qui s’étaient multipliées aux xviie et xviiie siècles, la justice royale des Lumières ne condamnait qu’à des amendes. Et encore fallait-il le plus souvent trouver des circonstances aggravantes comme les vols, les violences caractérisées ou encore une situation critique sur le plan social ou politique. Il serait à mon sens abusif de penser que les élites judiciaires des Lumières rejetaient absolument ces pratiques et notamment la chevauchée sur l’âne. Il est bien possible que la justice officielle et la justice officieuse et parodique aient maintenu une certaine connivence autour de ces sanctions anciennement dévolues à l’abbaye.

  • 49 Félix et Thomas Platter à Montpellier, 1552-1559, 1595-1599. Notes de voyage de deux étudiants bâlo (...)
  • 50 A.D. de l’Isère, B 2206, 15 janvier 1770, arrêt du Parlement de Grenoble. Cet arrêt est publié par (...)
  • 51 P.‑F. Muyart de Vouglans, Les lois criminelles de France dans leur ordre naturel…, Paris, 1780, 883 (...)
  • 52 Lois et constitutions de sa majesté, tome second, Turin, 1729, 505 p et ici p. 224, livre 4, titre (...)
  • 53 A.D. de la Savoie, 2 B 12116 (année 1755), 2 B 10237 (1767), 2 B 10322 (1779), 2 B 10032 (1785). Me (...)
  • 54 F. Brachet, Dictionnaire du patois savoyard tel qu’il est parlé dans le canton d’Albertville […] su (...)

21Car, bien que paradoxalement très ancienne et pas exclusivement réservée aux maris battus, cette forme de sanction restait en usage au siècle des Lumières pour toutes sortes de manquements à la morale du temps49. En 1771, le parlement de Grenoble condamnait une maquerelle à une promenade sur l’âne50. Marie Ferrière monte la tête tournée vers la queue de cet animal avec un écriteau autour du cou, précisant qu’elle est maquerelle publique. Elle fait le tour de la ville ou du quartier et elle est ainsi signalée à tous pour avoir débauché une jeune fille venue de Lyon. Cette décision grenobloise ne doit pas nécessairement être comprise comme un héritage explicite de Maugouvert ou encore comme une curiosité judiciaire. En effet un des principaux traités de jurisprudence publié en 1780 et largement utilisé par les hommes de loi de cette France des Lumières proposait cette sanction dans le cas du maquerellage. Muyard de Vouglans disait que cet usage de la promenade par les rues était réservé aux bigames et polygames et seules les maquerelles devaient être menées à rebours sur l’âne51. L’auteur précisait que ce délit ne méritait pas une instruction criminelle mais seulement une enquête de voisinage menée par le lieutenant de police. Celui-ci n’existe vraiment au xviiie siècle que dans les villes d’importance. Dans les contrées savoyardes voisines du Dauphiné, la législation renouvelée au xviiie siècle ordonnait de faire monter le parjure et le faux témoin à rebours sur l’âne. Ainsi monté et une mitre sur la tête, il devait traverser la ville avec une rame sur l’épaule. Tout cela signifiait à tous l’infamie du comportement qui nécessitait donc de faire des excuses publiques et de partir dix ans aux galères ou au bagne52. Cela fut au moins appliqué à quatre reprises entre 1755 et 178553. À la fin du xixe siècle, un lexicographe savoyard signale l’expression populaire « montâ le borrique » pour qualifier la chevauchée sur l’âne des maris battus encore en usage dans le canton d’Albertville54. Les pratiques judiciaires sérieuses des tribunaux des princes et les sanctions pour rire du peuple se répondent encore longtemps après la disparition de Maugouvert.

  • 55 Sur la longue durée du charivari dans le sud-ouest de la France voir C. Desplat, Charivaris en Gasc (...)
  • 56 Justice populaire, actes des journées de la société d’histoire du droit (25-28 mai 1989), Villeneuv (...)
  • 57 J. Millet, La vénérable abbaye de Bongouvert…, p. 9 et 13.

22Finalement cette police et cette justice des mariés forment une justice parodique qui complète joyeusement la justice officielle. Cette justice de l’abbaye n’existe qu’en relation avec la justice sérieuse qui la reconnait et la soutient au xvie siècle. Il est bien possible qu’elle préexiste et qu’elle soit captée lors de la mise en place de l’abbaye de Maugouvert en un temps qui reste à préciser. Il semble indéniable que cette sanction survive à l’abbaye pendant presque deux ou trois siècles55. La justice parodique de l’abbaye ne serait alors qu’un moment de l’existence de ce que les folkloristes et les juristes appellent, faute de mieux, les justices populaires56. Avec la survie de la sanction de la promenade sur l’âne, la justice officielle conserve une des pièces maîtresses de cette justice parodique de l’abbaye de Maugouvert. Cela peut certainement s’expliquer par la longue efficacité de ce mode parodique pour agir plus efficacement dans la sphère de l’honneur. Jean Millet, poète francoprovençal et secrétaire de la grande abbaye, précisait que les officiers de l’abbaye « sçavon mainteni l’honou de la perrochi » et il rappelait qu’il « vau mieu un po d’honou que d’estre montracu57 ». Nous ne pouvons que constater la grande complémentarité de cette justice parodique du voisinage et des justices supérieures émanant du roi. La première avait l’avantage d’être totalement efficace dans cette question de la surveillance quotidienne de l’honneur conjugal alors que la police ecclésiastique et celle du roi restaient souvent impuissantes à contrôler tous les aspects de la vie des couples. Si cette modalité joyeuse du vivre ensemble est officiellement lentement refoulée à partir du xviie siècle, les codes et les rituels demeurent longtemps vivaces.

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Notes

1 J-Y Champeley, « Redevances communautaires sur les mariages et abbayes de la basoche en Savoie (1640-1780) », le témoignage des petites justices, L’honnête homme, l’or blanc et la pomme d’or. Mélanges en l’honneur du professeur Alain Becchia, publication 2016, Chambéry Éditions de l’université de Savoie Mont Blanc, p. 397-419.

2 A.C. de Chambéry, BB, 15 février 1602. Dans ce document le greffier de la ville de Chambéry emploie aussi le terme d’abbaye de la basoche.

3 C. Expilly, Ensemble plusieurs Arrests & reiglemens notable dudit Parlement (de Grenoble), 5e édition, Lyon, S. Rigaud, 1631, p. 52 : huitième plaidoyer, le mardy jour de la cessation du Parlement avec les Cendres, de l’an 1605, « si un enfant nay six mois apres le mariage consommé, etant viable est tenu pour legitime ». Pour ces causes grasses voir notamment M. Bouhaïk-Gironès, Les clercs de la Basoche et le théâtre politique (Paris, 1420-1550) Paris, Champion, 2007, 309 p.

4 B. Dominique, « Introduction : État des lieux », La parodie, Seizième siècle, 2, 2006, p. 7-19. Avec notamment l’appel à sortir du textuel pour tenter une approche interdisciplinaire du phénomène parodique.

5 Ces correspondances sont connues dès les premiers travaux sur l’abbaye de Maugouvert, voir l’abbé Rouchier, « L’abbaye de Maugouvert », 3, Bulletin de la société des sciences naturelles et historiques de l’Ardèche, 1866, p. 19-40.

6 Notre corpus porte prioritairement sur les archives judiciaires et communales exploitées dans Organisation et groupes de jeunesse dans les communautés d’entre Rhône et Alpes (xvie-xviiie siècles), thèse de doctorat, Université Lyon II, 2010.

7 J.‑L. Laffont, « La police de voisinage à la base de l’organisation policière des villes de l’ancienne France », Annales de la recherche urbaine, 83-84, 1999, p. 23-30.

8 Dans notre espace, seule la ville de Lyon comprend plusieurs abbayes de Maugouvert. Voir J. Rossiaud, « Fraternités de jeunesse et niveaux de culture dans les villes du Sud-Est à la fin du Moyen Âge », Cahiers d’Histoire, 1976, p. 67-102, avec la précision de « six abbayes de Maugouvert et en dessous des organisations de quartier ou de rue ». Article repris dans Jacques Rossiaud Lyon 1250-1550 : Réalités et imaginaires d’une métropole, textes réunis par J.‑L. Gaulin et S. Rau, Seyssel, Champ Vallon, 2015, 512 p.

9 Archives communales (A.C.) de Gap (Hautes-Alpes), BB 17 (1612-1614), fo 608r, conseil général, décembre 1613.

10 A.C. de Rochegude (Drôme), BB 1 (1545-1602), 1 mai 1551. Même type d’élection dans le village voisin de Tulette 1er mai 1553. A.C.  de Tulette, BB1 (1550-1567), 1er mai 1553.

11 G. Vallier, « La grande abbaye de Dauphiné », Revue du Dauphiné et du Vivarais, 5, 1879, p. 420-432.

12 Bibliothèque municipale (B.M.) de Grenoble, R 10258 no 1, fonds Royer, transcription dactylographiée d’un acte dressé par le notaire Vieulx à Vienne (1609).

13 Abbé Fillet, « La grande abbaye de Dauphiné », Revue du Dauphiné et du Vivarais, 6, 1879, p. 486-489.

14 N. Charbot (1645-1722), Dictionnaire étymologique de la langue vulgaire qu’on parle en Dauphiné, trois tomes manuscrits des années 1715-1721, publié par H. Gariel, Bibliothèque historique et littéraire du Dauphiné, tome IV, Grenoble, Allier, 1885, p. 100 et p. 153.

15 J. Le Goff et J.‑C. Schmidt, Le charivari, Actes de la table ronde organisée à Paris (25-27 avril 1977), Paris / La Haye / New York, Mouton, 1981, 444 p. N.Z. Davis, Les cultures du peuple. Rituels, savoirs et résistances au xvie siècle, Paris, Aubier, 1979, 444 p.

16 A.D. de l’Isère, B 1025, fo 181, arrêt du Parlement, affaire Beraud / André du Boys, abbé de Malgouvert de Vienne (15 février 1558). Copie réalisée par E. Pilot de Thorey déposée à la B.M.G, R7906, no 14. Nous soulignons ce terme de « passe-temps » ou de « réjouissance » qui est encore utilisé en 1641 pour qualifier la paillade ou le charivari de Meyras jugé au présidial de Valence en 1641.

17 Abbé Rouchier, « L’abbaye de Maugouvert », p. 31.

18 Recueil des chevauchées de l’asne faites à Lyon en 1566 et 1578 augmenté d’une complainte inédite du temps sur les maris battus par leurs femmes, Lyon, N. Scheuring, 1862, 48 et 33 p. J. Millet, La vénérable abbaye de Bongouvert de Grenoble, sur la reiouyssance de la paix, & du mariage du Roy, À Grenoble, imprimerie d’André Gales, Imprimeur, 1660, 20 p.

19 A.C de Bernin (Isère), 4 E 189, no 179. Registres paroissiaux de Bernin contenant deux feuillets intitulés « Estat et parcelle au vray de ce que François Rochas Abbé de Malgouvert en la paroisse de Bernin en ceste qualité a receu des cy apres nommés ».

20 Abbé Rouchier, « L’abbaye de Maugouvert », p. 29-32. Pour les remises prononcées à Besançon en 1470 et en 1480, voir M. Grinberg, « Charivaris au Moyen Âge et à la Renaissance, condamnation des mariages ou rites d’inversion du temps ? » in J. Le Goff et J.‑C. Schmidt, Le charivari, p. 143.

21 A. Lacroix, Arrondissement de Valence. À travers l’histoire du canton de Loriol et du Royans, Valence, 1922, p. 89.

22 L’origine des masque, mommerie, bernez, et revennez es iours gras de Caresmprenàt, menez sur l’asne a rebours & Charivary. Le iugement des anciens Peres & Philosophes sur le subiect des Masquarades, le tout extrait du livre de la mommerie de Claude Noirot Iuge en la mairie de Lengres, Lengres, par Iehan Chauvetet imprimeur et libraire iuré, 1609, in-8o, 148 p et ici p. 64.

23 A.C de Romans (Drôme), GG 42 (1581-1614) no 100, « S’ensuit le recueil des mariages célébrés en l’an 1598 commençant le premier janvier ». Archives départementales (A.D.) 26, E 3797, « Mandat de 3 écus pour trois chapeaux donnés aux curés qui tiennent comptes des mariages (1594). Don de chapeau au cocuré (17 novembre 1590) » et « recueil des mariages célébrés dans l’église Saint-Barnard en l’année 1596 par moy, Michel Marin Grenier ».

24 A.D du Rhône, A.C. Saint Forgueux, GG 1 (1543-1552), rajout en dernière page de cette mention.

25 Abbé Rouchier, « L’abbaye de Maugouvert », 1866, p. 29-31.

26 A.C. de Vienne (Isère), BB 15, le 29 avril 1537, liste du 13 février 1537, 9 février 1540.

27 Abbé Rouchier, « L’abbaye de Maugouvert », p. 29-32.

28 A.D. de l’Isère, B 1025 fo 181, arrêt du Parlement, affaire Beraud / André du Boys, abbé de Malgouvert de Vienne (15 février 1558) et copie par E. Pilot de Thorey déposée à la B.M.G., R 7906, no 14.

29 A.C. de Tain-l’Hermitage (Drôme), BB 1 (1553-1614), pièce no 16, assemblée de ville du samedi 12 février 1599, citation d’après la version publiée par monseigneur Bellet, Bulletin de la société d’archéologie et de statistique de la Drôme, 1866, p. 337-339.

30 A.C. de Chambéry (Savoie), BB 29 (1602-1616), fo 10 ro et vo, délibération « pour l’election de l’Abbé de la ville ».

31 En région lyonnaise, le corrier est le magistrat chargé de s’occuper de la justice et des affaires temporelles d’un évêque ou d’un archevêque. Voir le site du CRNTL.

32 A.D de la Drôme, 2 E 276, registre du notaire Terrot, fo 365, « acte de promesse et submission » (30 janvier 1587).

33 Des prisons abbatiales « pour rire » mais dans lesquelles peuvent se trouver placés les mauvais plaisants. Voir, N. Schindler, « Les gardiens du désordre. Rites culturels de la jeunesse à l’aube des Temps modernes », Histoire des jeunes en Occident, G. Levi et J.‑C. Schmidt, t. 1 de l’Antiquité à l’époque moderne, Paris, Seuil, 379 p., ici p. 300.

34 À Romans (Drôme) la rue baptisée « Mathieu de la Drôme » était anciennement nommée la « rue de l’abbaye ». Voir abbé Rouchier, « L’abbaye de Maugouvert », p. 24-25.

35 Notice sur Louis Garon et la fête du cheval fol, suivie des stances…par Louis Garon, Lyon, Boitel, 1837, p. 23 (BM Lyon 354 712). Voir J. Tricou, « Les confréries joyeuses de Lyon au xvie siècle et leur numismatique », Revue de Numismatique, 1937, p. 293-317.

36 E. Rabut, Le Roi, l’Eglise et le temple, l’exécution de l’Edit de Nantes en Dauphiné, Grenoble, La pensée sauvage, 1987, p. 87, 121, 113, 163, 170, 204.

37 Jean de Loyac, Le bon prélat, ou discours de la vie & de la mort de Reverend Père en Dieu Messire Antoine de Tolosany, Abbé & Supérieur General de l’Ordre de Sainct Antoine de Viennois…, Paris, chez Antoine Bertier, M.DC.XLV (1645), 385 p et ici p. 35-36. L’abbé de Saint Antoine a prêché à Romans dès 1596 et encore en 1606 en demandant alors aux consuls de Romans de « faire cesser les débauches, bransles, mascarades et autres actes publics sous le nom de l’abbaye de Malgouvert comme scandalleux et de maulvais exemple », A.C. de Romans, BB 22, 11 décembre 1606.

38 A. Favre (1557-1624), Codex Fabrianus…, Lyon, 1606, dernière édition Turin 1829, p. 67, article « de societatibus quas Abbatias vocant ».

39 A.D. du Rhône, 4 B 240 (année 1628).

40 A.D. de la Drôme, B 41, présidial de Valence, no 79, 34 fo (année 1640). J.‑P. Bernard, « La sanction coutumière des maris battus : deux ‘paillades’ sous l’Ancien Régime en Ardèche et dans la Drôme », Le Monde alpin et rhodanien, 1-2, 1978, p. 147-159.

41 C. Talon, « Notes de Folklore extraites de documents des 16e, 17e, et 18e siècles » (Rhône, Ain, Isère), Evocations, 1975, p. 99.

42 J.‑P. Bernard, « La sanction coutumière des maris battus… », p. 147-159.

43 A.D. de la Drôme, B 599, no 89-92, plainte et information judiciaires (décembre 1771).

44 B.M. de Grenoble, O/9841, factum judiciaire, Parlement de Grenoble (1785), « Pour les sieurs Pichat, Roussillon, Chapotat et autres contre le sieur mottet. Borel et Guedy (avocats) ».

45 B.M. de Grenoble., O/9841, p. 1.

46 B.M. de Grenoble, Q 4 tome 5, fo 133, copie de la lettre du procureur général du Parlement monsieur Duport-Roux, procureur du Roi à Romans (15 septembre 1785). Les interdictions répétées sont d’autant moins efficaces. Voir A.D. de la Drôme, B 1782 (1730-1739), requête du procureur du roi de Romans au juge de cette ville pour obtenir défense « à toute personne de faire aucun charivari ».

47 René Favier, « La cérémonie de l’âne en question à la fin du xviiie siècle Veurey-en-Dauphiné, janvier 1786 », Histoire, économie & société, 4, 2015, p. 27-40.

48 Cela est encore vrai pour certains charivaris du xixe siècle où maires et gendarmes laissent faire. Voir E. Weber, La fin des terroirs, La modernisation de la France rurale, 1870-1914, Paris, Fayard, 1983, 846 p. et ici p. 575.

49 Félix et Thomas Platter à Montpellier, 1552-1559, 1595-1599. Notes de voyage de deux étudiants bâlois publiées d’après les manuscrits originaux appartenant à la bibliothèque de l’Université de Bâle, Montpellier, Coulet, 1892, 505 p. et p. 195, les chevauchées sur l’âne organisées à l’université de Montpellier pour les faux médecins.

50 A.D. de l’Isère, B 2206, 15 janvier 1770, arrêt du Parlement de Grenoble. Cet arrêt est publié par R. Fonvielle, Le Monde alpin et rhodanien. Revue régionale d’ethnologie, 1980. Il est encore signalé par M.‑F. Brun-Jansen, « Criminalité et répression pénale au siècle des Lumières. L’exemple du Parlement de Grenoble », Revue historique du droit français et étranger, 1998, p. 343-369.

51 P.‑F. Muyart de Vouglans, Les lois criminelles de France dans leur ordre naturel…, Paris, 1780, 883 p et ici p. 66. Du même auteur les Institutes ou droit criminel…, Paris, Lebreton, 1757, 726 p et ici p. 496.

52 Lois et constitutions de sa majesté, tome second, Turin, 1729, 505 p et ici p. 224, livre 4, titre 34, chapitre xi : Des faussetés. Chapitre inchangé dans le code de lois édité en 1770 sous le même titre, tome second, 574 p et ici p. 253.

53 A.D. de la Savoie, 2 B 12116 (année 1755), 2 B 10237 (1767), 2 B 10322 (1779), 2 B 10032 (1785). Merci à Samy Mechatte qui a repéré et scanné ces procédures ensuite étudiées en cours de paléographie moderne.

54 F. Brachet, Dictionnaire du patois savoyard tel qu’il est parlé dans le canton d’Albertville […] suivi d’une collection de proverbes et maximes usités dans le pays, Albertville, Hodoyer, 1883, 217 p., ici p. 62-63. L’auteur décrit cela comme une cérémonie burlesque avec un enfant remplaçant le mari battu et les garçons du village comme organisateurs.

55 Sur la longue durée du charivari dans le sud-ouest de la France voir C. Desplat, Charivaris en Gascogne. La morale des peuples du xvie au xxe siècle, Pau, Cairn, 2007, 334 p.

56 Justice populaire, actes des journées de la société d’histoire du droit (25-28 mai 1989), Villeneuve d’Asq, Ester, 1992, 209 p. Sur un essai de catégorisation des formes de la justice sous l’Ancien Régime, voir B. Garnot, « Justice, infrajustice, parajustice et extrajustice dans la France d’Ancien Régime », Crime, histoire & Sociétés, 4, 1, 2000, p. 103-120.

57 J. Millet, La vénérable abbaye de Bongouvert…, p. 9 et 13.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Yves Champeley, « La justice de l’abbaye de Maugouvert »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 37 | 2019, 315-332.

Référence électronique

Jean-Yves Champeley, « La justice de l’abbaye de Maugouvert »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 37 | 2019, mis en ligne le 01 août 2022, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/17463 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.17463

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Auteur

Jean-Yves Champeley

Université de Savoie Mont-Blanc – LLSETI

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Droits d’auteur

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