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Les festivités joyeuses et leur production littéraire : pratiques parodiques en scène et en textes, en France et en Europe (XVIe-XVIIIe s.)

Parodie, rituel satirique et culture joyeuse dans la querelle Marot-Sagon (1534-1538)

Parody, satiric ritual, and joyful culture in the quarrel between Marot and Sagon (1534–1538)
Jérémie Bichüe
p. 297-313

Résumés

Dans la querelle Marot-Sagon (1534-1538), la parodie affecte le modèle même de l’échange polémique, donnant ainsi lieu à une sociabilité originale entre les auteurs d’une même génération. D’abord utilisée dans un but stratégique, elle devient vite un principe de continuation poétique. Si la dimension joyeuse du conflit semble alors évidente, les textes témoignent pourtant d’une réception problématique de la parodie, posant la question du lien entre fête, satire et polémique dans l’espace public.

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Index de mots-clés :

parodie, polémique, querelle poétique, Marot

Index by keyword:

parody, polemic, literary quarrel, Marot
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Texte intégral

  • 1 F. Sagon, Deffense de Sagon contre Clement Marot, Paris, Pierre Vidoue, [1537], in-8o, Paris, Arsen (...)

1Le différend entre Clément Marot et François Sagon aurait commencé en août 1534 au mariage d’Isabeau d’Albret, la belle-sœur de Marguerite de Navarre. « Mais onc ne fut et est à commencer / Nopce, ou festin sans aulcun mal penser1 » rappelle Sagon, en précisant les circonstances de la brouille :

  • 2 Ibid.

Car toy et moy devisans dessus l’herbe,
Le lendemain au beau parc d’Allençon,
Apres souper eusmes noise et tenson
Pour la leçon de la foy catholicque2.

  • 3 Deffense de Sagon, fol. B2r.
  • 4 [C. Marot], Le Valet de Marot contre Sagon cum commento, Paris, Jean Morin, 1537, in-8o, Paris, BnF (...)
  • 5 Le terme satire sera employé dans les lignes qui vont suivre non pas pour désigner une forme poétiq (...)

2Le débat aurait ensuite dérivé sur les « temples sainctz », le « jeusne » et les « oraisons », épineuses questions théologiques que Marot aurait abordées avec un prosélytisme particulièrement brûlant. La confrontation s’envenime et attire les curieux (« Tu t’obstinas et ta fureur descent, / Tant qu’en une heure y en vinst plus de cent3 »), au point que Marot aurait menacé Sagon d’un poignard. Au mois d’octobre de la même année survient l’affaire des Placards. La découverte d’affiches condamnant la messe dans Paris et d’autres grandes villes de France, et en particulier Amboise où François Ier réside alors, provoque la colère du roi. Inquiet, Marot prend la fuite à Bordeaux où il est arrêté. Il parvient toutefois à s’enfuir et rejoint Marguerite de Navarre en ses terres de Nérac avant l’hiver. Sur ses recommandations, il prend ensuite la direction de la cour de la duchesse de Ferrare en Italie où il demeure près de deux ans. Pendant ce temps en France, deux poètes, François Sagon et Charles de la Hueterie, multiplient les manœuvres individuelles pour s’introduire en cour et prendre la place de l’absent. Quelques mois après son retour en France à l’hiver 1536, Marot réplique en publiant le Valet de Marot contre Sagon4. Cette réponse cinglante provoquera la réaction de nombreux auteurs qui se jetteront dans la bataille jusqu’à la fin de l’année 1537. Peu à peu le différend privé se change en événement éditorial et l’affrontement individuel en exercice de satire collective5.

  • 6 Deffense de Sagon, fol. G3r.
  • 7 Pour une présentation synthétique des différents enjeux de la parodie, nous renvoyons à la mise au (...)

3Les auteurs de la querelle recourent volontiers à la parodie. Sagon compose ainsi un pastiche moqueur intitulé « Dieu gard », qui imite le célèbre pardon que Clément Marot adresse aux poètes de France à son retour d’exil6. Cet exemple correspond bien à la définition de la parodie donnée par le Trésor de la Langue française : « texte, ouvrage qui, à des fins satiriques ou comiques, imite en la tournant en ridicule, une partie ou la totalité d’une œuvre sérieuse connue ». La critique littéraire a cependant élargi cette définition en y incluant les pastiches sérieux d’un texte ou d’un style, les détournements ludiques avec ou sans visée satirique, des phénomènes variés d’intertextualité, posant ainsi la question des sources, des procédés et de l’intentionnalité de l’écriture parodique7. En ce qui concerne la Renaissance, Patricia Eichel-Lojkine insiste notamment sur l’éclectisme des modèles détournés :

  • 8 P. Eichel-Lojkine, Excentricité et Humanisme, Genève, Droz, 2002, p. 202.

Ce ne sont pas toujours des textes, des productions achevées, des objets culturels clos, mais des formes relevant de l’oralité, des raisonnements tout faits, des discours, des performances et des rituels langagiers que la parodie exporte et transpose, décontextualise et recontextualise8.

4Dans le cadre de la querelle Marot-Sagon, ces opérations de décontextualisation et de recontextualisation affectent le modèle même de l’échange polémique. Au gré des ajustements tactiques et des interactions entre les divers auteurs, la querelle prend alternativement ou simultanément la forme d’une dispute sérieuse ou légère. Cette ambivalence s’explique en grande partie par l’introduction de modes d’expression de la culture joyeuse dans le conflit. Par les thèmes qu’elle convoque, l’agitation qu’elle provoque, la querelle va même jusqu’à s’inspirer des formes de certains rituels festifs. Plus ou moins intentionnels, ces détournements confinent à une forme déroutante de dialogisme qui rend parfois délicate l’identification du geste parodique lui-même et perturbe la réception des textes : le sens du conflit se trouve en permanence renégocié en fonction des lectures propres à chaque intervenant. Cette incertitude favorise pourtant la naissance d’interactions entre des auteurs qui reconnaissent le potentiel créatif et ludique de la querelle Marot-Sagon.

5Partant de ces constats, nous souhaiterions voir sous quelles conditions la pratique parodique donne naissance, lors de la querelle Marot-Sagon, à une forme de festivité polémique. Nous verrons d’abord comment la parodie, utilisée à des fins stratégiques, permet de désamorcer la gravité du conflit, transformant le différend en une dispute destinée à susciter le rire. La reconnaissance par les lecteurs et les auteurs du détournement des formes de la culture joyeuse donne par conséquent naissance à une sociabilité agonistique originale où la querelle devient un phénomène littéraire associé au plaisir et à la fête. Le trouble jeté par cet objet littéraire invite alors à s’interroger sur les liens entre polémique, satire et rituel festif, à travers l’intervention dans la querelle de la confrérie joyeuse des Conards.

Tactique de la parodie

  • 9 C. Marot, Œuvres complètes, « Aultre Epistre de Marot qui mandoit aux Damoiselles », éd. F. Rigolot (...)

6Dans son Coup d’essay composé au début de l’année 1536, Sagon reproche à Marot sa conduite morale, allant même jusqu’à le suspecter d’hérésie. Voici les mots qu’il adresse à deux sœurs9 auxquelles Marot avait lui-même envoyé une épître de tonalité évangélique depuis Ferrare :

  • 10 F. Sagon, Coup d’essay, Paris, [Olivier Mallard], 1537, in-8o, Paris, Arsenal (Rés. 8o BL 8736 (1)) (...)

Fuyez devant, evitez, [sic] le derriere
Et n’escoutez la chanson ne la voix
De l’ypocrite avec ses mille croix
Qui tost mourra nonobstant repentance
En feu, en croix, en roe, ou en potence10.

7Ces menaces, que reprendront en chœur les détracteurs de Marot, donnent un aperçu de la gravité des enjeux entre l’année 1535 et l’année 1536. Dans le Valet, Marot rédige une réponse qu’il fait endosser à son valet fictif, façon de signifier à son adversaire qu’il ne le juge pas digne d’une réplique en son nom propre. À travers la voix de Fripelippes, il raille la bêtise et le style de Sagon tout en évitant scrupuleusement la question religieuse. En réalité, le coup de force du Valet consiste à modifier la forme même du conflit, en utilisant l’écriture parodique comme un leurre. Jouant sur l’ambivalence de la dispute qui peut prendre la forme de la controverse ou de son envers dérisoire, Marot programme un conflit burlesque qui interfère avec le débat initial.

8Pour cela, il puise en premier lieu dans l’imaginaire de la farce, où la dispute est bien souvent le moteur d’une intrigue rudimentaire qui provoque le rire. La gravure au titre du recueil, qui représente le valet Frippelippes battant le Sagouin, avatar onomastique de Sagon, évoque une action typique de la farce. Marot veille en outre à ne pas préciser l’appartenance générique de son texte. Si celui-ci prend la forme d’une épître, il n’en porte pas clairement le nom. Le titre de la plaquette annonce simplement « Valet de Marot contre Sagon », se contentant de décrire ce qui relève autant d’une situation énonciative épistolaire que potentiellement dramatique. Cet effet de théâtre est encore plus perceptible à la lecture de certains vers qui jouent de l’ambivalence du discours ancré dans la situation d’énonciation pour faire jaillir sous les yeux du lecteur, devenu spectateur le temps de quelques vers, une saynète de bastonnade :

  • 11 Valet, fol. B2r.

Zon dessus l’œil, zon sur le groing
Zon sur le dos du Sagouyn
Zon sur l’asne de Balaan.
Ha villain, vous petez d’ahan,
Le feu sainct Anthoine vous arde.
Ça ce nez. que je le nazarde
Pour t’apprendre avecques deux doitz
À porter honneur où tu doys.
Enflez villain, que je me joue
Sus, apres, tournez l’autre joue
Vous cryez ? Je vous feray taire […]11.

  • 12 Nous empruntons l’expression à F. Manuel, « Pronostications joyeuses et théâtre polémique : une ren (...)

9Certains vers évoquent des gestes et mentionnent même, à la manière d’une didascalie interne, la réaction de la victime. En mots d’abord : « Vous cryez ? », puis en geste : « Ha villain, vous petez dahan ». À la manière de ce que l’on a souvent noté au sujet des sermons joyeux, le texte de Marot « [fait] état de [son] caractère écrit tout en jouant de la pragmatique théâtrale12 ».

  • 13 F. Manuel emploie à l’origine cette expression au sujet des pronostications joyeuses (« Les Pronost (...)
  • 14 J. Du Bellay, La Deffense et illustration de la langue française et L’Olive, éd. J.-C. Monferran, P (...)

10Tous ces procédés contribuent donc à modifier le lieu imaginaire du dialogue polémique, du tribunal aux tréteaux, neutralisant au passage l’inquiétante rhétorique judiciaire de Sagon. La parodie sape les « fondements de la parole13 » et la raillerie portée par la voix d’un valet autorisé à toutes les grossièretés, permet d’emporter l’adhésion des rieurs. Le leurre parodique témoigne en définitive des capacités d’invention de Marot lui-même, devenu parfait dupeur de farce. Le tour est à ce point réussi que c’est essentiellement le caractère dérisoire de la querelle qui restera dans la mémoire collective. En témoignent ces quelques mots que Du Bellay adresse à ses détracteurs dans la seconde préface de L’Olive : « Si quelques uns vouloient renouveler la farce de Marot et de Sagon, je ne suis pour les en empescher : mais il fault qu’ilz cherchent aultre badin pour jouer ce rôle avecques eux14 ».

11Dans ses diverses réponses au Valet, François Sagon devra désormais composer avec ces différents détournements, s’évertuant à séparer le sérieux du comique, le digne de l’indigne :

  • 15 F. Sagon, Epistre à Marot par François de Sagon pour luy monstrer que Frippelipes avoit faict sotte (...)

Ton parler de si povre estoffe
Ne sent en rien son philosophe
Mais son badin, ou gaudisseur
Son tabourin, ou son farceur
Qui tant m’estonna d’insolence
Qu’il m’engendra ung temps silence15.

  • 16 P. Dorio, « La Plume en labsence ». Le devenir familier de l’épitre en vers dans les recueils impr (...)

12La rime entre « farceur » et « gaudisseur », éclairée par le mot « badin », montre à quel point Sagon considère l’écart farcesque et le recours au style bas comme une forme d’inconvenance. Plus grave encore, Marot commettrait avec le Valet une infraction éthique en parlant sous le masque de son valet de fiction. Comme le rappelle Pauline Dorio dans sa thèse sur l’épître en vers au xvie siècle, « la transparence de l’énonciation épistolaire et l’engagement moral de l’épistolier constituent deux conditions primordiales à la réalisation du genre16 ». La transgression du poète serait alors le reflet de l’hypocrisie de l’homme et in fine la preuve même de sa nature vicieuse :

  • 17 Epistre a Marot, fol. A4v-B1r.

Escrips moy donc sans secretaire
Si tu as desir voluntaire
D’estre desormais diligent
D’oster le roil d’avec l’argent,
Et de ton corps faire à ton ame
Ung vaisseau pur sans vice ou blasme17.

13Pour s’amender, Marot devrait donc distinguer le joyeux du sérieux, « oster le roil d’avec l’argent », ce qu’il ne fera bien entendu jamais. On le voit bien, la querelle finit par porter sur la pratique polémique elle-même, qui est comme le reflet des antagonismes originels entre les deux auteurs. Cependant, la transposition joyeuse de la dispute rend également possibles de nouvelles interactions, qui dépassent l’affrontement singulier. Les lecteurs et futurs auteurs de la querelle identifient clairement l’opération parodique de Marot qui devient progressivement l’un des moyens de la perpétuation ludique du différend.

Festivité polémique

14En parodiant les codes de la farce, Marot semble définir en creux l’existence d’un public qui assiste au spectacle du châtiment de Sagon. La mise en scène du différend – au sens quasi littéral – témoigne ainsi d’une volonté de triompher publiquement et collectivement de l’adversaire. Les nombreuses références à des rituels festifs dans les textes de la querelle poursuivent ce même objectif. L’un des soutiens de Marot, à la veille de son retour, invitait déjà à la réjouissance générale en évoquant la fête antique des Saturnales :

  • 18 Les Disciples et amys de Marot contre Sagon, « Apologie de Maistre Nicole Glotelet, de Victry en Pa (...)

Voy cy Triton sonant sa grant coquille
Creuse et tortue, et qui saulte et fretille,
Prest de getter en l’air une gambade :
Lequel pourtant donne si doulce aubade,
Qu’il fait soubz luy les Nymphes voltiger,
Voulans, ce semble, en noz jours eriger,
(Comme jadis) les festes Bacchanales,
Ou de Flora, ou quelques Saturnales […]18.

  • 19 Durant la cérémonie, on rejouait l’épisode biblique dans lequel l’ânesse du devin Balaam, soudainem (...)
  • 20 Valet, fol. B2r.

15Quelques mois plus tard, l’humiliation de Sagon, en texte et en image, confirme le retour en grâce de Marot sur la scène littéraire. Contre l’usurpateur les libelles se multiplient, l’infamie est châtiée par le rire collectif et la querelle prend la forme d’un rituel d’intégration-exclusion. Voilà qui explique en partie les fréquentes comparaisons de Sagon à un âne. La bête était en effet au centre de plusieurs rituels festifs comme celui de la Fête de l’ânesse de Balaam, qui se tenait à Rouen, ville dont est originaire Sagon19 : « Zon sur l’asne de Balaan20 » peut-on lire sous la plume de Marot qui ne conserve de la cérémonie que l’image de la procession, mise au service de la charge satirique : Sagon seul au milieu de tous et puni par chacun. À ce titre, la répétition parfois pénible d’injures dans le corpus de la querelle ne doit pas seulement être interprétée comme un défaut de littérature. Elle est en fait la reproduction lexicale d’une brimade collective, de l’acharnement punissant la déviance, du scandale sanctionné par le bruit.

  • 21 Disciples, fol. E2v.
  • 22 Valet, fol. B2v.
  • 23 Disciples, fol. G3v.
  • 24 Ph. Desan, « Le feuilleton illustré Marot-Sagon », La Génération Marot. Poètes français et néo-lati (...)

16De fait, la plupart des termes employés dans les textes de l’époque pour qualifier la querelle rendent compte de l’agitation collective née du conflit dans l’espace public. Ainsi en va-t-il du substantif « huterie21 », probablement dérivé de « hutin » qui signifie « querelle, bruit, manifestation bruyante », mais aussi du mot « tabut22 » ou du substantif « tintouyn23 ». L’on mesure surtout ce vacarme de papier à l’extraordinaire nombre de publications émises en un temps très court, entre l’été 1537 et le début de l’année 1538 tout au plus. Tout porte à croire que l’on suivait avec passion la querelle Marot-Sagon, comme un « feuilleton illustré » selon les mots de Philippe Desan24 :

  • 25 De Marot et Sagon les treves, donnez jusqu’à la fleur des febves. Par l’auctorité de l’abbé des Con (...)

Les gens en ont les cerveaulx assotez
Et estourdiz, Car ung petit follet
S’en va criant, le debat du vallet
Clement Marot contre Françoys Sagon
Ung aultre vient qui crie en son jargon
Portant o soy de papiers ung pacquet
Qui veult qui veult : le rabaiz du caquet
De Fripelipe et de Marot Clement Dict rap[e]lé […]25.

  • 26 Les Treves de Marot et Sagon, Données jusques à la fleur des febves Par l’auctorité de L’abbé des C (...)

17Ce passage évoque une situation courante, celle du crieur de rue ou du libraire ambulant, paquet de papiers sous le bras ou dans une hotte, assurant la réclame des nouveautés littéraires. Les cris de la querelle seraient-ils assourdissants au point d’en donner des maux de tête ? L’un des bois gravés d’un libelle, à la facture rudimentaire, laisserait presque deviner un homme se tenant la tête d’une main ou se bouchant les oreilles26. N’est-ce pas le même engouement que décrivent ces quelques vers de Sagon adressés à Marot ?

  • 27 Epistre à Marot, fol. A3v.

Car je te promectz que j’ay dueil
De veoir que par jugement d’œil
Nous sommes au peuple une histoire
Ou fable en chascun auditoire27.

  • 28 Entrée « auditoire » du Dictionnaire du Moyen Français consultable sur le site de l’ATILF.
  • 29 É. Rajchenbach évoque justement la « fonction communautaire » de la querelle (« Une querelle poétiq (...)

18Un « auditoire » désigne, outre la salle d’audience d’un tribunal, un « lieu où on s’assemble pour écouter quelqu’un » et, par métonymie, « un ensemble de personnes réunies pour écouter quelqu’un28 ». Sans confondre cette dernière définition avec le concept bakhtinien de « place publique », il est pourtant clair que la querelle porte en elle la possibilité d’une convivialité dans l’espace public, surtout en milieu urbain. On se lit, on commente, on intervient dans cette querelle en fonction de ses affinités et les lecteurs deviennent vite auteurs à leur tour. En rééditant à souhait les libelles, l’imprimerie permet l’avènement d’une scène discursive sur laquelle le conflit se pratique sur le mode ludique de la compétition, entre des auteurs issus de zones géographiques et de catégories sociales variées29. Le tout prend l’allure d’une mascarade énonciative : l’anonymat, le recours aux prête-noms, à l’anagramme et aux avatars permettent à chacun de se livrer à l’exercice polémique en engageant sa personne à des degrés de sincérité variables. Les personnages du Sagouin, de Frippelippes et autres sont réemployés, remaniés au gré de l’inventivité des participants. Lorsque des réconciliations entre les deux ligues sont organisées, elles prennent naturellement l’apparence d’une ordonnance parodique :

  • 30 Le Banquet d’honneur sur la Paix faicte entre Clement Marot, Françoys Sagon, Fripelippes Hueterie e (...)

Veu et consideré que c’est do vivre en bonne paix (dict honneur) après parties par nous oyes ensemble les conditions proposées par nostre bien aymé Clement Marot. Nous à la requeste de Sagon tenons par ratiffiée la paix accordée entre les dictz Marot Sagon et aultres cy presentz30.

19Au « banquet d’honneur » sont convoqués tous les acteurs d’une distribution polémique qui mêle les poètes et leurs avatars :

  • 31 Le Banquet d’honneur, fol. A3r.

Venes y tous, entre autres viens Marot,
Viens tost paige laisse brusler ton rot
Suis ton maistre Sagon, toy Huterie
Fais bonne myne et garde que ne rye,
Fripelippes ne demeure derriere
Aupres ton maistre auras place premiere31.

20Cette réconciliation burlesque autorise peut-être à rapprocher la forme de la querelle d’autres manifestations festives reposant sur le conflit et la parodie épique. On pense en particulier à la Bataille et paix du glorieux pensard à l’encontre de Caresme, dans lequel le rituel calendaire est illustré par une sorte de jeu-combat entre Charnau, Carême et leurs ligues. Après de nombreuses provocations, les opposants finissent par se livrer une bataille comique à l’aide d’aliments gras contre maigres. C’est à coup de boyaux que les troupes de Charnau s’en prennent à celles de Carême :

  • 32 Deux Jeux de Carnaval de la fin du Moyen Âge, éd. J.-C. Aubailly, Genève, Droz, 1977, p. 51.

L’en m’a gecté par le visaige
Ung boyau tout ort et merdoulx,
Qu’il n’est homme, tant soit il saige,
Qui n’en eust plus d’ung an la toux32.

  • 33 J.-C. Aubailly, « Théâtre médiéval et fêtes calendaires », RHR, no 11-1, 1980, p. 5-12, ici p. 5.

21Entre les belligérants de la querelle, les « mauvais ditz » – est-ce un hasard si le mot trippe, appelé à la rime par « Fripelippes » est l’un des grands leitmotiv de la querelle ? – constitueraient autant d’« aspersions sales33 » que s’échangent les deux ligues, Marotins et Sagontins. On le voit bien par ce dernier exemple, la modification de la dispute par Marot aboutit à une perpétuation joyeuse du différend, pensée selon des modèles familiers de réjouissance collective. L’identification des modèles détournés – c’est-à-dire de l’opération parodique elle-même – fournit aux intervenants un outil de compréhension du différend, mais aussi un principe d’invention poétique. Mais s’agit-il encore là de parodie ? Ne faut-il pas plutôt conclure à une forme de dialogisme où l’on verrait le rituel festif et la culture joyeuse servir de modèle d’intelligibilité à une querelle dont on ne percevait pas, à l’époque déjà, les frontières et la nature exacte ? Est-ce à dire, par conséquent, que la reconfiguration parodique du différend ait neutralisé la dangerosité et la part scandaleuse de la querelle pour la transformer en pur objet de joyeuseté ? L’intervention de la Confrérie joyeuse des Conards de Rouen révèle les limites de la connivence et permet d’évaluer les rapports complexes entre polémique, satire et rituel festif.

Une concurrence satirique et joyeuse ?

  • 34 « As with many urban festive societies, the primary function of the Abbey of the Conards was the or (...)
  • 35 Appologie faicte par le grant abbé des Conards sur les invectives Sagon, Marot, La Huterie, Pages, (...)
  • 36 La premiere leçon des matines ordinaires du grand abbé des Conardz de Rouen, souverain monarcque de (...)
  • 37 De Marot et Sagon les treves, fol. B1v.
  • 38 Le terme est synonyme de médiateur selon l’entrée du Dictionnaire du Moyen Français consultable sur (...)

22C’est un fait bien connu que l’intervention dans la querelle de la confrérie des Conards, qui avait en charge, notamment à Rouen, la production des festivités en période de Carnaval34. Les dignitaires des Conards sont les auteurs avérés de trois libelles, dont deux s’attachent à réconcilier Clément Marot et François Sagon. L’abbé des Conards de Rouen signe un sermon parodique dans son Appologie35 où il appelle les deux adversaires à la paix, mais on lui connait également un texte intitulé La premiere leçon des matines ordinaires du grand abbé des Conardz de Rouen36 dans lequel il répond à l’un de ses contradicteurs. Dans De Marot et Sagon les treves37, Constantin le Grant, « secrétaire de l’abbé des Conards à Caen », fixe les conditions d’une trêve entre les deux ligues, qui doit commencer aux alentours du mois d’août 1537, quelques mois à peine après la parution du Valet. Ces interventions faites en qualité d’appointeurs38 cachent toutefois des enjeux plus profonds, relatifs à la fonction sociale de cette confrérie joyeuse.

  • 39 De Marot et Sagon les treves, fol. A3r.
  • 40 Appologie, fol. A2r.
  • 41 Appologie, fol. A3v.
  • 42 K. Gvozdeva, « Le Jeu du Sacre dans les contextes ludiques, rituels et polémiques », Le Théâtre pol (...)
  • 43 Appologie, fol. A3r.
  • 44 De Marot et Sagon les treves, fol. B1r.

23L’abbé des Conards reproche en premier lieu à Marot et à Sagon leurs propos inconvenants, rappelant à l’ordre ces deux poètes qui ont en leur esprit « de toutes les muses […] les graces infuses39 ». Il entend ainsi « reformer les vices / De ces deulx folz, noz glorieux novices40 », leur défendant « ne user de coups, faire, dire, n’escrire / Faictz qu’ilz ne soient joyeux et bons pour rire41 ». La position d’« appointeur » occupée par l’abbé et ses sous-fifres est ainsi relativement conforme à ce que l’on sait du rôle joué par les dignitaires des confréries joyeuses dans la société. Katja Gvozdeva, s’appuyant sur les travaux d’Adolphe Rochas, rappelle qu’à l’Abbaye joyeuse de Pierrelatte, « l’abbé prêtait le serment d’entretenir la jeunesse en bonne paix et amitié42 ». Il est vrai que ce qui tourmente les dignitaires des Conards en 1537, c’est la place prise dans l’espace public par la querelle Marot-Sagon, la bruyante passion pour ce différend à Rouen et en Normandie. L’abbé des Conards redoute que les adversaires en viennent aux mains : « Ne reste plus qu’à jouer des cousteaulx / ce qu’ilz feront quelque ung de ses matins / Ou se mordront comme font les mastins43 ». Le secrétaire de l’abbé des Conards à Caen craint des violences plus grandes encore entre les partisans des deux ennemis : « Si que souvent maint homme se querelle / À son amy, et grans debatz s’en sourdent / Jusqu’à tuer44 ». De tels propos laissent perplexe. Les avis étaient-ils à ce point tranchés qu’on en fût venu au point de se tuer en défense de Marot ou de Sagon ? Peut-être y a-t-il une part de vrai, dans la mesure où l’auteur anonyme de la Responce à l’abbé des Conards se sent tenu de rappeler la limite infranchissable entre les paroles et les gestes :

  • 45 Responce à l’abbé des Conars de Rouen, Paris, Jean Morin, 1537, in-8o, Paris, BnF (Rothschild no 25 (...)

Là où tu parles de cousteaux.
Je ne voy que les Maroteaulx
(Comme tu dis) ou Sagouyns
Demy barbares, et Touyns
Aient escript, ou faict, ou dict
Ung seul mot qui vienne à ton dict45.

24Il faudrait donc admettre que les textes de la querelle ont dû cesser d’être perçus comme des objets joyeux pour que cet auteur fût obligé de rappeler leur caractère inoffensif. Dans le même recueil, l’auteur conteste définitivement la réelle dangerosité de la querelle :

  • 46 Responce à l’abbé des Conars de Rouen, fol. A3v.

Or entre se batre, et escrire
Y a plus d’une lieue à dire :
Et par s’entrepicquer de plume,
L’esprit se resveille, et s’allume.
Seulement par joyeuseté
On escript maint petit traicté46.

  • 47 De Marot et Sagon les treves, fol. A3v.

25Faut-il alors prendre au sérieux les inquiétudes de l’abbé des Conards ? Dans la mesure où l’Appologie faicte par le grand Abbé des Conards prend la forme d’un sermon joyeux, sans doute pas. De fait, à la lecture des textes, on devine surtout l’enthousiasme des confrères pour l’affaire Marot-Sagon. Le secrétaire des Conards à Caen décrit tout autant les plaintes que la franche gaîté que suscite le conflit dans les rangs mêmes de la confrérie : « Tous noz conardz en font gemissemens / Et moy aussy, ensemble nostre abbaye / Mais tout le monde en rit la gueulle baye47 ». On rit certes des injures parce qu’elles sont ridicules, mais peut-être aussi parce qu’elles réjouissent. Au sujet des Conards, Michel Rousse affirmait dans sa thèse :

  • 48 M. Rousse, Le Théâtre des farces en France au Moyen Âge, « La Confrérie des Conards de Rouen. Texte (...)

[…] il semble qu’ils [les Conards] aient joui d’une certaine autorité intellectuelle et morale, non seulement à Rouen, mais bien au-delà. Et c’est sans doute ce qui explique l’intervention de l’abbé des Conards dans la querelle Marot-Sagon48.

26Le constat demeure juste, mais peut être nuancé. Émettons l’idée selon laquelle l’attitude des différents dignitaires ne témoigne pas tant de l’inquiétude de voir le conflit dégénérer que de celle d’assister impuissants à une manifestation satirique publique dont ils sont habituellement les principaux promoteurs, en période de Carnaval notamment :

  • 49 Reid, « Carnival in Rouen: A History of the Abbaye des Conards », p. 1030.

Some of these groups were there simply to display their magnificent costumes; others including those who accompanied the carts, were part of amusing, or satirical set pieces. They often carried placards of handed out printed broadsheets with relevant lines of poetry, or else recited verses aloud49.

  • 50 Les Triumphes de l’Abbaye des Conards de Rouen, éd. M. de Montifaud, Paris, Librairie des Bibliophi (...)

27En surestimant la gravité du conflit, que Marot avait cherché à atténuer dans le Valet, les Conards ne chercheraient-ils pas à neutraliser les effets de cette actualité brûlante qui leur dispute à coup de libelles l’exclusivité d’une performance joyeuse dans l’espace urbain ? Eux-mêmes avaient fait de l’imprimerie l’un des supports privilégiés de leurs événements festifs. Le Triumphe de l’Abbaye des Conards50, qui constitue la description détaillée de l’une des parades de la confrérie, insiste précisément sur le recours à des feuillets placardés ou distribués à la foule, appelés « umbres de Conardie ».

  • 51 A. Floquet, « Histoire des Conards de Rouen », Bibliothèque de l’École des Chartes, 1840, t. 1, p.  (...)
  • 52 « The first record of their activities comes in 1509, when the cathedral chapter made a note that t (...)
  • 53 Archives Départementales Seine-Maritime, Registres du Parlement, 1 BP 9100, Registres d’arrêts, 7 a (...)
  • 54 Arrêt du 20 mai 1536 : « […] deffenses de ne jouer à la monstre de la Bazoche prochaine, aucuns jeu (...)

28Mais la concurrence se situe peut-être à un niveau plus profond, posant la question des limites de la satire et de son lien avec le rituel festif. Les Conards de Rouen, en temps de Carnaval, avaient pour habitude de faire la satire de vices généraux ou des différents états, mais l’on sait que celle-ci a parfois pu dégénérer en calomnie, visant des personnalités nettement identifiables51. En 1509, les Conards avaient mis en scène sous forme d’une farce un scandale local : deux chapelains avaient été surpris en train de se faire lire les lignes de la main par des gitanes52. En 1536, soit quelques mois avant leur intervention dans la querelle Marot-Sagon, la confrérie était frappée d’un décret du Parlement leur interdisant les attaques ad hominem durant leurs festivités53. La même année, le Parlement de Paris rappelait aux membres de la Basoche la défense de porter atteinte nommément à quiconque54. On comprend mieux dès lors l’inquiétude des Conards vis-à-vis de l’affaire Marot-Sagon. L’année même où la confrérie voit son droit à la satire restreint, la querelle propose une forme originale de divertissement scandaleux qui, en mêlant le vrai au faux, calomnie et parodie, rend possible la critique ad hominem et l’outrage en échappant, jusqu’à preuve du contraire, à toute forme de contrôle. La situation était d’autant plus insolite que les libelles mettaient en cause une personnalité rouennaise, en la personne de François Sagon. Du reste, ce ne sera pas la seule fois où les Conards s’attacheront à rappeler leur monopole en matière de divertissement public. On a conservé une « criée » de l’abbé des Conards de 1586 qui défend « de ne porter masque sans son congé » :

  • 55 Les Triumphes de l’Abbaye des Conards, p. 93. Un décret du Parlement daté de 1570 va dans le même s (...)

Chacun ne peut ignorer que la court
N’ait deffendu par arrest magnifique
À toutes gens ayant long nez ou court,
De ne troubler son regne pacifique,
Ny de porter sans sa grace authentique
Masque de jour ny de nuict nullement,
Sur peine à tous que leurs biens on confisque,
Comme infracteurs de son commandement55.

  • 56 De Marot et Sagon les treves, fol. B1v. La fève joue un rôle important dans les rites antiques. Sa (...)

29Tout se passe comme si le recours aux pages et valets fictifs, à l’anagramme, aux prête-noms, avait rendu possible un débordement de la satire que les Conards eux-mêmes ne pouvaient s’autoriser, de surcroît en temps de fête. Mais surtout, la querelle Marot-Sagon constitue un spectacle satirique fortuit. Non seulement elle ne semble ne jamais devoir finir, ce qui est contraire au principe de la fête qui suppose une activité intense mais limitée dans le temps, mais elle se déroule dans une période qui ne correspond a priori à aucun rituel calendaire établi. Voilà donc peut-être pourquoi le secrétaire de l’abbé des Conards réclame une trêve qui devra durer « jusques au temps que floriront les febves56 », c’est-à-dire jusqu’à l’avènement de la période de Carnaval. À supposer que les outrages entre Marot, Sagon et leurs ligues reprennent à la fin de cette trêve, ils trouveront leur place dans le cadre réglé de la fête.

  • 57 Bertrand, « Introduction : état des lieux », p. 9.
  • 58 Voir sur ce point, A. Armstrong, The Virtuoso Circle: Competition, Collaboration, and Complexity in (...)
  • 59 Deffense de Sagon, fol. E1v. C’est ce que nous appliquons à faire dans notre thèse consacrée aux st (...)

30Si l’on a pu quelques fois envisager la parodie comme un phénomène d’« imitation déceptive57 », dans le cas de la querelle Marot-Sagon, cette définition résiste partiellement. La parodie à l’œuvre dans le Valet de Clément Marot ne vise pas un hypotexte précis, mais emprunte les codes d’un sous-genre dramatique, celui de la farce, pour modifier peu à peu le sens du conflit. Le coup de génie tient à cet usage spécifique de la parodie qui mêle le vrai et le faux et propose, à la manière d’une anamorphose, deux images concurrentes d’une même réalité. Cette ambivalence ouvre la voie à un phénomène de création collective, de convivialité polémique où les belligérants s’adonnent à une pratique ludique du blâme. On pourrait alors envisager de rattacher cette querelle à certaines formes de sociabilités agonistiques bien connues pour la période du moyen français. On songe en particulier à la querelle de la Belle Dame sans mercy, qui se développait déjà selon un principe de collaboration permettant aux continuateurs d’améliorer leurs compétences poétiques58. La persistance de cette culture agonistique dans les années 1530-1540 expliquerait l’inventivité avec laquelle les auteurs de la querelle Marot-Sagon perpétuent leur œuvre polémique commune. Mais le caractère ponctuel et incontrôlable du différend, dont témoignent les efforts plus ou moins sincères des Conards pour le réguler, révèle aussi l’embarras suscité par un objet littéraire hybride, dont on peine encore aujourd’hui à proposer une lecture univoque. Resterait à approfondir l’enquête pour mettre au jour toutes les richesses de cette « povre matiere59 ».

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Notes

1 F. Sagon, Deffense de Sagon contre Clement Marot, Paris, Pierre Vidoue, [1537], in-8o, Paris, Arsenal (Rés. 8o BL 8737) fol. B1v.

2 Ibid.

3 Deffense de Sagon, fol. B2r.

4 [C. Marot], Le Valet de Marot contre Sagon cum commento, Paris, Jean Morin, 1537, in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 1584).

5 Le terme satire sera employé dans les lignes qui vont suivre non pas pour désigner une forme poétique particulière, mais pour qualifier, durant la période qui nous intéresse, une intention, un ton satirique, toujours le fruit d’une « conscience morale » selon les mots de P. Debailly (La Muse indignée. La Satire en France au xvie siècle, t. 1, Paris, Classiques Garnier, 2012, p. 11). Partant de ce constat, l’activité polémique peut être définie comme une forme de dialogue satirique « allant de l’attaque ad personam à la réfutation théorique » (C. Kerbrat-Orecchioni, « La polémique et ses définitions », dans Le Discours polémique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1980, p. 3-40, ici p. 27).

6 Deffense de Sagon, fol. G3r.

7 Pour une présentation synthétique des différents enjeux de la parodie, nous renvoyons à la mise au point de D. Bertrand dans un dossier consacré à la question (« Introduction : état des lieux », Seizième Siècle, no 2 (La Parodie), 2006, p. 7-19).

8 P. Eichel-Lojkine, Excentricité et Humanisme, Genève, Droz, 2002, p. 202.

9 C. Marot, Œuvres complètes, « Aultre Epistre de Marot qui mandoit aux Damoiselles », éd. F. Rigolot, Paris, Flammarion, vol. 2, p. 557.

10 F. Sagon, Coup d’essay, Paris, [Olivier Mallard], 1537, in-8o, Paris, Arsenal (Rés. 8o BL 8736 (1)), fol. E3v.

11 Valet, fol. B2r.

12 Nous empruntons l’expression à F. Manuel, « Pronostications joyeuses et théâtre polémique : une rencontre paradoxale », Le Théâtre polémique français. 1450-1550, éd. M. Bouhaïk-Gironès, J. Koopmans, K. Lavéant, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 33-47, ici p. 38. Nous renvoyons également à l’étude de J.-C. Aubailly qui évoque le caractère « mimique » du monologue dramatique : « même les œuvres destinées à être lues sont écrites en fonction d’une mise en scène rudimentaire et il est hors de doute que l’art de la lecture mimée était fort cultivé » (Le Monologue, le Dialogue et la Sottie. Essai sur quelques genres dramatiques de la fin du Moyen Âge et du début du xvie siècle, Paris, Champion, 1984, p. 4).

13 F. Manuel emploie à l’origine cette expression au sujet des pronostications joyeuses (« Les Pronostications Joyeuses : la parodie au service d’une poétique négative », Albineana, Cahiers d’Aubigné, no 20, 2008, p. 133-148, ici p. 140).

14 J. Du Bellay, La Deffense et illustration de la langue française et L’Olive, éd. J.-C. Monferran, Paris, Droz, 2001, p. 238.

15 F. Sagon, Epistre à Marot par François de Sagon pour luy monstrer que Frippelipes avoit faict sotte comparaison des quatre raisons dudit Sagon à quatre oysons, Paris, Gilles Corrozet et Jean André, 1537, in-8o, Paris, Arsenal (Rés. 8o BL 8736 (13)), fol. A2v.

16 P. Dorio, « La Plume en labsence ». Le devenir familier de l’épitre en vers dans les recueils imprimés de poésie (1527-1555), thèse de doctorat, Université Sorbonne Paris Cité-Université Paris III Sorbonne Nouvelle, 2017, p. 312.

17 Epistre a Marot, fol. A4v-B1r.

18 Les Disciples et amys de Marot contre Sagon, « Apologie de Maistre Nicole Glotelet, de Victry en Partoys, pour Clement Marot, contre le Coup d’essay faict par ung cerité ou mathelineux, nommé Sagon », Paris, [Louis Blaubloom pour] Jean Morin, 1537, in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 1582), fol. A3v.

19 Durant la cérémonie, on rejouait l’épisode biblique dans lequel l’ânesse du devin Balaam, soudainement douée de parole, s’en prend à son maître. C’était semble-t-il un clerc qui revêtait le costume de l’animal et qui recevait en outre, conformément au texte, les coups portés par Balaam. Ce scénario est évoqué dans le Glossarium mediæ et infimæ latinitatis, Niort, L. Favre, 1883-1887, à l’entrée « festum », disponible en ligne sur le site des Éditions en ligne de l’École des Chartes (Élec).

20 Valet, fol. B2r.

21 Disciples, fol. E2v.

22 Valet, fol. B2v.

23 Disciples, fol. G3v.

24 Ph. Desan, « Le feuilleton illustré Marot-Sagon », La Génération Marot. Poètes français et néo-latins (1515-1550), Actes du Colloque international de Baltimore, 1996, éd. G. Defaux, Paris, Champion, 1997, p. 348-380.

25 De Marot et Sagon les treves, donnez jusqu’à la fleur des febves. Par l’auctorité de l’abbé des Conardz, [Paris ?], [Antoine Bonnemère ?], [1537], in-8o, Paris, BnF (Rothschild no 2594 (620 A) (16)), fol. A4v.

26 Les Treves de Marot et Sagon, Données jusques à la fleur des febves Par l’auctorité de L’abbé des Conardz à Caen., [Paris ?], [Pierre Gromors ?], 1537, in-8o, Paris, BnF (Rés. Ye 1591).

27 Epistre à Marot, fol. A3v.

28 Entrée « auditoire » du Dictionnaire du Moyen Français consultable sur le site de l’ATILF.

29 É. Rajchenbach évoque justement la « fonction communautaire » de la querelle (« Une querelle poétique : la querelle des dames parisiennes et des lyonnaises », La Poésie à la cour de François Ier, éd. J.-E. Girot, PUPS, 2012, p. 101-119, ici p. 112).

30 Le Banquet d’honneur sur la Paix faicte entre Clement Marot, Françoys Sagon, Fripelippes Hueterie et aultres de leurs ligues. Nouvellement imprimé, [Paris ?], [Alain Lotrian ?], 1537, in-8o, fol. B4r, Paris, BnF (Rothschild no 621 (18)), fol. B4r.

31 Le Banquet d’honneur, fol. A3r.

32 Deux Jeux de Carnaval de la fin du Moyen Âge, éd. J.-C. Aubailly, Genève, Droz, 1977, p. 51.

33 J.-C. Aubailly, « Théâtre médiéval et fêtes calendaires », RHR, no 11-1, 1980, p. 5-12, ici p. 5.

34 « As with many urban festive societies, the primary function of the Abbey of the Conards was the organization of the carnival celebrations in Rouen every year. » (D. Reid, « Carnival in Rouen : A History of the Abbaye des Conards », The Sixteenth Century Journal, vol. 31, no 4, 2001, p. 1027-1055, ici p. 1030.)

35 Appologie faicte par le grant abbé des Conards sur les invectives Sagon, Marot, La Huterie, Pages, Valetz, Braquetz, etc., [Paris], [Antoine Vidoue], [1537], in-8o, Paris, BnF (Rothschild 2594 (620 A) (12)).

36 La premiere leçon des matines ordinaires du grand abbé des Conardz de Rouen, souverain monarcque de l’ordre, contre la response faicte par ung corneur à l’apologie du dict abbé, [Rouen], [Cardin Hamillon], 1537, in-4o. Reproduction du texte par P. A. Bourdier à Paris en 1857, Paris, BnF (Rés. Ye 4610).

37 De Marot et Sagon les treves, fol. B1v.

38 Le terme est synonyme de médiateur selon l’entrée du Dictionnaire du Moyen Français consultable sur le site de l’ATILF.

39 De Marot et Sagon les treves, fol. A3r.

40 Appologie, fol. A2r.

41 Appologie, fol. A3v.

42 K. Gvozdeva, « Le Jeu du Sacre dans les contextes ludiques, rituels et polémiques », Le Théâtre polémique français. 1450-1550, p. 89-107, ici p. 92. Voir également le travail source d’A. Rochas, « L’abbaye joyeuse de Pierrelatte d’après des documents inédits et les traditions populaires », Grenoble, X. Drevet, 1887. Il est toutefois douteux que dans le cas de l’Abbaye des Conards, le haut dignitaire ait lui-même été issu de la jeunesse. Voir sur ce point les réserves émises par Reid dans « Carnival in Rouen : A History of the Abbaye des Conards », p. 1036.

43 Appologie, fol. A3r.

44 De Marot et Sagon les treves, fol. B1r.

45 Responce à l’abbé des Conars de Rouen, Paris, Jean Morin, 1537, in-8o, Paris, BnF (Rothschild no 2594 (620 A) (13)), fol. A3r. L’entrée « touin » du Dictionnaire du Moyen Français consultable sur le site de l’ATILF donne le sens de « saligaud », « cochon ».

46 Responce à l’abbé des Conars de Rouen, fol. A3v.

47 De Marot et Sagon les treves, fol. A3v.

48 M. Rousse, Le Théâtre des farces en France au Moyen Âge, « La Confrérie des Conards de Rouen. Textes de farces, documents d’archives », thèse de doctorat, Université de Rennes, 1983, p. 12.

49 Reid, « Carnival in Rouen: A History of the Abbaye des Conards », p. 1030.

50 Les Triumphes de l’Abbaye des Conards de Rouen, éd. M. de Montifaud, Paris, Librairie des Bibliophiles, 1874.

51 A. Floquet, « Histoire des Conards de Rouen », Bibliothèque de l’École des Chartes, 1840, t. 1, p. 105-123, ici p. 112.

52 « The first record of their activities comes in 1509, when the cathedral chapter made a note that two chaplains had been caught having their palms read by gypsies, and that the Conards had re-created the scene the next day for the amusement of the public » (Reid, « Carnival in Rouen: A History of the Abbaye des Conards », p. 1039).

53 Archives Départementales Seine-Maritime, Registres du Parlement, 1 BP 9100, Registres d’arrêts, 7 avril 1536-30 mai 1536 : « La court advertye que aulcuns eulx se disans et nommans conars et leurs complices et alliez se sont vantez et vantent faire quelques amatz et preparatifz pour deshonnorer, injurier et scandaliser aucuns bons personnages de la ville par libelles diffamatoires et autrement en lieux publiques. Et sur ce oy le procureur general du Roy, a ordonné et ordonne que inhibicions seront et sont faictes ausd. eulx disans conars, leurs complices adherens et alliez qu’ils n’aient à injurier ou scandaliser par parolles diffamatoires ne de faict, par effigie ou paincture ne autrement en lieux publics ne autres, aucunes personnes quelz qu’ilz soient sur peine de punicion corporelles, amendes et autres peines à la discretion de ladite Cour […] » (Rousse, Le Théâtre des farces en France au Moyen Âge, p. 28). L’information est reprise par D. Reid : « […] in 1536, the Parlement issued a decree directed at the Conards forbidding them from mocking individuals in their festivities » (« Carnival in Rouen : A History of the Abbaye des Conards », p. 1039) et on la trouvait déjà dans Recherches sur les origines et l’histoire du théâtre à Rouen, avant Pierre Corneille, Rouen, E. Cagniard, 1868, p. 46).

54 Arrêt du 20 mai 1536 : « […] deffenses de ne jouer à la monstre de la Bazoche prochaine, aucuns jeux, ne faire monstration de spectacles, ne escripteaux taxans ou notans quelque personne que ce soit, sois peine de n’en prendre à eux […] » (Arch. Nat. X1a 1539, fol. 293). L’extrait est cité par M. Rousse dans Les Clercs de la Basoche et le théâtre comique (Paris, 1420-1550), Paris, Champion, 2007, p. 140.

55 Les Triumphes de l’Abbaye des Conards, p. 93. Un décret du Parlement daté de 1570 va dans le même sens. Archives Départementales Seine-Maritime, Registres de Parlement, 1 BP 9283, Registre d’arrêts, 3 octobre 1569-28 février 1570, vendredi 3 février (Rousse, Le Théâtre des farces en France au Moyen Âge, p. 88).

56 De Marot et Sagon les treves, fol. B1v. La fève joue un rôle important dans les rites antiques. Sa nature embryonnaire symbolise la fécondité et le renouveau. C’est la raison pour laquelle elle et se trouve fréquemment associée au rituel du Carnaval qui célèbre le passage de l’hiver au printemps. Comme le précise Claude Gaignebet : « d’après les textes pythagoriciens, il faut quarante jours pour que la fève se développe à la manière d’un embryon à l’intérieur d’un homme […]. Quarante jours après la fève des Rois, nous parvenons en février, en pleine période de Carnaval. » (C. Gaignebet et M.-C. Florentin, Le Carnaval, essais de mythologie populaire, Paris, Payot, 1974, p. 149.)

57 Bertrand, « Introduction : état des lieux », p. 9.

58 Voir sur ce point, A. Armstrong, The Virtuoso Circle: Competition, Collaboration, and Complexity in Late Medieval French Poetry, Tempe, Arizona Press University, (« Arizona Center for Medieval and Renaissance Studies » 415), 2002. On renverra également à l’ouvrage de E. Cayley, Debate and Dialogue: Alain Chartier in his Cultural Context, Oxford, Clarendon Press, 2006.

59 Deffense de Sagon, fol. E1v. C’est ce que nous appliquons à faire dans notre thèse consacrée aux stratégies éditoriales et aux sociabilités polémiques de la querelle Marot-Sagon, actuellement en préparation sous la direction de Nathalie Dauvois et de Guillaume Berthon.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jérémie Bichüe, « Parodie, rituel satirique et culture joyeuse dans la querelle Marot-Sagon (1534-1538) »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 37 | 2019, 297-313.

Référence électronique

Jérémie Bichüe, « Parodie, rituel satirique et culture joyeuse dans la querelle Marot-Sagon (1534-1538) »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 37 | 2019, mis en ligne le 01 août 2022, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/17423 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.17423

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Auteur

Jérémie Bichüe

Université Paris III Sorbonne-Nouvelle

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