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La corpo-réalité dans les oeuvres du Moyen Âge

Jeux de pistes : reflets d’auteurs dans le manuscrit français 19139

Charles d’Orléans, Alain Chartier, Jean de Garencières… et les autres
Jean-Claude Mühlethaler
p. 257-278

Résumés

Le manuscrit BnF, fr. 19139 contient des pièces de Charles d’Orléans, Alain Chartier et Jean de Garencières. Le recueil propose un véritable jeu de pistes, incitant le lecteur à tisser un lien entre la voix lyrique et l’homme, à déceler un vécu sous un discours tributaire de la tradition courtoise. En combinant indices textuels et graphiques, tenant compte aussi de ce qu’un nom propre évoque en nous, on voit émerger un monde où les figures d’auteur, copiste et possesseur entrent en concurrence.

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Texte intégral

Ils composeront ainsi un nouveau roman, suggéré par l’auteur, et qui n’entretient avec sa biographie qu’un rapport de diversion.
J.-B. Puech, Du vivant de l’auteur.

  • 1 J.-L. Diaz, L’Écrivain imaginaire : scénographies auctoriales à l’époque romantique, Paris, Champi (...)
  • 2 Sur les débats autour de ces notions, voir la mise au point (« Figure, posture, ethos à l’épreuve (...)
  • 3 Voir la récente mise au point de M. Jeay, Poétique de la nomination dans la lyrique médiévale. « M (...)

1Homère, paraît-il, était aveugle. Mais ni les innombrables représentations de l’aède depuis l’Antiquité, ni l’admiration générale pour l’Iliade et l’Odyssée n’ont empêché que des doutes ne surgissent, quitte à mettre en question l’existence même du poète, peut-être trop monumental pour être vrai. Imaginaire (collectif et figé) ou trace d’une réalité, d’un vécu ? Comme le remarque José-Luis Diaz1, la notion d’« auteur » oscille entre ces deux pôles : il y a d’un côté l’homme réel, qui a vécu à une certaine époque ; de l’autre la figure inscrite dans le texte et, enfin, l’idée que s’en fait le lecteur avec les moyens du bord. Quand il tient le livre ou le manuscrit entre les mains, il exploite des indices parfois infimes, notamment les « postures » – les rôles à travers lesquels l’auteur se met en scène – et ce qu’il perçoit comme des « doubles2 » possibles de l’écrivain. La lecture implique la quête d’un interlocuteur, d’un responsable du texte, qu’on ne peut s’empêcher de désirer et de fantasmer au-delà des multiples masques, parfois déroutants, que prend le poète3. Rien ne paraît plus irritant que l’anonymat ou un pseudonyme cachant un auteur évanescent : les débats qu’ont suscité en 1669 les Lettres portugaises ou, à notre époque surmédiatisée, la fièvre que provoque l’énigme Elena Ferrante sur la toile, en disent long à ce sujet. Il nous faut une personne réelle à qui rattacher l’œuvre, un vécu qui en garantisse le statut et l’authenticité.

2Mais que faire alors des œuvres médiévales ? Si elles ne sont pas anonymes, le nom n’est souvent guère plus qu’un nom : que savons-nous de Chrétien de Troyes ou de Jean Renart ? Encore à la fin du Moyen Âge, le nom peut tenir du leurre : dans Villon résonne « vil homme » – serait-ce un nom de plume ? – et le testateur se présente tour à tour en amant malheureux, pauvre hère, malfrat, fils aimant, clerc et moraliste… Quant à la vie de Charles d’Orléans, elle a beau être connue, son moi en éclats déroute : au fil des pièces lyriques, on finit par se demander où, entre l’amant martyr, le malade, le médecin, l’écolier de Mélancolie, l’homme « viel et chenu » (R79), qui se compare au chat indifférent, et l’hédoniste goûtant les plaisirs de la table (R370), se cache le vrai Charles d’Orléans, le prince et/ou le poète.

  • 4 Voir les travaux de J. Coleman, notamment Public Reading and the Reading Public in Late Medieval E (...)
  • 5 Il peut être consulté sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale.
  • 6 Poetry of Charles d’Orléans and His Circle. A Critical Edition of BnF MS. Fr. 25458, Charles d’Orl (...)
  • 7 Livre des quatre dames, v. 1434 (Alain Chartier, Poèmes, éd. J. Laidlaw, Paris, UGE (10/18), 1988, (...)
  • 8 Complainte II, v. 51 (Les Poésies complètes de Jean de Garencières, éd. Y. A. Neal, Paris, Tournie (...)
  • 9 Livre des quatre dames, v. 1409-1414.

3Les frontières qui séparent auteur réel, textuel et imaginaire sont floues, les recoupements entre les trois instances à la fois fréquents et incertains. Nous nous intéresserons ici moins au travail interprétatif du lecteur en train de (se) construire une image de l’écrivain qu’aux éléments qui, dans un manuscrit, sont autant de stimuli l’incitant à forger un lien entre la voix lyrique (ou narrative) et l’homme, à déceler un vécu sous le voile d’un discours tributaire de la tradition courtoise et allégorique. La démarche présuppose une attention particulière au détail, fruit d’une lecture silencieuse et individuelle. Celle-ci, on le sait, gagne du terrain à la fin du Moyen Âge, bien que la récitation oralisée et publique continue à être appréciée4 aux cours princières. Dans le manuscrit français 19139 conservé à la Bibliothèque Nationale5 de Paris, au moins un indice laisse penser qu’il était (aussi) conçu pour être feuilleté, parcouru des yeux : à plusieurs reprises, le mot cœur est remplacé par un ♥ dessiné, que ce soit dans la partie consacrée à Charles d’Orléans6 (p. 52), à Alain Chartier7 (p. 181) ou au chevalier-poète Jean de Garencières8 (p. 457). Remarquons que, dans le Livre des quatre dames de Chartier, les vers « A Dieu pleust / Que mon ♥ pour le sien peust / Estre en ostaige » sont placés dans la bouche de la seconde dame, celle dont l’ami a été fait prisonnier à la bataille d’Azincourt et qui est aussi poète à ses heures, écrivant des ballades9 d’inspiration courtoise. Certains y ont vu une allusion au couple de Charles d’Orléans et de Bonne d’Armagnac, que le jeune duc avait épousée en 1410, cinq ans avant d’être emmené, captif, en Angleterre.

  • 10 Au xixe siècle, Charles d’Héricault édite le Lay piteux, une ballade et deux rondeaux du BnF, fr. (...)

4La présence d’un autre cœur dessiné mérité d’être signalée, celui qui se trouve à la p. 117, là où se termine la partie consacrée aux poésies de Charles d’Orléans. Après le Songe en complainte sont transcrites des pièces que la critique n’attribue qu’en partie au prince : une ballade, des complaintes, le Lay piteux, puis des rondeaux10, des complaintes et à nouveau des rondeaux qui constituent un échange de propos – inhabituel dans le lyrisme aurélien – entre une dame et son amant. Le passage se clôt par une composition sans refrain, comprenant trois strophes, l’une de cinq, la seconde de trois, la dernière de cinq octosyllabes que nous transcrivons ici :

Mon bien, m’amour, mon fin ♥ doulx,
A vous me rens, a vous suis tous.
Je vous ayme plus que autre femme
N’autre que vous n’aura la garde,
Elas, de moy qui suis a vous.
(BnF, fr. 19139, p. 117)

  • 11 Voir S. Lefèvre, « “Au blanc de cest escrit”. Vertiges de la page et d’un autre langage », Sens, R (...)

5Le cinquain tient de la déclaration d’amour et de la dédicace. Il est suivi de l’explicit qui lie l’écriture du prince à l’expérience de la prison, néanmoins de manière moins détaillée11 que ne le fait le manuscrit 2070 conservé à la Bibliothèque de l’Arsenal. L’explicit fait écho à la note liminaire figurant dans la marge supérieure du feuillet où commence la Retenue d’Amour. La même information encadre ainsi la production lyrique de monseigneur le duc d’Orléans :

Cy fine le livre que monseigneur le duc d’Orleans a fait estant prisonnier en Angleterre.
Explicit.
(BnF, fr. 19139, p. 117)

Cy commence Le Livre que monseigneur Charles duc d’Orleans a faict estant Prisonnier en Angleterre.
(BnF, fr. 19139, p. 1)

  • 12 Le Champion des dames, éd. R. Deschaux, Paris, Champion, 1999, vol. III, v. 11914 et 14158. Voir G (...)
  • 13 Le Livre du cœur d’Amour épris, éd. et trad. F. Bouchet, Paris, Le Livre de Poche (Lettres gothiqu (...)

6et le cœur, là, sur la page ! On sait l’importance du titre pour la perception d’une œuvre ; les valences symboliques de la prison (d’amour) dans la tradition courtoise sont également connues. Le lecteur de notre manuscrit, transcrit vers le milieu du xve siècle, voit ainsi s’amalgamer, dans la figure du duc, le vécu d’un seigneur en vue et la posture littéraire. Il est amené à le percevoir comme incarnation de l’amant parfait dont la constance inébranlable s’affirme une dernière fois dans les vers conclusifs avec ce cœur iconique. Telle est aussi l’image du Charles d’Orléans imaginaire que brosse le Livre des quatre dames (1416) d’Alain Chartier, déjà évoqué ; c’est ainsi que le perçoit encore Martin le Franc, auteur bourguignon, quand il évoque le « livre qu’il fit en Inglant » dans le Champion des dames (1442), puis rappelle qu’il « voa et promist en prison12 » de respecter les commandements d’Amour. René d’Anjou, ami personnel du duc, ne dit pas autre chose dans le Livre du cœur d’Amour épris (1457) : pendant son exil, Charles d’Orléans aurait fait « a Amours hommaige13 » non pas pour son épouse, il est vrai, mais pour une dame anglaise. Seulement, le sentiment (le vécu) se réduit aux yeux de René d’Anjou au présupposé nécessaire à l’éclosion d’un admirable lyrisme d’amour, que favorise le cadre de la prison. L’écrivain s’impose au détriment du prince, l’acte créateur prime sur le drame personnel au point de passer sous silence tout l’arrière-fond politique.

  • 14 Voir A. Piaget, « Une édition gothique de Charles d’Orléans », Romania, 21, 1892, p. 581-596.

7Dans le sillage de ces lectures où la biographie est vue à travers les lunettes courtoises, l’imprimeur parisien Antoine Vérard fera un pas de plus en évacuant tout ancrage référentiel lorsqu’il publie La Chasse d’Amours et Le Depart d’Amours en 1509. Bien que le recueil contienne une grande partie des compositions du duc14, le nom de Charles d’Orléans n’y figure nulle part. Ses ballades et rondeaux sont attribués pour l’essentiel à l’Amant Parfait. Dans un passage dont le canevas est celui – fortement théâtralisé (des rubriques signalent la prise de parole par différentes personnifications) – de la Retenue d’Amour, l’ouverture de la « lectre de retenue » est réécrite de façon radicale :

Charles d’Orléans

Antoine Vérard

Salus de cueur, par nostre grant humblesse,
A tous amans.
Savoir faisons que le Duc d’Orlians,
Nommé Charles, a present jeune d’ans,
Nous retenons pour l’un de noz servans.
(éd. Arn, v. 403-407)

Salut de cueur par nostre hardiesse !
A tous amans
Sçavoir faison, et a tous caÿmans,
Que cest enfant, l’ung de noz reclamans,
Amant parfait, nect com deux dÿamans
(Chasse, fol. 186r)

  • 15 J.-C. Mühlethaler, Charles d’Orléans, un lyrisme entre Moyen Âge et modernité, Paris, Classiques G (...)

8Le jeune Amant Parfait s’est substitué à Charles d’Orléans ! Tout signe de présence du prince a été soigneusement gommé, empêchant définitivement le lecteur d’établir un lien entre le récit allégorique et un vécu individuel, entre le personnage et l’auteur… pourtant père de Louis XII, alors roi de France. Le cordon ombilical entre l’homme et l’œuvre est coupé, de sorte que ses ballades et rondeaux s’offrent à être récupérés dans un geste d’appropriation15, puis réinterprétés et transformés au sein du recueil. En refusant de se confiner dans le rôle de lecteur ou celui d’un copiste respectueux du texte, l’éditeur et son collaborateur (Blaise d’Auriol) ont pris la place de Charles d’Orléans, alors même que le duc avait pris soin à inscrire sa présence dans son manuscrit personnel, le célèbre français 25458.

Broder autour du nom : jeux de pistes dans les manuscrits 25458 et 19139

  • 16 Aux p. 823-825 de leur édition, M.-J. Arn et J. Fox donnent une liste des « Lyrics in the Duke’s H (...)
  • 17 P. Champion, Le Manuscrit autographe des poésies de Charles d’Orléans, Genève, Slatkine Reprints, (...)
  • 18 M.-J. Arn, The Poet’s Notebook. The Personal Manuscript of Charles d’Orléans, Turnhout, Brepols, 2 (...)
  • 19 Charles d’Orléans, Le Livre d’Amis : poésies à la cour de Blois, éd. V. Minet-Mahy et J.-C. Mühlet (...)
  • 20 « Assemblées courtoises et jeux poétiques : anthologie de “coteries” à la fin du Moyen Âge en Fran (...)
  • 21 P. Tucci, Morire di sete vicino alla fontana a altri studi di letteratura francese medievale e mod (...)
  • 22 La question est soulevée par V. Minet-Mahy, « Charles d’Orléans et la tradition des métaphores mar (...)

9Le nom, revendiqué, tisse un lien fort entre le moi textuel et l’auteur. Dans le recueil personnel de Charles d’Orléans, sa nature varie néanmoins selon les sections du manuscrit, partiellement autographe16. Du travail pionnier de Pierre Champion17 à la récente analyse de Mary-Jo Arn18, la complexité de sa structure a bien été mise en évidence, de sorte que nous pouvons ici nous limiter à opposer (grossièrement) le « Livre de la prison » – pour reprendre le titre donné aux pièces composées en Angleterre par les éditeurs du xixe siècle – et le « Livre d’Amis19 » qui correspond à l’époque de Blois où Charles d’Orléans vit à partir de 1450 après s’être retiré des affaires. Les deux parties sont conçues pour des audiences et dans des buts différents. Dans la seconde, les mentions « Orlians », « de Mgr d’Orlians » ou – avec indication de la destinataire (ici la belle-sœur du duc) – « Rondel de Mgr a madame d’Angoulesmes » (R270) permettent de distinguer les compositions du prince de celles de ses amis ou des poètes de passage. Aux indications fournies par les rubriques correspond la multiplication d’écritures différentes, parfois autographes, où transparaît ce que Jane Taylor a appelé avec bonheur « l’esprit de coterie20 ». à travers le jeu des noms et des écritures, les échos aussi entre différents poèmes21, le lecteur hume le parfum de la vie de cour, le bruissement de son activité littéraire. Dans un tel contexte, l’ouverture de la ballade B140 qui – avec son cortège de personnifications (Penser, Confort, Fortune, Monde, Espoir, Tourment) – invite à une lecture en clé allégorique, prend une saveur particulière. Les premiers vers offrent des précisions géographiques qui font écho aux noms que livrent les rubriques : « En tirant d’Orleans a Blois / L’autre jour par eaue venoye » évoque la navigation sur la Loire et, contrecarrant la tendance à l’abstraction de l’allégorie, place l’ensemble de la composition sous un éclairage subjectif. Le lecteur a l’impression de saisir le prince sur le vif, en navigateur solitaire, plongé dans ses rêveries… amoureuses ou spirituelles22.

10Très différent est le statut du nom dans le « Livre de la prison » dont la cohérence s’impose à l’œil par la facture soignée et la vague structure narrative qui, de la Retenue au Songe en complainte, dessine la courbe d’un amour, de son éclosion à la mort de la dame. Aucune nécessité donc d’individualiser dans les rubriques le moi lyrique, puisque celui-ci monopolise la parole. Le nom du prince apparaît au moment où, dans la Retenue, « Charles, Duc d’Orlians » (v. 114) est présenté par Jeunesse au portier du château d’Amour, puis au dieu en personne. Celui-ci reconnaît en ce prince à la « fleur de lis » (v. 166), issu de la maison de France, le fils de l’un de ses fidèles serviteurs, le duc Louis d’Orléans (v. 171-174). Son nom figure encore dans la Copie de la lettre de retenue (v. 405), puis revient dans le Songe en complainte, quand « Charles, le duc d’Orlians » (v. 181) soumet au dieu sa Requeste afin d’être dispensé du service d’Amour ; on le retrouve enfin dans la Copie de la quittance dessusdicte (v. 375) où il est accédé à son désir.

  • 23 D. Lechat, « La Vocation poétique de Charles d’Orléans dans la Retenue d’Amours et les Ballades »,(...)
  • 24 M. Gally, « Miroitements du Moi. Le sujet lyrique chez Charles d’Orléans et François Villon », Êtr (...)

11Noblesse oblige ! La vocation poétique de Charles d’Orléans paraît directement liée à son statut social23, d’autant plus que le contexte confère aux mentions du nom un caractère officiel : la présentation à la cour d’Amour, puis l’hommage lige au seigneur débouchent sur des documents à caractère (peudo-) juridique où le nom désigne soit l’auteur (on est proche de la signature), soit le destinataire de l’écrit. Placés dans la Retenue et le Songe, les noms encadrent la séquence des ballades, de manière à tisser un lien fort entre le parcours amoureux du moi et leur auteur. L’importance accordée au nom s’affirme définitivement à la p. 4 du manuscrit où « Charles duc d’Orlians » (v. 114) est souligné, attirant nécessairement le regard du lecteur. Le duc et amant s’impose comme « sujet principal24 » du récit d’ouverture et, partant, des pièces lyriques qui suivent.

  • 25 M.-M. Dufeil, « Au blason d’Orléans », Mélanges de langue et de littérature médiévales offerts à A (...)
  • 26 On retrouve une demi-fleur de lys attachée à la hampe d’un « t » à la p. 81. La page est reproduit (...)
  • 27 C’est ainsi que le blason de Charles d’Orléans figure dans la marge inférieure du BnF, fr. 1104 (s (...)
  • 28 Au point que C. Lucken, « Le Roman de Plaisant Penser de Charles d’Orléans ou la mise en poésie de (...)

12Le regard du lecteur est aussi attiré par le blason du prince – écartelé de France et de Visconti25 – inséré dans la lettrine à la p. 1, cet « O » sur lequel s’ouvre la Retenue d’Amours. Comment ne pas le rapprocher de la fleur de lys26 intégrée à la décoration dans la marge inférieure ? Alors que l’emblème royal se trouve à la place qu’occupent habituellement les armoiries ou devises des propriétaires27, le statut du blason ducal paraît plus ambigu : affirmation de propriété ?… affirmation de la conscience dynastique de l’auteur, telle qu’on la retrouve dans la Retenue (avec une bonne dose d’auto-dérision28, le poète se présentant en jeune homme timide et balbutiant) ?… Individualisation du moi amoureux dont la voix va s’élever au fil des ballades ?… Les frontières entre les différents rôles (paratextuels et textuels) sont floues, mais la dernière piste – a priori moins évidente – trouve de quoi se nourrir, quand on arrive à la description du tombeau de la dame, enterrée « dedens le moustier des amoureux » (B69, v. 2) :

Dessus elle gist une lame
Faicte d’or et de saffirs bleux.
(B69, v. 12-13)

  • 29 Son ami, le duc René d’Anjou, intègre à son Cœur d’amour épris un « autoportrait héraldique en bon (...)
  • 30 Le Poète et le prince. L’évolution du lyrisme courtois de Guillaume de Machaut à Charles d’Orléans(...)
  • 31 La Poésie lyrique de Charles d’Orléans, Paris, Nizet, 1971, p. 183-191 (« La dame des Ballades »).

13Le poète offre à la défunte, parangon de courtoisie, un écrin princier. Il a beau gloser – dans une démarche rare sous sa plume – l’or et le bleu, le premier représentant le Bonheur, le second la Loyauté, un lecteur tant soit peu attentif y reconnaîtra les deux couleurs de la maison royale, bien présentes dans le blason ducal29. Le poète et le prince semblent se confondre dans le geste qui célèbre celle qui fut « le tresor de tous les biens mondains » (refrain). Cela suffit-il pour que la dame soit parée aux couleurs de la France ? Un courtisan qui était informé des infortunes de l’oncle du roi aura pu y voir une allusion à Bonne d’Armagnac, décédée entre 1430 et 1435, pendant que son époux était prisonnier en Angleterre. La critique aussi a franchi le pas : dans le sillage de Pierre Champion, Daniel Poirion30, puis John Fox – avec quelques sérieux bémols31 – voient le fantôme de Bonne hanter les ballades du prince sous le voile des conventions courtoises.

14Il n’y a, dans le BnF, fr. 19139, ni armoiries ni nom souligné. Au début en tout cas, aucun lien visuel ne s’établit entre le moi lyrique et les marques de l’auteur (et/ou du propriétaire). Il faut se plonger dans la lecture de la Retenue, arriver à l’endroit au apparaît le nom de Charles d’Orléans, pour être tenté de mettre en relation les données de la note liminaire (voir supra) et la mise en scène du moi dans le récit. Mais alors que lien entre le blason et le jeune prince de la Retenue s’établit sans peine dans le manuscrit personnel, le contraste entre le « prisonnier » de la note liminaire du français 19139 et le timide jouvenceau à la cour d’Amour déroute. Rien ne rattache l’Angleterre à l’espace allégorique de sorte que, malgré le nom propre et le statut social, l’effet de fiction l’emporte, invitant à distinguer l’auteur réel (celui de la note liminaire) du moi textuel. Ceci n’empêche pas la tentation biographique d’émerger, ne serait-ce que par la narration au passé qui, renvoyant au temps de l’adolescence, crée chez le lecteur l’attente d’une vie qui, à un certain moment, basculera, confrontant le moi à l’expérience de la prison.

  • 32 « La lettre close », précise la rubrique (absente du manuscrit personnel) dans le BnF, fr. 19139, (...)

15Or, l’attente sera déçue, car, entre la Retenue et le Songe en complainte, la réalité anglaise est aux abonnés absents. Par deux fois seulement, au détour d’un vers, la dame lointaine est associée à la France (B28 ; B50) ; une fois enfin, le locuteur déclare « Prisonnier suis, d’Amour martir » (B40, v. 33). Mais le vers fait penser à la prison allégorique d’Amour plus qu’à la Tour de Londres : l’amant martyr, le rôle choisi, reste distinct de l’auteur réel. L’amalgame ne se fait guère qu’au moment de la signature à la fin de la lettre32 envoyée par l’amant à Amour après qu’il a quitté la cour du dieu. La signature se détache sur la page dans le français 19139 où elle est précédée d’une indication (soulignée) qui la sépare nettement de ce qui précède :

Le dessoubz de la lettre
Le bien vostre Charles duc d’Orleans
Qui jadiz fut l’un de voz vrays servans.
(BnF, fr. 19139, p. 92)

  • 33 Il s’agit de la célèbre Complainte de France (éd. Fox/Arn, Co3, p. 252-257), mais qui se trouve bi (...)

16Le nom est là, à la rime, incontournable. Et seulement quelques pages plus tard, le regard du lecteur est arrêté par une autre mise en relief, celle du nom sur lequel s’ouvre le « dit de France33 » (p. 101), écrit en caractères plus grands, de manière plus appuyée, comparables aux caractères gras dans la typographie moderne :

France jadiz on te souloit nommer,
En tous païs, le tresor de noblesse.
(BnF, fr. 19139, p. 101)

17Le scribe recourt à la même technique au début de la dernière strophe de la complainte. Pour le lecteur qui est, pensons-nous, naturellement tenté de faire abstraction du copiste, la mise en relief fonctionne ici comme une signature authentifiant les vers écrits par le duc alors qu’il était « prisonnier » (éd. Arn, v. 85) :

Et Je Charles duc d’Orleans rimer
Voulu ces vers ou temps de ma jeunesse.
(BnF, fr. 19139, p. 104)

18On tourne la page et voici le Lay piteux. Placé sous le signe du souvenir et de l’éloignement, la voix féminine qui s’élève signe un retour au registre amoureux après la teneur politico-morale de la Complainte :

Bonne saison, bon temps avoye,
Elas, amy, quant vous veoye !
Reconfort bon et vous prenoye ;
Tant de plaisir et d’autre bien
Rejoissoit ma seule joye.
(BnF, fr. 19139, p. 105)

  • 34 Première préface (1836) aux Portraits littéraires (Sainte-Beuve, Œuvres I, éd. M. Leroy, Paris, Ga (...)
  • 35 Il s’agit du manuscrit no 873 conservé à la Bibliothèque de Grenoble.

19« Bonne » a beau être ici un adjectif, il s’impose à première vue – c’est à-dire avant qu’on ne se mette à lire le Lay – comme un nom propre, celui de la duchesse, lequel fait écho à « France » et à « je, Charles ». La transcription n’est pas innocente : le copiste, qui est nécessairement aussi lecteur, interprète le texte dans une perspective biographique et nous invite à le suivre sur ce chemin. De son exil, le prince, responsable politique, s’adresse à la France menacée ; le poète, féru de courtoisie, rêve de son épouse lointaine. Plusieurs de ses ballades qualifient la dame de « bonne ». Dans le Lay piteux, l’amant l’interpelle aussi par « Bonne et Belle » (p. 108), syntagme certes figé, mais qui apparaît déjà quelques vers plus haut : la répétition lui donne une résonance particulière, surtout sous la plume du duc d’Orléans. Le constat s’impose : les noms propres (ou ce qui est perçu comme tel) jouent un rôle de signal, d’embrayeur interprétatif, du moins pour un lecteur au courant des heurs et malheurs du prince. Celui qui en ignore tout, verra dans « bonne et belle » un cliché courtois, sans plus ; pour l’initié (le courtisan), il s’agira d’une allusion voilée à l’épouse. À ses yeux, le je textuel et la personne historique tendent à se confondre dans une entité qui relève nécessairement de l’imaginaire : le lecteur la construit en amalgamant données textuelles et biographiques, de manière à ce que l’une éclaire et complète l’autre. Comme le fera bien plus tard Sainte-Beuve dans une démarche érigée en méthode d’investigation, un tel lecteur est poussé à établir, à partir de quelques indices, « le rapport de l’œuvre à la personne même, au caractère, aux circonstances particulières34 ». Il construit un portrait littéraire de l’auteur, comme l’a fait, à l’époque, le propre secrétaire du duc, l’humaniste Antonio d’Asti. Dans la préface à sa traduction latine des poésies du prince35, il le compare à Ovide exilé sur les rives de la mer Noire, d’où celui-ci avait envoyé des épîtres à son épouse (entre autres), restée à Rome. Le secrétaire pare Charles d’Orléans du prestige de l’auctoritas, du maître incontesté du lyrisme d’amour. Bref, il cherche à le statufier.

Auteurs imaginaires et structure de recueil

  • 36 Pour une description plus détaillée, voir la fiche consacrée au BnF, fr. 19139 sur le site Arlima.

20Les noms, donc, font signe. À l’intérieur d’un recueil, ils situent les auteurs les uns par rapport aux autres, contribuant à créer l’image que le lecteur se fera de chacun d’eux. Dans le BnF, fr. 25458, nous l’avons vu, le « Livre de la prison » s’oppose au « Livre d’Amis » : au Charles d’Orléans, amant courtois en exil, répond le Charles d’Orléans, centre rayonnant d’une coterie littéraire. Une opposition comparable se retrouve, dans le BnF, fr. 19139, entre les parties consacrées respectivement à Charles d’Orléans et Jean de Garencières. Voici comment se présente la structure du manuscrit36 :

  • p. 1-117 : recueil d’œuvres de Charles d’Orléans (comprenant le Lay piteux) ;
  • p. 121-412 : recueil d’œuvres d’Alain Chartier (comprenant l’Hospital d’Amours d’Achille Caulier) ;
  • p. 412-481 : les poésies de Jean de Garencières.
  • 37 Voir A. Piaget, « Jean de Garencières », Romania, 22, 1893, p. 422-481 (avec de larges extraits de (...)
  • 38 La ballade « Orlians contre Garencieres » et la « Responce de Garencieres » sont transcrites dans (...)
  • 39 H. Basso, « Le Poète à l’avenir effacé : Jean de Garencières », Le Recueil au Moyen Âge. La fin du (...)

21Le manuscrit fonctionne comme un triptyque dont le panneau central (quantitativement le plus important) est flanqué de deux panneaux qui se font pendant. Tandis que la partie consacrée à Chartier s’ouvre de façon abrupte, sans mention de nom d’auteur (nous y reviendrons), par Cy commence le Debat de reveille matin, les deux autres placent l’œuvre sous la paternité respective du prince prisonnier et du chevalier-poète. Le titre l’Enseignement du dieu d’Amours – mis en évidence (à l’exception d’« Amours ») par des caractères gras surdimensionnés – est précédé de l’indication « Garencier[e]s. Vous m’avez ». La combinaison du nom propre et de la devise, puis la présence récurrente de la seule devise, construisent l’unité du recueil en authentifiant les ballades, complaintes ou rondeaux de cet auteur37 qui fut au service de Louis d’Orléans et échangea des pièces lyriques avec son fils38. Par sa devise, Jean de Garencières s’affirme comme noble, mais donne surtout de soi l’« image épurée39 » d’un amant courtois soumis au vous de la dame. Il rejoint Charles d’Orléans, tel que le présentent le cinquain d’octosyllabes (voir supra) avec le cœur dessiné, juste avant l’explicit de la première section, ou cette signature qui fait rimer « Orleans » avec « servans » (p. 92), de manière à exhiber sa fidélité en amour. Comme dans le manuscrit 25458, les marques d’authentification servent à distinguer les compositions de Garencières de celles dues à la plume d’autres auteurs : Gaucourt, Jehan de Faiel, Jacques du Peschin ou « ceulx de Bordeaulx » (p. 478) qui, de leur côté, mentionnent le nom de leur correspondant dans les pièces qu’ils lui adressent. La poésie se conçoit comme échange.

  • 40 « De la cour au livre : la communauté poétique de Louis à Charles d’Orléans », Être poète au temps (...)

22Dans le manuscrit 19139, Charles d’Orléans et Jean de Garencières sont les deux saisis dans une pose courtoise. Mais la voix du prince s’élève, solitaire, dessinant et surtout méditant la courbe de ses amours dans une réflexion aux infléchissements méta-poétiques ; le chevalier apparaît, lui, d’emblée plus mondain, car sa poésie tient du passetemps aristocratique. Que ce soit dans l’entourage de Louis d’Orléans ou à la cour de Charles VI, le lyrisme vient, remarque Christopher Lucken, « souder, en même temps qu’une communauté poétique, une communauté culturelle et politique40 ». Pourtant, bien que Jean de Garencières et Charles d’Orléans soient issus du même milieu, l’un et l’autre tributaires de ses canons esthétiques, nourris de l’idéologie régnante, l’image que s’en fera le lecteur du BnF, fr. 19139 est pour le moins contrastée. Les deux sections de poèmes se font, il est vrai, écho dans la mesure où chacune s’ouvre sur un récit qui met en scène le moi face à Amour. Nous sommes invités à lire en parallèle la Retenue et l’Enseignement du dieu d’Amours, l’un et l’autre écrits en décasyllabes. Mais, au-delà des convergences qui donnent aux deux récits un air de famille, les postures choisies par Charles d’Orléans et par Jean de Garencières diffèrent sensiblement.

  • 41 S. Cigada et F. Féry-Hue, « Jean de Garencières », Dictionnaire des Lettres Françaises : Le Moyen (...)

23L’Enseignement aurait été écrit pour Louis d’Orléans41 et serait par conséquent antérieur à l’assassinat du duc en 1407. Les premiers vers placent le moi dans une situation topique, telle qu’on la rencontre souvent dans le lyrisme au tournant du xive au xve siècle. Ils le présentent seul, sous l’emprise de la mélancolie dans un cadre printanier :

Ung jour m’avint que, par merencolie,
Ou moys de may plaisant et gracieux,
Je chevauchoie le long d’une praerie,
Un bien matin ou j’estoie tous seulx.
(Enseignement, v. 1-4 : BnF, fr. 19139, p. 412)

  • 42 Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. et trad. A. Strubel, Paris, Livre de (...)

24Par la suite, nous apprenons qu’il s’agit d’un « jeune valleton » (v. 15) qui a quitté sa dame, parce qu’elle lui aurait préféré un rival. Le dieu d’Amour l’invite alors à reprendre « l’amoureux mestier » (v. 80) en se mettant au service de la plus belle. Mais l’acteur hésite, car il sait que la dame de ses rêves est courtisée par de « plus grans maistres », qui « ont puissance et loz, renommee » (v. 98-99). Tandis qu’ils sont vêtus avec élégance, il est, lui, ni « jolis ne avenant » (v. 113). Pourquoi la dame écouterait-elle un amant qui ne sait pas chanter, pas danser et ne brille ni par la sagesse ni par la vaillance ? Voilà un autoportrait à charge, auquel Amour réplique en dénonçant, dans le sillage du Roman de la Rose42, l’inconstance des grands seigneurs qui « ayment faintement » (v. 133).

25À la lecture de l’Enseignement se dégage l’image d’un acteur pauvre, dépourvu de l’urbanitas qui distingue le bon courtisan, mais dont la rusticitas garantit un amour sincère et constant. La posture choisie ne correspond aucunement au statut social de Jean de Garencières et encore moins à celle de son destinataire, le duc d’Orléans. Mais l’un et l’autre auront pris plaisir à un jeu littéraire marqué au sceau de l’(auto-)ironie, trait qu’on retrouve sous la plume de Charles d’Orléans ; la mise en scène du moi répond aux attentes et aux goûts d’une société de cour, pour laquelle la poésie était délassement et la courtoisie un objet de débat. À quel point la construction d’une image auctoriale est un processus interactif se confirme, quand on lit la Retenue à la lumière de l’Enseignement. Le prince y prend le contrepied de la posture adoptée par Jean de Garencières. Non seulement il livre son nom (voir supra), mais affirme haut et fort son appartenance à la haute aristocratie. Loin d’être l’un de ces grands seigneurs volages que Garencières dénonce par la bouche d’Amour, Charles d’Orléans se présente sous les traits d’un jeune homme timide qui craint d’entrer au service du dieu. Au contraire de l’intimité qui caractérise l’Enseignement, où la rencontre se réduit à un dialogue entre Amour et l’acteur au détour d’un chemin, la Retenue situe l’enamourement dans un cadre curial qui dit l’importance du decorum. Les personnifications qui entourent le dieu, le caractère juridique de la Lettre de retenue, tout contribue à une mise en scène orchestrée, à travers laquelle s’exprime la dignité à la fois d’Amour et de son nouveau vassal. Le prince, conscient de son rang, n’adopte pas l’humble posture d’un Jean de Garencières, chevalier et poète dont le but est d’entretenir son seigneur et son entourage. Charles d’Orléans ne s’affirme pas non plus en amant parfait, marquant d’emblée ses réticences face à un rôle que lui imposent son rang, mais aussi la force séductrice de Beauté, autrement dit les conventions sociales et dame Nature (l’éveil des sens, dirions-nous aujourd’hui).

  • 43 Voir les contributions regroupées sous « Chartiers Influence » dans A Companion to Alain Chartier, (...)

26Image contrastée donc. Reflet d’une hiérarchie aussi : placées en tête du manuscrit, les poésies de Charles d’Orléans sont l’aune à laquelle se mesurent les autres pièces réunies dans l’anthologie, y compris celles d’Alain Chartier, pourtant maître reconnu du lyrisme européen entre Moyen Âge finissant et Renaissance43. Une telle affirmation de l’importance du prince-poète dans le champ littéraire expliquerait-elle pourquoi la section consacrée aux œuvres de Chartier ne soit pas placée sous l’égide du nom de leur auteur, comme s’il s’agissait de minimiser son importance ?… À moins que, vu la célébrité de ses textes autour de 1450, on ait jugé une telle précision superflue, en tout cas pour un public nourri de littérature ?… Peut-être, mais le tiers supérieur de la p. 121 est resté blanc – il manque aussi la lettrine A au début du premier vers du Debat –, comme en attente d’un nom et d’un titre ou d’une note liminaire plus détaillée. Cela laisse une fâcheuse impression de travail resté en suspens.

  • 44 Alain Chartier, Baudet Herenc, Achille Caulier, Le Cycle de la Belle Dame sans mercy, éd. et trad. (...)

27Déçus, il ne nous reste qu’à feuilleter les pages consacrées à Chartier, et ceci… jusqu’à la p. 284 où son nom apparaît enfin : « Cy fine la Response maistre Alain ». Ce qui, habituellement, est présenté comme l’Excusacion44 adressée par le poète aux dames, prend dans notre manuscrit l’aspect d’une protestation de Chartier contre les propos tenus par la Belle Dame sans merci – dont il ne serait par conséquent pas l’auteur – en donnant pour titre (trompeur) à sa réaction : « La Response a la Belle Dame sans mercy » (p. 276). Chartier est saisi dans son statut d’auteur (et non plus de lecteur critique) seulement à la p. 311, avec le titre suivant : « Cy commence la Complainte maistre Alain ». Reconnu en sa qualité de maître, posé en clerc par opposition aux deux chevaliers poètes, son autorité paraît désormais établie. Et pourtant ! Loin de trouver, à la fin de la Complainte, un explicit confirmant la paternité de Chartier, le dernier vers est suivi d’un autre nom, bien au centre de la page et de surcroît surmonté d’une fleur de lys : « Bonnefoy » (p. 317). Cela ressemble à une signature, un peu comme si une autre personne venait se substituer à l’auteur ou, au moins, jugeait avoir une part de responsabilité non négligeable dans la genèse du texte. Le lien qui se tisse entre le nom et la complainte est d’autant plus fort que « Bonnefoy » fait écho au mot sur lequel se clôt le dernier vers : « en paradis la voye ». L’ambiguïté ne se lève qu’à la toute fin du manuscrit, quand s’achève la section dévolue à Jean de Garencières :

Vous m’avez.
Explicit. Ce petit livre est escript
de la main de Bonnefoy.
(BnF, fr. 19139, p. 481)

28Dans le colophon, les rôles respectifs de l’auteur et du copiste sont clairement distingués. La devise « Vous m’avez » fonctionne comme une signature attribuant la paternité des vers à Garencières ; le nom de Bonnefoy ne figure qu’après l’explicit, le renvoyant à son statut d’écrivain (au sens médiéval du terme). Seulement, ce scribe porte un nom, au contraire de l’auteur sans corps, qui est réduit à sa devise idéalisante. La substitution de l’auteur par le copiste à la p. 317 n’en est que plus saisissante et on se demande jusqu’où celui-ci va dans l’affirmation de son rôle. Est-ce que le « petit livre » (p. 481) se réfère à l’ensemble du manuscrit ou seulement aux sections où figure le nom du copiste ? Celui-ci n’apparaît pas sur les feuillets où sont transcrites les pièces de Charles d’Orléans. Nous le rencontrons par contre aux p. 403 et 412, parmi les textes d’Alain Chartier. La première fois, le nom trouve place entre les derniers vers de l’Hospital d’Amours et la Balade d’Alain (« Aucunes gens m’ont huy araisonné ») ; la seconde mention vient en clôture du Lay de plaisance. Chaque fois, le nom de « Bonnefoy » est surmonté de la fleur de lys :

Explicit Bonnefoy.
(BnF, fr. 19139, p. 403)

Cy fine le Lay de plaisance Bonnefoy.
(BnF, fr. 19139, p. 412)

  • 45 Basso, « Le poète à l’avenir effacé », p. 20 et 25.
  • 46 La remarque vaut, en général, pour l’Antiquité (L. Canfora, Le Copiste comme auteur, trad. L. Calv (...)
  • 47 Et si les œuvres changeaient d’auteur ?, Paris, Minuit, 2010.
  • 48 E. Doudet, « Par le non conuist an l’ome. Désignations et signatures de l’auteur, du xiie au xvie  (...)

29Le premier exemple est ambigu. Le nom propre figure après l’explicit, comme à la p. 481, dans la position réservée au copiste ; mais il se trouve sur la même ligne, tendant à usurper la place d’Achille Caulier relégué aux oubliettes. Le nom de Bonnefoy s’impose à nous juste avant l’incipit d’une ballade attribuée à Chartier, de sorte qu’il fait figure d’émule du père de l’éloquence française. Conscience – ou orgueil45 ? – d’un scribe qui va jusqu’à s’attribuer, quelques pages plus loin, purement et simplement la paternité du Lay de plaisance ? Peut-être la question n’a-t-elle pas vraiment lieu d’être dans la mesure où tout copiste (l’un plus, l’autre moins) est – ne serait-ce que par les variantes qu’il introduit – un co-auteur46 des textes qu’il transcrit. À une époque qui ignore les droits d’auteur et où la paternité d’une œuvre reste une donnée fragile, le scribe a tout loisir de s’affirmer. La question provocatrice de Pierre Bayard – « Et si les œuvres changeaient d’auteur47 ? » – ne relève pas de l’hypothèse pour la fin du Moyen Âge. Malgré l’émergence d’une « esthétique de la signature48 » et l’éclosion d’une conscience d’auteur, les flottements dans l’attribution d’une œuvre ne manquent pas ; ils sont favorisés par un style d’époque (les conventions courtoises) qui gomme en partie l’individualité d’une écriture. Rien n’empêche donc le lecteur de s’interroger sur l’identité de Bonnefoy, de lire le Lay de plaisance et l’Hospital d’Amours à la lumière de ce qu’il peut savoir de sa vie ou de (se) la construire à partir d’indications glanées dans les deux dits. Seulement, lira-t-on de la même manière le Lay de plaisance s’il est de l’obscur Bonnefoy plutôt qu’écrit par maître Alain, auteur généralement admiré ?

30Le nom parlant de Bonnefoy a de quoi intriguer. Il dit la probité du copiste-auteur, suggère aussi la sincérité d’un amant courtois à la manière de la devise adoptée par Jean de Garencières ou du cinquain conclusif de la section dédiée à Charles d’Orléans. Mais le caractère référentiel du nom se met à vaciller, quand le lecteur se souvient que, dans la Retenue d’Amours, puis dans la Ballade 30 et la Departie, Bonne Foy personnifiée est chargée de rédiger la Lettre de retenue, puis la Quittance qui libère l’amant de ses obligations. Elle est chaque fois qualifiée de secrétaire ou, dans la Departie, de notaire du dieu d’Amour :

A Bonne Foy, que tenez
Et nommez
Vostre principal notaire
(éd. Fox/Arn, v. 239-241)

31Par les hasards de la mise en page, le nom du notaire « Bonnefoy » (écrit ici en un mot !) caracole en tête du premier vers transcrit à la p. 82 du BnF, fr. 19139. Les signatures de la seconde partie seraient-elles un pseudonyme ?… Une façon de rattacher l’ensemble du recueil à l’œuvre de Charles d’Orléans en prolongeant la fiction, comme si le tout avait été rédigé à la cour d’Amour ?… Entre allégorie et réalité, l’hésitation s’insinue, le champ s’ouvre aux hypothèses (les plus folles ?). La fleur de lys qui surmonte le nom de Bonnefoy le rattache à la maison de France et le duc est, à l’époque, bien vivant. Peut-être notre copiste, qui se voit en auteur, était-il lié, de près ou de loin, sinon à ce grand seigneur, du moins à un personnage influent en relation avec le prince dont il appréciait le lyrisme. La mise en retrait de Chartier, la suprématie littéraire affichée du prince-poète, puis la valorisation en fin du volume de Jean de Garencières, fidèle serviteur de la maison d’Orléans, permettent d’aller dans ce sens.

32Fiction et réalité. Auteur, lecteur, copiste. Le flottement qui s’installe entre les indices disséminés dans le manuscrit, la (con) fusion des rôles qui en résulte n’ont pas de quoi étonner pour l’époque. Même le possesseur du BnF, fr. 19139 en vient à se muer, semble-t-il, en auteur. Sur la dernière page utilisée, trois lignes rédigées d’une main de la fin du xve siècle nous informent à son sujet :

Ce livre est a Colin Lateignent.
Qui le trouvera sy le rande
Et il payera bon vin.
(BnF, fr, 19139, p. 482)

33Par trois fois, la signature « Clateignent », disposée en demi-cercle autour de ces lignes, confirme la valeur que le propriétaire accordait à son manuscrit. C’est là aussi une manière de s’affirmer et de se poser en auteur, puisque la triple signature est suivie d’un bref poème moral en octosyllabes, de la même encre et de la même main :

[1] Se tu veulx ad honneur venir,
Il te convient de toy bannir
Orgueil et humble devenir,
[4] Lever matin pour messe oÿr :
Sy ne te pourra meschoïr.
Aprans labour pour toy chevir.
De folles femmes abstenir
[8] Te vuilles et de trop dormir.
Tu dois le trop boire cremir,
Le mesdire d’autruy haïr.
Suis les bons et te fais cherir.
[12] Se tous ces poins veulx acomplir,
Tu ne puis a grant bien failir.

Qui plus depant qu’a lui n’afiert,
Sens cop ferir a mort se fiert.
[16] Et sil qui despent par raison
Bien multiploye, se voit on.

  • 49 Il manque, au texte transcrit par Lateignant, les 16 premiers vers. Les 4 derniers n’ont pas de co (...)
  • 50 Le BnF, fr. 25434 obéit en partie à la même logique que le BnF, fr. 1181, mais ce dernier est plus (...)
  • 51 J.-F. Genest, « Un Objet précieux mais menacé », Le Livre au Moyen Âge, éd. J. Glenisson, Paris, C (...)

34Cette ars bene vivendi est connue par ailleurs. On retrouve la même suite d’énoncés sentencieux, en partie inspirés des Proverbes bibliques, dans un manuscrit (BnF, fr. 25434) datable du dernier tiers du xve siècle, lequel contient des œuvres de Christine de Pizan, Alain Chartier, Martial d’Auvergne et George Chastelain. Mais cette version (fol. 135r-135v) de l’ars comporte quelques variantes significatives par rapport au texte de Lateignent et, surtout, elle est sensiblement plus longue49. Le texte, anonyme, est précédé d’un Torneamentum monachorum (fol. 132r) et suivi des Jeunes commandees (fol. 135v) ; il se trouve dans une section à dominante morale où alternent le latin et le français. Colin Lateignent se seraitil contenté de copier et adapter quelques règles de bonne vie ad usum proprium ? Peu importe au fond, s’il n’en est pas l’auteur ; quoi qu’il en soit, il se les approprie. Lateignent se pose ici en homme sérieux, respectueux des préceptes de l’Église comme l’est Christine de Pizan dans les Enseignements moraux à son fils50, le seul parmi ses textes à être transcrit dans le recueil : « Cy ensuyt Christine de Pise, auquel il y a plusieurs bons enseignemens touchant le monde » (fol. 116v), dit l’intitulé. L’œuvre s’inscrit parfaitement dans la veine morale du manuscrit, tandis que les quelques vers retenus par Colin Lateignent ne se rattachent guère qu’au Breviaire des nobles de Chartier (p. 285) dans le français 19139. En même temps, les mises en garde contre la luxure et la boisson y contrastent avec la promesse (récurrente à la fin du Moyen Âge51) d’offrir un verre de vin à la personne qui, le cas échéant, rapporterait le manuscrit à son propriétaire. Ni plainte, ni menace de représailles ! La mise en garde reste ludique, de sorte qu’on imagine un bourgeois aisé, conformiste, fier de sa petite bibliothèque, capable d’humour (codifié) et sensible aux plaisirs de la table.

  • 52 Das Erlebnis und die Dichtung, Paderborn, Salzwasser, 2013, p. 125-126 (reprint de l’édition de 19 (...)
  • 53 F. Wolfzettel, La Poésie lyrique du Moyen Âge au Nord de la France, Paris, Champion, 2015, p. 188, (...)

35Du prince au bourgeois en passant par le chevalier et le clerc, professionnel de l’écriture, chacun a laissé sa trace. Tout un monde émerge à la lecture du manuscrit français 19139, mais un monde aux frontières floues où les rôles d’auteur, copiste et possesseur se bousculent, s’enchevêtrent. L’ancrage référentiel que promet le nom propre tient parfois, sinon du leurre, du moins de l’invitation à imaginer la trame d’une vie à partir d’indices ténus, tirés à la fois du texte et du paratexte. Entre allégorie, effets graphiques et liens possibles avec le vécu, Bonne d’Armagnac et Bonnefoy émergent du travail de l’imagination. En quête d’une expérience, de l’Erlebnis dans lequel Wilhelm Dilthey52 voyait le ferment de la création poétique, le lecteur construit les figures de Charles d’Orléans et de Garencières en se nourrissant des suggestions qu’il trouve au fil des feuillets, quitte à les combiner avec ce qu’il sait par ailleurs des deux poètes. La présence des auteurs dans le manuscrit est tributaire du regard des lecteurs, contemporains d’abord, puis des générations successives d’amateurs ou érudits et, enfin, de la critique moderne. L’intérêt qu’on porte à l’individu caché derrière le nom propre peut s’accroître ou s’estomper au rythme des siècles et des goûts, car il faut désirer sa présence pour entrer dans le jeu de pistes proposé par le manuscrit. Or, un tel désir n’est pas l’apanage de l’âge romantique ; pour problématique que soit la tentation biographisante53 dans le domaine lyrique, le lecteur médiéval ne l’a pas ignorée. Passetemps aristocratique, la poésie à la fois interroge la tradition courtoise et titille la curiosité d’un public sensible aux indices qui lui permettent d’individualiser la figure de l’auteur. Il l’aura été d’autant plus que les maîtres de l’écriture (y compris le copiste) n’hésitent pas à revendiquer leur place dans le champ littéraire.

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Notes

1 J.-L. Diaz, L’Écrivain imaginaire : scénographies auctoriales à l’époque romantique, Paris, Champion, 2007, p. 17-27.

2 Sur les débats autour de ces notions, voir la mise au point (« Figure, posture, ethos à l’épreuve de la littérature médiévale ») dans Un Territoire à géographie variable : la communication littéraire au temps de Charles VI, éd. J.-C. Mühlethaler et D. Burghgraeve, Paris, Classiques Garnier, 2017.

3 Voir la récente mise au point de M. Jeay, Poétique de la nomination dans la lyrique médiévale. « Mult volentiers me numerai », Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 127-136.

4 Voir les travaux de J. Coleman, notamment Public Reading and the Reading Public in Late Medieval England and France, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, chap. 5 (« Aural History ») et, plus récemment, H. Haug, « Le Passage de la lecture oralisée à la lecture silencieuse : un mythe ? », Le Moyen Français, 65, 2009, p. 1-22, ainsi que : « Lectures devant la cour : enjeux d’une pratique sociale », Cultures courtoises en mouvement, éd. I. Arseneau et F. Gingras, Montréal, Presses de l’Université, 2011, p. 300-311.

5 Il peut être consulté sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale.

6 Poetry of Charles d’Orléans and His Circle. A Critical Edition of BnF MS. Fr. 25458, Charles d’Orléans Personal Manuscript, éd J. Fox et M.-J. Arn, trad. R. B. Palmer, Tempe/Turnhout, ACMRS/Brepols, 2010, B49, v. 25. Toute citation est tirée de cette édition, la seule (depuis l’édition pionnière de Pierre Champion) à donner l’ensemble des textes transcrits dans le BnF, fr. 25458.

7 Livre des quatre dames, v. 1434 (Alain Chartier, Poèmes, éd. J. Laidlaw, Paris, UGE (10/18), 1988, p. 82).

8 Complainte II, v. 51 (Les Poésies complètes de Jean de Garencières, éd. Y. A. Neal, Paris, Tournier & Constans, 1953, p. 77). L’éditeur signale en note : « Dessin d’un cœur ».

9 Livre des quatre dames, v. 1409-1414.

10 Au xixe siècle, Charles d’Héricault édite le Lay piteux, une ballade et deux rondeaux du BnF, fr. 19139 parmi les « Poésies attribuées à Charles d’Orléans » (Poésies complètes de Charles d’Orléans, Paris, Alphonse Lemerre, 1874, vol. I, p. 203-210).

11 Voir S. Lefèvre, « “Au blanc de cest escrit”. Vertiges de la page et d’un autre langage », Sens, Rhétorique et Musique. Études réunies en hommage à Jacqueline Cerquiglini-Toulet, éd. S. Albert et al., Paris, Champion, 2015, vol. I, p. 318-319.

12 Le Champion des dames, éd. R. Deschaux, Paris, Champion, 1999, vol. III, v. 11914 et 14158. Voir G. Gros, « Le Livre du prince et le clerc : édition, diffusion et réception d’une œuvre (Martin le Franc lecteur de Charles d’Orléans) », Travaux de Littérature, 14, 2001, p. 46-58.

13 Le Livre du cœur d’Amour épris, éd. et trad. F. Bouchet, Paris, Le Livre de Poche (Lettres gothiques), 2003, p. 340, v. 1468.

14 Voir A. Piaget, « Une édition gothique de Charles d’Orléans », Romania, 21, 1892, p. 581-596.

15 J.-C. Mühlethaler, Charles d’Orléans, un lyrisme entre Moyen Âge et modernité, Paris, Classiques Garnier, 2010, p. 177-210.

16 Aux p. 823-825 de leur édition, M.-J. Arn et J. Fox donnent une liste des « Lyrics in the Duke’s Hand ».

17 P. Champion, Le Manuscrit autographe des poésies de Charles d’Orléans, Genève, Slatkine Reprints, 1975 (1re éd. 1907).

18 M.-J. Arn, The Poet’s Notebook. The Personal Manuscript of Charles d’Orléans, Turnhout, Brepols, 2008.

19 Charles d’Orléans, Le Livre d’Amis : poésies à la cour de Blois, éd. V. Minet-Mahy et J.-C. Mühlethaler, Paris, Champion Classiques, 2010.

20 « Assemblées courtoises et jeux poétiques : anthologie de “coteries” à la fin du Moyen Âge en France », Méthode !, 18, 2011, p. 49-61. Voir aussi A. Armstrong, The Virtuoso Circle : Competition, Collaboration and Complexity in Late Medieval France, Tempe, ACMR, 2012, chap. iii : « Charles d’Orléans and His Coterie ».

21 P. Tucci, Morire di sete vicino alla fontana a altri studi di letteratura francese medievale e moderna, Padoue, Cleup, 2015, p. 79-111, consacre un chapitre à la « polyphonie poétique » de la cour de Blois.

22 La question est soulevée par V. Minet-Mahy, « Charles d’Orléans et la tradition des métaphores maritimes », Studi Francesi, 135, 2001, p. 490-491.

23 D. Lechat, « La Vocation poétique de Charles d’Orléans dans la Retenue d’Amours et les Ballades », Cahiers Textuel, 34, 2011 (Charles d’Orléans, une aventure poétique), p. 46.

24 M. Gally, « Miroitements du Moi. Le sujet lyrique chez Charles d’Orléans et François Villon », Être poète au temps de Charles d’Orléans, éd. H. Basso et M. Gally, Université d’Avignon, Éditions Universitaires, 2012, p. 193-198.

25 M.-M. Dufeil, « Au blason d’Orléans », Mélanges de langue et de littérature médiévales offerts à Alice Planche, Paris, Les Belles Lettres, 1984, vol. I, p. 171-183, va jusqu’à reconnaître, à partir du blason, une « héraldique implicite » (p. 173) dans le lyrisme du prince-poète.

26 On retrouve une demi-fleur de lys attachée à la hampe d’un « t » à la p. 81. La page est reproduite par M.-J. Arn, A Poet’s Notebook, p. 29. Pour la p. 1, voir la reproduction en couleurs au tout début de l’étude et le site Gallica de la BnF pour l’ensemble du manuscrit personnel du duc.

27 C’est ainsi que le blason de Charles d’Orléans figure dans la marge inférieure du BnF, fr. 1104 (sigle O2), Au point que C. considéré comme une copie du manuscrit personnel.

28 Au point que C. Lucken, « Le Roman de Plaisant Penser de Charles d’Orléans ou la mise en poésie des illusions », Cahiers Textuel, 34, 2011, p. 23, parle de « pastiche de la tradition antérieure ».

29 Son ami, le duc René d’Anjou, intègre à son Cœur d’amour épris un « autoportrait héraldique en bonne et due forme » (F. Bouchet, « Introspection et diffraction : les autoportraits de René d’Anjou, entre allégorie et arts figurés », L’Autoportrait dans la littérature française du Moyen Âge au xviie  siècle, éd. E. Gaucher et J. Garapon, Rennes, PUR, 2013, p. 76.

30 Le Poète et le prince. L’évolution du lyrisme courtois de Guillaume de Machaut à Charles d’Orléans, Genève, Slatkiner Reprints, 1978 (1re éd. 1965), p. 282-291.

31 La Poésie lyrique de Charles d’Orléans, Paris, Nizet, 1971, p. 183-191 (« La dame des Ballades »).

32 « La lettre close », précise la rubrique (absente du manuscrit personnel) dans le BnF, fr. 19139, p. 91. L’espace blanc qui détache la signature du corps de la lettre dans le manuscrit personnel ne se voit malheureusement pas dans l’édition de M.-J. Arn, les v. 549-550 du Songe se retrouvant en tête de la p. 172.

33 Il s’agit de la célèbre Complainte de France (éd. Fox/Arn, Co3, p. 252-257), mais qui se trouve bien plus tard dans le manuscrit personnel de Charles d’Orléans. La même association y est impossible.

34 Première préface (1836) aux Portraits littéraires (Sainte-Beuve, Œuvres I, éd. M. Leroy, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1956, p. 649).

35 Il s’agit du manuscrit no 873 conservé à la Bibliothèque de Grenoble.

36 Pour une description plus détaillée, voir la fiche consacrée au BnF, fr. 19139 sur le site Arlima.

37 Voir A. Piaget, « Jean de Garencières », Romania, 22, 1893, p. 422-481 (avec de larges extraits des poésies).

38 La ballade « Orlians contre Garencieres » et la « Responce de Garencieres » sont transcrites dans le manuscrit personnel du duc (éd. Arn, B116 et B117). Sur la famille des Garencières, voir F.-M. Legœuil, Histoire d’Aigremont du Moyen Âge à la Révolution, Avignon, 1991, vol. I, p. 10-14 (étude en ligne).

39 H. Basso, « Le Poète à l’avenir effacé : Jean de Garencières », Le Recueil au Moyen Âge. La fin du Moyen Âge, éd. T. Van Hemelryck et S. Marzano, Turnhout, Brepols, 2010, p. 24.

40 « De la cour au livre : la communauté poétique de Louis à Charles d’Orléans », Être poète au temps de Charles d’Orléans, p. 57.

41 S. Cigada et F. Féry-Hue, « Jean de Garencières », Dictionnaire des Lettres Françaises : Le Moyen Âge, éd. G. Hasenohr et M. Zink, Paris, Fayard (La Pochothèque), 1992, p. 778.

42 Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. et trad. A. Strubel, Paris, Livre de Poche (Lettres Gothiques), 1992, v. 10869-10890.

43 Voir les contributions regroupées sous « Chartiers Influence » dans A Companion to Alain Chartier, éd. D. Delogu, J.E. McRae et E. Cayley, Leiden/Boston, Brill, 2015, p. 255-353.

44 Alain Chartier, Baudet Herenc, Achille Caulier, Le Cycle de la Belle Dame sans mercy, éd. et trad. D.F. Hult et J.E. McRae, Paris, Champion Classiques, 2003, p. 92-113.

45 Basso, « Le poète à l’avenir effacé », p. 20 et 25.

46 La remarque vaut, en général, pour l’Antiquité (L. Canfora, Le Copiste comme auteur, trad. L. Calvié, Toulouse, Anacharsis, 2012) et le Moyen Âge (A. Bennett, The Author, Londres et New York, Routledge, 2005, chap. 5).

47 Et si les œuvres changeaient d’auteur ?, Paris, Minuit, 2010.

48 E. Doudet, « Par le non conuist an l’ome. Désignations et signatures de l’auteur, du xiie au xvie siècle », Constitution du champ littéraire, éd. P. Chiron et F. Claudon, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 118-122 (ici p. 120).

49 Il manque, au texte transcrit par Lateignant, les 16 premiers vers. Les 4 derniers n’ont pas de correspondant dans le BnF, fr. 25434 et le v. 9 n’y figure pas.

50 Le BnF, fr. 25434 obéit en partie à la même logique que le BnF, fr. 1181, mais ce dernier est plus cohérent dans ses choix : voir K. Fresco, « Les Enseignements moraux de Christine de Pizan et l’ordre des textes d’un recueil pieux du xve siècle », Babel, 16, 2007, p. 293-308 (article en ligne).

51 J.-F. Genest, « Un Objet précieux mais menacé », Le Livre au Moyen Âge, éd. J. Glenisson, Paris, CNRS, 1988, p. 84-85.

52 Das Erlebnis und die Dichtung, Paderborn, Salzwasser, 2013, p. 125-126 (reprint de l’édition de 1923).

53 F. Wolfzettel, La Poésie lyrique du Moyen Âge au Nord de la France, Paris, Champion, 2015, p. 188, qui rappelle les mises en garde de R. Guiette, R. Dragonetti, P. Zumthor.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Claude Mühlethaler, « Jeux de pistes : reflets d’auteurs dans le manuscrit français 19139 »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 36 | 2018, 257-278.

Référence électronique

Jean-Claude Mühlethaler, « Jeux de pistes : reflets d’auteurs dans le manuscrit français 19139 »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 36 | 2018, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/16202 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.16202

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Auteur

Jean-Claude Mühlethaler

Université de Lausanne

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