Les sept articles de la foi ou Jean de Meun à l’article de la mort
Résumés
Les Sept articles de la foi sont un long poème en strophes d’Hélinand (135 dans la version longue). Ce traité didactique est dans la plupart des manuscrits attribué à Jean de Meun et figure souvent aux côtés du Testament et du Codicille du même auteur à la suite des copies du Roman de la Rose ; cette trilogie résonne alors comme un remords ou testament après les errements de la Rose. Cependant l’attribution du texte à Jean Chapuis à partir de la strophe finale par Paulin Paris reste fragile.
Texte intégral
- 1 Voir l’anthologie de F. Duval, Lectures françaises de la fin du Moyen Âge. Petite anthologie comme (...)
- 2 La base Jonas (consultée le 15 janvier 2017) du site de l’IRHT recense 83 témoins, mais elle intèg (...)
- 3 En dehors de quelques articles purement codicologiques : voir Don C. Skemer, « A new Jean Chapuis (...)
- 4 Le Roman de la Rose par Guillaume de Loris et Jean de Meun, éd. N. Lenglet Du Fresnoy, t. I, Paris (...)
- 5 Voir par exemple le De pomo, relation de la mort d’Aristote, pourtant attribuée au philosophe ( !) (...)
- 6 Si le caractère apocryphe des Sept articles ne fait pas débat, il n’en est pas de même du Codicill (...)
- 7 Les copistes ont exploité presque toutes les solutions (RR = Roman de la Rose, T = Testament, C = (...)
- 8 Ajoutons que certains manuscrits sont remaniés en fonction de cette exigence : ainsi, l’on adjoint (...)
- 9 Besançon 553, fol. 163v ; voir aussi BNF fr. 9222, fol. 14v : « Cy finent les sept articles de la (...)
- 10 BNF fr. 12596, fol. 212v.
- 11 Voir Arsenal 3339, fol. 193r : « Ci fine le Tresor maistre Jehan de Meun, lequel il fist et compil (...)
1On a depuis longtemps noté la distorsion entre la diffusion des œuvres au Moyen Âge et leur qualité littéraire à nos yeux de modernes. Combien de chefs-d’œuvre conservés dans des unica (on pense d’abord au Pèlerinage de Charlemagne, dont le témoin a de plus mystérieusement disparu, ou à Aucassin et Nicolette, sans même parler du naufrage littéraire des Tristan en vers du xiie siècle) et de textes insipides transmis par de nombreuses copies1 ? Rares sont les œuvres qui échappent à ce grand écart : le Roman de la Rose en est une, puisque sa diffusion médiévale sans égale pour le domaine vernaculaire n’a pas été démentie par l’abondance des travaux critiques qu’il a suscités depuis sa première édition moderne, celle de Méon au début du xixe siècle. Le texte que nous nous proposons d’analyser, les Sept articles de la foi, appartient manifestement au second cas de figure : attesté par plus de 60 manuscrits2, il n’a plus été édité depuis 1814, par Méon précisément, en appendice à son édition du Roman de la Rose, et n’a fait depuis l’objet d’aucune étude ou d’article même partiel3. De fait, le succès médiéval de ce texte n’est sans doute pas dû à ses caractères intrinsèques, mais à son attribution précoce à Jean de Meun. Comme le note Du Fresnoy à propos des Sept articles et du Testament attribué au même auteur, « ces morceaux de poésie sont stériles et languissans, et ne peuvent être considérés que parce qu’ils viennent d’un auteur célèbre4 ». Un peu comme pour de nombreux textes scientifiques ou encyclopédiques que l’on a placés sous la paternité d’Aristote, peut-être en vue de leur assurer le succès et de les auréoler d’une autorité prestigieuse5, l’attribution factice à un auteur aussi central que Jean de Meun a permis sa large diffusion et la querelle du Roman de la Rose autour de 1400 a sans doute encore favorisé la multiplication des copies. Le texte figure en effet dans de nombreux manuscrits de la Rose en clôture du recueil, en compagnie de deux autres œuvres d’attribution discutée, le Testament et le Codicille6. Cette trilogie présentée selon un ordre souple7 permettait de contrebalancer la perspective naturaliste et sulfureuse, voire subversive, du texte de Jean de Meun et de faire rentrer dans le rang son auteur en assurant une conversion dans tous les sens du terme : près de sa fin, Jean de Meun se serait assagi et aurait opéré un retour à Dieu. Ces trois textes résonnent comme un remords, comme un testament, titre qui a été donné au gré des manuscrits à chacune des composantes de la trilogie8. Certains explicit insistent sur cette dimension testamentaire et cette composition quasi in articulo mortis, comme celui du manuscrit de Besançon : « Explicit le livre des sept articles de la foy, que maistre Jehan de Meun fist a son trespassement. Dieu mette son ame en paradis. Amen9 ». Une autre copie évoque la maladie du poète : « Explicit les sept articles de la foy que maistre Jehan de Meun compilla en sa maladie prés du jour de son trespassement10 ». Les copistes mettent en scène toute une fiction de l’auteur, un Jean de Meun entre la vie et la mort, qui écrit sur les fins dernières, au lit de sa mort11, puisqu’un jugement dernier terrible forme le dernier des sept articles de la foi. Dans ces circonstances graves, la strophe d’Hélinand ne pouvait que s’imposer. La mort n’est plus apostrophée et convoquée à distance comme dans le poème d’Hélinand ; elle est l’avenir le plus immédiat de l’auteur du Roman de la Rose, la relation est celle d’un face-à-face.
J’en chappuis
2Avant même la question de l’auteur, se pose celle du titre. La proximité du Testament et du Codicille dans la tradition manuscrite a entraîné un grand flottement dans les titres et par suite la plus grande confusion dans les notices modernes de manuscrits :
- Codicille, Petit Codicille, Petit Testament, Brief et même Tresor pour le Codicille12 ;
- Codicille, Grand Codicille, Tresor de la foi, Sept articles de la foi, Testament13 pour les Sept articles de la foi ;
- quant au Testament, il n’apparaît guère plus stable ; il est aussi appelé Contemptus mundi14, Codicille15 ou Le roumant de la Trinité16, ce qui pouvait entraîner une confusion avec les Sept articles de la foi qui s’ouvre précisément par une invocation à la Trinité et, dans bien des manuscrits, par une image de la Trinité.
- 17 Voir Arras 532 (845) ; Yale, Beinecke 406.
- 18 Voir BNF fr. 1556 ; Privas, Arch. départ. I 4 ; Saint-Pétersbourg, fr. 4o v. I. 3.
- 19 Voir Vatican, Reg. lat. 1683 : Apparicion, puis Sept articles. Ordre inverse dans Londres, BL, Lan (...)
- 20 Dans le BNF fr. 1556, il figure aux côtés du Traité contre le Roman de la Rose de Jean Gerson.
- 21 Le débat sur le Roman de la Rose, éd. E. Hicks, Genève, Slatkine, 1996, p. 10 ; Gontier Col regret (...)
- 22 Voir BNF fr. 576 ; Chantilly 570 (curieux et intéressant groupement : Consolation de Boèce, Confor (...)
- 23 Voir BNF fr. 12459 et Paris, Institut 264. Le Vatican Reg. Lat 1492 cumule les deux séries : Roman (...)
3Cet environnement « rhodo-testamentaire » n’est évidemment pas le seul : les Sept articles de la foi acquerront une sorte de vie autonome, loin du Roman de la Rose, et pourront accompagner les Pèlerinages de Guillaume de Digulleville17 ou des textes de dévotion, comme des traités de Gerson18. D’autres manuscrits les associent à l’Apparicion maistre Jehan de Meun d’Honoré Bovet19, ainsi qu’au débat sur le Roman de la Rose : ils deviennent une pièce du dossier mise en avant pour la défense de Jean de Meun20. On sait que Gontier Col avait transmis en 1401 un exemplaire du Tresor qu’il reconnaît fautif à Christine de Pizan ; celle-ci le reçut avec circonspection21. La Consolation de Boèce, dans l’une ou l’autre de ses nombreuses traductions vernaculaires, accompagne également souvent le traité, peut-être parce que Jean de Meun avait traduit ce texte, peut-être aussi parce que les Sept articles sont présentés comme un réconfort et une protection dans un monde dominé par le mal et le péché22. L’on peut à ce moment-là retrouver la trilogie testamentaire ; la série homogène Consolation / Testament / Codicille / Sept articles concurrence la série palinodique Rose / Testament / Codicille / Sept articles23 ; la continuité idéologique l’emporte sur la trajectoire biographique qui conduit à la résipiscence. Le texte n’est donc pas réduit à la fonction d’appendice du Roman de la Rose, il vit de sa vie propre, tout en restant presque toujours attribué à Jean de Meun.
- 24 Voir S. Menegaldo, « Comment l’œuvre de Jean de Meun était lue au début du xvie siècle : à propos (...)
- 25 Version longue (= ordre et nombre de strophes de l’édition Méon) : BNF fr. 808, 1556, 12459, 12595 (...)
- 26 Méon semble avoir privilégié le BNF fr. 12595 ou un témoin qui en est très proche. Pour le Roman d (...)
4La tradition manuscrite très riche, prolongée par les éditions anciennes du Roman de la Rose (des imprimés humanistes24 aux éditions Du Fresnoy de 1735 et de Méon de 1814), peut se diviser nettement en deux recensions, une recension longue et majoritaire de 135 strophes et une recension courte de 73 strophes, qui se contente d’éliminer bon nombre de douzains sans procéder à une quelconque refonte des strophes conservées25. En dehors de cette divergence, la tradition est, semble-t-il, relativement stable. Les quelques sondages que l’on a pu effectuer indiquent un nombre plutôt limité de variantes, ce qui peut s’expliquer à la fois par l’armature prosodique très rigide de la strophe d’Hélinand, qui offre moins de plasticité que le distique d’octosyllabes, mais aussi par la dimension normative du texte : on ne saurait prendre de liberté avec les articles de la foi, avec un traité qui vise à une orthodoxie. Ce n’est pas le lieu d’examiner ici en détail la tradition, mais l’édition Méon semble bien refléter une forme de Vulgate et suit la version longue ; comme pour le Roman de la Rose, l’éditeur ne se contente pas de reprendre les imprimés humanistes et s’appuie sur des manuscrits parisiens sans méthode précise26.
- 27 Il l’est par exemple dans le BNF fr. 576 ou dans le BNF fr. 12460.
- 28 Le débat sur le Roman de la Rose, éd. Hicks, p. 121.
- 29 BNF fr. 380, fol. 154r.
- 30 Voir P. Paris, Les manuscrits françois de la bibliothèque du roi, Paris, Techener, t. III, 1840, p (...)
5La question de l’auteur est épineuse. Un examen complet de la tradition manuscrite serait nécessaire pour y répondre : très rarement anonyme27, le traité est en général placé sous l’autorité de Jean de Meun, même lorsqu’il est détaché du Roman de la Rose. Mais les médiévaux n’étaient pas dupes. Ainsi Christine de Pizan ironise sur les partisans de Jean de Meun prêts à lui attribuer les traités de saint Augustin : « Plusseurs qui luy sont favourables luy veulent imposer des dictiers mesmes de saint Augustin28 ». Le manuscrit BNF fr. 380, témoin de la version abrégée, porte d’une main moderne (xviie siècle ?) le titre suivant : Vers à la louange de la tres sainte Trinité par Jehan Chapuis, titre curieux, puisqu’il n’est question de la Trinité que dans le préambule ; et le nom de l’auteur Jehan Chapuis est biffé et corrigé en de Meung29. En analysant ce manuscrit en 1840, Paulin Paris voit dans ce titre, mais aussi dans cette biffure la main de Baluze et trouve la justification de cette attribution dans la dernière strophe du texte, conclusion d’une prière à la Vierge30 ; celle-ci contiendrait cette signature sous forme cryptée :
- 31 Le Roman de la Rose, éd. Méon, t. III, p. 394-395.
Et pour ce, dame debonnaire,
Que je me vueil cy du tout taire
De toy louer, et si ne puis
Toutes tes loenges retraire,
Te supply qu’il te vueille plaire
A prendre en gré ce que je puis ;
Car je croy vraiement que puis
Que mon cuer ne puet de ton puis
Sachier ce qu’il en vouldroit traire,
Que les coypiaulx et les chappuis
Prendras en gré que j’en chappuis
Car ce te plaist qu’on en puet faire31.
- 32 Voir Jean Petit, Le Livre du Champ d’or et autres poèmes inédits, éd. P. Le Verdier, Rouen, Cagnia (...)
- 33 Arras 532 (845), fol. 73r ; BNF fr. 576, fol. 93r.
- 34 Autre fait curieux, la copie du BNF fr. 22551 supprime le dernier tercet du dernier douzain, effaç (...)
- 35 Voir Le Testament, éd. Buzzetti Gallarati, p. 7.
- 36 Il présente un texte assez original : il suit pour l’essentiel la version longue, mais 6 strophes (...)
- 37 Voir Ch. Oulmont, Les débats du clerc et du chevalier dans la littérature poétique du Moyen Âge, P (...)
- 38 L’emploi très technique de lame qui désigne une pièce du métier à tisser à la strophe 32 et qui n’ (...)
- 39 Voir A. Thomas, « Jean Brisebarre, trouvère », Histoire littéraire de la France, Paris, Imprimerie (...)
6Chappuis est un synonyme de « copeau, éclat de bois », chapuiser signifie « tailler du bois ». Mais l’hypothèse reste bien fragile d’autant plus que cet auteur n’est pas attesté par ailleurs. Et lorsque Jean Petit reprend verbatim cette prière à la Vierge dans son Miracle de Basqueville autour de 1400, a-t-il conscience de cette signature cryptée32 ? Et comment interpréter l’absence de cette prière dans certains manuscrits anciens (Arras et surtout BNF fr. 576 daté de 1382)33 : volonté de supprimer cette signature ou reflet d’un état ancien du traité, sans cette signature34 ? La tradition manuscrite semble en tout cas plaider pour une élaboration bien plus tardive que le Testament (que l’on peut dater selon sa dernière éditrice des années 1291-1292)35 ou le Codicille. Les manuscrits ne paraissent pas remonter en deçà de 1350, le plus ancien témoin daté semblant être le BNF fr. 576, copié en 138236. Aucune allusion historique ou littéraire ne permet une datation plus précise : à la strophe 13, il est bien question des « fables controuvees / De Blanchefleur ne d’Esglantine » que l’auteur des Sept articles oppose à la matière inspirée de son traité, allusion à deux célèbres débats du clerc et du chevalier, Florence et Blancheflor et Hueline et Aiglentine, mais ces textes datent du xiiie siècle37. Une étude lexicale approfondie permettrait de préciser certains faits et nous orienterait sans doute du côté de l’Artois ou des Flandres38. Situé dans le second tiers du xive siècle, l’auteur écrit peut-être dans le sillage de Jean le Court, dit Brisebarre, auteur de deux poèmes religieux en strophes d’Hélinand, l’Escole de foy (daté de 1327) et le Tresor Nostre Dame, même si l’ambition de ces poèmes est sur le plan théologique bien plus modeste que les Sept articles39. Cette datation basse pourrait aussi expliquer la disparition de toute allusion aux ordres mendiants comme dans le Testament ou le Codicille écrits à la fin du xiiie siècle : le sujet n’est plus d’actualité.
Enjeux numériques
- 40 Pour une présentation de la question avec bibliographie, voir l’introduction de G. Emery à Thomas (...)
- 41 Voir Thomas d’Aquin, Les raisons de la foi, p. 191.
- 42 Traduction du traité par G. Emery dans l’ouvrage cité. Le traité envisage pour chaque article les (...)
7En quoi consiste ce texte ? Pour l’essentiel en un exposé théologique plutôt austère des articles de la foi, exposé solide qui porte la main d’un clerc et qui pouvait donc passer pour l’œuvre d’un Jean de Meun repenti. Ces articles ne sont pas un héritage patristique, mais un acquis de la scolastique ou plutôt une adaptation des articles du Credo à la lumière de préoccupations de la nouvelle théologie du xiiie siècle ; on peut parler de Credo scolastique40. L’on connaît en fait deux séries : les 12 ou 14 articles de la foi, comme cela apparaît déjà clairement dans la Summa de bono de Philippe le Chancelier autour de 123041. Thomas d’Aquin revient sur ces doubles séries dans la Somme théologique et consacre même un traité à la question, le De articulis fidei42. On peut les présenter de la manière suivante :
- 43 Voir G. Hasenohr, Textes de dévotion et lectures spirituelles en langue romane (France, xiie - xvi(...)
8Les variantes sont, on le voit, de détail ; dans les deux cas, les séries s’ouvrent sur la Trinité et sont partagées à partir de la double nature du Christ : Divinité et Humanité. Ce savoir sériel se diffusera rapidement dans le domaine vernaculaire et les articles de la foi figureront ainsi dans les traités de dévotion et les innombrables Doctrines chrétiennes de la fin du Moyen Âge. Le Traité de conscience du BNF fr. 1881 distingue les choses à croire, soit les articles de la foi, les choses à désirer, soit les pétitions du Pater, les choses à faire, soit les commandements de la Loi43. La forme est en général condensée ; dans la Brève doctrine chrétienne versifiée du BNF fr. 2095, qui évoque aussi les 10 commandements, les 7 sacrements et les 7 dons du Saint Esprit, chaque article est réduit à un distique bien lapidaire et l’on a à faire à une traduction libre du Symbole des Apôtres (également articulé dans la tradition en 12 points), plutôt qu’à un véritable rappel des articles scolastiques :
9Chi sont les.xii. articles de la foy catholique les quelz un chascun vray catholique doibt fermement croire
- §§ ms. Un
- † alexandrin qui remplace le distique ? ou lacune d’un vers ?
- ‡ ms. Un
- 44 BNF fr. 2095, fol. 72 (sur ce texte, voir Hasenohr, Textes de dévotion, p. 83, no 11660).
I. En Dieu le Pere de grant poissanche |
|
Mes tout ten cœur et te fianche. |
S. Pierre |
II. En Filz qui print nostre substanche |
|
Croy tot sans faire varïanche. |
S. Andrieu |
III. Croy tot de vivë ordonnanche |
|
Que Dieu en Vierge print naissanche. |
S. Jaques le Grant |
IV. Soubz Pylate ne fay doubtanche |
[fol. 72v] |
Morut Jhesus par grief souffranche. |
S. Jehan |
V. En enfer pour no delivranche |
|
Deschendi Dieu, ch’est me creanche. |
S. Thomas |
VI. Au destre Dieu, ch’est m’esperanche, |
|
Jhesus au§§ chiel a demouranche, |
S. Jaques |
VII. Et tout il jugera a tres juste balanche†. |
S. Philippe |
VIII. Croire je voeul sans dechevance |
|
En s. Esprit, ch’est me plaisanche ; |
S. Bethremieu |
IX. Croire, en che men coeur s’assente, |
|
Que sainte Eglise nous presente. |
S. Mahieu |
X. Je croy mes que faichons penanche, |
|
De nos pequiés arons quittanche. |
S. Symon |
XI. Foy me tient en grant asseuranche |
|
Que nous resusciterons en plaisanche. |
S. Jude |
XII. Je croy au‡ chiel estre habundanche |
|
De sainte vie sans defaillanche. |
S. Mathieu44 |
- 45 Voir H. de Lubac, La Foi chrétienne. Essai sur la structure du Symbole des Apôtres, Paris, Aubier- (...)
10La répétition des rimes (ou assonances pour le distique ix) assure l’unité du Credo ; et les 12 articles sont ici mis en rapport, conformément à une tradition qui remonte au moins à Ambroise, avec les 12 apôtres45. Le Pseudo-Jean de Meun présente deux originalités : d’un côté, il ne nous donne qu’une demi-liste ne retenant que les articles consacrés à l’Humanité du Christ ; d’un autre côté, il ne se contente pas d’une simple liste comme dans le texte cité, mais établit un véritable traité. Processus d’expansion qui explique aussi le choix de la strophe massive d’Hélinand, et non plus du distique d’octosyllabes comme la Doctrine versifiée.
- 46 Thomas le Cistercien, In Cantica Canticorum : « [Fidei Christianae sacramenta] septem sunt : nativ (...)
11Pourquoi cette structure hémiplégique ? Elle permet de choisir dans la liste ce qui relève d’une histoire, d’un récit passé et à venir, de la naissance du Christ à la parousie, et non pas de spéculations théologiques complexes sur la Trinité ou la grâce qui n’auraient guère intéressé le public auquel le poème s’adresse. Elle offre surtout un point d’appui à tout un jeu numérique sur le septénaire. 12 aurait certes permis un jeu de miroir intéressant avec le douzain d’Hélinand, mais le nombre, malgré les apôtres ou les mois, est moins riche de possibilités symboliques que le 7 ; et 14 ou 6 articles l’auraient été encore moins. Notre auteur retrouve par là-même certaines séries plus anciennes comme les sept sacrements de la foi chrétienne dont parle Thomas le Cistercien dans son commentaire du Cantique des Cantiques (entre 1170 et 1189) : Naissance, Baptême, Passion, Résurrection, Descente aux enfers, Ascension, Pentecôte46. Chez le Pseudo-Jean de Meun, la Pentecôte est remplacée par le Jugement, le passé, par un avenir, substitution lourde de conséquence, nous y reviendrons, sur l’esprit du traité.
12Les spéculations numériques sont constantes dans le traité. Tout commence par le chiffre 3, la Trinité, qui est invoquée comme une muse en ouverture de la première strophe :
- 47 Leçon du BNF fr. 576, fol. 85r ou du BNF naf 10047, fol. 52r. Au vers 2, l’édition Méon a « et vra (...)
O glorieuse Trinité, |
|
Une essence en vraie unité, |
var. Uns seulz Dieus en vraie unité47 |
En trois singulieres personnes, |
|
O glorieuse deité, |
|
[…] |
|
Aïde moy a cest dité (1/1-4 et 12). |
- 48 C’est dans la plupart des témoins la seule enluminure du traité. Un exemplaire de luxe comme le Lo (...)
- 49 L’auteur parle de la [Trinité] « Qui les quatre elemens esbonnes » (1/8), avec un curieux verbe es (...)
13Trinité qui est aussi mise en valeur par l’enluminure initiale de bien des manuscrits et qui donne l’impression qu’il s’agit d’un traité sur la Trinité48. Cette référence trinitaire peut également être comprise comme un souvenir de l’ouverture canonique des articles de la foi (le versant de la divinité du Christ) comme du Credo de Nicée. Enfin, la strophe d’Hélinand est bien une succession de quatre tercets disposés en chiasme. Le chiffre 3 réapparaît dès la strophe 4 à propos des trois vertus théologales, Foy, Esperance et Charité, qui seront rappelées de loin en loin au cours du traité (47/1, 76/10, 80/1, 128/6). Dans cette première strophe, il est également question des quatre éléments que délimite et sépare la Trinité49. Le chiffre 7 apparaît donc sous forme analytique (3 + 4), avant d’être appliqué aux articles de la foi. Le septénaire est énoncé une première fois sous forme condensée dans la strophe 5, dont il occupe le cœur :
Vraie foy de necessité, |
|
Non tant seulement d’equité, |
|
Nous fait de Dieu sept choses croire : |
|
C’est sa doulce nativité, |
1 |
Son baptesme d’umilité, |
2 |
Et sa mort digne de memoire, |
3 |
Son descens en la chartre noire, |
4 |
Et sa resurreccion voire, |
5 |
S’ascension d’auctorité, |
6 |
Sa venue judicatoire |
7 |
Ou li bon seront mis en gloire, |
|
Et li mal en adversité (5). |
14Puis il est resserré en trois vers et demi dans la strophe suivante :
Tenons donc pour vray fondement |
||
De Jhesu Crist le naiscement, |
1 |
|
Le baptesme, la passion |
2 |
3 |
Le descens, le suscitement, |
4 |
5 |
L’ascenscion, le jugement |
6 |
7 |
[…] (6/1-5). |
- 50 Str. 7-12. On connaît l’importance des septénaires dans la théologie médiévale, notamment chez les (...)
- 51 Le dispositif de l’édition Méon correspond à la grande majorité des manuscrits, mais un témoin anc (...)
15La suite de l’introduction évoque toute une série d’autres septénaires ou septaines : sept péchés capitaux, sept arts, sept vertus, sept planètes, sept jours de la semaine, sept dons du Saint Esprit, sept piliers du Temple de Salomon, avant d’égrener les multiples septénaires de l’Apocalypse (sept anges, églises, chandeliers, lampes, étoiles, sceaux, sept cornes et yeux de l’agneau, sept trompettes50…). Les sept articles seront ensuite abordés un à un, introduits par une rubrique dans la plupart des manuscrits51. La conclusion propose une synthèse cumulative des trois vertus théologales et des sept articles à travers le chiffre 10, le tout sous forme d’une métaphore culinaire ; les sept articles doivent pour éviter de se gâter être frits et salés dans les trois vertus :
- § gâtés
Des sept articles ay parlé
Par long, par travers et par lé,
Au mieulx, ce scet Dieu, que je scay,
Que tuit seroient mesalé§,
S’ilz n’estoient frit et salé
D’amour, d’esperance et de foy ;
Avec ces sept y sont cilz troy
[…].
Ces dix font la crestienne loi,
Ces dix sont d’ung meïsme aloy,
Ces dix font un escu palé (128).
16L’auteur nous propose donc au terme de cette cuisine théologique un nouveau décalogue. Ultime variation, les sept articles sont rappelés sous forme de série verbale dans la strophe 129 (« naistre et baptisier, / Mourir, descendre aux inferneulx, / Ressusicter, monter es cieulx, / Jugier »), mais suivis et comme couronnés des trois vertus théologales. Une prière à la Vierge conclut le traité sur trois strophes. 3, 4, 7, 10, il ne manque que le 12 du douzain d’Hélinand pour couronner ce jeu arithmétique. Mais l’on pourrait dire que si 7 est le résultat de la somme du 3 et du 4, de la Trinité et du Quaternaire des éléments, du ciel et du monde, de l’au-delà et de l’ici-bas, 12 l’est de leur produit.
Articulations
- 52 Selon les manuscrits, la rubrique de l’Ascension est placée après la strophe 85 (solution de BNF f (...)
17Le texte ne se réduit pas à ces jeux numériques ; la série des 7 articles scande avec souplesse le traité :52
18Après un préambule de 15 strophes qui met en place le septénaire tout en annonçant la dimension eschatologique du Jugement (objet de l’article 7) avec des allusions précises à l’Apocalypse, les sept articles (parfois appelés sacrements, 23/1) sont abordés un à un et dans l’ordre logique qui est celui de la vie du Christ, vie passée, de l’Incarnation à l’Ascension, évènement à venir avec la parousie et le Jugement. Les articles ne sont pas simplement juxtaposés ; la strophe conclusive de chaque article prépare l’article suivant (17/11, annonce du Baptême ; 59/7, annonce de la descente aux limbes…) et le narrateur intervient souvent lourdement pour assurer ses transitions à travers des formules de régie :
Or parlons du sacrement tiers (23/1).
Or avez des articles quatre
Qu’il estuet croire sans debatre,
Sans errer et sans forvoier ;
Huimais me vueil ou quint embatre (65/1-4).
Mais pour ce que le cuer me tire
A parler d’une autre matire,
Est il bien desormais saisons
Que de ceste cy nous taisons,
Et que nous mencion cy faisons
Du septiesme article plain d’ire
[…] (110/4-9).
- 53 Voir Roman de Jaufré, v. 7601 : la forsa d’amor a animé Floire et Blanchefleur ou Tristan et Yseut (...)
- 54 Là aussi le lecteur ne pouvait pas ne pas penser à la proximité de rage et d’amour dans le Roman d (...)
19L’on remarquera aussi la recherche de symétries : Apocalypse initiale / Jugement final, buisines de l’Apocalypse (12/2) / buisines du Jugement (116/4, 123/8), invocation à la Trinité en ouverture / prière à la Vierge en conclusion. L’autre fait notable est la grande disparité dans le traitement des sept articles : 2 strophes suffisent pour la Naissance, alors qu’il en faut 37 pour la Passion ; Passion et Résurrection occupent à elles seules 60 strophes, soit plus de la moitié des 112 strophes consacrées au septénaire. Ce déséquilibre ne signifie pas une narration circonstanciée de la Passion ou de la Résurrection, loin de là : on évoque simplement la croix, mais l’on ne trouve pas un mot de la trahison de Judas, l’arrestation, le procès, la flagellation, la montée au Calvaire. L’on chercherait en vain une anecdote, un détail cocasse, une légende apocryphe, dont les Mystères de la Passion seront si friands. La Passion est surtout l’occasion d’un retour à l’origine (chute des anges rebelles et rappel du péché originel, 38-41) et de montrer l’amour du Christ pour les hommes pourtant si ingrats (rappel du reniement de Pierre, 67/5), amour/charité, qui est manifestement pour notre auteur la plus grande des vertus théologales. La croix est « de sa grant amour le mistere » (50/3), la Passion est signe de la force d’amour (48/9), terme emprunté à la littérature profane53, voire d’une rage d’amour sanz mesure (34/12). Quant à Marie-Madeleine, figure manifestement très chère à notre auteur, elle est animée d’une même rage d’amour pour le Christ (72/6)54. Le lecteur pouvait y voir une sorte de double de Jean de Meun, grand pécheur avec son Roman de la Rose avant de se repentir. La strophe 35 se construit de part en part autour de la paronomase amour/mort, le terme de mort occupant cinq des six rimes b de ce douzain :
Nus ne se puet amesurer
A parfaictement mesurer
L’amour Jhesus Crist et la mort (35/1-3).
20Quant à l’Ascension, elle est évoquée rapidement pour laisser place à la Pentecôte qui séduit davantage le Pseudo-Jean de Meun (92-95).
- 55 « Cest article qui est derrains, / Si doit estre li premerains » (111/1-2).
21C’est le développement conséquent du septième article, le Jugement (17 strophes), qui donne sa direction au traité. Cet article est le dernier, mais il est aux yeux de l’auteur le premier par son importance55. L’idée du jugement dernier se conjugue à celle d’un monde vieux :
- 57 « Mes ore est le monde venus / En grant vieillesce et devenus / Trestout plains de melancolie / Et (...)
- 58 Eustache Deschamps, Balade 95, str. 2 : « Le monde a la proprieté / De ce vieillart : trop innocen (...)
22Idée largement répandue au cours du siècle, depuis le Roman de Fauvel par la bouche de Fortune57 jusqu’à Eustache Deschamps qui consacrera une ballade à ce monde-vieillard58, d’un monde qui est donc proche de sa fin :
- 59 Au vers 2, nous corrigeons à partir des manuscrits prisés en prise.
Estoilles et soleil et lune,
Prise en terre de gent commune,
Nous monstrent par signe evident
La fin du monde […] (125/1-4)59.
- 60 Voir L. Seláf, « La strophe d’Hélinand : sur les contraintes d’une forme médiévale », Formes strop (...)
- 61 Cette trilogie se trouve déjà dans le Testament de Jean de Meun (éd. Buzzetti, v. 1391-1392).
- 62 « Cil fist la bataille premiere/De Dieu qui estoit sa lumiere » (100/1-2).
23On reconnaît là un millénarisme largement diffus en ce milieu du xive siècle, et cela bien en dehors de certains cercles franciscains. Ce monde proche de sa fin est un monde en tension, en guerre, où s’affrontent le bien et le mal, univers sombre qui correspond bien à l’horizon familier de nombreux poèmes en strophes d’Hélinand depuis les Vers de la mort60 : les forces en conflit sont ici d’un côté les trois vertus théologales, de l’autre la trilogie bien connue de la chair, du monde et du diable (3/10-11)61. Les images militaires sont récurrentes : les œuvres de pénitence sont le haubert et le bouclier dont il faut se revêtir pour ce combat (4/5-6), les sept articles sont nostre divine armeure (14/10) ou nostre escu palé, soit à bandes verticales (128/12), la croix est une perriere, une catapulte donc, ou une fronde (55/7) ; le Christ est présenté par le narrateur comme mon glorieux soudoier, venu sur terre pour foudroyer l’orgueil de ses ennemis (65/8) ; quant à Étienne, protomartyr, il est le premier à se lancer dans la bataille, miles Christi avant l’heure62. On reconnaît là encore des idées familières dans la littérature du contemptus mundi. L’on se situe véritablement aux antipodes du Roman de la Rose, même si l’auteur n’évoque pas comme Hélinand l’amour humain. Le monde, le siècle reste chez lui une entité abstraite. Le ton n’est jamais celui de la satire ou du sarcasme ; on chercherait en vain des développements misogynes comme dans le Testament. Le ton garde le plus souvent la gravité d’un traité de théologie ; la visée est celle d’une orthodoxie.
Voix
24Le narrateur n’est pas dans l’invective, il est dans l’affirmation d’une foi, dans la fermeté d’une conviction. Le je crois apparaît souvent, à propos du Baptême :
Car je vous afferme et creant
Que Dieu nous y sainctifia (21/11-12).
25Ou de la descente aux limbes :
- ** les prophètes de l’Ancien Testament
Et croy que maint d’eulx** li disoient :
« Tres doulx sauverres ! Nos yeulx voient
Nostre prophecie avenue » (60/10-12).
26Il fait part de ses expériences, expériences mystiques, qui gardent tout leur mystère :
Esperit ou il veult espire
Et sa voix ois, mais ne scés dire
Dont ce vient […] (95/1-3).
- 63 Rarement toutefois en initiale de strophe : « Bien nos en mostré tuit li saint » (str. 39) ; « Die (...)
- 64 « Qui veult les escriptures lire, / Et les moz peser et eslire / Dont ce present article traicte, (...)
- 65 Voir aussi 111/4-5 : « Car quant homs pense qu’il n’est riens/Fors pourreture et viez merriens […] (...)
27La foi ne s’explique pas. Plus loin, il prend des accents prophétiques et affirme croire entendre la voix de l’archange au moment du Jugement (123/4-6). Il est rarement dans le questionnement ; la seule véritable quaestio porte sur les premières apparitions du ressuscité : pourquoi Marie-Madeleine, et non Marie, a-t-elle été la première à le voir ? Notre auteur s’étonne devant cette priorité, ne parvient pas à la justifier, cela reste un mystère (79-81). Ce je s’adresse aux autres hommes, à tous les hommes, le va-et-vient entre le je et le nous est constant. Le nous, addition du je et du tu (ou vous), figurait déjà, mais sporadiquement, dans les Vers de la mort d’Hélinand63. Ici, ce nous apparaît souvent en ouverture de strophe sur le mode impératif (« Tenons donc pour vray fondement », 6/1 ; « Or parlons du sacrement tiers », 23/1 ; « Or prions Dieu qu’il la nous doint », 132/10) ou au futur (« La le verrons nous, c’est le voire », 44/1). Les contours du destinataire sont parfois plus précis : tantôt il s’agit d’un lecteur, manifestement un clerc rompu à l’exégèse64 ; tantôt d’un auditeur, d’un pécheur à convaincre et à convertir, auquel l’auteur s’adresse comme un prédicateur : « Tu qui m’os, les yeulx du cueur euvres » (46/1), où affleure nettement la dimension orale. Le septième article est l’occasion d’un memento mori insistant en ouverture de strophe : « Pense donc chascun qu’il morra » (115/1)65.
- 66 Sur ce point, voir Seláf, « La strophe d’Hélinand », p. 85.
- 67 Chez Hélinand, seule une strophe fait parler la mort au discours direct (str. 15).
- 68 Voir Mt 3, 17.
- 69 Voir déjà pour l’Ascension (87-88).
28Mais ce qui est encore plus hélinandien est la multiplicité des apostrophes en ouverture de douzain66. Chez Hélinand, seule la mort est apostrophée. Le Pseudo-Jean de Meun multiplie, quant à lui, les figures interpellées. Le rythme de l’œuvre nous est entre autres donné par cette galerie d’allocutaires qui vient se superposer au lecteur et parasite pour ainsi dire la communication. De qui s’agit-il ? De la Trinité en ouverture, on l’a vu (1), de Dieu (2-3, 26, 33), du Christ (63, 110), de la Vierge (79-80, 133-135), de Marie-Madeleine dans un très long propos (71-76 et, aux côtés de Marthe, 82-83). Trait plus original, les différents Articles sont apostrophés et donc personnifiés : la naissance (O tres glorieuse naissance, 16), l’eau du baptême (Fontaine vivificative, 19), la mort au sens de la Passion (Mort tres angoisseuse et sanz fainte, 25), et même le péché originel (Hé ! coulpe bien aventureuse, 41) ; la Passion devient nostre amy li plus entiers (23/5). Ce jeu des discours ne s’arrête pas là. Ces figures ne sont pas simplement des allocutaires, elles prennent aussi la parole67 ; tel est le cas de Dieu, que ces propos soient apocryphes comme pour l’Ascension (89/9-12) ou canoniques lors du Baptême68 (18/9), de Jésus pour lequel l’auteur, en prophète, imagine après les adieux de l’Ascension (87-88) les terribles paroles du Jugement : défense des justes, condamnation des réprouvés (118-120)69. Les hommes parlent également au discours direct : les prophètes dans les limbes (60/11-12, 61/9-12), Étienne (96/6-12) et Marie-Madeleine (70/8-9). C’est cette intense circulation de la parole qui assure en un sens l’unité de ce texte et qui permet une confrontation avec les mystères ; ce traité jette par là-même des ponts entre la prédication et le genre dramatique.
29L’unité se construit aussi à partir de procédés strophiques propres au douzain d’Hélinand. L’analyse des enchaînements est particulièrement intéressante. On ne retrouve pas la structure anaphorique des Vers de la mort, puisque l’apostrophe est variable. Ou l’anaphore reste interne à la strophe : Mort apparaît ainsi au début des quatre premiers vers de la strophe 25 ou 113. Ou alors elle reste limitée, comme les trois strophes consécutives s’ouvrant par Croix :
Croix fu du sanc Dieu vernicee
[…].
Croix a fort cuer et dur escorce
[…].
Croix ne peut estre desconfite
[…] (54-56).
- 70 Voir Lettres d’amour du Moyen Âge. Les Saluts et Complaintes, éd. sous la direction de S. Lefèvre (...)
30Le procédé le plus remarquable est celui des coblas capfinidas : un mot de la fin du douzain est repris au bond en ouverture du douzain suivant. Le procédé est très fréquent, sans être systématique comme c’est le cas dans le salut d’amour Dame plus douce que seraine70 ; il peut être strict comme dans l’exemple suivant :
[…]
Qui ce ne croit, il ne voit goute.
Goute certes ne voit il point
[…] (14-15).
31Il peut relever de l’épanorthose :
[…]
Jusqu’a tant que mains en morurent.
Non morurent, ains trespasserent
[…] (101-102).
32Le jeu de miroir sur lequel se construit la strophe d’Hélinand avec ses deux sizains inversés se retrouve ainsi d’un douzain à l’autre ; le dernier tercet se reflète à l’envers dans le tercet suivant en dessinant un chiasme :
- †† le Jugement
[…]
Cuer qui la fin de ce damaige††
N’a tousjours devant son visaige,
Est presqu’enseveli en fiens.
En fiens de parfaicte ignorance
Est ensevelis sans doubtance
Cuer qui par tout se sent pecheur
[…] (111-112).
33Dans la séquence consacrée à la Passion, le procédé des coblas capfinidas s’étend sur plusieurs strophes, mais avec plus de souplesse :
[…]
En lui tres humblement prier
Que leurs cuers o li en croix pendent.
Cuer qui en ceste croix se pent,
Dont nostre saulvement despent,
[…].
Et son cuer jusqu’au vif caver
Pour garir tous mors de serpent.
- ‡‡ piquer de vers
Toute morsure venimeuse
Garist celle croix precieuse
[…].
Ne son vernis vermenuisier‡‡,
Car elle est de tous vers tueuse.
Croix fu du sanc Dieu vernicee,
[…] (51-54).
34Ce procédé permet en définitive de briser la clôture ou le repli sur soi inhérent au douzain d’Hélinand et d’assurer un lien d’une strophe à l’autre ; l’auteur cherche ainsi à dépasser la parataxe et à conférer un dynamisme et un élan lyrique à son poème dans des moments aussi décisifs que la Passion. À la différence des saluts d’amour construits sur le même patron strophique, le procédé des coblas capfinidas n’a ici rien de mécanique ; il n’est pas une contrainte, mais une liberté, une respiration que se donne le poète. Car les Sept articles de la foi ne se réduisent par à une aride compilation théologique, ils sont aussi l’œuvre d’un authentique poète qui travaille sur la prosodie, qui se risque à des images originales et neuve en comparant la croix ici à un métier à tisser (32/4), là à une fronde (55/7).
Conclusion
- 71 Dans l’explicit (fol. 82r). Sur cette traduction de Boèce due à un auteur wallon, sans doute de pe (...)
- 72 Pour l’Escole de foy, il s’agit du seul témoin.
- 73 On peut raisonnablement penser que l’auteur des Sept articles connaissait le Testament ; la défini (...)
- 74 Le texte, conservé dans un seul témoin (le BNF fr. 12470), est en grande partie inédit : voir Jean (...)
35Comment expliquer cette attribution à Jean de Meun ? Comment ce texte a-t-il été associé dans la seconde moitié du xive siècle au couple bien plus ancien et peut-être authentique du Testament et du Codicille ? Comment l’hypothétique Jean Chapuis aurait été dépossédé de son poème au profit de l’auteur du Roman de la Rose ? Autant de questions difficiles et qui restent sans réponse. Le témoin daté le plus ancien, le BNF fr. 576 (daté de 1382), copie le texte entre une traduction de la Consolation de Philosophie faussement attribuée à Jean de Meun71 et l’Escole de foy, poème en strophes d’Hélinand de Jean le Court, dit Brisebarre, originaire de Douai. La parenté entre l’Escole et les Sept articles est à la fois formelle et thématique, puisqu’il s’agit dans les deux cas d’un catéchisme, très modeste chez Brisebarre, bien plus ambitieux dans les Sept articles72. Ce manuscrit reflète sans doute un état ancien du texte et de sa diffusion : il n’est pas encore attribué à Jean de Meun ni associé au corpus du Roman de la Rose et du couple Testament/Codicille ; il nous orienterait aussi vers une origine flamande ou picarde de l’auteur. L’annexion des Sept articles à la mouvance rhodo-testamentaire s’explique peut-être par l’incipit sur la Trinité qui fait penser à celui du Testament ; les manuscrits du xve siècle exhibent deux images de la Trinité en ouverture du Testament et des Sept articles, qui en font des textes jumeaux ; jumeaux aussi par le même épilogue marial73. Ces trois textes résonnent comme des testaments, des codicilles, et chacun d’entre eux se retrouve avec ces titres dans les nombreuses copies conservées ; les trois relèvent de la même idéologie du contemptus mundi. La complexité théologique des Sept articles couronnait la trilogie et achevait d’inverser la décapante image de l’auteur du Roman de la Rose et de lui donner une aura de théologien : non seulement il se repent, mais il se range à la plus stricte orthodoxie. Le choix de la strophe d’Hélinand donne de la gravité à ce texte écrit in articulo mortis ; sur son lit de mort, Jean de Meun écrit un catéchisme dans le moule du célèbre poème cistercien. Reste que notre auteur – Jean Chapuis ? – n’exploite pas le nombre 12. C’est ce que fera par contre autour de 1400 Jean Petit ; son Miracle de Basqueville réécrit sans vergogne les Sept articles de la foi en gardant le douzain des Vers de la mort, en conservant verbatim la strophe de signature J’en chappuis, on l’a vu, mais en faisant le choix des 12 articles du Credo. Martel Basqueville, chevalier chrétien prisonnier des Turcs, expose en presque 1800 vers ces 12 articles devant un sultan bien patient74 ! Jean Petit introduit son poème par un long préambule sur le chiffre 12 :
- 75 Jean Petit, Le Livre du Champ d’or, p. 145.
Cy ensuit le libre du Miracle de Basqueville,
Qui est divisié en pluseurs paraphes, dont chacun paraphe contient une douzaine de lignes : ainsi est parti par xii, pour ce que xii c’est trés bon nombre et ont esté ou temps passé moult de bonnes douzaines, et aussi pour ce que en icellui livre est parlé des xii articles de la foy. Premierement je treuve en la saincte escriture les xii filx d’Israel […]. Item les xii lignees d’Israel […]. Item xii benediccions […]. Item xii patriarches […]. Item xii milliers de dragmes d’argent que Judas Machabeus […]75.
36Et l’auteur d’égrener 32 douzaines. Le ton est, on le voit, bien fastidieux et pédant. Cette tentative d’accorder la structure strophique au contenu catachétique restera de fait isolée et le texte ne connaîtra aucune diffusion. Les septénaires de notre apocryphe, bien qu’en désaccord numérique avec le douzain d’Hélinand, auront un autre avenir. Il est vrai que Jean Petit n’était pas Jean de Meun.
Notes
1 Voir l’anthologie de F. Duval, Lectures françaises de la fin du Moyen Âge. Petite anthologie commentée de succès littéraires, Genève, Droz, 2007.
2 La base Jonas (consultée le 15 janvier 2017) du site de l’IRHT recense 83 témoins, mais elle intègre plusieurs manuscrits qui ne contiennent pas notre texte par suite de confusions avec le Testament et le Codicille.
3 En dehors de quelques articles purement codicologiques : voir Don C. Skemer, « A new Jean Chapuis manuscript », Princeton University Library Chronicle, 55, 1993-1994, p. 571-574 et F. Avril, « Jean Flamel copiste de manuscrits. À propos de deux copies des Sept articles de la Foi, poème attribué à Jean Chapuis », La rigueur et la passion. Mélanges Pascale Bourgain, Turnhout, Brepols, 2016, p. 725-748.
4 Le Roman de la Rose par Guillaume de Loris et Jean de Meun, éd. N. Lenglet Du Fresnoy, t. I, Paris, Pissot, 1735, p. xlvi.
5 Voir par exemple le De pomo, relation de la mort d’Aristote, pourtant attribuée au philosophe ( !) et connue par plus de cent manuscrits. Sur cette vaste littérature, voir C. B. Schmitt et D. Knox, Pseudo-Aristoteles latinus. A Guide to Latin Works falsely attributed to Aristotle before 1500, Londres, The Warburg Institute, 1985.
6 Si le caractère apocryphe des Sept articles ne fait pas débat, il n’en est pas de même du Codicille et du Testament : leur dernière éditrice, S. Buzzetti Gallarati, penche pour l’authenticité du Testament et considère que le Codicille, s’il n’est peut-être pas de lui, est au moins l’œuvre d’un épigone : voir Le Testament maistre Jehan de Meun : un caso letterario, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 1989 et « Le codicille maistre Jehan de Meun », Medioevo romanzo, 17, 1992, p. 339-389. Voir aussi, du même auteur, Jean de Meun. Testamento e Codicillo. Etica, cultura, politica nella Parigi medievale, Fiesole, Nardini, 1996, avec une traduction italienne des deux textes en appendice. Rappelons que le Testament est composé de 530 quatrains d’alexandrins monorimes (donc 2120 vers), alors que le Codicille est un texte bien plus court, 11 huitains d’octosyllabes (donc 88 vers).
7 Les copistes ont exploité presque toutes les solutions (RR = Roman de la Rose, T = Testament, C = Codicille, S = Sept articles de la foi) : ordre RR/T/C/S (BNF fr. 12596, 24392 ; Arsenal 3339 ; Madrid BN Vitr. 24-11 : c’est sans doute l’ordre majoritaire) ; ordre RR/T/S/C (BNF fr. 380, 806, 12595) ; ordre RR/S/C/T (BNF fr. 804) ; ordre RR/S/T/C (Bruxelles, BR 11000-11003) ; ordre RR/C/T/S (BNF fr. 22551 ; Besançon 553).
8 Ajoutons que certains manuscrits sont remaniés en fonction de cette exigence : ainsi, l’on adjoint au xve siècle à la copie du début du xive siècle du Roman de la Rose les Sept articles et le Codicille dans le BNF fr. 9345.
9 Besançon 553, fol. 163v ; voir aussi BNF fr. 9222, fol. 14v : « Cy finent les sept articles de la foy que maistre Jehan de Meun fist a son trespassement ».
10 BNF fr. 12596, fol. 212v.
11 Voir Arsenal 3339, fol. 193r : « Ci fine le Tresor maistre Jehan de Meun, lequel il fist et compila au lit de sa mort, et fait menction des sept articles de la foy ».
12 Le copiste du très beau manuscrit BNF fr. 12459 (daté de 1414) commet manifestement une bévue : il nomme Tresor le Codicille (fol. 121v) et Codicille les Sept articles de la foi.
13 Le terme de Testament figure dans les imprimés humanistes jusqu’à l’édition de Du Fresnoy de 1735.
14 BNF fr. 1556, fol. 42v.
15 Dans les imprimés humanistes : Paris, Vérard, v. 1500 ; Paris, Michel le Noir, 1501.
16 BNF, fr. 1568, fol. 127r : « C’est le Roumant de la Trinité, autrement le Testament maistre Jehan de Mehun ». Pour le recensement des manuscrits du Testament, voir S. Buzzetti Gallarati, « Nota bibliografica sulla tradizione manoscritta del Testament di Jean de Meun », Revue Romane, 13, 1978, p. 2-35.
17 Voir Arras 532 (845) ; Yale, Beinecke 406.
18 Voir BNF fr. 1556 ; Privas, Arch. départ. I 4 ; Saint-Pétersbourg, fr. 4o v. I. 3.
19 Voir Vatican, Reg. lat. 1683 : Apparicion, puis Sept articles. Ordre inverse dans Londres, BL, Lansdowne 214, mais par suite d’une erreur de reliure : voir I. Arnold, « Notice sur un manuscrit de la traduction des Annales du Hainaut de Jacques de Guise par Jean Wauquelin (Brit. Mus. Lansdowne 214) », Romania, 55, 1929, p. 382-400 (p. 384).
20 Dans le BNF fr. 1556, il figure aux côtés du Traité contre le Roman de la Rose de Jean Gerson.
21 Le débat sur le Roman de la Rose, éd. E. Hicks, Genève, Slatkine, 1996, p. 10 ; Gontier Col regrette de n’avoir pas eu le temps de relire l’exemplaire (le Tresor « est incorrect par faulte d’escripvain qui pas ne l’entendy, comme il y pert, et n’ay eu espace ne loisir de le veoir ne corrigier au long pour la haste et ardeur que je ay de veoir ton dessus dit oevre, et mesmement qu’il est a supposer que bien sauras les faultes de l’escrivain en ceste compilacion corrigier et entendre »). Le BNF n.a.fr. 6261, qui a appartenu à Gontier Col, contient les Sept articles, mais il est mutilé (le début du traité fait défaut).
22 Voir BNF fr. 576 ; Chantilly 570 (curieux et intéressant groupement : Consolation de Boèce, Confort d’ami de Machaut, Sept articles de la foi, Testament de Jean de Meun) ; Bruxelles 10394-10414…
23 Voir BNF fr. 12459 et Paris, Institut 264. Le Vatican Reg. Lat 1492 cumule les deux séries : Roman de la Rose / Testament / Codicille / Consolation / Sept articles / Codicille répété.
24 Voir S. Menegaldo, « Comment l’œuvre de Jean de Meun était lue au début du xvie siècle : à propos des éditions imprimées du Testament, du Codicille et des Sept articles de la foi », La réception et l’influence de Jean de Meun du xve au début du xviie siècle, Actes du colloque d’Orléans, 3-4 novembre 2016, à paraître.
25 Version longue (= ordre et nombre de strophes de l’édition Méon) : BNF fr. 808, 1556, 12459, 12595, Madrid BN Vitr. 24-11… ; le BNF fr. 804 répète la strophe 79 (elle apparaît une première fois après la strophe 69). La version courte, sans aucun doute postérieure, est représentée par les BNF fr. 380, 9222, 12596, 24392, Chantilly 570, Besançon 553… ; les strophes supprimées sont 26, 31-32, 35-48, 56, 70-78, 80, 82-85, 92-107, 114, 118-122, 124-125, 128-132, 134 (soit 62 strophes) ; comme Paulin Paris n’analyse que le BNF fr. 380, il parle d’un texte composé de 73 strophes (voir P. Paris, « Jean de Meun, traducteur et poète », Histoire littéraire de la France, Paris, Imprimerie nationale, t. 28, 1881, p. 428).
26 Méon semble avoir privilégié le BNF fr. 12595 ou un témoin qui en est très proche. Pour le Roman de la Rose, il s’est appuyé sur le BNF fr. 25523 : voir Ph. Frieden, « Le Roman de la Rose, de l’édition aux manuscrits », Perspectives médiévales, 34, 2012 (en ligne). Dans l’attente de l’édition critique que nous préparons avec la collaboration de Silvère Menegaldo, nous citerons donc la vieille édition Méon en donnant le numéro de la strophe suivi du numéro du vers dans la strophe (7/11 = strophe 7, vers 11) et en intervenant simplement sur les accents et la ponctuation (Le Roman de la Rose, éd. D.-M. Méon, t. III, Paris, Didot l’Ainé, 1814, p. 331-395). F. Duval a édité le septième article dans ses Lectures françaises de la fin du Moyen Âge, p. 72-80, à partir du manuscrit BNF fr. 804.
27 Il l’est par exemple dans le BNF fr. 576 ou dans le BNF fr. 12460.
28 Le débat sur le Roman de la Rose, éd. Hicks, p. 121.
29 BNF fr. 380, fol. 154r.
30 Voir P. Paris, Les manuscrits françois de la bibliothèque du roi, Paris, Techener, t. III, 1840, p. 175-176. L’écriture de de Meung semble d’une autre main que ce qui précède.
31 Le Roman de la Rose, éd. Méon, t. III, p. 394-395.
32 Voir Jean Petit, Le Livre du Champ d’or et autres poèmes inédits, éd. P. Le Verdier, Rouen, Cagniard pour la Société rouennaise de bibliophiles, 1895, p. 158. Cette prière est également reprise sous forme isolée dans un livre d’heures parisien du milieu du xve siècle, le manuscrit La Haye, KB, 78 J 49, fol. 363 (Oroison de nostre Dame tres devote) : voir J. Sonet, Répertoire d’incipit de prières en ancien français, Genève, Droz, 1956, no 775.
33 Arras 532 (845), fol. 73r ; BNF fr. 576, fol. 93r.
34 Autre fait curieux, la copie du BNF fr. 22551 supprime le dernier tercet du dernier douzain, effaçant donc également la signature (fol. 97r). On pourrait imaginer que Jean Chapuis n’est l’auteur que de cette prière, qui aurait été interpolée assez précocement en conclusion des Sept articles.
35 Voir Le Testament, éd. Buzzetti Gallarati, p. 7.
36 Il présente un texte assez original : il suit pour l’essentiel la version longue, mais 6 strophes sont absentes (11-12, 121, 133-135 = prière finale à la Vierge, donc j’en chappuis n’y figure pas…) ; il est aussi l’un des rares témoins à présenter un texte juste sur le plan de la construction strophique à la strophe 37 (« Saint Pol qui scet si haultement »), erronée dans la plupart des témoins et jusque dans les éditions Du Fresnoy et Méon.
37 Voir Ch. Oulmont, Les débats du clerc et du chevalier dans la littérature poétique du Moyen Âge, Paris, Champion, 1911. On peut remarquer des références mythologiques à la chartre Tantalu et la maison Dedalu dans la strophe 47 ; les rimes palus/Tantalus/Dedalus se retrouvent dans la première strophe de la Ballade contre les ennemis de la France de François Villon (Œuvres complètes, éd. J. Cerquiglini-Toulet, Paris, Gallimard, 2014, p. 203) ; voir aussi Charles d’Orléans, rondeau 411, C’est la prison Dedalus : rime Dedalus/Tantalus (Poésies, éd. P. Champion, Paris, Champion, 1923-1927, p. 529).
38 L’emploi très technique de lame qui désigne une pièce du métier à tisser à la strophe 32 et qui n’est attesté que dans ces régions nous orienterait vers cette localisation.
39 Voir A. Thomas, « Jean Brisebarre, trouvère », Histoire littéraire de la France, Paris, Imprimerie nationale, t. 36, 1927, p. 35-66 ; fait intéressant, le plus ancien manuscrit daté des Sept articles, le BNF fr. 576, contient ces deux poèmes de Brisebarre et le copiste Pierre de Palude, originaire du Brabant, a copié ce manuscrit à Arras (p. 44).
40 Pour une présentation de la question avec bibliographie, voir l’introduction de G. Emery à Thomas d’Aquin, Les raisons de la foi. Les articles de la foi et Les sacrements de l’Eglise, trad. G. Emery, Paris, Cerf, 1999, p. 186-194.
41 Voir Thomas d’Aquin, Les raisons de la foi, p. 191.
42 Traduction du traité par G. Emery dans l’ouvrage cité. Le traité envisage pour chaque article les hérésies qu’il a pu entraîner ; la visée est celle d’une orthodoxie. La double série n’est pas l’enjeu d’une discussion, vu leur très grande proximité ; elle est rappelée dans la Somme théologique, IIa IIae, q. 1, a. 8 (« Utrum articuli fidei convenienter enumerentur »).
43 Voir G. Hasenohr, Textes de dévotion et lectures spirituelles en langue romane (France, xiie - xvie siècle), Turnhout, Brepols, 2015, p. 87 (no 13880). Voir aussi Doctrinal aux simples gents, dans Jean Gerson, Œuvres complètes, éd. P. Glorieux, vol. X, Paris, Desclée & Cie, 1973, p. 296.
44 BNF fr. 2095, fol. 72 (sur ce texte, voir Hasenohr, Textes de dévotion, p. 83, no 11660).
45 Voir H. de Lubac, La Foi chrétienne. Essai sur la structure du Symbole des Apôtres, Paris, Aubier-Montaigne, 1969, p. 19-53. Chaque apôtre apporte ainsi sa pierre à l’édifice.
46 Thomas le Cistercien, In Cantica Canticorum : « [Fidei Christianae sacramenta] septem sunt : nativitas, baptismus, passio, ressurectio, in inferno descensio, ascensio, spiritus sancti missio » (Patr. Lat., t. 206, c. 453C).
47 Leçon du BNF fr. 576, fol. 85r ou du BNF naf 10047, fol. 52r. Au vers 2, l’édition Méon a « et vraie unité », mais les manuscrits ont bien « en » (BNF fr. 380, 804, 808, 12595…).
48 C’est dans la plupart des témoins la seule enluminure du traité. Un exemplaire de luxe comme le Londres, BL, Royal 19 A XXII (Rouen, vers 1440), qui ne contient que les Sept articles, présente un programme plus riche : une enluminure pour chaque article, qui plus est d’une qualité exceptionnelle ; même programme copieux dans le manuscrit Valencia 387, où le traité accompagne le Roman de la Rose.
49 L’auteur parle de la [Trinité] « Qui les quatre elemens esbonnes » (1/8), avec un curieux verbe esborner, terme technique attesté essentiellement dans les chartes. Voir aussi 86/6.
50 Str. 7-12. On connaît l’importance des septénaires dans la théologie médiévale, notamment chez les Victorins : Hugues de Saint-Victor écrira un De quinque septenis (voir Six opuscules spirituels, éd. R. Baron, Paris, Cerf, 1969). Il n’est jamais question dans la Vulgate des sept piliers du Temple de Salomon ; notre auteur pense sans doute aux sept piliers de la Sagesse (Pr 9, 1), puisque les Proverbes sont attribués à Salomon.
51 Le dispositif de l’édition Méon correspond à la grande majorité des manuscrits, mais un témoin ancien comme le BNF fr. 576 n’a pas de rubriques internes ; idem pour le BNF fr. 380 et Arras 532 (845).
52 Selon les manuscrits, la rubrique de l’Ascension est placée après la strophe 85 (solution de BNF fr. 804) ou la strophe 89 (solution très majoritaire, comme dans le BNF fr. 12595 : voir l’éd. Méon).
53 Voir Roman de Jaufré, v. 7601 : la forsa d’amor a animé Floire et Blanchefleur ou Tristan et Yseut (Les Troubadours, 2 vol., éd. R. Lavaud et R. Nelli, Paris-Bruges, 1960-1966, t. I, p. 434). Voir aussi Jean d’Arras, Mélusine ou la Noble histoire de Lusignan, éd. J.-J. Vincensini, Paris, LGF, 2003, p. 328 ; Evrart de Conty, Le Livre des Eschez amoureux moralisés, éd. F. Guichard-Tesson et B. Roy, Montréal, 1993, p. 627 (à propos de l’ambre qui attire la paille).
54 Là aussi le lecteur ne pouvait pas ne pas penser à la proximité de rage et d’amour dans le Roman de la Rose, notamment dans le discours de Raison (éd. F. Lecoy, 3 vol., Paris, Champion, 1965-1970, v. 4101, 4323, 10218, 10222…).
55 « Cest article qui est derrains, / Si doit estre li premerains » (111/1-2).
56 Voir aussi str. 124 à propos du jugement dernier : « Tous les signes sont advenuz, / Nous sommes tous vielz et chenuz, / De pure grace soubstenuz ».
57 « Mes ore est le monde venus / En grant vieillesce et devenus / Trestout plains de melancolie / Et c’est vers la fin de sa vie », Le Roman de Fauvel, éd. A. Strubel, Paris, LGF, 2012, v. 3972-3974.
58 Eustache Deschamps, Balade 95, str. 2 : « Le monde a la proprieté / De ce vieillart : trop innocent / Fut aprés sa nativité, / Et puis fut saiges longuement, / Justicier, vertueus, vaillant ; / Or est lasches, chetis et molz, / Vieulx, convoiteus et mal parlant : / Je ne voy que foles et folz » (Œuvres complètes, éd. Queux de Saint-Hilaire, t. I, Paris, 1878, p. 203).
59 Au vers 2, nous corrigeons à partir des manuscrits prisés en prise.
60 Voir L. Seláf, « La strophe d’Hélinand : sur les contraintes d’une forme médiévale », Formes strophiques simples, éd. L. Seláf, P. Noel Aziz Hanna, J. van Driel, Budapest, 2010, p. 73-92 (p. 79).
61 Cette trilogie se trouve déjà dans le Testament de Jean de Meun (éd. Buzzetti, v. 1391-1392).
62 « Cil fist la bataille premiere/De Dieu qui estoit sa lumiere » (100/1-2).
63 Rarement toutefois en initiale de strophe : « Bien nos en mostré tuit li saint » (str. 39) ; « Dieus, qui nos forma uns et uns » (str. 44) ; « Tuit atendons comunement » (str. 49). Texte cité d’après Les Vers de la Mort par Hélinant, moine de Froidmont, éd. F. Wulff et E. Walberg, Paris, SATF, 1905.
64 « Qui veult les escriptures lire, / Et les moz peser et eslire / Dont ce present article traicte, / Il verra, se bien les remire […] » (62/1-4). Voir aussi 96/4. À propos des septénaires de l’Apocalypse, il note que « la gent laie / N’ont pas tieulz figures aprises » (10/5-6).
65 Voir aussi 111/4-5 : « Car quant homs pense qu’il n’est riens/Fors pourreture et viez merriens […] ».
66 Sur ce point, voir Seláf, « La strophe d’Hélinand », p. 85.
67 Chez Hélinand, seule une strophe fait parler la mort au discours direct (str. 15).
68 Voir Mt 3, 17.
69 Voir déjà pour l’Ascension (87-88).
70 Voir Lettres d’amour du Moyen Âge. Les Saluts et Complaintes, éd. sous la direction de S. Lefèvre et H. Uulders, Paris, LGF, 2016, salut 31, salut en strophes d’Hélinand ; procédé voisin dans un autre salut hélinandien, le salut 23.
71 Dans l’explicit (fol. 82r). Sur cette traduction de Boèce due à un auteur wallon, sans doute de peu postérieure à 1315, voir J. K. Atkinson, « La traduction wallone de la Consolatio philosophiae de Boèce (le Boece en rime, 3e qu. xive siècle, de Jehan de Thys) : analyses lexicologiques, scriptologiques et philologiques », Revue de Linguistique romane, 75, 2011, p. 469-515.
72 Pour l’Escole de foy, il s’agit du seul témoin.
73 On peut raisonnablement penser que l’auteur des Sept articles connaissait le Testament ; la définition de Dieu, « Cil qui tout gouverne et chevist, / Qui vrai Dieu sanz fin regne et vist » (43/10-11), rappelle les v. 2049 et 2051 du Testament : « Li puissans Roys de gloire qui sanz fin regne et vit, / […] Qui tout puet et soustient et gouverne et chevit ».
74 Le texte, conservé dans un seul témoin (le BNF fr. 12470), est en grande partie inédit : voir Jean Petit, Le Livre du Champ d’or et autres poèmes inédits, éd. Le Verdier, p. 143-180 (édition d’extraits) ; A. Hellot note que 1500 vers environ sur les 1800 que comptent les 12 articles reprennent les Sept articles (Nobles et vilains : les prouesses des Martel, le miracle de Basqueville-la-Martel d’après les poésies inédites de Jean Petit, Paris, Dumont, 1894, p. 25).
75 Jean Petit, Le Livre du Champ d’or, p. 145.
Haut de pageNote de fin
§§ ms. Un
† alexandrin qui remplace le distique ? ou lacune d’un vers ?
‡ ms. Un
§ gâtés
** les prophètes de l’Ancien Testament
†† le Jugement
‡‡ piquer de vers
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Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Marie Fritz, « Les sept articles de la foi ou Jean de Meun à l’article de la mort », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 36 | 2018, 91-114.
Référence électronique
Jean-Marie Fritz, « Les sept articles de la foi ou Jean de Meun à l’article de la mort », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 36 | 2018, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/16137 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.16137
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