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2008

I. Bétemps, M. Guéret-Laferté, N. Lenoir, S. Louis, J. Maurice, C. Mira (éds.), La Consolation de la Philosophie de Boèce

Laurent Brun
Référence(s) :

La Consolation de la Philosophie de Boèce. Dans une traduction attribuée à Jean de Meun d’après le manuscrit Leber 817 de la Bibliothèque municipale de Rouen, édition critique reproduisant les enluminures sur un CD-Rom, par Isabelle Bétemps, Michèle Guéret-Laferté, Nicolas Lenoir, Sylvain Louis, Jean Maurice et Carmelle Mira, Mont-Saint-Aignan, Publications de l’Université de Rouen, 2004, LXXXVII-207 p.

Texte intégral

1En dépit de leur nombre, la plupart des traductions médiévales françaises du De consolatione Philosophiae de Boèce sont toujours en attente d’être publiées et étudiées. Aussi l’édition de cette version est-elle la bienvenue étant donné que le témoin ici édité est un représentant de la traduction la plus répandue, avec plus de soixante témoins manuscrits. Malheureusement, cette édition se défend elle-même de n’être qu’« un projet à visée non directement érudite, qui se limite à la mise en valeur d’un fonds patrimonial » (p. xli), ce qui explique qu’elle ne contient pas ce qu’on serait en droit d’attendre d’une édition véritablement scientifique.

2L’introduction de l’ouvrage s’organise de façon assez lâche autour de Boèce, du manuscrit Leber, de ses gloses et de son iconographie. N. Lenoir commence par un exposé général mais tout de même enrichissant sur la pensée de Boèce et la place que son œuvre occupe dans la philosophie et la théologie du Moyen Âge (p. i-xxiv). C. Mira propose une « Présentation du manuscrit » qui inclut une étude, malheureusement superficielle et insuffisante, de la langue du manuscrit (p. xxv-xxix). Dans le troisième chapitre (p. xxxi-xxxvii), la même C. Mira se livre à un curieux exercice statistique qui tente de cerner la part qu’occupent les notions de « prescience divine » et de « libre-arbitre humain » dans le Roman de la Rose et dans différentesversions de la Consolation : l’original latin (éd. J.-P. Migne, Patrologia latina, t. 63, 1846), la traduction de Jean de Meun (éd. V. L. Dedeck-Héry, 1952), le texte du ms. Leber 817, et la traduction moderne de L. Colesse (1994). On notera en passant que, depuis 1846, le texte latin a fait l’objet de plusieurs bonnes éditions critiques dont l’usage aurait certainement ajouté de la crédibilité à la démonstration. Ses conclusions soulignent l’esprit de synthèse de Jean de Meun dans le Roman de la Rose et la prolixité de la Consolation. L’« Étude des gloses » de J. Maurice (p. xxxix-lv) présente un plus grand intérêt même si, freinée par des contraintes matérielles, cette étude ne dépasse pas les marges du manuscrit édité. J. Maurice se borne plutôt à confirmer que la version du manuscrit « de Rouen s’inscrit dans la tradition de la traduction réalisée par le “Pseudo-Jean de Meun” » (p. xliv) et à dégager les fonctions que revêt la glose : « explications ponctuelles », « guides de lecture », « digressions », « exégèses ». Enfin, la dernière partie de l’introduction (p. lvii-lxxxvii), rédigée par I. Bétemps, présente une description et une analyse approfondies des six miniatures du manuscrit. Cette analyse, qui cherche notamment à démontrer leur « intention didactique », s’appuie sur une comparaison avec les autres manuscrits de la Consolation, démarche qui aurait eu avantage à être reprise dans les autres parties du livre.

3En dépit de ce qu’affirme le sous-titre de l’ouvrage, l’édition peut difficilement être considérée comme critique, car on n’a tenu aucunement compte des quelque soixante autres témoins de cette traduction, ce qui aurait ainsi permis de trouver des solutions aux anomalies que les éditeurs relèvent dans le témoin qu’ils publient. Le texte présenté ici n’est en effet que celui du manuscrit Leber 817, corrigé en de rares endroits. On peut d’ailleurs féliciter les éditeurs pour leur transparence lorsqu’ils interviennent dans le texte, mais cela ne suffit pas pour en faire une édition critique. Les notes sur le texte consistent essentiellement en un relevé des sources et des analogues ainsi que des anomalies dans la mise en page du manuscrit. Les notes de nature lexicale (n. 17, 54, 58, 177, 236, 237, 241 et 259) auraient sans problème pu être reportées dans le glossaire. Quelques remarques au passage : n. 97, lire « Cantabit » et non « Cantabis » ; n. 166, dans la phrase « J’ay, dis je, grant delectacion non pas seulement es belles raisons qui preuvent si belle verité, mais encoires es paroles que tu més avant car elles monstrent le proverbe avoir verité qui dit que folie doit avoir honte qui assault ce qui tout seurmonte », le passage en italique n’est pas un proverbe, contrairement aux apparences, mais une traduction corrompue de « quam, inquam, me non modo ea quae conclusa est summa rationum, uerum multo magis haec ipsa quibus uteris uerba delectant, ut tandem aliquando stultitiam magna lacerantem sui pudeat ! », où « verba » semble s’être transformé en « proverbia », mais ce n’est qu’une étude des témoins latins et français qui nous apprendrait d’où provient la faute ; n. 185, « langaige » n’est pas « très péjoratif » et ne doit pas ici « être pris au sens élargi de (mauvaise) manière », mais c’est plutôt une forme corrompue de « laidange » (‘outrage’) ; n. 201, lire « bucin » au lieu de « bacin ».

4Suivent un glossaire (p. 187-194), un index des noms propres (p. 195-198) et une « Table de concordance entre les subdivisions de Boèce (Mètre / Prose), les folios du ms. Leber 817 et notre pagination » (p. 199-201). Cette dernière aurait aisément pu être fondue dans le texte, ce qui aurait facilité la comparaison du texte latin avec la version française. On notera enfin l’heureuse idée des éditeurs d’inclure des reproductions des miniatures sur un CD-ROM qui accompagne le livre, même si elle peut laisser un peu perplexe, car le disque ne contient rien d’autre que douze photographies (d’excellente qualité, il faut le dire), qui auraient très facilement pu être reproduites dans le livre au lieu d’être mises sur un support qui se périmera beaucoup plus rapidement que le papier.

5En somme, cette édition se recommande surtout pour la description minutieuse du manuscrit Leber 817 et pour la transcription (parfois trop) exacte du texte. Elle ne fait cependant que nous rappeler le manque criant d’une édition critique de la traduction française la plus répandue de l’ouvrage de Boèce.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Laurent Brun, « I. Bétemps, M. Guéret-Laferté, N. Lenoir, S. Louis, J. Maurice, C. Mira (éds.), La Consolation de la Philosophie de Boèce »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 16 juillet 2008, consulté le 16 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/158 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.158

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