L’optimisme du satiriste
Résumés
Le Roman de Fauvel, texte satirique du premier quart du xive siècle, existe en deux rédactions : la version originale (1310-1314) et la version interpolée (1316-1318). À travers l’analyse du rondeau Porchier mieus estre ameroie, d’éléments de l’épisode du charivari et de l’explicit du texte, cette étude montre que le Fauvel remanié s’enrichit d’une tonalité ludique, voire comique, absente du texte original, résultant d’une forme d’optimisme qui se fait jour chez le satiriste.
Plan
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- 1 Voir G. W. Fenley, « Faus-Semblant, Fauvel, and Renart le Contrefait : A Study in Kinship », Romani (...)
- 2 J. Haines, Satire in the Songs of Renart le Nouvel, Genève, Droz, 2010, p. 200-219.
1Le Roman de Fauvel est un texte satirique composé dans le milieu parisien de la chancellerie royale au début du xive siècle, racontant la carrière irrésistible et scandaleuse d’un cheval roux hissé au sommet du pouvoir par le caprice de Fortune. Le cheval Fauvel, symbole de fausseté et d’hypocrisie, synthèse de tous les vices, incarnation du Mal, est l’héritier direct du personnage de Renart – et à travers lui, de celui de Faux-Semblant dans le Roman de la Rose1 – dans les branches tardives et les poèmes épigones du Roman de Renart, en particulier dans Renart le Nouvel, poème d’origine lilloise de la fin du xiiie siècle et source d’inspiration probable de notre roman2.
- 3 É. Lalou, « La Chancellerie royale à la fin du règne de Philippe IV le Bel », Fauvel Studies : Alle (...)
- 4 Le Roman de Fauvel, éd. A. Strubel, Paris, Librairie Générale Française, 2012.
2Il existe deux rédactions du Roman de Fauvel : la version originale, écrite en 1310 (livre I) et 1314 (livre II), attribuée à Gervais du Bus et conservée dans treize manuscrits, et une version remaniée et interpolée, composée vers 1316-1318, attribuée à Raoul Chaillou de Pestain et conservée dans un manuscrit unique, le ms. Paris, BnF, fr. 1463. Cette version est enrichie d’une série de 78 miniatures et 169 pièces musicales latines et vernaculaires notées qui constituent une sorte de glose iconographique et musicale ininterrompue au texte4.
3Pris dans un jeu d’oscillations (français/latin, lyrique/narratif, textuel/musical), le Fauvel entre dans une dynamique formelle extrêmement féconde ayant des effets profonds sur le plan herméneutique. C’est ainsi une œuvre nouvelle, riche et complexe que le fr. 146 nous donne à lire, nécessitant une analyse tout particulièrement attentive. Le but de cet article est de poser quelques jalons dans l’étude des rapports entre le texte narratif du Roman et le texte lyrique des pièces musicales en examinant trois passages qui introduisent dans le Roman de Fauvel remanié un esprit de jeu, voire une touche comique.
Le rondeau « porchier mieus estre ameroie »
4À la fin du premier livre du Roman de Fauvel, le manuscrit fr. 146 présente le rondeau suivant (fol. 10r) :
Porchier mieus estre ameroie
Que Fauvel torchier.
Escorchier ains me leroie.
Porchier mieus estre ameroie.
N’ai cure de sa monnoie
Ne n’ai son or chier.
Porchier mieus estre ameroie
Que Fauvel torchier. (PM 30).
5Ce rondeau, construit autour du mot-clé « porchier », exploite – en jouant sur sa proximité phonétique – la métaphore matricielle du Roman de Fauvel, « torchier Fauvel », c’est-à-dire littéralement le brosser, l’étriller et donc, symboliquement, le caresser dans le sens du poil, le flatter. Cette locution, présentée dès l’incipit du texte : « De Fauvel que tant voi torcher » (v. 1), constitue le grief essentiel exprimé par le satiriste au premier livre. Le fait que tous les états de la société, clercs et laïcs, faibles et puissants, soient accusés par le satiriste de torcher Fauvel explique d’ailleurs la structure, typique de la satire médiévale, qui informe le premier livre : le passage en revue des estats.
- 5 N. F. Regalado, « Le porcher au palais : Kalila et Dimna, Le Roman de Fauvel, Machaut et Boccace »,(...)
- 6 M. Pastoureau, Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Paris, Seuil, 2004, p. 43-44.
- 7 Regalado, « Le porcher au palais », p. 123.
- 8 Entrée « porcher » du Dictionnaire du Moyen Français consultable sur le site de l’ATILF.
6Comme le signale Nancy Regalado5, le refrain (v. 1-2) est bâti sur l’opposition entre le fait de torcher Fauvel (comportement commun, attendu et normal) et celui de préférer garder les cochons (comportement surprenant revendiqué par le je lyrique, identifiable au narrateur du Fauvel, le clerc-satiriste). Cette mise en contraste ne manque pas d’étonner du fait de la charge symbolique extrêmement négative du porc : bien qu’il soit considéré par les sociétés anciennes comme l’animal le plus proche de l’homme6, le porc est perçu comme une bête crasseuse et vile, symbolisant la luxure et la gourmandise au Moyen Âge. Nancy Regalado rappelle que Jésus envoie dans un troupeau de pourceaux les démons qu’il a chassés des corps de deux possédés (Mt 8, 30-34 ; Mc 5, 2-14 ; Lc 8, 27-34) et que la garde des cochons marque le degré ultime de la misère dans l’itinéraire du fils prodigue (Lc 15, 15)7. J’ajoute que le caractère dévalorisant de la situation du porcher est passé dans la langue puisque le mot devient au xve siècle un terme d’injure pour désigner un « homme grossier, malpropre8 ».
- 9 P. Bec, Burlesque et obscénité chez les troubadours. Le contre-texte au Moyen Âge, Paris, Stock, 19 (...)
- 10 Voir en particulier la confusion entre pucelle et porcel exploitée par la sotte chanson no 22 : « S (...)
7L’image du porcher se retrouve, avec la même connotation avilissante, dans la tradition occitane de la porquiera, sous-genre parodique de la pastourelle exploitant à l’envi les motifs érotico-scatologiques et mettant en scène une gardienne de porcs au lieu de la bergère traditionnelle9, ou encore dans le corpus des sottes chansons – contre-textes parodiques de la lyrique courtoise –, où les amants sont volontiers comparés à des porcs10. Signalons enfin qu’on retrouve une rime similaire à la rime -chier (mais non identique, le phonème /r/ étant omis) dans le Livre des Quatre Dames d’Alain Chartier. Fondée sur les formes conjuguées de torchier et escorchier, elle est également destinée à charger l’emploi de porcher d’une connotation résolument négative :
- 11 The Poetical Works of Alain Chartier, éd. J. C. Laidlaw, Cambridge, Cambridge University Press, 197 (...)
Que de voz peaulx
Vifs escorchiez
Soiez vous, et si bien torchiez
Que jamaiz ne vous renforchiez !
Telz gens deussent estre porchiez,
Ou faisans viles
Œuvres par citez et par villes,
Quant aux armes sont inutiles11.
8Dans notre rondeau cependant, par comparaison avec le cheval Fauvel, les porcs se trouvent paradoxalement investis d’une connotation positive et le fait de les garder devient, aux yeux du poète, une situation plus enviable que celle de torcher Fauvel avec la foule des flatteurs. Il préférerait encore se laisser escorchier, c’est-à-dire se faire dépouiller de sa peau d’homme, renoncer à son humanité, comme le souligne Nancy Regalado, plutôt que de se soumettre à Fauvel : l’animalité infamante du porc lui semble préférable à l’empire du cheval roux.
9Ainsi, ce rondeau est porteur d’une charge satirique et politique violente contre Fauvel : actualisation lyrique du geste d’injure et de mépris adressé au cheval par le satiriste, il est marqué par une outrance irrévérencieuse et potentiellement comique – du fait du rapprochement grotesque des porcs et du cheval – jusque dans la légèreté de ton résultant de l’hétérométrie (vers de 5 et 7 syllabes), dans la sélection bien sentie de l’adjectif chier à la rime – suggérant l’avilissement scatologique charrié par son homonyme verbal – ou dans le choix du substantif or – dont l’écho sonore parsème le poème et évoque, de façon paradoxale et donc piquante, l’adjectif ord, « sale, répugnant ; vil, méprisable ». L’essentiel de la drôlerie et de l’insolence de ce rondeau me semble pourtant résider ailleurs que dans le poème lui-même : il provient de sa mise en contexte – ou, pour mieux dire, sa mise en scène – au sein du manuscrit fr. 146. Le rondeau trône en effet au milieu du fol. 10r, le mot porchier étant mis en valeur au centre exact de la page par son initiale [figure 1 infra].
- 12 F. Garnier, Le langage de l’image au Moyen Âge, vol. 1, Signification et symbolique, Paris, Le Léop (...)
- 13 « L’illustration fait écho aux représentations de l’inspiration par l’Esprit chez certains saints, (...)
10Au-dessus du rondeau, deux miniatures présentent un clerc devant un livre, « les mains jointes paume contre paume, les doigts tendus, orientés vers le haut, les bras à demi pliés12 », c’est-à-dire en prière. Dans la miniature de gauche, le clerc agenouillé reçoit la visite du Saint-Esprit descendant sur lui, représenté par une colombe auréolée sortant des nuages, dont trois traits légers vont du bec vers la tête du clerc13 ; dans celle de droite, le clerc est cette fois assis, la jambe gauche croisée sur la cuisse droite, dans une position d’autorité face à un attroupement de trois personnages qui se tiennent debout devant lui – probablement des aristocrates, ainsi que le suggèrent leurs cheveux longs et le gant, symbole possible du fief reçu en échange de l’hommage féodal, que tient dans la main gauche le personnage à l’avant-plan. Ces deux miniatures fonctionnent en lien avec une troisième (fol. 11r), où le même clerc, toujours assis devant un livre, est cette fois représenté l’index tendu obliquement face aux trois mêmes personnages se tenant debout.
- 14 J.-Cl. Mühlethaler, « Les masques du clerc pour parler aux puissants. Fonctions du narrateur dans l (...)
- 15 Garnier, Le Langage de l’image au Moyen Âge, vol. 1, p. 170.
11L’interprétation de ces trois miniatures est claire : le clerc représente le satiriste narrateur du texte, le livre posé devant lui est son Roman de Fauvel, et la venue du Saint-Esprit signifie l’inspiration divine dont il nourrit sa réflexion et sur laquelle il fonde son action. Bien qu’il ne soit qu’un simple clerc admonestant des aristocrates, l’intervention divine garantit et légitime le discours de vérité qu’il tient et qui doit amener son auditoire à s’amender et à corriger son comportement. Le satiriste est ainsi mis en scène en position de narrateur-prophète, selon l’analyse proposée par Jean-Claude Mühlethaler, afin de « faire valoir le dire-vrai du discours satirique et […] pallier la position de faiblesse d’un locuteur qui, sans disposer d’un pouvoir pragmatique de sanction, entreprend de juger ses contemporains14. » La légitimité du satiriste, garantie par son inspiration divine, est symbolisée par sa position assise, tandis que le rôle double de sa parole prophétique – à la fois proclamation du vrai et exhortation au changement – est représenté par le dessin de son doigt, « orienté obliquement et plus ou moins courbé, dans une position intermédiaire entre celle du commandement et celle de l’exposé des idées15. »
12Parole d’autorité divinement inspirée, enseignement et exhortation, posture prophétique : les deux miniatures placées au-dessus du rondeau Porchier mieus estre ameroie (ainsi que la troisième miniature au folio suivant) semblent trancher assez nettement avec les images grossières voire ordurières développées dans la pièce lyrique. Il en va de même pour le texte du Roman, qui propose – immédiatement avant le rondeau, en haut de la colonne centrale – une prière adressée par le narrateur à l’« unicorn espirital » (v. 1211), c’est-à-dire au Christ, afin de demander le bannissement de Fauvel hors de France :
He, unicorn espirital
Qui es plus clere que cristal,
Descent, car y met ta grace !
Ne sueffre plus que Favel face
Si ses ours tumber en ce monde !
De sa seite trop y habunde.
De France fay Fauvel banir ;
Trop l’a grevee de son hanir. (v. 1211-1218).
- 16 A. W. Robertson, « Local Chant Readings and the Roman de Fauvel », Fauvel Studies : Allegory, Chron (...)
- 17 E. Dahnk, L’hérésie de Fauvel, Leipzig, Romanisches Seminar, 1935, p. 207-208.
13L’ambiance de religiosité imprégnant le fol. 11r se trouve encore renforcée par le choix de l’autre pièce musicale présente sur la page : un Alleluia de Pentecôte, « Veni Sancte Spiritus » (PM 31), qui présente la particularité d’être à la fois la première pièce liturgique apparaissant dans le manuscrit et l’une des deux seules pièces de plain-chant liturgique, l’autre étant la teneur d’un motet présenté au fol. 43r, « Firmissime fidem / Adesto Sancta Trinitas / Alleluia. Benedictus es » (PM 124)16. Or, ce motet à teneur liturgique est placé juste en face d’un autre motet (fol. 42v, colonnes b et c) ayant quant à lui pour teneur le texte de notre rondeau : « Celi Domina / Maria, virgo virginum / Porchier » (PM 122). Le motet du fol. 42v – le seul des motets latins du manuscrit fr. 146 à présenter une teneur en français – est en fait adapté d’un motet connu du xiiie siècle, composé sur la base de la liturgie de la Pentecôte (comme l’Alleluia du fol. 10r)17. Au-dessus de ce motet à teneur française, en haut de la colonne centrale, une miniature représente un clerc agenouillé en prière devant une Vierge à l’Enfant. Juste en-dessous de cette enluminure, le texte du Roman consiste en une prière adressée par le satiriste narrateur à la « dame du ciel esmeree » (v. 5829) :
Hee, dame du ciel esmeree,
De sains et de saintes honoree
Dedens la court celestial,
Car depri en especial
Ton douz filz, saveur du monde,
Que il Fauvel du tout confonde
Et nous toille lui et s’ estrille
Et sa suite qui tant est vile.
En ce faisant ne soiez feble :
Je le te pri par mi ce treble. (v. 5829-5838).
14Implorant la Vierge d’intercéder auprès du Christ pour qu’il précipite la chute de Fauvel, le satiriste accompagne sa demande de l’offrande du treble qui suit, le motet à teneur française.
15Ainsi, le texte « Porchier mieus estre ameroie » – dont j’ai souligné le caractère irrévérencieux, voire outrancier – est repris deux fois dans le manuscrit fr. 146, à trente-deux folios d’intervalle (à la fin du premier et du second livre), dans une mise en espace strictement parallèle : sous la forme d’un rondeau d’abord, en guise de teneur d’un motet latin ensuite. Dans chacune de ses actualisations, le texte satirique français est à la fois profondément en cohérence avec les éléments l’environnant (une prière adressée au Christ ou à la Vierge pour demander l’écrasement de Fauvel) et, sur un plan strictement formel, placé en contraste brutal avec ceux-ci, imprégnés de sacré et de religiosité. La manifestation de piété exprimée par la musique, l’iconographie et le texte romanesque se trouve, pour ainsi dire, dévoyée, désacralisée par le ton impertinent du poème.
- 18 G. Minois, Histoire du rire et de la dérision, Paris, Fayard, 2000, p. 119-124.
- 19 Haines, Satire in the Songs of Renart le Nouvel, p. 193-195.
16La mise en scène du rondeau « Porchier mieus estre ameroie » est donc tout à fait remarquable parce qu’elle joue, de façon répétée, sur la confrontation des registres sacré et profane, sur le contraste entre le haut et le bas, sur la juxtaposition volontaire du savant et du trivial, respectivement véhiculés par les langues latine et française, dans un bouleversement impertinent des échelles de valeur, soustrayant à la norme du discours religieux pur et inaltéré la difformité de sa forme dévoyée, où le religieux se trouve mêlé de profane et de vulgaire. Ce rondeau est donc doublement irrévérencieux puisqu’il ne relève pas seulement du rire critique de la satire contre Fauvel, mais aussi – par la répétition de sa mise en contexte profanatrice – d’une forme de parodie du discours religieux, héritière d’une longue tradition bien connue (messes et sermons parodiques, hagiographies burlesques, Fête des fous, etc.18), présente aussi dans la littérature satirique animalière du Roman de Renart19.
Les noces de Fauvel et le charivari
- 20 Le charivari, rituel folklorique, consiste en un cortège bruyant, un chahut réalisé au moyen d’uste (...)
- 21 Hellequin, roi infernal, est le chef de la Mesnie Hellequin, chevauchée des âmes damnées attestée d (...)
17Au cours du second livre du Roman de Fauvel, le cheval Fauvel prend pour épouse Vaine Gloire, la dame de compagnie de Fortune (voir v. 1988-1997). Cependant, lors de leur nuit de noces, une foule de vilains – déguisés, habillés de peaux de bête ou nus, les jambes poilues, les visages couverts de masques animaliers – se rassemblent dans un cortège de charivari20 mené par Hellequin21 et font du vacarme sous les fenêtres de la chambre nuptiale des jeunes époux (fol. 34r-fol. 36v). L’épisode interpolé du charivari est bien connu ; je concentrerai donc mon analyse sur le passage en revue succinct des chansons qui y sont insérées, puis sur l’examen plus approfondi d’un élément de détail représenté dans la miniature en haut de la colonne centrale du fol. 34v : un étonnant chariot à roues manipulé par le géant Hellequin.
- 22 Sur cette appellation problématique signalée par P. Zumthor, Langue et techniques poétiques à l’épo (...)
- 23 L. C. Porter, La Fatrasie et le fatras. Essai sur la poésie irrationnelle en France au Moyen Âge, G (...)
- 24 P. Uhl, « ‘‘Fatras’’ et ‘‘Fatrasie’’ : un imbroglio étymologique et typologique », Expressions, 17, (...)
- 25 Zumthor, Langue et techniques poétiques à l’époque romane, p. 161-171.
- 26 M. Bakhtine, L’Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissan (...)
- 27 Pour une analyse détaillée des « sottes chansons » du charivari, voir Uhl, La Constellation poétiqu (...)
18La rubrique introductive annonce que les participants au charivari chantent une douzaine de pièces musicales qualifiées de « sottes chansons22 » : « Ci s’ensivent sottes chansons, que ceus qui font le chalivali chantent parmi les rues. » (p. 584). Parmi ces douze chansons, les trois premières se rattachent à la tradition de la poésie du non-sens23, représentée essentiellement par la fatrasie et le fatras24. Cette veine poétique se propose d’abolir le règne du sens et de la raison, entraînant, selon la typologie proposée par Paul Zumthor, un effet de non-sens relatif – provoqué par la juxtaposition de propositions non enchaînées logiquement – ou de non-sens absolu – basé sur la rupture du lien logique unissant le sujet au prédicat (des rats composant de la poésie, un muet parlant, etc.)25. La quatrième chanson repose sur l’allitération/kēkēkē/, évoquant la cacophonie du charivari mais aussi l’effrayant vacarme produit par la chasse infernale d’Hellequin. Inscrites dans une veine folklorisante, les chansons 5 à 9 cultivent la thématique carnavalesque du « bas matériel et corporel26 », exploitant des motifs obscènes, scatologiques et sexuels faisant écho à certains comportements rituels adoptés par les participants au charivari : montrer son cul au vent (v. 4901), jeter des excréments au visage (v. 4905), etc. Enfin, après un « Lai des Hellequines », pièce d’inspiration courtoise longue de 120 vers, suivent encore trois chansons, d’inspiration festive ou satirique27.
- 28 A. Strubel, « Le rire au Moyen Âge », Précis de littérature française du Moyen Âge, éd. Daniel Poir (...)
19Ces « sottes chansons » appartiennent à la troisième catégorie de la typologie du rire proposée par Armand Strubel : le comique pur, ou comique d’évasion28, versant tantôt dans le non-sens, tantôt dans l’obscénité et la scatologie. Elles représentent, de ce point de vue, une forme particulière de renversement carnavalesque, opposant aux deux critères linguistiques conditionnant la possibilité de toute communication apaisée (le langage se doit d’être rationnel et sensé d’une part, policé et respectueux d’autre part) une actualisation irrationnelle et obscène de la langue. Alors que l’attendu de tout locuteur est que le langage fasse sens, qu’il soit porteur d’un message cohérent, l’auteur du Roman de Fauvel, en faisant appel au répertoire fatrasique, introduit du non-sens et de l’absurde au cœur de l’épisode du charivari. De même, les motifs obscènes et scatologiques – typiques de la polarisation négative du carnavalesque – contredisent le second attendu normatif : celui de l’urbanitas linguistique. Ainsi, les chansons du charivari sont l’occasion d’un rire d’évasion et de défoulement, dans un geste brutal et topique de renversement carnavalesque du langage et, plus largement, de l’échelle des valeurs du haut et du bas, du savant et du trivial.
- 29 Roesner, Avril et Regalado, « Introduction », p. 13.
- 30 Le souvenir de ces charivaris nous a été transmis par une douzaine de documents – datant des années (...)
20Malgré la rubrique qui les introduit, les pièces musicales insérées dans l’épisode du charivari ne semblent pas avoir pour fonction, ainsi qu’Edward Roesner et al. le suggèrent29, de consigner les chansons chantées par le cortège des charivaristes : contrairement aux paroles et chansons prononcées lors des charivaris historiquement attestés30, elles ne font en effet aucune mention des jeunes époux, de leur mariage ou du tribut de vin, d’argent ou de nourriture dont le paiement est exigé des victimes pour que le chahut cesse ; elles ne font pas même référence au charivari en tant que tel. Dès lors, les chansons du charivari ne peuvent être considérées comme un simple témoignage historique de pratiques rituelles authentiques, mais constituent bien plutôt un élément signifiant inscrit au sein de l’objet littéraire complexe que représente l’épisode du charivari dans le manuscrit fr. 146. Une question s’impose donc : quelle est la fonction de ces chansons, et pourquoi le compilateur du Roman de Fauvel interpolé les a-t-il insérées dans son œuvre ?
21Un élément du cortège produit sur le narrateur une impression particulièrement forte et mérite donc un examen approfondi. Il s’agit d’une espèce de chariot surmonté de deux grandes roues, décrit en ces termes :
Puis menoient un chariot ;
Dedens le chariot si ot
Un engin de roes de charetes,
Fors, reddes et moult tres bien faites
Et au tourner qu’eles fesoient
Sis bastons de fer encontroient
Dedens les moieux bien cloez
Et boen atachiez ; or m’oez :
Si grant son et si variable,
Si let et si espoentable
A l’encontrer fesoient donner
Que l’en n’oïst pas Dieu tonner. (v. 4887-4898).
- 31 R. Mellinkoff, « Demonic Winged Headgear », Viator, 16, 1985, p. 367-381 + 28 ill. ; F. Garnier, Le (...)
22Précédant immédiatement ces vers, une miniature (en haut de la colonne centrale du fol. 34v, figure 2 infra) représente un certain nombre de personnages de taille moyenne ou petite, montés à bord du chariot ou s’agitant autour de lui, manipulant ses roues ou frappant un tambourin. Un dernier personnage enfin contrôle le mécanisme des roues : de grande taille et coiffé d’un couvre-chef constitué de deux ailes d’oiseaux et habituellement chargé dans l’iconographie médiévale d’une connotation diabolique – ou à tout le moins négative –31, il s’agit du géant Hellequin.
- 32 Alain Chartier, Le Quadrilogue invectif, éd. Florence Bouchet, Paris, Champion, 2011, p. 48, l. 11- (...)
- 33 Le « Mystère de la Passion » de Troyes, éd. J.-Cl. Bibolet, Genève, Droz, 1987, t. 2, p. 906, v. 33 (...)
23Ce chariot à roues – dont Hellequin est le maître – ne peut manquer de rappeler les deux roues évoquées par le narrateur lorsqu’il brosse le portrait de Fortune aux vers 1906 et suivants : « Deus roes out devant Fortune / Qui touz jours tournient » (v. 1966-1967). Deux éléments textuels viennent consolider ce parallèle. D’abord, le choix de l’adjectif « variable » pour qualifier le bruit produit par le chariot est très significatif. En effet, la variabilité, l’inconstance sont le propre de Fortune, ainsi qu’en témoigne cet extrait du Quadrilogue invectif d’Alain Chartier : « Tant est affection humaine vaine chose et muable, quant celle desloyale voye a mise Fortune en ses variables œuvres32 », ou encore la collocation « Fortune variable » employée dans Le Mystère de la Passion de Troyes33, où l’auteur joue sur l’effet d’accumulation phonique propre à la figure étymologique :
24Dès lors qu’elle affaiblit le rapprochement opéré entre Fortune et Hellequin, la traduction proposée par Armand Strubel (« inhabituel ») ne me paraît guère convaincante.
25Le second élément justifiant ce rapprochement est amené par le vers 4886 : « L’un boute avant et l’autre tire », dernier vers du fol. 34r, séparé de la description du chariot par la rubrique d’introduction déjà évoquée et les six premières « sottes chansons » (colonne a du fol. 34v) ainsi que par la miniature décrite ci-dessus (colonne b du fol. 34v), vers dont la cohésion avec ceux qu’il suit est garantie par la rime, et que pourtant la logique syntaxique et sémantique invite à joindre aux vers 4887 et suivants :
Li uns avoit tantins a vaches […]
Li autres tabours et cimbales, […]
Dont si haus brais et hautes notes
Fesoient que nul ne puet dire.
L’un boute avant et l’autre tire, [Ici s’intercalent la rubrique, les chansons et la miniature.]
Puis menoient un chariot (v. 4877-4887).
26Cette étonnante rupture ne peut manquer de mettre en valeur le vers 4886, anodin en apparence (il ne s’agit à première vue que de décrire la façon dont le chariot est conduit) mais qui, à y regarder de plus près, fait écho à un autre lieu du texte :
Tout le monde, si com me semble,
A charue de chens resemble :
L’un trait avant, et l’autre arriere.
Li seigneur vuelent trop grant estre
Et li souzgiez refont le mestre :
C’est le mestier de la civiere. (v. 1131-1136).
27Quel est donc ce « métier de la civière », auquel le motet « Je voi douleur avenir » consacre le texte de son double ?
Fauvel nous a fait present
Du mestier de la civiere ;
N’est pas hons qui ce ne sent.
Je voi tout quant a present
Aler ce devant derriere.
Fauvel nous a fait present
Du mestier de la civiere. (PM 29, v. 7-13).
- 35 G. Raynaud, « Le Dit des outils de l’hôtel (ms. du Musée Condé) », Romania, 28, 109, 1899, p. 49-60 (...)
28Le métier de la civière est une formule proverbiale faisant allusion à la place des porteurs de brancards, qui se trouvent tantôt à l’avant, tantôt à l’arrière et symbolisent les revirements de la fortune35. L’expression est également attestée sous la forme « jeu de la civière » – variante que rappelle le terme employé par l’auteur du Fauvel pour décrire la récréation que trouve Fortune dans la distribution de ses bienfaits et de ses rigueurs : « A ce gieu Fortune s’esbat » (v. 1976). De fil en aiguille, un lien d’échos puissants unit donc en réseau les motifs des vicissitudes de Fortune, du jeu de la civière et du chariot de Hellequin.
- 36 Elle est en effet abondamment attestée dans la littérature, voir l’entrée « tonner » du Dictionnair (...)
29Ainsi, les roues de Hellequin constituent l’image-miroir des roues de Fortune : à la rotation régulière, ordonnée, harmonieuse de celles-ci, répond le tintamarre provoqué par la manipulation de celles-là ; à l’ordre divin du monde qu’actualise l’action de Fortune, fille de Dieu, s’oppose le désordre carnavalesque du chariot de Hellequin, dont le mécanisme provoque un vacarme si assourdissant « que l’en n’oïst pas Dieu tonner ». Au-delà du caractère stéréotypé d’une expression figée36, la subordonnée consécutive prend ici un sens particulièrement fort : c’est précisément le bruit provoqué par la rotation des roues de Hellequin – bruit impie signifiant métaphoriquement le bestournement de l’ordre divin du monde – qui rend inaudible la voix de Dieu, cette voix qui, ainsi que le narre la Genèse, a créé et ordonné l’univers par la parole.
30Je posais plus haut la question de la fonction des « sottes chansons » du charivari. Le lecteur sera sans doute sensible au fait que les pièces musicales insérées là par le compilateur ont pour but d’incarner le pendant musical au vacarme du chariot de Hellequin, c’est-à-dire de constituer le son-miroir des autres chansons réunies dans le manuscrit fr. 146. Ces « sottes chansons » sont l’actualisation, au sein de la glose musicale, de la « chanson au deable » évoquée par le narrateur dans le cours de sa description du charivari :
Avec eus portoient deus bieres
Ou il avoit gent trop avable
Pour chanter la chanson au deable ! (v. 4908-4910).
31La chanson du diable, musique infernale et grotesque, musique discordante, est une anti-musique, c’est-à-dire qu’elle représente – conformément à la théorie musicale médiévale, héritée de la pensée antique, dans laquelle la musique est perçue comme l’expression mathématique de l’harmonie du monde – l’effondrement de la consonance complexe et subtilement élaborée dans les autres pièces musicales du Roman (en particulier les motets, forme soumise aux lois de l’harmonie s’il en est) et, par conséquent, le dévoiement du discours philosophique porté par la prosopopée de Fortune (v. 2149-2918 et 3883-3995), discours qui avait précisément pour objet de révéler à Fauvel les mystères de l’ordre divin et de l’harmonie subtile du monde.
32En résumé, Hellequin en maître du charivari est l’image inversée de Fortune en maîtresse du monde ; le chariot à roues du funeste géant représente l’« engin » contraire des roues de la déesse ; les chansons intégrées à l’épisode du charivari actualisent le caractère dissonant de l’anti-musique du diable, à l’opposé de l’harmonie des autres pièces du Roman de Fauvel. Au monde divinement ordonné de Fortune répond point par point le monde carnavalesque, bestourné du charivari, dont l’inversion brutale des pôles du haut et du bas, lisible dans les comportements déréglés des participants au cortège, se trouve ultimement exprimée dans l’obscénité ou l’absurdité des « sottes chansons » qui l’accompagnent. Une nouvelle parodie se fait donc jour dans ce deuxième passage : celle du discours philosophique de Fortune, où les notions d’ordre et d’harmonie qu’il présentait se trouvent dévoyées par la mise en scène d’un cortège grotesque nourri de licence et de débauche.
L’explicit du roman de Fauvel
- 37 C. H. Haskins, The Renaissance of the Twelfth-Century, Londres, Harvard University Press, 1957, p. (...)
33Le caractère comique – ou à tout le moins ludique – de ces épisodes parodiques me paraît affirmé par la fin du Fauvel, en un passage que j’analyserai pour conclure. En effet, l’explicit du texte, citation d’un colophon latin bien attesté par ailleurs, est le suivant : « Explicit, expliceat / Ludere scriptor eat. » (fol. 45r) Exprimant la satisfaction du copiste à l’achèvement de sa tâche et son désir de délassement, ce type de colophon trouve parfois un prolongement dans l’expression hédoniste d’une faim de nourritures terrestres (vin, bière, mets variés)37.
34Bien qu’il soit parfaitement formulaire, il convient de noter que ce colophon n’est pas placé après la fin du Roman (c’est-à-dire à l’issue de l’acte de copie) comme attendu, mais qu’il est intégré au cœur du dernier folio, intercalé entre le dernier vers du texte narratif (sur la colonne centrale) et deux pièces musicales (disposées en forme de U sur les colonnes de gauche et de droite et le bas de la colonne centrale), à savoir une chanson à boire : « Quant je le voi ou voirre cler / Volentiers m’i vueil acorder […] » (PM 130) et un refrain à boire : « Ci me faut un tour de vin. / Deus ! quar le me donnez ! » Ces deux pièces musicales, qui viennent, en encadrant visuellement la dernière colonne de texte, littéralement envelopper le colophon, lui font écho de manière transparente : elles prolongent en effet, dans la langue vernaculaire, sa tonalité ludique et développent le thème d’inspiration bacchique qu’il contient en germe et qui, par effet de résonance avec d’autres colophons où il est déployé, est probablement attendu par le lecteur.
35Ainsi, en insérant à cet endroit stratégique du Roman des airs à boire, en proclamant sa soif d’amusement et de distraction, le clerc-satiriste place sans équivoque la réception de son texte dans une perspective joyeuse et ludique : cet explicit guilleret résonne dès lors comme le réinvestissement signifiant d’un lieu commun codicologique, comme la remotivation sémiotique – en forme de caveat lector – d’un colophon devenu topique et donc a priori vidé de son sens ; il constitue une clé de lecture, offerte au lecteur à la fin du texte et l’invitant, à la manière dont Ovide le fait à la fin des Métamorphoses, à le relire sous un éclairage nouveau. Ce balisage, rendu d’autant plus flagrant qu’il est démultiplié, est manifestement destiné à guider la lecture en soulignant a posteriori l’intention ludique du Roman de Fauvel remanié.
36Ainsi que le suggère l’analyse de la mise en forme et en espace du dialogue entre les trois moyens d’expression qu’elle convie (texte, image et musique), la réécriture du Roman de Fauvel par Chaillou de Pestain semble donc marquée par un esprit de jeu, une humeur ludique qui n’étaient pas présents chez Gervais du Bus et qui la placent sous le signe d’un optimisme et d’un espoir inédits, résumables par la formule suivante : si Fauvel est monté au sommet de la roue de Fortune, il faudra bien qu’il en redescende tôt ou tard.
- 38 M. Bent, « Fauvel and Marigny: Which Came First? », Fauvel Studies: Allegory, Chronicle, Music, and (...)
- 39 S. Rankin, « The Divine Truth of Scripture: Chant in the ‘Roman de Fauvel’« , Journal of the Americ (...)
37L’analyse des causes de l’émergence d’un tel optimisme dans la version remaniée du Roman de Fauvel mérite une enquête approfondie ; je souhaiterais me contenter ici de suggérer que la mort le 29 novembre 1314 de Philippe IV le Bel (dont le règne fut controversé, particulièrement à la fin), l’exécution le 30 avril 2015 de son ministre et chambellan Enguerrand de Marigny (personnage que la critique a cru reconnaître derrière le masque allégorique de Fauvel38) et le couronnement de Philippe V le Long le 9 janvier 1317 (qui met fin à la plus grave crise de succession qu’ait connue la dynastie capétienne) – tous événements survenus entre la rédaction du Fauvel original et celle de son remaniement – permettent d’éclairer l’optimisme du compilateur – un état d’esprit nouveau déjà signalé par Susan Rankin39.
- 40 Voir entre autres E. Dillon, « The Profile of Philip V in the Music of Fauvel », Fauvel Studies: Al (...)
38Parce qu’il constituerait, d’après certains critiques, une admonitio – entremêlant conseils, mises en garde et reproches – adressée au roi nouvellement couronné40, le Roman de Fauvel remanié se trouverait ainsi nourri par l’espoir, matérialisé dans le ton ludique du texte, que le règne de Philippe tranche avec les années troublées l’ayant précédé et dessine enfin les contours d’un futur meilleur – un temps où l’autorité royale et la dignité papale seraient restaurées, et où tous les Fauvel du monde, imposteurs, arrivistes, hypocrites, se trouveraient impitoyablement précipités au bas de la roue de Fortune.
Fig. 1 – Rondeau satirique, Paris, Bibliothèque nationale de France, français 146, fol. 10 r., col. b-c.
Notes
1 Voir G. W. Fenley, « Faus-Semblant, Fauvel, and Renart le Contrefait : A Study in Kinship », Romanic Review, 23, 1932, p. 323-331 et A. Strubel, « De Faux-Semblant à Fauvel : la limite de la personnification », La Personnification du Moyen Âge au xviiie siècle, éd. M. Demaules, Paris, Garnier, 2014, p. 109-128.
2 J. Haines, Satire in the Songs of Renart le Nouvel, Genève, Droz, 2010, p. 200-219.
3 É. Lalou, « La Chancellerie royale à la fin du règne de Philippe IV le Bel », Fauvel Studies : Allegory, Chronicle, Music, and Image in Paris, Bibliothèque Nationale de France, MS Français, 146, éd. M. Bent et A. Wathey, Oxford, Oxford Clarendon Press, 1998, p. 307-319.
4 Le Roman de Fauvel, éd. A. Strubel, Paris, Librairie Générale Française, 2012.
5 N. F. Regalado, « Le porcher au palais : Kalila et Dimna, Le Roman de Fauvel, Machaut et Boccace », Études littéraires, 31, 2, 1999, p. 119-132.
6 M. Pastoureau, Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Paris, Seuil, 2004, p. 43-44.
7 Regalado, « Le porcher au palais », p. 123.
8 Entrée « porcher » du Dictionnaire du Moyen Français consultable sur le site de l’ATILF.
9 P. Bec, Burlesque et obscénité chez les troubadours. Le contre-texte au Moyen Âge, Paris, Stock, 1984, p. 184-190.
10 Voir en particulier la confusion entre pucelle et porcel exploitée par la sotte chanson no 22 : « Sottes chansons contre Amours » : parodie et burlesque au Moyen Âge, éd. E. Doss-Quinby, M.-G. Grossel et S. N. Rosenberg, Paris, Champion, 2010, p. 66-67.
11 The Poetical Works of Alain Chartier, éd. J. C. Laidlaw, Cambridge, Cambridge University Press, 1974, p. 225, v. 900-907.
12 F. Garnier, Le langage de l’image au Moyen Âge, vol. 1, Signification et symbolique, Paris, Le Léopard d’Or, 1982, p. 212.
13 « L’illustration fait écho aux représentations de l’inspiration par l’Esprit chez certains saints, notamment saint Grégoire. » (J.-Cl. Mühlethaler, Fauvel au pouvoir : Lire la satire médiévale, Paris, Champion, 1994, p. 418).
14 J.-Cl. Mühlethaler, « Les masques du clerc pour parler aux puissants. Fonctions du narrateur dans la satire et la littérature ‘‘engagée’’ aux xiiie et xive siècles », Le Moyen Âge, 96, 1990-1992, p. 266-286, ici p. 286. Voir aussi à ce sujet : J.-Cl. Mühlethaler, « Le poète et le prophète. Littérature et politique au xve siècle », Le Moyen Français, 13, 1983, p. 37-57.
15 Garnier, Le Langage de l’image au Moyen Âge, vol. 1, p. 170.
16 A. W. Robertson, « Local Chant Readings and the Roman de Fauvel », Fauvel Studies : Allegory, Chronicle, Music, and Image in Paris, Bibliothèque Nationale de France, MS Français, 146, éd. M. Bent et A. Wathey, Oxford, Oxford Clarendon Press, 1998, p. 495-524, ici p. 500.
17 E. Dahnk, L’hérésie de Fauvel, Leipzig, Romanisches Seminar, 1935, p. 207-208.
18 G. Minois, Histoire du rire et de la dérision, Paris, Fayard, 2000, p. 119-124.
19 Haines, Satire in the Songs of Renart le Nouvel, p. 193-195.
20 Le charivari, rituel folklorique, consiste en un cortège bruyant, un chahut réalisé au moyen d’ustensiles de cuisine et d’instruments de musique rudimentaires (crécelles, claquoirs, etc.), destiné à dénoncer les comportements déviants repérés dans le corps social – en particulier les mariages mal assortis. Sur le rite du charivari, en général et dans le Roman de Fauvel, la bibliographie est très abondante. Je renvoie en priorité vers les études suivantes : H. Rey-Flaud, Le charivari : Les rituels fondamentaux de la sexualité, Paris, Payot, 1985 ; J.-Cl. Schmitt, « Les masques, le diable, les morts dans l’Occident médiéval », Razo, 6, 1986, p. 87-119 ; N. F. Regalado, « Masques réels dans le monde de l’imaginaire. Le rite et l’écrit dans le charivari du Roman de Fauvel », Masques et déguisements dans la littérature médiévale, éd. M.-L. Ollier, Montréal/Paris, Presses de l’Université de Montréal/Vrin, 1988, p. 111-126 ; E. H. Roesner, F. Avril et N. F. Regalado, « Introduction », Le Roman de Fauvel in the Edition of Mesire Chaillou de Pesstain. A Reproduction in Facsimile of the Complete Manuscript Paris, Bibliothèque Nationale, Fonds Français 146, New York, Broude, 1990, p. 10-15 ; J.-Cl. Mühlethaler, Fauvel au pouvoir, p. 130-138.
21 Hellequin, roi infernal, est le chef de la Mesnie Hellequin, chevauchée des âmes damnées attestée dès la première moitié du xiie siècle dans l’Historia Ecclesiastica d’Orderic Vital. Voir M. Lecco, Il motivo della Mesnie Hellequin nella letteratura medievale, Alessandria, Ed. dell’Orso, 2001 ; K. Ueltschi, La Mesnie Hellequin en conte et en rime, Paris, Champion, 2008.
22 Sur cette appellation problématique signalée par P. Zumthor, Langue et techniques poétiques à l’époque romane (xie-xiiie siècles), Paris, Klincksieck, 1963, p. 162, voir l’argumentation éclairante de P. Uhl, « Les ‘‘sotes chançons’’ du Roman de Fauvel (Ms E) : la symptomatique indécision du rubricateur », French Studies, 45, 4, 1991, p. 385-402, ici p. 393.
23 L. C. Porter, La Fatrasie et le fatras. Essai sur la poésie irrationnelle en France au Moyen Âge, Genève, Droz, 1960 ; P. Uhl, La Constellation poétique du non-sens au Moyen Âge (onze études sur la poésie fatrasique et ses environs), Paris, Université de La Réunion / L’Harmattan, 1999. Une édition récente de ces textes est disponible : Poésies du non-sens, xiiie-xive-xve siècles, 2 vol., éd. M. Rus, Orléans, Paradigme, 2005-2010.
24 P. Uhl, « ‘‘Fatras’’ et ‘‘Fatrasie’’ : un imbroglio étymologique et typologique », Expressions, 17, 2001, p. 57-80.
25 Zumthor, Langue et techniques poétiques à l’époque romane, p. 161-171.
26 M. Bakhtine, L’Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Paris, Gallimard, 1970, p. 9-67 et 366-432.
27 Pour une analyse détaillée des « sottes chansons » du charivari, voir Uhl, La Constellation poétique du non-sens au Moyen Âge, p. 129-144.
28 A. Strubel, « Le rire au Moyen Âge », Précis de littérature française du Moyen Âge, éd. Daniel Poirion, Paris, Presses universitaires de France, 1983, p. 186-213, ici p. 194-196.
29 Roesner, Avril et Regalado, « Introduction », p. 13.
30 Le souvenir de ces charivaris nous a été transmis par une douzaine de documents – datant des années 1320 à la fin du xvie siècle – consistant essentiellement en des condamnations ecclésiastiques de cette pratique. Ces documents historiques évoquent entre autres des « injurias, carmina, libellos diffamatorios contra eosdem sponsos » (Meaux, 1365) (cité d’après F. Lebrun, « Le Charivari à travers les condamnations des autorités ecclésiastiques en France du xive au xviiie siècle », Le Charivari, éd. J. Le Goffet J.-C. Schmitt, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1981, p. 221-228, ici p. 224-225).
31 R. Mellinkoff, « Demonic Winged Headgear », Viator, 16, 1985, p. 367-381 + 28 ill. ; F. Garnier, Le Langage de l’image au Moyen Âge, vol. 2, Grammaire des gestes, Paris, Le Léopard d’Or, 1989, p. 81-83.
32 Alain Chartier, Le Quadrilogue invectif, éd. Florence Bouchet, Paris, Champion, 2011, p. 48, l. 11-13.
33 Le « Mystère de la Passion » de Troyes, éd. J.-Cl. Bibolet, Genève, Droz, 1987, t. 2, p. 906, v. 3354-3359.
34 Le choix de l’éditeur de ne pas mettre de majuscule au mot fortune est peu compréhensible, étant donné que le personnage de Pilate qui prononce ces mots interpelle – en la tutoyant – la fortune personnifiée (le v. 3375, qui fait de Fortune l’agent de l’action exprimée par le verbe de la subordonnée conditionnelle, ne laisse d’ailleurs planer aucun doute : « Se fortune me vouloit nuyre […] »). Ce choix est d’autant plus surprenant qu’en un autre endroit, l’éditeur met cette fois la majuscule dans une tournure pourtant strictement parallèle : « Ha, Fortune, forte ennemye, / Fortune, beste desguisee / et tout mal faire advisee » (t. 1, p. 366, v. 7604-7606).
35 G. Raynaud, « Le Dit des outils de l’hôtel (ms. du Musée Condé) », Romania, 28, 109, 1899, p. 49-60, ici p. 59 ; G. Di Stefano, Nouveau dictionnaire historique des locutions : ancien français, moyen français, Renaissance, Turnhout, Brepols, 2015, vol. 1, p. 336 et p. 889.
36 Elle est en effet abondamment attestée dans la littérature, voir l’entrée « tonner » du Dictionnaire du Moyen Français consultable sur le site de l’ATILF.
37 C. H. Haskins, The Renaissance of the Twelfth-Century, Londres, Harvard University Press, 1957, p. 74-75.
38 M. Bent, « Fauvel and Marigny: Which Came First? », Fauvel Studies: Allegory, Chronicle, Music, and Image in Paris, Bibliothèque Nationale de France, MS Français, 146, éd. M. Bent et A. Wathey, Oxford, Oxford Clarendon Press, 1998, p. 35-52.
39 S. Rankin, « The Divine Truth of Scripture: Chant in the ‘Roman de Fauvel’« , Journal of the American Musicological Society, 47, 2, 1994, p. 203-243, ici p. 238.
40 Voir entre autres E. Dillon, « The Profile of Philip V in the Music of Fauvel », Fauvel Studies: Allegory, Chronicle, Music, and Image in Paris, Bibliothèque Nationale de France, MS Français, 146, éd. M. Bent et A. Wathey, Oxford, Oxford Clarendon Press, 1998, p. 215-231, ici p. 227; A. Wathey, « Gervès du Bus, the Roman de Fauvel, and the Politics of the Later Capetian Court », Fauvel Studies: Allegory, Chronicle, Music, and Image in Paris, Bibliothèque Nationale de France, MS Français, 146, éd. M. Bent et A. Wathey, Oxford, Oxford Clarendon Press, 1998, p. 599-613.
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Légende | Fig. 1 – Rondeau satirique, Paris, Bibliothèque nationale de France, français 146, fol. 10 r., col. b-c. |
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Légende | Fig. 2 – Le chariot à roues du Roman de Fauvel, Paris, Bibliothèque nationale de France, français 146, fol. 34 v. |
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Pour citer cet article
Référence papier
Thibaut Radomme, « L’optimisme du satiriste », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 34 | 2017, 239-257.
Référence électronique
Thibaut Radomme, « L’optimisme du satiriste », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 34 | 2017, mis en ligne le 31 décembre 2020, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14871 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14871
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