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Lectures croisées du Livre de l'Espérance d’Alain Chartier : enjeux éthiques et esthétiques

Le Labirynth de fortune de Jean Bouchet, imitation du Livre de l’Espérance d’Alain Chartier ?

Pascale Chiron
p. 253-271

Résumés

Jean Bouchet est un grand lecteur et admirateur d’Alain Chartier, comme le sont beaucoup d’auteurs de sa génération. Si l’influence du Livre de l’Espérance est parfois très précise dans Les Regnars traversans, on s’attendrait à ce qu’elle le soit aussi dans un texte qui met en scène les trois vertus théologales : Le Labirynth de fortune et Sejour des trois nobles dames. Or, si les points de convergence ne manquent pas, la question de l’imitation se pose d’une autre manière pour ce texte.

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Texte intégral

  • 1 François Rouy répertorie ces éditions dans son introduction au Livre de l’Espérance, Paris, Champi (...)

1Alain Chartier est lu à l’aube de la Renaissance, en témoignent les éditions dont il fait l’objet avant 1530 : les Fais maistre Alain Chartier sont publiés à Paris chez Pierre le Caron en 1489, à nouveau chez le même éditeur sans doute en 1494, édition qui a servi de modèle pour celle d’Antoine Vérard. On compte ensuite plusieurs éditions parues chez Michel Le Noir des faitz de maistre alain Chartier contenant en soy douze livres… qui traictent de plusieurs choses touchant les guerres faictes par les Angloys, l’une en 1514, l’autre en 1520. L’édition Trepperel des faitz de maistre alain Chartier date, elle, de 1515. Celle de Galliot du Pré de 1526 : les faictz et dictz de feu de bonne mémoire Maistre Alain Chartier en son vivant Secretaire du feu roy Charles septiesme du nom. Nouvellement imprimé, reveu et corrigé1

  • 2 Il naît en1476 et meurt vers 1557.
  • 3 Octavien de Saint-Gelais, dans Le Séjour d’Honneur (1494), fait déjà l’éloge du poète : « Veiz ung (...)

2Jean Bouchet, le « dernier des grands rhétoriqueurs2 », s’inscrit parmi ces lecteurs et admirateurs de Chartier3 qui voient en lui le maître de l’éloquence. Il rapporte cette anecdote dans une de ses Épîtres familières :

  • 4 Jean Bouchet, Epistres morales et familieres du Traverseur, Mouton, Johnson Reprint Corporation, 1 (...)

[…] l’espouse au Roy Loys unziesme
Fille d’Escosse, eut telle extime et esme
De Charretier, qu’en dormant elle touche
D’ung doulx baiser son eloquente bouche,
Pour les bons motz qui [en] estoient yssuz4.

3Alain Chartier fait partie des poètes dont il dit avoir rencontré l’ombre dans le séjour des Muses des Triomphes du roy aux côtés de Saint-Gelais, Meschinot et Marot :

  • 5 Jean Bouchet, Triomphes du très chrestien, très puissant et invictissime roy de France François pr (...)

[…] tous Poetes de pris,
Et d’aultres maints Poetes bien appris,
Et Orateurs de la langue Françoise,
Fluide, briefve, et entre aultres courtoise,
D’aulcuns desquelz j’ay la phrase suyvy
A mon povoir, quand leurs œuvres je vy5.

  • 6 Voir notre récente édition : Jean Bouchet, Le Labirynth de fortune et Sejour des trois nobles dame (...)

4L’imitation va de pair avec l’admiration. En particulier, dans Le Labirynth de Fortune et Sejour des trois nobles dames, que Jean Bouchet publie en 15226, les échos au Livre de l’Esperance de Chartier semblent nombreux. Ils sont les traces d’une filiation fondée sur la reconnaissance du talent de Chartier, mais ces échos ne sont pas des imitations strictes et les effets de citation sont en fait très limités : preuve aussi d’une certaine forme de liberté de Jean Bouchet qui affirme sa singularité comme celle de son prédécesseur.

5Pour commencer, les deux textes appartiennent bien au même genre, celui du doctrinal, du traité moral développant, à l’appui de l’édification, une fiction allégorique. Celle de Jean Bouchet prend prétexte de la mort, en 1519, d’Artus Gouffier, grand maître de l’Hôtel du roi, pour développer une réflexion sur les revers de Fortune. L’auteur dit « l’acteur » dans son texte découvre en songe un labyrinthe où plusieurs troupes de gens habillés de différentes couleurs se pressent. L’« acteur », conduit par l’allégorie Suggestion puis par Humaine Discipline, pénètre dans ce labyrinthe où il peut observer celle qui apparaît dans son tabernacle comme une déesse : Fortune, ainsi que ses deux acolytes Heur et Malheur qui se lancent dans un long dialogue concernant leur rôle respectif dans l’Histoire de l’humanité. À la fin de ce dialogue, Humaine Discipline explique que :

  • 7 Le Labirynth, p. 69, v. 2152-2155.

Ce labyrinth et tresplaisant sejour
Ce n’est riens fors l’estat de cestuy monde,
Où les humains desirent chascun jour
Avoir des biens, ne leur chault par quel tour7.

6Les différentes couleurs représentent les différents moyens d’accéder aux biens. Et à propos de Fortune, Humaine Discipline ajoute :

  • 8 Le Labirynth, p. 73, v. 2280-2287.

Je t’ay ja dict que la dame y estant
Est grant deesse et se nomme fortune
Et que chescun est bien ou mal contant
Par ses enfans que parler as ouy tant
Eur, et maleur, qui donnent la pecune
Ce que par eur donne à ung ou à une
Par maleur oste, et par eur en fait don
Sans regarder à merite ou guerdon8.

7Et elle se lance dans le portrait type d’une fortune « sourde », « sans yeulx », au visage sombre d’un côté, clair de l’autre, indifférente aux mérites des hommes pour répartir ses biens.

8Mais Humaine Discipline reprend la figure traditionnelle de Fortune sans remettre en question l’existence littérale de celle qu’elle appelle déesse, et qui était effectivement considérée comme telle dans l’Antiquité. Sa glose semble incomplète ; c’est alors que le personnage de l’acteur-auteur va réagir contre cette utilisation littérale du mythe : il ne veut pas croire à la toute-puissance de Fortune qu’il ne peut considérer comme une déesse. Il se voit alors conforté dans cette idée par une autre allégorie, Véritable Doctrine. Il se réveille et voit à côté de lui cette allégorie ; tous deux se rendent dans le cabinet de travail, où Véritable Doctrine enseigne à l’auteur que dame Fortune n’existe pas, que ce labyrinthe n’est qu’une image, que seul Dieu est tout-puissant, que Fortune n’est pas une déesse mais une figure qui représente le sentiment qu’a l’homme de l’arbitraire des choses qui lui arrivent dans sa vie. Ainsi sans rejeter l’image du labyrinthe ni de Fortune, l’auteur rend à celle-ci sa valeur allégorique :

  • 9 Le Labirynth, p. 75, v. 2376-2391. Voir notre communication « Sens et contre-sens dans Le Labirynt (...)

Et de tenir fortune estre deesse
C’est ung erreur procedant de simplesse
Car impossible est veoir en deité
Telle laidure et grant difformité
Ne qu’on appelle une deesse folle
Luy reprochant que chascun elle affolle
Mais croy pour vray voyre par grans moiens
Que tel erreur procede des payens,
Lesquelz alors que par quelque aventure
Leur survenoit du proffict ou jacture
Du bien, ou mal, ilz croient fermement
Que de fortune estoit l’ evenement
Bon et maulvaiz, et par folle creance
Pensoient ce bien ou mal avoir naissance
De la fortune et par ces moiens cy
Ilz l’appelloient pour deesse à mercy9.

  • 10 Voir Terence Cave, Cornucopia, Paris, Macula, 1997, en particulier chapitre 3 « Interprétation », (...)

9Jean Bouchet a à cœur de signifier ainsi les dangers des figures poétiques et en particulier mythologiques dans une période de « crise herméneutique10 ».

10La seconde partie du texte se déroule dans un autre séjour allégorique qui est celui de Foi, Espérance et Charité. Remis entre les mains de Vertu, et aidé de « Congnoissance de soy », « l’acteur » parvient au sommet du rocher malgré un caillou de regret amoureux. C’est dans ce clos des trois nobles dames qu’il va recevoir un enseignement. Foy prend la parole et rappelle le dogme catholique : la croyance en la Trinité, en l’incarnation, au saint Esprit, à la résurrection. Elle met en garde contre les tentations diaboliques et rappelle les vertus de la prière à Dieu, à la Vierge, aux saints. Foy déplore la corruption et les abus des ministres de l’Église. Elle donne des exemples bibliques d’hommes qui ont eu la foi et exhorte à l’amour du prochain. Puis l’acteur se tourne vers Dame Espérance. Celle-ci distingue l’espérance du vrai bien de l’espoir vain des biens terrestres. Elle condamne l’hypocrisie dans un discours de satire générale et propose, dans la voie de l’imitation du Christ, de contempler la vie du Christ pour mieux supporter les maux terrestres. Elle met en garde contre le désespoir, rappelle la miséricorde de Dieu à condition d’une repentance sincère. Enfin, « l’acteur » se tourne vers Charité, qui explicite ce qu’elle signifie : aimer Dieu et son prochain, ses ennemis aussi, ne rien faire qu’on ne voudrait qu’on nous fasse, respecter les dimanches et fêtes religieuses ; elle met en garde contre les blasphèmes, les parjures, le mensonge, la luxure, etc.

11À la fin, l’acteur conclut en distinguant deux bandes parmi les hommes, celle des actifs qui iront au labyrinthe du monde aidés des vertus cardinales et celle des contemplatifs qui resteront à l’écart du monde dans le séjour des trois nobles dames. C’est avec les premiers que l’acteur trouve sa voie.

12D’après ce résumé un peu long mais nécessaire si l’on veut comparer L’Esperance avec Le Labirynth, il apparaît que des points de convergence entre les deux œuvres morales émergent : points de convergence du côté doctrinal (en terme rhétorique : convergence de l’invention), points de convergence structurels (autrement dit convergence de la disposition), points de convergence poétiques.

  • 11 Alain Chartier, Le Livre de l’Espérance, prose XV, p. 158.

13Convergence doctrinale tout d’abord : partant d’une réflexion sur la figure de Fortune, Le Labirynth aboutit à la question de la coexistence paradoxale du libre-arbitre de l’homme et de la prédestination. Les vers 3684 et suivants font écho en cela à ceux d’Alain Chartier qui rappelle, dans Le Livre de l’Espérance, que : « Plusieurs docteurs ont subtillié leurs engins et ont voulu acorder la predestination de Dieu avec le franc arbitre de l’omme11. » La question corollaire, présente chez Bouchet comme Chartier, est celle de la justice divine. Comment comprendre le malheur des bons ?

  • 12 Le Labirynth, p. 48-49, v. 4686 et suiv.

C’est bien parlé mais si vous plaist madame
Declairez moy, pourquoy en corps et ame
Dieu donne aux bons aucunesfoys du bien,
Aulcunesfoyz des maulx, et pour ung rien,
Et que souvent hommes maulvais prosperent
A l’autre foyz par maulx se desesperent
Qu’ilz ont en eulx, pourquoy Dieu fait regner
Tant de pecheurs ? […]12

14Bouchet a ici comme source le texte de La Consolation de la Philosophie de Boèce, et reprend les objections que formule le narrateur à Philosophie dans la cinquième prose du livre IV, à partir desquelles celle-ci va définir la Providence. À moins que Bouchet ne lise Boèce à travers Chartier, lui-même réécrivant Boèce, dans la Prose VIII du Livre de l’Espérance :

  • 13 Le Livre de l’Espérance, p. 48-49.

Maiz encore ay je ung scrupulle sur la divine justice, de tant qu’elle pugnit lez justes avecquez lez pecheurs, et les innocens met ou compte dez pervers. […] Ou est donc la divine justice, ou a quel temps est elle reservee13.

15La réponse de Foy, chez Chartier, empruntée là encore à Boèce, repose sur la distinction des biens terrestres et des biens célestes :

  • 14 Le Livre de l’Espérance, p. 49.

Se nostre beneureté estoit es biens de ce monde, et nostre arrest s’i fichoit sans aultre vie attendre, ou plus hault bien esperer, grant apparence auroit en ton argument ; maiz la droicturiere et finale pugnition dez dampnez, et le louier des bieneureux, n’est pas acquerir lez biens et lez honneurs transitoires de cestui monde14.

  • 15 Le Labirynth, p. 138, v. 4824-4825.
  • 16 Le Livre de l’Espérance, prose VIII, p. 50.

16Elle rejoint là aussi ce que l’on va trouver chez Bouchet : « Aussi fault il presupposer sans doubte / Que tous les biens sont de deux qualitez15 », nous dit Bouchet, dans l’exacte continuité de cet argument de Chartier. Autre argument commun aux deux auteurs, l’incapacité de l’homme à sonder les cœurs pour établir le juste et l’injuste : « Cuides tu congnoistre le juste d’avecquez le pecheur, et estre certain du secret dez pensees dont Dieu a reservé a soy la congnoissance16 ? » dit Chartier, repris en écho par Bouchet :

  • 17 Le Labirynth, p. 142, v. 4984-4993.

Aultre raison il y a peremptoire
De vostre doubte aux hommes n’appartient
Mais à Dieu seul auquel est tout notoire
Veoir le secret d’ung aultre, et que contient
Son petit cueur, par ce souvent advient
Que ceulx qu’on croit estre pervers, sont bons,
Et les pervers on les juge preudhoms,
Parquoy disons par erreur que Dieu donne
Biens es maulvais, et ne faict de telz dons
Es bien vivans, la raison n’en est bonne17.

  • 18 Le Labirynth, p. 194, v. 1405-1406. Sur les deux espérances et la récurrence du thème de l’espéran (...)
  • 19 Le Livre de l’Espérance, prose XII, p. 101.

17Plus loin, les deux auteurs distinguent deux types d’espérance, espérance mondaine et espérance céleste. Chez Bouchet, c’est la vertu Espérance qui prend la parole : « Nous sommes deux qui au monde portons / Publiquement le beau nom d’esperance18 ». L’espoir mondain est fustigé par Bouchet, dans la lignée de Chartier qui opérait déjà une longue distinction entre l’espérance chrétienne et les « esperances faintes » ou « contrefaites esperances19 » par la bouche même d’Espérance là aussi.

18Ainsi faut-il apprendre à faire des distinctions et avant de vouloir connaître Dieu et ses mystères, Bouchet, dans la lignée de Chartier, invite à se connaître soi-même. Les deux auteurs accordent une égale importance à ce précepte socratique revisité par l’humilité chrétienne.

  • 20 Le Livre de l’Espérance, prose VI, p. 36. Cet avertissement aux hommes, cette injonction à se conn (...)

Mieulx te vault convertir ta subtillité decepvable a congnoistre toy mesmez, que travailler en vain a espuicier la mer et mesurer lez cieulx, et estriver a cil qui nombre lez estelles20.

19Chez Bouchet, « Congnoissance de soy » est une allégorie qui permet de mettre l’auteur sur la voie des vertus. Elle commence ainsi son discours :

  • 21 Le Labirynth, p. 161, v. 91-95.

O Gens recreuz plains de folle plaisance
Gens aveuglez, et plains de desraison
De quoy vous sert de astres la congnoissance
De terre et mer, quant voustre estre et naissance
Vous ignorez […]21.

20Ainsi se connaître soi-même, c’est d’abord se savoir mortel et loin de la perfection divine.

  • 22 Le Labirynth, p. 209, v. 1972-1978.

Humbles soyez, car sur tout hayt orgueil,
Il vous bailla de humilités l’exemple
Et ne levez jamais contre luy l’ oeuil
En murmurant, ayez pacience ample,
Et pour l’amour de luy aymez son temple,
Aussi vostre ame, et pour elle le corps
Non aultrement, et fuyez tous discors22.

  • 23 Le Livre de l’Espérance, prose VI, p. 32.

21On peut entendre ce discours d’Espérance comme un écho de celui de Foy dans Le Livre de l’Espérance d’Alain Chartier : « humilité des prescheurs a surmonté la majesté des roys », « les humblez ont effacié lez orgueilleux23 ». Mais aussi comme une reprise du thème même du Magnificat et notamment de ce passage : Dispersit superbos mente cordis sui/Deposuit potentes de sede, et exaltavit humiles.

  • 24 Nous pourrions prolonger l’étude. Voir par exemple sur le sujet de l’oraison, Le Labirynth, p. 181 (...)
  • 25 Voir Jean Bouchet, Le Jugement poetic d’honneur femenin, éd. A. Armstrong, Paris, Champion, 2006, (...)

22Finalement, que nous prouvent ces quelques points de comparaison doctrinaux, qui ne sont d’ailleurs pas exhaustifs24 ? Deux hypothèses peuvent être soutenues, non exclusives l’une de l’autre : que Jean Bouchet a puisé aux mêmes sources doctrinales que Chartier, les manchettes du texte du Labirynth ne citant jamais Alain Chartier lui-même, ou bien que Bouchet a pris modèle sur Le Livre de l’Espérance sans le dire explicitement, pour l’étayer des auctoritates citées en marge : c’est plutôt cette deuxième hypothèse que nous retiendrons, Adrian Armstrong ayant montré dans son édition du Jugement poetic d’honneur femenin combien les rhétoriqueurs comme Bouchet se plaisent à ne pas toujours citer leurs sources25.

  • 26 Le Labirynth, II, v. 1312-1313.
  • 27 Le Livre de l’Espérance, p. 31.

23Pour être sûr d’une influence directe du Livre de l’Espérance sur Le Labirynth, il nous faudrait pouvoir repérer des effets de citation précis. Or il semble que ces effets soient très restreints. Si les vers de Bouchet : « Et à la foy Abraham ne estriva / Quant il soubmist la pitié de nature26 » font nettement écho aux mots de Chartier : « fut se vertueux en creance que il soubzmist la pitié de nature en l’obeissance de la foy27 », nous n’avons pas le même effet de citation du Livre de l’Espérance que celui que nous trouvions dans les Regnars traversant du même Bouchet, et qu’a si bien relevé Jennifer Britnell. À propos des revenus de l’Église, Bouchet écrivait dans les Regnars traversant :

  • 28 Voir J. Britnell, Jean Bouchet, Edinburgh University Press, 1986, p. 85-86.

Vous desrobez, ou maliceusement retenez, les censives, oblations et offertes ecclesiaulx, qui est le vray patrimoine du crucifix, qu’il acquist de son precieux sang en l’arbre de la croix. Pensez vous qu’il vous en laisse impunys, et ceulx qui le tollerent et permettent ? Cuydez vous que l’orreur de vostre peché et la grandeur de vostre offense damnable, qui forclot toute grace de bien faire, ne cause pas vengeance trescruelle sur vous ? Regardez la prophetie de Daniel, qui designe la venue de l’antecrist et le temps de persecucion pour l’abhominacion du temple et detraction du quotidien sacrifice. Et si vous voulez fonder excuse sur la multitude des grans biens que possede l’eglise, pourtant vous, qui ne les avez donnez, ne les devez ne pouez oster28.

24S’inspirant directement du Livre de l’Espérance de Chartier :

  • 29 Le Livre de l’Espérance, prose VIII, p. 57.
  • 30 Le Livre de l’Espérance, prose VIII, p. 61.
  • 31 Le Livre de l’Espérance, prose XVI, p. 179.

Et lors Costentin, meu au bien et relevement de l’Eglise, lui donna les possessions terriennez qu’elle tient, qui depuis s’est augmentee dez dismez et oblations courans avecquez les sensives et offertes ecclesiaulx, qui est le droit patrimoine du crucefix, qu’il acquist de son precieux sang par sa tresdouloureuse passion29. Car l’offence est si damnable qu’elle forclot toute grâce de bien faire, et tout eur de prouffiter en vertu30.
Maiz la prophecie de Daniel reste advenir, qui designe la venue d’Anticrist et le temps de persecution pour les abhominations du temple et distration du cotidien sacrifice31.

  • 32 Pour une analyse plus nuancée de l’imitation du Livre de l’Espérance dans les Regnars, voir égalem (...)

25Aucun doute n’est possible ici sur le fait que Bouchet a recopié des passages du Livre de l’Espérance, l’imitation précise des Regnars étant sans doute facilitée par la proximité formelle des deux textes puisqu’il s’agit dans les deux cas de prosimètre32.

  • 33 Le Livre de l’Espérance, prose X, p. 89.
  • 34 Bouchet n’est pas le seul à s’éloigner du portrait d’Espérance d’Alain Chartier. Sur le portrait d (...)

26Mais pour ce qui concerne le Labirynth, l’imitation de Chartier est plus diffuse. Le portrait d’Espérance, par exemple, ne donne pas lieu à un rapprochement des textes : chez Alain Chartier, elle a la « face riant et joyeuse » et tient d’une main une boîte pleine des « ongnemens confiz de promesses faittes jadis aux peres par lez prophetes, et a nous par la bouche du filz de Dieu » et de l’autre « l’anel de la verge d’une ancre d’or dont le bec estoit fiché dedens les cieulx33 ». Rien de tel dans le portrait d’Espérance de Bouchet34.

27Si ce n’est pas dans ces détails que les textes sont à rapprocher, c’est dans le choix même de la dramatisation allégorique que l’on peut encore trouver des échos. Le Labirynth comme le Livre de l’Espérance se fondent sur une structure à la fois binaire et ternaire.

  • 35 Le Livre de l’Espérance, prose VI, p. 33.
  • 36 Le Livre de l’Espérance, prose VI, p. 33.

28Le texte de Bouchet est nettement composé de deux parties : le Labirynth d’une part, le Sejour des trois nobles dames d’autre part. Cette binarité oppose également au sein de l’œuvre la vision d’Humaine Discipline qui correspond au savoir enseigné par les arts libéraux, et la vision supérieure de Véritable Doctrine. Dans le Livre de l’Espérance de même, « l’art de l’engin humain35 » est loin de permettre l’accès à la connaissance des choses divines : l’« art divin36 » est nécessaire. Et le texte de Chartier opposera la séduction des monstres (Défiance, Désespérance, Indignation) au discours (inachevé) des trois vertus qui correspondent aux trois nobles dames de Bouchet.

29Si l’espace allégorique dessiné par Bouchet dans son Labirynth et son Sejour est plus visuel que le monde décrit par Chartier, nous assistons dans les deux textes au même mouvement qui consiste à sortir d’une vision d’un monde insensé et désespérant et à aller vers une consolation.

  • 37 Le Livre de l’Espérance, prose II, p. 9-10.

30Cette proximité vient sans doute de la référence commune aux deux textes : la Consolation de la Philosophie de Boèce, texte lui-même structuré de façon binaire. Boèce est explicitement cité dans le texte de Chartier37 et apparaît à plusieurs reprises dans les manchettes du Labirynth. La remarque de François Rouy est valable pour les deux auteurs :

  • 38 F. Rouy, L’esthétique du traité moral d’après les œuvres d’Alain Chartier, Genève, Droz, 1980, p.  (...)

C’est chez Boèce que Chartier a trouvé le canevas du scénario, en forme de consolatio, qu’il utilise dans l’Espérance : malade et découragé, l’auteur reçoit à son chevet la visite d’un personnage allégorique venu lui apporter, avec les soins appropriés à son état physique, les enseignements et les apaisements que demande le trouble de son esprit38.

  • 39 Paris, BnF, nouv. acq. fr. 6535. Voir F. Rouy, introduction au Livre de l’Espérance, p. xxxi.

31On comprend dès lors que Le Livre de l’Espérance, appelé aussi « consolation des trois vertus », soit relié à la suite d’une traduction de La Consolation de la Philosophie par Jean de Meung dans un des manuscrits de la BnF39.

32Dans les textes de Chartier, de Bouchet et de leur modèle Boèce, les mêmes types de personnages sont à l’œuvre : un auteur-narrateur, personnage humain d’un côté, de l’autre des entités abstraites personnifiées.

  • 40 Voir Jean Bouchet, Le Labirynth, p. 35, v. 914-924 : « Bon eur est chief de ces places plaisantes (...)
  • 41 Comparer par exemple Livre de l’Espérance, p. 23, prose V, et Le Labirynth, p. 174, v. 628 et suiv
  • 42 Voir Armstrong, « Alain Chartier and the Rhétoriqueurs », p. 312-313.

33Et c’est la structure ternaire de la répartition du jeu des personnages qui est aussi commune à nos deux auteurs, Bouchet et Chartier. Dans la première partie des textes, à Fortune, « Maleur » et « bon eur40 » chez Bouchet correspond la triade Défiance, Désepérance, Indignation chez Chartier. Dans la seconde partie on retrouve dans les deux textes les trois vertus théologales. Certes, ces entités abstraites n’abordent pas l’« auteur » de la même manière : alors qu’elles semblent l’assaillir dans le Livre de l’Espérance, l’« auteur » du Labirynth semble pouvoir garder plus de distance vis-à-vis d’elles. Cependant une même technique est à l’œuvre dans la présentation des personnifications : elles se présentent au départ comme des dames anonymes puis leurs identités se laissent deviner41. En cela, Bouchet reste bien dans la lignée de Chartier, comme d’autres l’avaient fait avant lui (La Vigne, Molinet, Saint-Gelais42).

  • 43 Le Labirynth, p. 161 et suiv.
  • 44 Le Livre de l’Espérance, prose V, p. 23.

34Dans les deux textes, ces vertus sont introduites par un autre personnage allégorique : « Congnoissance de soy43 » chez Bouchet fait écho à la « debonnaire et bien encontenancee damoiselle44 » qui accompagne les trois vertus de Chartier.

35La composition allégorique des personnages entre ainsi en résonance d’une œuvre à l’autre. Mais plus encore, c’est la « mise en scène » de ces personnages qui peut être rapprochée. Les deux textes s’appuient sur le songe-cadre cher aux récits allégoriques. Le lit est la scène de l’apparition des allégories chez Chartier :

  • 45 Le Livre de l’Espérance., prose II, p. 5.

Et a celle heure se presenterent au devant de ma pensee, vers la partie senestre et plus obscure de mon lit, troys horribles semblances en figures de femmes espoventables a veoir45.

  • 46 Le Livre de l’Espérance, prose IV, p. 17.
  • 47 Le Labirynth, p. 25, v. 512-513.

36Les personnifications lui apparaissent « en magniere de vision46 ». Le parallèle avec le Labirynth est aisé puisque dans ce texte, « l’acteur » dit rapporter un songe : « Sur quoy je vins faire assez nouveau songe, / Regardez bien lecteurs si c’est mensonge47. »

37Mais la ressemblance est surtout intéressante concernant le traitement du réveil. Dans le Labirynth comme dans Le Livre de l’Espérance, la sortie du songe n’intervient pas à la fin du texte. Le réveil signale le passage à un état de conscience supérieur, il marque une rupture par rapport à l’aveuglement premier.

38Chez Chartier, c’est le réveil d’Entendement qui est mis en scène :

  • 48 Le Livre de l’Espérance, prose V, p. 22.

[Nature] esveilla Entendement, qui coste moy soumeilloit, et le bouta si vertueusement que en sursault il se leva, ses yeulx a paine demy ouvers, et la parolle tremblant et bauboyant48.

  • 49 Le Livre de l’Espérance, prose V, p. 23.

39Tandis que l’Acteur, lui, est « encor pesant de trop dormir49 », Entendement se repent de son égarement :

  • 50 Le Livre de l’Espérance, p. 22.

en quelle reverie ay je esté, ne quel fantasieux somme m’a ainsi surprins, que j’ay oublié moy mesmez, et delaissié le conduit de toy homme dont Dieu m’a donné la garde50.

  • 51 Le Livre de l’Espérance, p. 26.
  • 52 Le Livre de l’Espérance, p. 23-24.

40Le songe est l’espace de la « fantaisie », de l’imagination dérivant loin de la raison, et le « réveil » est alors le moment de passage de l’aveuglement à la prise de conscience. Il s’agit de dissiper la « nuee51 » qui obstrue une claire vision, de ramener Entendement à une bonne vue, lui qui a les yeux encore « esblohis » signe de sa « descongnoissance52 ». Foy commencera ce travail de dessillement, elle qui avait attendu avec les deux autres vertus à la porte de la mémoire restée fermée jusque là :

  • 53 Le Livre de l’Espérance, p. 27.

Et comme elle eust mis sa main sur les yeulx d’entendement, la veue luy esclarcy […] et congnut visiblement que c’estoit Foy53.

  • 54 Chapitre xxv, Le Labirynth, p. 92.

41La dramatisation du réveil concourt de la même façon chez Bouchet à mettre en valeur le passage de l’aveuglement à la connaissance. C’est le moment où il va entrer plus avant sous la tutelle de Véritable Doctrine, aperçue en songe mais bien présente encore à son réveil. Car chez Chartier, comme chez Bouchet, la fin du songe ne met pas fin à l’allégorie, le titre du chapitre du Labirynth l’indique clairement : « L’acteur se reveille et trouve à la dextre main de son lict doctrine veritable. A laquelle il demande les raisons de ses proposicions, par elle dictes contre humaine discipline54. »

  • 55 Voir Armstrong, « Alain Chartier and the Rhétoriqueurs », p. 316.

42La différence entre les deux textes tient au fait qu’Entendement n’apparaît pas chez Bouchet, en cela semblable à Meschinot dans les Lunettes des princes55. C’est l’acteur qui lui-même s’éveille et exprime le désir de connaissance.

  • 56 Le Labirynth, p. 92-93, v. 3040-3065.

Au derrier mot du propos tant affable
Que avoit tenu doctrine veritable
Me reveillay tout bouillant et esmeu
De ce que avoys par songe ouy, et veu,
Et me trouvay si mal de ma personne
Que long temps fuz sans que aulcun mot je sonne,
Dessus mon lict, tout pensif à l’ envers,
Ayant les yeulx de l’esprit tous ouvers
Dont regardoys soubz la dextre courtine
Si je verroys veritable doctrine,
Car bien vouloys de son treshault scavoir
Intelligence et congnoissance avoir,
Et tout soubdain de sa main doulce et blanche
De ma chemise elle toucha la manche
Et si me prinst par le bras doulcement,
En me disant, lieves toy hardiement,
Et nous irons en ta secrete estude
Où te diray par grant solicitude
Ce que vouldras selon droit proposer,
Et ne fauldray au long te l’ exposer.
Alors soubdain après que oraison briefve
J’eu faict à Dieu, de mon lict je me lieve
Puis je m’en voys, et la dame avec moy
En mon estude, et laissant à requoy
Au lict dormir ma bien aymée espouse
Joyeux et gay dont à l’ayse repouse56.

  • 57 C’est aussi derrière la courtine que dame Raison apparaît à l’acteur dans les Lunettes des Princes (...)
  • 58 S. Bokdam, Métamorphoses de Morphée. Théories du rêve et songes prophétiques à la Renaissance, en (...)

43Mais cette présence de la « dextre courtine » est encore une fois un lien entre les deux textes : si elle peut être empruntée par Bouchet à Meschinot57, elle n’en reste pas moins aussi présente chez l’auteur du Livre de l’Espérance : « Comme chez Chartier, la “dextre” courtine symbolise les facultés spirituelles de l’âme en tant qu’image divine, par opposition à celles qui restent engagées dans la sensibilité58. »

44La courtine est l’image de la figure, figure qui demande à être interprétée. Ainsi Chartier invite à lire derrière la courtine de l’Ancien Testament le Nouveau, tels sont les fruits qu’apportera ce geste de lever le voile :

  • 59 Le Livre de l’Espérance, Po. XIII, p. 112, v. 54-60.

[…] les fruitz assignez,
Ja pieca predestinés,
Par prophetes designez,
Soubz figure encourtinez,
Maintenant determinés,
Ouvers et enluminez,
Desclos et descourtinez59.

45La lecture pour Chartier comme Bouchet est ce geste par lequel on « décourtine » le texte. On ne se laisse pas prendre aux miroitements de la figure, on en saisit le sens caché. Ce voile de poésie est celui-là même à travers lequel l’acteur, dans le Labirynth, apercevra Dame Fortune :

  • 60 Le Labirynth, p. 34, v. 864-870.

[…]
Et de rydeaux estoit seulement cloz
Ce tabernacle et tresriche recloz
Faiz et tissuz par dame poesie
De clere soye à ce faire choesie
A ce qu’on peust à travers d’iceulx veoir
Tout le dedans dont je feiz mon devoir
Car par iceulx vy une dame assise60

46Fortune se livre ici comme une figure mythologique à interpréter, une fiction poétique symbolisée par le rideau derrière lequel l’auteur l’aperçoit. Rappelons que « tissuz » et texte ont la même étymologie : textus (tissu, enlacement et spécialement enchaînement d’un récit, d’où récit). Le texte, comme le tissu, n’est qu’une surface au-delà de laquelle nous sommes invités à nous plonger.

47Pourquoi en passer par ce « tissu » de figures allégoriques ? Parce que Chartier comme Bouchet ont soin de s’adresser à un public large, qu’il faut attirer par un récit plus imagé et moins abstrait qu’un pur traité doctrinal.

48Dans l’édition parisienne de 1484 de Pierre Le Caron, un poème liminaire allographe ouvre Le Livre de l’Espérance en accueillant tout lecteur, grands ou petits, doctes ou non doctes :

  • 61 Les faiz maistre Alain Charetier, Paris, Pierre Le Caron, 1484, fol. A1v.

Hommes mortelz tant villains que gentilz
Qui chariés ou monde en maint cartier,
Apprenés tous, autant grans que petis,
A charier en cestui Charetier.
Du chariot deluy avés mestier,
Car c’est celluy qui le veut converser,
Qui charie et va le droit sentier
Ou nul ne peult chanceler ne verser61.

49On trouve le même type de texte au début du Labirynth, désignant un large lectorat, cette fois sous la plume de Bouchet lui-même :

  • 62 Le Labirynth, p. 1.

Aux lecteurs.
Homme mortel qui ne veulx mescongnoistre
Ton Dieu ne toy ce petit euvre litz
Et tu verras comme on se peult congnoistre
Et que souvent le mal pour bien eslitz
Si tu le croys chasseras tous delictz
Dieu ameras sur tout et puis ton proche
Regardes tout (combien qu’il soit prolix)
Avant qu’en dire aulcun mal ne reproche62.

  • 63 On trouve un poème de forme comparable par exemple sur la page de titre de La Nef des folz du mond (...)

50Certes, ce procédé du poème inséré sur la page de titre en forme d’apostrophe aux lecteurs est fréquent dans les premiers imprimés63, mais il permet de réunir ici, encore une fois, deux textes tournés vers un public laïc qu’il s’agit d’instruire.

51Sous la plume de Jean Lemaire de Belges, le Livre de l’Espérance apparaissait déjà comme un modèle d’enseignement pour un public non initié. Dans Le Traicté de la difference des Schismes et des conciles de l’Eglise, pour rendre plus accessible son argument sur les dangers des schismes au sein de l’Église catholique au sujet du célibat des prêtres, Lemaire citait deux pages de Chartier, directement recopiées de « L’Exil » (c’est-à-dire du Livre de l’Espérance), en les introduisant ainsi :

  • 64 Jean Lemaire de Belges, Œuvres, éd. Stecher, Genève, Slatkine Reprints, 1969, p. 355. Voir à la fi (...)

Néantmoins pource que les choses dessusdites sont mises en latin, à fin que toutes manières de gens lentendent, cy apres est mis le recueil et la substance de tout le dessus narré. Lesquelles choses declaire treselegamment ce noble Poëte et Orateur, maistre Alain Charretier, en la fin de son livre, appellé Lexil, et dit en ceste manière de mot à mot64.

52Chartier est aussi pour Bouchet le modèle des auteurs qui par leurs livres en français sont à louer :

  • 65 Histoire de Theodorite eveque de Cyropolis…, traduicte du Grec en Françoys, par D. M. Mathee, Poit (...)

J’entends parler de livres moraulx et historiaulx, composés ou traduicts par gens de savoyr, et non suspects, fors de la traduction de l’ancien et nouveau Testament, et Pseaulmes, que je trouve dangereuse à simples gens, se la lettre n’est paraphrasée d’aulcuns des docteurs de l’Eglise65.

53Ces livres instruisent mieux qu’un sermon :

  • 66 Ibid.

On scet assés qu’on a tousjours les concionnateurs à l’oreille, et qu’en la lecture de quelque bon livre, non suspect, on peut apprendre plus de bonnes choses en ung mois qu’on ne feroit à ouyr toutes les contions d’une année66.

  • 67 Voir Poétiques de la Renaissance, éd. P. Galand-Hallyn et F. Hallyn, Genève, Droz, 2001, p. 512 : (...)
  • 68 Livre de l’Espérance, prose VI, p. 31.
  • 69 Livre de l’Espérance, prose XV, p. 165.

54Et Bouchet prend comme exemple de tels livres, entre autres, le Livre de l’Espérance. Si effectivement dans l’argumentation de Bouchet, un livre en français vaut mieux qu’un sermon, c’est que Chartier comme Bouchet ont aussi réfléchi à la meilleure manière de retenir l’attention du lecteur. Cette manière passe par le dialogisme d’une part et l’exemplarité d’autre part. Nous insisterons sur ce dernier point. Dans Le Livre de l’Espérance, les passages méta-discursifs ne sont pas rares67. Ainsi Foy justifie-t-elle l’emploi d’exemples « qui est plus certaine preuve que par argument faillible68 ». De même Entendement demandera à Espérance : « fortiffie tes raysons par exemples69 ». Comme Chartier l’explique plus haut toujours par la bouche d’Entendement :

  • 70 Livre de l’Espérance, prose XIV, p. 134.

Et qui ne peult attaindre a congnoistre son fait par argumens profons s’aidera d’entendibles exemples, qui sont communs aux simples et aux sages, et empraignent fort au courage pour la proporcion et equalité que nos singuliers cas ont avecquez les privees avantures dez aultres70.

  • 71 Voir Le Labirynth, p. 35-67. Cependant le recours à l’exemple peut souligner ici la vanité du proc (...)
  • 72 Le Labirynth, v. 1720, 1727, 1783, 1790, 1804, 1811, etc.
  • 73 Tout ceci mérite nuance, bien sûr, dans la mesure où dans le Labirynth l’importance accordée en ma (...)

55Jean Bouchet mime exactement ce recours à l’exemple comme preuve dans le dialogue qui oppose Bon eur et Maleur71, mais encore dans la seconde partie : si on s’en tient au discours d’Espérance, il est illustré d’exemples qui commencent souvent par « Vous trouverez72 », formule qui montre à quel point l’exemple cherche à susciter l’adhésion de celui qui lit, à l’impliquer73. C’est même à une adhésion sur un mode plus affectif que prétend Chartier avec des exemples plus proches encore du lecteur :

  • 74 Livre de l’Espérance, prose XIV, p. 143.

Se ces exemples forains ne suffisent, fay servir a ton esperance lez croniquez de ta nation, dont la similitude dez cas te pourra plus tendrement mouvoir par affection de nature, et mieulx confermer ta pensee, pour leur plus congneue certaineté74.

  • 75 Voir Aristote, La Rhétorique, trad. M. Dufour, Paris, Les Belles Lettres, 1960, vol. 2, p. 103.
  • 76 B. Guenée, Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier-Montaigne, 1980, (...)
  • 77 Valère Maxime est d’autant plus utilisé dans le Labirynth qu’il fait une place importante à Fortun (...)
  • 78 « D’aultres exemples te donnera Valere largement », prose VIII, p. 62. Voir encore prose XIV, p. 1 (...)
  • 79 Livre de l’Espérance, prose XVI, p. 179.

56Cette insistance sur l’illustration, sur l’exemple comme preuve, est présente dans la Rhétorique d’Aristote75, mais il est peu probable que nos auteurs s’y réfèrent ici : elle renvoie plus certainement à l’autorité de Valère Maxime en la matière. Valère Maxime est une autorité bien attestée en cette fin de Moyen Âge : quatre cent dix-neuf manuscrits médiévaux de lui subsistent encore, selon Bernard Guenée76. Il apparaît à de nombreuses reprises en manchette dans le Labirynth77 et régulièrement chez Chartier jusque dans les derniers mots de la fin78 : « Sur tous prens pour confirmation Valere79 »… Or dans l’épître liminaire des Faits et dits mémorables adressée à Tibère, Valère dit avoir sélectionné des faits historiques pour éviter à ceux qui sont disposés à s’instruire de chercher eux-mêmes les exemples.

  • 80 Rappelons que nous nous attendions à trouver des passages plus explicitement et directement recopi (...)
  • 81 Voir le même type de conclusion dans Armstrong, « Alain and the Rhétoriqueurs », p. 316, à propos (...)

57Finalement, les points de convergence doctrinaux, structurels ou rhétoriques sont tels qu’on aurait pu se demander pourquoi Chartier n’est jamais cité dans les manchettes du Labirynth alors qu’il semble imité par Bouchet. Mais la réponse est que d’une part il serait bien délicat de situer précisément en face de tel ou tel passage la référence à Chartier : contrairement à l’imitation du Livre de l’Espérance dans les Regnars du même Bouchet, l’imitation est plus diffuse80 dans le Labirynth ; et que d’autre part la poétique d’imitation de Bouchet, quand il s’agit des poètes français, ne va pas dans le sens de l’explicitation ni d’ailleurs dans le sens d’une imitation stricte mais plutôt vers un affranchissement. Le Livre de l’Espérance est donc à la fois partout et nulle part dans le Labirynth tant il est indéniable que les deux textes se situent dans la même sphère à la fois doctrinale, allégorique et rhétorique, mais que l’un cherche à se démarquer de l’autre81.

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Notes

1 François Rouy répertorie ces éditions dans son introduction au Livre de l’Espérance, Paris, Champion, 1989, p. xlvi et suiv.

2 Il naît en1476 et meurt vers 1557.

3 Octavien de Saint-Gelais, dans Le Séjour d’Honneur (1494), fait déjà l’éloge du poète : « Veiz ung poëthe hault et scïentifique, Helas ! c’estoit feu maistre Alain Chartier, / Doulx en ses faitz et plain de rethorique, / Clerc excellent, orateur magnifique. », éd. F. Duval, Genève, Droz, 2002, p. 324, v. 137-140. Sur Jean Bouchet et d’autres grands rhétoriqueurs, admirateurs et imitateurs d’Alain Chartier, voir A. Armstrong, « Alain Chartier and the Rhétoriqueurs », A Companion to Alain Chartier (c. 1385-1430), Father of French Eloquence, éd. D. Delogu, J. E. McRae et E. Cayley, Leiden, Brill, 2015, p. 303-323. Chartier partage avec Jean de Meun cette admiration (ibid., p. 304)

4 Jean Bouchet, Epistres morales et familieres du Traverseur, Mouton, Johnson Reprint Corporation, 1969, Epistre familiere XIII, fol. XVIv.

5 Jean Bouchet, Triomphes du très chrestien, très puissant et invictissime roy de France François premier de ce nom, contenant la différence des nobles, Poitiers, Jean et Enguilbert de Marnef frères, 1550, fol. 14r.

6 Voir notre récente édition : Jean Bouchet, Le Labirynth de fortune et Sejour des trois nobles dames, éd. P. Chiron et N. Dauvois, Paris, Garnier, 2015. Je remercie chaleureusement Nathalie Dauvois pour toutes les remarques et corrections qu’elle a bien voulu apporter à cet article.

7 Le Labirynth, p. 69, v. 2152-2155.

8 Le Labirynth, p. 73, v. 2280-2287.

9 Le Labirynth, p. 75, v. 2376-2391. Voir notre communication « Sens et contre-sens dans Le Labirynth de Fortune », Jean Bouchet, Traverseur des voies périlleuses (1476-1557), éd. J. Britnell et N. Dauvois, Paris, Champion, 2003, p. 75-88.

10 Voir Terence Cave, Cornucopia, Paris, Macula, 1997, en particulier chapitre 3 « Interprétation », p. 104-149.

11 Alain Chartier, Le Livre de l’Espérance, prose XV, p. 158.

12 Le Labirynth, p. 48-49, v. 4686 et suiv.

13 Le Livre de l’Espérance, p. 48-49.

14 Le Livre de l’Espérance, p. 49.

15 Le Labirynth, p. 138, v. 4824-4825.

16 Le Livre de l’Espérance, prose VIII, p. 50.

17 Le Labirynth, p. 142, v. 4984-4993.

18 Le Labirynth, p. 194, v. 1405-1406. Sur les deux espérances et la récurrence du thème de l’espérance mondaine dans les ouvrages vernaculaires sur la Fortune, voir par exemple Le Séjour d’Honneur où l’acteur trouve refuge dans l’île de Vaine Espérance (Le Séjour d’Honneur, p. 198 et suiv.). Il s’agit ici de distinguer l’espérance mondaine telle qu’on la voit représentée dans le Livre de la Mutacion de Fortune ou dans le Remède de Fortune de Guillaume de Machaut et l’espérance chrétienne.

19 Le Livre de l’Espérance, prose XII, p. 101.

20 Le Livre de l’Espérance, prose VI, p. 36. Cet avertissement aux hommes, cette injonction à se connaître se trouve formulée dans des termes très proches dans de nombreux traités d’édification religieuse. Voir par exemple l’avertissement qui précède le sommaire dans La Fleur des commandemens de Dieu, Paris, Vérard, 1499 : « Omme raisonnable appelle l’ayde de Dieu et de la vierge Marie pour illuminer ton entendement à congnoistre toy mesme, cest assavoir quel tu es, quelz pechez regnent en toy, et comment tu as desobey à Dieu en froissant ses commandemens. » La phrase suivante cite saint Bernard auquel recourent aussi largement les manchettes du texte de Bouchet : « Sainct Bernard dit que tu seras meilleur et plus à louer se tu te cognoys toy mesme que se tu cognoissois le cours des estoilles, les fondemens des terres, les forces des herbes, les complexions des hommes, et que tu eusses la congnoissance des choses celestielles et infernales ». Sur ce sujet voir également Jean Meschinot, Les Lunettes des princes, éd. C. Martineau-Genieys, Genève, Droz, 1972, p. 82, v. 1720 et suiv. : « Entre en toy mesme… ». Voir enfin la contribution d’Érasme au succès de l’adage « Connais-toi toi-même » (Adage 595 « Nosce teipsum » et Les Adages, dans Œuvres choisies, trad. J. Chomarat, Librairie générale française, 1991, p. 365-367).

21 Le Labirynth, p. 161, v. 91-95.

22 Le Labirynth, p. 209, v. 1972-1978.

23 Le Livre de l’Espérance, prose VI, p. 32.

24 Nous pourrions prolonger l’étude. Voir par exemple sur le sujet de l’oraison, Le Labirynth, p. 181, v. 921 et suiv., et Le Livre de l’Espérance, prose XV, p. 150-162. Sur la satire de la cour, ou de l’Église, les deux textes peuvent aussi être rapprochés, voir Le Labirynth, p. 331, note du vers 1440 ; et p. 328, note du vers 1065.

25 Voir Jean Bouchet, Le Jugement poetic d’honneur femenin, éd. A. Armstrong, Paris, Champion, 2006, introduction, p. 53-55, p. 333 et suiv (note 47), p. 325 et suiv. (note 101) et p. 354 et suiv. (note 103).

26 Le Labirynth, II, v. 1312-1313.

27 Le Livre de l’Espérance, p. 31.

28 Voir J. Britnell, Jean Bouchet, Edinburgh University Press, 1986, p. 85-86.

29 Le Livre de l’Espérance, prose VIII, p. 57.

30 Le Livre de l’Espérance, prose VIII, p. 61.

31 Le Livre de l’Espérance, prose XVI, p. 179.

32 Pour une analyse plus nuancée de l’imitation du Livre de l’Espérance dans les Regnars, voir également Armstrong, « Alain Chartier and the Rhétoriqueurs », p. 321 et suiv.

33 Le Livre de l’Espérance, prose X, p. 89.

34 Bouchet n’est pas le seul à s’éloigner du portrait d’Espérance d’Alain Chartier. Sur le portrait d’Espérance chez les grands rhétoriqueurs, voir A. Armstrong et S. Kay, Une Muse savante ? Poésie et savoir, du Roman de la Rose jusqu’aux grands rhétoriqueurs, Paris, Garnier, 2014. Voir aussi Armstrong, « Alain Chartier and the Rhétoriqueurs », p. 313.

35 Le Livre de l’Espérance, prose VI, p. 33.

36 Le Livre de l’Espérance, prose VI, p. 33.

37 Le Livre de l’Espérance, prose II, p. 9-10.

38 F. Rouy, L’esthétique du traité moral d’après les œuvres d’Alain Chartier, Genève, Droz, 1980, p. 87.

39 Paris, BnF, nouv. acq. fr. 6535. Voir F. Rouy, introduction au Livre de l’Espérance, p. xxxi.

40 Voir Jean Bouchet, Le Labirynth, p. 35, v. 914-924 : « Bon eur est chief de ces places plaisantes / Où tu ne vois personnes desplaisantes, / Mais gens joyeux, gaiz, et deliberez, / Qui ont les biens qu’ilz ont tant desirez. / Maleur est chief de ces treshydeux monstres / Qui par ces lieux font tant leurs tristes monstres, / Nuysans tousjours aux gens qui sont joyeux / Et leur font tant de tours tres ennuyeux / Tout en ce point que fortune commande, / Car tous ses gens se tiennent de sa bande, / Et de fortune ilz sont executeurs. »

41 Comparer par exemple Livre de l’Espérance, p. 23, prose V, et Le Labirynth, p. 174, v. 628 et suiv.

42 Voir Armstrong, « Alain Chartier and the Rhétoriqueurs », p. 312-313.

43 Le Labirynth, p. 161 et suiv.

44 Le Livre de l’Espérance, prose V, p. 23.

45 Le Livre de l’Espérance., prose II, p. 5.

46 Le Livre de l’Espérance, prose IV, p. 17.

47 Le Labirynth, p. 25, v. 512-513.

48 Le Livre de l’Espérance, prose V, p. 22.

49 Le Livre de l’Espérance, prose V, p. 23.

50 Le Livre de l’Espérance, p. 22.

51 Le Livre de l’Espérance, p. 26.

52 Le Livre de l’Espérance, p. 23-24.

53 Le Livre de l’Espérance, p. 27.

54 Chapitre xxv, Le Labirynth, p. 92.

55 Voir Armstrong, « Alain Chartier and the Rhétoriqueurs », p. 316.

56 Le Labirynth, p. 92-93, v. 3040-3065.

57 C’est aussi derrière la courtine que dame Raison apparaît à l’acteur dans les Lunettes des Princes, p. 33.

58 S. Bokdam, Métamorphoses de Morphée. Théories du rêve et songes prophétiques à la Renaissance, en France, Paris, Champion, 2012, p. 553.

59 Le Livre de l’Espérance, Po. XIII, p. 112, v. 54-60.

60 Le Labirynth, p. 34, v. 864-870.

61 Les faiz maistre Alain Charetier, Paris, Pierre Le Caron, 1484, fol. A1v.

62 Le Labirynth, p. 1.

63 On trouve un poème de forme comparable par exemple sur la page de titre de La Nef des folz du monde, 1497, J. Philippe Manstener et G. de Marnef, sous la gravure de la nef des fous : « Hommes mortels qui desirez savoir / Comment on peut en ce monde bien vivre / Et mal laisser : approchez venez voir / Et visiter ce present joyeux livre / A tous estatz bonne doctrine il livre / Notant les maulx et vices des mondains… »

64 Jean Lemaire de Belges, Œuvres, éd. Stecher, Genève, Slatkine Reprints, 1969, p. 355. Voir à la fin de l’extrait : « Puis que toutes les choses par moy proposees sont amplement ratifiees par lautorité de maistre Alain Charretier… » (p. 357).

65 Histoire de Theodorite eveque de Cyropolis…, traduicte du Grec en Françoys, par D. M. Mathee, Poitiers, J. et E. de Marnef, 1544, Épître liminaire de Bouchet, fol. A6v-A7v. Cité par Britnell, Jean Bouchet, p. 201.

66 Ibid.

67 Voir Poétiques de la Renaissance, éd. P. Galand-Hallyn et F. Hallyn, Genève, Droz, 2001, p. 512 : la « fréquence des remarques à statut métapoétique » dit « avec quelle conscience professionnelle Chartier se penchait sur l’élaboration rhétorique de son écriture. […] La mise en forme, élément essentiel du faire persuasif, relève de la compétence du maître. Entendement le rappelle à Esperance, figure du guide spirituel : “Maiz que la matere soit a ma doctrine, a toy soit le choix de la forme” ».

68 Livre de l’Espérance, prose VI, p. 31.

69 Livre de l’Espérance, prose XV, p. 165.

70 Livre de l’Espérance, prose XIV, p. 134.

71 Voir Le Labirynth, p. 35-67. Cependant le recours à l’exemple peut souligner ici la vanité du procédé, dans la mesure où il semble sans fin : l’exemple ne parvient jamais à convaincre d’une quelconque supériorité de l’un sur l’autre. Par ailleurs, ce procédé du débat rappelle là encore Chartier : voir Armstrong, « Alain Chartier and the Rhétoriqueurs », p. 309.

72 Le Labirynth, v. 1720, 1727, 1783, 1790, 1804, 1811, etc.

73 Tout ceci mérite nuance, bien sûr, dans la mesure où dans le Labirynth l’importance accordée en marge aux auctoritates est aussi une manière de prouver la validité de ce qui est dit.

74 Livre de l’Espérance, prose XIV, p. 143.

75 Voir Aristote, La Rhétorique, trad. M. Dufour, Paris, Les Belles Lettres, 1960, vol. 2, p. 103.

76 B. Guenée, Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier-Montaigne, 1980, p. 250. Sur l’importance de Valère Maxime aux xive et xve siècles, voir F. Bouchet, « Les jeux littéraires avec l’autorité de Valère Maxime aux xive et xve siècles », Les autorités. Dynamiques et mutations d’une figure de référence à l’Antiquité, éd. D. Foucault et P. Payen, Grenoble, Jérôme Millon, 2007, p. 297-312.

77 Valère Maxime est d’autant plus utilisé dans le Labirynth qu’il fait une place importante à Fortune : le livre VII des Faits et Dits mémorables s’ouvre sur un des exemples du pouvoir de Fortune : Volubilis fortunæ complura exempla retulimus.

78 « D’aultres exemples te donnera Valere largement », prose VIII, p. 62. Voir encore prose XIV, p. 137 ; prose XV, p. 165.

79 Livre de l’Espérance, prose XVI, p. 179.

80 Rappelons que nous nous attendions à trouver des passages plus explicitement et directement recopiés du livre de Chartier. Notre attente a été déçue, peut-être du fait de choix formels différents d’un auteur à l’autre : prosimètre d’un côté, poésie de l’autre.

81 Voir le même type de conclusion dans Armstrong, « Alain and the Rhétoriqueurs », p. 316, à propos de Meschinot et Chartier : « Paradoxically, by striving to make the Lunettes as unlike the Esperance as possible, Meschinot has revealed the extent of his dependence on Chartier. »

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Pour citer cet article

Référence papier

Pascale Chiron, « Le Labirynth de fortune de Jean Bouchet, imitation du Livre de l’Espérance d’Alain Chartier ? »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 33 | 2017, 253-271.

Référence électronique

Pascale Chiron, « Le Labirynth de fortune de Jean Bouchet, imitation du Livre de l’Espérance d’Alain Chartier ? »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 33 | 2017, mis en ligne le 16 août 2020, consulté le 14 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14775 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14775

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Auteur

Pascale Chiron

Université Toulouse – Jean Jaurès PLH-ELH (EA 4601)

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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