La version arabe (Ghāyat al-ḥakīm) et la version latine du Picatrix
Résumés
Même si la Ghāyat al-ḥakīm et sa traduction latine, Picatrix, sont de célèbres traités de magie dans leurs sphères de diffusion respectives, aucune comparaison systématique entre les deux n’a été faite. Cette comparaison montre la fidélité globale de la traduction, mais aussi les écarts dus à la différence de milieu culturel et religieux.
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- 1 Nous utilisons ici un système de translittération simplifié de l’arabe adapté de l’Encyclopédie de (...)
- 2 Pseudo-Majrīṭī [Maslama al-Qurṭubī], Das Ziel des Weisen, éd. H. Ritter, Leipzig-Berlin, B. G. Teu (...)
- 3 “Picatrix”. Das Ziel des Weisen von Pseudo-Maǧrītī, trad. allemande d’H. Ritter et M. Plessner, Lo (...)
- 4 Picatrix. The Latin Version of the Ghāyat Al-Ḥakīm, éd. D. Pingree, London, The Warburg Institute, (...)
- 5 Voir notamment Picatrix. Un traité de magie médiéval. Traduction, introduction et notes par B. Bak (...)
- 6 J.-P. Boudet, A. Caiozzo et N. Weill-Parot (dir.), Images et magie : Picatrix entre Orient et Occi (...)
1Notre démarche est fondée sur un paradoxe. D’un côté, la Ghāyat al-ḥakīm (Le But du sage), traduite en castillan en 1256 puis en latin à la cour d’Alphonse X de Castille sous le mystérieux titre de Picatrix, est le traité arabe de magie médiévale le plus connu et celui qui a bénéficié non seulement d’une édition scientifique du texte original2, mais aussi d’une traduction allemande3, d’une édition critique de la version latine4 et d’autres traductions plus récentes fondées principalement sur cette version5. De l’autre, et malgré quelques ébauches, dont l’introduction de la traduction française de 2003, aucune comparaison systématique entre le texte arabe et la version latine n’a encore été effectuée. De ce point de vue, comme il a d’ailleurs été montré dans un compte rendu critique paru dans Arabica des actes du colloque Images et magie : Picatrix entre Orient et Occident, publié en 2011, presque tout reste à faire6. Nous n’avons évidemment pas la prétention de pouvoir combler entièrement cette lacune, mais l’occasion nous a semblé bonne de reprendre ce dossier à nouveaux frais, en tirant parti de nos compétences complémentaires pour faire le point et en explorant des pistes qui n’avaient guère été exploitées ou qui avaient été négligées jusque-là.
Un auteur andalou, Maslama al-Qurṭubī
- 7 M. Fierro, « Bāṭinism in Al-Andalus : Maslama b. Qāsim al-Qurṭubī (d. 353/964), Author of the Rutb (...)
2Quelques mots d’abord sur l’auteur de la Ghāya. Contrairement à ce qui semblait encore pouvoir être discuté lors du colloque Images et magie, l’on s’accorde désormais à retenir l’hypothèse formulée il y a une vingtaine d’années par Maribel Fierro, à savoir que l’auteur du traité d’alchimie intitulé Rutbat al-ḥakīm (L’Échelon du sage) et celui de la Ghāyat al-ḥakīm (Le But du sage) est très vraisemblablement identifiable à Abū l-Qāsim Maslama ibn Qāsim al-Qurṭubī (m. 353H/964), un savant andalou qui aurait composé la Rutba de 339 à 342H (950 à 953 de notre ère) puis la Ghāya de 343 à 348H (de 954 à 959), et qui a été identifié à tort, notamment par Ibn Khaldūn (m. 808/1406), avec l’astronome Maslama al-Majrīṭī (m. c. 398/1007)7.
- 8 Le pèlerinage étant une obligation rituelle de l’islam, que tout croyant est censé effectuer au mo (...)
- 9 Voir les articles mentionnés dans les deux notes précédentes, de même que G. de Callataÿ et S. Mou (...)
- 10 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 309, 363-364 et 388 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. (...)
- 11 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 37 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 35 ; Picatrix. Th (...)
- 12 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 54-55 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 55-56 ; Picatr (...)
- 13 Voir la traduction de V. Chébiri, Le Livre du But du Sage, p. 52-53. De fait, Maslama eut par la s (...)
- 14 Sur les traductions latines du Centiloquium, voir en dernier lieu J.-P. Boudet, « The Latin Mediev (...)
3Maslama ibn Qāsim al-Qurṭubī est né à Cordoue en 293/905-906 et mort dans cette ville en 353/964. Il a fait des études de droit (fiqh) et de tradition religieuse (hadith) avant d’effectuer un long voyage initiatique en Orient (vers 320-325/932-937 ?), comme en faisaient beaucoup d’intellectuels andalous de son temps8. Même si les données biographiques qui permettent d’en reconstituer les étapes sont muettes à ce sujet, c’est sans doute à l’occasion de ce vaste périple qu’il a pris connaissance de plusieurs sources fondamentales dont l’influence se fait sentir dans la Ghāya : d’une part, comme l’ont confirmé les travaux récents de Godefroid de Callataÿ et Sébastien Moureau, l’encyclopédie philosophique constituée par les Épîtres des Frères de la Pureté, dont Maslama semble avoir été le principal introducteur en al-Andalus9 ; d’autre part, le Livre de l’agriculture nabatéenne dont la version arabe est attribuée à Ibn Waḥshiyya (m. c. 324/935)10, des textes de magie astrale comme le traité sur les talismans de Thābit ibn Qurra (m. 288/901)11, mais aussi des textes d’astrologie comme le Kitāb al-Thamara (Livre du fruit) du pseudo-Ptolémée, accompagné du commentaire effectué quelques années seulement avant le voyage de Maslama (après 302/914, peut-être dans les années 920) par le savant égyptien Abū Ja‛far Aḥmad ibn Yūsuf. Le chapitre 1 du livre II de la Ghāya cite la neuvième proposition de ce recueil de cent sentences et son commentaire, relatif au bien-fondé de l’utilisation des talismans astrologiques, notamment d’un talisman en forme de bague pourvue d’un bézoard marqué du signe du Scorpion en cas de piqûre de scorpion12. Maslama nous dit même que « la recherche des secrets des talismans » fut l’une de ses motivations principales dans sa jeunesse, que c’est à ce moment-là qu’il a pris connaissance du texte du pseudo-Ptolémée et de son commentaire, qu’il a expérimenté lui-même le pouvoir de ce genre de talisman et que c’est « la raison qui [l]’a amené à rechercher cette science13 ». Maslama savait que le commentaire du Kitāb al-Thamara avait été effectué par le « secrétaire » (kātib) de la chancellerie ṭūlūnide Aḥmad ibn Yūsuf et il le cite de première main. La Ghāyat al-ḥakīm est ainsi l’un des plus anciens, si ce n’est le plus ancien témoignage sur la diffusion dans le monde arabo-musulman de l’ouvrage placé sous l’autorité de Ptolémée qui allait devenir à partir du xiie siècle en Occident l’un des best-sellers de la littérature astrologique sous le nom de Centiloquium14.
- 15 Voir Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 278-279 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 285-286 (...)
- 16 Pour une présentation du personnage, voir J.-Ch. Coulon, La magie islamique et le « corpus bunianu (...)
- 17 Voir notamment P. Kraus, Jābir ibn Ḥayyān. Contribution à l’histoire des idées scientifiques dans (...)
- 18 Pseudo-Masʿūdī [Ibrāhīm b. Waṣīf Shāh], Akhbār al-zamān, Beyrouth, Dār al-Andalus li-l-ṭibāʿa wa-l (...)
4La Ghāyat al-ḥakīm est également influencée par l’historiographie égyptienne qui émerge avec les premières dynasties locales comme les Ṭūlūnides. Ainsi, on trouve dans le chapitre 11 du livre III une amulette attribuée à un roi indien nommé Kankah qui aurait régné en Égypte, où il aurait fondé Memphis. La traduction latine restitue curieusement ce nom par « Behentater15 ». L’identité de Kankah (m. 205/820 ?) pose quelques problèmes : il s’agirait d’un astrologue originaire de l’ouest de l’Inde qui serait venu à Bagdad à l’époque de Hārūn al-Rashīd (r. 170/786-193/809), mais certains chercheurs défendent aussi l’idée que le nom pourrait désigner plusieurs personnages16. La Ghāyat al-ḥakīm est un des premiers textes évoquant ce nom, avec les traités attribués à Jābir b. Ḥayyān, dont la datation est plus problématique encore que celle de la Ghāya17. La description du règne de Kankah dans la Ghāya doit être rapprochée du roi Manqāwus dans le traité d’historiographie égyptienne Akhbār al-zamān (Les anecdotes du temps) traduit en français sous le titre d’Abrégé des merveilles18. Ce dernier traité raconte notamment une histoire légendaire de l’Antiquité égyptienne et relate le règne de rois-magiciens macrobites qui auraient installé des talismans en Égypte afin d’en assurer la prospérité. Le passage sur l’amulette de Kankah est suivi de la mention d’un autre roi indien qui aurait établi des talismans en Égypte : ʿAzīm (Acaym en latin). La Ghāya semble donc avoir également puisé dans cette histoire légendaire de l’Égypte, alors en pleine élaboration.
- 19 H. Toelle et K. Zakharia, À la découverte de la littérature arabe, Paris, Flammarion, 2005, p. 100
- 20 Wa-lam ara fī ʿuyūbi l-nāsi ʿayban / ka-naqṣi l-qādirīna ʿalā l-tamāmi. Pseudo-Maǧrīṭī, Das Ziel d (...)
- 21 Al-Mutanabbī, Dīwān Abī l-Ṭayyib al-Mutanabbī, éd. Badr al-Dīn Ḥāḍirī et Muḥammad Ḥammādī, Beyrout (...)
- 22 959 est l’année de fin de composition de la Ghāya d’après les dates données dans les manuscrits. C (...)
- 23 Nil deterius in hominibus quam scientes velle sophistice apparere et scienciam non habere. Cf. Pic (...)
5Ces dernières références posent la question des rapports que l’on peut établir entre la Ghāya et l’adab. Le terme d’adab désigne en arabe au Moyen Âge « un concept définissant l’adīb (pl. udabāʾ), l’un des modèles majeurs de l’homo islamicus dans la cité, au croisement de la morale islamique et de l’éthique aristotélicienne. […] Composante identitaire de la khāsòsạ [l’élite], l’adab est une vision du monde dans tous ses aspects théoriques et pratiques, notamment littéraires. Il ne concerne pas moins les poètes que les prosateurs, les gouverneurs que les penseurs, les théologiens que les libertins19 ». Or, toute cette historiographie égyptienne fait pleinement partie de l’adab. Nous pouvons prendre un deuxième exemple du lien entre ces « belles-lettres » et la Ghāya. En effet, l’auteur cite le vers de poésie suivant : « Je n’ai pas vu parmi les hommes de tare pire que celle de ceux qui pourraient être parfaits20 ! ». Bien que l’auteur n’en soit pas mentionné, il s’agit d’un vers du poète al-Mutanabbī21 (303/915-354/965), composé lorsque ce dernier était en Égypte en 348/959, sans doute au service de l’eunuque Kāfūr durant le règne du prince ikhshīdide Abū l-Qāsim Unūjūr. C’était un contemporain de Maslama al-Qurṭubī et les deux hommes ont pu se connaître22. Une telle citation n’est pas anodine : il s’agit d’un vers de l’un des plus grands panégyristes arabes du ive/xe siècle, dédié à un homme de pouvoir. Ce type de référence ne pouvait échapper à un lecteur arabe de l’époque et trahit un lectorat ou un destinataire de cour. Nous pouvons signaler que cette irruption de la poésie arabe dans le texte a été rendue différemment en latin, qui attribue la phrase suivante à « un sage » : « rien de plus mauvais chez les hommes que de vouloir apparaître savant artificieusement sans avoir de science23 ». Il s’agit d’une allusion au Phèdre de Platon.
- 24 Ce terme polysémique vient de bāṭin (caché, ésotérique). Il fut d’abord appliqué pour qualifier de (...)
- 25 Fierro, « Bāṭinism in Al-Andalus », p. 88.
6Même s’il était un adepte du « bāṭinisme24 », Maslama était proche des cercles du pouvoir dans le califat de Cordoue ; M. Fierro a remarqué que l’un de ses élèves n’était autre que ʿAbd Allāh, l’un des fils du calife ʿAbd al-Raḥmān III qui fut accusé de complot et exécuté sur l’ordre de son père en 339/95125. Ceci nous amène à considérer un point commun majeur entre l’original arabe et la traduction latine sur lequel il est bon d’insister avant d’aborder les divergences entre l’un et l’autre : le Picatrix, comme la Ghāya, s’inscrit dans la perspective d’une utilisation politique et militaire potentielle.
Magie et pouvoir
- 26 Nous pensons en particulier à la magie anglo-saxonne. Voir A. Berthoin-Mathieu, Prescriptions magi (...)
7En rupture avec la « tradition commune » de la magie issue du haut Moyen Âge, dont l’objectif principal – celui en tout cas qui a laissé des traces écrites directement issues des acteurs magiques eux-mêmes – était d’ordre défensif, apotropaïque et protecteur26, les traductions arabo-latines des xiie et xiiie siècles ont permis d’élargir dans de fortes proportions le champ d’application des opérations magiques dans l’Occident chrétien et de l’ouvrir à la recherche du pouvoir, de la faveur et de l’annihilation de l’ennemi. La traduction de la Ghāyat al-ḥakīm sous le titre de Picatrix, placée sous le patronage du roi Alphonse X de Castille (r. 1252-1284), témoigne à sa manière de cette ambition politique.
- 27 Picatrix. The Latin Version, p. 9-14. Voir Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 14-23 ; “Picatr (...)
- 28 Picatrix. The Latin Version, p. 15-22. Voir Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 27-36 ; “Picat (...)
- 29 Ce n’est qu’au ve/xie siècle que sulṭān devient un titre personnel. L’histoire du passage du sens (...)
8Certes, cette finalité est très inégalement manifestée selon les livres et les chapitres de ce qui pourrait ressembler à première vue à une compilation hétéroclite : dans le chapitre 4 du livre I, par exemple, fondé sur les opérations à effectuer en fonction de la position des 28 mansions de la Lune, la recherche du pouvoir n’est explicitement distinguée que dans 5 occurrences sur 46, soit un peu plus de 10 %, loin derrière la recherche de la prospérité ou de la destruction matérielle (45 %) et celle de l’amour-amitié ou de la discorde (37 %)27. Mais chaque talisman de ce chapitre 4 est en fait plurifonctionnel et l’utilisation de la magie à des fins politiques et militaires est beaucoup plus présente et clairement exprimée dans le chapitre suivant, I, 5, où ces objectifs arrivent en tête des finalités (9 dans la version arabe sur 31, 10 dans la latine sur 33), pratiquement à égalité avec l’amour-désamour (8 dans l’original, 11 dans la version latine) et avec la prospérité ou la destruction matérielle (8 dans l’original, 9 dans la traduction latine), sachant que les enjeux politiques, militaires et matériels des opérations magiques sont bien souvent difficiles à distinguer entre eux28. On trouve ainsi, dans le texte arabe de ce chapitre 5, des talismans « pour renvoyer de sa place un ennemi dont on veut la destruction », « pour détruire un pays », « pour la prospérité d’une ville ou d’un lieu », « pour détruire une ville ou un endroit, quel qu’il soit », « pour accroître le bien et le commerce », « pour obtenir une haute position dans l’administration », « pour disposer favorablement le gouvernant (c’est le sens générique de sulṭān : le détenteur d’un pouvoir souverain29 ; la traduction latine parle de reges et de magnates) à l’égard de celui qui le désirera », « pour triompher de l’ennemi dont tu souhaites la destruction », « pour le gouverneur d’un pays dont les habitants se rebellent afin qu’ils soient satisfaits de lui » (dans la traduction latine : Ymago ut dominus diligatur a suis hominibus et semper obediant ei), « pour que tu puisses retenir celui que tu veux dans son pays », « pour bannir le jour-même un homme de son pays », « pour qu’un gouvernant (sulṭān) détruise celui qu’il a engagé » (traduction latine : Ymago ad faciendum in iram cadere quem volueris), etc. Mais c’est dans le chapitre 7 du livre III que l’on trouve ce magnifique rituel de magie astrale destiné à la promotion personnelle du destinataire, dont le texte est passé presque sans encombre de l’arabe au latin :
- 30 Dans le texte arabe, les noms sont Šams pour l’arabe, Mahr pour le persan (traduit en latin par « (...)
- 31 Picatrix. The Latin Version, p. 128 : Quando Solem orare volueris et aliquid ab ipso petere, sicut (...)
Quand tu veux prier le Soleil et lui demander quelque chose, par exemple demander la grâce du roi, l’amour des seigneurs, les dominations et les acquisitions de ce genre, tu rendras le Soleil favorable en le plaçant à l’ascendant, et dans son jour [i.e. le dimanche] et son heure. Revêts-toi de vêtements de roi, soyeux, jaunes et mêlés d’or ; pose sur ta tête une couronne d’or et passe à ton doigt un anneau d’or ; tu prendras l’apparence des hommes éminents de Chaldée [sic : les grands parmi les Persans dans l’original arabe], parce qu’il [le Soleil] était le maître de leur ascendant. Pénètre dans une maison éloignée et réservée à l’opération ; pose ta main droite sur la gauche, et regarde le Soleil avec réserve et humilité comme le regarde un homme timide et réservé. Ensuite, prends un encensoir d’or et un beau coq avec un beau cou [sic : avec une belle crête dans l’original arabe] ; au-dessus de son cou [sic : de sa crête], pose une petite chandelle de cire allumée qui doit être située à l’extrémité d’un bâton de la longueur d’une palme ; dans le feu de l’encensoir, place la suffumigation décrite plus bas. Lorsque le Soleil se lève, tourne le coq vers lui ; et alors que la fumée de l’encensoir s’élève continûment, dis :
« Toi qui es la racine du ciel, toi qui es supérieur à toutes les étoiles et à toutes les planètes, toi qui es saint et honoré, je te demande d’exaucer ma prière, de m’accorder la grâce et l’amour de tel roi et de tous les autres rois. Je t’en conjure, par celui qui te donne lumière et vie. Tu es la lumière du monde. Je t’invoque par tous tes noms : Yazemuz en arabe, Sol en latin, Maher en chaldéen, Lehuz en roman [en rumi, i.e. en grec ; Lehuz est une translittération d’Hélios], Araz en indien30. Tu es la lumière du monde et son éclat ; tu te tiens au milieu des planètes. C’est toi qui, par ta vertu et ta chaleur, produis la génération dans le monde [d’ici-bas], toi qui es élevé dans ta position. Je te demande, par ta supériorité et ta volonté, de daigner m’aider à ce que tel roi et tous les autres rois de la terre me placent dans une position élevée et sublime, et que j’aie domination et supériorité, comme toi qui es le maître des planètes et des étoiles, et de qui elles reçoivent lumière et éclat. Je te demande, toi qui es la racine de tout le firmament, d’avoir pitié de moi et d’être attentif aux prières et demandes que je t’ai faites31. »
- 32 Sur les Sabéens de Ḥarrān, voir notamment J. Ö. Hjärpe, Analyse critique des traditions arabes sur (...)
- 33 D. Pingree, « Al-Ṭabarī on the Prayers to the Planets », Bulletin d’Études Orientales, 44, 1992, p (...)
9Le texte arabe introduit le chapitre en indiquant qu’il s’agit « des opérations des Sabéens que mentionne al-Ṭabarī l’astrologue » (wa-min aʿmāl al-ṣābiʾīn mā dhakara-hu Ṭabarī al-munajjim) tandis que la version latine ne parle que d’« un sage du nom d’Athabary ». Les Sabéens désignent ici la communauté astrolâtre de Ḥarrān, dont le culte perdura jusqu’au ve/xie siècle et dont la doctrine fut connue à Bagdad grâce à l’activité de traducteurs comme Thābit ibn Qurra32. Quant à l’astrologue al-Ṭabarī, il n’a pu être identifié avec certitude à ce jour, David Pingree estimant que l’hypothèse la plus probable est qu’il s’agisse de ʿUmar ibn al-Farrukhān al-Ṭabarī, un des quatre astrologues à avoir établi l’horoscope de la fondation de Bagdad à l’instigation du calife al-Manṣūr en 145H/76233. Les auteurs musulmans ont su trouver un cadre qui permette de conformer ces rituels apparemment astrolâtres à la doctrine de l’unicité divine : on ne fait pas appel à l’astre en tant que tel, mais à son « essence spirituelle » (rūḥāniyya), identifiée à un ange (malak), qui n’est alors qu’un agent au service de Dieu. Un tel rituel, inspiré directement par l’astrolâtrie orientale, était évidemment en contradiction formelle avec l’islam, qui condamne tout associationnisme, et plus encore avec le christianisme, pour qui seul Jésus est « la lumière du monde » (Jean, 8, 12-59). Mais c’est justement, dans une certaine mesure, ce qui unit les deux versions, arabe et latine, autour d’un même attrait : dans le cadre d’une société de cour analogue à l’ordre cosmique, capter la faveur de l’astre du jour, quitte à briser un interdit religieux majeur, ou du moins donner l’impression de pouvoir le faire.
Une traduction anonyme, globalement respectueuse de l’original
- 34 Sur les textes scientifiques et magiques traduits ou compilés à l’initiative d’Alphonse X, outre l (...)
- 35 Picatrix. The Latin Version, p. 1-2. Voir par exemple, pour comparaison, d’un côté, le prologue du(...)
- 36 D. Pingree, « Between the Ghaya and the Picatrix, I : the Spanish Version », Journal of the Warbur (...)
10Abordons maintenant les modifications apportées par la traduction latine à l’égard de l’original arabe, en rappelant que les auteurs de cette traduction ont été volontairement placés dans l’anonymat, ce qui n’est pas dans les habitudes de la plupart des traductions alphonsines mais qui peut s’expliquer par le caractère extrêmement transgressif du texte34. On remarquera à ce propos que les auteurs des traductions d’ouvrages d’astronomie et d’astrologie effectuées à la demande d’Alphonse X sont nommés dans les prologues, alors que les noms des compilateurs en castillan des traités de magie astrale d’origine arabe que sont le Libro de las formas e ymagenes (1276-1279) et le Libro de astromagia (c. 1280-1284) n’y apparaissent pas plus que dans le prologue du Picatrix35. L’attribution proposée avec beaucoup de prudence par David Pingree de cette traduction au savant juif Judas ben Moshé (pour la phase arabo-castillane) et au notaire impérial italien Gilles de Thebaldis (pour la mise en forme du texte latin) est donc purement conjecturale36.
- 37 Picatrix. Un traité de magie médiéval, p. 27-31.
11Le ou les traducteur(s) ont respecté la structure globale de l’ouvrage, en quatre livres. Comme l’ont montré B. Bakhouche et ses collaborateurs37, ils ont procédé à quatre additions, dont trois sont particulièrement significatives :
- En I, 5, § 26-27, au milieu du chapitre que nous évoquions plus haut sur les talismans astraux, ont été ajoutés deux paragraphes rédigés à la première personne et tirés apparemment d’un témoignage de l’un des traducteurs sur les pratiques d’un « homme venu de la terre des Noirs », le § 26 sur une recette de guérison d’une piqûre de scorpion, le § 27 sur la vertu magique de 33 noms (qui ressemblent à des nomina barbara) suivis d’un hexagramme qualifié de signum Salomonis38. L’origine juive de cette interpolation, évoquée par B. Bakhouche, serait logique si l’on pense à Judas ben Moshé ou à l’un de ses coreligionnaires comme traducteur possible de l’arabe au castillan, mais elle n’est pas avérée.
- En IV, 9, les § 29 à 56, sur les 28 mansions de la Lune « selon Plinio » (i.e. Belenus, le pseudo-Apollonius de Tyane), constituent une interpolation due au traducteur de l’arabe en castillan, bien étudiée par D. Pingree39.
- En III, 11, les § 58 à 112 correspondent au Flos naturarum attribué à Geber (Jābir ibn Ḥayyān), publié par D. Pingree à titre posthume avec une introduction de Charles Burnett40. Il s’agit d’une interpolation postérieure à la traduction castillane, tirée d’un texte magico-alchimique qui a circulé en latin par ailleurs.
12À l’inverse, la traduction latine témoigne d’un assez grand nombre d’omissions ou de suppressions, repérables grâce aux notes de l’édition de D. Pingree. Voici les plus importantes :
- Le chapitre 4 du livre III de l’original arabe a été supprimé41. Il s’agit d’un chapitre qui reprendrait des éléments que Maslama al-Qurṭubī aurait trouvé dans un Livre gardé (al-Kitāb al-makhzūn) attribué à un mystérieux Jaʿfar al-Baṣrī. Il reproduit une division astrologique du Coran qui fait correspondre à chaque sourate deux astres, expliquant en préambule que cette division du Coran permettrait « de déduire le nom gardé que Dieu a déposé dans les cœurs des saints et des gnostiques doués de raison ». Bien entendu, il était difficile de restituer un contenu fondé sur le Coran lui-même dans un contexte latin.
- Dans le chapitre 12 du livre II, a été également supprimé un long passage sur les traditions indiennes relatives aux décans, où il est fait référence à Bouddha et où est décrit le fameux rituel de la tête divinatoire qui a contribué à la réputation sulfureuse des Sabéens de Ḥarrān en terre d’Islam42. Ce passage aurait sans doute contribué à disqualifier totalement le Picatrix aux yeux d’un lecteur chrétien et il est significatif que la traduction latine omette également, dans le chapitre 7 du livre III, de mentionner certains rituels attribués aux Sabéens et considérés par Maslama lui-même comme horribles, comme l’immolation d’un enfant43. Le ou les traducteur(s) se place(nt) en revanche sous l’autorité ancestrale d’Hermès en rapportant un ordre qui aurait été donné d’effectuer à l’intention des planètes des prières et des sacrifices d’animaux « dans les mosquées, c’est-à-dire dans leurs églises », ce qui constitue un anachronisme fort peu habile, le texte arabe se référant bien sûr aux temples des Sabéens et non pas à des mosquées44…
- En dehors du paragraphe se réclamant de « la Thora de Moïse » (IV, 6) sur lequel nous reviendrons, les principales omissions observables dans la traduction latine du livre IV concernent le chapitre 7 et des extraits de l’Agriculture nabatéenne relatifs à certaines recettes magiques et ingrédients nécessaires aux fumigations45.
- 46 Picatrix. The Latin Version, p. 19-20. Voir Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 33 et 35 ; “Pi (...)
- 47 Picatrix. The Latin Version, p. 200-201. Voir Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 341-344 ; “P (...)
13Mais ces suppressions représentent quantitativement peu de choses par rapport à l’ensemble de l’ouvrage, certaines modifications mineures témoignant par ailleurs d’un effort d’organisation. À plusieurs reprises, notamment en I, 5 et en IV, 6, le texte latin remanie ainsi l’ordre du texte arabe, soit en regroupant des talismans ayant la même fonction (§ 22 et 23 du chap. 5 du livre I, tous deux destinés à attraper des poissons46), soit en uniformisant l’ordre des sept planètes selon leur plus ou moins grande distance par rapport à la Terre : Saturne, Jupiter, Mars, Soleil, Mercure, Vénus, Lune47.
- 48 L’hypothèse ancienne selon laquelle « Picatrix » serait une mauvaise translittération du mot « Buq (...)
- 49 Il y a 33 occurrences de nigromantia dans la traduction latine, ce mot désignant la magie en génér (...)
- 50 Ch. Burnett, « Nirānj, a Category of Magic (almost) Forgotten in the Latin West », dans Cl. Leonar (...)
14Le ou les traducteur(s) ont donc travaillé d’une manière consciencieuse et réfléchie, en tentant de comprendre le mieux possible un texte arabe parfois très obscur. En dehors du titre et/ou de l’auteur supposé, Picatrix48, la version latine s’abstient autant que faire se peut de translittérer l’arabe, traduit d’une manière assez systématique certains mots arabes très polysémiques d’une manière uniforme, comme siḥr (magie ou sorcellerie) par nigromantia49, ou nīranj (mot d’origine persane désignant une opération magique complexe) par opus50, ce qui est apparemment tendancieux dans le premier cas et appauvrissant dans le second, mais au moins cohérent.
- 51 Ch. Burnett, « Magic in the Court of Alfonso el Sabio : the Latin Translation of the Ghāyat al-Ḥak (...)
15Sur le plan philologique et conceptuel, Charles Burnett a analysé d’une manière fine, lors d’une communication récente, le travail effectué par l’auteur du texte latin, et il l’a plutôt réévalué d’une manière positive, comme un exemple de ce qui peut être considéré majoritairement comme une translatio ad sensum51. Prenons d’abord le passage crucial sur la définition de la nigromancie du chapitre 2 du livre I. Même si la traduction nous semble quelque peu contournée, elle s’efforce d’être fidèle à l’original :
- 52 Picatrix. The Latin Version, p. 5 : Nigromanciam appellamus omnia que homo operatur et ex quibus s (...)
Nous appelons nigromancie tout ce que l’homme opère et à la suite de quoi l’intelligence et l’esprit sont totalement entraînés par cette opération, et cela en vue des choses merveilleuses que l’intelligence suit pour les méditer ou les admirer52.
16Le texte arabe, inspiré par l’Épître 52 des Frères de la pureté, était certes plus simple et direct :
- 53 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 6-7 : wa-l-siḥr ḥaqīqatuhu ʿalā l-iṭlāq kull mā saḥara l-ʿ (...)
La magie (siḥr) dans l’absolu est tout ce qui ensorcelle les intelligences et [toutes] les paroles et opérations auxquelles obéissent les âmes dans le sens de l’émerveillement, de la soumission, de l’obéissance et du consentement53.
- 54 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 7 : fa-bi-l-jumla l-siḥr huwa mā khafiya ʿalā ʿuqūl al-akt (...)
- 55 Picatrix. The Latin Version, p. 5 : Et ymagines sapientes appellant telsam, quod interpretatur vio (...)
17Mais un peu plus bas, alors que l’original arabe dit de la magie (al-siḥr) qu’elle « est ce dont la cause est cachée à l’intelligence du plus grand nombre et dont la découverte est difficile », le texte latin définit la nigromantia comme une « science des choses cachées (scientia de rebus absconditis) à l’intelligence et dont la plus grande partie des hommes n’appréhende pas comment elles se font ni de quelles causes elles proviennent54 », ce qui exprime d’une façon précise et ordonnée la théorie de la connaissance et de la causalité inhérente au texte arabe. En revanche, alors que le mot latin magica désigne, dans la traduction, non pas la magie en général mais la science des talismans, la définition du talisman fournie juste après dans le même chapitre 2 du livre I utilise pour une seule et unique fois la translittération telsam pour compléter le mot latin ymago, habituellement utilisé dans le Picatrix comme dans les traductions arabo-latines du xiie siècle de traités de magie astrale55. Le terme arabe ṭilasm désignant le talisman vient du grec τέλεσμα. Ṭilasm et nīranj en arabe sont deux termes transcrits de langues étrangères : leurs contours sémantiques en arabe sont mal définis, et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles ils furent abondamment utilisés dans les traités de magie, afin de les dissocier du terme de siḥr. C’est peut-être en raison de cette origine grecque que le traducteur latin a jugé bon de restituer au moins une fois le terme original. Mais le lecteur du texte latin avait de quoi s’y perdre…
- 56 Picatrix. The Latin Version, p. 6 ; pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 9 ; “Picatrix”. Das Zi (...)
- 57 Voir par exemple le compte rendu que Max Lejbowicz a consacré à cette traduction dans les CRMH, 10 (...)
18Ch. Burnett a toutefois montré que dans certains passages, comme dans la suite de ce même chapitre 2 du livre I, sur les élections astrologiques nécessaires à l’élaboration des talismans, le texte latin est plus clair que l’arabe, en tout cas que la version éditée en 1933 par H. Ritter sur la foi de manuscrits dont aucun n’est antérieur au xive siècle56. Bref, il s’agit d’une traduction fort honnête, la plupart du temps valable et intelligente, et il ne faut pas toujours se fier à la traduction française de la version latine dirigée par B. Bakhouche, parfois fautive57. Se pose néanmoins le problème, majeur, des nombreuses et significatives distorsions opérées par la traduction latine à l’égard du texte arabe, liées à leur contexte religieux et culturel respectif.
Le traitement des références religieuses
19La traduction n’est pas seulement la transposition d’une langue à une autre, mais d’une culture à une autre. Or, les productions écrites médiévales des civilisations des deux rives de la Méditerranée sont profondément marquées par les religions majoritaires respectives. Cela est en partie dû au fait que la formation des élites lettrées passe également par une solide formation religieuse. Aussi, même si un ouvrage n’aborde pas un sujet religieux en tant que tel, la langue utilisée comporte des formules et des références aux livres saints. Il est donc intéressant de se demander comment les références religieuses ont été abordées par les traducteurs.
20En préambule, il faut indiquer que la Ghāyat al-ḥakīm d’al-Qurṭubī comporte bien des références religieuses. Certes, celles-ci ne sont pas omniprésentes, elles ne structurent pas le discours, et le sujet-même du livre n’est pas fondé sur le Coran, comme le sont certains traités de magie postérieurs, notamment ceux du corpus bunianum à partir du viie/xiiie siècle. En revanche, l’auteur se réfère ponctuellement au Coran ou aux hadiths pour appuyer ses démonstrations.
21Nous pouvons donc nous poser la question de la traduction de ces références et allusions à destination d’un public non musulman et ne connaissant a priori pas le Coran, ou, du moins, dont la formation intellectuelle n’inclut pas un apprentissage par cœur du texte fondateur de l’islam ou une connaissance appuyée des dires et actes de son prophète.
22Dans de nombreux cas, les références coraniques ont été retirées. En effet, elles interviennent souvent pour appuyer un propos, mais ne sont pas le fondement de l’argumentation. Nous pouvons prendre un exemple :
- 58 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 5 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 5 ; trad. arabo-fr (...)
Dieu – qu’Il soit exalté ! – est la cause du monde (ʿillat al-ʿālam), et le monde est son « causé » (maʿlūlu-hu). La raison (al-sabab) [de la cause] est qu’ils [i.e. le monde et toutes les créatures] L’adorent en raison de la connaissance qu’ils ont de Lui et leur aveu de Son existence, comme Il a dit – Il est puissant et majestueux ! – : « Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent58. »
23Le traducteur latin a rendu le passage ainsi :
- 59 Traduction Bakhouche et alii, p. 45 ; Picatrix. The Latin Version, p. 4 : Et scias quod ipse Deus (...)
Sache que Dieu est l’artisan et le créateur de tout l’univers et de tous les êtres qui existent en lui, et que ce monde et tout ce qui existe en lui ont été créés par lui-même, le Très Haut. Et sa raison est trop profonde et trop forte pour pouvoir être comprise, et ce qui peut en être compris est considéré avec soin et science. C’est le plus grand cadeau que Dieu a donné aux hommes que de s’appliquer à savoir et à connaître. En effet, étudier c’est servir Dieu59.
- 60 Voir Ibn Manẓūr, Lisān al-ʿarab, Le Caire, Dār al-maʿārif, 1981, vol. 4, p. 3080.
24Dans le cas présent, le verset a été retiré. En revanche, si nous comparons les deux passages en question, nous pouvons voir que le paradigme du rapport de Dieu au monde n’est pas le même : dans la Ghāyat al-ḥakīm, Dieu est la « cause » (ʿilla) du monde. Le terme peut désigner une maladie, un vice, un défaut. Cependant, le terme peut aussi être un synonyme de sabab60, la cause, autre terme utilisé dans le passage. Nous sommes ici dans le paradigme philosophique de la causalité. Ces notions sont rapportées au Coran, où Dieu est présenté comme le créateur. À l’inverse, le Picatrix fait avant tout de Dieu le « facteur » (factor) et le « créateur » (creator) du monde : Il est un agent actif et non une causalité rendant nécessaire la création du monde.
25La philosophie n’est pas absente du Picatrix, loin s’en faut : le traducteur a bien repris de nombreuses références. Dans un autre passage, la Ghāyat al-ḥakīm accorde par exemple un hadith (parole ou acte du Prophète) avec un dire attribué à Platon :
- 61 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 9 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 9-10 ; trad. arabo (...)
La meilleure catégorie de magie savante est la parole, comme ce fut indiqué par [le Prophète] – que la prière et le salut de Dieu soient sur lui – par son propos : « il y a dans la parole une [certaine] magie ». De là le propos du [savant] confirmé que fut Platon dans le Livre des aphorismes : « comme l’ami sincère devient ton ennemi par la mauvaise parole, de même l’ennemi se transformera en ami par la bonne parole ». Cela ne relève-t-il pas d’une sorte de magie61 ?
- 62 Ibn Manẓūr, Lisān al-ʿarab, vol. 1, p. 407.
26Le hadith ici mentionné n’est pas tout à fait traditionnellement rapporté de la même façon : en effet, dans sa formulation la plus répandue, ce n’est pas dans la parole (kalām) qu’il y a de la magie (siḥr), mais dans la clarté ou l’éloquence (al-bayān). Le terme de kalām renvoie à la faculté d’élocution, à la capacité de parler. Ainsi, dans la tradition islamique, Moïse est surnommé al-Kalīm, c’est-à-dire celui à qui Dieu a parlé, celui qui a entendu la voix de Dieu. En revanche, le terme de bayān va plus loin : comme l’indique Ibn Manẓūr dans son dictionnaire Lisān al-ʿarab (La langue des Arabes), après avoir cité ce hadith, « al-bayān est le fait de faire apparaître l’objet visé par le plus éloquent des mots (ablagh lafẓ), [al-bayān] relève de la compréhension (al-fahm), de l’intelligence du cœur avec la langue, et son fondement est le dévoilement (al-kashf) et la manifestation (al-ẓuhūr)62 ». Le contexte dans lequel le Prophète aurait énoncé ce hadith serait celui d’une joute verbale entre deux poètes : le propos de Platon correspond donc tout à fait au contexte d’énonciation de ce hadith. Ce hadith est très connu dans la culture arabe médiévale. Le traducteur latin ne l’a pas repris, mais a gardé les références à Platon :
- 63 Trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 49 ; Picatrix. The Latin Version, p. 6 : Et eciam (...)
Les mots aussi constituent une des parties de la nigromancie parce que les mots ont en eux-mêmes une vertu nigromantique. Voilà pourquoi, dit Platon, comme un ami devient un ennemi par des paroles méchantes et outrageantes, à l’inverse, un ennemi devient ami par de bonnes et amicales paroles. D’où il est patent que la parole possède en soi une puissance nigromantique. La force augmente quand plusieurs forces se conjuguent ensemble ; et la puissance de la nigromancie est alors parachevée. Voilà pour la théorique63.
27En revanche, le titre du livre attribué à Platon, Kitāb al-Fuṣūl, a disparu de la traduction. Est-ce parce que ce titre n’était pas connu ? L’hypothèse reste ouverte. Dans le cas présent, nous avons vu que le hadith était le fondement du discours d’al-Qurṭubī et que le propos attribué à Platon visait à appuyer cette idée en la montrant conforme au propos plus développé d’un sage de l’Antiquité. Le propos de Platon étant plus clair et développé que le hadith, il n’était pas gênant de retirer celui du Prophète pour un lecteur qui n’avait pas connaissance de la tradition musulmane et de l’ensemble du contexte d’énonciation du hadith en question, supposé connu d’un lecteur musulman.
28Certaines références coraniques viennent en revanche illustrer un propos abscons. C’est le cas, par exemple, des sages des révolutions lunaire, saturnienne et vénusienne, dans le passage suivant :
- 64 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 9-10 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 10 ; trad. arab (...)
Et sache, ô mon frère, que de la magie relève ce qui est acquis et ce qui est une ruse. De l’acquis relève ce qu’avait fabriqué le sage de la révolution lunaire (ḥakīm al-dawra l-qamariyya) et sur cela il y a l’indication avec Sa parole – qu’Il soit exalté ! – : « prends quatre oiseaux » (Coran, II, 262/260). De la ruse relève ce qu’avait fabriqué le sage de la révolution saturnienne et aussi ce qu’avait fabriqué le sage de la révolution vénusienne64.
- 65 T. Fahd, « Sciences naturelles et magie dans “Gāyat al-ḥakīm” du pseudo-Maŷrīṭī », Ciencias de la (...)
- 66 T. Fahd, « L’agriculture nabatéenne en Andalousie », Ciencias de la Naturaleza en al-Andalus, éd. (...)
- 67 Ibn Waḥšiyya, al-Filāḥa l-nabaṭiyya, éd. T. Fahd, Damas, Institut Français de Damas, 1993, vol. 1, (...)
29Le verset coranique cité fait référence à Ibrāhīm (Abraham). Ce dernier demande en effet à Dieu comment il ressuscite les morts, et Dieu lui enjoint d’apprivoiser quatre oiseaux, de les couper et d’en mettre un fragment sur des montagnes éloignées, puis de les appeler : ils reviennent alors à Ibrāhīm. En revanche, l’expression « sage de la révolution lunaire » trouve son sens dans L’agriculture nabatéenne (al-Filāḥa l-nabaṭiyya) d’Ibn Waḥshiyya, où elle désigne le personnage de Ṣaghrīt65. Ce dernier serait le premier des trois sages qui auraient composé L’agriculture nabatéenne (les deux suivants furent Yanbūshādh et Qūthāmā). En effet, comme l’exposait Toufic Fahd, « L’Agriculture nabatéenne est présentée comme une “révélation” de Saturne, dieu de l’agriculture, par l’intermédiaire de la Lune, dont l’idole a parlé à plusieurs générations d’agriculteurs qui se nomment Kasdéennes ou Chaldéennes, astrolâtres, théurges et mystatagogues (sic)66 ». Ces considérations sur « trois sages anciens des Chaldéens » sont présentes dans l’introduction de l’ouvrage : Ṣaghrīth y passe pour être apparu lors du septième des sept millénaires du cycle de Saturne, millénaire partagé avec la Lune. Yanbūshādh apparut à la fin de ce dernier millénaire, et Qūthāmā, qui paracheva le traité, apparut après que quatre millénaires se sont écoulés depuis la révolution du Soleil67. Ṣaghrīth est ainsi présenté comme celui qui reçut de l’idole de la Lune des enseignements. L’assimilation à Abraham peut aisément s’expliquer. L’introduction de l’ouvrage commence avec une prière de Ṣaghrīth à « notre dieu, le Vivant, l’Ancien, celui qui n’a jamais cessé et ne cessera jamais, l’Unique par Ses qualités seigneuriales pour l’ensemble de toutes les choses, le grand dieu, point de divinité excepté Dieu (Allāh), Il est unique et n’a point d’associé, le Grand, l’Éternel dans Son ciel […] ». Les louanges continuent ainsi longuement, et on y reconnaît aisément une prière musulmane type, avec la profession de foi musulmane (shahāda) attestant de l’unicité divine et de nombreux noms divins d’inspiration coranique. Abraham est en outre le prophète apparu à l’époque des idoles pour renverser leur culte. Cette association fait donc sens dans le contexte islamique.
30Voici la traduction latine :
- 68 Trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 50 ; Picatrix. The Latin Version, p. 6 : Et scias (...)
Sache que la nigromancie s’acquiert tantôt par des actions et des opérations, et tantôt par artifice. Celle qui s’acquiert par des actions et des opérations le fait à partir de l’enseignement qu’ont pratiqué un sage du monde au sujet du cercle de la Lune et le sage qui a parlé dans le livre De l’alfilaha, comme il le dit dans le même livre, dans le passage où il est question de prendre quatre oiseaux. Et la partie qui s’acquiert par artifice vient des opérations pratiquées par le sage qui a opéré sur les mouvements du cercle de Saturne et aussi par le sage qui a opéré sur les mouvements du cercle de Vénus. Et ces deux sages ont aussi parlé dans le livre précité68.
31Le traducteur latin ne pouvait pas ne pas repérer la référence coranique, précédée dans le texte arabe par la tournure on ne peut plus convenue « Son propos – qu’Il soit exalté ! ». En revanche, rien ne permet d’identifier le Coran dans la traduction : au contraire, la référence aux quatre oiseaux est supposée provenir du De alfilaha ! Le traducteur avait donc une connaissance de L’agriculture nabatéenne qui lui permit de comprendre l’allusion dans le texte arabe, ce qu’un lecteur arabo-musulman ne connaissant pas L’agriculture nabatéenne n’aurait bien entendu pas pu saisir. La traduction latine apporte donc un supplément d’information appréciable pour comprendre le texte, tout en effaçant ce qui permettait d’identifier clairement le Coran.
32On trouve le même procédé à un autre endroit, à propos d’un autre sage. Le texte arabe parle en effet d’un sage qui fut élevé au-dessus des sept sphères :
- 69 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 11 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 11 ; trad. arabo- (...)
À propos de cette connaissance, il y a l’indication du premier Sage par son propos : « je suis celui qui fus élevé au-dessus des sept sphères ». Il voulait dire que par son propos : « je fus élevé à leur compréhension par la science » par sa seule force intellective. À ce propos, il y a l’indication par Sa parole – Il est puissant et majestueux ! – : « Nous l’élevâmes à un rang auguste » (Coran, XIX, 58/57)69.
33Le verset coranique évoque le prophète Idrīs, c’est-à-dire l’Énoch biblique, également identifié à Hermès dans la tradition hellénistique. Le verbe darasa de la racine D.R.S en arabe signifie « étudier », et c’est la raison pour laquelle Idrīs est souvent associé au savoir et à la connaissance. Le terme de « sage » (ḥakīm) renvoie au concept de « Sagesse universelle » (ḥikma), une sagesse qui transcende les époques, les régions et les communautés religieuses. Le terme s’applique particulièrement, dans les textes arabes des quatre premiers siècles de l’hégire (viie-xe siècles), aux « sciences de la nature » (ʿulūm al-ṭabīʿa), à savoir la médecine, l’astrologie, l’alchimie, la talismanique, etc. Ainsi, il faut comprendre par « premier sage » le premier dépositaire de cette sagesse et donc des sciences occultes.
34Dans le cas de ce passage, le traducteur n’a pas hésité à reprendre la « parole » divine :
- 70 Trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 51 ; Picatrix. The Latin Version, p. 7 : Et hoc es (...)
C’est ce que dit le premier sage qui a parlé dans le livre déjà cité De l’alfilaha, où il dit : « Ils m’ont élevé au-dessus des sept cieux ». Il veut dire qu’il connaissait tous leurs mouvements avec leurs qualités par la force du savoir et de l’intelligence. C’est ce que dit Dieu quand il a dit : « Élevons-le en haut ». Il veut dire en effet : « Donnons-lui intelligence et intellect pour qu’il puisse parvenir aux sciences élevées70 ».
35On remarquera le changement de mode du verbe, qui passe ainsi de l’accompli en arabe (qui équivaudrait à l’indicatif parfait) à l’impératif en latin. Le traducteur a ajouté de nouveau une référence à De l’alfilaha, qui, dans le cas présent, ne se justifiait pas. En revanche, contrairement au passage précédemment analysé où le verset coranique était assimilé à un passage de L’agriculture nabatéenne, le verset coranique est ici rendu et clairement identifié comme une parole divine, alors qu’il n’y en a pas d’équivalent dans la Bible.
36Certaines références qui auraient pu faire écho en contexte latin ont parfois été écartées. Nous pouvons prendre l’exemple d’un passage du livre IV, chapitre 5, après l’énumération des dix sciences que le sage se doit d’acquérir :
- 71 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 335 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 351 ; trad. arab (...)
Les deux résultats [i.e. l’alchimie et la magie], ô toi qui recherches, sont en vérité les deux résultats de ces sciences, mais personne ne peut les comprendre, ni les embrasser, ni les obtenir, – regarde, j’ai bien dit « personne ne peut les obtenir » –, en dehors de celui qui acquerra la vérité et la justesse de ces sciences. Il sera alors un philosophe complet. Et, peut-être, ô toi qui cherches, vas-tu faire attention au sommeil de la négligence afin de pouvoir contempler ce que les premiers Sages ont contemplé par des vues divines et des auditions spirituelles. Alors, il émanera de toi ce qui a émané d’eux. Selon ta capacité, tu seras l’acteur de ton monde, t’occupant des signes ingénieux qui ont lieu par analogie avec la divinité et grâce au signe de Sa parole, – le Tout-Puissant – : « Je vais placer un lieutenant sur terre ».
C’est ici maintenant que je vais citer ce qu’a mentionné Abū Bishr Mattā ibn Yūnus dans son commentaire au chapitre huit de la Métaphysique d’Aristote : « Thābit ibn Qurra répondit à un homme qui s’était querellé avec lui et qui lui avait dit : “Dieu, le Très Haut, est Celui qui a un pouvoir sur toute chose”, – “Est-ce que Dieu peut faire que le produit de cinq par cinq soit plus petit ou plus grand que vingt cinq ?”. Cet homme resta silencieux. Il ne lui trouva rien à répondre71 ».
37Le traducteur latin a ainsi rendu le passage :
- 72 Trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 330-331 ; Picatrix. The Latin Version, p. 199 : Po (...)
Après tout cela, les dix arts susdits sont suivis des deux conclusions dont nous avons parlé ; car celui qui les ignorera n’atteindra jamais les conclusions précédentes. Il te faut ensuite toi-même te soucier de ce que nous avons dit jusqu’à maintenant et te hausser impérativement à la connaissance de toutes ces sciences, parce que, quand tu seras devenu parfait dans ce domaine, tu atteindras ce qu’ont atteint les sages d’autrefois, tu comprendras les opérations des sages et les sciences spirituelles, et tu feras ce qu’ils faisaient eux-mêmes. Et dans la mesure où l’œuvre que tu feras à l’égard des esprits repose sur les forces d’êtres vivants, tu obtiendras la grâce du Très Haut. C’est ce qui est compris d’après les paroles secrètes des prophètes72.
38Ainsi, le traducteur n’a pas seulement supprimé le verset coranique : il a aussi supprimé tout le passage repris d’un commentaire de Thābit ibn Qurra de la Métaphysique d’Aristote transmis par Abū Bishr Mattā ibn Yūnus (m. 328/940). Ce dernier était un chrétien nestorien qui fut un important traducteur et commentateur des œuvres d’Aristote en arabe via le syriaque. Quant à Thābit ibn Qurra, il fut un important traducteur d’œuvres grecques en arabe, via le syriaque, sa langue maternelle. Il était connu dans le monde latin depuis le xiie siècle et il n’y a donc pas de raison apparente pour laquelle le traducteur aurait jugé bon de supprimer ce passage.
- 73 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 341 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 358 ; trad. arab (...)
39Nous pouvons enfin poser la question des références religieuses non islamiques. Nous avons deux exemples dans un chapitre dédié aux fumigations astrales. En effet, le chapitre 6 du livre IV consacré aux fumigations commence ainsi : « Je dis qu’un des sages des Indiens, qui était contemplatif (al-nāẓir) et le chef (al-mutawallī) parmi eux, le Bouddha (al-Budd), avait compilé à leur attention des fumigations composées des forces terrestres liées et dépendantes du monde céleste73 ». Certains penseurs musulmans reconnaissent au Bouddha la qualité de prophète, envoyé en Inde, faisant ainsi des Bouddhistes des « gens du Livre » (ahl al-kitāb), à l’instar des juifs et des chrétiens. Cela permettait ainsi de donner un statut aux Bouddhistes vivant dans les terres du califat, notamment dans le Khurāsān. Le Bouddha n’est donc pas considéré comme un « païen » et son enseignement lui viendrait de Dieu. Il y a ici une caution religieuse à ce savoir.
40Pouvait-il en être de même en contexte chrétien ? Religion géographiquement bien plus lointaine, le bouddhisme ne posait sans doute pas les mêmes questions et ne suscitait pas le même intérêt dans l’Europe latine. Le traducteur a ainsi seulement retenu que le personnage en question était « un sage venu d’une région d’Inde ».
41Ce même chapitre comporte une autre référence religieuse non coranique : des recettes de fumigation sont présentées comme des extraits de la « Torah de Moïse » (Tūrāt Mūsā). Le texte arabe présente ainsi deux recettes de mélanges odoriférants à brûler, passage simplement supprimé dans la traduction latine. Pourquoi donc cette suppression alors que Moïse est, bien entendu, tout à fait connu du christianisme ? Nous pouvons émettre des hypothèses. Tout d’abord, l’ouvrage n’a pas été conçu de la même façon en arabe et en latin. En effet, en arabe, Le But du Sage est un ouvrage de propédeutique afin d’accéder à la sagesse (ḥikma). Même si la magie (siḥr) est l’objet d’une condamnation religieuse, l’épistémologie arabe médiévale l’inclut dans les « sciences de la nature », et les exégètes, très tôt, indiquèrent que même si sa pratique peut être réprouvée, son étude et sa connaissance ne sauraient faire l’objet de condamnations. Il n’est donc pas malvenu de se référer à des prophètes dans un tel ouvrage. En revanche, même si la traduction latine rend bien compte de la religiosité nécessaire à celui qui étudie la nigromancie, il était peut-être inopportun pour un auteur ou un traducteur latin d’associer la « Torah de Moïse » et donc la religion juive à ce type de savoir.
- 74 J. Bonnéric, « Réflexions sur l’usage des produits odoriférants dans les mosquées au Proche-Orient (...)
42D’une manière concomitante, cette suppression de la mention des recettes de fumigation attribuées à Moïse pourrait d’ailleurs s’expliquer par le statut de la fumigation lui-même. En effet, dans les versets de l’Exode 30, 34-37, correspondant à ce passage de la Ghāyat al-ḥakīm, Dieu donne à Moïse la composition d’un mélange à faire brûler, réservé exclusivement à un usage religieux et sacré, à l’exclusion de toute utilisation profane. Dans le rite chrétien, l’encens est également utilisé comme symbole de la prière qui s’élève vers le ciel en vertu du verset du Psaume 140, 2. Aussi, dans une optique chrétienne, non seulement ce mélange est très connu, mais il est réservé au seul culte. On peut aisément comprendre la gêne provoquée par ce passage qui évoque avec ces mélanges mosaïques des fumigations attribuées au Bouddha à destination des astres ! En revanche, le rite musulman exclut toute fumigation. En effet, des fumigations peuvent être utilisées dans des mosquées, mais pas dans une optique cultuelle : il s’agit de purifier des zones souillées de la mosquée ou de parfumer l’air pour favoriser le bon déroulement du culte en évacuant d’éventuelles mauvaises odeurs. Les parfums et fumigations pourraient avoir été exclus du culte musulman par opposition aux autres cultes par rapport auxquels il s’est construit, ce qui explique qu’ils soient utilisés davantage dans un cadre profane74.
- 75 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 180-181 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 190-192 ; tr (...)
43Cette différence de culture se manifeste à divers échelons, et notamment à celui de la morale sexuelle. Le meilleur exemple de traduction jetant un voile pudique sur l’original est celui d’une recette du chapitre 5 du livre III. Attribuée à un Kitāb Taqāsīm al-ʿulūm wa-kashf al-maktūm (Le livre des divisions des sciences et le dévoilement de ce qui est scellé) d’un certain Abū Ghālib Aḥmad ibn ʿAbd al-Wāḥid al-Rūzbādī al-Kātib – dans la version latine, le titre de l’ouvrage, écrit par « un sage », est devenu Divisio scientiarum et panditor secretorum –, la recette se présente comme le témoignage d’un commerçant du Khurāsān d’après un marchand d’origine indienne qu’il aurait rencontré à Nīshāpūr75. Elle commence ainsi :
- 76 Wa-kāna hunāka ġulām min ahl Balkh mūsir ḥasan al-ṣūra lā yuṭmaʿu fī-hi qabḍ ʿalay-hi wa-zaʿama an (...)
Il y avait un éphèbe (ghulām) de Balkh, vivant dans l’aisance (mūsir), qu’aucun bien ne pouvait abuser. Il affirma qu’il le lui présenterait, le conduirait à l’obéissance, le séparerait de sa fortune et l’attacherait à ma demeure jusqu’à ce qu’il le délie et le libère selon son bon vouloir. Je lui demandais de faire cela pour deux intérêts : l’intérêt de la science et l’intérêt du plaisir76.
- 77 Ikhwān al-Ṣafāʾ, Rasāʾil Ikhwān al-Ṣafāʾ, Beyrouth, Dār Ṣādir, 2008, vol. 3, p. 277.
- 78 Sur la question des relations homosexuelles masculines dans le monde musulman médiéval, voir F. La (...)
44Le terme de ghulām renvoie au jeune homme de condition servile. Dans le cas présent, il s’agit d’un jeune homme suffisamment riche pour qu’il ne soit pas « corruptible » ou ne puisse être abusé par l’appât du gain ou l’attrait d’une meilleure condition sociale. Or, cette recette semble parfaitement correspondre au cadre social des relations entre hommes (une forme de paideia islamique), tel que l’encourage un texte comme les Épîtres des Frères de la Pureté : « il y a chez les hommes mûrs un désir pour les jeunes hommes et un amour des éphèbes, afin de les pousser à les éduquer, les faire évoluer et les parfaire afin d’atteindre les buts qu’ils visent77 ». Le désir homosexuel est alors considéré comme tout à fait naturel, bien que la sodomie soit par ailleurs condamnée dans un cadre légal en tant qu’acte apparenté à la fornication hors mariage78. Le cadre acceptable de ces relations est alors que les rôles actif/passif traduisent l’écart entre les amants, l’actif (« éraste ») devant dominer le passif (« éromène ») par l’âge, la richesse ou la condition sociale. Le terme de ghulām implique jeunesse et statut social servile ou inférieur (le ghulām n’est pas homme au sens social du terme) : c’est d’ailleurs dans la poésie érotique arabe médiévale l’archétype-même de l’individu qui est objet de consommation sexuelle. Dans la recette, ces deux rôles se traduisent avec les deux planètes associées aux deux personnages, à savoir Mars pour le demandeur et Vénus pour le ghulām. Les deux planètes sont qualifiées de « planètes de la fornication et des plaisirs » (kawākib al-nikāḥ wa-l-ladhdhāt), ne laissant pas d’ambiguïté sur l’aspect sexuel de l’objectif du rituel.
- 79 Voir J.-P. Boudet, « Un traité de magie astrale arabo-latin : le Liber de imaginibus du pseudo-Pto (...)
45Or, le bel éphèbe du texte arabe est devenu dans la traduction latine « une jeune fille (iuvencula) qui passait pour la plus belle au monde » ! La dimension sexuelle de la recette n’a pas échappé au traducteur, qui a sans doute estimé qu’il n’était pas possible de transmettre telle quelle à un lectorat latin chrétien une recette détaillée de magie amoureuse visant un éphèbe. Dans le cas présent, la norme sociale et religieuse a conduit à changer un seul mot pour modifier le sens de la recette et toutes ses implications sociales et culturelles. De ce point de vue, la traduction du Picatrix semble plutôt en retrait par rapport à celles du Centiloquium et du Liber de imaginibus du pseudo-Ptolémée, traduits de l’arabe en latin au xiie siècle, où les réflexions sur la sexualité et les recettes à finalité homosexuelle n’ont pas, dans la majorité des cas, été censurées79.
La traduction des recettes : comprendre les substances
46Nous pouvons enfin nous poser la question de la traduction des noms de substances, de plantes, d’animaux, de pierres, etc. En effet, cette question se pose dans tous les traités médiévaux car l’identification est toujours quelque peu difficile. Par exemple, dans les traités arabes médiévaux de botanique, certaines plantes peuvent être difficiles à identifier car nous ne pouvons savoir exactement quelle était celle qu’avait à l’esprit l’auteur. Dans le cas de ce type de traité, plusieurs questions pouvaient se poser au traducteur : tout d’abord le mot désigne-t-il une plante et une seule ou peut-il y avoir ambiguïté parce que le même mot peut désigner deux plantes dans deux régions différentes ? La plante en question est-elle censée être connue du destinataire de la traduction ? La plante pousse-t-elle aussi dans la région du destinataire, et, le cas échéant, peut-il se la procurer en vue de faire la recette ?
- 80 J.-Ch. Coulon, « Fumigations et rituels magiques : le rôle des encens et fumigations dans la magie (...)
47Nous prendrons l’exemple du passage du chapitre 6 du livre IV consacré aux fumigations attribuées au Bouddha, dont il a été donné une traduction intégrale de l’arabe dans un article récemment paru80. Les recettes présentent toutes la même structure, mais l’ordre en est différent. Ainsi, dans Ghāyat al-ḥakīm, les fumigations se trouvent dans l’ordre Soleil, Lune, Jupiter, Venus, Saturne, Mars et Mercure ; alors que dans le Picatrix, l’ordre est Saturne, Jupiter, Mars, Soleil, Vénus, Mercure, Lune, soit l’ordre décroissant d’éloignement par rapport à la Terre dans l’astrologie médiévale. Il est plus difficile d’interpréter l’ordre en arabe, mais celui-ci pourrait provenir de la fonction des astres : le Soleil correspond au roi ou au calife (le titre de sultan n’existait pas encore formellement à l’époque de la rédaction de la Ghāyat al-ḥakīm), la Lune au vizir et Jupiter au juge. Vénus est la concubine du souverain. Viennent ensuite les pouvoirs exécutif et militaire : Saturne correspond à la police, Mars à l’armée et Mercure à la chancellerie.
48Concernant les recettes en tant que telles, la fumigation au Soleil se présente ainsi :
- 81 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 341-342 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 358-359 ; tr (...)
La première est la fumigation du Soleil : [il faut] prendre de la jacinthe (sunbul ʿaṣāfīriyya), du santal jaune et du santal rouge (al-ṣandal aṣfaru-hu wa-aḥmaru-hu) à hauteur de cinq mithqāl pour chacune [de ces substances], du souchet (al-saʿdī) et de l’écorce d’acacia rouge (qashr al-salīkha al-ḥamrāʾ) à hauteur de trois mithqāl pour chacun, du costus (al-qusṭ) à hauteur de deux mithqāl, et des cervelles de passereaux et d’aigles (adghimat al-ʿaṣāfīr wa-nusūr) ainsi que du sang de ces deux [animaux] à hauteur de dix mithqāl chacun, le sang et la cervelle seront en égale proportion. [Il faut] réunir le tout après l’avoir concassé. [Il faut ensuite] le malaxer avec du miel (ʿasal) dont on aura séparé l’écume (muzāl raghwati-hi) du reste. [Il faut ensuite] façonner des disques, chaque disque ayant le poids d’un demi dirham. Ensuite, [il faut] les faire sécher au soleil. Aux moments de l’opération [de la fumigation du Soleil], tu appelleras et demanderas l’aide de l’essence spirituelle du Soleil en charge des six directions afin que ses forces se lient aux ingrédients. Puis tu les élèveras au moment où tu en auras besoin81.
49La traduction latine donne :
- 82 Trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 334 ; Picatrix. The Latin Version, p. 201 : Suffum (...)
Suffumigation du Soleil. Prends des fleurs d’épi de nard, du santal jaune et rouge à raison de dix onces de chaque, du souchet, du thym, du bois de cannelier rouge à raison de six onces de chaque, deux onces de costus, de la cervelle d’aigle et de son sang, de la cervelle de chat et de son sang à raison de vingt onces de chaque. Fais sécher tout cela ; et fais tout dans l’ordre, comme tu l’as fait plus haut pour les autres82.
50Si nous comparons la composition des deux recettes, nous pouvons donc établir le tableau suivant :
Arabe |
Latin |
Jacinthe |
fleurs d’épi de nard |
santal jaune et santal rouge |
santal jaune et rouge |
souchet |
souchet |
- |
thym |
écorce d’acacia rouge |
bois de cannelier rouge |
costus |
costus |
cervelles et sang de passereaux |
cervelle d’aigle et son sang |
cervelles et sang de passereaux et d’aigles |
cervelle de chat et son sang |
- 83 Le terme désigne en arabe aussi bien l’aigle que le vautour. Il s’agit cependant d’un terme moins (...)
51On remarque tout d’abord que les deux recettes correspondent globalement aux mêmes substances, à quelques exceptions près. Nous pouvons également émettre des hypothèses sur les différences dans les substances. Ainsi, la cervelle et le sang d’aigle sont remplacés par de la cervelle et du sang de chat. Or, le terme arabe désignant l’aigle est ici nusūr (pluriel de nasr83). Et si on intervertit les deux premières lettres du mot arabe nūn et sīn, on obtient le terme de sinnawr, qui désigne couramment le chat. Il nous semble donc probable que les deux leçons nusūr et sinnawr ont pu se retrouver dans les manuscrits, ou que le traducteur a pu corriger d’autorité nusūr en sinnawr, le premier étant d’un usage moins courant que ʿuqāb et le second étant très usité dans les traités de magie.
- 84 Voir Aḥmad b. Ḥanbal, Musnad, V, 309.
- 85 Sur les représentations liées au chat dans l’Islam médiéval, voir M. H. Benkheira, C. Mayeur-Jaoue (...)
- 86 L. Bobis, Le chat. Histoire et légendes, Paris, Le Seuil, 2000, p. 191-208 ; Witchcraft in Europe, (...)
52Parmi les différences flagrantes dans la fumigation de la Lune, nous pouvons souligner l’ajout du storax et le changement de couleur des chats, qui passent du blanc au noir. Ce changement de couleur peut trouver son explication dans l’image qu’ont les chats noirs en Occident latin. Dans la religion musulmane, le chat a une image positive : selon un hadith, le Prophète aurait affirmé que « le chat fait partie des membres de la maisonnée » (al-sinnawr min ahl al-bayt)84. Il avait lui-même un chat85. À l’inverse, la réputation du chat dans l’Occident latin est plus problématique. S’il n’a pas toujours eu une image résolument négative, il n’en était pas pour autant une figure positive. Dans tous les cas, au xiiie siècle, le pape Grégoire IX (1227-1241) fait du chat le serviteur du diable dans sa bulle Vox in Rama (1233). Il devient alors un attribut des hérétiques, voire des sorcières86. On remarquera que le chat est mentionné ici dans la recette de la fumigation à la Lune, astre associé à la nuit et à la sorcellerie.
- 87 Bakhouche et alii ont traduit par « noyaux de cerises ».
- 88 Bakhouche et alii ont traduit par « tiges de germandrée ». Une sorte de polium est effectivement a (...)
53Pour la fumigation de Jupiter, la traduction latine est particulièrement fidèle à l’arabe. Mais celle de Vénus comporte quelques différences : la graine de prunus mahleb (ḥabb al-maḥlab) devient ainsi en latin l’« amande de la noix87 » (granorum nucleorum). Il est fort possible que l’identification de l’arbre ait pu poser problème, bien qu’il soit courant en Europe. Le « bois d’orchis » (ʿūd al-bahnaj) a été traduit par « tiges de jusquiame » (fustorum iusquiami). Le « fruit de sorbe » (thamr al-ghabīrī) est devenu les « tiges de polium » (fustorum polii)88.
54La recette de fumigation de Saturne a été fidèlement traduite, à l’exception de deux substances, qui ont disparu lors du passage au latin : les « fruits de ricin » (tamr al-khirwaʿ) et les « cervelles de chats noirs » (adghimat […] al-sanānīr al-sawd).
- 89 Benkheira, Mayeur-Jaouen et Sublet, L’animal en Islam, p. 69.
55Celle de la fumigation de Mars comporte quelques différences notables entre l’arabe et le latin. Ainsi, les « cervelles de hérissons » (adghimat […] al-qanāfidh) deviennent des « [cervelles de] scorpions séchés » ([cerebri] scorpionum). Il est difficile de comprendre comment les hérissons sont devenus scorpions, surtout que les cervelles de toutes les recettes proviennent toutes de vertébrés et que les graphèmes qanāfidh et ʿaqārib sont suffisamment différents pour qu’ils ne puissent être confondus, même sans points diacritiques et en intervertissant deux lettres. Au contraire, en Islam, le hérisson est réputé ne pas dormir la nuit pour chasser les serpents, il est même surnommé Abū l-shawk (« Père de l’épine, de la pointe »)89. Le terme shawka peut désigner aussi bien l’épine du hérisson que l’aiguillon du scorpion (l’épine du surnom du hérisson est au singulier). Enfin, il est à noter que l’homme de lettres et encyclopédiste al-Nuwayrī (m. 733/1333) place le hérisson dans la même classe d’animaux que les serpents et les scorpions, c’est-à-dire les animaux venimeux ou mortels, avec le scarabée, le gecko, la belette et quelques autres animaux. Sans doute le traducteur latin a-t-il ainsi préféré un animal à aiguillon correspondant mieux à l’agressivité de la planète martiale.
- 90 L’assarus/assarum (ou assara baccara ; synonymes : bachira, vulgago) est attesté dans le De materi (...)
56Pour ce qui est de la fumigation de Mercure, le « jonc odoriférant » (faqāḥ al-idhkhir) est devenu « fleurs de jusquiame » (florum iusquiami) et les « feuilles azymes » (waraq al-sādiǧ) des « feuilles d’indigo de l’Inde » (foliorum Indicorum). Parmi les différences un peu plus importantes, le « bdellium bleu » (al-kūr al-azraq) est devenu la « gomme ammoniaque rouge » (armoniaci rubei). Le bdellium est bien une gomme, mais le changement de couleur n’est pas complètement surprenant : le bdellium a généralement une couleur plutôt rougeâtre. Enfin, le changement le plus surprenant est le « castoréum » (al-jand bādistar) devenu « testicules de crapeau » (testiculorum buffi). Certes, le castoréum est une « substance sébacée, d’une odeur fétide et d’une saveur âcre, sécrétée par deux glandes abdominales du castor […] » (définition du CNRTL). Si la traduction rend aussi par une substance d’origine animale, il s’agit d’un animal bien différent. Enfin, il convient de signaler la translittération apparente de l’arabe asārūn (nard sauvage) en assari dans le texte latin. Il s’agit toutefois d’un emprunt au grec ʾαìσαρον, utilisé par Dioscoride. L’arabe a aussi le terme sunbul barrī pour la même plante. Or, le terme d’assarus était bien connu des lecteurs latins familiers des traductions de Dioscoride, Galien ou Avicenne, bien que certaines de ses propriétés diffèrent d’un texte à l’autre90.
57Nous avons quelques autres exemples de ces traductions « naturelles », comme le borax (al-tinkār en arabe, attincar en latin) pour la fumigation de Vénus ou le turbith (al-tarbid en arabe, turbith en latin) pour la fumigation de Mars. Ces derniers exemples illustrent parfaitement l’adéquation qu’il peut y avoir entre les textes arabes et leurs traductions latines, malgré les petites « infidélités » que nous pouvons observer çà et là.
Conclusion
58Notre étude se fonde sur les deux éditions existantes du texte arabe et du texte latin. La comparaison des deux textes tend à montrer que la traduction est demeurée globalement fidèle. Mieux, elle est généralement cohérente en traduisant aussi systématiquement que possible les termes arabes par les mêmes équivalents latins. Beaucoup d’écarts observables entre les deux versions sont intimement liés au contexte culturel et religieux, et il s’agit de passages que des lecteurs latins n’auraient pas pu comprendre ou apprécier à leur juste valeur sans une solide connaissance du Coran, du hadith ou de la littérature et de la culture arabes. On peut donc aisément comprendre que le ou les traducteur(s) ai(en)t opérés des modifications sur ces passages ou les ai(en)t supprimés. Il n’en demeure pas moins que les deux textes ont aussi un contexte commun puisque tous deux sont liés et destinés à des cercles de pouvoir, où la diffusion restreinte de traités de magie savante fut, à la cour d’Alphonse X de Castille comme dans celle de ʿAbd al-Raḥmān III trois siècles plus tôt, un élément important de distinction socioculturelle à l’égard du reste de la population.
59Cependant, les deux éditions que nous avons à notre disposition ont également des faiblesses qui doivent nuancer ces observations : comme nous l’avons indiqué, l’édition du texte arabe ne tient compte que de manuscrits remontant au plus tôt au xive siècle et nous ignorons à partir de quel texte précis a été faite la traduction. Aussi, les passages dont nous avons observé la suppression dans la traduction pourraient venir d’un manuscrit arabe perdu ou qui n’a pas été pris en compte dans l’édition de 1933. De même, nous n’avons que peu d’informations sur l’intermédiaire castillan entre l’original arabe et la traduction latine.
Notes
1 Nous utilisons ici un système de translittération simplifié de l’arabe adapté de l’Encyclopédie de l’Islam (troisième édition) afin de faciliter la lecture des termes par les lecteurs non arabisants. Les dates sont données en ère hégirienne puis en ère chrétienne lorsqu’elles concernent le monde musulman.
2 Pseudo-Majrīṭī [Maslama al-Qurṭubī], Das Ziel des Weisen, éd. H. Ritter, Leipzig-Berlin, B. G. Teubner, 1933.
3 “Picatrix”. Das Ziel des Weisen von Pseudo-Maǧrītī, trad. allemande d’H. Ritter et M. Plessner, London, The Warburg Institute, 1962.
4 Picatrix. The Latin Version of the Ghāyat Al-Ḥakīm, éd. D. Pingree, London, The Warburg Institute, 1986.
5 Voir notamment Picatrix. Un traité de magie médiéval. Traduction, introduction et notes par B. Bakhouche, Fr. Fauquier et B. Pérez-Jean, Turnhout, Brepols, 2003. Une traduction française du texte arabe, effectuée par Valérie Chébiri dans le cadre d’un diplôme de l’EPHE dirigé par Pierre Lory, est malheureusement restée inédite : V. Chébiri, Le Livre du But du Sage. Prééminence qu’il convient d’accorder à l’un des deux plus dignes résultats, Paris, 1998.
6 J.-P. Boudet, A. Caiozzo et N. Weill-Parot (dir.), Images et magie : Picatrix entre Orient et Occident, Paris, Champion, 2011 ; J.-Ch. Coulon, « Autour de Ghāyat al-ḥakīm (Le but du sage) (Compte rendu critique des actes du colloque Images et magie) », Arabica, 61, 2014, p. 89-115.
7 M. Fierro, « Bāṭinism in Al-Andalus : Maslama b. Qāsim al-Qurṭubī (d. 353/964), Author of the Rutbat al-ḥakīm and Ghāyat-al-ḥakīm (Picatrix) », Studia Islamica, 84, 1996, p. 87-112 ; G. de Callataÿ, « Magia en al-Andalus : Rasā’il Ijwān al-Ṣafā’, Rutbat al-Ḥakīm y Gāyat al-Ḥakīm (Picatrix) », Al-Qanṭara, 34-2, 2013, p. 297-344.
8 Le pèlerinage étant une obligation rituelle de l’islam, que tout croyant est censé effectuer au moins une fois dans sa vie, il était pour de nombreux savants l’occasion de faire un long périple de plusieurs années en s’arrêtant dans les grandes villes et en rencontrant les savants et maîtres des régions éloignées. Sur le voyage d’al-Qurṭubī, voir G. de Callataÿ et S. Moureau, « A Milestone in the History of Andalusī Bāṭinism : Maslama b. Qāsim al-Qurṭubī’s Riḥla in the East », dans M. Fierro, S. Schmidtke et S. Stroumsa (dir.), Histories of Books in the Islamicate World (Intellectual History of the Islamicate World, 4), Leiden, Brill, 2016, p. 85-116.
9 Voir les articles mentionnés dans les deux notes précédentes, de même que G. de Callataÿ et S. Moureau, « Again on Maslama Ibn Qāsim al-Qurṭubī, the Ikhwān al-Ṣafāʾ… and Ibn Khaldūn : New Evidence from Two Manuscripts of the Rutbat al-ḥakīm », Al-Qanṭara, 37-2, 2016, p. 329-372.
10 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 309, 363-364 et 388 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 322, 377 et 396 ; Picatrix. The Latin Version, p. 188, 207 et 217. Sur cette compilation, voir notamment J. Hämeen-Anttila, Ibn Wahshiyya and his Nabatean agriculture, Leiden, Brill, 2006.
11 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 37 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 35 ; Picatrix. The Latin Version, p. 23 (sous le titre De ymaginibus, qui est celui que retient également la traduction latine de ce texte, effectuée au xiie siècle par Jean de Séville). Sur ce traité, dont la version de Jean de Séville a été éditée par F. J. Carmody, The Astronomical Works of Thabit b. Qurra, Berkeley-Los Angeles, 1960, p. 179-197, voir notamment Ch. Burnett, « Thābit ibn Qurra the Ḥarrānian on Taslimans and the Spirits of the Planets », La corónica, 36-1, 2007, p. 13-40.
12 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 54-55 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 55-56 ; Picatrix. The Latin Version, p. 32. Le texte arabe du Kitāb al-thamara / Centiloquium et de son commentaire par Aḥmad ibn Yusūf a fait l’objet d’une édition et d’une traduction italienne : Aḥmad ibn Yusūf ibn al-Dāya, Commento al Centiloquio tolemaico, a cura di F. Martorello e G. Bezza, Milano-Udine, Mimesis, 2013 (p. 70-75 pour la 9e proposition).
13 Voir la traduction de V. Chébiri, Le Livre du But du Sage, p. 52-53. De fait, Maslama eut par la suite la réputation d’être devenu un « maître dans les incantations prophylactiques et les talismans » (ṣāḥib ruqā wa-ṭilasmāt).
14 Sur les traductions latines du Centiloquium, voir en dernier lieu J.-P. Boudet, « The Latin Medieval Versions of Pseudo-Ptolemy’s Centiloquium », dans Ptolemy’s Science of the Stars in the Middle Ages, colloque du Warburg Institute de Londres organisé par Ch. Burnett, B. Van Dalen, D. N. Hasse et D. Juste, 5-7 novembre 2015, à paraître chez Brepols dans la collection « Ptolemaeus Arabus et Latinus ».
15 Voir Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 278-279 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 285-286 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 211-212 ; Picatrix. The Latin Version, p. 167-168 ; trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 285-286.
16 Pour une présentation du personnage, voir J.-Ch. Coulon, La magie islamique et le « corpus bunianum » au Moyen Âge, thèse de doctorat de l’Université de Paris IV Sorbonne, préparée sous la direction d’Abdallah Cheikh-Moussa et Ludvik Kalus, soutenue en 2013, p. 224-229.
17 Voir notamment P. Kraus, Jābir ibn Ḥayyān. Contribution à l’histoire des idées scientifiques dans l’islam, Le Caire, Imprimerie de l’institut français d’archéologie orientale, 1942, vol. 1, p. 30 et vol. 2, p. 59.
18 Pseudo-Masʿūdī [Ibrāhīm b. Waṣīf Shāh], Akhbār al-zamān, Beyrouth, Dār al-Andalus li-l-ṭibāʿa wa-l-nashr, 1966, p. 197-199 ; trad. B. Carra de Vaux, L’Abrégé des merveilles, traduit de l’arabe d’après les manuscrits de la Bibliothèque nationale de Paris, Paris, 1898, p. 255-258, nouv. éd., Paris, Sindbad, 1984, p. 222-226.
19 H. Toelle et K. Zakharia, À la découverte de la littérature arabe, Paris, Flammarion, 2005, p. 100.
20 Wa-lam ara fī ʿuyūbi l-nāsi ʿayban / ka-naqṣi l-qādirīna ʿalā l-tamāmi. Pseudo-Maǧrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 52 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 52 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 45.
21 Al-Mutanabbī, Dīwān Abī l-Ṭayyib al-Mutanabbī, éd. Badr al-Dīn Ḥāḍirī et Muḥammad Ḥammādī, Beyrouth, Dār al-sharaf al-ʿarabī, 1995, p. 370.
22 959 est l’année de fin de composition de la Ghāya d’après les dates données dans les manuscrits. Cela invite plusieurs remarques permettant d’émettre des hypothèses sur la présence de ce vers. Tout d’abord, ce ne sont pas les poètes qui écrivent leur propre anthologie (dīwān) : il s’agit de compilations tardives destinées à consigner leurs vers, et des erreurs de datation des vers ou des erreurs d’attribution sont relativement fréquentes. Le vers pourrait donc bien être d’un panégyriste antérieur à al-Mutanabbī, soit que ce poète l’ait repris dans une de ses compositions, soit que le compilateur du dīwān l’ait inséré fautivement (sciemment ou non). Il se peut également qu’il s’agisse d’un vers de début de carrière qu’aurait pu entendre Maslama al-Qurṭubī lors de son voyage en Orient. Si le vers est toutefois bien d’al-Mutanabbī et que la date de 959 est correcte, cela peut également indiquer qu’al-Qurṭubī aurait remanié son texte comme cela se faisait fréquemment au Moyen Âge, ou que le vers aurait été ajouté a posteriori par un continuateur.
23 Nil deterius in hominibus quam scientes velle sophistice apparere et scienciam non habere. Cf. Picatrix. The Latin Version, p. 29 ; trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 85. Cf. Phèdre, § 275.
24 Ce terme polysémique vient de bāṭin (caché, ésotérique). Il fut d’abord appliqué pour qualifier des courants chiites et notamment l’ismaélisme (chiisme septimain), qui promeut une interprétation ésotérique du Coran. Par extension et selon les contextes, tous les tenants d’une doctrine à contenu ésotérique ont pu être qualifiés de bāṭinī, notamment les philosophes et les soufis (mystiques). Sur l’ismaélisme, voir par exemple M.-A. Amir-Moezzi et Ch. Jambet, Qu’est-ce que le shî’isme ?, Paris, Fayard, 2004 ; D. De Smet, La philosophie ismaélienne : un ésotérisme shi’ite entre néoplatonisme et gnose, Paris, Les Éditions du Cerf, 2012.
25 Fierro, « Bāṭinism in Al-Andalus », p. 88.
26 Nous pensons en particulier à la magie anglo-saxonne. Voir A. Berthoin-Mathieu, Prescriptions magiques anglaises du xe au xiie siècle. Étude structurale, 2 vol., Paris, Publications de l’Association des Médiévistes Anglicistes de l’Enseignement Supérieur, 1996. Sur cette « tradition commune » de la magie, voir plus généralement R. Kieckhefer, Magic in the Middle Ages, Cambridge, CUP, 1989, chap. 4, p. 56-94.
27 Picatrix. The Latin Version, p. 9-14. Voir Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 14-23 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 15-21 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 19-24 ; trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 54-60.
28 Picatrix. The Latin Version, p. 15-22. Voir Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 27-36 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 25-33 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 27-34 ; trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 64-74.
29 Ce n’est qu’au ve/xie siècle que sulṭān devient un titre personnel. L’histoire du passage du sens impersonnel de détenteur d’un pouvoir politique à celui de titre attribué d’une façon personnelle à des souverains demeure quelque peu obscure, mais c’est en 443/1051 que le calife donne pour la première fois au saljūqide Tughril Beg le titre de sultan.
30 Dans le texte arabe, les noms sont Šams pour l’arabe, Mahr pour le persan (traduit en latin par « chaldéen »), Īliyūs pour le grec (byzantin) et Āras pour l’indien. Šams est bien le terme arabe pour le Soleil, mais sa transcription en Yazemuz semble ici défier toute logique.
31 Picatrix. The Latin Version, p. 128 : Quando Solem orare volueris et aliquid ab ipso petere, sicut esset peticio gracie regis et amoris dominorum, et dominaciones et huiusmodi acquirendi, fortunabis Solem ipsumque in ascendente ponas, et hoc in die et hora eius. Et induas te regalibus vestibus, sericis et croceis cum auro mixtis, et in tuo capite coronam auream ponas, in tuo vero digito annulum aureum deferas ; et in forma sublimium hominum Caldeorum te parabis quia eorum ascendentis fuit dominus. Et ingrediaris domum sequestratam et operi deputatam, et dextram tuam super sinistram ponas, et aspicias Solem verecundiose et humili aspectu quemadmodum timidus et verecundus aspicit. Deinde thuribulum aureum accipas formosumque gallum formosum collum habentem, supra quod collum candelam ceream parvam accensam ponas, que sit in capite unius ligni magnitudinis palme situata ; et in igne thuribuli ponas suffumigacionem inferius nominatam. Et dum Sol elevatur, versus ipsum revolvas gallum ; fumo vero thuribuli continue ascendente, dicas : « Tu qui es radix celi et es super omnes stellas et super omnes planetas, sanctus et honoratus, rogo te ut peticionem meam exaudias, et mihi graciam et amorem talis regis et ceterorum aliorum regum concedas. Coniuro te, per illum qui tibi lumen tribuit et vitam. Tu es lumen mundi. Invoco te cunctis nominibus tuis, videlicet in arabico Yazemiz, in latino Sol, in caldeo Maher, in romano Lehuz, in indiano Araz. Tu es lux mundi et eius lumen ; in medio planetarum existis. Tu es qui generacionem tua virtute et calore facis in mundo, in tui loco sublimatus. Peto te tua altitudine et voluntate ut sic me iuvare digneris quod talis rex et ceteri alii reges terre in altum et sublimem locum me ponant ut dominacionem atque altitudinem habeam quemadmodum tu es ceterorum planetarum et stellarum dominus, et a te eorum lucem et lumen recipiunt. Queso te qui es radix totius firmamenti ut erga me habeas pietatem, et in meis precibus tibi factis et oracionibus advertas. » Voir Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 216 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 227-228 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 170-171 ; trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 229-231 (que nous avons modifiée), et plus généralement J. Véronèse, « Les recettes magiques pour s’attirer les faveurs des grands », dans M. Gaude-Ferragu, Br. Laurioux et J. Paviot (dir.), La Cour du Prince, Cour de France, cours d’Europe, xiie-xve siècle, Paris, Champion, 2011, p. 321-338 (ici p. 331-332).
32 Sur les Sabéens de Ḥarrān, voir notamment J. Ö. Hjärpe, Analyse critique des traditions arabes sur les Sabéens ḥarraniens, thèse de théologie, Uppsala, Skriv Service, 1972 ; T. Green, The City of the Moon God, Religious Traditions of Harrān, Leiden, Brill, 1992 ; D. Pingree, « The Ṣābians of Ḥarrān and the Classical Tradition », International Journal of the Classical Tradition, 9/1, 2002, p. 9-21 ; K. Van Bladel, The Arabic Hermes : from Pagan Sage to Prophet of Science, Oxford, Oxford University Press, 2009 ; G. de Callataÿ et B. Halflants, Epistles of the Brethren of Purity. On Magic. I. An Arabic Edition and English Translation of EPISTLE 52a, New York, Oxford University Press, 2011.
33 D. Pingree, « Al-Ṭabarī on the Prayers to the Planets », Bulletin d’Études Orientales, 44, 1992, p. 105-117.
34 Sur les textes scientifiques et magiques traduits ou compilés à l’initiative d’Alphonse X, outre les travaux pionniers de D. Romano, « Le opere scientifiche di Alfonso X et l’intervento degli Ebrei », dans Oriente e Occidente nel Medioevo : filosofia e scienze (Congrès de Rome, 9-15 avril 1969), Rome, 1971, p. 677-711, voir notamment J.-P. Boudet, Entre science et nigromance. Astrologie, divination et magie dans l’Occident médiéval ( xiie-xve siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006, p. 189-190, et L. Fernández Fernández, Arte e Ciencia en el scriptorium de Alfonso X el Sabio, Et Puerto de Santa María, Universitad de Sevilla-Cátedra Alfonso el Sabio, 2013.
35 Picatrix. The Latin Version, p. 1-2. Voir par exemple, pour comparaison, d’un côté, le prologue du Lapidario (considéré comme une œuvre d’astronomia : Alfonso el Sabio, Lapidario, Libro de las formas e imágenes que son en los cielos, éd. P. Sánchez-Prieto Borja, Madrid, Fundación José Antonio de Castro, 2014, p. 3-6) et celui des traités d’astrologie traduits par Judas ben Moshé (Aly Aben Ragel, El Libro Conplido en los Iudizios de las Estrellas, éd. G. Hilty, Madrid, 1954, p. 3 ; Alfonso el Sabio, Libro de las cruzes, éd. L. A. Kasten et L. R. Kiddle, Madrid-Madison, 1961, p. 1) et par Gilles de Thebaldis (Ptholomeus, Quadripartitum, avec le commentaire d’Hali Abenrudian, Venise, B. Locatello, fol. 2ra-b, éd. J.-P. Boudet dans « Le modèle du roi sage aux xiiie et xive siècles : Salomon, Alphonse X et Charles V », Revue historique, 310-3, 2008, p. 561-562), et, de l’autre, le prologue anonyme du Libro de las formas e ymagenes dans Alfonso el Sabio, Lapidario, p. 329. Le manuscrit alphonsin du Libro de astromagia est moins significatif car il n’a été conservé que d’une façon partielle et il est dépourvu de prologue : voir Alfonso X el Sabio, Astromagia (Ms. Reg. lat. 1283a), éd. A. D’Agostino, Naples, Liguori Editore, 1992.
36 D. Pingree, « Between the Ghaya and the Picatrix, I : the Spanish Version », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes (désormais: JWCI), 44, 1981, p. 27-56 (27-28).
37 Picatrix. Un traité de magie médiéval, p. 27-31.
38 Picatrix. The Latin Version, p. 20-21. Voir Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 34 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 32 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 32 ; trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 71-72.
39 Picatrix. The Latin Version, p. 161-165. Voir Pingree, « Between the Ghaya and the Picatrix, I : the Spanish Version ».
40 Picatrix. The Latin Version, p. 228-234. Voir Pingree, « Between the Ghaya and the Picatrix II : the Flos naturarum ascribed to Jābir », JWCI, 72, 2009, p. 41-80.
41 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 169-171 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 176-181 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 139-143.
42 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 138-144 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 145-151 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 113-117. Sur le rituel de la tête divinatoire, voir notamment Green, The City of the Moon God, p. 178-180. Maslama dit que c’est sous le règne du calife abbasside al-Muqtadir (295/908-320/932) que cette tête aurait été sortie d’un temple et inhumée sur son ordre, après que les Sabéens ont été contraints de se cacher.
43 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 225 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 237 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 176.
44 Picatrix. The Latin Version, p. 135 : Sapientes autem qui oraciones et sacrificia fecerunt planetis in moschetis faciunt predicta. […] Et dicunt quod Hermes hoc iussit facere in moschetis sive in eorum ecclesiis. Trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 240.
45 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 352-360 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 368-374 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 267-272.
46 Picatrix. The Latin Version, p. 19-20. Voir Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 33 et 35 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 31 et 33 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 31-33 ; trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 70.
47 Picatrix. The Latin Version, p. 200-201. Voir Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 341-344 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 358-360 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 261-262 ; trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 333-335.
48 L’hypothèse ancienne selon laquelle « Picatrix » serait une mauvaise translittération du mot « Buqratis » (Hippocrate) a été remise en question par J. Thomann, « The Name Picatrix : Transcription or Translation ? », JWCI, 53, 1990, p. 289-296. On pense plutôt désormais qu’il s’agirait d’une traduction provenant du ism Maslama : la racine s-l-m donne le verbe salama, piquer ou mordre (se dit du serpent), et en castillan picatriz, d’après la racine latine picare (espagnol picar).
49 Il y a 33 occurrences de nigromantia dans la traduction latine, ce mot désignant la magie en général (à l’instar de l’arabe siḥr), et non pas la nécromancie, comme c’est le cas dans des textes latins depuis la seconde moitié du xie siècle : voir le Novum glossarium mediae latinitatis ab anno DCCC usque ad annum MCC, La Haye, 1965, col. 1165, et J.-P. Boudet, « Nigromantia : brève histoire d’un mot », dans Geomancy and Other Forms of Divination, Actes du colloque de Trente (11-12 juin 2015), à paraître à Florence, SISMEL-Edizioni del Galluzzo (Micrologus’ Library).
50 Ch. Burnett, « Nirānj, a Category of Magic (almost) Forgotten in the Latin West », dans Cl. Leonardi et Fr. Santi (dir.), Natura, scienze e società medievali : Studi in onore di Agostino Paravicini Bagliani, Firenze, SISMEL-Edizioni del Galluzzo, 2008, p. 37-66. Il est également question de confectio (au lieu d’opus) dans le livre III : cf. Picatrix. The Latin Version, p. 276, s. v. confectio.
51 Ch. Burnett, « Magic in the Court of Alfonso el Sabio : the Latin Translation of the Ghāyat al-Ḥakīm », dans J.-P. Boudet, M. Ostorero et A. Paravicini Bagliani (dir.), De Frédéric II à Rodolphe II. Astrologie, divination et magie dans les cours ( xiiie-xviie siècle), à paraître à Florence, SISMEL-Edizioni del Galluzzo (Micrologus’ Library).
52 Picatrix. The Latin Version, p. 5 : Nigromanciam appellamus omnia que homo operatur et ex quibus sensus et spiritus sequuntur illo opere per omnes partes et pro rebus mirabilibus quibus operantur quod sensus sequatur ea admeditando vel admirando.
53 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 6-7 : wa-l-siḥr ḥaqīqatuhu ʿalā l-iṭlāq kull mā saḥara l-ʿuqūl wa-nqādat ilay-hi l-nufūs min jamīʿ al-aqwāl wal-aʿmāl bi-maʿnā l-taʿajjub wa-l-inqiyād wa-l-iṣghāʾ wa-l-istiḥsān ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 7. Transcription et traduction française de J.-Ch. Coulon (idem pour les citations suivantes).
54 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 7 : fa-bi-l-jumla l-siḥr huwa mā khafiya ʿalā ʿuqūl al-akthar sababu-hu wa-ṣaʿuba istinbāṭu-hu ; Picatrix. The Latin Version, p. 5 : Et generaliter nigromanciam dicimus pro omnibus rebus absconditis a sensu et quas maior pars hominum non apprehendit quomodo fiant nec quibus de causis veniant.
55 Picatrix. The Latin Version, p. 5 : Et ymagines sapientes appellant telsam, quod interpretatur violator, quia quicquid facit ymago, per violenciam facit, et pro vincendo facit illud pro quo est composita. Le mot magica, compris comme adjectif substantivé, apparaît 36 fois dans le texte latin, soit un peu plus que nigromantia (33 occurrences). Le mot ymago est omniprésent dans l’ensemble du traité.
56 Picatrix. The Latin Version, p. 6 ; pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 9 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 9.
57 Voir par exemple le compte rendu que Max Lejbowicz a consacré à cette traduction dans les CRMH, 10, 2003.
58 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 5 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 5 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 12 : inna Llāh taʿālā ʿillat al-ʿālam wa-l-ʿālam maʿlūlu-hu wa-l-sabab taʿabbudu-hu iyyā-hum bi-ʿilmi-him iyyā-hu wa-iqrāri-him bi-wujūdi-hi kamā qāla ʿazza wa-jalla {wa-mā khalaqtu l-jinna wa-l-insa illā li-yaʿbudūni}.
59 Traduction Bakhouche et alii, p. 45 ; Picatrix. The Latin Version, p. 4 : Et scias quod ipse Deus est factor et creator tocius mundi omniumque rerum existencium in ipso et quod iste mundus et omnia in ipso existencia ab ipso altissimo sunt creata. Et racio huius est nimis profunda et fortis ad comprehendendum ; et id quod ex ea comprehendi potest cum studio et sciencia habetur. Et hoc est maximum donum quod ipse Deus hominibus dedit, ut studeant scire et cognoscere. Nam studere servire Deo est.
60 Voir Ibn Manẓūr, Lisān al-ʿarab, Le Caire, Dār al-maʿārif, 1981, vol. 4, p. 3080.
61 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 9 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 9-10 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 15 : wa-aḥsan anwāʿ al-siḥr al-ʿilmī huwa l-kalām wa-naḥwa hādhā l-ishāra bi-qawli-hi - ṣallā Llāh ʿalay-hi wa-sallama - « inna min al-kalām la-siḥr » wa-min dhālika qawl al-muʾayyad Aflāṭūn fī Kitāb al-Fuṣūl « kamā yarjiʿu la-ka l-ṣadīq ʿaduww bi-l-kalām al-sayyiʾ ka-dhālika yanqalibu la-ka l-ʿaduww ṣadīq bi-l-kalām al-ḥasan » a-laysa hādhā min qabīl al-siḥr ?
62 Ibn Manẓūr, Lisān al-ʿarab, vol. 1, p. 407.
63 Trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 49 ; Picatrix. The Latin Version, p. 6 : Et eciam verba sunt in una parcium nigromancie quia verba in se habent nigromancie virtutem. Ideo dicit Plato quemadmodum amicus malis et opprobriosis verbis fit inimicus, sic bonis et amicabilibus verbis inimicus efficitur amicus. Et ex hoc patet quod verbum in se habet potenciam nigromancie. Et maior fortitudo est quando plures fortitudines ad invicem coniunguntur ; et tunc est completa virtus nigromancie. Et hec est theorica.
64 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 9-10 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 10 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 15 ; comparer avec la traduction de T. Fahd, « Le monde du sorcier en Islam », Sources orientales, 7, 1966, p. 157-203, ici p. 191, note 14 : wa-ʿlam yā akhī anna min al-siḥr mā huwa mustafād wa-min-hu mā huwa ḥiyalī fa-min al-mustafād [p. 10] mā kāna yaṣnaʿu-hu ḥakīm al-dawra l-qamariyya wa-naḥw hādhā l-ishāra bi-qawlihi – ʿazza wa-jalla – {fa-khudh arbaʿatan mina l-ṭayr} wa-min al-ḥiyalī mā kāna yaṣnaʿu-hu ḥakīm al-dawra l-zuḥaliyya wa-ayḍan mā kāna yaṣnaʿu-hu ḥakīm al-dawra l-zuhariyya.
65 T. Fahd, « Sciences naturelles et magie dans “Gāyat al-ḥakīm” du pseudo-Maŷrīṭī », Ciencias de la Naturaleza en al-Andalus, éd. E. Garcia Sánchez, Grenade, Consejo Superior de Investigaciones Cientificas, 1990, vol. 1, p. 14.
66 T. Fahd, « L’agriculture nabatéenne en Andalousie », Ciencias de la Naturaleza en al-Andalus, éd. C. Álvarez de Morales, Grenade, Consejo Superior de Investigaciones Cientificas, 1996, vol. 4, p. 43.
67 Ibn Waḥšiyya, al-Filāḥa l-nabaṭiyya, éd. T. Fahd, Damas, Institut Français de Damas, 1993, vol. 1, p. 9.
68 Trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 50 ; Picatrix. The Latin Version, p. 6 : Et scias quod nigromancia uno modo acquiritur actibus et operibus, et alio modo subtilitate. Illa vero que acquiritur actibus et operibus acquiritur ex magisterio quod operatus est sapiens mundi de circulo Lune et sapiens qui locutus fuit in libro De alfilaha ut dicit in eodem libro loco in quo dicitur quod accipias quatuor aves. Et pars que acquiritur subtilitate est ex operibus quibus operatus est ille sapiens qui operatus est in motibus circuli Saturni ac eciam sapiens in motibus circuli Veneris. Et hi duo sapientes eciam locuti fuerunt in preallegato libro.
69 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 11 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 11 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 16 : wa-naḥw hādhā l-maʿrifa ishārat al-ḥakīm al-awwal bi-qawli-hi anā lladhī rufiʿtu fawqa l-sabʿa aflāk, wa-innamā arāda bi-qawli-hi rufiʿtu idrāka-hā ʿilman bi-quwwati-hi l-fikriyya wa-naḥw-hā l-ishāra bi-qawli-hi - ʿazza wa-jalla - {wa-rafaʿnā-hu makānan ʿaliyyan}.
70 Trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 51 ; Picatrix. The Latin Version, p. 7 : Et hoc est quod dicit primus sapiens qui locutus est in libro preallegato De alfilaha. ubi dicit : me supra 7 celos elevaverunt. Vult dicere quod scivit omnes suos motus cum suis qualitatibus per vim cognicionis et sensus. Et hoc est quod ait Deus quando dixit : exaltemus eum in altum. Vult enim dicere quod : ei demus sensum et intellectum ut ad altas sciencias valeat pervenire.
71 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 335 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 351 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 256 : wa-bi-ḥaqq ayyuhā l-nāẓir mā kānat hātān al-natījatān natījatay hādhihi l-ʿulūm li-anna-hu lā yadraku-hā wa-lā yuḥīṭu bi-hā wa-lā yastanbiṭu-hā wa-nẓur qawlī yastanbiṭu-hā illā man ḥaṣṣala hādhihi l-ʿulūm ʿalā ḥaqqi-hā wa-ṣaddaqa-hā wahuwa l-faylasūf al-tāmm fa-ʿasā-ka ayyu-hā l-nāẓir tantabihu min nawm al-ghufla kay tushāhida mā shāhadat-hu l-ḥukamāʾ al-awwalūn min al-marāʾī l-ilāhiyya wa-l-masmūʿāt al-rūḥāniyya wa-yaṣduru ʿan-ka mā ṣadara ʿan-hum fa-takūnu fāʿilan fī ʿālami-ka muʾthiran li-l-āthār al-badīʿa bi-ḥuṣūl al-shabh bi-l-ilāh ʿalā ḥasab al-ṭāqa l-insāniyya wa-naḥw hādhihi l-ishāra bi-qawlihi - ʿazza wa-jalla - {innī jāʿilun fī l-arḍi khalīfatan}. Wa-dhkur mā dhakara-hu Abū Bishr Mattā b. Yūnus fī sharḥ al-thāmina mimmā baʿda l-ṭabīʿa li-Arisṭū min anna Thābit b. Qurra qāla l-insān kāna nāqaʿa-hu fī l-ḥisāb wa-qad kāna qāla la-hu inna Llāh taʿālā qādir ʿalā kull shayʾ fa-qāla la-hu Thābit a-fa-yaqdaru Llāh an yajʿala jumlat al-maḍrūb min khamsa fī khamsa aqall min khamsa wa-ʿishrīn aw akthar min-hā fa-askata-hu wa-lam yajid la-hu jawāban.
72 Trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 330-331 ; Picatrix. The Latin Version, p. 199 : Post omnia ista iste duo conclusiones quas diximus ex dictis decem artibus recte consequuntur ; nam qui has decem nesciverit artes numquam dictas conclusiones attinget. Postea vero que usque nunc diximus temetipsum sollicitare oportet et necessarie ascendere ad sciencias omnes supradictas sciendas, quia cum in ipsis perfectus efficieris, ad ea attinges que sapientes antiqui attigerunt, et intelliges sapientum opera et sciencias spirituales, et facies ea que faciebant ipsi. Et secundum quod opus erga spiritus prout in viribus animalium consistit feceris ab altissimo graciam consequeris. Et hoc est quod ex secretis dictis comprehenditur prophetarum.
73 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 341 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 358 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 261.
74 J. Bonnéric, « Réflexions sur l’usage des produits odoriférants dans les mosquées au Proche-Orient (ier/viie-vie/xiie s.) », Bulletin d’Études Orientales, 64, 2015, p. 293-317.
75 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 180-181 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 190-192 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 146-147 ; Picatrix. The Latin Version, p. 104-106 ; trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 198-200.
76 Wa-kāna hunāka ġulām min ahl Balkh mūsir ḥasan al-ṣūra lā yuṭmaʿu fī-hi qabḍ ʿalay-hi wa-zaʿama anna-hu yuḥḍiru-hu wa-yaqūdu-hu ilā l-ṭāʿa wa-mufāraqat niʿmati-hi wa-mulāzamat dārī ilā an yūḥalla-hu wa-yufarrija ʿan-hu bi-khtiyārī fa-ṭālabtu-hu bi-ʿamal dhālika ṭalaban li-l-fāʾidatayn maʿan fāʾidat al-ʿilm wa-fāʾidat al-ladhdha.
77 Ikhwān al-Ṣafāʾ, Rasāʾil Ikhwān al-Ṣafāʾ, Beyrouth, Dār Ṣādir, 2008, vol. 3, p. 277.
78 Sur la question des relations homosexuelles masculines dans le monde musulman médiéval, voir F. Lagrange, Islam d’interdits, islam de jouissance, Paris, Téraèdre, 2008 ; M. Mezziane, « Sodomie et masculinité chez les juristes musulmans du ixe au xie siècle », Arabica, 55, 2008, p. 276-306 ; C. Adang, « Ibn Ḥazm on Homosexuality. A Case-Study of Ẓāhirī Legal Methodology », Al-Qantara, 24, 2003, p. 5-31 ; la même, « Love between Men in Ṭawq al-ḥamāma », dans C. de la Puente (dir.), Identidades marginales, Madrid-Grenade, CSIC, 2003, p. 111-146.
79 Voir J.-P. Boudet, « Un traité de magie astrale arabo-latin : le Liber de imaginibus du pseudo-Ptolémée », Natura, scienza e società medievali. Studi in onore di Agostino Paravicini Bagliani, éd. C. Leonardi et F. Santi, Florence, SISMEL-Edizioni del Galluzzo, 2008, p. 17-35 ; le même, « Nature et contre-nature dans l’astrologie médiévale : le cas du Centiloquium du pseudo-Ptolémée », La nature comme source de la morale au Moyen Âge, éd. M. Van der Lugt, Florence, SISMEL-Edizioni del Galluzzo, 2014, p. 383-410. Voir également le Libro de las formas e ymagenes dans Alfonso el Sabio, Lapidario, p. 353, où, dans un chapitre inspiré par « Timtim » (Tomtom al-Hindī), un talisman fabriqué sous l’influence du 14e degré de la Vierge vise à « fazer amar un omne a otro por sodomítico ».
80 J.-Ch. Coulon, « Fumigations et rituels magiques : le rôle des encens et fumigations dans la magie arabe médiévale », Bulletin d’Études Orientales, 64, 2015, p. 179-248.
81 Pseudo-Majrīṭī, Das Ziel des Weisen, p. 341-342 ; “Picatrix”. Das Ziel des Weisen, p. 358-359 ; trad. arabo-française de Chébiri, p. 261 : dukhnat al-shams : yuʾkhidhu min al-sunbul ʿaṣāfīriyya wa-min al-ṣandal aṣfara-hu wa-aḥmara-hu min kull wāḥid khamsat mathāqīl wa-min al-suʿdī wa-qashr al-salīkha l-ḥamrāʾ min kull wāḥid thalāthat mathāqīl wa-min al-qusṭ mithqālān wa-min adghimat al-ʿaṣāfīr wa-l-nusūr [p. 342] wa-dimāʾi-himā min kull wāḥid ʿashrat mathāqīl wa-bi-sawāʾ yakūnu l-dam wa-l-dimāgh yajmaʿu l-kull baʿd al-saḥq wa-yaluttu bi-ʿasal muzāl raghwati-hi bi-ghayri-hi wa-yaṣnaʿu aqrāṣan kull qarṣ min-hā zinat naṣf dirham thumma yujaffifu li-l-shams wa-fī awān ʿamali-hā tunādī wa-tastaʿīnu bi-rūḥāniyyat al-shams al-muwakkila bi-l-jihāt al-sitt kay tartabiṭa quwā-hā fī l-akhlāṭ thumma tarfaʿu-hā li-waqt al-ḥāja li-dhālika.
82 Trad. latino-française de Bakhouche et alii, p. 334 ; Picatrix. The Latin Version, p. 201 : Suffumigacio Solis. Recipe Borum spice nardi, sandali crocei et rubei ana 3 x, ciperi, thymi, cassie lignee rubee ana 3 vi, costi 3 ii, cerebri aquile Ieiusque sanguinis, cerebri gatti eiusque sanguinis ana 3 xx. Ea siccare permittas ; et omnia per ordinem facias ut superius in aliis fecisti.
83 Le terme désigne en arabe aussi bien l’aigle que le vautour. Il s’agit cependant d’un terme moins fréquent que ʿuqāb pour désigner l’aigle.
84 Voir Aḥmad b. Ḥanbal, Musnad, V, 309.
85 Sur les représentations liées au chat dans l’Islam médiéval, voir M. H. Benkheira, C. Mayeur-Jaouen et J. Sublet, L’animal en Islam, Paris, Les Indes savantes, 2005, p. 98-100.
86 L. Bobis, Le chat. Histoire et légendes, Paris, Le Seuil, 2000, p. 191-208 ; Witchcraft in Europe, 400-1700. A Documentary History, éd. A. C. Kors et E. Peters, 2e éd., Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2001, p. 114-116; K. Walker-Meikle, Chats du Moyen Âge, trad. L. Bury, Paris, Les Belles Lettres, 2013, p. 74-82. Voir également L. Moulinier-Brogi, « Le chat des cathares de Mayence et autres “primeurs” d’un exorcisme du xiie siècle », Retour aux sources. Textes, études et documents d’histoire médiévale offerts à Michel Parisse, Paris, Picard, 2004, p. 699-709.
87 Bakhouche et alii ont traduit par « noyaux de cerises ».
88 Bakhouche et alii ont traduit par « tiges de germandrée ». Une sorte de polium est effectivement assimilable à la germandrée : cf. G. Ducourthial, Flore magique et astrologique de l’Antiquité, Paris, Belin, 2003, p. 517, n. 63.
89 Benkheira, Mayeur-Jaouen et Sublet, L’animal en Islam, p. 69.
90 L’assarus/assarum (ou assara baccara ; synonymes : bachira, vulgago) est attesté dans le De materia medica de Dioscorides (I, 9), dans le Dioscorides alphabeticus (f. 3r, s.v. « Asarus »), dans le De medicamentorum facultatibus de Galien (VI, 63, p. 840), dans le De gradibus de Constantin l’Africain (éd. Bâle, 1539, p. 369), dans le Canon d’Avicenne (II, ii, 4, e), dans le Macer floridus (v. 1532-1568) et dans le Circa instans (s.v. « Asara »). Nous tenons à remercier Iolanda Ventura pour toutes ces informations.
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Référence papier
Jean-Patrice Boudet et Jean-Charles Coulon, « La version arabe (Ghāyat al-ḥakīm) et la version latine du Picatrix », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 33 | 2017, 67-101.
Référence électronique
Jean-Patrice Boudet et Jean-Charles Coulon, « La version arabe (Ghāyat al-ḥakīm) et la version latine du Picatrix », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 33 | 2017, mis en ligne le 16 août 2020, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14695 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14695
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