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AccueilNuméros34Le sens des formesDe la rhétorique à la tectonique

Le sens des formes

De la rhétorique à la tectonique

Mise en livre et construction du sens chez les lecteurs de Christine de Pizan (xviiie et xxie siècles)
Sarah Delale
p. 259-272

Résumés

En étudiant depuis une perspective contemporaine les témoignages des lecteurs du xviiie siècle sur des textes médiévaux, l’article montre l’opposition de deux régimes de lecture. Le premier conçoit le texte comme une rhétorique linéaire. Le second reconstruit une tectonique textuelle pour faire émerger de ses failles un sens caché. Ces deux régimes de lecture sont préparés par le texte, qui ordonne sa forme en fonction d’une visée à la fois typologique (ou syntagmatique) et herméneutique (ou tabulaire).

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Texte intégral

  • 1 Louise-Félicité de Keralio, Collection des meilleurs ouvrages françois composés par des femmes, déd (...)

1Louise-Félicité de Keralio, qui publia partiellement les œuvres de Christine de Pizan dans sa Collection des meilleurs ouvrages françois, composés par des femmes, dédiée aux femmes françoises1, écrit en introduction à son édition du Livre de la mutacion de Fortune :

  • 2 Collection des meilleurs ouvrages françois, t. III, 1787, p. 111-112.

Il seroit impossible de rendre compte du plan des ouvrages de Christine, et lorsqu’elle commençoit à écrire, il est douteux qu’elle en eut un formé ni dans sa tête, ni sur le papier. Sans être de l’avis de ceux qui croient les femmes incapables d’en former un, il faut avouer qu’au quatorzième siècle, les ouvrages, en général, paroissoient n’en avoir aucun ; il sembloit qu’un auteur, quel qu’il fût, choisissoit un sujet et le traitoit, sans s’embarrasser ensuite de choisir aussi les objets qui avoient un rapport direct et nécessaire avec l’objet principal. Il écrivoit tout ce que ses idées lui fournissoient, ne savoit circonscrire aucunes bornes autour de son sujet, et divaguoit perpétuellement, ne songeant à revenir à la chose essentielle qu’après de longs détours et des promenades, au milieu desquelles l’esprit égaré oublioit sa véritable route, et sembloit ramené à de nouvelles idées, lorsque l’auteur s’avisoit enfin de revenir lui-même à la première. Aussi les ouvrages de ce siècle sont-ils d’une extrême longueur ; il falloit alors des volumes énormes pour dire ce qu’on a quelquefois exprimé depuis dans de simples brochures2.

Il existe un écho intéressant entre ce jugement et une lecture fautive que Christine avait prévue pour ses textes. Opinion lui avait déclaré dans Le Livre de l’advision Cristine :

  • 3 Christine de Pizan, Le Livre de l’advision Cristine, éd. Ch. Reno et L. Dulac, Paris, Champion, 200 (...)

Et si te prophetise que ceste lecture sera de plusieurs tesmoingnee diversement. Les ungs sur le langaige donront leur sentence en plusieurs manieres : diront qu’il n’est pas bien elegant, les autres que la composicion des materes est estrange. Et ceulx qui l’entendront en diront bien3.

  • 4 Sur ce personnage, on pourra lire G. Mazel, « Louise de Kéralio et Pierre François Robert : précurs (...)
  • 5 Cet intérêt de l’auteur à l’égard de l’ordonnance livresque, visible dans bien des passages de ses (...)

2Comment concilier le point de vue de l’éditrice et traductrice éprouvée qu’est Mademoiselle de Keralio4 et l’intérêt constant que Christine porte à la composition de ses ouvrages5 ? De la « circonscription des bornes » à la « composition des matières », un même souci de la forme du texte unit deux esthétiques, quand les sépare peut-être une conception divergente des genres littéraires.

  • 6 H. R. Jauss, « Littérature médiévale et théorie des genres », trad. É. Kaufholz, Théorie des genres (...)

3Hans Robert Jauss avait proposé de définir le genre comme l’inscription d’une œuvre dans un horizon d’attente, qui « n’aurait aucun autre caractère de généralité que celui qui apparaît dans [sa] manifestation historique6 ». Mademoiselle de Keralio montre à quel point les jugements critiques sur le plan et la forme des œuvres se construisent sur des attentes propres à chaque époque. Face aux ouvrages médiévaux, l’éditrice cherche à reconstituer un parcours d’auteur, qu’il soit parcours idéal, celui de la ligne droite, ou parcours incompris et condamné, celui du « détour » où l’on « divague ». Cette reconstitution a pour principal guide l’épaisseur textuelle : tout ouvrage est d’abord purement et simplement un « volume ». Le mystère de l’ordonnance livresque s’impose au lecteur à travers sa présentation, sa présence matérielle.

  • 7 La nature du « paratexte » et son rapport à la disposition restent encore aujourd’hui problématique (...)
  • 8 Sur la pensée en réseaux, voir G. Deleuze et F. Guattari, Capitalisme et Schizophrénie. Mille Plate (...)

4Rattacher un texte à un genre est donc toujours reconnaître un genre dans une forme, forme à la fois intellectuelle (cette « composition des matières » dont parlait Christine) et matérielle (qu’on pourrait appeler la mise en livre7 du texte). Cette forme apparaît pour elle-même, mais n’est intelligible que par ressemblance avec des formes proches ou semblables. Le rôle de l’éditeur critique consiste à résorber son mystère en acclimatant son altérité. Par la reconnaissance de chemins discursifs attendus, le propos d’auteur trouve sa place dans une carte littéraire où tout nouvel ouvrage intègre des constellations textuelles8. Opération destinée à se renouveler constamment, à chaque mutation des pratiques littéraires contemporaines qui modifie d’autant l’horizon d’attente.

5Il existe de fait un écart d’horizon d’attente important entre les lecteurs classiques et les lecteurs du xxie siècle. Cet écart se perçoit sur deux plans très différents. On peut d’une part l’appréhender à travers les jugements critiques portés par des époques distinctes sur la composition d’une œuvre. Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V constitue un champ d’exploration intéressant dans cette perspective puisqu’il a été publié à trois reprises durant le siècle des Lumières. En étudiant d’autre part la manière dont les copistes du xviiie siècle rendent compte de la mise en livre d’un manuscrit médiéval et l’adaptent, il est possible de s’interroger sur la relation qui existe entre présentation matérielle d’un texte et appréhension de sa forme littéraire. Comment la composition et la mise en livre informent-elle le genre textuel dans l’esprit des lecteurs ?

Le Charles V : formes historiques et horizon d’attente

6Commandité par Philippe de Bourgogne, Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V est rattaché par la critique actuelle à la tradition des « miroirs des princes ». L’ouvrage, fondé sur une base historique, viserait à édifier les successeurs à la couronne de France. C’est ce rôle spéculaire qui pourrait expliquer le plan tripartite de l’ouvrage, exaltant les vertus de Charles au détriment d’un récit strictement chronologique. Dès la table des rubriques liminaire, le Charles V dévoile une construction thématique :

  • 9 Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, t. I, p. 1.

Cy commence la table des rubriches de cest present volume appellé le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles, Ve roy d’ycellui nom, fait et compilé par Cristine de Pizan, demoiselle, […] et est parti le dit livre en troys parties.
La premiere partie parle de noblece de courage en la personne du dit roy Charles, et quel chose est tel noblece.
Item, la seconde partie parle de chevalerie, et dont vint le nom, en appliquant à propos [de] la personne du roy Charles.
Item, la tierce partie parle de sagece, quel chose ce est, et de quoy elle est née9.

  • 10 Op. cit., p. 59.
  • 11 Cl. Le Ninan, Le Sage Roi et la clergesse. L’Écriture du politique dans l’œuvre de Christine de Piz (...)

Un des principes d’écriture structurants du livre, pour Claire Le Ninan, consiste à comparer Charles V à des gouvernants du passé. Les anecdotes de la vie du souverain font diptyque avec des exempla et gagnent à travers eux un statut générique. Christine expliquerait cette méthode d’écriture dans le chapitre xxii de la première partie, où elle écrit du roi qu’on peut « ramener son eslue maniere d’ordre à l’egalité des nobles anciens bien renommez10 ». Comme l’explique Claire Le Ninan, « ces quelques mots annoncent […] l’élaboration d’un système analogique : le bon comportement du roi sera comparé à celui d’un sage du passé11 ». Une partie de l’écriture politique de Christine reposerait sur ces jeux de miroir :

  • 12 Op. cit., p. 333.

Les exempla des miroirs des princes proposent essentiellement des modèles à imiter. Une relation se construit avec le lecteur qui l’invite à se projeter dans le personnage mis en scène pour mieux le copier. Dans le Charles V, ce lien analogique est double. Découpée en courts récits, la vie du roi prend la forme d’exempla qui, touche par touche, constituent le portrait de Charles V en souverain exemplaire, grâce à une comparaison entre ses actes et les faits de personnages antiques connus pour leur valeur morale et politique. Le roi est dans le même mouvement offert comme modèle au lecteur12.

  • 13 Abbé J. Lebeuf, Dissertations sur l’histoire ecclésiastique et civile de Paris suivies de plusieurs (...)
  • 14 Jean-Antoine Roucher, Collection universelle des mémoires particuliers relatifs à l’Histoire de Fra (...)
  • 15 Collection des meilleurs ouvrages françois, t. II, p. 171-296.

La lecture du Charles V donna lieu au xviiie siècle à des interprétations très différentes. Il fut édité par l’abbé Lebeuf en 174313 et cette édition fut reprise sous forme condensée par deux autres éditeurs, Jean-Antoine Roucher14 et Mademoiselle de Keralio15. Les trois éditeurs adoptent unanimement le principe de l’édition partielle, expurgée en particulier de tous les exempla antiques. L’abbé Lebeuf note à propos de Christine :

  • 16 Dissertations sur l’histoire ecclésiastique et civile, p. 101-102.

Comme elle use quelquefois de redites, & qu’elle a cru devoir orner sa rélation de longues réflexions morales, & de traits tirés des Auteurs Grecs ou Romains, j’ai omis à dessein toutes ces choses qui n’auroient fait que charger l’impression16.

  • 17 Dissertations sur l’histoire ecclésiastique et civile, p. 124.

Le chapitre qui, selon Claire Le Ninan, explicite la structuration stylistique du texte en couples d’exempla est lui-même supprimé par Lebeuf qui note à son emplacement : « chapitres xxi. & xxii. Ne contiennent rien de considerable17 ». Jean-Antoine Rouchet approuve cette démarche en écrivant en introduction de son édition :

  • 18 Collection universelle des mémoires particuliers, p. 89.

Nous nous sommes convaincus que les suppressions faites par l’Abbé le Beuf ne tombent que sur des inutilités & sur des digressions absolument étrangères aux faits qui sont racontés. Christine de Pisan entraînée par le mauvais goût de son siècle, rappelle les exploits des héros de l’antiquité dont elle forme des paralleles avec ceux de Charles ; ou bien elle disserte longuement sur des points de morale triviale & commune18.

« Inutilités », « digressions » : comment interpréter une terminologie qui pourrait à tort paraître naïve ? Il est nécessaire de la penser dans une perspective rhétorique, telle que la ressaisit Ugo Dionne :

  • 19 U. Dionne, La Voie aux chapitres, p. 18.

Science de l’organisation du discours, pour laquelle le texte est d’abord une surface à agencer, la rhétorique s’oppose à la tectonie. Art pratique, pragmatique, peu préoccupé de vérité transcendante, elle délaisse les significations camouflées au profit de la seule mécanique textuelle19.

  • 20 U. Dionne, La Voie aux chapitres, p. 457.

Une telle conception de la narrativité privilégie « la linéarité du discours, spontanément associée à son intelligibilité20 » et

  • 21 Ibid. Christine définit la rhétorique comme un art d’agencement linéaire du discours, touchant l’or (...)

une parfaite concordance entre le titre d’un texte et son « propos ». De cette conception littéraliste et nouée participe une condamnation générale du digressif. L’une des principales tâches du romancier consistera dès lors à gérer l’excursus, à justifier sa présence ou à lui bloquer l’accès21.

On comprend mieux, dans cette perspective, que Mademoiselle de Keralio ait condamné l’absence de plan dans les œuvres de Christine, si par « plan » on veut désigner l’agencement linéaire d’un discours porté sur un sujet unique. L’éditrice écrit d’ailleurs à propos de l’organisation du Charles V :

  • 22 Collection des meilleurs ouvrages françois, t. II, p. 241-242.

troublée par l’abondance des matières, par la fécondité des sujets que présente l’histoire, [Christine] ne put les classer, ni les mettre dans un ordre clair et facile ; et […] ne pouvant ou n’osant former de plan, son génie interdit ne put lui fournir les moyens de créer un genre dont elle avoit peu de modèles dans sa nation22.

  • 23 Sur la faveur des chroniques médiévales auprès des lecteurs classiques, voir H. Duranton, « Éditer (...)

L’écart entre l’horizon d’attente d’un éditeur classique et celui d’un universitaire du xxie siècle est double. Premièrement, la forme textuelle du Charles V est envisageable pour les classiques uniquement dans la perspective des genres historiques reconnus. C’est en ayant à l’esprit une telle structure – celle des chroniques ou celles des annales23 – que Louise de Keralio peut écrire à propos de l’ouvrage de Christine :

  • 24 Collection des meilleurs ouvrages françois, t. II, p. 295-296. Pour Claire Le Ninan en revanche, Ch (...)

si elle avoit su bien choisir tout ce que Froissard et ces chroniques lui offroient, elle auroit composé vraiment une histoire de son prince, et non pas un panégyrique assez froid et surchargé d’ornemens ; car on ne peut pas même gratifier son ouvrage du titre d’annales, l’ordre chronologique lui étant absolument inconnu. […] Christine auroit été capable de mieux faire, même dans ce genre difficile, si elle avoit employé à ce grand morceau un peu plus de temps, de recherches, de soins et de choix24.

7Si le Charles V ne convainc pas, c’est qu’on ne peut le rattacher à une de ces constellations textuelles qui dessineraient avant ou après lui, puis avec lui, le modèle d’un genre. L’insatisfaction d’un horizon d’attente historiquement déterminé, la difficulté à reconnaître dans le texte une forme déjà connue, poussent à formaliser une corrélation entre unicum et imperfection, elles discréditent le texte en tant qu’étoile errante.

  • 25 U. Dionne, La Voie aux chapitres, p. 18.

8Deuxièmement, une divergence apparaît dans la manière d’appréhender la notion même de plan d’un ouvrage. Puisque la rhétorique classique « délaisse les significations camouflées au profit de la seule mécanique textuelle25 », elle cherche à dérouler une interprétation linéaire du texte. En recourant à des outils d’interprétation herméneutique, où le sens s’articule dans un déchiffrement tabulaire, Claire Le Ninan aboutit quant à elle à une vision très différente de la même œuvre :

  • 26 Cl. Le Ninan, Le Sage Roi et la clergesse, p. 373.

Le principe interprétatif qui régit l’écriture et la lecture allégorique s’applique également, de façon différente, aux exempla […]. Plus que la comparaison explicite, le véritable message, celui dont l’enjeu par rapport au contexte contemporain est le plus important, et qui, pour cette raison, implique le plus l’écrivaine, est à chercher dans le lien implicite faisant appel à l’intelligence du lecteur et à sa capacité de déchiffrer la littérature de son temps26.

  • 27 U. Eco, Lector in fabula. Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narra (...)

Cerner la forme d’une œuvre revient ici à envisager le texte comme « un artifice syntaxico-sémantico-pragmatique dont l’interprétation prévue fait partie de son propre processus génératif », comme « un système de nœuds ou de “joints” » où la coopération interprétative du lecteur « est attendue et stimulée27 ». La lecture intelligente correspond au déchiffrement allégorique des sens de l’écriture : la signification se dissimule derrière le littéral en s’y superposant. Dans les théories de la lecture, l’herméneutique prend la place de la rhétorique : le texte s’analyse comme tectonique, comme espace construit sciemment sur des frottements de sens dont le lecteur doit tirer une dynamique interprétative. Quand on lit le jugement que porte Louise de Keralio sur l’allégorie au quinzième siècle, on mesure le rejet auquel était promise une telle lecture dans le cadre de la poétique classique :

  • 28 Collection des meilleurs ouvrages françois, t. III, p. 1-2.

[L]es auteurs agréables du temps de Charles VI, ont, pour ainsi dire, tous passé leurs jours au milieu des esprits et des lutins. […]. La fiction enveloppe le plus souvent des vérités très-utiles sous une plate allégorie, dont l’esprit tâche perpétuellement à se débarrasser pour en venir à la morale, qu’il cherche et ne peut trouver, tant elle est entortillée dans les voiles qu’on a multipliés autour d’elle. […] Si quelquefois Esope et La Fontaine ont enveloppé sous d’agréables fictions une morale utile, admirons en même-temps combien ces mêmes fictions sont simples, et combien l’application la plus fine et la plus délicate en est facile aux esprits formés28.

9Esthétique classique de la facilité et de la linéarité, qui s’oppose à une esthétique moderne de l’effort, de l’intelligence du lecteur : ce sont ces conceptions poétiques qui déterminent la perception des formes textuelles et les modalités de leur inclusion dans les genres littéraires.

Copier les manuscrits médiévaux : mise en livre et économie narrative

  • 29 Il s’agit des manuscrits BnF fr.12779 et Chantilly, Musée Condé 492-493.
  • 30 Ce manuscrit est désormais numérisé et consultable sur Gallica : http://gallica.bnf.fr.
  • 31 L’étude de référence sur cet érudit est toujours celle de L. Gossman, Medievalism and the ideologie (...)
  • 32 Sur la lecture et la copie de manuscrits médiévaux par Lacurne, voir M. Colombo-Timelli, « La récep (...)
  • 33 La copie est numérisée et consultable sur Gallica.
  • 34 La copie est numérisée et consultable sur Gallica.
  • 35 C’est le cas pour la copie du Dit des trois jugemens, A fol. 151v (« Place de la mignature » ; pas (...)
  • 36 Pour un exemple, voir le retrait conservé pour la signature de Christine dans A (fol. 280r) et dans(...)

10Parmi les manuscrits conservés des œuvres de Christine de Pizan, beaucoup ont été supervisés par leur auteur. En tant qu’éditeur de ses textes, Christine a compilé plusieurs recueils autographes dont le premier, réalisé entre 1399 et 1402 et surnommé le « Livre de Christine », survit dans deux copies originales29. Au xviiie siècle, la copie actuellement conservée à la Bibliothèque nationale de France30 (L) était en la possession de Lacurne de Sainte-Palaye, membre de l’Académie des Inscriptions et l’une des principales figures du médiévisme à l’époque classique31. Lacurne de Sainte-Palaye faisait copier les manuscrits ne lui appartenant pas pour en conserver un exemplaire et recopier ceux qu’il possédait pour en lire plus aisément le contenu32. Il a fait réaliser deux copies du recueil de Christine de Pizan, désormais conservées sous les cotes BnF, Arsenal 329533 (A) et BnF, Moreau 168634 (M). Œuvre d’une main plus hésitante, M laisse souvent des blancs à l’emplacement de mots non retranscrits ; A a pu être réalisée plus tard, le scribe ayant alors peut-être sous les yeux l’original et la copie M. Ces deux copies, réalisées à la plume et à l’encre noire, cherchent à atteindre dans une certaine mesure la dimension d’un fac-similé : elles transcrivent une colonne de manuscrit par page, A indiquant même en haut de la marge de gauche le numéro du folio correspondant dans L. Les deux copies laissent généralement un blanc lorsqu’une miniature figure dans l’original, A explicitant dans une annotation marginale son emplacement35. Tous les blocs textuels ou presque sont conservés : il semble que les scribes aient considéré comme important cet agencement linéaire du texte. Dans les Epistres du debat sus le Rommant de la Rose, paragraphes, retraits et suscriptions sont reproduits : la présentation épistolaire fait toujours pleinement sens à cette époque36. Dans les textes versifiés, lorsqu’il existe dans le manuscrit original, le découpage strophique est conservé. Mais la copie monochrome nécessite d’adapter les éléments de mise en livre manuscrite que sont les rubriques, les pieds-de-mouche ou les initiales.

  • 37 Voir par exemple la rubrique liminaire des Epistres du debat sus le Rommant de la Rose dans M, fol. (...)

11Les rubriques, lorsqu’il s’agit de titres, sont parfois sorties ou centrées. Pour en rendre compte, il arrive aussi que le copiste augmente le corps des premiers mots, suivant un usage du titrage en noir et blanc37.

  • 38 Voir le traitement des pieds-de-mouche des Notables moraulx (L, fol. 149v sq.) dans A (fol. 294v sq (...)

12Les initiales décorées et pieds-de-mouche, éléments qui ne relèvent pas de la macrostructure du texte mais plutôt de son articulation interne, ont en revanche connu un traitement très fluctuant. Tandis que M ne signale aucun pied-de-mouche, A s’efforce de les noter à l’aide d’un crochet38.

  • 39 On pourra s’en convaincre en observant le rendu aléatoire de l’initiale liminaire de l’Epistre au d (...)
  • 40 Voir en particulier le début du Dit des trois jugemens (L fol. 77v ; A fol. 151v ; M fol. 149v).

13Le rendu des initiales décorées reste flottant : elles sont assez rarement signalées39. À l’ouverture des textes, lorsqu’une initiale de plusieurs unités de réglure avait provoqué dans le manuscrit original un retrait du texte, il arrive que le retrait soit reproduit sans que la transcription ne rende compte de l’initiale40.

  • 41 Le Dit de la Pastoure, dans Œuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. Maurice Roy Paris, Firmin-D (...)
  • 42 Seul A contient une copie de ce texte.
  • 43 Ces cadelures, qui prolongent le jambage supérieur des lettres situées à la première ligne d’écritu (...)
  • 44 On peut citer également un cas où le rendu de l’initiale de L a été oublié puis réintroduit par un (...)

14Quant aux initiales intratextuelles, qui articulent le propos au sein des ouvrages, elles provoquent de la part des copistes des réactions multiples. La copie du Dit de la pastoure41 dans la copie A témoigne de l’indécision d’un scribe face à un élément de mise en livre dont il ne semblait pas saisir le rôle42. Certaines initiales sont rendues par adaptation, un corps supérieur ayant été appliqué au mot entier qu’elles introduisaient (A, fol. 313r et 313v ; L, fol. 159r). D’autres sont rendues de façon peu ou très peu claire à l’aide d’une majuscule et ne peuvent être discriminées avec certitude à la lecture (A, fol. 311r, 312r et 314r ; L, fol. 158r, 158v et 159v). Cette dernière adaptation introduit une confusion avec les majuscules qui rendent compte des lettres cadelées du manuscrit original, comme si le scribe ne percevait pas de différence signifiante entre les initiales décorées et les cadelures en termes de structuration textuelle (A, fol. 313r et 329r ; L, fol. 159r et 167v)43. Elle est également fragilisée par une tendance du scribe, en haut d’une nouvelle page, à commencer mécaniquement sa transcription par une majuscule alors que le manuscrit original contient une minuscule (A, fol. 322v et 344v ; L, fol. 163v et 174v). En matière d’initiales décorées, il est donc impossible de percevoir une cohérence dans la pratique du copiste, de même qu’il serait impossible au lecteur de la copie A de reconstituer le programme de décoration du manuscrit original44.

15À quoi correspondent ces initiales dans Le Dit de la pastoure ? Il est possible de les interpréter comme un soulignement des articulations rhétoriques du propos, mais on peut aussi considérer certaines d’entre elles comme les signes indicateurs d’une signification cachée, cette parabole couverte que Christine mentionnait dans le prologue du dit :

  • 45 Le Dit de la pastoure, v. 24-32.

Et m’est avis, qui veult drois
Y visier, qu’on puet entendre
Qu’a aultre chose veult tendre
Que le texte ne desclot,
Car aucune fois on clot
En parabole couverte
Matiere a tous non ouverte
Qui semble estre truffe ou fable,
Ou sentence gist notable45.

  • 46 Le Dit de la pastoure, initiales précédant les v. 1324 (« Ne te souvient il, Marote » ; L, fol. 167(...)

Le récit retrace les amours d’une bergère et d’un chevalier et s’interrompt sans réelle conclusion narrative, la bergère demeurant sans nouvelles de son amant et attendant son retour. Plusieurs initiales attirent l’attention du lecteur sur l’insertion centrale de deux exempla rapportant les amours de Pâris et d’Œnone, puis d’Hercule et d’Iole46. Or ces exempla peuvent être lus comme la matrice narrative de l’histoire de la bergère, destinée dès son origine, par l’intertexte, à s’achever sur l’abandon de la jeune femme par l’amant, même si le récit se clôt sans actualiser cette fin probable. L’opération de lecture qui consiste à compléter un récit en apparence inachevé à l’aide d’histoires insérées en son sein est bien décrite par Alessia Marchiori :

  • 47 A. Marchiori, « La parabole couverte delle Heroides : intertestualità ovidiane nel Dit de la Pastou (...)

[L]e syllogisme présupposé par la relecture de chaque mythe invite à interroger le texte dans ses interstices et ses silences, et à chercher la vérité dans la fusion entre les paroles de la pastoure et l’insertion mythologique ; en ce sens, la parabole couverte des Héroïdes n’en finit pas d’être éloquente47.

16Là encore, les critiques modernes s’appuient sur le présupposé que Christine de Pizan en appelait à l’intelligence et à la culture du lecteur pour remplir un interstice du récit, pour faire la cartographie tectonique du texte et tirer une interprétation de ses lignes de faille.

17Le copiste de A ne semble pourtant pas sensible à la valeur herméneutique des initiales décorées, qui l’embarrassent dans sa copie et pour lesquelles, contrairement aux pieds-de-mouche, il ne cherche pas à inventer d’équivalence graphique. Comme le signale Ugo Dionne à propos de l’époque classique, l’idée que certains éléments de la mise en livre aient une destination principalement interprétative

  • 48 U. Dionne, La Voie aux chapitres, p. 107.

suppose […] une conception du découpage narratif que peu de romanciers pratiquent alors : celle d’une segmentation qui révélerait la structure immanente de l’ouvrage, en soulignerait et en exprimerait le dessin, en épouserait les mouvements et les ruptures48.

  • 49 U. Eco, Lector in fabula, p. 150-153.

18L’évacuation des initiales pourrait bien venir d’une indifférence à l’égard de la lecture tabulaire. Traiter un sujet correspond pour un lecteur « linéariste » à le circonscrire dans des bornes. L’existence d’une signalétique invitant le lecteur à sortir du texte proprement dit, pour effectuer ce qu’Umberto Eco appelle justement des « promenades inférentielles49 » vers l’ailleurs interprétatif, ne peut susciter chez lui qu’un désintérêt ou une condamnation du détour.

Conclusion

19Rhétorique et tectonique : à la fourche séparant ces deux notions naît une différence fondamentale d’appréhension littéraire, éloignant l’âge classique du nôtre. À la fourche qui les réunit, on peut discerner deux modèles d’organisation textuelle non contradictoires et non exclusifs l’un de l’autre. La mise en livre médiévale posséderait deux fonctions : une fonction typologique, en tant qu’elle rapproche le texte transcrit de modèles existants, qu’elle en assure la lisibilité et l’appréhension rhétorique et linéaire ; une fonction herméneutique, qui veillerait au bon fonctionnement de la signification en plaçant pour le futur lecteur les bornes d’un itinéraire interprétatif. Si nous avons aujourd’hui tendance à appuyer nos lectures critiques sur la seconde fonction, l’idée d’un balisage herméneutique du texte semble être demeurée opaque à certains siècles qui nous séparent du Moyen Âge.

  • 50 U. Eco, Les Limites de l’interprétation, trad. M. Bouzaher, Paris, Librairie générale française, 19 (...)
  • 51 Collection des meilleurs ouvrages françois, t. II, p. 295.

20Que conclure de ces constatations ? Que l’horizon d’attente des hommes du Moyen Âge était plus proche du nôtre que de celui de l’époque classique ? Que la mode du structuralisme et de ses lectures héritées de la psychanalyse n’a fait que renouer avec l’herméneutique chrétienne ? Qu’il faut au contraire nous méfier de nos lectures tabulaires des textes, de ces interprétations qui cherchent à sortir de la linéarité du discours pour entrer dans les structures secrètes d’une pensée qui se dissimule ? L’unique certitude est que notre époque, sans qu’on puisse déterminer si elle comprend mieux le Moyen Âge, fait à celui-ci le crédit plus grand d’une intelligence littéraire. Entre deux écueils, celui de la surinterprétation qui a tant travaillé les dernières décennies50 et celui d’un refus de l’interprétation (qui fait conclure à Mademoiselle de Keralio que Christine aurait « été capable de mieux faire51 »), le chemin le plus profitable, pour dangereux qu’il soit, reste toujours le plus généreux.

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Notes

1 Louise-Félicité de Keralio, Collection des meilleurs ouvrages françois composés par des femmes, dédiée aux femmes françoises, Paris, Lagrange, 13 t. (I, 1786, II-IV et X, 1787, IX et XII-XIV, 1788, V et VI, 1789, les t. VII et VIII n’ont jamais paru). Ce projet éditorial visait à publier les œuvres de femmes ayant contribué à l’élaboration et l’excellence de la littérature française. Seuls des textes d’Héloïse, Christine de Pizan, Marguerite de Navarre, Louise Labé et Madame de Sévigné ont paru. Le projet initial, qui prévoyait 36 tomes, incluait Madame de La Fayette et des auteurs du xviiie siècle comme Madame Dacier, mais il s’est interrompu après 1789. Le commentaire et l’édition des œuvres de Christine de Pizan occupent les t. II (p. 108-467) et III (p. 1-132).

2 Collection des meilleurs ouvrages françois, t. III, 1787, p. 111-112.

3 Christine de Pizan, Le Livre de l’advision Cristine, éd. Ch. Reno et L. Dulac, Paris, Champion, 2001, p. 89-90 : Opinion prophétise à la narratrice la réception réservée à cet ouvrage.

4 Sur ce personnage, on pourra lire G. Mazel, « Louise de Kéralio et Pierre François Robert : précurseurs de l’idée républicaine », Bulletin de la société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, 1989, p. 163-237 et A. Geffroy, « Louise de Keralio, traductrice, éditrice, historienne et journaliste, avant 1789 », Lectrices d’ancien régime, éd. I. Brouard-Arends, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2003, p. 103-112. Sur l’édition des œuvres de Christine dans la Collection, voir Cl. Le Brun-Gouanvic, « Mademoiselle de Keralio, commentatrice de Christine de Pizan au xviiie siècle, ou la rencontre de deux femmes savantes », Christine de Pizan. Une femme de science, une femme de lettres, éd. J. Dor et M.-É. Henneau, Paris, Champion, 2008, p. 325-341.

5 Cet intérêt de l’auteur à l’égard de l’ordonnance livresque, visible dans bien des passages de ses œuvres, se rencontre en particulier dans le troisième chapitre de la première partie du Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, intitulé « Cy dit la cause, pour quoy ce present volume sera traittié en distinction de trois parties » (Christine de Pisan, Le livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, éd. S. Solente, Paris, Champion, Publications pour la Société de l’histoire de France, 2 t., 1936-1940, ici t. I, p. 9). Christine a réfléchi aux relations entre construction du sens et organisation narrative dans Le Livre des epistres du debat sus le Rommant de la Rose (éd. A. Valentini, Paris, Classiques Garnier, 2014). À ce sujet, on pourra lire R. Brown-Grant, « A new context for reading the “Querelle de la Rose” : Christine de Pizan and medieval literary theory », Au Champ des escriptures, Paris, Champion, 2000, p. 581-595 (une version plus étendue de cet article constitue le premier chapitre de R. Brown-Grant, Christine de Pizan and the Moral Defence of Women, Cambridge / New York, Cambridge University Press, 1999, p. 7-51).

6 H. R. Jauss, « Littérature médiévale et théorie des genres », trad. É. Kaufholz, Théorie des genres, éd. Gérard Genette et alii, Paris, Le Seuil, 1986, p. 37-76, ici p. 42 (cet article a d’abord paru dans la revue Poétique, 1, 1970, p. 79-101, et donne la traduction abrégée du chapitre « IV. Theorie der Gattungen und Literatur des Mittelalters », Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters, vol. I : Généralités, éd. H. R. Jauss, E. Köhler et alii, Heidelberg, Carl Winter, 1972, p. 107-138).

7 La nature du « paratexte » et son rapport à la disposition restent encore aujourd’hui problématiques sur le plan critique, outre que la notion a été conçue en fonction du livre imprimé (à ce sujet, voir U. Dionne, La Voie aux chapitres. Poétique de la disposition romanesque, Paris, Le Seuil, 2008, p. 201-205). La dénomination de mise en livre permet de développer à l’échelle d’un ouvrage entier les outils qui ont enrichi l’étude de la mise en texte et de la mise en page dans les manuscrits, en particulier depuis la publication de Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, éd. H.-J. Martin et J. Vezin, Paris, Cercle de la librairie, Promodis, 1990.

8 Sur la pensée en réseaux, voir G. Deleuze et F. Guattari, Capitalisme et Schizophrénie. Mille Plateaux, Paris, Minuit, 1980, p. 9-37. Voir aussi M. Foucault, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969.

9 Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, t. I, p. 1.

10 Op. cit., p. 59.

11 Cl. Le Ninan, Le Sage Roi et la clergesse. L’Écriture du politique dans l’œuvre de Christine de Pizan, Paris, Champion, 2013, p. 356.

12 Op. cit., p. 333.

13 Abbé J. Lebeuf, Dissertations sur l’histoire ecclésiastique et civile de Paris suivies de plusieurs éclaircissements sur l’histoire de Paris, Paris, Lambert & Durand, t. III, 1743, p. 82-389. Sur les éditions de textes médiévaux à l’époque classique, voir Accès aux textes médiévaux, de la fin du Moyen Âge au xviiie siècle, éd. M. Guéret-Laferté et Cl. Poulouin, Paris, Champion, 2012, et en particulier les contributions d’E. Bury, A. Montoya, H. Duranton, F. Bessire, V. Sigu et M. Colombo Timelli.

14 Jean-Antoine Roucher, Collection universelle des mémoires particuliers relatifs à l’Histoire de France, Londres & Paris, rue d’Anjou-Dauphine no 6, t. V, 1785.

15 Collection des meilleurs ouvrages françois, t. II, p. 171-296.

16 Dissertations sur l’histoire ecclésiastique et civile, p. 101-102.

17 Dissertations sur l’histoire ecclésiastique et civile, p. 124.

18 Collection universelle des mémoires particuliers, p. 89.

19 U. Dionne, La Voie aux chapitres, p. 18.

20 U. Dionne, La Voie aux chapitres, p. 457.

21 Ibid. Christine définit la rhétorique comme un art d’agencement linéaire du discours, touchant l’ordre du propos. La discipline « nous enseigne ordener / Noz parolles et raisonner / Par mesure et par ordre attraict, / Selon le propos qu’on retrait ; / C’est l’ordenance des parleurs / De beau lengage et des dicteurs » (Christine de Pisan, Le Livre de la mutacion de fortune, éd. Suzanne Solente, Paris, Picard, SATF, 1959-1964, 4 t., ici t. II, 1959, v. 7977-7982) ; elle « enseigne la fourme de savoir mettre les paroles en ordre de beau lengage » (Le livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, t. II, p. 34). On peut dans cette mesure l’opposer à la « poesie », puisqu’elle constitue un discours visant la clarté, le sens évident et univoque : « si que dit saint Thomas “comme il appere que Aristote vueille clerement enseigner la verité, et par consequent impugner Platon, Socrates et les autres, qui ont parlé couvert, et ont en ombre escriptes leurs doctrines, toutefois il ne dispute à eulx selon verité occulte, mais selon le sens apparent par dehors” » (Le livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, t. II, p. 178).

22 Collection des meilleurs ouvrages françois, t. II, p. 241-242.

23 Sur la faveur des chroniques médiévales auprès des lecteurs classiques, voir H. Duranton, « Éditer la littérature médiévale au temps des Lumières », Accès aux textes médiévaux, p. 357-371, en particulier p. 364-365.

24 Collection des meilleurs ouvrages françois, t. II, p. 295-296. Pour Claire Le Ninan en revanche, Christine montre dans le Charles V « qu’elle a assimilé les traités politiques faisant autorité pour les réinvestir dans une forme biographique où le fait historique narré ne constitue que la manifestation concrète d’un système de valeurs le dépassant » (Cl. Le Ninan, Le Sage Roi et la clergesse, p. 353).

25 U. Dionne, La Voie aux chapitres, p. 18.

26 Cl. Le Ninan, Le Sage Roi et la clergesse, p. 373.

27 U. Eco, Lector in fabula. Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs, trad. M. Bouzaher, Paris, Librairie générale française, 1989, p. 84.

28 Collection des meilleurs ouvrages françois, t. III, p. 1-2.

29 Il s’agit des manuscrits BnF fr.12779 et Chantilly, Musée Condé 492-493.

30 Ce manuscrit est désormais numérisé et consultable sur Gallica : http://gallica.bnf.fr.

31 L’étude de référence sur cet érudit est toujours celle de L. Gossman, Medievalism and the ideologies of the Enlightenment. The World and Work of La Curne de Sainte-Palaye, Baltimore, The Johns Hopkins Press, 1968. Voir aussi M. Colombo-Timelli, « La réception du Chevalier au Lion de Chrétien de Troyes à la fin du xviiie siècle : La Curne de Sainte-Palaye et la Bibliothèque Universelle des Romans », Accès aux textes médiévaux, p. 455-469 et V. Sigu, Médiévisme et Lumières. Le Moyen Âge dans la “Bibliothèque universelle des romans”, Oxford, Voltaire Foundation, 2013.

32 Sur la lecture et la copie de manuscrits médiévaux par Lacurne, voir M. Colombo-Timelli, « La réception du Chevalier au Lion de Chrétien de Troyes », p. 468-469 et V. Sigu, Médiévisme et Lumières, p. 64, 73 et 135. Sur le rapport de Lacurne à la littérature médiévale, voir L. Gossman, Medievalism and the ideologies of the Enlightenment, chapitre 7, « The Publication of medieval texts », p. 254-267.

33 La copie est numérisée et consultable sur Gallica.

34 La copie est numérisée et consultable sur Gallica.

35 C’est le cas pour la copie du Dit des trois jugemens, A fol. 151v (« Place de la mignature » ; pas de mention dans M, fol. 149v ; L fol. 77v), des Notables moraulx, A fol. 294v (« icy est la place de la Mignature » ; pas de mention dans M, fol. 279r ; L fol. 149v) et du Dit de la Pastoure, A fol. 309v (« icy est la mignature » ; ce texte ne figure pas dans M ; L fol. 157r).

36 Pour un exemple, voir le retrait conservé pour la signature de Christine dans A (fol. 280r) et dans M (fol. 290r) ; L fol. 142r.

37 Voir par exemple la rubrique liminaire des Epistres du debat sus le Rommant de la Rose dans M, fol. 289r (A n’utilise pas cet équivalent typographique, fol. 279r) ; L fol. 141v.

38 Voir le traitement des pieds-de-mouche des Notables moraulx (L, fol. 149v sq.) dans A (fol. 294v sq.) et dans M (fol. 279r sq.).

39 On pourra s’en convaincre en observant le rendu aléatoire de l’initiale liminaire de l’Epistre au dieu d’Amours (L fol. 65v ; A fol. 128r ; M fol. 126r) ou du Dit de la rose (L fol. 72r ; A fol. 141r ; M fol. 139r).

40 Voir en particulier le début du Dit des trois jugemens (L fol. 77v ; A fol. 151v ; M fol. 149v).

41 Le Dit de la Pastoure, dans Œuvres poétiques de Christine de Pisan, éd. Maurice Roy Paris, Firmin-Didot, SATF, 3 t., 1886-1896, t. II, 1891, p. 223-294.

42 Seul A contient une copie de ce texte.

43 Ces cadelures, qui prolongent le jambage supérieur des lettres situées à la première ligne d’écriture d’une colonne, sont courantes dans les manuscrits originaux de Christine de Pizan. On en trouvera des exemples dans G. Ouy, Ch. Reno, I. Villela-Petit et al., Album Christine de Pizan, Turnhout, Brepols, 2012, p. 223, 432-433 et 463.

44 On peut citer également un cas où le rendu de l’initiale de L a été oublié puis réintroduit par un repassage de la lettre : A, fol. 324r ; L, fol. 164v.

45 Le Dit de la pastoure, v. 24-32.

46 Le Dit de la pastoure, initiales précédant les v. 1324 (« Ne te souvient il, Marote » ; L, fol. 167v) et 1444 (« Adonc a celle respons » ; L, fol. 168r).

47 A. Marchiori, « La parabole couverte delle Heroides : intertestualità ovidiane nel Dit de la Pastoure di Christine de Pizan », Christine de Pizan. La Scrittrice e la Città / L’Écrivaine et la Ville / The Woman Writer and the City, Florence, Alinea Editrice, 2013, p. 175-184, ici p. 184 : « il sillogismo presupposto nella rilettura di ogni mito invita a spremere il testo nei suoi interstizi e nei suoi silenzi e a cercare la verità nella fusione tra il detto della pastora e l’inserzione mitologica ; in questo senso, la parabole couverte delle Heroides non finisce mai di essere eloquente » (nous traduisons). Pour le développement d’une même interprétation « interstitielle », nous nous permettons de renvoyer à notre article : « Guillaume de Lorris, contre-exemple de Jean de Meun. Christine de Pizan et le modèle littéraire du Roman de la Rose », Camenulae, 13, 2015, p. 1-21.

48 U. Dionne, La Voie aux chapitres, p. 107.

49 U. Eco, Lector in fabula, p. 150-153.

50 U. Eco, Les Limites de l’interprétation, trad. M. Bouzaher, Paris, Librairie générale française, 1994.

51 Collection des meilleurs ouvrages françois, t. II, p. 295.

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Pour citer cet article

Référence papier

Sarah Delale, « De la rhétorique à la tectonique »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 34 | 2017, 259-272.

Référence électronique

Sarah Delale, « De la rhétorique à la tectonique »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 34 | 2017, mis en ligne le 31 décembre 2020, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14565 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14565

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Auteur

Sarah Delale

Université Paris-Sorbonne, EA 4349 « Étude et édition des textes médiévaux »

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