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Du meurtre en politique : regards croisés sur l'utilisation de la violence en contexte populaire

De Fuenteovejuna à la Guerre des Communautés

Sur la violence populaire en Castille à la fin du Moyen Âge
Hipólito Rafael Oliva Herrer
p. 87-106

Résumés

L’article aborde deux types de violence populaire en Castille à la fin du Moyen Âge : le meurtre du seigneur et les meurtres dans quelques villes dans les révoltes urbaines durant la guerre des Communautés de Castille. Le meurtre apparaît comme un phénomène peu fréquent et fait partie d’une gradation dans les usages de violence. Ces épisodes furent à la fois conscients et significatifs. La violence fonctionne comme un langage qui nous permet d’approcher les conceptions de ceux qui la pratiquent.

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Texte intégral

  • 1 V. Challet, « Violence as a Political Language. The Uses and Misuses of Violence in Late Medieval F (...)
  • 2 Voir l’étude classique de R. Jacob, « Le meurtre du seigneur dans la société féodale. La mémoire, l (...)
  • 3 P. Strohm, Hochon’s Arrow : The Social Imagination of Fourteenth Century Texts, Princeton, Princeto (...)
  • 4 Voir notamment les travaux réunis au sein de deux volumes collectifs déjà cites : The Voices of the (...)

1Au sein de cet article, je souhaiterais examiner deux différents types de violence populaire : le meurtre du seigneur féodal engendré par ses dépendants et la violence qui accompagne l’éclatement des révoltes urbaines dans quelques villes durant la Guerre des Communautés de Castille en 1520. La violence est sans aucun doute l’un des domaines les plus considérés par l’historiographie de ces derniers temps et les recherches s’intéressent même à la violence populaire1, bien que l’on ne trouve encore que de rares études sur l’exécution des seigneurs féo2. L’un des aspects les plus connus à propos de la violence dans la révolte est la tendance des sources, et notamment des chroniques, à criminaliser les événements en les décrivant en termes d’irrationalité et de bestialité. Les travaux de P. Sthrom, S. Justice, C. Gauvard ou, plus récemment, de A. Stella, pour ne citer que les plus importants, sont tout à fait éclairants à ce sujet3. Nonobstant, contrastant avec ces descriptions stéréotypées, des études plus récentes montrent non seulement que la violence populaire faisait partie de stratégies beaucoup plus complexes visant à poursuivre des objectifs politiques, mais aussi que les rituels de violence étaient en eux-mêmes signifiants4.

  • 5 C. Barros Guimarans, « Violencia y muerte del señor en Galicia a finales de la Edad Media », Studia (...)
  • 6 Ibid., 127.
  • 7 A. Mckay, « La semiología y los ritos de violencia: sociedad y poder en la Corona de Castilla », En (...)

2En revanche, un tel sujet n’a jamais réellement été traité par l’historiographie hispanique, plus centrée sur l’étude classique des luttes antiseigneuriales. Nous trouvons malgré tout quelques apports importants, en particulier le travail de Carlos Barros qui élabora un dossier réunissant des cas concernant la région de Galice et les analysa sous une perspective très proche de celle de Norbert Elias en ce qui concerne la conception de la violence5. Selon l’interprétation de Barros, les assassinats de seigneurs revêtent une dimension calculée, dans le cadre d’un conflit plus large. Cependant, la forte influence du travail classique de Robert Jacob amène Barros à y ajouter une autre dimension, celle de libération imaginaire, en signalant le caractère cathartique, spontané et non conscient d’une exécution convertie en un sacrifice primitif et festif, chargé de symbolisme6. Plus proche de l’interprétation actuelle de ce phénomène, le travail de A. McKay, qui chercha à interpréter le langage de la violence populaire, tend à montrer que, loin d’être des manifestations irrationnelles, ces épisodes de violence populaire donnent à voir l’appropriation de codes propres à la justice royale. Il s’agissait en somme d’utiliser un langage mutuellement compréhensible, par le biais duquel le peuple essayait de rendre légitimes ses actions7.

  • 8 Sur la violence comme langage politique, voir Challet, « Violence as a Political Language ».

3Mon objectif est de faire une révision d’ensemble. J’utiliserai des cas connus, en y ajoutant quelques éléments supplémentaires, et en partant de la prémisse selon laquelle les actes de violence populaire qui aboutirent à une exécution furent conscients et significatifs, et ce, dans une double interprétation : la violence fonctionne dans ces cas comme une forme de langage qui transmet un message, mais elle nous permet aussi de nous approcher des conceptions de ceux qui la pratiquent8.

Le meurtre du seigneur : quelques éléments significatifs

  • 9 C. Barros Guimarans, Mentalidad justiciera de los Irmandiños. Siglo XV, Madrid, Siglo XXI, 1990.
  • 10 H. R Oliva Herrer, « Popular Voices and Revolt. Exploring Anti-Noble Uprisings on the Eve of the Wa (...)

4Avant d’aborder les meurtres des seigneurs, il convient de nuancer nos propos. Ce genre d’épisodes ne se rencontre pas dans des révoltes généralisées. C’est le cas, par exemple, de la révolte des Irmandiños, au cours de laquelle on assiste à l’assaut et à la chute des châteaux seigneuriaux d’une bonne partie de la Galice9. Cependant, les nobles faits prisonniers ne furent pas exécutés. De la même manière, lors de certains soulèvements antiseigneuriaux, qui se déroulèrent pendant la Guerre des Communautés de Castille, le seigneur ne fut pas non plus exécuté, bien qu’il fût fait prisonnier10.

5En réalité, les révoltes antiseigneuriales qui se soldèrent par la mort du seigneur furent plutôt rares. Tout ceci écarte l’idée d’épisodes de violence irrationnelle ou de pure vengeance et tend à situer ces faits dans un contexte plus complexe. Cela nous informe non seulement d’une économie de la violence qui revêt une signification précise, mais aussi d’une option stratégique déclenchée dans des conditions déterminées. Il semble alors intéressant d’analyser, dans une perspective culturelle, la signification des actes de violence, mais aussi de chercher à comprendre pourquoi ils se produisent. En d’autres termes, chercher à savoir quelles sont les circonstances qui font qu’un conflit violent débouche sur une exécution.

  • 11 J. Valdeón, Los conflictos sociales en el reino de Castilla en los siglos XIV-XV, Madrid, 1972, p.  (...)
  • 12 Pedro López de Ayala, Crónica del rey don Enrique segundo de Castilla. Crónicas de los reyes de Cas (...)
  • 13 F. de Pulgar, Crónica de los Reyes Católicos, éd. J. de M. Carriazo, Madrid, Espasa-Calpe, 1943, p. (...)
  • 14 Sur la prohibition de la lapidation dans les Partidas, I. Bazán, « La pena de muerte en la Corona d (...)
  • 15 Fuero de Plasencia, ley 414. M. J. Postigo Aldeamil, « El fuero de Plasencia », Revista de Filologí (...)

6Quand et de quelle manière meurent les seigneurs féodaux en Castille des mains de leurs subordonnés ? La réponse s’élabore autour de différents modèles du meurtre d’un seigneur. Quelques-uns de ces meurtres eurent clairement lieu dans des contextes de résistance ouverte à l’exercice de l’autorité seigneuriale, particulièrement lors d’épisodes au cours desquels des villes ayant une certaine tradition d’appartenance au patrimoine royal avaient été données par les rois à certains nobles. Dans ce cas, le meurtre du seigneur apparaît comme l’ultime manière d’empêcher que les villes ne soient mises sous la dépendance du nouveau seigneur, ou bien comme une réponse à de nouvelles exigences, considérées comme démesurées. C’est ce qui se passa dans la ville de Paredes de Nava, en 1471. Il s’agit d’une ville qui appartenait au domaine royal et qui fut donnée au noble aragonais Felipe de Castro par Enrique II pendant la guerre civile castillane. Le nouveau seigneur avait demandé à Paredes le versement d’une certaine quantité d’argent, que les villageois refusèrent de payer. Alors qu’il se rendait en ville pour les punir, les habitants sortirent pour le combattre en plein champ et le tuèrent11. La concision de la narration du chroniqueur P. López de Ayala ne permet pas d’apporter plus de détails sur ce qui fut présenté comme une mort au combat12. Cela dit, d’autres épisodes d’assassinat collectif en termes de droits de résistance nous permettent d’être plus précis. Ainsi, par exemple, en 1474, le village de San Felices de los Gallegos fut donné par Enrique IV au chevalier Gracian de Sese. Quand il arriva en ville, ses voisins se soulevèrent contre lui et le tuèrent à coups de pierres13. D’une manière générale, certaines hypothèses peuvent être émises si l’on reconnaît que la mort du seigneur n’a pas lieu au hasard, mais qu’elle reproduit un comportement significatif, que nous pouvons entrevoir en considérant la façon dont l’exécution eut lieu. La lapidation était une forme d’exécution expressément interdite par la législation royale, mais elle apparaît dans de nombreuses chartes de franchises, ce qui donne à penser que de telles formes étaient reconnues par la coutume14. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une peine infligée au dépendant qui assassine son seigneur, ce qui tend à montrer que le même modèle d’exécution était reproduit, mais inversé15.

  • 16 C. Barros Guimarans, « A morte a lanzadas da condesa de Santa Marta (1470) : unha análise », A guer (...)
  • 17 Diego Enriquez del Castillo, Crónica de Enrique IV, éd. A. Sánchez Martín, Valladolid, Université d (...)

7Évidemment, l’on rencontre aussi des cas de morts seigneuriales dans des villages rattachés depuis longtemps à un seigneur. Par exemple, en l’an 1470, la comtesse de Santa Marta fut tuée à coups de lance au cours d’une révolte à Ribadavia16. Cependant, la chronique décrivant ces événements nous raconte que les habitants du village se soumirent pacifiquement à son fils, héritier de la seigneurie, car celui-ci les avait pardonnés17. Cette absence de rejet du nouveau seigneur, sûrement calculée, suggère que l’assassinat de la comtesse fut lié à son comportement, mais nous fait aussi considérer le meurtre du seigneur comme une sorte de stratégie, une façon de montrer les limites de l’exercice de l’autorité seigneuriale.

  • 18 Étudié par Barros Guimarans, « Violencia y muerte del señor », p. 142-145.
  • 19 Ibid., p. 145.
  • 20 Ibid., p. 149.

8Les cas dans lesquels le seigneur fut assassiné de façon silencieuse et clandestine vont dans le même sens. Cela nous éloigne du paradigme de la mort collective perpétrée par la communauté dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que la communauté soit à l’origine des faits. C’est ce qui arriva à Ourense, en 1419, lors d’une révolte de la noblesse et des voisins de la ville contre l’évêque, qui possédait la seigneurie18. L’évêque fut retrouvé mort près du fleuve, et cependant, personne dans la ville, ni même les membres du chapitre de la cathédrale, ne proclama qu’il avait été assassiné, ce qui était pourtant de notoriété publique, comme le mentionnent certains documents postérieurs. Ils préférèrent tout simplement ignorer les faits, qui ne sont pas même mentionnés dans les documents de pardon délivrés aux protagonistes de la révolte, en 1425. Ainsi cet épisode se referma-t-il sur le silence impuni des conspirateurs, tout autant que sur celui des ecclésiastiques19. Il se produisit un incident similaire en 1492, toujours en Galice, lorsque l’abbé du monastère de Monfero fut assassiné par une flèche, soi-disant tirée par un de ses vassaux, lors d’un retour de voyage, sans que l’on ne puisse jamais retrouver le coupable20. Dans chacun de ces cas, le meurtre du seigneur apparaît comme un recours extrême, bien que conscient, qui s’inscrit dans des processus conflictuels et dont le but est d’obtenir, sans aucun doute, une quelconque amélioration des conditions de dépendance seigneuriale.

  • 21 Ibid., p. 151.

9En troisième lieu, il serait intéressant de parler des morts dans le cadre d’exécutions publiques, ce qui nous renvoie à une notion de justice populaire. La mort du chevalier Suero de Marzoa, perpétrée par les habitants de la ville de Saint-Jacques-de-Compostelle, en est une bonne illustration. Suero de Marzoa était un petit noble ayant des liens avec le comte d’Altamira et il avait organisé une expédition de saccage de la ville lors de l’affrontement qui eut lieu entre l’archevêque de Saint-Jacques, seigneur de la ville, et le comte d’Altamira lui-même21. Quelque temps après, il fit pendre un prêtre de Saint-Jacques, à la suite de quoi les Rois Catholiques ordonnèrent sa capture, sans succès, puisqu’il se réfugia chez de proches parents. Plus tard, quand il voulut de nouveau entrer dans la ville, accompagné d’un cortège armé, les gens sortirent pour le combattre :

  • 22 Ibid.

Ils s’opposèrent à son entrée à cause de la grande haine qu’ils lui portaient… Il arriva qu’ils déchiquetèrent Suero de Marzoa et six de ceux qui l’accompagnaient, en face de la maison du prêtre qu’il avait ordonné de pendre22.

  • 23 Bazán, « La pena de muerte », p. 318.
  • 24 Par exemple dans le Fuero de Alarcón, Ley 225, consultable sur le site de CORDE.

10Dans ce cas, les habitants de la ville jouèrent le rôle d’exécuteurs, se substituant ainsi à l’autorité de la justice royale. Il est ici évident que la procédure suivie est plus complexe, puisque la détention du noble et de ses complices est suivie d’un acheminement public jusqu’à la maison du prêtre, signe manifeste d’un acte de justice en réponse à l’assassinat commis. En outre, le fait que le corps soit ensuite démembré est assez marquant. Il s’agit d’un genre de mesure qui n’est qu’exceptionnellement appliquée par la justice royale, par exemple dans certains cas de trahison présumée, ce qui ne semble pas avoir été le cas ici23. Cependant, le démembrement du cadavre apparaît comme un procédé adopté dans de nombreuses chartes de franchises, en tant que peine qui s’applique aussi lors de l’assassinat d’un seigneur24. Autrement dit, lors de la mort d’un noble perpétrée par une personne de condition inférieure. Il serait alors judicieux de se demander, comme dans le cas cité ci-dessus, si l’on n’assiste pas ici à un mécanisme d’inversion des rituels de justice habituels, dans le cadre d’un acte de réparation qui, d’une manière ou d’une autre, se prétend légitime. L’assassinat du commandeur de l’Ordre de Calatrava à Fuenteovejuna est du même ordre. C’est un épisode qui fut plus largement étudié, de par son impact dans l’imaginaire collectif.

Fuenteovejuna

  • 25 E. Cabrera et A. Moros, Fuenteovejuna. La violencia antiseñorial en el siglo XV, Barcelona, Crítica (...)
  • 26 M. I. del Val Valdivieso, « Resistencia al dominio señorial durante los últimos años del reinado de (...)

11Quelques travaux récents, tels que celui de E. Cabrera et A. Moros, illustrent assez bien les événements et permettent d’observer que la révolte de Fuenteovejuna fut un épisode complexe, au cours duquel les intérêts des villageois se mêlèrent à ceux de la ville de Cordoue, et peut-être aussi à ceux de certains nobles opposés au commandeur25. Nonobstant, E. Cabrera et A. Moros n’ont pas analysé les implications du processus selon lequel eut lieu la mort du seigneur. Il faut cependant prendre en considération le fait que la révolte de Fuenteovejuna ne fut pas l’unique révolte antiseigneuriale de ces années-là. Par exemple, les villes de Moya ou de Ágreda se soulevèrent contre leur seigneur, réclamant leur incorporation au domaine royal26.

  • 27 Sur la situation politique, M. I. del Val Valdivieso, Isabel la Católica princesa, 1468-1474, Valla (...)
  • 28 Valdivieso, « Resistencia al dominio señorial ». Sur l’impact de la propagande isabelline dans les (...)
  • 29 J. Pérez, « Los Reyes católicos ante los movimientos antiseñoriales », Violencia y conflictividad e (...)

12Le contexte dans lequel s’inscrivent ces événements est celui de la guerre civile castillane du xve siècle, à savoir l’affrontement d’une coalition nobiliaire et du roi légitime Enrique IV, au cours duquel la princesse Isabelle, future Isabelle la Catholique, va finalement mener le groupe des adversaires du roi. Le conflit se prolongea jusqu’à la mort du roi en 1475, et même au-delà. Il continue en effet entre le règne d’Isabelle Ire, autoproclamée reine, et celui de Juana, la fille du roi Enrique IV. Le mariage de Juana avec le roi Alfonso V du Portugal provoqua l’internationalisation du conflit par le biais de l’invasion du royaume de Castille par les Portugais. Tel est le cadre dans lequel se déroula la révolte de Fuenteovejuna27. Il me semble intéressant de souligner que, durant tous ces affrontements, Isabelle mena une campagne de propagande qui visait à obtenir le ralliement du peuple à sa cause. Un des moyens utilisés fut de dénoncer les donations de villes du patrimoine royal à des membres de l’aristocratie, donations réalisées en grand nombre par le roi Enrique IV28. Vers 1475, Isabelle finira par inciter quelques-unes de ces villes à la révolte, en proclamant que celles qui se soulèveraient en sa faveur seraient réincorporées au patrimoine royal29.

  • 30 Cabrera et Moros, Fuenteovejuna, p. 66-72.
  • 31 Ibid., p. 107-114.

13Fuenteovejuna était une de ces villes qui avait traditionnellement appartenu au patrimoine royal, bien qu’elle fasse partie de la juridiction territoriale de la ville de Cordoue. Au moment du soulèvement, elle était une seigneurie de l’ordre militaire de Calatrava. Il convient de revenir rapidement sur quelques-uns des épisodes précédant la révolte, afin de mieux pouvoir la contextualiser. Le premier d’entre eux eut lieu en 1444. Les circonstances sont à nouveau celles d’affrontements entre ligues nobiliaires dans le royaume. Un parti nobiliaire mené par l’infant Enrique de Aragón s’oppose au roi Juan II. C’est dans ces conditions que la ville de Cordoue prend position pour Enrique de Aragón et met en place une nouvelle contribution afin de recruter un groupe armé qui puisse la soutenir30. Fuenteovejuna, quant à elle, s’oppose à la ville de Cordoue et revendique sa fidélité au roi Juan II. Cette prise de position revêt un caractère important puisqu’elle démontre la volonté de Fuenteovejuna de promouvoir son autonomie politique face à la ville de Cordoue, mais aussi parce qu’elle donne à voir une certaine identification de la ville à la figure du roi, ce que nous retrouverons dans l’épisode de la révolte de 1476. En 1450, la seigneurie de Fuenteovejuna fut concédée au Maître d’Alcántara mais, seulement trois ans plus tard, la ville se souleva, sans succès, contre lui, soulèvement auquel la ville de Cordoue apporta sa collaboration. Finalement, suite à une brève procédure de restitution au domaine royal, la ville fut remise à l’Ordre de Calatrava en 146431. Le commandeur de l’Ordre de Calatrava, Fernán Gómez de Guzmán, vivait à Fuenteovejuna ; il y exerça son autorité en tant que seigneur jusqu’à son assassinat en 1476.

14La révolte eut lieu durant la nuit du 22 avril. Selon une description contenue dans un document de 1477, se référant à un procès postérieur, qui vise à déterminer le statut juridique de Fuenteovejuna après la révolte, le soulèvement eut lieu de la manière suivante : les autorités locales

  • 32 Ibid., p. 147.

[…] ameutèrent tout le village et encerclèrent la maison principale de l’Ordre. Pendant l’assaut de la forteresse, […] ils mirent la main sur le commandeur et tels des bêtes féroces […] ils le frappèrent, le blessèrent grandement et le tuèrent subitement et le chassèrent et le jetèrent par les fenêtres de la maison et le mirent en morceaux sur la place publique, le rasant et ricanant de son corps et de sa personne. Sans consentir à son inhumation32.

  • 33 Ibid., p. 148.
  • 34 Crónica de Enrique IV, p. 286.
  • 35 Francisco de Rades y Andrada, Chrónica de las tres Órdenes y Cavallerías de Santiago, Calatrava y A (...)
  • 36 Ibid., p. 79.

15Une seconde version des faits, relatée dans les archives de Simancas, est pratiquement similaire33. Une troisième version de l’assassinat, relatée par le chroniqueur Alonso de Palencia, un auteur contemporain des faits, est sensiblement identique, sauf que Palencia brosse un tableau dans lequel l’héroïsme du commandeur est opposé à une foule enragée et sanguinaire qui de plus pille sa maison après le meurtre34. Le quatrième récit des événements est plus complet, il nous est livré par Francisco Rades y Andrada dans la Crónica de las tres Ordenes de Santiago, Calatrava y Alcántara35. Bien qu’il soit postérieur de presque cent ans aux événements, on sait que l’auteur eut accès à des documents disparus de l’ordre de Calatrava. Cette narration complète les versions antérieures à différents niveaux. La description du meurtre du commandeur est en outre plus complexe et apporte des détails supplémentaires. En premier lieu, le chroniqueur rapporte que tant l’assaut de la forteresse que la mort même du commandeur eurent lieu sous les cris de Fuenteovejuna et de Vivent les rois Don Fernando et Doña Isabelle et mort aux traîtres et aux mauvais chrétiens36. Selon le récit, les voisins, guidés pas les officiers du village, se dirigèrent jusqu’à la maison du commandeur, ils combattirent et tuèrent la suite du commandeur, réservant à ce dernier un autre type de mort :

  • 37 Ibid.

Avec une fureur maudite et enragée, ils s’avancèrent vers le commandeur et le frappèrent et le blessèrent tellement qu’ils le firent tomber par terre sans connaissance […] ils prirent son corps en disant : vivent les rois et mort aux traîtres et ils le jetèrent par la fenêtre dans la rue où d’autres attendaient avec des lances et des épées pointes en haut, afin de les planter dans le corps encore vivant37.

16Ensuite,

  • 38 Ibid.

ils lui arrachèrent la barbe et les cheveux et d’autres, avec les poignées des épées lui fracturèrent les dents. À cela s’ajoutèrent des insultes, des insanités et de grandes injures contre le Grand commandeur, et contre ses père et mère38.

17Sur ces entrefaites,

  • 39 Ibid.

arrivèrent les femmes de la ville, tambourins et grelots à la main, pour se réjouir de la mort de leur seigneur […]. Hommes, femmes et enfants tous ensemble transportèrent le corps sur la place et là, tous, hommes et femmes le réduisirent en mille morceaux en le traînant par terre et ils refusèrent de livrer le corps à ses serviteurs pour l’enterrer39.

  • 40 Ibid.
  • 41 Ibid., p. 80.

18Selon la version proposée par ces récits, la révolte impliqua l’ensemble de la communauté, menée par les autorités locales et donna lieu, suite à l’affrontement dans la forteresse, à une exécution de caractère collectif, à laquelle participèrent hommes, femmes et enfants. Les moyens utilisés furent des coups de couteau et la défenestration du commandeur, pour ensuite défigurer son corps, le traîner dans la ville et le démembrer. Un point particulièrement marquant est le fait d’empêcher l’enterrement du corps. Mais il est aussi important de noter l’existence d’un aspect festif au moment culminant de la mort, qui contient en outre un élément parodique. Les femmes arrivant avec des instruments accompagnèrent le corps du commandeur, à la manière d’une compagnie militaire, jusqu’à la place où le corps fut démembré40. Malgré une apparence de lynchage, l’attaque de la maison du commandeur était organisée à l’avance et, comme nous le verrons, la mise en scène ne fut pas non plus aléatoire. Un aspect qu’il ne faut pas laisser de côté est le fait que le soulèvement ne se termina pas avec la mort du seigneur. Immédiatement après l’exécution, les révoltés détrônèrent les représentants de la justice royale et s’octroyèrent les bâtons de la justice, symbole de la juridiction seigneuriale de Fuenteovejuna. Ceci met en relief le fait qu’il ne s’agissait pas seulement de punir le seigneur, mais aussi de réclamer l’appartenance à la juridiction royale, même si plusieurs jours après, les voisins se recommandèrent à la protection de la ville de Cordoue, en acceptant de s’intégrer à sa juridiction41.

  • 42 Crónica de Enrique IV, p. 286 ; Chrónica de las tres Órdenes, p. 80.
  • 43 Chrónica de las tres Órdenes, p. 80.

19De nombreuses hypothèses ont été formulées en ce qui concerne les motifs qui déclenchèrent la révolte. Il est fort probable que le nouveau rattachement à l’Ordre de Calatrava entraîna pour les villageois une hausse du prélèvement qu’ils payaient42. À ceci s’ajoute la prétention de la ville à faire partie du domaine royal, prétention qui s’était déjà manifestée en d’autres occasions, y compris lors de la révolte antérieure, en 1453. L’on sait que la version traditionnelle des événements, immortalisée par Lope de Vega, établit comme cause du conflit les actions arbitraires commises par le commandeur, concrètement la hausse démesurée du prélèvement et tout particulièrement les abus sexuels à l’encontre des femmes du lieu, de sorte que la justice populaire serait venue réparer l’honneur bafoué. En réalité, l’interprétation de Lope de Vega est fortement influencée par la Crónica de las tres Ordenes de Santiago, Calatrava y Alcántara, préalablement citée, chronique qui reprend la version des abus sexuels du commandeur. La chronique évoque bien évidemment d’autres motifs que le mécontentement populaire : des exactions, des abus commis contre le patrimoine de ses dépendants et la volonté du commandeur d’intégrer le parti du roi du Portugal, en s’opposant à la cause des Rois Catholiques. Comme je l’ai déjà mentionné, Francisco Rades y Andrada, l’auteur de la chronique, affirmait avoir eu recours, pour l’élaboration de son récit, à un procès tenu dans la juridiction ecclésiastique qui visait la réincorporation de Fuenteovejuna au patrimoine de l’Ordre de Calatrava et qui avait été conservé dans les archives de l’Ordre, document aujourd’hui disparu43. Il est probable qu’il ait consulté les dépositions des témoins incorporées au procès.

  • 44 Crónica de Enrique IV, p. 286.
  • 45 Cabrera et Moros, Fuenteovejuna, p. 126.
  • 46 À ce sujet, H. R. Oliva Herrer, « Viva el rey y la Comunidad ! Arqueología del discurso político de (...)

20De toute évidence, l’accusation de violence sexuelle avait déjà été mentionnée chez les contemporains. Ainsi, le chroniqueur Alonso de Palencia, qui était aussi ami avec le commandeur, rapporte que les voisins de Fuenteovejuna « accusèrent le défunt de maladresses et de mœurs corrompues44 ». De la même manière, on trouve dans un procès, qui se déroula quelques années plus tard pour décider du futur statut juridique de la ville, une autre allusion directe, dans laquelle le procureur qui représenta Fuenteovejuna lors du procès justifie la mort du commandeur en soulignant ses tyrannies et les abominables péchés commis45. Le terme de tyrannie est fréquemment employé dans les procédures judiciaires pour dénoncer des abus seigneuriaux de tous types46. Les références aux mœurs corrompues et aux abominables péchés renvoient clairement à des conduites déviantes et pourraient même faire référence de manière cachée à la sodomie, bien que le terme abominable soit couramment employé en castillan, autant pour ce type de conduite que pour de nombreuses autres considérées comme inappropriées. Il est difficile de savoir si la conduite sexuelle du commandeur fut un élément déclencheur ou si elle fait partie de l’ensemble des arguments utilisés pour légitimer le soulèvement. Une façon de répondre à cette question serait de prendre les agissements des rebelles au sérieux et d’observer quel genre de message ils essayaient de faire passer par le biais de l’exécution du commandeur, assumant de fait que le soulèvement reproduit les patrons d’une certaine manière d’exercer la justice.

  • 47 Partida VII. Titulo XX, ley 3. Las Siete Partidas de Alfonso el Sabio cotejadas por varios códices (...)
  • 48 J. Mellado Rodríguez, « El fuero de Córdoba : edición crítica y traducción », Arbor, 654, 2000, p.  (...)
  • 49 Mckay, « La semiología y los ritos », p. 162.
  • 50 Partida I. Titulo 28, ley 2.
  • 51 Crónica de Enrique IV, p. 286.
  • 52 Cabrera et Moros, Fuenteovejuna, p. 117-121.

21La législation royale, concrètement les Partidas, établit la peine de mort pour l’auteur d’un viol, sans pour autant déterminer le procédé d’exécution47. Il en est de même pour la législation locale. Ainsi, la charte de Cordoue, qui fut en vigueur à Fuenteovejuna et qui peut être prise comme référence en matière de pratiques judiciaires établies par la tradition, accorde la possibilité de tuer l’auteur du viol sur la place même où il a été trouvé, même si elle ne prescrit pas de procédé d’exécution à proprement parler48. En son temps, A. McKay précisa que le rituel selon lequel se déroula la mort du commandeur maintient un fort parallélisme avec les dispositions des Partidas, qui décrètent la peine de mort pour les traîtres49. Ce que A. McKay ne précisa cependant pas est le fait qu’en réalité le procédé relève d’un cas particulier : la trahison en temps de guerre. Dans les Partidas, il est établi que le traître doit être soumis à une mort cruelle, pour pouvoir ensuite être traîné publiquement au sol puis démembré. Autrement dit, un type de mort cruelle et exemplaire qui coïncide parfaitement avec le modèle rencontré à Fuenteovejuna50. Le chroniqueur contemporain des faits, Alonso de Palencia, apporte un détail supplémentaire qui, inventé ou pas, vient compléter le tableau. Selon Palencia en effet, les acteurs de la mutinerie empêchèrent une vieille femme de ramasser les restes du commandeur pour l’enterrer et la fouettèrent ensuite pour cela51. Ainsi, les insurgés agissaient en accord avec la législation à laquelle se réfèrent les Partidas dans ce type de situation jusque dans le fait de refuser l’enterrement du commandeur. Cette législation établit que la trahison envers le roi en temps de guerre entraîne directement l’excommunication et que les restes du défunt ne doivent pas être enterrés, mais dispersés. De plus, il est important de rappeler que le commandeur avait été préalablement excommunié par le chapitre de la cathédrale de Cordoue, suite à une affaire d’usurpation de dîmes, ce qui rendait impossible son enterrement selon les rites sacrés52.

  • 53 Chrónica de las tres Órdenes, p. 79.
  • 54 Cabrera et Moros, Fuenteovejuna, p. 117-121. Voir aussi Crónica de Enrique IV, p. 287.
  • 55 Crónica de Enrique IV, p. 286.

22Le processus selon lequel le commandeur trouve la mort ne fut pas aléatoire, il reproduit au contraire un rituel de justice au cours duquel la trahison envers le roi en temps de guerre est publiquement proclamée, et qui transparaît clairement dans les cris Vivent les rois don Fernando et doña Isabelle et mort aux traîtres et aux mauvais chrétiens, lancés publiquement au moment de la révolte53. Par le biais de ce meurtre, les villageois accusaient le seigneur de prendre parti pour le roi du Portugal dans l’affrontement qui l’opposait aux Rois Catholiques et proclamaient leur adhésion à la cause de ces derniers, dans un contexte où les Rois Catholiques eux-mêmes avaient préalablement encouragé l’incorporation au domaine royal des seigneuries qui se soulèveraient en leur faveur. Ce que nous savons de l’alignement politique de Fernán Pérez de Guzmán vient contredire en partie cette interprétation, dans le sens où cela démontre que le commandeur est resté un solide allié d’Isabelle et de Fernando54. Le chroniqueur, Palencia, qui était personnellement lié d’amitié avec le commandeur, attribue cependant à quelques nobles opposés au commandeur lui-même le fait d’avoir encouragé le soulèvement55.

  • 56 Cabrera et Moros, Fuenteovejuna, p. 167.
  • 57 Crónica de Enrique IV, p. 287.

23Quelques interprétations récentes, comme celle de E. Cabrera et A. Moros, tendent à mettre en avant l’idée qu’il s’agit d’une révolte encouragée par Cordoue qui souhaitait intégrer la ville dans son espace juridictionnel. Cabrera et Moros s’appuient sur des preuves indirectes qui suggèrent l’envoi de messages de la part de la ville de Cordoue à Fuenteovejuna dans les jours précédant la révolte56. L’existence et surtout le contenu de tels contacts restent très spéculatifs, mais on pourrait penser par exemple, à l’extension de rumeurs visant à exciter la révolte. En tout cas, indépendamment de ces interprétations qui, à mon avis, sous-estiment l’autonomie des villageois de Fuenteovejuna, il semble évident que le fait d’exécuter le commandeur pour trahison était la seule et unique manière de rendre sa mort légitime. La législation royale elle-même dispensait de peine l’auteur d’un homicide qui aurait tué le traître sans passer par un jugement dans le cas où ce dernier aurait résisté. C’est exactement ce qui se produisit à Fuenteovejuna. Ce qui importait n’était pas tant sa mort que la manière dont elle devait se produire, afin d’établir sa condition de traître. Ainsi assuraient-ils leur impunité et, en proclamant leur adhésion à la cause isabelline, pouvaient-ils espérer obtenir leur incorporation au domaine royal. La propagation des rumeurs dénonçant la trahison supposée du commandeur créerait une scène qui rendait tout cela possible. À ce sujet, il y a un élément assez révélateur qui montre que le chroniqueur Palencia, bien qu’il n’en fasse pas état dans son récit, savait que les rebelles de Fuenteovejuna proclamaient la trahison du commandeur par son mode d’exécution. Palencia fait une comparaison entre ce qui est arrivé à Fuenteovejuna et la mort de Gracian de Sese à San Felices de los Gallegos, précédemment évoquée. D’après Palencia, et contrairement à ce qui était arrivé à Fuenteovejuna, l’épisode de San Felices se résumerait à une révolte contre un traître, passé du côté portugais lors de l’affrontement entre la Castille et le Portugal. Il souligne aussi que les villageois s’attendaient à la magnanimité du roi Ferdinand57. Mais la chronologie montre que Palencia déforma les événements. Le soulèvement de San Felices se produisit en 1474, du vivant d’Enrique IV, alors que Ferdinand n’avait pas encore été proclamé roi et que la guerre avec le Portugal n’avait pas commencé. Cette déformation en contrepoint des événements à Fuenteovejuna montre à quel point Palencia était conscient des implications du meurtre du commandeur, dont les modalités correspondent à la mise à mort d’un traître en temps de guerre.

  • 58 Bazán, « La pena de muerte », p. 317.
  • 59 Chrónica de las tres Órdenes, p. 80.

24Tous les cas auxquels j’ai fait référence ont certains points communs. Tout d’abord le fait que, même si les rituels mis en scène sont des répliques de ceux de la justice, la mort du seigneur est extrêmement violente et les règles établies pour le meurtre d’un noble ne sont pas toujours respectées. En effet, la législation prescrit une mort moins sanglante, par décapitation ou dans un puits58. Sans aucun doute, on se trouve ici face à un élément de négation de la condition nobiliaire ainsi que de sa supériorité implicite. D’autre part, dans de nombreux cas, la mort doit être violente et publique car, à l’image de la justice royale, elle entend s’ancrer dans les mémoires. Ceci est particulièrement visible dans le cas de Fuenteovejuna. C’est ainsi que la chronique tardive de Rades y Andrada relative à ces faits mentionne le lien entre le commandeur et le parti opposé aux Rois Catholiques59. C’est bien ce que les rebelles entendaient affirmer, par le biais de cette exécution, mais nous savons qu’il n’en était rien.

Les exécutions au début de la guerre des communautés de Castille

25Le second point que je souhaiterais aborder est la violence à l’œuvre dans certaines villes, suite à l’approbation aux Cortes d’un impôt extraordinaire en 1520, événement à l’origine de la Guerre des Communautés de Castille. Lors du retour des procureurs des Cortes qui avaient approuvé l’impôt dans leurs villes, des révoltes populaires éclatèrent, au cours desquelles certains procureurs perdirent la vie. C’est ce qui se passa par exemple dans la ville de Ségovie, où le procureur était venu donner des explications devant l’assemblée du commun de la ville et où il fut finalement tué :

  • 60 Biblioteca Nacional de España. Ms. 1779, fol. 28v-29v.

Ils l’emportèrent jusqu’à la prison sans que ses pieds ne touchent le sol… le peuple cria haut et fort donnez-nous une corde et qu’il n’aille pas en prison, qu’il aille directement à la potence. Un brouhaha s’éleva, À mort ! À mort ! On apporta ensuite une corde et on la lui passa autour du cou. Puis ils le jetèrent par terre […]. Les frères leur ont gentiment demandé si, vu qu’ils ne voulaient pas lui laisser la vie, ils le laisseraient au moins confesser ses péchés. Ce qui fut aussi refusé […]. Ils l’ont traîné jusqu’à la potence […] et ils lui ont attaché les pieds avec une corde, l’ont pendu les pieds en haut la tête en bas à une potence de trois piliers en pleine campagne où ils l’ont laissé, avant de retourner en ville60.

  • 61 Ibid.
  • 62 Juan Maldonado, La revolución comunera : El movimiento de España, o sea historia de la revolución c (...)
  • 63 F. Martinez Gil, « Furia popular. La participación de las multitudes urbanas en las Comunidades de (...)

26Dans cette ville tout autant que dans d’autres, les révoltes se déroulèrent aux cris de mort aux traîtres61. Il est d’ailleurs significatif que l’exécution reproduise scrupuleusement le châtiment que la justice royale réserve aux traîtres : les traîner et les pendre par les pieds. La pendaison par les pieds était aussi le sort réservé aux homosexuels, ce qui implique une lourde charge de bannissement, d’exclusion de la communauté. Cet aspect est d’autant plus visible dans les agissements des rebelles de Ségovie. Il est observable dans l’impossibilité de recevoir la confession de l’accusé, reniant ainsi sa condition de membre de la communauté chrétienne, et aussi dans la destruction de sa maison, marque reconnue d’exclusion de la communauté qui se retrouve dans toutes les normes judiciaires locales. Cependant, même si l’exécution reproduit les mécanismes de la justice royale, il y a un grand absent : le procès. Les faits qui eurent lieu à Burgos nous en donnent une illustration. Le rituel d’exécution s’y déroula quasiment de la même manière. Mais avant son exécution, l’accusé fut condamné, et ce suite à l’intervention de quelques notables qui insistèrent pour que la procédure soit scrupuleusement respectée, s’opposant ainsi aux revendications populaires qui souhaitaient directement la pendaison et avançaient l’argument selon lequel « le procès n’était pas nécessaire parce qu’ils savaient tous qu’il était coupable62 ». C’est donc bien le rituel qui différencie un pur acte de lynchage d’un acte judiciaire, bien que celui-ci ne semble pas exiger une condamnation formelle de la part d’un tribunal qui peut être considéré comme étranger aux faits, mais plutôt la conviction collective de culpabilité de la part de la communauté. Nous trouvons un exemple similaire à Zamora, une autre ville dans laquelle une révolte eut lieu, et où les procureurs des Cortes ne purent pas être capturés : des statues à leur effigie furent érigées, puis traînées et pendues. Cet acte tient lieu de proclamation publique de la culpabilité et de réparation symbolique. Leurs maisons furent aussi marquées, pour graver dans les mémoires l’infamie qu’ils avaient commise63.

  • 64 M. Foucault, « Sur la justice populaire : débat avec les Maos », Dits et écrits, Paris, Gallimard, (...)
  • 65 M. Dánvila y Collado, Historia crítica y documentada las Comunidades de Castilla, Madrid, Real Acad (...)
  • 66 Archivo General de Simancas, Patronato Real. Leg. 3, fol. 191v, et Biblioteca Nacional de España, m (...)
  • 67 Dánvila y Collado, Historia crítica y documentada, vol. V, p. 437.

27Loin d’apparaître comme des actes de violence commis à l’aveugle, ces agissements semblent cadrer avec ce que Michel Foucault nomme le concept de justice populaire, ou peut-être plus exactement, de justice communautaire64. En effet, face à l’inhibition ou à la complicité des autorités locales, les protagonistes de ces tumultes se considéraient comme des dépositaires légitimes de la capacité à exercer la justice contre ceux qui avaient trahi la communauté. D’autres villes, dans lesquelles le sang ne coula pas, donnent à voir des modèles de comportements similaires qui contribuent à éclairer la logique à l’œuvre. À Saint-Jacques de Compostelle, la révolte eut lieu suite à une tentative du conseil de mettre en place l’impôt approuvé par les Cortes. Le premier destinataire de la colère populaire fut le représentant institutionnel du commun urbain, accusé d’avoir consenti le recouvrement de cet impôt65. À Valladolid, le soulèvement du commun eut lieu suite à l’incendie de Medina del Campo. Les procureurs des Cortes étaient bien l’objectif visé, mais aussi le représentant institutionnel du commun urbain et Pero Niño, membre d’une famille appartenant à l’élite, qui avait traditionnellement maintenu d’étroites relations avec le commun66. Les actes s’inscrivent dans un modèle similaire, les maisons furent attaquées, les terres dévastées et, dans une église de la ville, la sépulture des ancêtres de Pero Niño fut aussi détruite67. La dimension performative de tous ces agissements semble évidente. Ceux qui avaient sacrifié les intérêts de la communauté urbaine, ou ne les défendaient pas légitimement, ne pouvaient en aucun cas faire partie de cette communauté.

  • 68 C. Álvarez García, « La revolución de las Comunidades en Medina del Campo », Historia de Medina del (...)

28Dans les références aux rituels d’exécution, que celle-ci soit réelle ou symbolique, comme dans le cas de Zamora, des règles de conduite similaires peuvent être observées. Cependant, le conflit des comuneros nous donne à voir un exemple différent : celui de l’exécution du conseiller municipal Gil Nieto, dans la ville de Medina del Campo. Et c’est précisément dans la façon dont il trouva la mort que l’on peut établir des parallélismes évidents avec l’assassinat du commandeur de Fuenteovejuna. En effet, d’une manière similaire, sa maison fut attaquée et le conseiller municipal poignardé et défenestré. Il fut ensuite décapité et traîné à travers la ville, avant d’être démembré68. Bien évidemment, la mort de Gil Nieto eut lieu suite à l’incendie de la ville de Medina del Campo provoqué par l’armée royale et peut donc être considérée comme un acte de guerre. De là, le fait que le rituel de l’exécution semble coïncider avec les châtiments prescrits en cas de trahison en temps de guerre.

  • 69 Archivo de la Real Chancillería de Valladolid, Registro de ejecutorias, C387, 30.
  • 70 Archivo de la Real Chancillería de Valladolid, Pl. Civiles, Fernando Alonso (F), C1473, 1.

29Il est intéressant de signaler que, malgré ces exécutions, la révolte comunera ne se caractérise pas par un déploiement de violence extrême. L’expulsion et la destruction des maisons de ceux qui étaient considérés comme traîtres continuaient d’avoir cours, ordonnées cette fois par les nouvelles institutions ayant surgi des feux de la révolte69. La violence était évidemment aussi à l’œuvre en marge des institutions, mais, plus que de violence physique, il s’agissait d’insultes, de pressions, de menaces de destruction des biens, ou même de menaces de mort. Avant d’agir contre un individu, des rumeurs couraient, donnant ainsi à voir l’antipathie populaire, afin que l’intéressé quitte de lui-même la ville70. Tout ceci indique une gradation des usages de la violence, gradation dont les rebelles étaient conscients, ainsi que le recours à l’exécution comme un acte extrême dans des circonstances bien précises.

En guise de conclusion

30Observés dans leur ensemble, les épisodes de mort du seigneur, tout autant que les exécutions au seuil du conflit comunero, présentent de nombreux points communs et quelques différences. D’une manière ou d’une autre, le meurtre apparaît comme un phénomène peu fréquent, qui n’a lieu que dans des circonstances bien précises. Certains cas de luttes antiseigneuriales, et Fuenteovejuna est peut-être le plus clair d’entre eux, montrent l’usage stratégique de cette forme de violence extrême. En outre, les cas où la mort est publique et ritualisée s’éloignent du paradigme du lynchage et montrent l’utilisation de codes connus.

31En ce qui concerne la façon dont ces exécutions furent pratiquées, ainsi que les codes à l’œuvre, quelques différences sont observables. Dans la majeure partie des révoltes urbaines de 1520, par exemple, on n’observe pas d’acharnement contre le cadavre, ce qui par contre existe lorsque les personnes sont étrangères à la communauté, qu’il s’agisse du seigneur lui-même ou de personnes considérées comme des ennemis : que ceux-ci soient Suero de Marzoa, le commandeur de Fuenteovejuna ou encore, en 1520, le conseiller municipal Gil Nieto à Medina del Campo. Il est fort probable que les acteurs ont recours à différents registres, face à des situations qu’ils considèrent comme différentes.

32Mais toutes ces exécutions avaient une fonction communicative claire : elles cherchaient à transmettre un message dans un langage compréhensible qui, dans la plupart des cas, passait par des agissements conformes à la justice. Malgré tout, les réduire à une simple reproduction de modèles de la justice officielle ou soutenir qu’ils n’ont qu’une fonction communicative pourrait occulter un aspect essentiel du sujet. En effet, les protagonistes ont la prétention d’agir de manière légitime mais aussi d’affirmer leur propre capacité à exercer la justice, en accord avec une série de valeurs de référence qui ne coïncident qu’en partie avec celles de la justice royale.

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Notes

1 V. Challet, « Violence as a Political Language. The Uses and Misuses of Violence in Late Medieval French and English Popular Rebellions », The Routledge History Handbook of Medieval Revolt, éd. J. Firnhaber-Baker et D. Schoenaers, Abingdon et New York, Routledge, 2017, p. 279-291 ; H. Skoda, Medieval Violence. Physical Brutality in Northern France, 1270-1300, New York, Oxford University Press, 2013. Pour une révision récente de l’historiographie de la violence, L. Verdon, « Violence, norme et régulation sociale au Moyen Âge. Essai de bilan historiographique », Rives méditerranéennes, 40, 2011, p. 11-25.

2 Voir l’étude classique de R. Jacob, « Le meurtre du seigneur dans la société féodale. La mémoire, le rite, la fonction », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 45, 2, 1990, p. 247-263.

3 P. Strohm, Hochon’s Arrow : The Social Imagination of Fourteenth Century Texts, Princeton, Princeton University Press, 1992; S. Justice, Writing and Rebellion. England in 1381, Berkeley and Los Angeles, University of California Press, 1994 ; C. Gauvard, Violence et ordre public au Moyen Âge, Paris, Picard, 2006 ; A. Stella, « “Racconciare la terra” : à l’écoute des voix des “Ciompi” de Florence en 1378 », The Voices of the People in Late Medieval Europe, éd. J. Dumolyn, J. Haemers, H. R. Oliva Herrer et V. Challet, Turnhout, Brepols, 2014.

4 Voir notamment les travaux réunis au sein de deux volumes collectifs déjà cites : The Voices of the People in Late Medieval Europe et The Routledge History Handbook of Medieval Revolt. Il faut y ajouter un certain nombre de travaux portant sur l’époque moderne : F. Benigno, Parole nel tempo. Un lessico per pensare la storia, Rome, Viella, 2013 ; A. Wood, The 1549 Rebellions and the Making of Early Modern England, Cambridge, Cambridge University Press, 2007 ; K. Kesselring, The Northern Rebellion of 1569. Faith, Politics, and Protest in Elizabethan England, Basingstoke, Palgrave, 2007; A. Randall, Riotous Assemblies : Popular Protest in Hanoverian England, Oxford, Oxford University Press, 2006.

5 C. Barros Guimarans, « Violencia y muerte del señor en Galicia a finales de la Edad Media », Studia Historica. Historia Medieval, 9, 1991, p. 111-148.

6 Ibid., 127.

7 A. Mckay, « La semiología y los ritos de violencia: sociedad y poder en la Corona de Castilla », En la España Medieval, 11, 1988, p. 154-165.

8 Sur la violence comme langage politique, voir Challet, « Violence as a Political Language ».

9 C. Barros Guimarans, Mentalidad justiciera de los Irmandiños. Siglo XV, Madrid, Siglo XXI, 1990.

10 H. R Oliva Herrer, « Popular Voices and Revolt. Exploring Anti-Noble Uprisings on the Eve of the War of the Communities of Castile », The Voices of the People, p. 49-62. Voir aussi J. I. Gutiérrez Nieto, Las comunidades como movimiento antiseñorial. La formación del bando realista en la guerra civil castellana de 1520-1521, Barcelona, Planeta, 1973.

11 J. Valdeón, Los conflictos sociales en el reino de Castilla en los siglos XIV-XV, Madrid, 1972, p. 105-106. Récemment, sur les luttes anti-seigneuriales à Paredes de Nava, J. C. Martín Cea, « El legado de los vencidos : repercusiones de la conflictividad social bajomedieval en el régimen señorial castellano. (Paredes de Nava, siglos XIV y XV) », Castilla y el mundo feudal. Homenaje al profesor J. Valdeón, éd. M. I. del Val Valdivieso et P. Martínez Sopena, Valladolid, 2009, vol. III, p. 145-163.

12 Pedro López de Ayala, Crónica del rey don Enrique segundo de Castilla. Crónicas de los reyes de Castilla desde don Alfonso el Sabio hasta los católicos don Fernando y doña Isabel, Madrid, Rivadeneyra, 1876-1878, vol. 2, p. 9.

13 F. de Pulgar, Crónica de los Reyes Católicos, éd. J. de M. Carriazo, Madrid, Espasa-Calpe, 1943, p. 247 ; Alfonso de Palencia, Crónica de Enrique IV, éd. A. Paz y Melá, Madrid, Atlas, 1975, vol II, p. 286 ; Valdeón, Los conflictos sociales, p. 173-174.

14 Sur la prohibition de la lapidation dans les Partidas, I. Bazán, « La pena de muerte en la Corona de Castilla en la Edad Media », Clio & Crimen, 4, 2007, p. 318.

15 Fuero de Plasencia, ley 414. M. J. Postigo Aldeamil, « El fuero de Plasencia », Revista de Filología Románica, 3, 1985, p. 181.

16 C. Barros Guimarans, « A morte a lanzadas da condesa de Santa Marta (1470) : unha análise », A guerra en Galicia, Santiago, Asociación Galega de Historiadores, Santiago, 1996, p. 89-120.

17 Diego Enriquez del Castillo, Crónica de Enrique IV, éd. A. Sánchez Martín, Valladolid, Université de Valladolid, 1994, p. 363.

18 Étudié par Barros Guimarans, « Violencia y muerte del señor », p. 142-145.

19 Ibid., p. 145.

20 Ibid., p. 149.

21 Ibid., p. 151.

22 Ibid.

23 Bazán, « La pena de muerte », p. 318.

24 Par exemple dans le Fuero de Alarcón, Ley 225, consultable sur le site de CORDE.

25 E. Cabrera et A. Moros, Fuenteovejuna. La violencia antiseñorial en el siglo XV, Barcelona, Crítica, 1991.

26 M. I. del Val Valdivieso, « Resistencia al dominio señorial durante los últimos años del reinado de Enrique IV », Hispania, Revista Española de Historia, 34, 1974, p. 53-104. Pour Agreda, Valdeón, Los conflictos sociales, p. 171.

27 Sur la situation politique, M. I. del Val Valdivieso, Isabel la Católica princesa, 1468-1474, Valladolid, Instituto Isabel la Católica de Historia eclesiástica, 1974, et « La herencia del trono », Isabel la Católica y la política, éd J. Valdeón Baruque, Valladolid, Ambito, 2000, p. 15-50 ; T. de Azcona, Isabel la católica : estudio crítico de su vida y su reinado (1474-1504), Madrid, BAC, 1964, et « Isabel la Catolica bajo el signo de la revolución y de la guerra (1464-1479) », Isabel la Católica y la política, p. 51-82 ; L. Suárez Fernández, Los Reyes Católicos La conquista del trono, Madrid, Rialp, 1989, et A. I. Carrasco Manchado, Isabel I de Castilla y la sombra de la ilegitimidad, Propaganda y representación en el conflicto sucesorio (1472-1482), Madrid, Silex, 2006.

28 Valdivieso, « Resistencia al dominio señorial ». Sur l’impact de la propagande isabelline dans les milieux populaires, H. R. Oliva Herrer, « Monde rural et politique à la fin du xve siècle en Castille », La société politique à la fin du xve siècle dans les royaumes ibériques et en Europe. Élites, peuple, sujets, éd. V. Challet, J.-Ph. Genet, H. R. Oliva Herrer, J. Valdeón Baruque, Paris-Valladolid, Publications de la Sorbonne/Université de Valladolid, 2007, p. 165-195.

29 J. Pérez, « Los Reyes católicos ante los movimientos antiseñoriales », Violencia y conflictividad en la sociedad de la España bajomedieval, Saragosse, Universidad de Zaragoza, 1995, p. 91-99.

30 Cabrera et Moros, Fuenteovejuna, p. 66-72.

31 Ibid., p. 107-114.

32 Ibid., p. 147.

33 Ibid., p. 148.

34 Crónica de Enrique IV, p. 286.

35 Francisco de Rades y Andrada, Chrónica de las tres Órdenes y Cavallerías de Santiago, Calatrava y Alcántara, Valencia, Paris-Valencia, 1994, vol. I, p. 79-80.

36 Ibid., p. 79.

37 Ibid.

38 Ibid.

39 Ibid.

40 Ibid.

41 Ibid., p. 80.

42 Crónica de Enrique IV, p. 286 ; Chrónica de las tres Órdenes, p. 80.

43 Chrónica de las tres Órdenes, p. 80.

44 Crónica de Enrique IV, p. 286.

45 Cabrera et Moros, Fuenteovejuna, p. 126.

46 À ce sujet, H. R. Oliva Herrer, « Viva el rey y la Comunidad ! Arqueología del discurso político de las Comunidades », La comunidad medieval como esfera pública, éd. H. R. Oliva Herrer, V. Challet, J. Dumolyn et M. A. Carmona Ruiz, Séville, Université de Séville, 2014, p. 323-327.

47 Partida VII. Titulo XX, ley 3. Las Siete Partidas de Alfonso el Sabio cotejadas por varios códices antiguos por la Real Academia de la Historia, Madrid, Imprenta Real, 1807.

48 J. Mellado Rodríguez, « El fuero de Córdoba : edición crítica y traducción », Arbor, 654, 2000, p. 209.

49 Mckay, « La semiología y los ritos », p. 162.

50 Partida I. Titulo 28, ley 2.

51 Crónica de Enrique IV, p. 286.

52 Cabrera et Moros, Fuenteovejuna, p. 117-121.

53 Chrónica de las tres Órdenes, p. 79.

54 Cabrera et Moros, Fuenteovejuna, p. 117-121. Voir aussi Crónica de Enrique IV, p. 287.

55 Crónica de Enrique IV, p. 286.

56 Cabrera et Moros, Fuenteovejuna, p. 167.

57 Crónica de Enrique IV, p. 287.

58 Bazán, « La pena de muerte », p. 317.

59 Chrónica de las tres Órdenes, p. 80.

60 Biblioteca Nacional de España. Ms. 1779, fol. 28v-29v.

61 Ibid.

62 Juan Maldonado, La revolución comunera : El movimiento de España, o sea historia de la revolución conocida con el nombre de las Comunidades de Castilla, trad. J. Quevedo, éd. V. Fernández de Vargas, Madrid, Ediciones del Centro, 1975, p. 159.

63 F. Martinez Gil, « Furia popular. La participación de las multitudes urbanas en las Comunidades de Castilla », En torno a las Comunidades de Castilla, dir. F. Martinez Gil, Cuenca, Université de Castilla La Mancha, 2002, p. 309-320.

64 M. Foucault, « Sur la justice populaire : débat avec les Maos », Dits et écrits, Paris, Gallimard, 2001, vol. I, p. 1208-1225.

65 M. Dánvila y Collado, Historia crítica y documentada las Comunidades de Castilla, Madrid, Real Academia de la Historia, 1987-1989, vol. V, p. 625.

66 Archivo General de Simancas, Patronato Real. Leg. 3, fol. 191v, et Biblioteca Nacional de España, ms. 1779, fol. 85r.

67 Dánvila y Collado, Historia crítica y documentada, vol. V, p. 437.

68 C. Álvarez García, « La revolución de las Comunidades en Medina del Campo », Historia de Medina del Campo y su tierra, Valladolid, Ayuntamiento de Medina del Campo / Junta de Castilla y León, 1986, vol. I, p. 471-576.

69 Archivo de la Real Chancillería de Valladolid, Registro de ejecutorias, C387, 30.

70 Archivo de la Real Chancillería de Valladolid, Pl. Civiles, Fernando Alonso (F), C1473, 1.

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Pour citer cet article

Référence papier

Hipólito Rafael Oliva Herrer, « De Fuenteovejuna à la Guerre des Communautés »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 34 | 2017, 87-106.

Référence électronique

Hipólito Rafael Oliva Herrer, « De Fuenteovejuna à la Guerre des Communautés »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 34 | 2017, mis en ligne le 31 décembre 2020, consulté le 24 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14489 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14489

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Auteur

Hipólito Rafael Oliva Herrer

Université de Séville

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Droits d’auteur

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