Navigation – Plan du site

AccueilPublications en ligneRecensions par année de publication2008Claude Carozzi et Huguette Tavian...

2008

Claude Carozzi et Huguette Taviani-Carozzi (dir.), Le pouvoir au Moyen Âge

Max Lejbowicz
Référence(s) :

Claude Carozzi et Huguette Taviani-Carozzi (dir.), Le pouvoir au Moyen Âge, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence (« Le temps de l’histoire »), 2005, 316 p., 14,75 x 20,75 cm
ISBN 2-85399-601-8

Texte intégral

1L’ouvrage réunit seize communications présentées au cours des deux dernières années universitaires au séminaire de l’Équipe de Recherches « Sociétés, Idéologies, Croyance au Moyen Âge » de l’université de Provence. Il les distribue en trois parties, qui sont d’un volume inégal. Lieux et Signes du Pouvoir en regroupe quatre. Michel Balivet montre la complexité des pratiques du pouvoir et de ses représentations à Byzance. Le « Nouvelle Rome » christianise l’idéologie impériale dès ses débuts et, à partir du VIIIe s., les orientalise, avant d’aller plus loin dans l’acculturation : au XIIIe s., elle intègre au protocole et à la titulature de la cour des éléments arabo- et turco-musulmans. Louis Stouff suit, de l’autre côté de la Méditerranée, l’existence par procuration de la ville d’Arles, à l’origine châtiment de Marseille et au Ve siècle bouée de sauvetage d’une Trèves aux abois. Elle n’est capitale que par à-coups et ne retrouve sa prééminence qu’entre 970 et 1130, avant que le choix d’Aix comme résidence royale ou comtale et que le renouveau de Marseille scellent son destin de chef-lieu. Peut-être a-t-il manqué à la création de Jules César, la dimension sacrée qui consolide un pouvoir et que Michel Fixot et Georges Bischoff étudient. L’un, en historien de l’architecture religieuse, s’attache aux turris et aux reliques, à la fin de l’Antiquité, à partir des basiliques de Sidi Jdidi et de l’abbaye Saint-Victor à Marseille ; l’autre, en spécialiste de la France du Nord-est, est attentif aux réécritures médiévales de l’histoire ; elles résultent d’une « mémoire militante » et, en la circonstance, consacrent « le bon roi Dagobert ».

2Le Pouvoir et les pouvoirs rassemble sept communications. Claude Gauvard décrypte les usages ambivalents de la peine de mort dans la France basse-médiévale. Maîtres de la violence légitime, les juges savent qu’ils jouent avec le feu dans une société marquée du sceau de la violence. Ils cherchent à l’extirper du corps social. Ils dosent le recours à la peine capitale en étant attentifs à l’état de l’opinion publique. Christiane Raynaud s’ouvre à des horizons plus apaisés avec les feux de joie, qu’elle recense avec leurs particularités chez les chroniqueurs, les mémorialistes et les diaristes de la France basse-médiévale. Ces feux se multiplient à partir du règne de Charles VI. Ils expriment les liens qui unissent les fidèles à l’Église, la communauté urbaine (ou une des fractions de cette communauté) aux édiles, les sujets au roi. Manifestation consensuelle, les feux de joie révèlent à l’occasion des tensions entre le peuple et les élites. Jean-Claude Cheynet retourne à l’Empire byzantin en analysant le mode de gouvernement des régions les plus vulnérables de celui-ci, les marges. Le basileus établit un savant dosage, suivant les circonstances, entre les fonctionnaires impériaux et les responsables locaux, qu’il s’efforce d’intégrer aux structures de l’Empire. C’est encore à un problème de marges que Stéphane Boissellier est confronté en traitant, à partir des Livros de linhagens, de la « Reconquête » localisée dans les territoires occidentaux de la péninsule ibérique, dans ce qui allait devenir le rectangle portugais. Les nobles considèrent que cette entreprise militaro-religieuse est l’affaire du roi, non la leur. Leur bravoure se prouve dans des guerres privées ou dans des faits d’armes ponctuels, qui se placent en dehors de visées stratégiques. Jacques Paul se transporte de l’autre côte des Pyrénées. Il présente les composantes des pouvoirs locaux qui participent aux réunions préparatoires à la paix de Saint-Gilles, signée en 1209 par le comte Raymond de Toulouse et le légat du pape. Le comte coiffe une hiérarchie de pouvoirs ; le légat n’ignore pas que son interlocuteur ne peut durablement s’engager qu’en ayant obtenu l’accord de ces strates successives. Jean-Hervé Foulon relate la fondation de deux abbayes, Bourgueil et Beaulieu-lès-Loches, aux environs de l’an Mil. Elle se déroule sur un fond de rivalités entre les familles princières d’Anjou et de Blois, que l’imbrication des territoires placés sous leur autorité respective aiguise à cette occasion, sans que les évêques s’en abstraient. Le roi étant trop faible, c’est le pape qui est sollicité pour arbitrer cette somme d’intérêts contradictoires. Le Saint-Siège intervient sur la pointe de pieds, avec pragmatisme, sans qu’on puisse déjà parler d’exemption. Remi Fixot a dépouillé le fonds d’archive de l’abbaye de Monevergine, située entre Salerne et Bénévent. Il met en lumière la centralisation et l’uniformisation du système judiciaire et des pratiques juridiques sous la dynastie normande.

3La troisième partie, Fondements et idéologies du Pouvoir, commence avec Yves Sassier qui recherche les fondements historiques de la doctrine gélasienne de l’auctoritas sacrata pontificum et de la regalis potestas. Il en retrace ensuite la réception avant la réforme grégorienne. Son analyse diffère de celle que Pierre Toubert a récemment proposée dans les Mélanges Giosuè Musca, reprise dans L’Europe dans sa première croissance. Claude Carozzi revient sur la Vita Karoli d’Eginhard, dont il s’efforce de mettre à jour les structures rhétoriques, l’éloge oratoire, pour en saisir le dessin, christianiser la tradition antique du bon prince et la tripartition fonctionnelle indo-européenne. Huguette Taviano-Carozzi s’intéresse au Commentaire du Premier Livre des Rois de Pierre de Cava, un moine bénédictin devenu vers le milieu du XIIe s. l’abbé de la Sainte-Trinité de Venosa, une fondation normande de Pouille. Critique vis-à-vis de certains prélats, Pierre ne conçoit pas de pouvoirs qui ne soient pas issus de l’Église. En abordant la lettre de Bernard de Clairvaux Sur les mœurs et l’office des évêques, Damien Boquet réduit le champ de la réflexion : il s’en tient à l’exercice du pouvoir à l’intérieur de l’Église sous ses deux aspects, l’évêque et l’abbé. Le modèle que Bernard élabore est toutefois applicable à tous les détenteurs d’un pouvoir : ils n’acquièrent leur légitimité qu’en maîtrisant leurs démons intérieurs, c’est-à-dire en se soumettant à Dieu. Jacques Verger apporte la touche finale en examinant comment une institution dévolue au studium, comme l’université du Paris médiéval, peut devenir sans se dévoyer un auxiliaire du regnum.

4Le parcours se déploie sous des cieux très divers et en compagnie de guides aux méthodes et aux préoccupations multiples. Certains apportent un complément d’information à leur thèse déjà publiée. D’autres offrent un aperçu de leur thèse en cours. D’autres enfin se font l’écho d’un ensemble de thèses terminées ou en cours. L’ogre de la fable n’a pas à s’opposer à la variété des plats qui lui sont servis, même si les menus homogènes ont sa préférence.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Max Lejbowicz, « Claude Carozzi et Huguette Taviani-Carozzi (dir.), Le pouvoir au Moyen Âge »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 29 août 2008, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/143 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.143

Haut de page

Auteur

Max Lejbowicz

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search