Engins et machines, dir. Fabienne Pomel
Engins et machines, dir. Fabienne Pomel, Rennes, PUR (« Interférences »), 2015, 271 p.
ISBN 978-2-7535-4046-0
Texte intégral
1Le volume rend compte d’un cycle de conférences du séminaire du CETM de Rennes. L’ensemble est organisé en deux parties. La première traite des « machines et de l’ingénierie au Moyen Âge : entre arts mécaniques et imaginaire » et la seconde des « machines romanesques : magie, technique et ingéniosité ». Cette partie est divisée en deux : d’une part, à propos des « automates et ingénierie romanesque », d’autre part, des « engins et engineors : l’ingéniosité sous le signe du soupçon ». Nous n’entrerons pas ici dans une analyse détaillée des différentes contributions mais nous en signalerons néanmoins la teneur. La première partie s’ouvre sur l’article de Joanna Pavlevski-Malingre qui explore les textes irlandais et s’intéresse en particulier au statut des chars dans la saga Táin Bó Cúalnge : « entre histoire et imagerie symbolique ». Christine Ferlampin-Acher évoque « l’arbalète de Passelion dans Perceforest : l’objet, entre tension idéologique et jeu », puisque l’on sait les débats suscités par l’utilisation de l’arbalète à la fin du Moyen Âge dans la société. L’arbalète avec laquelle est né le héros et dont il use efficacement encore bébé se fait aussi symbole sexuel ou métaphore verbale. Denis Hüe traite de « La machine orgue », une des plus anciennes machines du monde chrétien, entre étude lexicale et poésie palinodique. Véronique Dominguez explore les « secrets », « Les machines du théâtre français : de la technique à l’illusion (XIVe-XVIIe s.) », au travers des témoignages des rares documents où elles apparaissent. L’un des points cruciaux de l’analyse est la démonstration du rôle de l’esthétique des mystères dans le développement du « quatrième mur ».
2La seconde partie débute par l’article de Myriam Clément-Royer qui observe « L’arbre aux oiseaux ‘automates’ dans Escanor de Girart d’Amiens ». Puis Chantal Connochie-Bourgne lie « automates à clef et engrenages du récit » autour du « cheval volant dans Cléomadés d’Adenet le Roi ». Hélène Bouget s’intéresse aux « merveilles, machines et automates dans les romans de Perlesvaus » en lien avec les tensions idéologiques et esthétiques concernant la représentation de la matière de Bretagne, dans le roman du XIIIe siècle et ses différentes réécritures. Anne Berthelot met en relation « La Dame du Lac et l’automate : quand la technologie remplace la magie » pour montrer qu’il n’existe finalement pas d’incompatibilité entre les deux. Karin Ueltschi oscille entre « magie ou science » avec « les machines de Virgile » dont l’image de plus en plus sulfureuse reflète des enjeux épistémologiques. Un second article de Christine Ferlampin-Acher traite d’« Icare, Dédale, Phaéton et Élie : les ailes volantes dans l’Historia Regum Britaniae de Geoffroy de Monmouth, Le Roman de Brut de Wace et Perceforest ». Le roi Bladud, de Perceforest, apparaît comme l’aboutissement littéraire de figures mythologiques mais aussi comme un témoin des représentations contemporaines des arts mécaniques. Un article de Fabienne Pomel clôt le volume : « Le roman comme machine à illusion. Figures et outils de l’‘engin’ fictionnel dans Amadas et Ydoine ». Il fait la synthèse, à partir d’un exemple romanesque, de l’inquiétude sur la légitimité des créations humaines et trouve, ainsi, particulièrement bien sa place en fin d’exploration.
3On apprécie l’introduction de Fabienne Pomel qui met en perspective les études, en rappelant différents présupposés ou singularités médiévales : les arts mécaniques n’appartenaient pas au champ scolaire du savoir ; comme dans l’Antiquité, on ne différenciait pas toujours l’art et l’artisanat ; les arts mécaniques, liés avec le corps et avec la manipulation de la matière, font l’objet d’une certaine méfiance. Malgré la valorisation des machines, à partir du XIIe siècle, il existe relativement peu d’écrits à leur sujet, tant elles paraissent cantonnées au savoir-faire pratique, non pas au savoir, jusqu’à Hugues de Saint-Victor. Mais ce qui importe le plus ici est la jointure entre mécanique et littérature, aux « carrefours et interactions entre arts mécaniques et imaginaire poétique », notamment autour de la légitimité de la créativité humaine. Fabienne Pomel place une étude lexicale au seuil du volume pour souligner « l’ambivalence sémantique des machines et engins » (p. 16).
4Ce qu’on peut retenir de la démarche d’ensemble est la grande qualité des différentes contributions, leur complémentarité et, tout particulièrement, la façon dont l’ensemble a été conçu et pensé, puis mis en forme. L’introduction, la présence des résumés des communications, ainsi que les éléments bibliographiques font du volume, très touffu, un bel outil de travail. On aurait aussi pu ajouter un index mais il est vrai qu’il n’aurait pas été évident d’en définir les entrées pour qu’elles soient véritablement signifiantes et discriminantes. Par ailleurs, sur un plan certes plus anecdotique, les citations finement choisies, placées en exergue, notamment celles Du domaine des Murmures ou de Baudolino, montrent bien l’approche riche et décloisonnée du séminaire du CETM et de Fabienne Pomel.
Pour citer cet article
Référence électronique
Myriam White-Le Goff, « Engins et machines, dir. Fabienne Pomel », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 11 juin 2017, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14155 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14155
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