D’ailes et d’oiseaux au Moyen Âge. Langue, littérature et histoire des sciences, dir. Claude Thomasset
D’ailes et d’oiseaux au Moyen Âge. Langue, littérature et histoire des sciences, dir. Claude Thomasset, Paris, Champion (« Sciences, techniques et civilisations du Moyen Âge à l’aube des Lumières »), 2016, 453 p.
ISBN 978-2-7453-2931-8
Texte intégral
1L’ouvrage est un important volume divisé en cinq parties, qui regroupe les travaux d’un séminaire qui s’est tenu en 2006. L’ensemble est dédié à Claude Gaignebet et à la mémoire de ses travaux, comme en atteste l’avant-propos.
2La première section (« D’ailes et de mythes dans les civilisations… ») débute par un article, « Autour de l’aigle et du roitelet », qui transcrit une conférence de Claude Gaignebet, mais encore les discussions qui s’ensuivirent avec Claude Thomasset. Le naturel du propos, avec son foisonnement, tant au niveau des références que des pensées, produit parfois un peu de confusion mais stimule la réflexion. Le deuxième article, d’Isabelle Olivier, « Sur les ailes de l’oiseau », nous conduit « De la mythologie celtique à la littérature arthurienne », notamment avec les exemples du cygne et du corbeau. L’oiseau incarne la joie de l’Autre monde et son chant rend aussi sensible à l’absence de temps dans l’au-delà. Concernant Merlin, par exemple, Isabelle Olivier rappelle sa grande affinité avec le monde aviaire et émet des propositions concernant son hypothétique nature d’oiseau, en appliquant la mythologie comparée : émerillon ? merle blanc ? pivert ? L’article est riche est passionnant, il fait vraiment le point sur le sujet. L’article « L’homme et les oiseaux au Moyen Âge : perspectives pour une approche », de Claude Lecouteux, part de l’observation de l’omniprésence de l’oiseau pour en dresser une « petite typologie » : oiseau messager, informateur, oraculaire ou fatidique, étiologique, nourrisseur, transporteur, sauveur ou ravisseur mais aussi, simplement, adjuvant et opposant, signe d’élection, psychopompe, et merveille, jusqu’à devenir « modèle de l’aviateur » (p. 98), conseiller ou exemplaire. L’oiseau a à voir avec la médecine, la météorologie ou la magie. Enfin, l’article traite des hommes et des femmes oiseaux. L’article « Contes de moineaux au Japon » de Chiwaki Shinoka clôt cette section.
3La deuxième section (« Des oiseaux si proches des hommes… ») comprend quatre articles : « Quand l’homme ressemble à l’oiseau : études des rapprochements entre les deux ‘espèces’ à partir de quelques versions françaises manuscrites et imprimées de la zoognomonie contenue dans le Secret des secrets attribué à Aristote », par Christine Silvi ; « Les colombidés : utilité et agrément pour l’homme médiéval », par Fleur Vigneron, qui s’intéresse à la dénomination de ces oiseaux, ainsi qu’à leur élevage et aux profits qu’on en attend ; « Oiseaux dans la maison médiévale : familiers, hôtes forcés, rêves apprivoisés », par Baudouin Van Den Abeele, qui traite des oiseaux de basse-cour, des grands échassiers ou des passereaux, mais aussi des oiseaux prestigieux de fauconnerie ; enfin « ‘Comprendre le langage des oiseaux’ : mythanalyse de quelques oiseaux indicateurs et de quelques conirostres [oiseaux au bec en forme de cône] », par Sibusiso Hyacinth Madondo, qui mobilise, pour le territoire africain, les « anathematises », complices des bergers et des chasseurs, le corbeau considéré comme psychopompe qui pourrait même conduire l’homme à comprendre le langage des oiseaux.
4La troisième section (« D’oiseaux et de musique… ») débute par l’article de Michèle Gally, « Du chant de l’oiseau au chant du trouvère », qui porte sur la première lyrique de langue d’oïl, en se demandant ce que représente l’oiseau pour le trouvère. Suit « Tristan rossignol, étymologie et mythologie », de Philippe Walter, qui met en lumière l’importance de la musique et des techniques vocales dans la tradition celtique, ainsi que le rôle des oiseaux dans les initiations, en empruntant les chemins de l’étymologie, en explorant les univers de la cécité ou de la voyance ou en rapprochant le rossignol, le papegai et le loriot. « Le chant de l’oiseau est-il une musique ? Réponses du clerc, réponses du poète », de Jean-Marie Fritz, s’intéresse à la question de l’invention de la musique, au lien entre le chant de l’oiseau et le macrocosme, tel qu’abordé par Albert le Grand dans son traité De animalibus (1260), ainsi qu’au lyrisme, pour aboutir à l’observation du rapport établi par les clercs médiévaux entre l’art et la nature.
5La quatrième section (« L’Oiseau symbole, l’oiseau acteur dans les textes ») comprend quatre articles. Dans « Des oiseaux et des saints : La Légende dorée de Jacques de Voragine », Cécile Le Cornec Rochelois met en lumière la place singulière qu’accorde aux oiseaux Jacques de Voragine, alors même qu’il semble bien peu s’intéresser aux animaux. Les références sont inspirées par la Bible mais aussi par le savoir zoologique et sont représentatives des conceptions médiévales concernant l’oiseau, en particulier, dans ses rapports avec les saints, avec lesquels il partage « douceur, sagesse et clairvoyance » (p. 163). Dans « Les Oiseaux de l’idylle : de la présence aviaire dans Le Conte de Floire et Blancheflor », Lunorsola Raffali Grenat observe le rôle structurant des oiseaux au même titre que celui des fleurs dans le texte, ainsi que leurs valeurs symboliques. Dans « Du rapace malfaisant au charognard maltraité, violence animale et barbarie humaine dans L’Escoufle de Jean Renart », Jean-Jacques Vincensini s’intéresse au motif de « l’Oiseau voleur », en établissant un cadre conceptuel pour l’étude de sa reprise. On montre « comment les Belles Lettres médiévales expriment et contiennent esthétiquement la violence et le désordre qui menacent les relations licites et ‘heureuses’ entre les hommes et les animaux, les pères et les enfants, les hommes et les femmes » (p. 297).
6La cinquième section (« Des Oiseaux pour d’autres usages, pour d’autres aventures… ») est longue de cinq articles. Dans « Le Roi et l’oiseau, voyager dans les airs au Moyen Âge », Joëlle Ducos souligne le caractère fondateur du vol d’Alexandre développé au Moyen Âge : exemplum, allégorie, mais aussi réflexion technique. Dans « Pédauques », Karin Ueltschi étude la « très riche et signifiante configuration mythique » autour de la reine Pédauque : « une femme-oiseau, l’air et l’eau ; des tabous et des transgressions, de grands seuils, des histoires de métamorphoses peut-être, et à coup sûr de (ré)génération » (p. 321). Le « volatile aux pattes palmées [a été] élu pour emblématiser aussi bien une initiation à la sagesse philosophique, la pureté virginale et le rêve de fertilité, de la prospérité, voire de la bombance » (p. 335). Dans « Les Oiseaux dans le traitement de la pierre », Danielle Jacquart articule pharmacopée et symbolique en recourant à un très large corpus. Dans « Dédale et Icare : une histoire des pères », Claude Thomasset étudie l’encyclopédie médiévale Placidés et Timeo ou Li secrés as philosophes (fin XIIIe siècle), où le rapprochement des histoires de Dédale et Icare et de Minos et Pasiphaé ne lui semble pas fortuit mais au contraire significatif du lien profond qui les unit. Dans « ‘Abat l’oiseau’, le tir au papegai dans le duché de Savoie à la fin du Moyen Âge », Alexandre Malgouverné évoque un jeu d’armes, le « tir au papegai », d’après différents documents qui s’échelonnent sur la longue durée (1480-1659) : quelles en sont « les origines, les règles et l’organisation » (p. 372) ? Le jeu a-t-il à voir avec le perroquet, dont il porte le nom, autrement que par glissement sémantique ? N’est-il pas un « jeu cyclique lié au choix d’un roi de la jeunesse » (p. 372) ?
7Les mots de conclusion sont laissés à Élise Gaignebet, la fille du « Grand » (p. 394) Claude. L’ensemble comprend une bibliographie générale.
Pour citer cet article
Référence électronique
Myriam White-Le Goff, « D’ailes et d’oiseaux au Moyen Âge. Langue, littérature et histoire des sciences, dir. Claude Thomasset », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 11 juin 2017, consulté le 30 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14150 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14150
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