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2017

En Orient et en Occident, le culte de saint Nicolas en Europe (Xe-XXIe siècle). Actes du colloque de Lunéville et Saint-Nicolas-de-Port, 5-7 décembre 2013, sous la direction de Véronique Gazeau, Catherine Guyon et Catherine Vincent

Marie-Céline Isaïa
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En Orient et en Occident, le culte de saint Nicolas en Europe (Xe-XXIe siècle). Actes du colloque de Lunéville et Saint-Nicolas-de-Port, 5-7 décembre 2013, sous la direction de Véronique Gazeau, Catherine Guyon et Catherine Vincent, Paris, Les Éditions du Cerf, 2015, 512 p.

ISBN : 978-2-204-10855-3

Texte intégral

  • 1 Alle origini dell’Europa : il culto di san Nicola tra Oriente e Occidente, Italia-Francia. Atti del (...)

1Après une rencontre consacrée au culte de saint Nicolas en Italie et en France1, le colloque lorrain de 2013 entendait s’attacher à toutes les autres régions touchées par cette dévotion en partie incompréhensible : comme Catherine Vincent le souligne en introduction, rien ne justifie a priori l’extraordinaire succès de Nicolas, un évêque comme tant d’autres, ni plus pieux ni plus savant, ni meilleur thaumaturge ni ascète plus intransigeant que des centaines d’autres évêques de l’Antiquité tardive. Il aura fallu tout le volontarisme du pape Nicolas Ier puis des grégoriens pour que saint Nicolas, passé de pasteur d’Orient à patron vénéré en Occident à la faveur de la translation de ses reliques en 1087, devienne une figure emblématique de la réforme dont l’Église avait besoin. Le caractère somme toute quelconque de la sainteté de Nicolas aurait alors représenté un atout : il constituerait un modèle de sainteté d’autant plus séduisant qu’infiniment adaptable aux attentes des fidèles. Saint Nicolas se spécialise, mais tardivement : il protège de la noyade en patron des navigateurs (en Alsace p. 356-357 ; en Angleterre p. 326 ; approche ethnographique p. 461-463) ; et il finit par devenir le patron des écoliers (à Fribourg à la période moderne, p. 378-384 ; en Alsace, p. 363-364, et en Angleterre, p. 343-346, à la fin du Moyen Âge).

2Vingt-trois communications mettent à l’épreuve cette théorie des « modèles de sainteté » fabriqués sur mesure par une pastorale romano-centrée, dont dix-sept s’attachent au seul Moyen Âge. Un large pôle de la réflexion s’organise en fonction des aires géographiques : il est question de saint Nicolas en Espagne (Gerardo Cioffari, p. 169-191), en Europe de l’est (Alexandre Musin, p. 195-227), en Serbie (Perica Špehar, p. 229-255), en Pologne (Maria Starnawska, p. 257-272), en Albanie (Angela Laghezza, p. 273-293), en Irlande (Lucia M. M. Olivieri, p. 311-321), en Angleterre (Ada Campione, p. 323-346) et en Alsace (Élisabeth Clémentz, p. 347-368), avec une focalisation ponctuelle sur Constantinople (Paul Magdalino, p. 41-55) et sur Fribourg (Kathrin Utz Tremp, p. 369-384). L’autre approche consiste à privilégier un type de source : saint Nicolas dans le vitrail lorrain (Catherine Guyon, p. 385-405), les livrets de pèlerinage à Saint-Nicolas-de-Port (Bruno Maes, p. 407-421), les sermons français des XVIe-XIXe siècles (Stefano Simiz, p. 423-435), l’iconographie et la littérature populaire russe (Maria Chiara Pesenti, p. 453-460), les insignes de pèlerinage (Carina Brumme, p. 297-310), les sceaux byzantins (Jean-Claude Cheynet, p. 57-74), le discours des images du royaume capétien (Esther Dehoux, p. 147-168) ou l’art byzantin des Xe-XIIe siècles (Nancy Ševčenko, p. 75-103) : cette dernière présentation rapide attire surtout l’attention sur un manuscrit entièrement consacré au saint évêque (Wien, ÖNB, theol. gr. 148) à l’usage d’un monastère Saint-Nicolas ton Pentarchontaton qu’il faudrait situer en Épire. Ces analyses en fonction des sources confirment l’hypothèse initiale : le culte de saint Nicolas n’a rien d’extraordinaire… sinon son succès. E. Dehoux conclut par exemple que Nicolas est représenté comme un modèle de comportement pour les clercs et un saint patron, Br. Maes qu’il est invoqué comme thaumaturge ; la polyvalence de saint Nicolas est même vantée dans les panégyriques en kit qu’étudie Stefano Simiz : « Nicolas est ‘un modèle universel de sainteté’, bon à suivre ‘à toute sorte de personne et dans toute sorte d’état’ » (J.-Fr.-R. de la Tour du Pin, panégyrique de 1761, cité p. 432, note 2). Saint Nicolas se distinguerait seulement d’autres saints évêques par sa capacité à être adopté durablement comme le représentant de l’espace lorrain ; l’ambition de synthèses qui, comme celle de C. Guyon, couvre le vitrail du XIIIe au XXe siècle, est alors parfaitement justifiée puisqu’elle permet de mettre en évidence une permanence de la dévotion : « après le Christ, la Vierge Marie et Jeanne d’Arc, [saint Nicolas] est le saint le plus représenté dans le vitrail en Lorraine » (p. 403). Les Lorrains de Rome ont obtenu au XVIIe siècle d’avoir leur propre église distincte de Saint-Louis-des-Français et l’ont surmontée d’une inscription explicite « La nation des Lorrains a fait cette église en l’honneur de saint Nicolas » (Fr. Roze, p. 442).

  • 2 Dans un lumineux « Saint Nicolas dans le monde ottonien : quatre-vingts ans après Karl Meisen », p. (...)

3Les autres régions étudiées sont donc, à l’aune de la situation lorraine, des parents plus pauvres et les parcourir revient ici à poser davantage des questions chronologiques que géographiques. D’une façon traditionnelle en effet, étudier l’expansion du culte de saint Nicolas consiste à discerner si c’est à partir de Myre dès l’Antiquité tardive, à partir de la translation à Bari de 1087, ou à partir de la Lorraine ducale du XVe siècle que la dévotion s’est répandue – la répartition des insignes de pèlerinage confirme aisément en effet que Bari et Saint-Nicolas-de-Port sont les deux seuls foyers de dévotion à rayonnement international, surtout par comparaison à l’intérêt local de Nicolausberg (cartes p. 303, 306 et 310). Le colloque montre qu’il existe d’autres points de repère et d’autres foyers. Patrick Corbet2 rappelle d’abord le rôle fondamental de la famille impériale en Germanie ottonienne pour les Xe et XIe siècle. Non seulement Theophano peut être à juste titre considérée comme celle qui a acclimaté le culte de saint Nicolas dans le monde ottonien, mais l’impératrice, dont une chapelle Saint-Nicolas conserve le souvenir du décès à Nimègue, est encore la cause de la diffusion de cette dévotion distinctive dans la famille de sa fille Mathilde, mariée à Ezzon. Jusqu’au milieu du XIe siècle, les Ezzonides se signalent par des fondations Saint-Nicolas (Brauweiler, Cologne, Essen, Klotten) : on comprend alors mieux la création de Saint-Nicolas-de-Port par Henri, abbé de Gorze (1055-1093), fils illégitime d’Ezzon. Le culte polonais de saint Nicolas dépend vraisemblablement de l’influence ottonienne (p. 257-263), tout comme le culte alsacien (p. 348-349) ; en Angleterre aussi, passant peut-être par la Normandie continentale, Nicolas est un saint de prédilection avant 1066 (rôle de saint Wulfstan, p. 326-328). A contrario, l’adoption du culte nicolaïen par la dynastie serbe des Nemanjići, bien que plus ou moins contemporaine, ne peut dépendre que d’une forte influence byzantine sous les empereurs Comnènes (p. 232-234) – un foyer de diffusion à ne pas sous-estimer et qui rappelle, bien sûr, l’adoption du même patronage par les élites de la Rus’ de Kiev (p. 198).

4Les actes de ce colloque seront une mine pour tous ceux qui étudient le culte des saints sous l’angle de la permanence des dévotions, parfois folkloriques, dans la perspective d’une histoire longue ; qualité supplémentaire, et non des moindres dans ce domaine, le livre est illustré avec une généreuse profusion – les cartes d’E. Clementz sur la diffusion du culte de saint Nicolas en Alsace sont exemplaires, comme est utile la riche illustration de l’article d’E. Akyürek sur les fouilles archéologiques de Myre (p. 21-37).

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Notes

1 Alle origini dell’Europa : il culto di san Nicola tra Oriente e Occidente, Italia-Francia. Atti del convegno Bari 2-4 dicembre 2010, a cura di Gerardo Cioffari e Angela Laghezza, Bari, 2011 (Nicolaus Studi Storici. Rivista del Centro Studi Nicolaiani, n° 42-43).

2 Dans un lumineux « Saint Nicolas dans le monde ottonien : quatre-vingts ans après Karl Meisen », p. 107-124, avec une élégante mise en valeur des travaux de Klaus Gereon Beuckers, Die Ezzonen unde ihre Stiftungen. Eine Untersuchung zur Stiftungstätigkeit im 11. Jahrhundert, Münster-Hambourg, 1993.

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Référence électronique

Marie-Céline Isaïa, « En Orient et en Occident, le culte de saint Nicolas en Europe (Xe-XXIe siècle). Actes du colloque de Lunéville et Saint-Nicolas-de-Port, 5-7 décembre 2013, sous la direction de Véronique Gazeau, Catherine Guyon et Catherine Vincent »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 12 avril 2017, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14133 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14133

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Marie-Céline Isaïa

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