Le corps éloquent du roi Henri III et l’école pathétique du théâtre tragique de Robert Garnier
Résumés
Henri III est l’un des rois de France les plus attentifs au pouvoir de l’éloquence, en particulier à l’éloquence du corps que constitue l’actio. Il a été formé par différents traités d’humanistes, notamment la Rhetorique françoyse (1579-1580) que lui a dédié Germain Forget. Or l’originalité de ce texte est de puiser dans le théâtre contemporain de Robert Garnier. Le théâtre apparaît ainsi comme une école d’éloquence et de gestuelle pour le roi
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- 1 L’efficacité rhétorique ne dépend pas que de l’habileté de l’orateur, mais relève aussi, dans une (...)
- 2 G. Genette, « La rhétorique restreinte », Communications, n° 16, 1970, p. 158-171 ; repris dans Fi (...)
- 3 P. de l’Estoile, Registre-Journal, t. IV, p. 105, en date du 25 novembre 1583.
- 4 Perroniana et Thuana ou Pensées judicieuses, bons mots, rencontres agreables et observations curie (...)
- 5 G. Forget, Rhetorique françoise faicte particulierement pour le Roy Henry III, Precetti di rettori (...)
1Pour l’histoire de la rhétorique à la Renaissance, Henri III offre un cas d’étude très intéressant, dans la mesure où il fut sans doute le plus éloquent des monarques de l’Ancien Régime, le brio oratoire ne l’empêchant pas cependant d’être d’une impuissance politique presque complète en raison du contexte particulier de son règne1. Le dernier des Valois incarne à merveille un certain idéal humaniste, celui de la toute-puissance de la parole éloquente. L’apparente simplicité des traités de rhétorique écrits à son usage donne faussement à penser que le mystère de l’éloquence pourrait se résumer à un catalogue de procédés de style, ce que Gérard Genette a pu appeler, par un anachronisme flagrant, une « rhétorique restreinte2 » coupée de sa dimension argumentative et réduite aux « fleurs de rhétorique ». Or, les précepteurs de Henri III en matière rhétorique n’ont de cesse d’entretenir une légitime méfiance par rapport aux lois, préceptes et prescriptions, à commencer par Du Perron, auteur d’un traité à l’usage de Henri III et l’un des plus grands orateurs de son règne, capable de convaincre indifféremment de l’existence et de l’inexistence de Dieu à une époque peu sujette à plaisanter sur la question3. Dans ses Perroniana, l’humaniste doute de la possibilité d’enseigner la rhétorique, que l’on ne saurait réduire à une recette que n’aurait ensuite qu’à appliquer l’orateur, sans avoir à exercer son « jugement4 ». Au reste, Germain Forget se montre toujours soucieux d’associer théorie et exercitatio ou, comme il le dit lui-même, « de reduire le tout en pratique5 ». À cet égard, le recours de cet auteur au théâtre de Garnier se révèle précieux pour remédier aux limites de la théorie, en ce que de tels exemples suggèrent toujours plus que ce qu’ils servent à illustrer. En outre, le choix de Forget de puiser ses exemples dans un genre précis, le théâtre tragique, et un auteur particulier, Robert Garnier, a une incidence sur la nature sentencieuse et la thématique du sacrifice omniprésentes dans le traité de Forget à l’usage du roi.
2Les témoignages sur l’éloquence du roi sont à la fois nombreux et concordants, d’où qu’ils émanent et cela même si l’on peut se méfier légitimement de la flagornerie qui entoure la personne royale en régime monarchique. L’un des témoignages les plus enthousiastes et les plus détaillés est celui de Guilllaume de Taix, député du clergé aux États Généraux de 1576 à Blois :
- 6 G. de Taix, « Journal », Recueil de pièces originales et authentiques concernant la tenue des État (...)
Le roi fit la plus belle et docte harangue qui fût jamais ouïe, non pas d’un roi, mais je dis d’un des meilleurs orateurs du monde, et en telle grace, telle assurance, telle gravité et douceur à la prononcer, qu’il tira les larmes des yeux à plusieurs, du nombre desquels je ne me veux exemter, car je sentis à la voix de ce prince tant d’émotion en mon ame, qu’il falloit malgré moi que les larmes en rendissent témoignage6.
- 7 X. Le Person a bien montré comment le roi tira parti des larmes à des fins rhétoriques dans son di (...)
- 8 Voir L. Feugère, Caractères et portraits littéraires du xvie siècle, Paris, Didier, 1859, t. II, p (...)
- 9 P. de l’Estoile, Registre-journal, t. VI, p. 78.
3Ce jugement est précieux en ce qu’il nous renseigne sur l’efficacité de l’éloquence du roi qui tient, d’après ce témoin, à son aptitude à faire ressentir les passions éprouvées par l’orateur, en jouant sur ce que la tradition aristotélicienne appelle le pathos, le député pleurant à chaudes larmes les malheurs des guerres civiles si fortement éprouvés par le roi qui n’hésite pas, lui non plus, à recourir au besoin aux larmes, comme l’a bien montré Xavier Le Person7. Ce témoignage favorable est certes le fait d’un homme acquis à la cause du roi. Mais d’autres témoins, franchement plus hostiles ou dont l’opinion est plus mitigée à l’égard du dernier Valois, reconnaissent également ce qui semble faire consensus auprès des contemporains, à savoir l’éloquence de ce roi « bien disant », pour emprunter les termes d’Agrippa d’Aubigné8 qui, au reste, ne trouve jamais de termes assez durs pour condamner Henri III. De même, Pierre de l’Estoile9, se montrant souvent très critique à l’égard du monarque dans son journal, est contraint de reconnaître l’évidence à propos de l’efficace rhétorique dont le monarque fait montre aux États Généraux de 1588, lorsqu’il note avec une insistance particulière l’effet produit par les accusations de lèse-majesté sur le duc de Guise, qui perd contenance et qui, du même coup, se révèle en proie au pathos mis en œuvre par l’orateur royal.
- 10 La lettre elle-même est perdue, seul est conservé le résumé qu’en donne A. Giananelli dans une dép (...)
4Or, cet orateur-né semble exercer son talent oratoire essentiellement dans l’actio ou la mise en geste et en voix du discours, en un mot dans l’éloquence du corps, si l’on en juge d’après la lettre qu’Alfonso Giananelli adresse à Alfonso II d’Este le 6 décembre 1576 et dans laquelle le témoin de son apothéose oratoire fait remarquer qu’il est impossible de rendre compte de l’éloquence du roi, puisque la version écrite ne saurait rendre justice à l’effet produit10. En somme, les contemporains reconnaissent en Henri III un maître du pathos et de l’actio.
- 11 X. Le Person, « Practiques » et « practiqueurs », p. 246. Le document autographe est conservé aux (...)
- 12 R. J. Sealy, The Palace Academy of Henry III, Genève, Droz, 1981, p. 153-166.
- 13 Sur la complémentarité et la séquence logique de ces trois traités, voir C. La Charité, « Les troi (...)
5Lors de son court règne de janvier à juin 1574, le roi dut sans cesse recourir au truchement des humanistes de sa cour, faute de maîtriser le latin, langue officielle de la république aristocratique de Pologne-Lituanie. Avant même d’accéder au trône de France, le futur Henri III écrira à Pibrac pour lui demander une formation oratoire digne de ce nom11. Pour autant que l’on sache, cette formation rhétorique ne sera pas dispensée avant les dernières séances de l’éphémère Académie du Palais, au cours de l’été 157912. De ces leçons de rhétorique ont été conservées trois institutions oratoires à l’usage du roi qui sont la réécriture de discours académiques prononcés respectivement par Jacques Davy Du Perron, Jacques Amyot et Germain Forget13.
La Rhétorique de Germain Forget et les exemples tirés du théâtre tragique de Robert Garnier
- 14 J. Amyot, Projet d’éloquence royale, éd. P.-J. Salazar, Paris, Les Belles Lettres, 1992, p. 91.
- 15 K. Meerhoff, Rhétorique et poétique au xvie siècle : Du Bellay, Ramus et les autres, Leyde, E. J. (...)
6La Rhetorique françoise faicte particulierement pour le Roy Henry III conclut la série de leçons sur l’éloquence en proposant ce qu’Amyot, dans le discours précédent, appelait « un livre à part de ces figures et ornements d’oraison, avec exemples14 ». De fait, alors que Du Perron résumait la tradition latine en posant la question de la pertinence de la rhétorique en contexte monarchique et qu’Amyot théorisait la pratique royale de l’éloquence à la lumière de la tradition grecque, Germain Forget, quant à lui, donne des exemples précis susceptibles de nourrir l’imitation et l’exercitatio du roi, dans le prolongement de la tradition, inaugurée par Pierre Ramus, d’une rhétorique centrée sur l’élocution et l’action, dont le projet remontait à Philippe Melanchthon et Rodolphe Agricola15. La réforme ramiste de la rhétorique a consisté à repenser les liens entre rhétorique et dialectique, en retirant à la rhétorique l’invention et la disposition pour les confier à la dialectique, si bien que, pour Ramus, seules l’élocution et l’action font partie de la rhétorique proprement dite. L’essentiel du traité de Forget est constitué par le classement, la description et l’illustration des tropes et figures. Or, dans cette section, l’influence, sinon la dépendance à l’égard de la Rhetorica (1548) d’Omer Talon et de la Rhetorique françoise (1555) d’Antoine Fouquelin est évidente, si bien que l’on peut comprendre le titre du traité, Rhetorique françoise faicte particulierement pour le roy Henry 3, comme la simple adaptation de la rhétorique ramiste au destinataire royal.
7Germain Forget cite abondamment Robert Garnier qui fournit 30 des 63 illustrations des différents tropes et figures. Or, ce recours à Garnier constitue alors une nouveauté. Non pas parce que Forget donne des exemples des différents procédés de style. De ce point de vue, il avait été devancé par Fouquelin qui, dans sa Rhetorique françoise, traduction vernaculaire de la Rhetorica de Talon, puisait déjà largement ses exemples chez les poètes contemporains de la Pléiade, comme Ronsard, Du Bellay et Belleau, ou chez des écrivains de la génération précédente comme Marot. Forget suit en fait une tendance forte de la Renaissance qui affectionne particulièrement les illustrations, les citations et les exemples tirés de la meilleure littérature, en particulier en langue vulgaire. Ce qui constitue la nouveauté chez Forget, c’est le fait que, parmi les exemples en langue vernaculaire, il puise à une seule source, le théâtre de Robert Garnier, et que, dans la multitude des genres et des formes littéraires qui s’offraient à lui, il ait choisi de se cantonner et de se limiter au théâtre tragique, ce qui n’est pas sans incidence sur l’importance dévolue au style sentencieux et à la thématique du sacrifice, comme nous le verrons dans la suite. Cet exemple de réception précoce de Garnier au début de la décennie 1580 ira en s’amplifiant par la suite, le poète tragique figurant de façon récurrente aux côtés de Desportes, puis de Malherbe dans les traités de poétique et de rhétorique de la fin du xvie siècle et du début du xviie siècle.
- 16 E. Kushner, « Pontus de Tyard, professeur de rhétorique ? », Henri III mécène des arts, des scienc (...)
8Avant d’étudier les citations tirées des pièces de Garnier, il faut évoquer les autres exemples donnés par Forget, dont seuls deux sont attribués explicitement ou implicitement à des auteurs connus. Dans un cas, il s’agit du poète latin Horace et, dans l’autre, de Philippe Desportes, le favori du roi. À part Horace et Desportes, on trouve, dans tous les autres cas, des exemples en prose qui semblent de la plume du rhétoricien. Ce ne sont donc pas des exemples littéraires, faisant partie d’un canon quelconque, dont le roi aurait une connaissance antérieure. Dans presque tous les cas, il s’agit d’exemples réutilisables tels quels par l’orateur royal, à l’instar des Modèles de phrases de Pontus de Tyard, étudiés par Eva Kushner, ou des Formulæ oratoria Gallice récemment mises à jour par François Rouget16. Ainsi, pour illustrer la prosopopée, Forget laisse clairement transparaître ses convictions ligueuses :
- 17 Forget, Rhetorique françoise, p. 33. Désormais, toutes les références à ce traité renverront à cet (...)
Si vous autres princes qui furent si fam[e]us jadis, si devots, revenoint maintenant ; si ce bon S. Louys retournoit en sa France, qu’il seroit estonné de la voir heretique, de voir nos temples razés, nos monasteres embrazés, nos saints autels polus et contaminés, nos saints ornements profanés, que penseroit il, que diroit il, quel estonnement auroit il. Il m’est advis que j’entens ses propres [paroles] : Helas ! ma Frence, que tu es en miserable estat, que tu as bien changé de condition ; je t’ay vuë reluire en pieté et religion sur toutes les nations du monde, tu estois l’exemplaire de sainte[té] a tous peuples voisins, et maintenant tu as chassé Je[s]ucript ; et j’ay tant de fois gerroyé les payens, ay fondé tent de maisons de devotion, basti tant de sompt[u]eus temples, achepté si cherement les outils sacrés de notre redemption pour les abattre, detruire et profaner17.
9Voyons maintenant pourquoi le théâtre de Garnier constitue, à côté des illustrations du cru de l’auteur, la source principale des exemples de cette rhétorique royale. Évidemment, une telle question suppose une réponse en plusieurs points. D’abord, il convient de remarquer que seules six des huit pièces de Garnier sont citées dans la Rhetorique de Forget. Cet élément, loin d’être anodin, est l’un des principaux indices de critique interne qui permet de proposer une datation probable de la rédaction de ce traité, vers la fin de 1579 ou au début de 1580, car toutes les citations sont extraites de pièces publiées au plus tard en 1580. On ne trouve ainsi aucune citation de Bradamante (1582) ou des Juifves (1583). Sur les trente citations tirées de Garnier, onze sont d’Antigone (1580), six d’Hippolyte (1573), cinq de Cornelie (1574), trois de Marc Antoine (1578), trois de Porcie (1568) et deux de La Troade (1579). On trouve un certain nombre de variantes significatives par rapport au texte connu et imprimé des tragédies de Garnier. Il arrive que Forget abrège les passages cités et qu’il soit obligé de retoucher les vers pour qu’ils aient une cohérence syntaxique ou rythmique. C’est le cas de l’exemple de métaphore tiré de Porcie (acte I) :
Passage cité par Germain Forget |
Passage équivalent dans l’édition de 1580 des Tragédies |
Les edifices orguelleus |
Les edifices orgueilleux |
i. Les Tragedies de Robert Garnier Conseiller du Roy et de Monseigneur frere unique de sa Majesté, Lieutenant general Criminel au siege Presidial et Senechaussee du Maine. Nouvellement revues et corrigees, Paris, Mamert Patisson, 1580, fol. 4r. Désormais, à l’exception d’Antigone, toutes les références au théâtre de Garnier renverront à cette édition et seront précisées entre parenthèses dans le corps du texte, précédées du sigle TG
10De l’exemple de la synecdoque de la partie pour le tout, tiré d’Antigone (acte I) :
Passage cité par Germain Forget |
Passage équivalent dans l’édition de 1580 des Tragédies |
Que pouriés vous soufrir sur l’Acheron estant (RF, p. 22) |
Ne souffrez vous autant |
ii. Antigone ou la Pieté, Tragedie de Robert Garnier conseiller du Roy et de Monseigneur frere unique de sa Majesté, Lieutenant general Criminel au siege Presidial et Senechaussee du Mayne, Paris, Mamert Patisson, 1580, fol. 4r
11Ou, encore, de la longue citation illustrant le procédé de l’accroissement ou augmentation, tirée de Marc Antoine (acte II) :
Passage cité par Germain Forget |
Passage équivalent dans l’édition de 1580 des Tragédies |
Si lorsqu’Anthoine orné de grandeur et de gloire, |
Si lorsqu’Antoine, orné de grandeur et de gloire, |
Menoit ses legions dedans l’Eufrate boire, |
Menoit ses legions dedans l’Euphrate boire, |
En son flatteus bonheur je l’eusse esté changer, |
Et qu’en un tel bon-heur se l’eusse esté changer |
Pour Cæsar l’on eust dit mon cœur estre leger, |
Pour Cesar, l’on eust dit mon cœur estre leger, |
Infidelle, inconstant ; mais ore que l’oraige, |
Infidelle, inconstant : mais ore que l’orage, |
Que les vents impesteus luy donnent au visage, |
Que les vens tempesteus luy donnent au visage |
Si je l’abandonnois, et possible s’en [sic] fruit |
Le quittois, l’estrangeois, et possible sans fruict, |
Pour flatter lachement Cæsar qui le poursuit, |
Pour flater laschement Cesar qui le destruit ? |
Je ne serois volage, inconstante, infidelle, |
Je ne serois volage, inconstante, infidelle, |
Ains parjure, meschante et traistrement cruelle. (RF, p. 35) |
Ains meschante, parjure et traistrement cruelle. |
12Les variantes que propose la Rhetorique de Forget sont explicables par le fait qu’il s’agit d’un texte écrit par un copiste sous la dictée, d’où un certain nombre de fautes dues à une compréhension approximative, comme dans l’exemple de la figure de mot où les verbes étendre et entendre sont confondus (Cornelie, acte III) :
Passage cité par Germain Forget |
Passage équivalent dans l’édition de 1580 des Tragédies |
Puis j’entendi le cors que le devorant feu |
Puis j’estendi le corps, que le consommant feu |
Les tragédies de Garnier, un théâtre oratoire et une école d’actio
- 18 Par exemple, Jacques Amyot : « Quant au jugement et à la mémoire, vous en avez, Sire, ce qu’on en (...)
13Comme dans le cas de Desportes, le choix de Garnier comme réservoir d’exemples est motivé par la volonté d’adapter le contenu au destinataire royal. Plusieurs indices, dans le traité, suggèrent en effet la connaissance intime que Henri III avait du théâtre tragique de Garnier. D’abord, Forget se permet de renvoyer aux pièces de Garnier sans jamais citer explicitement le nom de leur auteur, sauf en un endroit où, à propos de l’exclamation, le poète tragique est désigné par son patronyme : « Garnier » (RF, p. 30). De manière plus évidente, il se trouve des occurrences où Forget renvoie à un acte, en général, sans citer précisément le texte, comme c’est le cas pour la métonymie de la cause pour l’effet : « Bachus pour le vin, Neptune pour la mer, Mars pour la guerre ; comme en la tragedie de Cornelie, acte V » (RF, p. 20). Dans d’autres cas, l’extrait cité par Forget est à ce point bref qu’il doit être compris comme une référence à un passage plus long, bien connu du destinataire, ce qu’indique bien l’emploi du « etc. » dans les exemples de gémination tirés de Garnier : « Toy, toy qui peus combler tout le monde, etc. » (RF, p. 26 ; Porcie, acte I) ou « Moy, moy sorty de luy, etc. » (RF, p. 26 ; Porcie, acte III). On est ici visiblement confronté à des textes connus par cœur du destinataire, dont l’excellente mémoire était célébrée par les contemporains18, passages dont il suffit de citer les premiers mots pour en suggérer la suite.
- 19 Amyot, Projet d’éloquence royale, p. 58.
- 20 C. La Charité, « Les Perroniana, les traductions de Cicéron par Jacques Davy Du Perron et la forma (...)
14Pour une bonne part, l’intérêt du théâtre de Garnier, par delà son « actualité » et les parallèles possibles entre l’argument des tragédies et la situation politique du royaume, tient à son style gnomique et sentencieux, imité de Sénèque. Or, le roi était particulièrement amateur de pointes, de traits et de « mots de gentille rencontre19 » pour reprendre l’expression de Jacques Amyot. Ce dernier, dans son Projet d’éloquence royale, cherchera d’ailleurs à encadrer cette pratique susceptible, dans la conversation mondaine, de faire en sorte que le roi s’aliène certains courtisans. Henri III aurait même commandé à Du Perron un répertoire de « mille traits », cent sur dix sujets. Sans se substituer à ce projet qui ne s’est jamais concrétisé – compte tenu des réserves de Du Perron par rapport aux pointes20 – les exemples tirés de Garnier visent à alimenter le roi en traits typiques de l’éloquence sénéquéenne. Selon un usage qui se conservera pendant tout l’Ancien Régime, les passages en style gnomique, qui ont valeur universelle et qui sont l’équivalent de maximes, sont indiqués dans le texte imprimé par des guillemets ouvrants. Or, de tels passages étaient susceptibles d’être réemployés tels quels dans la pratique oratoire du roi, à l’instar des exemples en prose de Forget. Ainsi, une citation tirée de Cornelie (acte III), illustre le procédé de la paronomase. Or, la consultation en parallèle de l’édition imprimée de 1580 des tragédies de Garnier montre que le passage ainsi prélevé était déjà mis en évidence par des guillemets ouvrants pour mieux en souligner le caractère gnomique et universel, susceptible de réemploi dans un autre contexte :
15En choisissant ses exemples chez Garnier, Forget pouvait donc faire d’une pierre deux coups, en illustrant tel ou tel procédé de style dans la perspective de l’elocutio, tout en fournissant des matériaux textuels susceptibles de nourrir l’inventio du roi.
16Par ailleurs, le théâtre de Garnier est aussi caractérisé par sa nature oratoire et argumentée. Si l’action au sens de diégèse en est à peu près absente – puisque tout se passe hors scène et en général avant même l’ouverture de l’acte premier –, les tragédies de Garnier abondent en monologues, en courts échanges à deux personnages, en éloges funèbres, en plaidoyers de toute sorte. Or, Forget a été manifestement sensible à cet aspect, puisque, dans le cas de la figure qu’il appelle « énumération et partition », il donne deux exemples, tous deux tirés de Garnier. Il s’agit d’une occurrence exceptionnelle, puisque, en général, Forget fournit toujours au moins un exemple en prose de son cru. Dans ce cas, les deux citations sont tirées d’Antigone et destinées à illustrer une figure dont Forget précise qu’elle relève davantage de l’argumentation que de l’élocution :
enumeration et partition
Semblent plus tost estre especes d’arguments que figures. Toutefois parce qu’ils donnent lustre et splendeur a une oraison, nous les pourions mettre en ce nombre et en bailler ces deux exemples en l’Antigone :
J’ay ma dextre lavé dans le sang de mon pere,
J’ay d’inceste polu la couche de ma mere.
J’ay produit des enfans en son ventre fecond
Qui freres et enfans tout ensemble me sont, etc. [acte I]
Exemple de particion en Antigone [acte III] :
Ils ne firent qu’un seul jour
Desur la terre sejour ;
Le matin fut leur j[e]unesse,
Le midi leur eage meur,
Du soir la brune noirceur
Fut leur extreme viellesse. (RF, p. 34)
17En somme, aucun exemple ne semble meilleur que ceux tirés des tragédies « argumentées » de Garnier pour illustrer ces figures argumentatives. Mais le grand mérite de son théâtre reste le fait que, contrairement aux exemples de Fouquelin empruntés aux poètes de la Pléiade, il s’agit de pièces destinées à être sinon mises en scène, du moins déclamées. Or, dans bien des cas, le roi avait vraisemblablement pu assister à la représentation ou à la déclamation des tragédies de Garnier, ce qui lui permettait d’en avoir une connaissance précise, presque intime, non seulement de tel passage que Forget peut se contenter de citer par l’incipit, mais également de la manière dont ces vers devaient être rendus sur scène, avec la voix et les gestes qui conviennent. En puisant ses exemples chez l’auteur tragique, Forget faisait ainsi à nouveau d’une pierre deux coups. Non seulement il pouvait donner des exemples de style, mais de plus il pouvait se servir du théâtre déjà représenté devant le roi comme d’une véritable école d’actio, meilleure que toutes les règles et toute la théorie. D’ailleurs, en matière d’actio comme de pronunciatio, Forget fait bien valoir l’inutilité et le caractère extrêmement limité de la théorisation, à laquelle la pratique est toujours préférable :
Il est impossible de pouvoir particulariser des preceptes de l’action, veu que le tens, le lieu, la matiere, la qualité des personnes et des choses dont l’on parle et a qui l’on a affaire, leur age et naturel, les diversifient ; et tel port et constance siet bien en une personne, qui auroit mauvaise grace en une autre ; si bien que en cela il fault que chacun use de jugement, regardant d’accomoder et proportionner ses gestes selon la qualité de la chose, et d’y user de grande moderation, mesmement entre les François qui sont moins gesticulateurs que beaucoup d’autres peuples, et a ce, l’exercitation ordinaire et essai est comme les autres choses plus necessaires. (RF, p. 40-41)
La voix doit aussy estre proportionnée selon la matiere et subject ; elle doit estre plus lente et abbatuë au narré des choses tristes et plaintives, et dans toutes implorations, deplorations des pertes, dommages advenues ; et au contraire nous la debvons eslever en l’exageration des tors, injures et tors [sic] qui nous sont faicts, en detestant quelques crimes ou deportemens mechants, en menaces et protestations de nous venger. En choses joyeuses elle doibt estre moderée, en haulsant toutefois quelque peu hors du mediocre, sans effort ou esclatement, mais comme ressentant son halegresse ou gayeté. Cela se monstre mieux et plus clairement en prattique qu’il ne se peut expliquer par theorique. (RF, p. 37)
18C’est à la lumière de ces limites de la théorie qu’il faut comprendre les exemples extrêmement abrégés que donne Forget pour le procédé de la gémination, cette répétition qu’il illustre avec deux passages déjà cités de Porcie où, dans un cas, c’est le pronom « moi » qui se trouve répété et, dans l’autre cas, le pronom « toi ». Comme partout, Forget ne développe pas l’effet de pareil procédé, il ne fait que rappeler le contexte dans lequel, dans le théâtre de Garnier, le roi a pu entendre de telles géminations, ce qui vaut tous les développements les plus détaillés. Par ailleurs, dans la section consacrée à l’actio, Forget insiste sur la nécessité de tendre la voix dans les moments pathétiques du discours, en particulier dans la péroraison et dans l’emploi de figures qu’il appelle lui-même « pathétiques », dont la gémination :
S’il est question de narrer quelque chose, il fault avoir le parler posé et racis, distinguer ses clauses et periodes et retenir sa voix en un ton moderé, sans la trop haulser, et ne l’abaisser aussi que l’on ne puisse estre entendu. Le semblable doit estre faict au commencement de toutes harangues, aus perorations et aus autres endroits ou l’on veult esmouvoir les affections des auditeurs ; l’on la tend et bende davantage et principallement aus interrogations, imprecations et obtestations et aultres semblables figures patetiques ausquelles nos esprits s’elencent. Le semblable doit estre faict aus repetitions et geminations. (RF, p. 37)
- 22 F. Dobby-Poirson, Le pathétique dans le théâtre de Robert Garnier, Paris, Honoré Champion, 2006.
- 23 F. Lestringant, « Henri III et Dom Sébastien premier de Portugal », Henri III et son temps, éd. R. (...)
19Or, comme l’a montré Florence Dobby-Poirson22, le pathétique est l’un des principaux ressorts de ce théâtre tragique. En plus d’être un réservoir de sentences, de figures argumentées et une école d’actio pathétique, le théâtre de Garnier était aussi une véritable caisse de résonance des débats de l’Académie du Palais, ainsi que l’a bien mis en évidence Frank Lestringant23, en étudiant le cas de Marc Antoine, pièce publiée en 1578, au mitan de cette Académie active de 1576 à 1579. C’est que les tragédies de Garnier offrent non seulement des modèles de style et d’argumentation, mais également un contenu de philosophie morale de nature à plaire au roi et à nourrir son inventio rhétorique. Alors que le roi avait demandé que l’on débatte des principales passions et notamment de la colère, la pièce de Garnier reprend la question, en cherchant à déterminer s’il est légitime pour un roi d’exercer son ire à l’endroit d’un ennemi. Le passage, dans l’acte IV, met en scène Agrippa et Octave, tandis qu’ils débattent de l’attitude à adopter à l’égard du traître Marc Antoine, Agrippa étant favorable à la clémence et Octave, partisan de la rigueur. Or, ce dialogue est en fait une stichomythie, un échange de courtes répliques qui ne dépassent pas un vers :
agr. – Et quel aise a celuy que tout le monde craint ?
ces. – D’estre craint et d’avoir ses ennemis esteint.
agr. – Communement, la crainte engendre de la haine.
ces. – La haine sans pouvoir comunement est vaine.
agr. – Au Prince que l’on craint on desire la mort.
ces. – Au Prince qu’on ne craint bien souvent on fait tort.
agr. – Il n’est de telle garde, et de telle defense
Que de ses Citoyens avoir la bien-vueillance.
ces. – Rien n’est plus incertain, plus foible et plus leger,
Que la faveur d’un peuple, enclin à se changer. (TG, fol. 148v et 149r)
- 24 Enrico Caterino Davila, dans son Historia delle guerre civili di Francia (1641), prétend que Jacop (...)
20Pareil échange, même s’il n’est pas cité par Forget dans sa Rhetorique, résume à lui seul toute la politique de magnanimité du règne de Henri III et son revirement soudain aux États Généraux de 1588, inspiré par la maxime du Prince de Machiavel – dont le roi était un lecteur assidu24 –, selon laquelle il vaut mieux, pour un gouvernant, être craint qu’aimé de ses sujets.
- 25 Ainsi dans la harangue aux États Généraux de 1576, le roi dira : « […] je travailleray jour et nui (...)
- 26 N. Le Roux, Un régicide au nom de Dieu. L’assassinat d’Henri III, 1er août 1589, Paris, Gallimard, (...)
21La prise en compte du modèle tragique de Garnier éclaire d’une façon exceptionnelle la pratique oratoire du roi, bien au-delà des règles, des lois et des préceptes rhétoriques qui répètent ce que toute la tradition gréco-latine disait déjà depuis Aristote. On comprend mieux ainsi l’insistance avec laquelle le roi construit une persona de victime sacrificielle dès 157625 et tout au long de son règne, stratégie qui se révélera fatale dans la mesure où, comme l’a montré Nicolas Le Roux26, prise littéralement, elle vient involontairement cautionner les discours régicides qui se multiplieront à partir de la mort de Monsieur, le frère du roi.
22Entre la posture rhétorique de sacrifice propre à la captatio benevolentiæ, renforcée par la thématique sacrificielle du théâtre tragique de Garnier, et le consentement au sacrifice effectif de soi dans le domaine politique, il y a bien évidemment un hiatus important dont Henri III était conscient. Ce n’est pas parce que le roi, en exorde d’un discours, se dit prêt à tout pour être au service de son peuple, que Henri III s’offrait réellement en victime expiatoire. Le régicide sous l’Ancien Régime inspirait une telle horreur qu’elle suffisait sans doute, aux yeux du roi et de ses partisans, à mettre le monarque à l’abri d’un passage à l’acte. Certes, le geste isolé et fatal de Jacques Clément apportera un sanglant démenti à cette fausse certitude. Mais même les discours monarchomaques les plus virulents, produits du vivant roi, qui appelaient à accomplir sa volonté, en l’assassinant, semblaient davantage voués à dénoncer la duplicité du monarque qu’à souhaiter sa mise à mort effective.
23Il est néanmoins frappant a posteriori de constater qu’à force de pousser à son comble la logique de l’ethos – crédibilité que l’orateur cherche à construire dès l’exorde de ses discours, en en mettant en avant la noblesse de ses intentions – Henri III a fini par connaître le sort tragique des personnages du théâtre de Garnier. Dans son traité, Forget insiste d’ailleurs sur le fait que l’orateur royal doit se montrer prêt à « se sacrifier lui-même » pour montrer son zèle et sa dévotion au bien du royaume :
La bienveillance et faveur se tire des personnes ou des choses […]. De notre personne, si nous disons que nous avons tousjours eu le soin de nous rendre dignes de la charge que Dieu nous a commise ; que nous n’avons rien si studieusement procuré, le bien, repos et fellicité du royaulme ; que nos actions passées n’ont oncques tendu a aultre but et que encores nous sommes prets de nous sacrifier, tant nous sommes zellez et devotieus a son bien, et sera bon de specifier briefvement, et comme en passant, quelques plus signalés actes ; que si nous faisons quelque chose qui semble travailler le peuple, c’est a notre regret et pour les seulles necessitez du tens, des affaires, qu’il en soudra un plus grand bien que l’on ne pense. (RF, p. 43-44)
24Forget n’entendait certainement pas l’expression dans un sens littéral, mais plutôt comme une manière ostentatoire et déclamatoire, bref rhétorique, d’afficher la noblesse et le caractère désintéressé des intentions de l’orateur royal.
25On voit ainsi que, si Henri III était un orateur célébré autant qu’impuissant, et cela indépendamment du contexte politique qui l’acculait à l’impuissance, c’est que, d’une part, il maîtrisait le pathos et l’actio appris à l’école tragique de Garnier et que, d’autre part, tout comme le théâtre de Garnier, cette éloquence pathétique, dénuée d’action autre qu’oratoire, était certes capable d’émouvoir, mais peu susceptible d’inciter à l’action politique.
Notes
1 L’efficacité rhétorique ne dépend pas que de l’habileté de l’orateur, mais relève aussi, dans une large mesure, du contexte. Or, comme l’écrit Pierre de l’Estoile, Henri III aurait été « un très bon prince, s’il eust rencontré un bon siècle » (P. de l’Estoile, Registre-journal du règne de Henri III, éd. M. Lazard et G. Schrenck, Genève, Droz, 2003, t. VI, p. 207). Dans la suite de cette analyse, nous n’étudierons la question de la formation et de la pratique oratoire du roi que dans une perspective théorique. Bien évidemment, pour être complète, une telle analyse devrait aussi prendre en compte la dimension pragmatique et la situation politique dans laquelle le roi s’est trouvé à exercer la parole publique, ce que ne permettent toutefois pas les limites de cet article. X. Le Person (« Practiques » et « practiqueurs ». La vie politique à la fin du règne de Henri III (1586-1589), Genève, Droz, 2002) a bien analysé la complexité de cette situation politique où le roi est pris en étau entre Huguenots, Ligueurs, Moyenneurs et où joue un rôle crucial la « practique », menée ou intrigue des Grands destinée à façonner, voire à manipuler l’opinion publique avant la lettre.
2 G. Genette, « La rhétorique restreinte », Communications, n° 16, 1970, p. 158-171 ; repris dans Figures II, Paris, Seuil, 1972, p. 21-40.
3 P. de l’Estoile, Registre-Journal, t. IV, p. 105, en date du 25 novembre 1583.
4 Perroniana et Thuana ou Pensées judicieuses, bons mots, rencontres agreables et observations curieuses du Cardinal du Perron, et De Mr. Le President de Thou, Conseiller d’Etat, Cologne, Chez ******, 1694, p. 261.
5 G. Forget, Rhetorique françoise faicte particulierement pour le Roy Henry III, Precetti di rettorica scritti per Enrico III re di Francia, éd. G. Camus, Modène, Antica Tipografia Soliani, 1887, p. 17.
6 G. de Taix, « Journal », Recueil de pièces originales et authentiques concernant la tenue des États-Généraux, Paris, Barrois, 1789, tome II, p. 256.
7 X. Le Person a bien montré comment le roi tira parti des larmes à des fins rhétoriques dans son discours du 18 juillet 1585 (« Practiques » et « practiqueurs », p. 253-269).
8 Voir L. Feugère, Caractères et portraits littéraires du xvie siècle, Paris, Didier, 1859, t. II, p. 318.
9 P. de l’Estoile, Registre-journal, t. VI, p. 78.
10 La lettre elle-même est perdue, seul est conservé le résumé qu’en donne A. Giananelli dans une dépêche datée du 10 décembre 1576 des archives de la chancellerie ducale de Modène. Dans le texte italien, on lit : « le istesse parole che furono recitate da S. M.ta, che pronunciate con la gratia che fece in effetto acquistorno maggiore riputazione di quello che pare a molti che conservino in scrittura » (les paroles mêmes récitées par Sa Majesté furent prononcées avec une telle grâce qu’elles lui acquirent une plus grande réputation que ce qui transparaît dans la version écrite conservée par plusieurs), Precetti di rettorica scritti per Enrico III re di Francia, p. 8.
11 X. Le Person, « Practiques » et « practiqueurs », p. 246. Le document autographe est conservé aux manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, sous la cote n.a.f. 5128, fol. 2. Voir L. Vaillancourt, « L’institution oratoire idéale d’Henri, roi de Pologne », Rhetorica, vol. 33, n° 3, 2005, p. 230-244.
12 R. J. Sealy, The Palace Academy of Henry III, Genève, Droz, 1981, p. 153-166.
13 Sur la complémentarité et la séquence logique de ces trois traités, voir C. La Charité, « Les trois institutions oratoires à l’usage de Henri III : un compendium des traditions latine, hellénistique et humaniste », Renaissance et Réforme / Renaissance and Reformation, vol. XXXI, n° 4, 2008, p. 43-66. Le traité de Forget, qui nous intéressera plus particulièrement dans la suite de cet article, n’a jamais été publié au xvie siècle et n’est conservé que dans deux manuscrits (Carpentras, ms. 1789, fol. 148-158 ; Biblioteca Estense di Modena, 68 ou α.Q.8.29). Il s’agit de copies tardives, dont la première est incomplète. L’état dans lequel le texte est conservé empêche de savoir s’il s’agit d’un discours prononcé à l’Académie du Palais devant Henri III ou d’un traité destiné à être lu par le roi. Les multiples adresses au destinataire royal ne permettent pas à elles seules de trancher la question. La comparaison avec les autres discours académiques conservés (voir É. Frémy, L’Académie des derniers Valois, d’après des documents nouveaux et inédits, Paris. E. Leroux, 1887) donne à penser qu’il s’agit, sinon d’un texte conçu pour être lu dès l’origine, du moins d’une version réécrite d’un discours académique en vue de la lecture. Si Forget a offert une copie de son traité à Henri III, elle est aujourd’hui perdue et ne correspond pas à l’un ou l’autre des deux manuscrits conservés.
14 J. Amyot, Projet d’éloquence royale, éd. P.-J. Salazar, Paris, Les Belles Lettres, 1992, p. 91.
15 K. Meerhoff, Rhétorique et poétique au xvie siècle : Du Bellay, Ramus et les autres, Leyde, E. J. Brill, 1986, p. 257-261.
16 E. Kushner, « Pontus de Tyard, professeur de rhétorique ? », Henri III mécène des arts, des sciences et des lettres, éd. I. de Conihout, J.-F. Maillard et G. Poirier, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2006, p. 160-167 ; F. Rouget, « Philippe Desportes et la fin de l’Académie du Palais : autour du manuscrit des Formulæ oratoria Gallice », Philippe Desportes poète profane, poète sacré. Actes du Colloque international de Chartres (14-16 septembre 2006), éd. B. Petey-Girard et F. Rouget, Paris, Honoré Champion, 2008, p. 81-100 ; P. Desportes, Phraséologie oratoire, suivie des Lettres amoureuses, éd. F. Rouget, Paris, Classiques Garnier, 2012.
17 Forget, Rhetorique françoise, p. 33. Désormais, toutes les références à ce traité renverront à cette édition et seront précisées entre parenthèses dans le corps du texte, précédées du sigle RF.
18 Par exemple, Jacques Amyot : « Quant au jugement et à la mémoire, vous en avez, Sire, ce qu’on en peut souhaiter en un Prince très accompli ; et en cela avez un merveilleux avantage sur ceux auxquels ces parties sont moindres, ou défaillent » (Projet d’éloquence royale, p. 54-55).
19 Amyot, Projet d’éloquence royale, p. 58.
20 C. La Charité, « Les Perroniana, les traductions de Cicéron par Jacques Davy Du Perron et la formation rhétorique de Henri III », Tangence, n° 93, 2010, p. 65-78.
21 Dans la Rhetorique de Forget, on lit une variante manifestement fautive : « par ton pouvoir » (RF, p. 27).
22 F. Dobby-Poirson, Le pathétique dans le théâtre de Robert Garnier, Paris, Honoré Champion, 2006.
23 F. Lestringant, « Henri III et Dom Sébastien premier de Portugal », Henri III et son temps, éd. R. Sauzet, Paris, Vrin, 1992, p. 227-237.
24 Enrico Caterino Davila, dans son Historia delle guerre civili di Francia (1641), prétend que Jacopo Corbinelli, en compagnie de Bartolomeo Delbene, commentait au roi Le Prince de Machiavel. G. Cardascia, « Un lecteur de Machiavel à la cour de France : Jacopo Corbinelli », Humanisme et Renaissance, t. V, 1938, p. 446-452.
25 Ainsi dans la harangue aux États Généraux de 1576, le roi dira : « […] je travailleray jour et nuict, et y emploiray tous mes sens mon soing, et mon labeur sans y espargner mon sang, et ma vie s’il en est besoing. » Harangue prononcée par le Roy en l’assemblée generale de ses Estatz en la ville de Bloys le Jeudy sixiesme jour de Decembre 1576, Paris, Jean de Lastre, 1576, p. 19-20.
26 N. Le Roux, Un régicide au nom de Dieu. L’assassinat d’Henri III, 1er août 1589, Paris, Gallimard, 2006.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Claude La Charité, « Le corps éloquent du roi Henri III et l’école pathétique du théâtre tragique de Robert Garnier », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 32 | 2016, 49-64.
Référence électronique
Claude La Charité, « Le corps éloquent du roi Henri III et l’école pathétique du théâtre tragique de Robert Garnier », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 32 | 2016, mis en ligne le 08 décembre 2019, consulté le 14 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14081 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14081
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