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Par le Détail. Frontières entre l'accessoire et l'essentiel

La maisonnette, le pont et le bois de la lance

La ruine et le détail chez René d’Anjou (1455-1457)
Isabelle Fabre
p. 179-198

Résumés

Cette contribution envisage l’écriture de René d’Anjou, du Mortifiement de vaine plaisance (1455) au Livre du cœur d’amour épris (1457) et explore le détail relevant de la description topique de la ruine. Le détail contribue non seulement à l’herméneutique de l’œuvre, mais il fonctionne aussi comme une matrice narrative. Par-delà l’écart entre les propos et les registres des deux prosimètres, le détail participe de la « senefiance » d’une œuvre qui multiplie les possibilités de lecture

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Texte intégral

  • 1 I. Fabre et G. Polizzi, « Cœur captif et “mortifié” : la duplicité du détail dans l’écriture et les (...)
  • 2 D. Poirion, « L’allégorie dans le Livre du Cuer d’Amours espris de René d’Anjou », Travaux de lingu (...)
  • 3 O. Marancy-Ferrer, La Quête du Cuer d’amours espris de René d’Anjou comme réécriture du Roman de la (...)
  • 4 B. Newman, Medieval Crossover. Reading the Secular against the Sacred, Notre Dame, University of No (...)
  • 5 Newman, Medieval Crossover, chap. 5, « Convergences : René d’Anjou and the Heart’s Two Quests », p. (...)
  • 6 En particulier, les romans de Chrétien de Troyes, le Roman de la Rose et la Queste del Saint Graal.
  • 7 D. Arasse, Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion, 1992.

1Dans le prolongement d’un article consacré à la « duplicité du détail » dans l’œuvre de René d’Anjou1, on se propose de revenir sur cette notion sous l’angle de la composition et de la chronologie scripturale. Les travaux de Daniel Poirion2, la thèse d’Olivia Marancy-Ferrer3 et plus récemment l’essai de Barbara Newman4 ont fait valoir les liens étroits entre l’écriture des deux romans composés par René à peu de temps d’intervalle, le Mortifiement de vaine plaisance (1455) et le Livre du Cœur d’amour épris (1457). Par-delà la différence de « matière », religieuse ou « profane », et l’écart entre les registres, l’introspection pénitentielle d’un côté, la psychologie courtoise de l’autre, on perçoit des affinités, voire une « convergence5 » dans la facture et le propos de ces deux prosimètres. Qu’en est-il sur le plan de la composition ? Comment éclairer la genèse d’un diptyque qui, tout en puisant à des modèles déjà identifiés par la critique6, semble déjouer les attentes du lecteur, tant son écriture rassemble des matériaux variés et cultive le paradoxe ? La notion de détail fournit un instrument d’analyse et apporte des éléments de réponse. Considéré à première vue comme un élément secondaire d’un tout (tableau ou texte), le détail invite en réalité à une lecture plus fine ; il fait « signe » et peut se révéler décisif, tant dans l’appréciation esthétique que dans l’herméneutique de l’œuvre, comme l’a démontré l’ouvrage désormais classique de Daniel Arasse7. Chez René d’Anjou, le traitement du détail est fondamental dans l’élaboration du récit. Intégré à un motif littéraire et participant d’un art fondé sur le principe de la réécriture, il revêt une fonction de matrice narrative dès lors qu’on en repère les occurrences et qu’on analyse les modalités de son exploitation. Car le détail, s’il se caractérise par sa singularité, se camoufle aussi dans la trame du texte, si bien qu’on perd de vue sa valeur signifiante au profit du tableau dans lequel il s’insère. D’où son ambivalence et sa « duplicité », car s’il se donne volontiers comme support de glose, il est aussi du côté de l’elocutio, de l’ornemental et de la touche ekphrastique. On peut y voir le principe qui donne son unité à l’œuvre rinaldienne, en même temps que le lieu où se déploie un art de la variatio d’une grande finesse.

  • 8 Voir les articles de G. Polizzi, « “Sens plastique” : le spectacle des merveilles dans le Livre du (...)

2Le détail qui constituera le fil conducteur de notre analyse relève de la description topique de la ruine entendue comme dégradation d’un objet et/ou morcellement d’une complétude initiale8. Elle se décline en décors et scènes variés qui sont autant de nœuds textuels éclairant la démarche de l’auteur. On verra dans un premier temps comment le motif se présente dans le Mortifiement de vaine plaisance. De la « povre maisonnette » de l’Âme au bois de lance vermoulu qui est l’instrument du supplice du Cœur dans la scène finale, en passant par le « pont périlleux » de la deuxième « similitude », le traitement du détail descriptif s’inscrit dans un discours de vanité qui repose sur la tension entre réalités « mondaines » et spirituelles. Dans l’esthétique picturale du texte, le détail se perçoit comme un paradoxe, celui d’une caducité exemplaire illustrée par l’exploitation méthodique des ressources de la rhétorique. Transposé dans le cadre courtois du Livre du Cœur, vers lequel nous nous tournerons dans un second temps, le détail est l’objet d’une série de réécritures qui le re-sémantisent et en déploient les virtualités romanesques. Associé au motif de la mélancolie, le lexique du délabrement se fait plus dense, mais aussi plus ambigu : ce n’est plus le support visuel du contemptus mundi, mais une ressource stylistique qui balise l’avancée du récit par des reprises littérales dans lesquelles l’amplification s’allie à de micro-déplacements et à des effets subtils de variation. L’esthétique du roman en est renouvelée, au-delà du parallèle avec le Mortifiement. C’est ce qu’on verra en conclusion, en confrontant les figures antithétiques de Mélancolie et de dame Espérance. Personnifications du Livre du Cœur, ces deux figures sont aussi en tension de manière implicite dans le Mortifiement, et associées au motif de la ruine. Vu sous l’angle de cette confrontation, le détail acquiert une portée nouvelle. Il devient le révélateur d’une écriture à double fond. Il participe de la « senefiance » d’une œuvre qui multiplie les possibilités de lecture pour mieux faire valoir l’habileté de sa composition. Le détail de la ruine, d’abord perçu comme secondaire ou mineur, fonctionne comme l’indice stylistique d’une quête de sens que seule l’écriture peut saisir et manifester dans sa profondeur.

Vanité et exemplarité du détail dans le mortifiement de vaine plaisance

  • 9 Mortifiement de vaine plaisane, fol. 2. On donne le texte d’après la transcription du manuscrit Bod (...)
  • 10 Ms. Bodmer, fol. 5.
  • 11 Sur le rôle de l’ouïe dans le processus d’intériorisation méditative, voir l’étude de F. Pomel, « L (...)

3L’œuvre est introduite par un prologue dans lequel l’auteur énonce à son dédicataire, l’archevêque de Tours Jean Bernard, la nature édifiante de son propos, qui est de méditer sur la finitude et les œuvres nécessaires au Salut, et en précise la forme littéraire : il entend écrire en français et en prose un traité accessible à tous « sans y garder ordre exquis ou parfont parler9 ». Le récit proprement dit s’ouvre in medias res sur le discours de l’Âme qui examine sa condition et déplore l’égarement du Cœur, responsable de sa chute dans « la fange et ordure de la vaine plaisance10 ». La véhémence de la plainte sollicite l’attention de l’« acteur » et l’amène à considérer la scène dans son ensemble. La vue prend alors le relais de l’ouïe11. Elle explore un décor misérable, celui de la maisonnette de l’Âme :

  • 12 Ms. Bodmer 144, fol. 5v, nous soulignons.

En regardant vers celle part [ou] la voix lamenteuse estoit, je vey que la dicte ame estoit abergee et logee en une trespouvre maisonnette legierement bastie, toute faicte de terre et de vile matiere, plaine de grant ruine et de penible retencion, et en conclusion de tresbriefve duree, dont se peut dire de petite valeur, tant defiteuse et souffreuteuse que avecques les aides et apuiz que de toutes pars on luy avoit peu faire, si declinoit elle chacun jour a toute heure, souvent vacillant et tramblant a tous vens, par quoy par ung bien peu de desordre estoit cent foiz le jour en voye de verser sans ressource a coup a terre, tournant en pouldre ou cendre seullement12.

  • 13 Voir Pseudo-Justin, Traité sur la Résurrection, 10, 1 : « Le corps et la maison de l’âme, l’âme est (...)
  • 14 Newman, Medieval Crossover, p. 235. Nous ne la suivons pas toutefois dans son analyse de la figure (...)
  • 15 Ms. Bodmer, fol. 4.

4La description de la maisonnette de l’Âme constitue l’indice du passage à l’allégorie. D’origine patristique13, l’image est fréquente dans la littérature médiévale où elle désigne le corps mortel, fait de matière terrestre, fragile et vulnérable. Mais la minutie de la description, qui insiste sur le délabrement de la demeure, se dérobe à l’interprétation : nulle glose n’accompagne cette peinture pourtant suffisamment précise (détails de la « terre » et « ville matiere », des étais et du vent) pour solliciter une transposition abstraite. C’est que l’accent est mis ailleurs, sur le pathétique dégagé par le décor. Ce traitement pictural n’a pas échappé au peintre Jean Colombe : l’image du manuscrit Bodmer 144 (fol. 3v) restitue à la lettre les détails de la description. Elle montre une chaumière aux panneaux de bois éventrés ou démembrés, étayés par de simples troncs d’arbre (les « aides et apuiz » du texte) ; le sol de tommettes délogées ou brisées traduit l’impression de « grant ruine », tandis que les nombreuses déchirures des cloisons soulignent la « penible retencion » du logis en accentuant sa prise au vent (« souvent vacillant et tramblant a tous vens »). Le contraste est d’autant plus vif avec la figure de l’Âme assise à même le sol, les yeux clos et serrant son cœur dans ses bras. Elle est vêtue d’une tunique et d’un voile blancs ; le grand drapé couleur azur qui l’enveloppe l’isole tel un écrin du décor qui l’entoure. La scène fait tableau et rappelle les images dévotes de la « Vierge d’humilité », comme l’a justement remarqué B. Newman14. La prolifération des détails qui évoquent la ruine entre en tension avec cette image spirituelle, dont l’isolement manifeste la singularité. C’est par ce contraste que le texte, relayé par l’illustration, expose l’enjeu du discours, qui est de détourner le lecteur des « vanités » : les soins accordés à l’Âme, créature « spirituelle et perpetuellement vivente15 », s’opposent à la caducité du monde perceptible dans l’altération des choses matérielles.

  • 16 Sous une forme altérée toutefois, transmise par Augustin à la tradition médiévale : le verset de Jo (...)
  • 17 Job 34, 15. « Toute chair se corrompra en même temps et l’homme retournera à l’état de cendre ». Vo (...)

5L’écriture participe à cette démonstration. Si le détail n’est pas signifiant par lui-même, il le devient dans sa mise en forme stylistique. Ainsi, le caractère délabré de la demeure est marqué par l’accumulation des syntagmes adjectivaux disposés en binômes (« toute faicte de terre et de vile matiere, plaine de grant ruine et de penible retencion ») et par la fréquence des intensifs à caractère hyperbolique (« trespouvre », « tresbriefve », « tant defiteuse et souffreuteuse », « de toutes pars », « chacun jour a toute heure », « cent foiz le jour »). L’insistance est d’autant plus frappante que le texte construit et déconstruit l’image en une seule phrase longue et sinueuse, dont les relances successives ne font que programmer la ruine : la maisonnette « legierement bastie » au début (le mouvement de la protase est rompu par les rapides césures) « declin[e] » rapidement sous l’assaut des hyperboles de l’apodose pour n’être plus dans la closule que « pouldre ou cendre seullement ». Cette écriture de l’éphémère s’entend comme un écho du Livre de Job, dont une autre formule fournissait déjà son thema à l’œuvre16 : « Deficiet omnis caro simul et homo in cinerem revertetur17 ».

  • 18 Ms. Bodmer 144, fol. 29.

6Le motif trouve une deuxième occurrence dans le cadre du long « sermon » adressé par Crainte de Dieu à l’Âme éplorée. Opposant les plaisirs mondains à la « tressaincte et singuliere fontaine de l’amour de Dieu18 », Crainte énumère trois conditions qui font de cet amour la source des vertus. La deuxième est la peur de perdre cet amour à cause du péché ; elle est illustrée par une « similitude » qui met en scène une pauvre femme portant son sac de blé au moulin. Un obstacle l’arrête :

  • 19 Ms. Bodmer 144, fol. 37, nous soulignons.

Et ainsi qu’elle pourtoit sur ses espaules au moulin son sac ou pou de blé y avoir, trouva une riviere que nullement ne peut a gué passer. Si sercha tant haut et bas le long de l’eau qu’elle trouva ung pont non pas trop bon ne seurs a son advis, car pieça avoit esté fait et basti et de si treslong temps que la plus part des boys qui traversoient si estoient prés du tout pourry, et peril estoit a ceulx qui passez eussent voulu d’asseurez fort leur pié sur l’un des boys qui pourriz estoient comme dit est, pour doubte de tumber en l’eaue ou s’affoler les menbres ou le corps19.

7On constate une première variation dans l’exploitation du motif : le pont se substitue à la chaumière, un paysage champêtre à une scène d’intérieur. Une deuxième variation concerne la cause de la ruine, liée cette fois à l’ancienneté de l’ouvrage (« pieça avoit esté fait et basti et de si treslong temps ») et non à la mauvaise qualité du matériau, comme c’était le cas pour la maisonnette. Enfin, l’accent porte sur les risques qu’il y a à emprunter le pont, « tresdangereux et perilleux et tresmauvais a passer ». Le détail des planches qui composent le tablier se révèle donc fonctionnel ; d’où sa mise en valeur par la répétition de l’adjectif « pourry » et le fait que la description s’en tient à cette unique élément : à la différence de la cabane de l’Âme, le pont n’est qu’un moyen en vue d’une fin. Le détail est repris plus loin, et comme grossi à la loupe. Rencontrant la pauvre femme en pleurs, un homme lui suggère de traverser prudemment :

  • 20 Ms. Bodmer 144, fol. 38, nous soulignons.

Ne marche pas oultre si avant que premier tu ne essayes si en celui endroit ou tu marches le boys est assez fort ; et quant tu y mectras le pié, si tu sens que le pont crie, retire le a toy et ne veuilles pour celle foiz marchez si avant que pourroies bien faire20.

8Le bois est mis en relation avec le déplacement du personnage et le poids du corps ; il s’enrichit ainsi d’une dimension sonore (le pont « crie »). L’importance de la dimension sensorielle est soulignée à l’étape suivante, lorsque la femme met en pratique les consignes de l’inconnu :

  • 21 Ms. Bodmer 144, fol. 38v, nous soulignons.

delibera de nesung pas faire que premier a bon laisir de l’un des piez n’eust bien essayé boys aprés autre si le pont le pourroit porter ; et quant point ne cryoit le boys pour marcher qu’elle feist, de l’autre pié le boys marchoit, y reposant son corps21.

9La précision avec laquelle le mouvement est analysé (il s’agit d’avancer un pied après l’autre) fait valoir le détail du tablier pourri et les précautions qu’il exige. Le mot « boys » répété trois fois scande la progression pas à pas, en insistant sur l’articulation de la résolution (« delibera ») à l’acte (« marchoit »). Faut-il voir dans cet effet de ralenti une forme de préciosité ornementale ? Non, car la glose qui suit, en faisant entendre le récit comme une parabole, investit le détail d’une fonction particulière ; elle le situe dans un ensemble plus vaste où chaque élément est signifiant et qu’on peut décomposer ainsi :

  • la pauvre femme = l’œuvre de la personne

  • le sac de blé = le mérite

  • le pont = la conscience

  • les morceaux de bois composant le tablier = les pensées de l’homme

  • le pied de la pauvre femme = l’intention (« propos ») de la personne

  • la rivière = la colère de Dieu

  • le moulin = la gloire du paradis

10Le détail des planches pourries n’est plus ici de l’ordre du décoratif. Il fonctionne comme une pièce singulière dans un raisonnement visant à formuler les modalités de l’acte libre et de ses conséquences au regard de la justice divine. La reprise glosée de l’histoire vient insister une dernière fois sur le processus. On y perçoit la place cruciale occupée par le détail de la ruine :

  • 22 Ms. Bodmer 144, fol. 40v, nous soulignons.

L’euvre qui est pris pour la pouvre femme qui a doubte de cheoir de dessus le pont en la riviere, c’est assavoir en l’ire de Dieu, doit en marchant sur le pont de sa conscience taster et essayer le boys de sa pencee qui souvent sont fresles et pourriz, en façon que si le pont en crie, elle puisse retirer le pié a soy, c’est assavoir son propos, arriere ainçois qu’elle si asseure pour vouloir oultre passer, car s’il y a nul scrupule, la conscience le remordra en repugnant et contrariant a l’euvre22.

  • 23 Voir Rom. 7-8. La « chair » désigne l’homme en tant qu’il est dominé et disqualifié par le péché ; (...)

11Si le « boys de [l]a pencee » est « fresle et pourri », c’est que l’homme depuis la Chute a corrompu sa nature. La déchéance n’est pas seulement physique ; elle englobe la « chair » au sens paulinien du terme23. À la chaumière délabrée, métaphore du corps, répond le pont branlant de la conscience. L’allégorie s’est intériorisée, avec l’approfondissement de la méditation. Dans la fragmentation produite par la ruine, un détail est isolé puis intégré à une image dynamique pour devenir la clé de voûte dans le dispositif herméneutique de la parabole.

  • 24 Ms. Bodmer 144, fol. 56v : « Et on plus apparent bout estoit au dessus des autres trop plus que nul (...)
  • 25 Voir l’analyse stylistique que nous avons donnée de ce passage dans notre Les Vergers de l’âme. Le (...)
  • 26 « La dicte dame avoit ses espaules et son chief environné de raiz de souleil voire plus clers et pl (...)

12Voyons maintenant ce qu’il en est de la troisième et dernière occurrence du motif dans le Mortifiement. Elle intervient dans la scène qui constitue le point d’orgue de l’ouvrage. Au terme de l’exhortation qu’elles ont adressée à l’Âme, Crainte de Dieu et Contrition ont transporté le Cœur au sommet d’une montagne, dans un jardin paradisiaque où doit s’effectuer sa purification. Là les attendent quatre dames (Foi, Espérance, Charité et Grâce divine) rassemblées autour d’une croix. Munies de clous et de maillets, les trois vertus théologales transpercent tour à tour le Cœur déposé sur la croix, avant que Grâce divine ne le perfore de sa lance. Chaque intervention est minutieusement encodée : chacune des dames, dont les différents attributs (habillement, couronne et outils) ont été préalablement détaillés et élucidés, est un condensé mnémonique d’un pan de doctrine chrétienne. Le personnage de Grâce divine fait toutefois l’objet d’un traitement à part, non seulement par sa position (qualifiée d’« impératrice », elle semble dominer les autres tant sur le plan spatial que hiérarchique24) et par la forme de sa couronne surmontée d’une pomme d’or25, mais aussi par l’intensité des rayons lumineux qui illuminent son buste26. Ce dernier trait singulier trouve un prolongement dans le fer de lance « cler et luisant » qu’elle tient dans sa main droite. Le contraste avec l’instrument qu’elle brandit dans l’autre main n’en est que plus saisissant :

  • 27 Ibid.

en l’autre main tenoit ung fust de lance pouvre et mechant, de petite value, fresle, foible, presque pourry, trestout vermoulu, le quel fust a mon advis estoit tout prest pour joindre au fer tant polly et tant net27.

  • 28 Voir Jn 19, 34. Voir à ce propos l’analyse de l’épanchement descriptif auquel prête cet emblème, id (...)

13Notons d’abord que la reprise du détail s’effectue sur le mode d’une agglutination lexicale : ce sont les mêmes adjectifs, caractérisant la maisonnette (« pouvre », « de petite value ») et le pont (« fresle », « pourry ») qui constituent le socle de la description et s’agrègent à leur tour d’autres qualifiants. Autre procédé lié à la réécriture, celui de la sacralisation emblématique : la lance réfère à l’arme du soldat romain (le centurion Longin selon la tradition apocryphe) qui perça le Christ au côté lors de sa passion28. L’instrument fait donc partie des arma Christi et revêt à ce titre une fonction symbolique : c’est cette même lance qui percera en dernier lieu le Cœur crucifié et le videra de son sang de vaine plaisance, lui faisant éprouver de manière sensible le « bénéfice » de la Rédemption. Qu’en est-il dans ce processus « purgatif » de la hampe vermoulue ? Le détail se lit comme un syntagme appelant le déchiffrement. C’est ce que met en évidence l’intervention de l’Acteur :

  • 29 Ms. Bodmer 144, fol. 57.

Lors je m’aprochay d’elle assez prés et vy que ou fer avoit escript « Congnoissance de gloire eternelle » et ou fust estoit escript « Consideration des biens mondains caducques29 ».

14On n’a donc pas quitté le registre du contemptus mundi, mais le motif subit une double condensation, tant au niveau de l’image que de l’écriture. Le bois qui s’ajuste au fer de la lance résume dans cette conjonction les deux pôles antagonistes de l’ouvrage. L’objet fait preuve d’une efficacité quasi performative. C’est dans le temps où il se façonne et s’exhibe en détail, comme l’indice d’une réalité mondaine à la fois « caduque » et exemplaire, que le texte en épuise la « senefiance », réalisant ainsi le programme ascétique qu’il s’était fixé : purger le sujet de la vanité de la matière.

Transfert et redéploiement du detail : la quête à l’épreuve de la mélancolie

  • 30 Voir Fabre et Polizzi, « Cœur captif et “mortifié” ».
  • 31 On suit le découpage de René d’Anjou, Le Livre du Cœur d’Amour Espris, éd. Fl. Bouchet, Paris, Libr (...)

15Comme nous l’avons montré récemment30, l’œuvre de René d’Anjou présente une continuité entre le discours spirituel du Mortifiement et l’aventure profane du Livre du Cœur, comme si l’auteur se souciait peu de la distinction entre les deux « registres ». On peut en dire autant du point de vue de la composition. Le détail fournit un fil conducteur à une approche génétique de l’œuvre et permet d’observer l’art avec lequel René manie elocutio et dispositio narratives, et trouve dans son propre fonds de quoi se renouveler. C’est ainsi qu’aux trois « lieux » où s’inscrit le détail de la ruine dans le Mortifiement répondent les quatre occurrences du même motif dans le Livre du Cœur. La première est placée au début du texte, avec la rencontre de Mélancolie (§ XVII-XVIII31). La deuxième, qui lui est étroitement associée, intervient dans l’épisode du Pas Périlleux (§ XV, XX-XXI). La troisième occurrence constitue un redoublement de l’épisode précédent ; elle correspond à la description du château de Courroux et Tristesse (§ XXVIII). Quant à la dernière apparition du motif, on la trouve à la charnière du récit, peu avant l’embarquement pour l’île du dieu d’Amour, lors d’une halte dans la chaumière de Grief Souci (§ LXV-LXVI). Si l’on peut y voir des emprunts à une topique, voire à des sources externes précises, ces trois passages témoignent avant tout, à notre sens, d’un transfert habilement ménagé du spirituel au courtois, du traité de méditation au récit chevaleresque. Une reprise et un déplacement qui font appréhender autrement la fabrique de l’œuvre, dans la diversité et la sophistication de ses outils, et définissent en fin de compte son style singulier.

16Commençons par l’exploitation du détail dans son premier état, qui l’intègre à l’isotopie de l’habitation. Lancé dans la quête de Douce Merci, le chevalier Cœur escorté de Désir s’est engagé sur les conseils de Jalousie dans la forêt de Longue Attente. Surpris par la nuit, les deux compagnons font halte près de la fontaine de Fortune, non sans déclencher une tempête en renversant de l’eau sur le perron. Cette première avanie en annonce une deuxième, celle de l’humiliante rencontre avec Mélancolie. L’intérêt de l’épisode est signalé au paragraphe XVII par une nette altération du paysage :

  • 32 Livre du Cœur, p. 134 et 136.

A chief de piece se trouverent en une vallee grande et merveilleuse, en païs obscur et desert, et parmy la valee passoit une riviere parfonde, hideuse, trouble et espouentable durement. Si gecta Desir ses yeulx et vit en my la valee, entre hayes et espines, sur la riviere, une petite maisonnete couverte de chaulme, mal acoultree et toute espaletree32.

  • 33 Livre du Cœur, p. 136, v. 333-334.
  • 34 Sur l’importance du lecteur herméneute, voir Ph. Maupeu, « “Regarder le temps” : Temps et image dan (...)

17Le logis de Mélancolie est niché au creux d’un locus horridus caractérisé par sa sauvagerie et son hostilité poussées jusqu’à l’hyperbole (doublons adjectivaux et chaînes de qualifiants culminant sur un trait intensif, « espouentable durement »). Autant de traits qui en font un lieu d’élection de l’« aventure » et semblent préluder à une rencontre exceptionnelle (« merveilleuse »). La description de l’habitat participe de ce climat fantastique. Une inscription sur la porte révèle l’identité de son occupante (« En ceste povre maisonnette / Melencolie la couverte33 ») et fournit aux voyageurs un repère toponymique (ils ont atteint le « val de Tresparfont Penser »), tout en offrant au lecteur une première piste de décodage34. On reconnaît dans la maisonnette « couverte de chaulme, mal acoultree et toute espaletree » une variante du logis délabré de l’Âme. Le détail fait l’objet d’une concentration stylistique (trois caractérisants au lieu d’une dizaine de syntagmes dans le Mortifiement), mais cette réduction est contrebalancée par le fait qu’il s’inscrit dans un tableau homogène (le pays « obscur et desert ») : le paysage sinistre prépare l’insertion de la ruine et ajoute des connotations menaçantes. Au décor de la « vanité » succède le cadre de l’action romanesque, une action de surcroît investie par l’allégorie : la progression du Cœur est de nature psychologique et le paysage, une projection spatiale de ses tourments intérieurs ; la « povre maisonnette » participe à ce titre du dispositif de mise en scène du Moi.

  • 35 Livre du Cœur, § XVIII, p. 136, l. 10-11.

18Une autre différence de traitement réside dans le déplacement métonymique que subit le détail. Contrairement au morceau ekphrastique que constituait la peinture du misérable logis de l’Âme, la description n’est pas ici au premier plan. L’accent se déplace de la maison sur son occupante, dont le rôle d’opposante est important pour la suite du récit. En effet, au chapitre suivant, Cœur « appelant et huchant s’il y avoit ame leans35 » finit par trouver Mélancolie dans sa chaumière, assise près du foyer dans une attitude affligée :

  • 36 Livre du Cœur, p. 136 et 138, nous soulignons.

Si marcha avant et vint jucques au feu, qui estoit si petit que a paine y eust sceu ung chat bruler sa queue, et vit une grant vielle eschevelee, morne et pensive, qui seoit auprés du fouyer et tenoit ses mains ensemble. Maigre et ridee estoit terriblement, et a le vous abregier, il sembloit qu’elle fust retraite de terre, car oncques homme ne vit plus orrible ne plus espouentable creature36.

  • 37 Livre du Cœur, p. 139, note 2.

19Au délabrement de la demeure se substituent les marques de la vieillesse (« grant vielle eschevelee », « maigre et ridee ») et de la laideur (« orrible » et « espouentable creature »). René a pu emprunter ce portrait à la Mélancolie dépeinte par Alain Chartier dans son Livre de l’Espérance, comme le signale une note de l’éditrice37. Mais là n’est pas l’essentiel, car c’est dans un autre déplacement métonymique, à savoir l’assimilation du contenant (l’habitation) au contenu (l’habitante) que réside la subtilité du texte. Humeur froide et sèche, la bile noire est rapprochée de la terre ; d’où le détail qui, dans le traitement de la personnification, marque l’origine de la figure (« retraite de terre ») et l’assimile au corps, demeure de l’Âme, fait lui aussi de matière terrestre. Le détail s’est donc déplacé en se subjectivisant. Le roman trouvera là matière à de nouvelles péripéties. En personnalisant l’humeur noire, le texte en illustre aussi les méfaits. C’est ainsi que Mélancolie finit par héberger de mauvais gré les deux compagnons. Elle les nourrit d’un morceau d’un pain grossier et rassis avant de les conduire dans un piège : le franchissement d’un pont périlleux dont les planches vermoulues feront trébucher et tomber à l’eau le chevalier Cœur. C’est ce deuxième cas de réécriture que l’on examinera maintenant.

20Repris sous l’angle de la prouesse chevaleresque, le motif nourrit aussi un autre épisode du Livre du Cœur, la traversée du Pas Périlleux aux paragraphes XX-XXI. La scène succède à l’étape au logis de Mélancolie. Sous la conduite malveillante de celle-ci, Cœur et Désir cherchent à franchir le fleuve de Larmes afin de poursuivre leur quête. Mais une nouvelle difficulté se présente :

  • 38 Livre du Cœur, p. 142, nous soulignons.

ilz n’eurent pas gramment allé qu’ilz se regarderent et virent devant eulx un moult hault pont de fust a travers de la riviere, foible, fraesle, d’ancienne faczon et estroit a merveilles, sicque a paine y pouoit passer ung cheval de front. La riviere estoit creuse et roide durement, sicque de la roideur de l’eaue elle faisoit tout crouller et tranbler le pont38.

  • 39 Livre du Cœur, p. 144, l. 10.
  • 40 Voir l’article de M. Desmaules, « Du symbolisme du pont dans quelques rêves et visions », Les Ponts (...)
  • 41 Le pont se rattache de la sorte à la fontaine de Fortune, qui apparaît plus haut dans le récit (Liv (...)
  • 42 La réécriture s’enrichit ici d’un autre intertexte, l’impétuosité de la rivière et les rafales de v (...)
  • 43 Livre du Cœur, p. 144, l. 11.
  • 44 Livre du Cœur, p. 144, l. 16.
  • 45 Son cheval est « duit du pont », contrairement à celui du héros (Livre du Cœur, p. 144, l. 23).

21On reconnaît sans peine le pont branlant de la « similitude » du Mortifiement ainsi que le cours d’eau tumultueux qui incarnait la colère de Dieu, à laquelle se substituent les larmes de l’amant. Mais la rivière de la parabole n’était pas caractérisée (elle était seulement infranchissable à gué) et la difficulté venait de l’état inégal du pont (certaines planches étaient pourries, d’autres encore solides). La pauvre femme au sac de farine reprend aussi du service, une fois travestie en « vielle Melencolie », mais elle ne s’engage pas sur le pont ; elle se contente de faire semblant d’en « monstr [er] le pas39 » afin de mettre en difficulté les voyageurs. Au-delà de l’exercice de transposition narrative, le topos du passage de la frontière liquide, moment décisif de l’aventure chevaleresque, exige un autre traitement40. Le détail du pont délabré (« foible, fraesle ») s’enrichit donc d’une dimension merveilleuse (« moult hault », « estroit a merveilles ») renforcée par le prestige d’une origine se perdant dans la nuit des temps (« d’ancienne faczon »)41. Quant au danger, il n’est plus lié à la seule vétusté de l’objet, mais s’accroît de l’impétuosité de la rivière « creuse et roide durement », variante des rafales de vent qui secouaient la maisonnette du Mortifiement42. L’amplification est à l’œuvre pour faire de la ruine l’élément préparant à l’exploit proprement dit : le combat contre le chevalier noir Souci, gardien du passage, posté de l’autre côté du pont. Le Cœur, qui n’a pas la prudence de la femme au sac de farine, éperonne son cheval et « se gect[e] avant tout le premier43 ». Il fait trembler le pont « si tresfort qu’il fut aucques tout esbahy44 » et tombe à l’eau au premier coup de son adversaire, dont la mouture est déjà accoutumée aux défauts de l’ouvrage45. Le parallélisme entre les deux scènes s’achève donc sur un renversement : au succès de la pauvre femme répond l’échec du chevalier Cœur.

22Le détail prend un relief d’autant plus marqué que l’épisode constitue aussi une reprise sur le plan intradiégétique. En effet, au paragraphe XV, alors qu’il s’est endormi auprès de la fontaine de Fortune, le héros a fait un songe prémonitoire :

  • 46 Livre du Cœur, § XV, p. 128, l. 6-18, nous soulignons.

Si songe le Cueur ung songe moult merveilleux, car il lui estoit advis que son cheval le transportoit malgré lui et a force par dessus ung pont long et estroit, lequel estoit viel et pourry, fresle, feible, rompu et persé, froissé et cassé souvent et menu et en mains lieux par faczon telle despiessé que par pure neccessité estoit retenu de vielles cordes lyé et de hars renoué en mains lieux, et tant que c’estoit en la plus grant partie de ce meschant pont la, et cil que a paine par semblant on y eust peu seurement passer non pas a cheval, mais a pié seulement ; soubz lequel pont couroit une riviere forment parfonde et roydement bruyant, dont l’eaue estoit laide, noire et trouble46.

  • 47 Livre du Cœur, p. 130.

23L’évocation met en place les éléments du décor avec une précision quasi hallucinatoire : on ne compte pas moins d’une douzaine de qualificatifs appliqués à la seule description du pont. À ce stade de l’amplification, le détail ne fonctionne plus comme tel ; il devient l’élément clé, car repérable dans sa stabilité, à partir duquel prolifère l’énoncé descriptif, en une guirlande d’adjectifs et d’adverbes qui semblent s’engendrer les uns des autres par la polysyndète et les consécutions intensives (particulièrement net dans la séquence « froissé et cassé souvent et menu et en mains lieux par faczon telle despiessé que par pure neccessité estoit retenu de vielles cordes lyé et de hars renoué en mains lieux »). Un flottement syntaxique s’ensuit (on ne sait plus à quel participe se rattachent les compléments) qui transpose dans l’écriture l’image d’un objet disloqué. Autre distorsion liée au rêve : c’est au cheval, et non à la témérité de son cavalier (« son cheval le transportoit malgré lui et a force ») qu’est imputée la cause de la déconfiture qui suivra. Enfin, une autre liaison s’opère par le biais du songe : l’eau « laide, noire et trouble », identifiée plus loin comme étant le fleuve de Larmes, annonce aussi la fontaine de Fortune dont le lever du jour révélera la vraie nature, « noire, hideuse et malnecte47 ». Le pont ruiné participe ainsi de l’allégorie de « Fortune contraire », tout en conservant sa fonction de prolepse narrative. Le récit y gagne non seulement en cohérence, mais aussi en profondeur : on assiste au déploiement d’un destin où le héros mélancolique est confronté aux failles de l’idéal chevaleresque tout en éprouvant ses propres limites.

  • 48 Livre du Cœur, § XXIX, p. 160, l. 5.

24La troisième apparition du motif confirme cette trajectoire, tout en constituant un redoublement pur et simple de l’épisode précédent. Secouru par dame Espérance sans être encore tout à fait « essuyé de son baing48 », le chevalier Cœur parvient au tertre Denué-de-liesse. Il aperçoit au sommet une bâtisse peu accueillante :

  • 49 Livre du Cœur, § XXVIII, p. 158, l. 8-12.

ung grant chastel viel et despecié, de mauvaise muraille, mal plaisant, de meschans et petites pierres noires et rousses, de couleur tanee, tout fendu et crevé en pluseurs lieux ; et a le vous faire brief, c’estoit ung lieu tresdesplaisant de toutes choses49.

  • 50 Livre du Cœur, p. 158, l. 17.
  • 51 Voir F. Robin, La Cour d’Anjou-Provence : la vie artistique sous le règne de René, Paris, Picard, 1 (...)
  • 52 Livre du Cœur, § XXXIX, p. 180, l. 42-43.

25On retrouve dans la description du château le motif de la ruine, à travers la mise en valeur de deux éléments : les fissures du mur d’enceinte (« tout fendu et crevé en pluseurs lieux ») et la couleur des pierres, rousse ou « tanee » (sorte de brun tirant sur le roux). L’inversion du topos de la merveille architecturale est manifeste, de même que le souci de renouvellement à l’échelle du détail (la couleur n’était pas exploitée dans les autres passages). Ce détail chromatique a valeur d’indice : le lieu est placé sous le signe du désenchantement et de la duplicité, et c’est bien à un piège que s’assimile rétrospectivement le séjour du Cœur dans ce « mauvais hostel50 » qui devient pour un temps sa prison, avant l’intervention de l’armée d’Honneur appelé par Désir à la rescousse. Signalons au passage, à la suite de Françoise Robin et Gilles Polizzi51, la particularité des illustrations du manuscrit de Vienne (Codex Vindobonensis 2597, fol. 25v et 26) : le peintre transpose la notion de vieillesse et de ruine non seulement par des murailles lézardées envahies dans les mauvaises herbes, mais aussi par des fragments architecturaux antiques, tel le fronton triangulaire surmontant la corniche soutenue par des colonnes à chapiteaux corinthiens qui orne la porte du donjon. Ces détails introduisent une ambivalence dans la représentation, partagée entre la décrépitude funeste et le prestige de l’antique (les lieux sont « moult anciens et assez merveilleux52 »).

  • 53 Livre du Cœur, § XXXV, p. 170, l. 4-6.

26Mais au-delà de ces éléments singuliers, l’épisode se situe dans la continuité de la scène précédente, qu’il ne fait que rejouer et amplifier. On retrouve ainsi le motif de la ruine avec l’intervention de nouveaux opposants. Un combat en appelle un autre et Courroux, le maître des lieux (il en porte littéralement les couleurs, car ses armes sont « tanné[es] ») est un avatar de Souci ; quant à sa dame, Tristesse « de corps maigre, de couleur palle, toute eschevelee et hideuse, mal gentement abillee, toute dolente et esplouree53 », elle s’affiche clairement comme le double de Mélancolie. L’issue de la rencontre ne sera guère plus glorieuse, et si le Cœur triomphe dans un premier temps de son adversaire, il est victime par la suite du « mal engin » de Tristesse. Alors qu’elle lui fait visiter le château, elle le conduit sur un terrain peu sûr dont elle seule connaît la nature :

  • 54 Livre du Cœur, § XXXIX, p. 180, l. 47-50.

[Elle] se hasta et enjamba deux planches et le Cueur, qui de riens ne se prenoit garde, marcha sur l’une des planches et incontinent fondit et cheist aval de plus hault d’une lance et demie de parfont54.

27Si le détail de la ruine demeure ici dans l’implicite, il n’en joue pas moins le même rôle que dans l’épisode précédent. La chute du Cœur est bien due, une fois de plus, à un matériau fragile et « ancien ». Son occultation (au sens littéral, car Tristesse fait en sorte d’éclairer faiblement le chemin) met d’autant mieux en évidence la mise en scène fallacieuse dont il est l’objet et concourt à son efficacité sur le plan narratif.

  • 55 Livre du Cœur, § LXV, p. 230, l. 13-14.
  • 56 Son importance est signalée par sa reprise au chapitre suivant, au moment où le Cœur et ses compagn (...)
  • 57 Livre du Cœur, p. 230, v. 856-860, nous soulignons.
  • 58 Livre du Cœur, p. 232, v. 861-862.

28La quatrième et dernière occurrence du motif nous place à l’articulation des deux grandes parties de l’ouvrage. Délivré de sa prison et désormais guidé par Largesse mais traqué par Malebouche et ses médisants, le chevalier Cœur atteint enfin, au paragraphe LXV, la plaine d’Ennuyeuse Pensée, dernière étape avant son embarquement pour l’île du dieu d’Amour. C’est l’occasion d’une nouvelle halte dans une « petite maisonnete assez mal abillee et acoutree55 ». Le retour du motif de l’habitat précaire est souligné par la reprise littérale de l’adjectif « acoutree56 » et par le procédé de l’inscription qui construit le décor comme une énigme. À l’instar de la chaumière de Mélancolie, le logis de Grief Soupir doit être glosé et mis en relation avec son occupant. Mais le détail de la ruine y est remotivé, car loin d’être traité comme un simple prolongement de la psychologie du personnage, la demeure se présente comme son tombeau « ou veult sa vïe maleureuse / Grief Souppir y faire finir, / sans ailleurs aller ne venir, / en ceste pouvre maisonnecte/qui n’est pas une maison necte57 ». Ces deux derniers vers exploitent la rime équivoquée dans le sens d’une ambiguïté sémantique. Comme dans le cas de l’eau « malnecte » de la fontaine de Fortune, le qualificatif suggère que le délabrement n’est pas fortuit : c’est avant tout le résultat délibéré d’une complaisance coupable dans les pensées morbides (son propriétaire l’a faite bâtir « qui tant ait malaise/pour mieulx soupirer a son aise58 »).

29Le lien avec la figure de Mélancolie apparaît clairement dans la description de l’intérieur du logis :

  • 59 Livre du Cœur, p. 233, l. 8-15, nous soulignons.

Ilz marcherent jucques au fouyer de la maisonnete et trouverent Grief Soupir, le sire de leans, qui estoit maigre, ridé, vieil, palle et descoulouré, sa barbe grande et ses sourcilz lui couvroient les yeulx ; et se seoit sur une selle, ses mains fessees, et tenoit ung de ses genoilz, pensant et soupirant si durement que, pour leur venue ne pour appeller qu’ilz sceussent faire, ne se volt oster de son penser59.

  • 60 « Car li esmais et la tristece / et la pesance et li anuiz / qu’el soffroit de jor et de nuiz / l’a (...)
  • 61 Polizzi, « “Sens plastique” », p. 393.
  • 62 Livre du Cœur, p. 232, l. 18-19.
  • 63 Livre du Cœur, p. 232, l. 3-4.

30La représentation est celle, topique, de l’émotion angoissée et René a pu s’inspirer de la figuration de Tristesse sur le mur aux images du Roman de la Rose60. Mais une fois encore, c’est dans sa propre matière et dans sa « conscience plastique61 » que l’écrivain semble puiser avant tout, en reconfigurant le détail pour mieux varier le tableau et renforcer le plaisir esthétique qu’il procure. Ainsi, Grief Soupir et sa maisonnette renvoient d’abord, dans la composition du Livre du Cœur, à la figure « morne et pensive » de la vieille Mélancolie, assise près du foyer et « ten[an]t ses mains ensemble ». Comme elle, il offrira à ses hôtes « ung petit de pain noir et si tresgrief62 » qu’il en est immangeable. Mais le pittoresque du personnage est accentué, non plus dans le sens de l’horreur, mais dans celui de l’étrangeté : c’est un homme sauvage (« sa barbe grande et ses sourcilz lui couvroient les yeulx ») dont l’absence au monde (il ne réagit pas quand on l’appelle) suscite l’émerveillement des visiteurs (ils « se regarderent l’un l’autre comme tous esbahiz63 »).

  • 64 Mortifiement de vaine plaisance, ms. Bodmer 144, fol. 7v.
  • 65 Mortifiement de vaine plaisance, ms. Bodmer 144, fol. 9v.

31On peut trouver aussi à la scène un antécédent plus lointain, mais non moins net, dans l’Âme du Mortifiement, au visage livide (« descoloree face64 ») et à la posture accablée (Crainte de Dieu et Contrition la trouvent « a terre plus bas que assise en ung petit plus hault levee que de tout a la terre gisant, sa teste encline repousant sur sa poictrine toute mourne et achommee65 »). Le personnage, on s’en souvient, était localisé dans une chaumière vétuste dont la description fourmillait de détails paradoxalement très soignés. En transposant le lexique de la décrépitude sur le plan corporel et psychologique (posture du mélancolique), le texte se renouvelle tout en faisant valoir une forme de continuité supérieure tant sur le plan de la narration que dans le traitement stylistique. Ramené, dans sa dernière occurrence du Livre du Cœur, à un unique syntagme (le logis « mal acoultré »), le détail de la ruine, loin de se déliter, atteint sa densité maximale : il convoque avec lui un double parcours romanesque saisi dans sa tension entre l’abstrait et le concret, le spirituel et le sensible, l’intériorisation et l’action. Seul point stable de l’entreprise, le détail nous rappelle in fine que la peinture de la vanité du monde suggère mieux que tout autre thème une forme d’éternité.

Entre acédie et vaine espérance, l’éclairage du détail

  • 66 Mortifiement de vaine plaisance, ms. Bodmer 144, fol. 61v.

32Indépendamment de son propos édifiant, le Mortifiement fournit un réservoir de motifs que René d’Anjou se plaît à retravailler dans le Livre du Cœur. Il en exploite les virtualités stylistiques et les détourne dans une amplification qui peut passer pour une relecture distanciée de son propre ouvrage. Le détail de la ruine illustre bien, à notre sens, cet art de la réécriture. Associé dans le premier opus à un propos ascétique et pénitentiel, il revêt une valeur exemplaire – c’est l’indice de la « vaine plaisance » délétère – et manifeste l’urgence d’une conversion du cœur des biens mondains aux biens célestes. La précision du détail et la place qu’il occupe sont donc fonction des progrès de la méditation : il faut « ruminer » l’image jusqu’à se l’assimiler pour en éprouver les bienfaits. Dans ce processus d’approfondissement, le détail fonctionne aussi en tant que symptôme d’acédie, comme en témoigne l’attitude prostrée de l’Âme. Le remède en sera l’espérance : c’est bien cette vertu qui, dans la scène finale, purifiera le Cœur de son « sang mortifié66 », autorisant l’Âme à conclure le texte par une effusion de louanges et une action de grâces.

  • 67 Livre du Cœur, § IV, p. 100, l. 6-7.
  • 68 Livre du Cœur, § XV, p. 130, l. 30-31.
  • 69 Livre du Cœur, § CLXII, p. 496, l. 87.
  • 70 Voir l’étude d’A. Strubel, « Le Livre du Cuer d’Amours Espris, un “tombeau” de l’allégorie », L’All (...)
  • 71 Newman, Medieval Crossover, Préface, p. ix.

33À l’inverse, l’itinéraire du héros dans le Livre du Cœur obéit au régime de la mélancolie, ce qui confère au détail de la ruine une fonction à la fois proleptique et structurante. La traversée de la forêt est minée par ses récurrences insistantes, que la similitude des situations (épreuves de la mélancolie, du « souci » et du « grief soupir ») ne fait que renforcer, tandis que le récit, à l’image de la maisonnette initiale, se délite en même temps que l’idéal courtois et chevaleresque qu’il représente. La figure de dame Espérance n’est pas épargnée : dès son entrée en scène, elle apparaît « ung pou ancienne par semblance67 », ce qui la place d’emblée du côté de la mélancolie. Par ailleurs, si son « sauvetage » du Cœur précipité dans le fleuve de Larmes lors de la traversée du Pas Périlleux témoigne de son rôle d’adjuvant, il laisse aussi entrevoir sa nature déceptive (c’est sous les traits d’une sirène « belle et blonde a merveille » qu’elle apparaît dans le songe qu’on a analysé68). Enfin, c’est dans un petit ermitage jouxtant la misérable chaumière de Grief Souci, au chapitre 66, qu’elle surgit une dernière fois pour admonester le Cœur et l’instruire des suites de l’aventure. Son programme se révélera fallacieux et l’espérance, vaine : assailli par Danger, le Cœur perdra Douce Merci et finira ses jours à l’hôpital d’Amour, « en prieres et oraisons69 ». Le détail de la ruine, signe d’un mal moral que l’auteur du Mortifiement met en évidence pour mieux le conjurer, revêt ainsi dans le roman courtois une valeur proleptique, faisant du texte tout entier un « tombeau de l’allégorie70 ». On peut lire ce renversement, avec Barbara Newman, comme la mise en récit d’une herméneutique du sic et non71. On peut y voir aussi la manifestation d’une écriture capable de se renouveler à partir de l’infime et de l’accessoire, qu’elle investit d’une fonction heuristique. Ira-t-on jusqu’à dire que le détail éclaire l’ensemble de l’œuvre ? C’est en tout cas dans son déploiement que le projet romanesque laisse percevoir sa complétude.

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Notes

1 I. Fabre et G. Polizzi, « Cœur captif et “mortifié” : la duplicité du détail dans l’écriture et les illustrations de René d’Anjou (1455-1457) », Les Détours de l’illustration sous l’Ancien Régime, éd. P. Giuliani et O. Leplâtre, Cahiers du GADGES, à paraître.

2 D. Poirion, « L’allégorie dans le Livre du Cuer d’Amours espris de René d’Anjou », Travaux de linguistique et de littérature 9, 1971, p. 51-64 et « Le cœur de René d’Anjou », Les Angevins de la littérature, Angers, Presses de l’Université, 1979, p. 48-62.

3 O. Marancy-Ferrer, La Quête du Cuer d’amours espris de René d’Anjou comme réécriture du Roman de la Rose et de la Queste del Sang Graal : quête d’une nouvelle éthique princière, PhD., Florida State University, 2005. Voir en particulier le chapitre 6 (« Les motifs religieux »), p. 137 sqq.

4 B. Newman, Medieval Crossover. Reading the Secular against the Sacred, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2013.

5 Newman, Medieval Crossover, chap. 5, « Convergences : René d’Anjou and the Heart’s Two Quests », p. 223-255.

6 En particulier, les romans de Chrétien de Troyes, le Roman de la Rose et la Queste del Saint Graal.

7 D. Arasse, Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion, 1992.

8 Voir les articles de G. Polizzi, « “Sens plastique” : le spectacle des merveilles dans le Livre du Cuer d’Amour Espris », De l’étranger à l’étrange ou la « conjointure » de la merveille, Senefiance, 25, 1988, p. 395-430 et « L’écriture du fragment dans les fictions de la Renaissance », Actes du colloque « De l’écriture et des fragments : littérature, culture, arts », Mulhouse, 20-22 mars 2014, éd. F. Toudoire, à paraître.

9 Mortifiement de vaine plaisane, fol. 2. On donne le texte d’après la transcription du manuscrit Bodmer 144 collationnée sur le manuscrit de Bruxelles, Bibliothèque Royale 10308, édité par F. Lyna, Le Mortifiement de Vaine Plaisance de René d’Anjou. Étude du texte et des manuscrits à peinture, Bruxelles, Weckesser, 1926. Voir René d’Anjou, Le Mortifiement de vaine plaisance, fac-similé du manuscrit Bodmer 144, trad. I. Fabre, Fondation Martin Bodmer / Presses universitaires de France, 2009.

10 Ms. Bodmer, fol. 5.

11 Sur le rôle de l’ouïe dans le processus d’intériorisation méditative, voir l’étude de F. Pomel, « Les yeux et les oreilles dans l’écriture allégorique du Mortifiement de vaine plaisance », René d’Anjou écrivain et mécène (1409-1480), éd. Fl. Bouchet, Turnhout, Brepols, 2011, p. 85-98.

12 Ms. Bodmer 144, fol. 5v, nous soulignons.

13 Voir Pseudo-Justin, Traité sur la Résurrection, 10, 1 : « Le corps et la maison de l’âme, l’âme est ma maison de l’esprit. » (éd. L. Fritz, 2006, en ligne sur www.patristique.org).

14 Newman, Medieval Crossover, p. 235. Nous ne la suivons pas toutefois dans son analyse de la figure de l’Âme peinte comme une paysanne (« peasant woman ») pour adapter le texte au public de « simples gens lais » que présuppose le prologue.

15 Ms. Bodmer, fol. 4.

16 Sous une forme altérée toutefois, transmise par Augustin à la tradition médiévale : le verset de Job 7, 1, orienté à l’origine du côté de l’allégorie du combat spirituel (Militia est vita hominis super terram) devient ainsi une formule emblématique de la méditation ascétique (Temptatio est vita hominis super terram).

17 Job 34, 15. « Toute chair se corrompra en même temps et l’homme retournera à l’état de cendre ». Voir aussi Ps. 104, 29 (emploi du terme pulvis, « poussière, poudre »).

18 Ms. Bodmer 144, fol. 29.

19 Ms. Bodmer 144, fol. 37, nous soulignons.

20 Ms. Bodmer 144, fol. 38, nous soulignons.

21 Ms. Bodmer 144, fol. 38v, nous soulignons.

22 Ms. Bodmer 144, fol. 40v, nous soulignons.

23 Voir Rom. 7-8. La « chair » désigne l’homme en tant qu’il est dominé et disqualifié par le péché ; elle s’oppose à l’Esprit qui en fait un homo novus.

24 Ms. Bodmer 144, fol. 56v : « Et on plus apparent bout estoit au dessus des autres trop plus que nulles d’elles precedentes une dame qui emperis sembloit, et telle estoit sans faillir […] ».

25 Voir l’analyse stylistique que nous avons donnée de ce passage dans notre Les Vergers de l’âme. Le discours du jardin spirituel à la fin du Moyen Âge, thèse d’habilitation de recherches, Université Paul Valéry – Montpellier, 2014, chap. 4, p. 184.

26 « La dicte dame avoit ses espaules et son chief environné de raiz de souleil voire plus clers et plus resplendissans d’assez sans comparaison nulle que n’est la lumiere du soleil au regard de celle qui la lueur part. » (fol. 57).

27 Ibid.

28 Voir Jn 19, 34. Voir à ce propos l’analyse de l’épanchement descriptif auquel prête cet emblème, identifié à la lance qui saigne dans les Continuations du Conte du Graal, dans D. Poirion, Le merveilleux dans la littérature française du Moyen Âge, Paris, PUF, 19952, p. 79 et 89 sqq.

29 Ms. Bodmer 144, fol. 57.

30 Voir Fabre et Polizzi, « Cœur captif et “mortifié” ».

31 On suit le découpage de René d’Anjou, Le Livre du Cœur d’Amour Espris, éd. Fl. Bouchet, Paris, Librairie générale française, 2003.

32 Livre du Cœur, p. 134 et 136.

33 Livre du Cœur, p. 136, v. 333-334.

34 Sur l’importance du lecteur herméneute, voir Ph. Maupeu, « “Regarder le temps” : Temps et image dans le Livre du Cœur d’Amour épris », René d’Anjou, écrivain et mécène, éd. Bouchet, p. 121-122.

35 Livre du Cœur, § XVIII, p. 136, l. 10-11.

36 Livre du Cœur, p. 136 et 138, nous soulignons.

37 Livre du Cœur, p. 139, note 2.

38 Livre du Cœur, p. 142, nous soulignons.

39 Livre du Cœur, p. 144, l. 10.

40 Voir l’article de M. Desmaules, « Du symbolisme du pont dans quelques rêves et visions », Les Ponts au Moyen Âge, éd. D. James-Raoul, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2006, p. 181-196, qui situe le Livre du Cœur dans un contexte plus large.

41 Le pont se rattache de la sorte à la fontaine de Fortune, qui apparaît plus haut dans le récit (Livre du Cœur, p. 130).

42 La réécriture s’enrichit ici d’un autre intertexte, l’impétuosité de la rivière et les rafales de vent renvoyant au modèle du « pont de l’Epée » dans le Chevalier de la Charrette : « […] l’eve felenesse / noire et bruiant, roide et espesse / tant leide et tant espoentable / con se fust li fluns au deable / et tant perilleuse et parfonde […] » (éd. M. Roques, Paris, Champion, 1958, p. 92, v. 3009-3013).

43 Livre du Cœur, p. 144, l. 11.

44 Livre du Cœur, p. 144, l. 16.

45 Son cheval est « duit du pont », contrairement à celui du héros (Livre du Cœur, p. 144, l. 23).

46 Livre du Cœur, § XV, p. 128, l. 6-18, nous soulignons.

47 Livre du Cœur, p. 130.

48 Livre du Cœur, § XXIX, p. 160, l. 5.

49 Livre du Cœur, § XXVIII, p. 158, l. 8-12.

50 Livre du Cœur, p. 158, l. 17.

51 Voir F. Robin, La Cour d’Anjou-Provence : la vie artistique sous le règne de René, Paris, Picard, 1985, p. 127-128, et Polizzi, « “Sens plastique” », p. 420.

52 Livre du Cœur, § XXXIX, p. 180, l. 42-43.

53 Livre du Cœur, § XXXV, p. 170, l. 4-6.

54 Livre du Cœur, § XXXIX, p. 180, l. 47-50.

55 Livre du Cœur, § LXV, p. 230, l. 13-14.

56 Son importance est signalée par sa reprise au chapitre suivant, au moment où le Cœur et ses compagnons pénètrent dans la chaumière : « ilz trouverent pouvre hostel et mal acoultré » (p. 232, l. 7-8).

57 Livre du Cœur, p. 230, v. 856-860, nous soulignons.

58 Livre du Cœur, p. 232, v. 861-862.

59 Livre du Cœur, p. 233, l. 8-15, nous soulignons.

60 « Car li esmais et la tristece / et la pesance et li anuiz / qu’el soffroit de jor et de nuiz / l’avoient faite mout jaunir / et maigre et pale devenir. […] Trop avoit son cuer corrocie / et son duel parfont commencie ;/mout sembloit bien qu’ele fust dolante, / qu’ele n’avoit pas esté lante/d’esgratiner toute sa chiere. […] Si chevol tuit destrecié furent, / espandu par son col jurent / car ele les avoit derouz / de mautalent et de corrouz. » (Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. A. Strubel, Paris, Libraire générale française, 1992, p. 56, v. 298-302, 311-315 et 319-322).

61 Polizzi, « “Sens plastique” », p. 393.

62 Livre du Cœur, p. 232, l. 18-19.

63 Livre du Cœur, p. 232, l. 3-4.

64 Mortifiement de vaine plaisance, ms. Bodmer 144, fol. 7v.

65 Mortifiement de vaine plaisance, ms. Bodmer 144, fol. 9v.

66 Mortifiement de vaine plaisance, ms. Bodmer 144, fol. 61v.

67 Livre du Cœur, § IV, p. 100, l. 6-7.

68 Livre du Cœur, § XV, p. 130, l. 30-31.

69 Livre du Cœur, § CLXII, p. 496, l. 87.

70 Voir l’étude d’A. Strubel, « Le Livre du Cuer d’Amours Espris, un “tombeau” de l’allégorie », L’Allégorie de l’Antiquité à la Renaissance, éd. B. Pérez-Jean et P. Eichel-Lojkine, Paris, Champion, 2004, p. 401-414.

71 Newman, Medieval Crossover, Préface, p. ix.

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Pour citer cet article

Référence papier

Isabelle Fabre, « La maisonnette, le pont et le bois de la lance »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 31 | 2016, 179-198.

Référence électronique

Isabelle Fabre, « La maisonnette, le pont et le bois de la lance »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 31 | 2016, mis en ligne le 03 août 2019, consulté le 20 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14021 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14021

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Auteur

Isabelle Fabre

Isabelle Fabre est professeur de langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’université Paul-Valéry – Montpellier III. Auteur d’une thèse sur La Doctrine du chant du cœur de Jean Gerson (Genève, 2005), elle étudie plus particulièrement la littérature religieuse et allégorique, ainsi que les relations entre poésie et musique à la charnière entre Moyen Âge et Renaissance. Université Paul-Valéry – Montpellier III. CEMM

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