Elizabeth Brown et le XVIe siècle
Résumés
Dans sa quête des sources de la monarchie médiévale, E. Brown rencontre Jean Du Tillet, greffier civil du parlement de Paris. Pénétrée de la pensée de l’école des cérémonialistes américains, elle reprend la question du lit de justice que Du Tillet rapporte dans les registres du Parlement. Elle observe son zèle monarchiste dans le Grand recueil des roys, ainsi que dans sa présentation de l’ordo du couronnement, son côté polémiste et gallican. Elle met ainsi en lumière des aspects importants du XVIe siècle
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- 1 E. Brown et M.-N. Baudouin-Matuszek, « Un scandale étouffé à la Bibliothèque royale à la veille de (...)
1J’ai connu Elizabeth Brown à l’occasion d’un article réalisé en commun, portant sur l’affaire du vol commis au XVIIIe siècle par le bibliothécaire Gevigney à la Bibliothèque royale1. J’eus ainsi un premier aperçu d’elle au travail : insatiable dans la découverte, scrutant les documents, s’interrogeant, furetant sans répit. Je fis le constat à la fois de son dynamisme et de la sûreté de son raisonnement. Comment et pourquoi Elizabeth la médiéviste s’était-elle avancée aussi avant dans les siècles ? Tout est né du fait qu’elle s’était occupée des collections de dessins de tombeaux des rois de France par Gaignières et, de là, avait étudié des documents provenant des archives du cabinet des Manuscrits. Elle travaillait alors sur Philippe le Bel et était toute entière préoccupée de ce roi, de ses problèmes de conscience, de son testament. À part l’écart Gevigney, je ne voyais pas qu’elle puisse un jour poser les pieds dans le XVIe siècle.
2Au fil de ses allers et venues en France, je la découvrais en tant que médiéviste, sans qu’elle bornât pour autant ses intérêts au Moyen Âge. Elle pénétra dans le XVIe siècle parce qu’elle exploitait les écrits du greffier du Parlement, Jean Du Tillet, l’un des tout premiers à regarder le Moyen Âge d’un œil d’historien. Là, je pus suivre sa démarche, découvrir progressivement les fondements de sa méthode dans la recherche historique, au cours de ses séjours en France et des échanges et réflexions que nous eûmes ensemble. L’écouter parler, c’est suivre les étapes de sa réflexion, de ses questionnements, des hypothèses qu’elle pose, des commentaires qu’elle déroule, dans une démarche parfois déroutante sur les temps de l’histoire qu’elle s’est donnés d’étudier. Au stade premier, ses idées paraissent suivre un cours non ordonné, se produire comme des efflorescences évanescentes. Parfois je restais dubitative et y réfléchissant, je trouvais son cheminement confus, peu logique : en fait, elle faisait travailler son esprit, se posait à elle-même des questions, apportait des réponses ou faisait des déductions. Son interlocuteur ne joue que le rôle du mur qui renvoie la balle. Quand, par la suite, elle me donnait son œuvre imprimée, je restais saisie devant l’imperturbable logique de sa démonstration, devant l’architecture puissante qui s’était élevée.
3Je lui posais un jour une question sur la méthodologie qui l’animait. Je constatais qu’elle avait reçu et suivait une formation qui la structurait, qu’elle avait expérimentée, et qui s’était érigée en elle en méthode de la méthode. À partir d’une quête des documents, ratissés le plus largement que possible – elle allait d’archives en bibliothèques, tant françaises qu’italiennes, anglaises, autrichiennes, suisses, soviétiques puis russes, jusqu’à des visites à des particuliers –, elle accumulait les données. Une fois les textes rassemblés – tellement plus abondants pour le XVIe siècle, ne serait-ce qu’en plongeant dans les registres du Parlement –, elle s’attaquait à l’examen et à l’étude scrupuleuse du texte et du contexte. Elle menait une critique interne et externe du document, en même temps qu’elle s’astreignait à tout l’appareil bibliographique pour peser, jauger, critiquer, voire contredire, ou ratifier. Surtout, elle pratiquait le questionnement que l’historien doit se poser à lui-même. Elle pensait le document, pesait les mots, opérait des rapprochements, puisait dans un réservoir personnel de directions et de directives qu’elle confrontait aux documents. Elle avançait des hypothèses avec certes une dose importante d’imagination, mais contrôlée, n’hésitant pas à faire des coupes dans des hypothèses qui, après avoir été échafaudées, s’avéraient fausses et qu’elle rejetait pour en élaborer d’autres. Un fort esprit de déduction, une vraie « strategy » l’anime, elle, la fille de militaire américain.
4Devant les documents, chartes médiévales, manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, registres des Archives nationales, Elizabeth Brown jubile à l’avance, s’extasie devant la richesse de renseignements que ces derniers fournissent au XVIe siècle, par la relation plus détaillée que font les greffiers grâce à l’utilisation de copies des plaidoyers des avocats. Elle a – en cela je l’ai reconnue comme bien américaine – le pouvoir considérable de s’étonner, d’admirer, et cet étonnement lui donne une puissance féconde, créatrice. Je me suis demandée d’où cela lui venait : c’est qu’elle a gardé le regard des premiers colons débarquant sur la terre américaine, découvrant son immensité mais déjà sûrs que, moyennant un labeur colossal, ils parviendraient à la conquérir. Rien, en elle, de désabusé, d’étriqué : ses vues sont larges. Enfin, tout comme les premiers colons américains, elle sait que c’est en commun que la terre pourra être défrichée, et elle a toujours, tant aux États-Unis qu’en France, travaillé en union, en liaison ou en commun, avec d’autres historiens qu’elle croisait sur la route du temps.
- 2 A-t-elle a connu ou lu Charles Taylor, le philosophe canadien, champion de la philosophie de l’acti (...)
5L’intérêt qu’elle a toujours spontanément porté à l’humain – elle a une personnalité très extériorisée – l’a menée à s’intéresser à la psychologie, à vouloir s’en donner une formation scientifique tant chez Freud que dans les écrits de Gandhi ou de Luther. Elizabeth Brown s’y est sensibilisée, seule ou grâce à d’autres, afin de tenter une approche la plus profonde possible de la personnalité des hommes et des temps historiques qu’elle étudie. Elle a acquis le pouvoir de lire, de reconnaître, dans des documents tout secs, les motivations primitives et primordiales de l’âme humaine, les causes premières qui animent l’action : l’intérêt, l’ambition, la haine, la peur, la vengeance2 … Entre tous les rois médiévaux, elle a retenu la figure de Philippe le Bel ; du XVIe siècle, elle retient celle du greffier Jean Du Tillet.
- 3 The King’s Two Bodies : A Study in Mediaeval Political Theology, Princeton, Princeton University Pr (...)
- 4 The Royal Funeral Ceremony in Renaissance France, Genève, E. Droz, 1960 ; trad. fr. Paris, Flammari (...)
- 5 Vive le roi ! A History of the French Coronation from Charles V to Charles X, Chapel Hill, Universi (...)
- 6 2 vol., Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1995-2000.
- 7 Voir R. H. Rouse et M. A. Rouse, Manuscripts and their Makers : Commercial Book Producers in Mediev (...)
- 8 Voir Georges Duby, « L’histoire culturelle », Revue de l’enseignement supérieur, 1969, p. 85-89.
6Elle s’est aussi insérée profondément dans le monde de ses contemporains historiens. Elle en a rencontré et s’est confrontée avec une foule d’entre eux, de toutes spécialités. Aux États-Unis, elle s’est pénétrée du courant de l’école des cérémonialistes issue de la pensée d’Ernst Kantorowicz, qui, à la fin des années 1950, avait, par ses Deux corps du roi3, ouvert la porte à l’étude des modes de pensée médiévaux qui s’expriment, sous-jacents, dans les représentations symboliques du pouvoir : sacres, entrées royales, cérémonies funèbres, fiction des deux corps du roi, lit de justice. À sa suite, des historiens retracent l’émergence du politique dans les aspects sacrés des royautés médiévales et dans la manière dont celles-ci se donnent à voir. Ce sont Ralph Giesey (1923-2011), auteur du Roi ne meurt jamais4, et son élève, Richard Jackson, pour lequel Elizabeth Brown a relu et commenté un chapitre du Vivat rex5 et lu les Ordines coronationis Franciae6, ou encore Richard Rouse7. Ils trouvent en France leurs correspondants en Lucien Febvre, Pierre Goubert, Emmanuel Le Roy Ladurie, promoteurs d’une histoire culturelle qui cherche à cerner, à voir les représentations et pratiques socioculturelles où sont sous-jacentes les structures des mentalités, les « attitudes mentales », l’imaginaire des sociétés8. Elizabeth Brown n’appartient pas à titre avoué, reconnu, à cette école américaine que j’évoque à grands traits ; mais, étant de son temps, elle suit de près l’histoire telle qu’elle s’écrit, elle absorbe la pensée de ce mouvement, adhère à certaines de ses thèses ou les critique, mais pour la juste cause, pense-t-elle, la vérité de l’écriture de l’histoire que commet l’un ou l’autre. À leur suite, elle se pénètre de l’importance du sens et de la charge symbolique contenus dans la représentation donnée par le texte et/ou par l’image. Ceux-ci sont pour elle les vecteurs de la conscience des époques, les symboles de ce qui unit et relie mondes céleste et terrestre, ainsi que le vecteur des vouloirs et intentions des hommes qui en sont les supports.
- 9 Édouard Maugis, Histoire du parlement de Paris : de l’avènement des Valois à la mort d’Henri IV, 3 (...)
7En France, elle a aussi lu, rencontré et connu bien des historiens et échangé avec eux. Robert-Henri Bautier, Marie-Thérèse d’Alverny, Robert Fawtier, Jean Richard, Édouard Perroy, Brigitte Bedos-Rezak, François Avril, Patricia Stirnemann, Michel Pastoureau lui démontrèrent l’importance de la forme des actes, approfondirent ses connaissances des manuscrits, de la diplomatique, de la pensée médiévale, de l’héraldique, des miniatures. Alfred Soman, Françoise Hildesheimer et les membres du Centre d’études d’histoire juridique l’introduisirent dans les registres des cours souveraines. Et j’en passe : c’est tout dire de l’ampleur des échanges fructueux que, de part et d’autre, ces historiens ont pu avoir. Mais surtout, à chaque fois qu’elle abordait une période nouvelle, elle prenait patiemment les bons vieux guides du lecteur, les bons vieux ouvrages irremplaçables, tel Maugis pour le Parlement9, se mettant à nouveau sur le banc de l’école. Son approche du document reste prudente, son sens de l’écoute aigu.
8À l’écoute de ce que le monde des historiens produit, elle exerce son pouvoir de critique, d’approbation, de louange. Sa critique, constructive, est basée sur son exigence de perfection, qui est exhaustivité et rigueur dans l’interprétation, prudence dans la thèse avancée. Elle va jusqu’à reprendre le thème d’un ouvrage pour y donner l’apport qu’elle-même se sent le droit et le devoir de fournir.
Le lit de justice
- 10 Princeton, Princeton University Press, 1983 ; trad. fr. Paris, Aubier, 1991.
9Ce fut le cas pour The Lit de justice of the Kings of France de Sarah Hanley, paru en 198310, dont elle contestait certaines thèses. Ayant repris les sources, dont Jean Du Tillet dans son Recueil des rois de France, elle se vit, non pas obligée, mais comme amenée à donner sa propre version de cette « institution » ; dès lors, elle médita de récrire The Lit de justice.
10S. Hanley fonde son étude en établissant une distinction entre séances royales (visites ordinaires du roi à la cour) et lits de justice, dont elle dit qu’ils n’ont lieu que lorsqu’ils reçoivent cette dénomination dans les registres du Parlement. Elle exclut toutes les assemblées dépourvues des attributs judiciaires et constitutionnels qui, pour elle, constituent les caractéristiques des lits. Elle a encore d’autres idées bien arrêtées, notamment sur la fiction de l’origine du lit.
- 11 « The King in Parliament : The Problem of the Lit de justice in Sixteenth-Century France », Histori (...)
11Elizabeth Brown se positionne par rapport à S. Hanley et à un autre historien, Mack Holt, qui a travaillé sur Henri III11, ainsi que par rapport à Pierre de L’Estoile et de Thou. Elle reprend les registres du Parlement et Du Tillet, pour finalement constater que les lits du XVIe siècle s’organisent comme une assemblée royale destinée à obtenir l’exécution de l’enregistrement d’ordonnances controversées par la cour. Elle examine enfin l’opinion de S. Hanley qui attribue à Du Tillet la création de la fiction selon laquelle il existerait un lit de justice médiéval. En dernier lieu, elle réédite en appendice un Mémoire sur le lit de justice, anonyme qu’elle attribue à Du Tillet.
L’engrenage du tillet
12Force lui est à présent, de s’attaquer à Jean Du Tillet lui-même, qui est devenu pour elle incontournable. Qui était ce greffier, à la source même de l’une des documentations les plus riches du royaume, même aujourd’hui, celle du Parlement ? Quelles motivations l’ont amené à exploiter cette source qu’il gardait, qu’il continuait à nourrir, dont il a saisi toute la valeur historique, tout le sens ?
- 12 « Quelques réflexions sur l’œuvre de Jean Du Tillet et la symbolique royale française », Archives h (...)
- 13 Paris, Bibliothèque nationale, 1908.
- 14 « Jean Du Tillet : A Neglected Scholar of the Sixteenth Century », The Bodleian Manuscript of Jerom (...)
- 15 « Jean Du Tillet, Archivist and Antiquary », Journal of Modern History, 18, 1966, p. 337-354.
13Qu’en était-il alors en France, dans ces années de la fin du XXe siècle, de la connaissance de Du Tillet ? Hervé Pinoteau était quasiment le seul à avoir abordé, et rapidement, cette terra incognita12. Henri Omont avait fait paraître en 1908 une reproduction des Portraits des rois de France du Recueil du manuscrit français 2848 de la Bibliothèque nationale de France13, et c’était à peu près tout. En revanche les historiens américains avaient été attirés par Du Tillet, parce qu’ils s’en étaient servis pour leurs études médiévales. Ce fut le cas de Cuthbert H. Turner, en 1905 et 191014, et de Donald R. Kelley, qui avait publié un article en 196615. Puis de S. Hanley, à l’origine de la controverse sur le lit de justice.
14Elizabeth Brown avait également vu l’usage qu’avait fait de Du Tillet le professeur Ralph Giesey, qui travaillait à l’université d’Iowa sur le cérémonial, la représentation que la royauté se donne à elle-même et donne à voir et à imaginer au peuple. Ralph Giesey construit autour des rituels funéraires la théorie des deux corps du roi, l’un mortel, l’autre représenté par l’effigie, politique, immortel ; Elizabeth Brown le contredit en faisant remarquer que Du Tillet n’a jamais vu le corps immortel dans l’effigie et elle y voit plutôt une incitation à l’émotion, ou une évocation du corps de gloire, celui du gisant.
15Si Elizabeth Brown glisse vers le XVIe siècle, c’est donc qu’elle se doit de répondre à la position prise en dernier lieu par S. Hanley, mais c’est aussi parce qu’elle voit en Du Tillet le premier historien qui porte un regard sur les époques antérieures. Car c’est à cette époque que le recours au lit de justice bat son plein, pratique dont Du Tillet a pris toute la mesure et qu’il relate avec magnificence. Enfin, c’est qu’elle ressent la nécessité de voir et de constater le devenir des tendances et des grands mouvements historiques qu’elle étudie depuis le Moyen Âge.
- 16 Philadelphie, American Philosophical Society, 1992.
- 17 Binghamton, Center for Medieval and Early Renaissance Studies, 1994.
- 18 Sigmaringen, J. Thorbecke, 1994.
- 19 Bibliothèque de l’École des chartes, 153, 1995, p. 325-372.
- 20 « Jean Du Tillet and the illustrations of the Grand recueil des roys », Revue de l’art, 115, 1997, (...)
- 21 Complots et conjurations dans l’Europe moderne. Actes du colloque international organisé par l’Écol (...)
16Elle voit donc à présent toutes les facettes de Du Tillet : l’historien au flair d’antiquaire ; l’officier en sa charge de greffier, témoin et participant de l’action par sa mise par écrit ; enfin, le champion dévoué de la foi catholique, qui se fait polémiste au début des guerres de religion, devenant par là le supporter de la monarchie et de l’État. Bref, un homme polyvalent. Elle a mis le doigt dans l’engrenage Du Tillet. Dans la première moitié des années 1990, elle publie sur ces divers aspects : en 1992, paraît « Franks, Burgundians, and Aquitanians » and the Royal Coronation Ceremony in France16 ; au début de 1994, Jean Du Tillet and the French Wars of Religion : Five Tracks, 1562-156917 et, avec Richard C. Famiglietti, The Lit de justice : Semantics, Ceremonial and the Parlement of Paris (1300-1600)18 ; l’année suivante, « Le greffe civil du parlement de Paris au XVIe siècle : Jean Du Tillet et les registres des plaidoiries19 ». Enfin, avec Myra Orth, elle présente les manuscrits du Grand recueil offerts à Henri II et à Charles IX20. Puis elle abordera la seconde moitié du siècle avec « La Renaudie se venge : l’autre face de la conjuration d’Amboise21 », où Du Tillet joue un rôle.
Le grand recueil enluminé
17Il va sans dire qu’elle a vu, étudié, comparé les deux Recueils, Recueil des rois et Recueil des grands, dans leurs diverses éditions ; elle a vu le manuscrit rédigé de la main de Du Tillet, vu tous les manuscrits où se trouvent ses papiers. Avec Myra Orth, elle publie le Recueil présenté à Henri II sous la forme d’un manuscrit enluminé de trente images, en l’accompagnant d’un commentaire qui resitue ce volume par rapport aux manuscrits présentant de semblables images des rois.
« Franks, Burgundians, and Aquitanians »
- 22 Les premiers d’entre eux, tels celui du sacramentaire de Gellone, imprégnèrent tant la France carol (...)
- 23 Jackson, Ordines coronationis.
18Sous ce titre obscur, il faut comprendre qu’Elizabeth Brown s’intéresse aux ordines du couronnement, dont l’un d’eux cite nommément ces trois peuples. En 1985, elle présente un article à Toronto lors d’une conférence sur les couronnements au Moyen Âge ; un ami, Harvey Stahl, lui parle alors de l’ordo que présente le manuscrit latin 14192 de la Bibliothèque nationale de France, du XIIe siècle, et qui touche à la création des douze pairs de France sous Louis VII. Elle est également en contact avec Richard Jackson, qui a étudié le rituel des couronnements à travers vingt-cinq ordines22, dont il publiera le texte en 199523.
- 24 Les historiens suivants, Du Haillan dans De l’estat et succez des affaires de France (1570), tout c (...)
- 25 Bibliothèque nationale de France, fr. 2847-2849, 2854, 2859 et 6491.
19En général, les ordines ne font allusion ni aux peuples précités, ni aux personnes mêmes des rois. Pourtant deux ordines font état de « Franks, Burgundians, Aquitanians » dans une prière. Or le Recueil de Du Tillet en fournit un exemple, le plus élaboré, en français. Mais Elizabeth Brown n’hésite pas à accuser là Du Tillet et Théodore Godefroy d’avoir « twisted truth », manipulé la vérité, Du Tillet ayant opéré des altérations pour rendre son ordo plus ancien et plus vénérable24. Cependant, si, dans le Recueil imprimé, Du Tillet ne donne pas la source dont il tire cet ordo, les copies manuscrites du Recueil la précisent, ainsi que les subtiles modifications qu’y apporte Du Tillet25. Quant au créateur de l’ordo, Elizabeth Brown tendrait y voir Suger.
- 26 Au passage, on lit avec plaisir son subtil travail d’« exégèse », pourrait-on dire, lorsqu’elle ren (...)
20Enfin, elle retrace l’historique du manuscrit de l’ordo. Le cheminement de sa pensée, la chaîne de déductions qu’elle effectue alors, passant de Pithou à Loisel (originaire de Beauvais), par laquelle elle démontre que ce manuscrit fut connu des historiens et en particulier de Du Tillet, qui en prit connaissance à Beauvais même où il vint emprunter des ouvrages, est à proprement parler « quite amazing ». Sans s’arrêter là, elle donne la suite des pérégrinations du volume, qui atterrit à un moment donné – fait connu – dans la bibliothèque d’un particulier (Petau), puis chez le chancelier Séguier, puis chez Coislin, évêque de Metz, pour de là entrer à Saint-Germain-des-Prés et enfin à la Bibliothèque nationale de France : « fascinating26 ».
Le greffier
21Elizabeth Brown étudie la fonction même de greffier civil du parlement dans « Le greffe civil du parlement de Paris au XVIe siècle ». Fidèle à la maxime de Michel Antoine, selon laquelle « l’étude d’une institution doit commencer par celle de son personnel », elle examine comment Du Tillet est parvenu à cet office, en quoi consistaient ses fonctions, comment il les remplissait, le tour personnel qu’il leur a donné. Le greffier est responsable d’un personnel de clercs, il est garant du secret des séances et en même temps du fonctionnement et de l’intégrité des autres greffes, qui étaient tous interdépendants. Relevant que le roi lui-même a demandé à Du Tillet de promouvoir son projet de réformer les archives royales et de les rendre plus accessibles, Elizabeth Brown développe la manière dont le greffier travailla à son Recueil, utilisa les archives de la cour à son profit et au profit du roi ; elle met ainsi en évidence le rôle qu’il entendait remplir auprès de la cour et celui qu’il se donna d’historien de la cour et, par-delà, de la monarchie.
22Car Du Tillet est particulièrement bien placé pour ce faire, puisque sa fonction, en plus du travail quotidien de transcription des arrêts, est de rapporter les événements de la cour. Son rôle est alors de voir, de saisir et de relater. Il devient le reporter de la cour, promenant sa caméra partout. Un lit de justice fixe sur la pellicule l’étagement savant des grands et des membres de la cour, déployé autour du roi dans le respect de toutes les préséances, à la manière d’une photographie des membres du gouvernement autour du président sur les marches de l’Élysée. Du Tillet sait même qu’il faut prendre des clichés « plus intimes », lorsque lui-même va au-devant du roi Henri II à son arrivée au palais, lors du lit de justice de 1549. Il peut être utile de faire savoir que l’on partage un instant d’intimité avec le roi. Du Tillet endosse aussi l’habit du commentateur de télévision, mais par écrit. Prolixe dans ses descriptions, conscient – c’est là qu’il se sait historien – qu’il écrit pour la postérité, puisqu’il connaît l’œuvre similaire accomplie dans sa charge par ses prédécesseurs, Nicolas de Baye, Clément de Fauquemberge, il aligne, en les magnifiant, les amplifiant, ses rapports et par là les introduit dans l’histoire.
23Elizabeth Brown, partie des données que fournit le Catalogue des actes de François Ier sur la famille Du Tillet, en reconstitue l’histoire complexe, depuis les relations et les ambitions du père Hélie jusqu’à ses deux fils, leurs belles-sœurs, leurs protecteurs et leur réseau de clientèle ; grâce aux plaidoiries d’avocats, qui révèlent jusqu’aux dessous des démarches et des tractations de leurs clients, elle évalue les fortunes, jauge les influences régnant au sein du Parlement, les tactiques, les arrangements échafaudés ou les défaites. Elle dépouille ainsi, sur le temps d’une décennie, puisque l’« affaire » Du Tillet s’étend de 1521 à 1530, 55 registres, liasses des Archives nationales ou manuscrits de la Bibliothèque nationale de France. Sa chance est de trouver les longs plaidoyers de l’éminent avocat Guillaume Poyet pour Jean Du Tillet et son père Hélie et, pour la partie adverse, d’autres moins connus, Charmolue, Le Jeune et autres, plaidoyers totalisant, selon son estimation, plus de cent pages des registres. Elle observe, fait intéressant, que ce long procès entraîna des modifications diverses dans l’office même de greffier, par exemple dans la procédure de réception, dans l’instauration d’une admonestation par un président, dans les responsabilités de la charge, en particulier pour l’introduction de nouveaux clercs.
Jean Du Tillet and the french wars of religion : five tracks
24Elizabeth Brown constate que Du Tillet fut particulièrement sensible à l’émergence de la nouvelle religion protestante par le fait qu’un de ses frères, curé, fut un temps conquis par les idées de Calvin : il vécut l’influence de celles-ci de l’intérieur. Il prend dès lors, au début du règne d’Henri II, une autre dimension, celle du polémiste, écrivant en faveur de la royauté lorsqu’en 1551 celle-ci traverse une période de tensions avec le pape Jules III. Le roi s’aide peut-être d’un écrit de Du Tillet rédigé ou, du moins, publié à cette date, le Mémoire et advis sur les libertés de l’Église gallicane. Elizabeth Brown y voit un pamphlet extrémiste, où, tout en reconnaissant le pouvoir spirituel du clergé, Du Tillet prêche en faveur des pouvoirs des gouvernants temporels pour assurer l’administration de la police et du bien public, y compris la protection de l’Église. Il y laisse entendre que finalement le royaume peut se gouverner sans intervention d’un pape.
- 27 Son frère Jean reprit ce flambeau familial en 1559, en publiant deux pamphlets contre les Huguenots (...)
25À la mort d’Henri II, en 1560, époque de la toute puissance des Guise, Du Tillet rédige deux petits traités en faveur de la majorité du roi (de quinze ans), allant donc dans le sens de ses patrons, les Guise-Lorraine. Tout aussi documenté sur les faits du passé que dans le précédent pamphlet, il trouve maints exemples appuyant la régence de Catherine et le gouvernement des Lorraine. Un deuxième pamphlet, cette fois adressé à la reine mère, attaque les séditieux de la nouvelle opinion, leurs prétentions à la légitimité d’un Conseil de leur choix et, encore une fois, cherche à justifier le gouvernement des Guise. Enfin, il attaque violemment les fauteurs de troubles, ceux de la nouvelle opinion. En cela, une fois encore, il prend position pour la victoire de la foi catholique, une et unique dans le royaume27.
26Elizabeth Brown établit la publication de presque tous ces inédits, fournissant ainsi une documentation de valeur pour toute étude des débuts des guerres civiles.
« La renaudie se venge »
- 28 Lucien Romier présente en quelques phrases les liens de famille des La Renaudie et des Du Tillet, d (...)
- 29 Elizabeth Brown, déjà documentée sur la parentèle des Du Tillet, approfondit son étude du cousinage (...)
27C’est par le biais de Du Tillet, bien sûr, qu’Elizabeth Brown a été conduite à présenter le complot de La Renaudie, mettant ainsi le pied dans la seconde moitié du siècle. S’étant documentée à partir des travaux des historiens qui se sont attachés à cette question, Lucien Romier et Henri Naef, lequel utilise des sources d’archives suisses, elle en perçoit l’insuffisance28. Elle pousse plus avant dans la documentation, puise chez de Thou, Brantôme, La Ferrière dans son Histoire de l’estat de France. Elle finit par découvrir l’un des aspects des prises d’armes que l’on retrouve ailleurs, la vengeance personnelle, qui s’est manifestée à Paris et en province, et qui constitue une motivation profonde du mouvement de Réforme. Pour La Renaudie, une frustration initiale, due à la perte d’un procès, la haine portée à la famille de Lorraine en raison d’un meurtre, conjuguées à une personnalité dotée d’un « grandiose self », sont les ingrédients qui fondent son action : la conjuration d’Amboise est une vendetta, un acte de vengeance qui échoue29. Au final, un échec qui suscite le dégoût de Calvin, mais gagne post mortem à La Renaudie un renom d’héroïsme parmi les Protestants.
« The dinteville affair30 »
- 30 « Sodomy, Honor, Treason, and Exile : Four Documents Concerning the Dinteville Affair (1538-1539) » (...)
- 31 Londres, National Gallery/Yale University Press, 1997.
- 32 Holbein’s « Ambassadors ». The Picture and the Men. An Historical Study, Londres, G. Bell, 1900.
28Comment Elizabeth Brown en vint-elle à l’affaire Dinteville ? Une année, elle était passée par Londres et avait vu ou revu le tableau de Holbein, Les ambassadeurs. Avait-elle fait connaissance ou rencontré Susan Foister, conservateur à la National Gallery de Londres, qui fit paraître en 1997 Holbeins’s Ambassadors31 ? Ou lu Mary Hervey qui, dès 1900, avait étudié le tableau et identifié les personnages, deux ambassadeurs de France en Angleterre sous François Ier, Jean de Dinteville et Georges de Selve32 ? Ou était-ce parce qu’elle était allée à Troyes ? Ou au château de Polisy ? Déjà, elle rassemblait ses sources d’information.
29Elizabeth Brown décortique les opinions ou croyances des divers auteurs qui ont effleuré l’affaire Dinteville : La Taille (1607), Vulson, G. Ribier et, plus cru dans ses termes, l’anonyme de la Chronique de François Ier. Elle fait une plongée dans les manuscrits (fonds français, fonds Gaignières) et trouve à Vienne des copies de ces manuscrits, parmi lesquels elle choisit de publier les pièces du cartel et les lettres patentes de François Ier.
Anne de Bretagne et Jean de Chabannes
- 33 The Cultural and Political Legacy of Anne de Bretagne : Negotiating Convention in Books and Documen (...)
30Elizabeth Brown s’attache-t-elle particulièrement aux « affaires » ? C’est un besoin d’ordre qui lui fait étudier la vie et la mort d’Anne de Bretagne dans « Order and Disorder in the Life and Death of Anne de Bretagne33 », mais c’est surtout parce qu’elle étudie alors le faux en écriture et qu’elle en voit un dans une lettre produite par Louis XII pour faire annuler son mariage avec Jeanne de France.
- 34 « Fraude, fiction et “faulseté” à la fin du Moyen Âge : les sombres affaires de Jean de Chabannes, (...)
31Au cours d’une journée d’étude à l’École des chartes en 2008, elle reprend cette annulation sous un autre angle, en commun avec Thierry Claerr, dans « Les sombres affaires de Jean de Chabannes34 ». Fils du grand maître de France, rebelle ou révolté contre son père semble-t-il, nanti d’une belle-mère qui était la fille illégitime de Louis XI et donc la demi-sœur de Jeanne de France, Jean de Chabannes est amené à obtenir par des pressions, sinon à extorquer la création de faux en écritures qui furent utiles à Louis XII dans son procès en annulation.
- 35 Dans les années 2000, elle étudiait avec Patricia Stirneman le manuscrit 866 de la bibliothèque de (...)
32Enfin, suite à sa quête des recueils de portraits des rois de France et, dans le cas présent, de portraits des comtes de Dammartin, elle peut analyser un autre cas de fausseté de Jean de Chabannes35. Elle déroule ainsi la triste histoire d’une toute jeune femme de quinze ans, morte peu après son mariage ultra-précoce avec un Coligny et qui, dans son testament, léguait une partie de ses biens à son beau-frère. Manque de chance, elle ne peut vérifier l’arrêt dans le registre du Parlement, en déficit. Elle reprend la volumineuse histoire des Chabannes, pour éplucher les deux versions de la mort de la jeune femme et en venir à la conclusion que des soupçons fiables pèsent sur Chabannes et que celui-ci est l’auteur de manœuvres d’intimidation et de tortures à l’encontre de pauvres gens, un notaire et un prêtre, pour leur faire dire ce qu’il voulait sur les derniers instants de celle-ci. Elle a ainsi scruté dans ce cas ce qu’était « la matière de fausseté » que l’on rencontre parfois dans les registres du Parlement. Et elle y voit un exemple de la plasticité de l’histoire telle que nous la recevons.
Conclusion
33Médiéviste dans l’âme, elle en garde pour le XVIe siècle toute sa rigueur scientifique. Mais, par rapport au Moyen Âge, où il reste maîtrisable, le volume de la documentation a peut-être quadruplé au XVIe siècle, tant en manuscrits qu’en registres du Parlement dans lesquels la marche en avant est ardue. Les attaquer, en tirer autant que le fait Elizabeth Brown, défie l’imagination ; la bibliographie qu’elle étudie, tout autant. Venue à Du Tillet – un immense chantier – par ce qu’il offre du Moyen Âge, elle est entrée dans le XVIe siècle à cause de lui, puis pour lui, qu’elle juge être le premier historien à saisir l’occasion rare d’utiliser les documents à la source desquels il était placé, pour alimenter l’histoire du Moyen Âge tout autant que pour bâtir celle de son siècle. Elle voit en lui un grand historien, un officier d’envergure qui a saisi toutes les opportunités pour faire sa propre grandeur mais aussi celle de la cour de Parlement, un polémiste quand il le juge nécessaire, et un homme qui prend position pour magnifier la monarchie en lui rappelant ses racines dans le passé pour mieux mettre en valeur sa grandeur présente.
Notes
1 E. Brown et M.-N. Baudouin-Matuszek, « Un scandale étouffé à la Bibliothèque royale à la veille de la Révolution : l’affaire Gevigney-Beaumarchais (1784-1792) », Bulletin de la Société de l’histoire de Paris et l’Île-de-France, 116, 1989, p. 239-307.
2 A-t-elle a connu ou lu Charles Taylor, le philosophe canadien, champion de la philosophie de l’action, de la psychologie cognitive, pour qui le langage– et pour l’historien, l’écrit – est porteur de signification et d’interprétation ?
3 The King’s Two Bodies : A Study in Mediaeval Political Theology, Princeton, Princeton University Press, 1957 ; trad. fr. Paris, Gallimard, 1989.
4 The Royal Funeral Ceremony in Renaissance France, Genève, E. Droz, 1960 ; trad. fr. Paris, Flammarion, 1987.
5 Vive le roi ! A History of the French Coronation from Charles V to Charles X, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1984 ; trad. fr. Strasbourg, Association des publications près les universités de Strasbourg, 1984.
6 2 vol., Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1995-2000.
7 Voir R. H. Rouse et M. A. Rouse, Manuscripts and their Makers : Commercial Book Producers in Medieval Paris, 1200-1500, Londres, H. Miller, 2000.
8 Voir Georges Duby, « L’histoire culturelle », Revue de l’enseignement supérieur, 1969, p. 85-89.
9 Édouard Maugis, Histoire du parlement de Paris : de l’avènement des Valois à la mort d’Henri IV, 3 vol., Paris, A. Picard, 1913-1916.
10 Princeton, Princeton University Press, 1983 ; trad. fr. Paris, Aubier, 1991.
11 « The King in Parliament : The Problem of the Lit de justice in Sixteenth-Century France », Historical Journal 31, 1988, p. 507-523.
12 « Quelques réflexions sur l’œuvre de Jean Du Tillet et la symbolique royale française », Archives héraldiques suisses, 70, 1956, p. 1-24.
13 Paris, Bibliothèque nationale, 1908.
14 « Jean Du Tillet : A Neglected Scholar of the Sixteenth Century », The Bodleian Manuscript of Jerome’s Version of the Chronicle of Eusebius Reproduced in Collotype, Oxford, Clarendon Press, 1905, appendice V, p. 48-63 et « The Bibliography of Jean Du Tillet », Journal of Theological Studies, 12, 1910, p. 128-133.
15 « Jean Du Tillet, Archivist and Antiquary », Journal of Modern History, 18, 1966, p. 337-354.
16 Philadelphie, American Philosophical Society, 1992.
17 Binghamton, Center for Medieval and Early Renaissance Studies, 1994.
18 Sigmaringen, J. Thorbecke, 1994.
19 Bibliothèque de l’École des chartes, 153, 1995, p. 325-372.
20 « Jean Du Tillet and the illustrations of the Grand recueil des roys », Revue de l’art, 115, 1997, p. 8-24.
21 Complots et conjurations dans l’Europe moderne. Actes du colloque international organisé par l’École française de Rome, l’Institut de recherches sur les civilisations de l’Occident moderne de l’université de Paris-Sorbonne et le Dipartimento di storia moderna e contemporanea dell’università degli studi di Pisa. Rome, 30 septembre – 2 octobre 1993, éd. Y.-M. Bercé et E. Fasano Guarini, Rome, École française de Rome, 1996, p. 451-474.
22 Les premiers d’entre eux, tels celui du sacramentaire de Gellone, imprégnèrent tant la France carolingienne que l’empire et constituent un des principaux éléments de l’évolution politique de la royauté au Moyen Âge.
23 Jackson, Ordines coronationis.
24 Les historiens suivants, Du Haillan dans De l’estat et succez des affaires de France (1570), tout comme André Duchesne en 1609 dans ses Antiquités […] de la grandeur des rois, louent Du Tillet. En revanche, Scipion Dupleix, dans son Histoire de France de 1621, se montre sceptique, dubitatif au sujet du roi responsable de la création des douze pairs. Au cours des XIXe et XXe siècles, les historiens ont discuté de la date de l’ordo fourni par Du Tillet, qui aurait été rédigé entre 1223 et 1360.
25 Bibliothèque nationale de France, fr. 2847-2849, 2854, 2859 et 6491.
26 Au passage, on lit avec plaisir son subtil travail d’« exégèse », pourrait-on dire, lorsqu’elle rend son sens à une phrase obscure du Recueil portant sur l’ordo du couronnement. Celui-ci se trouve dans un « registre de papier […] et chambre des comptes, livre cotté + feuillet IXXX XIX » ; elle résout l’énigme : « et » vaut pour « ès » ; « + », parfois imprimé à tort comme le chiffre 4, désigne en réalité le livre Croix de la Chambre des comptes.
27 Son frère Jean reprit ce flambeau familial en 1559, en publiant deux pamphlets contre les Huguenots, Advis d’un prélat, publié en 1587, et Institution d’un père chrestien, et le greffier lui-même reprit et poursuivit l’œuvre de polémique contre les Protestants en composant entre 1562 et 1569, durant les premières guerres civiles, huit pamphlets religieux et politiques répondant aux violentes attaques que subit la royauté durant ces années et réaffirmant sa foi en la suprématie de l’autorité royale.
28 Lucien Romier présente en quelques phrases les liens de famille des La Renaudie et des Du Tillet, dont la belle-sœur est mariée à Gaspard de Heu. Il cite également le procès mené au sujet d’« un bénéfice ecclésiastique contre les Du Tillet », suite auquel La Renaudie fut condamné en 1546 par le parlement de Dijon et passa en Suisse.
29 Elizabeth Brown, déjà documentée sur la parentèle des Du Tillet, approfondit son étude du cousinage liant la famille Du Tillet aux Barry et au sieur de La Renaudie. Elle déterre ce qui les unit et les désunit : des questions de propriété foncière, les deux familles étant originaires de l’Angoumois. De la perte d’un procès s’étendant sur une vingtaine d’années, dont Du Tillet sort vainqueur grâce sa familiarité avec le sérail de la justice, naît chez La Renaudie une frustration que renforce le choix politique des Tillet de se mettre au service de la famille de Lorraine, contre laquelle La Renaudie s’est déjà pris de haine en raison du meurtre de son beau-frère, Gaspard de Heu.
30 « Sodomy, Honor, Treason, and Exile : Four Documents Concerning the Dinteville Affair (1538-1539) », Sociétés et idéologies des temps modernes. Hommage à Arlette Jouanna, éd. J. Fouilheron, G. Le Thiec et H. Michel, Montpellier, Université Montpellier III, 1996, vol. 2, p. 511-532.
31 Londres, National Gallery/Yale University Press, 1997.
32 Holbein’s « Ambassadors ». The Picture and the Men. An Historical Study, Londres, G. Bell, 1900.
33 The Cultural and Political Legacy of Anne de Bretagne : Negotiating Convention in Books and Documents, éd. C. J. Brown, Woodbridge, Boydell and Brewer, 2010, p. 177-192.
34 « Fraude, fiction et “faulseté” à la fin du Moyen Âge : les sombres affaires de Jean de Chabannes, comte de Dammartin, et le curieux cas du testament de sa fille, Anne de Chabannes (1500-1502), Juger le faux, Moyen Âge – temps modernes, éd. O. Poncet, Paris, École nationale des chartes, 2011, p. 89-115.
35 Dans les années 2000, elle étudiait avec Patricia Stirneman le manuscrit 866 de la bibliothèque de Chantilly, sans doute pour le comparer avec les recueils de Gaignières, lorsqu’elle y rencontra un arrêt du Parlement terminant en faveur Jean de Chabannes le procès qu’il avait à raison du testament de sa fille.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Marie-Noëlle Baudoin-Matuszek, « Elizabeth Brown et le XVIe siècle », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 31 | 2016, 95-109.
Référence électronique
Marie-Noëlle Baudoin-Matuszek, « Elizabeth Brown et le XVIe siècle », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 31 | 2016, mis en ligne le 03 août 2019, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14011 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14011
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