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Kings Like Semi-Gods. Autour des travaux D'Elizabeth A. R. Brown

L’art d’interroger un lieu par ses fonctions et ses représentations

Une herméneutique de Saint-Denis au temps des derniers Capétiens selon Elizabeth Brown
Damien Berné
p. 81-93

Résumés

L’abbaye de Saint-Denis est l’un des sujets qui traverse l’ensemble de l’œuvre d’E. Brown. L’abbaye est devenue un sujet d’étude autonome. Elle est attentive aux points de vue des différents acteurs de la vie dionysienne : non seulement le souverain, qu’il entende modeler la disposition des tombeaux de ses prédécesseurs ou organiser à son profit le culte qui est rendu à saint Louis, mais aussi la communauté monastique, dont les positions sont éclairées par les productions historiographiques dionysiennes

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Texte intégral

  • 1 Aldershot, Variorum, 1991.

1Il est frappant de constater que l’œuvre d’Elizabeth A. R. Brown, abondant et profus, est sous-tendu par les fils d’une pensée qu’elle déroule méthodiquement, avec obstination, remettant sans cesse l’ouvrage sur le métier pour le reprendre, le densifier, le prolonger. La conclusion d’un article est rarement une prise de congé, mais la promesse d’un approfondissement. Il faudrait parler de séquences d’articles que l’auteur articule à mesure qu’elle se déplace d’un sujet à un autre. Une partie de cette matière se trouve regroupée dans deux recueils, The Monarchy of Capetian France and Royal Ceremonial d’une part, Politics and Institutions in Capetian France d’autre part, qui montrent à quel point la pensée et la démarche sont cohérentes1.

  • 2 Saint-Léger-Vauban, Zodiaque, 2001.
  • 3 S.M. Crosby, L’abbaye royale de Saint-Denis, Paris, P. Hartmann, 1953. J. Formigé, L’abbaye royale (...)

2Étonnamment, il est un sujet qui traverse en filigrane de larges pans de cet œuvre et qui longtemps n’est pas apparu en tant que tel, comme s’il était subordonné sans autonomie propre à l’étude de la politique et du cérémonial capétiens : il s’agit de l’abbaye de Saint-Denis en tant qu’institution, communauté monastique et lieu de création. La parution en 2001 de la monographie Saint-Denis, la basilique2 a mis un terme à cette situation paradoxale. Par la limpidité du bilan historiographique qu’elle propose, elle est à ranger au nombre des ouvrages marquants sur l’abbaye, avec ceux de Sumner McKnight Crosby en 1953, de Jules Formigé en 1960 et de Crosby éditée par Pamela Blum en 19873. Cette synthèse est l’aboutissement le plus visible d’un long mouvement d’émancipation de la matière dionysienne dans la pensée d’Elizabeth Brown, qui pourrait être schématisé de la manière suivante.

  • 4 E. Brown et M. W. Cothren, « The Twelfth-Century Crusading Window of the Abbey of Saint-Denis : Pra (...)

3Dans bon nombre d’articles publiés progressivement dans le courant des années 1980, Saint-Denis est surtout un cadre où s’exercent les stratégies funéraires et symboliques des rois dont Elizabeth Brown s’emploie à analyser l’action. Ces travaux permettent d’approcher indirectement, comme en creux, les intérêts de l’abbaye royale et la manière dont elle se représente sa propre fonction à travers l’étude des actions politiques, commémoratives et testamentaires des Capétiens. Mais l’intérêt d’Elizabeth Brown pour Saint-Denis ne se limite à aucun sujet et ses recherches la mettent de plus en plus souvent aux prises avec des aspects fragmentaires de cette matière dionysienne : avec Michael W. Cothren en 1986, elle s’attache à décrypter le vitrail dit « de la Croisade », en grande partie disparu ; en 1992, elle se penche sur le problème maintes fois débattu des écrits du Pseudo-Turpin ; en 2009 enfin, elle revient à la production historiographique de l’abbaye en envisageant un autre de ses grands jalons, la Vie et martyre de saint Denis et de ses compagnons d’Yves de Saint-Denis4.

  • 5 Mediaevalia, 10, 1984, p. 279-331.

4On trouve au sein de cet ensemble un article qui se distingue des autres non seulement par l’originalité de son approche, aux frontières de l’histoire et de l’histoire de l’art, mais surtout par un renversement de perspective : « The Chapels and Cult of Saint Louis at Saint-Denis », paru en 19885. S’il traite des relations entre le Capétien et l’abbaye royale, il développe autant sinon plus le point de vue de la seconde que du premier, à telle enseigne que pour la première fois Saint-Denis s’y trouve érigé au rang de sujet. Par ce mouvement d’individualisation, l’on voit se dessiner l’image colorée et empathique d’un Saint-Denis protagoniste à part entière de l’œuvre d’Elizabeth Brown ; protagoniste en réalité multiple puisqu’il comprend à la fois l’abbé et la communauté des moines. On le verra, Elizabeth Brown se plaît à faire émerger d’une étude fine des archives des figures d’abbés à la stature politique souvent affirmée, comme Renaud Giffard (1286-1304), Gilles de Pontoise (1304-1325) ou encore Gui de Châtres (1326-1343). Notre propre champ chronologique doit d’ailleurs être restreint aux longs abbatiats de ces trois prélats, qui sont les interlocuteurs dionysiens de Philippe le Bel et de ses fils ainsi que de plusieurs princesses issues du sang de saint Louis. De fait, les occasions que l’historienne a eu de traiter de l’abbaye, souvent sous un jour inédit, sont trop nombreuses pour être toutes évoquées dans le cadre d’une communication.

5Rappelons en outre qu’Elizabeth Brown s’inscrit dans une foisonnante et très active tradition américaine d’études dionysiennes : Erwin Panofsky, Robert Branner, Sumner McKnight Crosby, puis Pamela Blum ou Caroline Bruzelius, pour ne citer que ces quelques noms, ont écrit des lignes qui forment sa culture et rejaillissent naturellement sous sa plume pour irriguer sa réflexion. En dépit de cette dette assumée, la présente contribution, qui se veut aussi un hommage à l’interprète du lieu, vise à montrer qu’Elizabeth Brown a réinterrogé patiemment Saint-Denis en fonction de ses propres axes de recherche sans se laisser enfermer dans les grilles de lecture suggérées par ses devanciers. Affranchie des systèmes par sa fréquentation assidue des sources, elle ne néglige aucune piste et reconstruit une vision motivée de la charge fonctionnelle et symbolique des lieux. Pour ce faire, elle interprète leur configuration particulière à la lumière du contexte politique et religieux qui demeure son objet d’étude principal. Il en résulte parfois une approche fragmentaire, par touches successives, mais aussi une connaissance profonde des logiques liturgiques et commémoratives, si bien qu’à la fin se dessine une herméneutique des espaces funéraires de Saint-Denis.

6Pour ce faire, Elizabeth Brown s’emploie à sonder les intentions des usagers de ces lieux. Elle s’en explique indirectement dans l’introduction qu’elle donne à l’un des deux recueils d’articles publiés en 1991 :

  • 6 Brown, Politics and Institutions, introduction.

Perhaps more important is the tendency of much institutional history to divorce administrative officies and policies from the human beings who filled the posts and formulated and implemented the decrees […]. In these studies I have tried to keep individuals, rulers and ruled, at centre stage6.

  • 7 Brown, The Monarchy of Capetian France, introduction.
  • 8 E. Brown, « Moral Imperatives and Conundrums of Conscience : Reflections on Philip the Fair of Fran (...)

7C’est aux rois, à commencer par Philippe le Bel, qu’elle applique d’abord cette méthode analytique, qui vise à suggérer « the complex web of fears and aspirations that moved them to act as they did7 ». Encore tout récemment, Elizabeth Brown a suivi une démarche semblable dans un article consacré à la conscience politique de Philippe le Bel8. Par extension, c’est en prêtant une attention grandissante au rôle et aux intérêts de la communauté abbatiale de Saint-Denis qu’Elizabeth Brown fait entrer l’abbaye dans une nouvelle phase de l’histoire de cet établissement dont le destin paraissait jusque là étroitement dépendant de la volonté royale après le règne de saint Louis. En admettant que l’abbé et les moines puissent avoir assumé des prises de position différentes, voire opposées à celles du roi, elle met en évidence des tensions structurelles en décrivant avec soin les résistances comme l’inertie parfois perceptibles dans les interstices des sources.

  • 9 E. Brown, « Philippe le Bel and the Remains of Saint Louis », Gazette des beaux-arts, 6e série, 95, (...)
  • 10 Brown, « Philippe le Bel and the Remains », p. 176.
  • 11 Brown, « Philippe le Bel and the Remains », p. 177.
  • 12 A. Vidier, « Le trésor de la Sainte-Chapelle », Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de (...)

8Un exemple révélateur d’un tel antagonisme est développé dans un article consacré aux conséquences du projet de Philippe le Bel de transférer le corps, puis uniquement le chef de saint Louis de Saint-Denis à la Sainte-Chapelle du palais de la Cité le 17 mai 13069. Au-delà des circonstances de cet épisode, elle y analyse les manifestations les plus concrètes du culte de saint Louis à Saint-Denis. Mais ce qui semble l’intéresser ici au premier chef, c’est le mécanisme des négociations entre le roi et l’abbaye. Elle qualifie sans détours l’opposition des moines : « the monk’s resentment », « the monks were gravely disturbed by their loss », « their dismay10 », puis envisage pour la première fois le « dramatic rearrangement of the tombs of [Philip the Fair’s] ancestors at the abbey, which stressed his dedication to Saint Louis and demonstrated his intention to be buried at Saint-Denis11 » comme la conséquence de la translation et la volonté de restaurer des relations harmonieuses avec les moines. Elle envisage enfin la commande d’un fastueux reliquaire destiné à abriter les reliques de la tête (la mâchoire inférieure) restant à Saint-Denis, avant 1307, comme une contrepartie mise en œuvre avec le soutien de l’abbé Gilles de Pontoise, d’ailleurs représenté agenouillé entre des statuettes à l’effigie de Philippe III et Philippe IV. Dans ce cas précis, le terreau historiographique est dense12 mais la portée du propos est inédite et sa conclusion distanciée, qui relativise la perte endurée par les moines :

  • 13 Brown, « Philippe le Bel and the Remains », p. 179.

Not only had Louis been king of France, but without his grandson’s intervention in the process of canonization, the monks might have had no saint to venerate or translate. Thus, the ceremony of his translation was an act of state as well as a religious celebration13.

9Tout bien considéré, si Philippe le Bel sort vainqueur de cette confrontation rétrospective, l’abbaye y gagne tout de même une audience nouvelle.

10Elizabeth Brown s’intéresse à la légitimation du pouvoir monarchique capétien et observe que ce processus passe notamment par une succession de choix raisonnés, parfois contradictoires, dans la disposition des sépultures royales au sein de la nécropole. On ne peut donc envisager la place de Saint-Denis dans ses écrits sans faire la part des tombeaux, nécessaire enjeu de discussions entre le roi, l’abbé et le chapitre abbatial. Mais la recherche du consensus, phénomène difficile à observer, n’est d’abord étudiée que de manière incidente, à travers divers objets de compromis. On en dénombre trois : la forme du tombeau, son emplacement et, au-delà de la sépulture elle-même, l’implantation de la mémoire du roi dans la topographie dionysienne.

  • 14 « The Ceremonial of Royal Succession in Capetian France : The Double Funeral of Louis X », Traditio(...)
  • 15 Persons in Groups : Social Behavior as Identity Formation in Medieval and Renaissance Europe. Paper (...)
  • 16 Brown, « Burying and Unburying », p. 242-243.
  • 17 Brown, « Burying and Unburying », p. 244.
  • 18 Brown, « Burying and Unburying », p. 245.

11Les deux articles intitulés « The Ceremonial of Royal Succession in Capetian France14 » n’envisagent pas les termes, explicites ou implicites, d’une éventuelle négociation des fils de Philippe le Bel avec l’abbaye. En revanche, « Burying and Unburying the Kings of France15 » développe à l’occasion une analyse des monuments funéraires eux-mêmes. Ainsi, alors que Louis VI souhaitait être enterré entre l’autel matutinal et le maître autel afin d’attirer les prières, Suger lui refuse cette faveur. Ce refus peut être interprété comme une volonté de ne pas déranger les sépultures des souverains déjà enterrés là. La sépulture de Louis VI se limite donc à une simple épitaphe qui contraste par sa sobriété avec les réalisations contemporaines : à Saint-Remi de Reims ou à Saint-Germain-des-Prés, des représentations des rois défunts sont élevées. Suger défend la supériorité des anniversaires fondés à l’initiative ou avec l’assentiment de la communauté abbatiale. Son conservatisme peut expliquer le choix de Louis VII d’être enterré à Barbeaux : « Even more persuasive evidence of Louis VII’s sentiments is found in his decision to be interred not at Saint-Denis but rather at Barbeaux, the Cistercien monastery he had founded16 ». Fait remarquable, Elizabeth Brown a volontiers recours au champ lexical des émotions à cet égard : « The monks of Saint-Denis were impressed by the tomb of Barbeaux17 » ; « Further, Suger’s successors were doubtless more affected than he by the impulses that had moved other ecclesiastics in France and England to erect tombs to honor their royal dead18 ». Elle suggère ainsi que c’est en réaction à la politique de Suger que les moines permettent les tombes en métal précieux de Philippe Auguste et Louis VIII ; l’aboutissement de cet infléchissement est la commande de saint Louis dans les années 1260.

  • 19 G. S. Wright, « A Royal Tomb Program in the Reign of St. Louis », The Art Bulletin, 56, 1974, p. 22 (...)
  • 20 Mediaeval Studies, 49, 1987, p. 282-334, réimpr. Brown, The Monarchy of Capetian France, n° V, part (...)

12Étudier l’emplacement des tombeaux et leurs réorganisations successives constitue un deuxième mode d’interrogation des relations entre le roi et l’abbaye de Saint-Denis. Ce faisant, Elizabeth Brown poursuit les travaux d’Alain Erlande-Brandenburg et de Georgia Sommers Wright19, mais elle fonde son analyse sur une connaissance sans égale des choix de Philippe le Bel. Ainsi, dans « The Prince Is Father of the King : The Character and Childhood of Philip IV of France20 », elle décrit le réaménagement des tombeaux de la croisée du transept par Philippe IV. Elle y explicite le rapport entre l’œuvre de légitimation du pouvoir capétien et la mise en scène des tombeaux à Saint-Denis, puis les évolutions de ce rapport. Il n’est pas anodin de constater que cette question importante est évoquée dans un essai consacré à la personnalité du roi.

13L’évocation de Saint-Denis prend une autre dimension lorsque Elizabeth Brown étudie comment la mémoire capétienne s’inscrit dans l’espace de l’abbatiale après la canonisation de saint Louis. En effet, l’organisation progressive du culte du saint roi entraîne des aménagements particuliers qu’elle est la première à recenser et, surtout, à tenter d’expliquer. Elle a consacré une étude approfondie à ses manifestations architecturales et surtout ornementales dans l’édifice : « The Chapels and Cult of Saint Louis at Saint-Denis », où elle s’est interrogée prioritairement sur la construction d’une chapelle Saint-Louis accolée au chevet, puis à celle de six chapelles latérales le long du flanc nord de la nef. Elle s’est attachée ensuite à montrer en quoi les deux sont liées.

  • 21 Brown, « The Chapels and Cult of Saint Louis », p. 279 : « Soon after the translation of 1298 [the (...)

14La chapelle Saint-Louis a été construite entre 1299 et 1304 à l’est du bras sud du transept, contre la dernière chapelle rayonnante, et communique directement avec le sanctuaire. Elle est vouée à la commémoration de saint Louis, canonisé par Boniface VIII en 1297 et dont les ossements viennent d’être transférés du tombeau de la croisée dans une châsse élevée derrière le maître-autel. On ignore si Philippe le Bel a pris part à la réalisation de ce projet destiné à l’évidence à augmenter le nombre de lieux dédiés à la vénération de son aïeul au sein de l’abbatiale, mais on est en droit d’en douter : le prestige de la chapelle Saint-Louis cache mal l’ambiguïté des motifs qui ont présidé à sa fondation. Comme le fait remarquer Elizabeth Brown21, ce nouvel autel accentue certes la visibilité du culte rendu au nouveau patron de la dynastie capétienne, mais il renforce ostensiblement la légitimité de l’abbaye à conserver ses reliques dans leur intégralité. Par là-même, il vise à prévenir et contrarier les projets de Philippe IV qui souhaite faire de la Sainte-Chapelle du Palais le centre sacral du royaume en transportant auprès de la couronne d’épines du Christ le chef de saint Louis. Aux yeux de la communauté monastique, il s’agit aussi, presque malgré la volonté de Philippe le Bel, de prendre en main la constitution des images et des lieux du culte de saint Louis.

  • 22 M. T. Davis, « Splendor and Peril : The Cathedral of Paris, 1290-1350 », The Art Bulletin, 80, 1, 1 (...)

15L’article s’inscrit donc dans le prolongement de la publication déjà citée « Philippe le Bel and the Remains of Saint Louis », mais envisage plus précisément les implications spatiales de cet épisode et rassemble à cet effet un riche dossier comptable et iconographique. Si la construction d’un mémorial additionnel ne suffit pas à décourager le roi, qui obtient la translation de la relique convoitée en 1306, l’essentiel est préservé : Saint-Denis demeure le lieu principal de la sépulture et de la vénération de saint Louis. Cependant, l’accès au chevet de l’abbatiale est très restreint et, partant, la chapelle Saint-Louis est hors de portée pour les fidèles. De même, les deux autres points d’ancrage de ce culte naissant, l’emplacement du tombeau vide et la châsse qui contient les reliques, élevée à l’arrière du maître-autel, sont inclus à l’intérieur de la clôture et leur sont inaccessibles. Elizabeth Brown suggère donc que la troisième chapelle latérale nord de la nef, également consacrée à saint Louis, a pu compenser cette contrainte spatiale à l’intention des pèlerins à partir de 1324-1325. De fait, sa construction est entreprise une vingtaine d’années après celle de la chapelle homonyme du chevet. Le vocable est assigné à un espace commémoratif ouvert sur la nef auquel les fidèles ont librement accès. Ce dédoublement de vocable est d’autant plus remarquable qu’il constitue un cas unique en son genre à Saint-Denis. Il indique qu’à l’invitation des moines, la dévotion se focalise sur de nouveaux lieux. Ces édicules annexes considérés jusqu’alors comme des coquilles vides indifférenciées apparaissent désormais comme des espaces signifiants. Cette prise de conscience a d’ailleurs entraîné une réévaluation de leur parti architectural chez les historiens de l’architecture, par exemple Michael Davis22.

  • 23 Brown, « The Chapels and Cult of Saint Louis », p. 283 et n. 18.

16Bientôt, Philippe V le Long se substitue à son père dans le dialogue complexe entre l’abbaye et le roi qu’Elizabeth Brown s’emploie à restituer. Dans l’article « The Ceremonial of Royal Succession in Capetian France : The Funeral of Philip V », elle a déjà eu l’occasion de suggérer que ce roi entretient des liens particuliers avec l’abbaye, d’autant plus étroits que son père s’est montré peu empressé vis-à-vis d’elle. Si, par son testament établi en 1311, Philippe le Bel fonde une chapellenie destinée à entretenir sa mémoire près de son tombeau, il ne se préoccupe nullement de préciser à quel autel il entend l’attacher. C’est à son fils qu’il revient de la fonder à l’autel Saint-Louis du chevet, en 131823. Il y a peut-être de l’ironie dans cette situation : c’est à l’autel fondé par l’abbé Renaud Giffard pour faire pièce au projet de Philippe le Bel de transférer les reliques de saint Louis à Paris que ce roi se trouve finalement spécialement commémoré. En tout cas, c’est au moment même où Philippe le Long accomplit la volonté de son père et investit l’autel Saint-Louis du chevet d’une charge mémorielle royale que l’abbé Gilles et ses moines décident d’édifier les chapelles latérales, et d’en consacrer une à saint Louis. Elizabeth Brown n’est pas allée jusqu’à voir dans cette nouvelle extension de l’église abbatiale un effet de la politique commémorative de Philippe le Long, mais elle observe que ce roi légitime son propre pouvoir en exécutant scrupuleusement les volontés de son père. Elle illustre ce souci de continuité en évoquant le don à l’abbaye d’une fleur de lis orfévrée destinée à orner la châsse de saint Louis. Philippe le Bel avait auparavant fait un cadeau semblable pour l’embellissement de la châsse, cette fois, de saint Denis.

  • 24 Brown, « Paris and Paradise ».
  • 25 La tension qu’elle a révélée en mettant en évidence l’absence de coïncidence entre le lieu de la re (...)

17Ces liens privilégiés réapparaissent dans un article récent consacré au manuscrit composé par Yves de Saint-Denis, Vita et miracula sancti Dyonisii, offert par l’abbé Gilles de Pontoise à Philippe V le Long24. La voix de l’abbaye s’y fait entendre à l’adresse du roi, invité à imiter l’action salvatrice des saints martyrs et à voir dans le lieu de leur tombeau, plus qu’à Paris, l’image du Paradis, c’est-à-dire une source de félicité et de biens spirituels pour la France. Mais Elizabeth Brown a su montrer que la voix de l’abbaye pouvait s’élever pour défendre des intérêts bien plus concrets, quitte à rejeter des demandes émanées de membres du lignage royal. L’exemple du rejet partiel de la fondation de Clémence de Hongrie est significatif : alors que son testament de 1328 prévoit la fondation d’une messe quotidienne pour le salut de son défunt époux Louis X, ses exécuteurs testamentaires n’obtiennent que trois messes hebdomadaires ; plus sensible, c’est la chapelle Saint-Louis de la nef qui accueille la fondation en 1331, tandis qu’une peinture murale représentant Louis X, Clémence et Jean le Posthume est réalisée dans la chapelle Saint-Louis du chevet. Sans doute les moines ont-ils contraint la reine douairière à se rabattre sur cet autel périphérique en lui concédant une représentation peinte dans le sanctuaire. Voilà un paradoxe comme Elizabeth Brown les affectionne25.

  • 26 E. Brown, « Jeanne d’Évreux : ses testaments et leur exécution », Le Moyen Âge, 119 : Autour des te (...)
  • 27 Brown, « Jeanne d’Évreux », p. 68.
  • 28 Ibid.

18Cet exemple, qui laisse entendre que les religieux en usent à leur guise et que les exécuteurs testamentaires de la reine Clémence ont été obligés de composer avec leurs exigences, quitte à revoir leurs prétentions à la baisse, a inspiré dernièrement la réflexion d’Elizabeth Brown sur les stratégies commémoratives complexes d’une autre reine douairière, Jeanne d’Évreux. Ce personnage est le sujet de deux articles récents qui illustrent également l’attention spéciale que porte désormais l’historienne aux motivations de la communauté monastique26. Elle est partie du constat qu’après sa mort en 1328, « Charles IV, bien qu’enterré à l’abbaye, [est] privé du niveau de commémoration auquel il [est] en droit de prétendre27 ». Cette situation résulte de la résistance de l’abbé Guy de Châtres qui refuse la collation royale des bénéfices voulus par le défunt roi. Afin de combler ce vide commémoratif, Jeanne instaure un patient dialogue avec l’abbé afin d’infléchir sa position, dont Elizabeth Brown suit chaque développement en livrant une analyse psychologique des motivations des deux parties en présence. Sous sa plume, l’abbé retrouve des couleurs d’« homme pieux, rigoureux, et intransigeant », de « réformateur-liturgiste conservateur », et même d’« idéaliste né » qui « résigne son office en 1343 pour dévouer le reste de sa vie à la réforme de la liturgie et à l’achèvement de son Sanctilogium28 ». Les dons consentis par Jeanne restent vains, et c’est le retrait de Guy de Châtres en 1342 et son remplacement par Gilles Rigaud, abbé pragmatique et diplomate, qui permettent aux négociations d’aboutir avec la fondation spectaculaire du 1er août 1343.

  • 29 Brown, Saint-Denis.

19Il importe d’évoquer une dernière spécificité des travaux dionysiens d’Elizabeth Brown : le recours fréquent aux éclairages que peut apporter à la compréhension des faits la production de ce qu’elle appelle « l’atelier historiographique » de Saint-Denis, dont elle scrute la moindre inflexion en fonction du contexte politique. À cet égard, la conception de la monographie de 2001 est exemplaire29. Évidemment, les travaux d’agrandissement et d’embellissement de l’abbatiale sous la conduite de l’abbé Suger sont envisagés à la lumière de ses écrits, de la Vita Ludovici regis au De administratione. Plus tard, la reconstruction de la nef commencée sous l’abbatiat d’Eudes Clément autour de 1230 est envisagée à travers le prisme du récit légendaire de la consécration par le Christ, dont elle minore le rôle dans les motivations des reconstructeurs ; le réaménagement de la nécropole dans les années 1260 et la mise en œuvre d’un programme de tombeaux rétrospectifs (ce qu’Elizabeth Brown appelle « l’arbre généalogique sépulcral ») sont quant à eux ramenés à l’affirmation par saint Louis, puis au rejet par Philippe le Bel de la théorie du reditus. Il en résulte une vision synthétique dans laquelle la description des dispositifs n’est jamais gratuite, mais prend sens à la relecture des textes. Et inversement, l’analyse des textes trouve des illustrations matérielles dans les dispositions non seulement architecturales et ornementales, mais aussi spatiales et symboliques de l’abbatiale.

  • 30 E. Brown, « Jacques Doublet, Jean de Luc, and the Head of Saint Denis », Auctoritas. Mélanges offer (...)
  • 31 J. Doublet, Histoire de l’abbaye de S.-Denys en France…, Paris, 1625 ; M. Félibien, Histoire de l’a (...)
  • 32 Brown, « Burying and Unburying ».
  • 33 E. Brown, The Oxford Collection of the Drawings of Roger de Gaignières and the Royal Tombs of Saint (...)

20Il convient pour finir d’évoquer en quelques mots l’intérêt d’Elizabeth Brown pour les historiens de l’abbaye au Moyen Âge et à l’époque moderne, ses prédécesseurs. À l’occasion de l’étude d’un contentieux30 qui oppose entre 1406 et 1410 l’abbé et les moines de Saint-Denis, d’une part, au chapitre de Notre-Dame de Paris, d’autre part, au sujet de la possession du chef de saint Denis, elle passe en revue la tradition historiographique de cet épisode. L’enquête, fondée sur un épisode aux enjeux sensibles pour l’abbaye, révèle la fiabilité du témoignage des deux principaux historiens de l’abbaye sous l’Ancien Régime : Jacques Doublet, peu de temps avant l’introduction de la réforme mauriste en 1633 et Michel Félibien, qui écrit bien après31. Elle en profite au passage pour renvoyer dos à dos ces spécialistes hors pair du chartrier de l’abbaye et mieux en disséquer la méthode. Cet intérêt s’étend au sort des corps et tombeaux des rois de la Révolution à nos jours32, ou encore à l’œuvre des restaurateurs de l’abbatiale au XIXe siècle, évoquée notamment à travers les dessins du fonds Roger de Gaignières conservés à la Bodleian Library d’Oxford33. Elizabeth Brown manifeste ici l’attention première qu’elle accorde aux sources, à leur histoire matérielle et au travail de l’historien comme objet d’étude en soi, et ce n’est pas un hasard si elle se livre à cet exercice dans le champ des études dionysiennes.

  • 34 Qu’il convient de désigner désormais, dans un souci de véracité historique, par le surnom que tous (...)

21Qu’il me soit permis de conclure cette évocation de l’œuvre dionysien d’Elizabeth « Peggy » A. R. Brown34 par une anecdote révélatrice, je crois, de son approche sensible de la matière historique. Je l’ai rencontrée peu après avoir soutenu ma thèse d’École des chartes. Elle était curieuse de savoir ce que j’avais bien pu y écrire sur sa principale fréquentation et préoccupation du moment, Jeanne d’Évreux. Nous achoppions tous trois, Jeanne d’Évreux, Peggy et moi, sur les motifs du refus opiniâtre qu’opposa l’abbé Guy de Châtres à la fondation de Charles IV le Bel en dépit des contreparties offertes par sa veuve. J’avançai des explications techniques liées à la restriction croissante de l’accès aux suffrages des moines, même pour les membres du lignage royal, dans le second quart du XIVe siècle. Peggy accueillit ces hypothèses avec une moue dubitative caractéristique, en dodelinant de la tête : l’argumentaire était mal engagé. En désespoir de cause, je finis par risquer un commentaire plus subjectif : ne semblait-il pas, au fond, que l’abbé Guy avait mauvais caractère, ou que du moins les sources laissaient transparaître un tempérament rigide ? À ces mots, l’expression de Peggy changea du tout au tout. Pensif un instant, son visage s’éclaira et elle s’exclama : « Oui, cela me parle ! Je le ressens comme cela. C’est ainsi que je vois les choses, c’est comme cela que devait être Guy de Châtres. » Il m’apparut évident qu’elle avait développé une vision vivante de Saint-Denis et que tous ces fragments assemblés au long de ses articles formaient un tout cohérent peuplé non pas de fantômes désincarnés, mais d’êtres de chair et de pensée.

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Notes

1 Aldershot, Variorum, 1991.

2 Saint-Léger-Vauban, Zodiaque, 2001.

3 S.M. Crosby, L’abbaye royale de Saint-Denis, Paris, P. Hartmann, 1953. J. Formigé, L’abbaye royale de Saint-Denis. Recherches nouvelles, Paris, PUF, 1960. S. M. Crosby, The Royal Abbey of Saint-Denis from its Beginnings to the Death of Suger, 475-1151, éd. P. Z. Blum, New Haven/Londres, Yale University Press, 1987.

4 E. Brown et M. W. Cothren, « The Twelfth-Century Crusading Window of the Abbey of Saint-Denis : Praeteritorum enim Recordatio Futurorum est Exhibitio », The Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 49, 1986, p. 1-40 ; E. Brown, « Saint Denis and the Turpin Legend », The Codex Calixtinus and the Shrine of St. James, éd. J. W. Williams et A. Stones, Tübingen, G. Narr, 1992, p. 51-88 ; E. Brown, « Paris and Paradise : the View from Saint-Denis », The Four Modes of Seeing : Approaches to Medieval Imagery in Honor of Madeline Harrison Caviness, éd. E. S. Lane, E. C. Pastan et E. M. Shortell, Farnham/Burlington, Ashgate, 2009, p. 419-461.

5 Mediaevalia, 10, 1984, p. 279-331.

6 Brown, Politics and Institutions, introduction.

7 Brown, The Monarchy of Capetian France, introduction.

8 E. Brown, « Moral Imperatives and Conundrums of Conscience : Reflections on Philip the Fair of France », Speculum, 87, 2012, p. 1-36.

9 E. Brown, « Philippe le Bel and the Remains of Saint Louis », Gazette des beaux-arts, 6e série, 95, 1980, p. 175-182, réimpr. Brown, The Monarchy of Capetian France, n° III.

10 Brown, « Philippe le Bel and the Remains », p. 176.

11 Brown, « Philippe le Bel and the Remains », p. 177.

12 A. Vidier, « Le trésor de la Sainte-Chapelle », Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France, 36, 1909 ; B. de Montesquiou-Fezensac, avec la collaboration de D. Gaborit-Chopin, Le trésor de Saint-Denis, 3 vol., Paris, A. et J. Picard, 1973-1977 ; A. Erlande-Brandenburg, Le roi est mort. Étude sur les funérailles, les sépultures et les tombeaux des rois de France jusqu’à la fin du XIIIe siècle, Genève/Paris, Droz/Arts et métiers graphiques, 1975.

13 Brown, « Philippe le Bel and the Remains », p. 179.

14 « The Ceremonial of Royal Succession in Capetian France : The Double Funeral of Louis X », Traditio, 34, 1978, p. 227-271, réimpr. Brown, The Monarchy of Capetian France, n° VII ; « The Ceremonial of Royal Succession in Capetian France : The Funeral of Philip V », Speculum, 55, 1980, p. 266-293, réimpr. Brown, The Monarchy of Capetian France, n° VIII.

15 Persons in Groups : Social Behavior as Identity Formation in Medieval and Renaissance Europe. Papers of the Sixteenth Annual Conference of the Center for Medieval and Early Renaissance Studies, éd. R. C. Trexler, Binghamton, Center for Medieval and Early Renaissance Studies, 1985, p. 241-266.

16 Brown, « Burying and Unburying », p. 242-243.

17 Brown, « Burying and Unburying », p. 244.

18 Brown, « Burying and Unburying », p. 245.

19 G. S. Wright, « A Royal Tomb Program in the Reign of St. Louis », The Art Bulletin, 56, 1974, p. 224-243 ; Erlande-Brandenburg, Le roi est mort.

20 Mediaeval Studies, 49, 1987, p. 282-334, réimpr. Brown, The Monarchy of Capetian France, n° V, part. p. 312.

21 Brown, « The Chapels and Cult of Saint Louis », p. 279 : « Soon after the translation of 1298 [the monks] decided to construct a chapel in [Saint Louis’s] honor, perhaps in an effort to stimulate devotion to the saint, perhaps to forestall Philip the Fair’s revised plan to transfer Louis’s head to the Sainte-Chapelle. »

22 M. T. Davis, « Splendor and Peril : The Cathedral of Paris, 1290-1350 », The Art Bulletin, 80, 1, 1998, p. 34-66.

23 Brown, « The Chapels and Cult of Saint Louis », p. 283 et n. 18.

24 Brown, « Paris and Paradise ».

25 La tension qu’elle a révélée en mettant en évidence l’absence de coïncidence entre le lieu de la représentation (la peinture murale dans la chapelle du chevet) et celui de la commémoration effective (la chapelle de la nef) constitue d’ailleurs l’un des points de départ de notre propre réflexion sur le découplage entre effigie funéraire et mémoire à Saint-Denis : D. Berné, Architecture et liturgie. Étude d’une interaction spatiale et mémorielle à Saint-Denis à l’époque gothique, thèse pour le dipl. d’archiviste paléographe, 2008.

26 E. Brown, « Jeanne d’Évreux : ses testaments et leur exécution », Le Moyen Âge, 119 : Autour des testaments des Capétiens. Actes de la journée d’étude internationale organisée à l’université Paris-Sorbonne, éd. X. Hélary et A. Marchandisse, 2013, p. 57-83 ; E. Brown, « The Testamentary Strategies of Jeanne d’Évreux : The Endowment of Saint-Denis in 1343 », Magistra Doctissima : Essays in Honor of Bonnie Wheeler, éd. D. Armstrong, A. W. Astell et H. Chickering, Kalamazoo, Western Michigan University, 2013, p. 217-247.

27 Brown, « Jeanne d’Évreux », p. 68.

28 Ibid.

29 Brown, Saint-Denis.

30 E. Brown, « Jacques Doublet, Jean de Luc, and the Head of Saint Denis », Auctoritas. Mélanges offerts au professeur Olivier Guillot, éd. G. Constable et M. Rouche, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2006, p. 711-719.

31 J. Doublet, Histoire de l’abbaye de S.-Denys en France…, Paris, 1625 ; M. Félibien, Histoire de l’abbaye royale de Saint-Denys en France…, Paris, 1706.

32 Brown, « Burying and Unburying ».

33 E. Brown, The Oxford Collection of the Drawings of Roger de Gaignières and the Royal Tombs of Saint-Denis, Philadelphie, American Philosophical Society, 1988.

34 Qu’il convient de désigner désormais, dans un souci de véracité historique, par le surnom que tous ses amis lui connaissent. C’est l’occasion pour moi de lui témoigner mon admiration sincère et ma profonde gratitude pour les ferments de réflexion et les conseils qu’elle m’a si généreusement offerts.

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Pour citer cet article

Référence papier

Damien Berné, « L’art d’interroger un lieu par ses fonctions et ses représentations »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 31 | 2016, 81-93.

Référence électronique

Damien Berné, « L’art d’interroger un lieu par ses fonctions et ses représentations »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 31 | 2016, mis en ligne le 03 août 2019, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14009 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14009

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Auteur

Damien Berné

Damien Berné est conservateur du patrimoine au musée de Cluny – musée national du Moyen Âge, où il est en charge des sculptures médiévales. Archiviste paléographe, il a consacré sa thèse d’École des chartes à l’étude des interactions entre l’espace architectural de l’abbaye de Saint-Denis et les pratiques liturgiques et commémoratives qui y sont à l’œuvre entre l’abbatiat de Suger et la fin du Moyen Âge. Musée de Cluny. Musée national du Moyen Âge

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