Louis X en majesté
Résumés
Suite à son avènement en 1314, Louis X tarda à recourir à deux des principaux symboles de la légitimité royale : le sceau de majesté et le sacre. Ce délai participe d’un projet concerté, visant à affirmer l’autorité et les intentions réformatrices du souverain face à l’agitation du royaume. Louis X développe une iconographie sigillaire innovante, puis met en scène son sacre, son pouvoir thaumaturgique et la levée de l’ost. Ces innovations se heurtent cependant à l’échec de l’ost
Texte intégral
- 1 Je remercie Elizabeth Brown, qui n’a pas seulement inspiré ce texte, mais encore l’a relu, me prodi (...)
- 2 E. Brown, « Kings Like Semi-Gods : The Case of Louis X of France », Majestas, 1, 1993, p. 5-37.
- 3 Le premier acte au nom de Louis X qui nous soit parvenu date du 5 décembre 1314 (Archives nationale (...)
- 4 Le sceau ante susceptum fut utilisé tout au long du mois d’octobre 1285 (R.-H. Bautier, « Recherche (...)
- 5 Le dernier acte portant mention du sceau ante susceptum date du 19 avril 1315 (mémorial A de la Cha (...)
1C’est avant tout à la personne de Philippe le Bel que s’est attachée Elizabeth Brown dans ses recherches sur les Capétiens, mais les fils de celui-ci y occupent également une place essentielle. Tel est en particulier le cas de Louis X, au règne duquel elle a consacré ses premiers travaux et dont la personnalité a retenu son attention à plusieurs reprises1. Dans un article paru en 1993, elle s’est ainsi attachée à examiner l’image de la fonction royale qu’a pu renvoyer un monarque souvent décrié et discrédité2. Elle y a mis en évidence le retard avec lequel Louis X a eu recours à deux des principaux symboles de la légitimité royale : le sceau de majesté et le sacre. En effet, quoique l’administration capétienne ait émis des actes au nom du nouveau souverain aussitôt après l’accession de Louis X au trône de France le 29 novembre 13143, ceux-ci demeurent dans un premier temps scellés du sceau ante susceptum, c’est-à-dire du sceau dont usait le nouveau roi avant son avènement. Si Philippe le Bel avait procédé de même en 1285 le temps de faire graver les matrices de son grand sceau royal4, Louis X prolonge anormalement cet usage : il faut attendre près de cinq mois pour qu’il emploie enfin un sceau de majesté5. Quant au sacre, il n’est accompli que le 3 août 1315, alors que Louis X se rend à l’ost pour combattre les Flamands.
- 6 L’une des continuations de la Chronique abrégée des rois de France de Guillaume de Nangis et, à sa (...)
2Dans ces retards, Elizabeth Brown voit la trace des hésitations et des faiblesses d’un Louis X encore jeune, qui a vu son assurance sapée par son père et par la révélation de l’adultère de son épouse et qui doute de sa capacité à exercer la fonction royale avant de régulariser sa situation matrimoniale. Elle observe ainsi que les étapes de cette lente prise en main des attributs royaux coïncident avec les menées de Louis X pour effacer ses déboires conjugaux. C’est en avril 1315 que Louis X use de son sceau de majesté et que Marguerite de Bourgogne, son épouse infidèle, meurt opportunément, donnant ainsi au souverain la capacité de se remarier6. La quête d’une nouvelle femme, rondement menée, permet à Louis X d’épouser Clémence de Hongrie le 31 juillet 1315, quelques jours avant de gagner Reims et de s’y faire sacrer en compagnie de la toute nouvelle reine. Dans les jours qui suivent, un pèlerinage auprès de saint Marcoul à Corbeny complète la cérémonie et confère à Louis X suffisamment de confiance pour accomplir alors le toucher des écrouelles avant de gagner la Flandre. Ce n’est ainsi qu’en soldant l’humiliation infligée par l’adultère de Marguerite, fût-ce de manière précipitée et au prix de démarches peu recommandables, que Louis X serait conforté dans ses capacités à diriger le royaume que Dieu lui a confié. Quand bien même la campagne flamande se clôt par un cuisant échec, les assises de la monarchie ne paraissent finalement ébranlées ni par les faiblesses, ni par les manœuvres de Louis X.
3Cette lecture des événements n’est guère flatteuse pour Louis X : il est vrai que les chroniqueurs et, à leur suite, les historiens n’ont pas dressé un portrait très positif du jeune roi. Sans prétendre redorer son blason terni, nous souhaitons apporter ici des éclairages complémentaires ou alternatifs sur les étapes qui ont conduit Louis X à ne prendre en main les insignes de sa fonction que durant les premiers mois de l’année 1315.
L’expérience navarraise
- 7 En juillet 1305, trois mois après le décès de Jeanne de Champagne, Philippe le Bel opère une conces (...)
- 8 Louis a alors quinze ans et demi (sur sa date de naissance, voir E. Poulle, « L’horoscope de Louis (...)
- 9 Voir J. Gallego Gallego, Reyes de Navarra, vol. 12 : Enrique I, Juana I y Felipe I el Hermoso, Luis (...)
4À son avènement au royaume de France en 1314, Louis X est déjà roi depuis près de dix ans. Il est en effet monté sur le trône du petit royaume de Navarre dès 1305, à la mort de sa mère Jeanne de Champagne, elle-même héritière de la Navarre et du comté de Champagne. Ses premiers pas de roi s’effectuent cependant dans un contexte troublé. En effet Philippe le Bel ne laisse pas son fils jouir immédiatement de ses domaines7 ; sans doute invoque-t-il le jeune âge de celui-ci8. Toutefois les Navarrais réclament rapidement la venue de leur nouveau souverain, afin qu’il jure de respecter les « fueros » du royaume ; les communautés du royaume s’assemblent, les réclamations se font de plus en plus pressantes et la révolte couve9. C’est à cette situation devenue précaire que parvient à répondre le nouveau roi grâce à trois mesures novatrices.
- 10 J. de Moret, Anales del reino de Navarra, vol. 5, Tolosa, E. López, 1891 (1re éd. Pampelune, 1715), (...)
- 11 Voir M. Dejoux, Les enquêtes de saint Louis : gouverner et sauver son âme, Paris, Presses universit (...)
- 12 J. Glénisson, Les enquêteurs-réformateurs de 1270 à 1328. Contribution à l’étude des commissaires r (...)
- 13 Sur la notion médiévale de réforme comme restauration des usages anciens, voir Ph. Contamine, « Le (...)
- 14 C. Orcastegui Gros, La cronica de los reyes de Navarra del principe de Viana (estudio, fuentes y ed (...)
- 15 Alphonse de Rouvray est remplacé par son lieutenant, Hugues de Vissac, le 25 avril 1306 (Registros (...)
5Au début de l’année 1306 est tout d’abord envoyé sur place un groupe de reformatores, notamment chargés de négocier les conditions de la venue de Louis10. Celui-ci importe en Navarre la pratique des enquêtes de réforme, que les Capétiens ont bien éprouvée depuis saint Louis11 et que Philippe le Bel avait déjà introduite en Champagne12. Tout en poursuivant ainsi le processus, largement entamé, de francisation des institutions navarraises, Louis affirme par là ses intentions réformatrices : il offre tout à la fois à ses sujets un gage du respect de leurs privilèges antérieurs13, et une réponse aux demandes que ceux-ci avaient exprimées14 – ce qui, dans un premier temps, se traduit concrètement par la suspension d’un gouverneur décrié15.
- 16 Le premier acte émis par Louis comme roi de Navarre et comte de Champagne date, à notre connaissanc (...)
- 17 Baudin, Emblématique, p. 107-108.
- 18 Baudin, Emblématique, p. 109 (reproduction Baudin, Emblématique, corpus, n° 27) et F. Menéndez Pida (...)
6Ce n’est toutefois qu’un an et demi plus tard, à l’été 1307, que Louis, sur le chemin de la Navarre, prend explicitement possession de ses domaines, en usant pour la première fois d’un grand sceau en tant que roi de Navarre et comte de Champagne16. À cette occasion, il rompt avec les pratiques sigillaires qui avaient cours depuis près d’un demi-siècle dans la dynastie champenoise : ses prédécesseurs, dans la tradition des souverains navarrais antérieurs, avaient usé d’un sceau équestre et Philippe le Bel, en tant qu’époux de Jeanne de Champagne, avait fait de même avant son avènement en France17. Louis opte au contraire pour un modèle biface inédit : au revers, celui-ci conserve une figure équestre, mais il porte à l’avers une représentation du souverain en majesté18.
- 19 Le dernier comte à avoir séjourné en Navarre est Henri Ier, mort à Pampelune en 1274 (Gallego Galle (...)
- 20 Registros de la casa de Francia, § 83, n° 172 et § 86, n° 238.
- 21 Sur cette autorisation, voir Schramm, « Der König von Navarra », p. 147-148. Aucun document n’attes (...)
- 22 On ignore même quel prélat officie à cette occasion, le siège de Pampelune étant alors vacant (Gall (...)
- 23 Les sources relatives à l’avènement de Philippe d’Évreux, plus détaillées, ont suscité des interpré (...)
7C’est donc doté d’un attribut nouveau proclamant sa majesté royale qu’à la fin du mois de septembre 1307, Louis entre en Navarre. Il est le premier souverain à s’y rendre depuis plus de trente ans19. Il est aussitôt couronné roi de Navarre dans la cathédrale de Pampelune, le 1er octobre 130720. Louis reçoit-il alors une onction, comme le permettrait une concession pontificale qui, en 1257, autorisa Thibaut II à se faire sacrer à Pampelune21 ? Même si aucune description de la cérémonie ne nous est parvenue22, cela semble probable23.
- 24 Il est encore à Pampelune le 14 décembre (Zabalza Aldave, Archivo, vol. 1, n° 248-249) et a franchi (...)
- 25 Deux lettres de commission ont été ainsi été adressées à Étienne de Borrest, Pierre de Condé et Pie (...)
- 26 Est en particulier emprisonné Fortún Almoravid, « alférez » de Navarre, qui, selon Jean de Saint-Vi (...)
- 27 Pour une première liste d’empreintes, voir Baudin, Emblématique, corpus, n° 27.
- 28 Louis continue à user régulièrement d’enquêtes de réforme, en Navarre en 1314 (Moret, Anales, vol. (...)
- 29 Les pouvoirs thaumaturgiques du roi de Navarre ne sont attestés qu’à compter de 1375 et sont sans d (...)
- 30 Voir par exemple La Chronique métrique attribuée à Geffroy de Paris, éd. A. Diverrès, Strasbourg, P (...)
8Après trois mois de séjour, Louis quitte définitivement la Navarre24, mais il ne manque pas de laisser derrière lui plusieurs agents chargés de mener une nouvelle enquête de réforme25 – mais aussi de diriger la répression contre les meneurs de la révolte larvée des mois antérieurs26. Roi doté d’un sceau de majesté dont il fait assidûment usage27, roi réformateur plaçant ses pas dans ceux de son glorieux ancêtre saint Louis28, voire roi sacré et peut-être même doué de pouvoirs thaumaturgiques29, Louis est devenu un souverain à part entière au terme de ce début de règne difficile. En témoignent les fêtes parisiennes de la Pentecôte 1313, au cours desquelles il se trouve le plus souvent sur un pied d’égalité avec les deux autres souverains présents, son père et son beau-frère Édouard II30.
Un avènement réformateur
- 31 Guerout, Registres, n° 125 et 140. Un acte de décembre 1314 relatif à l’exécution testamentaire de (...)
- 32 Philippe le Bel avait procédé à de semblables renouvellements après son avènement (Bautier, « Reche (...)
- 33 [Yves de Saint-Denis], « Pars ultima chronici anno M CCC XVII a Guillelmo Scoto, Sancti Dionysii mo (...)
- 34 Sur la position centrale des Champenois dans le développement du mouvement des ligues, voir E. Brow (...)
- 35 Jean de Joinville, seigneur de Jully, a ainsi séjourné en Navarre comme sénéchal de Pampelune entre (...)
- 36 Brown, « Reform and Resistance », p. 115, n. 16.
- 37 Sur la chronologie du mouvement et des négociations avec la royauté, voir Brown, « Reform and Resis (...)
9À son avènement en France en 1314, Louis X a-t-il cru que les attributs royaux navarrais pourraient le dispenser d’acquérir ceux qui sont attachés sa nouvelle couronne ? C’est bien peu probable : dès le mois de mai 1315, il renouvelle sous son grand sceau de France des actes qui ont été émis depuis décembre 1314 sous son sceau navarrais31, reconnaissant implicitement que celui-ci ne saurait avoir valeur définitive dans le royaume de France32. Quant au sacre rémois, son impérieuse nécessité aurait été expressément rappelée à Louis par son père sur son lit de mort33. Toutefois le nouveau roi a peut-être jugé que son sceau et son sacre navarrais non seulement lui offriraient un délai de grâce, mais aussi qu’ils attesteraient de ses intentions réformatrices auprès des ligues qui se forment alors contre la monarchie, en particulier auprès des Champenois qui en constituent le groupe moteur34. Ces derniers, en contact régulier avec la Navarre, de même que les ligueurs qui ont été au service de Louis, ne peuvent qu’être informés des événements de 1305-130735 ; peut-être s’inspirent-ils même des alliances alors nouées par les communautés navarraises pour étayer la construction juridique de leur mouvement36. Toujours est-il que Louis X, face à des résistances similaires à celles qu’il a affrontées en Navarre, entreprend d’accompagner les négociations avec les ligues de mesures en tous points identiques à celles auxquelles il a eu recours sept ans plus tôt37.
- 38 Reproduction dans Dalas, Corpus, n° 91.
- 39 Dalas, Corpus, n° 85 ter. Philippe IV employait un contre-sceau dépourvu des armes navarraises pour (...)
- 40 Le motif du lis se fait ainsi plus discret sur ce sceau que sur celui de Philippe IV et cet effacem (...)
- 41 Il est attesté, sous le nom de baculus, de virga ou de virga virtutis atque equitatis, dans tous le (...)
- 42 H. Pinoteau, « La main de justice des rois de France : essai d’explication », Bulletin de la Sociét (...)
- 43 A. Graboïs, « Un mythe fondamental de l’histoire de France au Moyen Âge : le “roi David”, précurseu (...)
- 44 Sur David, modèle du roi juste, voir Graboïs, « Un mythe », p. 24. Sur la représentation de saint L (...)
- 45 Il mesure 95 mm, contre 90 pour le grand sceau de Philippe IV et seulement 85 et 82 mm pour les deu (...)
- 46 Reproduction dans O. Posse, Die Siegel der deutschen Kaiser und Könige von 751 bis 1806, 5 vol., Dr (...)
10La première de ces innovations est, une fois encore, sigillaire. En effet le grand sceau royal qu’inaugure Louis X vers la fin du mois d’avril 1315 déploie un programme iconographique original par rapport au sceau de son père et de son grand-père38. Ce nouveau sceau rappelle en large part les choix effectués pour le sceau de Navarre. Qui plus est son contre-sceau, unique pour les deux royaumes, broche un écu fleurdelisé sur l’escarboucle de Navarre, en un ensemble élégant qui vient se substituer à l’écu mi-parti de France et de Navarre employé par Philippe le Bel pour la Navarre et la Champagne39. Sans doute Louis X, en négociation avec la noblesse champenoise, se soucie-t-il ainsi de mettre à l’honneur son héritage navarro-champenois, rappelant combien il en a respecté et en respectera les coutumes. Dans le même temps, il adjoint aux motifs mis en place en 1307 de nouveaux éléments qui soulignent son autorité royale. Le plus remarquable est sans doute la main de justice que le souverain tient dans la main gauche en lieu et place d’une fleur de lis40. Or cet emblème, remis au roi lors du sacre41, est ordinairement associé à David42, le modèle du roi sacré43 : sa représentation vient rappeler la sacralité dont est revêtu Louis X, sans doute depuis 1307. Elle atteste en outre son caractère de roi de justice, à l’image de David, mais aussi de saint Louis, auquel la main est depuis peu associée44. Enfin, la figure royale, gravée avec une finesse remarquable, est soigneusement mise en valeur, sur un sceau lui-même agrandi45 : à l’estrade sur laquelle le roi pose les pieds, déjà présente en 1307, s’ajoute désormais une arcature qui prolonge les festons fleurdelisés entourant le champ et vient surmonter la tête du monarque, à l’imitation du sceau employé quelques années plus tôt par Henri VII en tant que roi des Romains46. C’est là un véritable programme politique qui se déploie, afin de mettre en scène l’autorité du nouveau souverain et de souligner que celui-ci marche sur les traces de son saint ancêtre.
- 47 Guerout, Registres, n° 283, édité d’après une minute dans Brown, « Reform and Resistance », appendi (...)
- 48 Artonne, Le mouvement de 1314, p. 64 et 124. Voir Guerout, Registres, n° 156 pour la Champagne.
- 49 Canteaut, « Le juge et le financier », p. 299-303, n° 2-16.
- 50 Canteaut, « Le juge et le financier », p. 294-295.
11L’un des premiers actes – voire le premier – émis par Louis X sous ce nouveau sceau de majesté constitue précisément la mise en œuvre d’un tel programme, puisqu’il missionne une enquête de réforme à travers tout le comté de Champagne47. C’est là satisfaire l’une des revendications des ligues, auxquelles le roi promet de réaliser régulièrement de telles enquêtes48. À compter de cette date, Louis X n’envoie pas moins de quinze enquêtes similaires vers toutes les circonscriptions du royaume49, au point de décentraliser temporairement le Parlement50.
- 51 Un rapport dressé par un envoyé majorquain sur les circonstances de la succession de Philippe le Be (...)
- 52 Un compte de l’hôtel mentionne le total de 21 022 l. par. pour les dépenses du sacre pendant deux j (...)
- 53 « Chronicon Girardi de Fracheto et anonyma ejusdem operis continuatio », Recueil des historiens des (...)
- 54 Sur la symbolique de l’oriflamme, voir Ph. Contamine, « L’oriflamme de Saint-Denis aux XIVe et XVe (...)
- 55 Brown, « Kings Like Semi-Gods », p. 28, n. 79.
- 56 J.-P. Poly, « La gloire des rois et la parole cachée ou l’avenir d’une illusion », Religion et cult (...)
- 57 En 1248, 1255, 1258, 1266 et 1269 (M. Bloch, Les rois thaumaturges : étude sur le caractère surnatu (...)
- 58 Marc Bloch ne rencontre de témoignages du toucher des écrouelles lors du voyage du sacre qu’à compt (...)
- 59 Expression employée dans une lettre de Louis X au roi d’Angleterre le 31 août 1315 (Brown, « Kings (...)
- 60 C’est le cas à Saint-Quentin au milieu du mois d’août (H. Bouchot et E. Lemaire, Le livre rouge de (...)
- 61 Le rappel des bannis et, plus encore, la délivrance des prisonniers sont une prérogative du roi lor (...)
- 62 À compter de la fin du XIVe siècle, châtiment des coupables de lèse-majesté et grâce des prisonnier (...)
12Le sacre de Reims a-t-il également été l’occasion de mettre en avant cette volonté réformatrice ? Toujours est-il que son report, décidé précocement51, a sans nul doute permis de l’organiser de façon méticuleuse. Les renseignements sur le déroulement de la cérémonie font malheureusement défaut ; tout au plus certains indices laissent-ils entrevoir des dépenses exceptionnelles52. Les circonstances qui entourent le sacre se laissent plus volontiers discerner et présentent deux originalités. Avant de se diriger vers Reims, Louis X se rend à Saint-Denis, où il lève l’oriflamme le 24 juillet53, avant de le mener à Reims avec les regalia du sacre en une conjonction inédite54. Par ailleurs Louis X gagne Corbeny après la cérémonie, sans nul doute afin d’y effectuer un pèlerinage auprès de la chasse de saint Marcoul55. S’agit-il là de renforcer le pouvoir de l’onction, afin de conforter un souverain hésitant dans sa capacité à exercer ses pouvoirs thaumaturgiques ? Dans tous les cas, Louis X sacrifie à la fois à un culte dont le développement a été étroitement associé aux souverains prénommés Louis56, et marche dans les traces de Louis IX, qui s’était rendu au moins cinq fois à Corbeny57. En outre il met immédiatement en application son nouveau pouvoir thaumaturgique, rompant peut-être avec les pratiques antérieures58. Le voici donc sur la route de Flandre « au conduit de Dieu59 », accomplissant le toucher miraculeux des écrouelles, rappelant les bannis lors de son entrée dans les villes60 – un geste également miraculeux61 –, et, dans le même temps, portant l’oriflamme pour aller châtier les Flamands excommuniés62. La conjugaison du sacre, pour tardif qu’il ait été, du toucher des écrouelles et de joyeuses entrées, et enfin de la levée de l’ost permet au nouveau roi de placer sa campagne et son règne sous les meilleurs auspices.
Un héritage ambigu
13Cependant, la campagne n’a pas été à la hauteur des espérances royales, même si Louis X a échappé à la défaite, et elle n’a pu rehausser durablement le prestige royal. Ceci explique sans nul doute que les choix effectués par Louis X à son avènement n’aient pas toujours été reçus favorablement et que seule une partie d’entre eux aient connu un avenir brillant.
- 63 Reproduction dans Dalas, Corpus, n° 92, avec analyse des différences avec le premier sceau. La dern (...)
- 64 Bautier, « Recherches », p. 128/654 ; Dalas, Corpus, p. 174, n. 1.
- 65 Signalons notamment que l’arcature surmontant le roi gagne en ampleur tandis que les festons entour (...)
- 66 Bibl. nat. de Fr., fr. 146, fol. 11r ; y sont repris le siège avec ses avant-corps de lions recouve (...)
- 67 Reproduction dans Dalas, Corpus, n° 95, 102, 103 et 111. En Navarre, Philippe d’Évreux s’inspire to (...)
- 68 Celle-ci est présente sur les sceaux de Philippe V et de Philippe VI ; l’innovation est angevine (B (...)
- 69 Guyotjeannin, « Captio sigilli », p. 451-456.
14Louis X lui-même ne semble pas avoir été pleinement satisfait par son grand sceau, en dépit du temps qu’avait requis son exécution. Dès la fin de l’année 1315, il l’abandonne au profit d’un nouveau sceau63. Ce changement a été perçu par l’historiographie comme le résultat d’un choix esthétique, la nouvelle matrice offrant un dessin plus fin et une mise en scène moins hiératique64. Était-ce aussi le moyen de tourner symboliquement la page de l’ost flamand, point culminant du temps ouvert en avril 1315 par l’emploi du premier sceau de Louis X ? Toujours est-il que le roi ne renie nullement les principes iconographiques mis en œuvre dans ce dernier, allant même jusqu’à les renforcer65. C’est que ceux-ci semblent avoir rencontré une réelle adhésion, dont témoigne leur pérennité tout au long du XIVe siècle. Certes, ils sont en partie tournés en dérision dans le manuscrit français 146 de la Bibliothèque nationale de France, où le premier sceau de Louis X est imité pour représenter Fauvel sur son trône66. Cela n’a pas empêché les frères de Louis X, puis Philippe VI, de s’y rallier successivement : leurs sceaux reproduisent fidèlement estrade, main de justice, sceptre et, jusqu’en 1328, dessin du contre-sceau67. Tout au plus y apportent-ils quelques variations dans la position du sceptre et de la main de justice ou, de façon plus notable, en remplaçant l’arcature par une draperie fleurdelisée68. Quant à Charles V, il va jusqu’à imiter méticuleusement le second sceau de Louis X, sans doute pour faire pièce à cet autre héritier de Louis X qu’est Charles II de Navarre69.
- 70 Bautier, « Recherches », p. 128/640. La première empreinte connue date du 24 novembre 1316, soit ci (...)
- 71 Le dernier acte scellé du sceau ante susceptum date du 27 janvier 1322 (Le cartulaire dit de Charle (...)
- 72 Buc, « David’s Adultery », p. 103, n. 6, citant Pierre le Chantre ; voir aussi Brown, « Kings Like (...)
- 73 E. Kantorowicz, The King’s Two Bodies. A Study in Mediaeval Political Theology, Princeton, Princeto (...)
- 74 Elle se rencontre à la fois dans les poèmes qui font suite au Roman de Fauvel et dans la chronique (...)
- 75 Sur l’image de Louis X qui ressort de ce manuscrit et sur celle, antithétique, de Philippe V, voir (...)
- 76 Brown, « Kings Like Semi-Gods », p. 30-31.
15Si le succès des choix sigillaires de Louis X est éclatant, il n’en va pas de même du rythme auquel Louis X a pris en main les insignes royaux. Aucun de ses successeurs n’attend davantage que lui avant d’user de son grand sceau. Bien au contraire, Philippe V l’emploie quelques jours après son avènement, au point que l’on peut supposer qu’il en a fait graver la matrice avant même la mort de Jean I70 ; Charles IV n’attend quant à lui que quelques semaines pour en faire usage71. En outre tous deux gagnent Reims pour s’y faire sacrer dans les deux mois qui suivent leur avènement. C’est que court l’idée qu’un roi n’est pleinement roi qu’après son sacre72. Si elle est volontiers battue en brèche au fil du XIIIe siècle73, elle se voit ponctuellement renforcée par le discrédit jeté sur Louis X à sa mort : les concepteurs du manuscrit français 146 de la Bibliothèque nationale de France, qui œuvrent sans doute vers 1317, l’expriment à deux reprises74, parmi bien d’autres critiques contre le défunt roi75. Par la suite, nombre de chroniqueurs préféreront faire coïncider l’avènement et le sacre de Louis X, afin d’effacer toute trace d’une période de latence qui leur paraît inconcevable76.
- 77 Bautier, « Recherches », p. 125-126/651-652.
- 78 Le principe de l’intervention militaire en Flandre aurait toutefois été décidé lors du sacre lui-mê (...)
- 79 Bloch, Les rois thaumaturges, p. 491.
- 80 Cette préoccupation est particulièrement perceptible dans la production de la chancellerie royale, (...)
- 81 Bloch, Les rois thaumarturges, p. 491-492.
16Philippe VI, bien qu’il soit lui aussi en quête de légitimité, fait montre de davantage de patience que ses prédécesseurs immédiats. Si, à leur instar, il n’attend que deux mois avant de se rendre à Reims, ce n’est qu’une fois sacré qu’il entreprend de recourir à un sceau de majesté, liant désormais cet usage à la cérémonie du sacre77. Ce faisant, il renforce encore la charge symbolique du sceau, élevé pour ainsi dire au rang des regalia, en une association qui n’est pas sans rappeler celle du sacre et de l’oriflamme mise en œuvre par Louis X. Néanmoins la conjonction réalisée par Philippe VI est bien moins risquée : ce n’est que deux mois après son sacre que celui-ci réunit l’ost pour marcher contre les Flamands78. Tirant sans nul doute la leçon de l’échec symbolique de l’ost de 1315, il évite ainsi de mettre sa fragile couronne en balance dans une campagne militaire. Quant à saint Marcoul, lui fait-on alors grief de l’insuccès de Louis X ? Toujours est-il qu’il faut attendre plus de trente ans pour qu’un souverain revienne à Corbeny : comme Louis X, Jean le Bon s’y rendra dans les jours qui suivent son sacre79. Pour ce souverain attentif à la symbolique royale80, la cérémonie inaugurée par Louis X mérite manifestement d’être reproduite et elle entre dès lors durablement dans les usages de la monarchie81.
Conclusion
- 82 Les initiatives de Louis X reviennent-elles au souverain ou à ses conseillers ? Comme toujours, il (...)
- 83 En outre, la pratique, inaugurée par Édouard Ier, consistant à fixer le début du règne d’un souvera (...)
- 84 J.S. Phillips, Edward II, New Haven/Londres, Yale University Press, 2010, p. 132-139.
- 85 Phillips, Edward II, p. 141-143.
- 86 Voir la description de la cérémonie et de ses suites dans Phillips, Edward II, p. 144-146.
17Le projet formé par Louis X et ses conseillers est donc ambitieux82, bien plus que ne le laissent penser des sources peu favorables au souverain. Si celui-ci prétend effacer au plus vite et à tout prix ses déboires conjugaux, il tente dans le même temps de rehausser le prestige de la monarchie et d’affirmer ses intentions réformatrices. C’est là une entreprise qui s’inspire peut-être de celle, en large partie similaire, initiée en 1307-1308 par Édouard II d’Angleterre. Fort de son titre de prince de Galles, il a lui aussi laissé s’écouler un délai de près de huit mois entre son avènement et son sacre83. Il mit ce laps de temps à profit pour épouser Isabelle de France, mais aussi pour initier un mouvement de réforme au sein d’un royaume en proie au mécontentement84 ; la mise en œuvre d’un nouvel ordo du sacre, et en particulier d’un nouveau serment royal, est peut-être l’une des manifestations de cette démarche85. Toutefois le retentissement qu’Édouard II a cherché à donner à son sacre n’est pas parvenu à obérer le ressentiment des magnats et des proches de la reine face au favori Piers Gaveston86. Quoi qu’il en soit, le discrédit qui a pu être jeté sur les entreprises de Louis X comme de son beau-frère ne doit pas oblitérer les hautes ambitions que ceux-ci avaient affichées à leur avènement.
Notes
1 Je remercie Elizabeth Brown, qui n’a pas seulement inspiré ce texte, mais encore l’a relu, me prodiguant de précieuses suggestions et corrections. Qu’elle trouve ici l’expression de ma reconnaissance et de mon amitié. – En premier lieu, E. Brown, Charters and Leagues in Early Fourteenth Century France : The Movement of 1314 and 1315, Ph. D., Harvard University, 1960, 3 vol.
2 E. Brown, « Kings Like Semi-Gods : The Case of Louis X of France », Majestas, 1, 1993, p. 5-37.
3 Le premier acte au nom de Louis X qui nous soit parvenu date du 5 décembre 1314 (Archives nationales, J 1033, n° 21).
4 Le sceau ante susceptum fut utilisé tout au long du mois d’octobre 1285 (R.-H. Bautier, « Recherches sur la chancellerie royale au temps de Philippe VI », Bibliothèque de l’École des chartes, 122, 1964, p. 89-176 et 123 ; 1965, p. 313-459, à la p. 126 ; réimpr. R.-H. Bautier, Chartes, sceaux et chancelleries, vol. 2, Paris, École des chartes, 1990, p. 615-852, à la p. 652 et M. Dalas, Corpus des sceaux français du Moyen Âge, vol. 2 : Les sceaux des rois et de régence, Paris, Archives nationales, 1991, p. 164, n. 1). Par contraste, Philippe III avait immédiatement fait graver un sceau de majesté après la mort de Louis IX (Dalas, Corpus, p. 161, n. 1) ; il en est probablement allé de même à l’avènement de ce dernier (Dalas, Corpus, p. 156, n. 1).
5 Le dernier acte portant mention du sceau ante susceptum date du 19 avril 1315 (mémorial A de la Chambre des comptes, fol. 41r perdu ; copie dans le manuscrit Bibliothèque nationale de France, fr. 4414, fol. 11r-12v). Le grand sceau semble être entré en usage dès le 21 avril (J. Guerout, Registres du Trésor des chartes. Inventaire analytique, vol. 2 : Règnes des fils de Philippe le Bel, 1re partie : Règnes de Louis X le Hutin et de Philippe V le Long, Paris, SEVPEN, 1966, n° 283, dépourvu de l’annonce usuelle du sceau ante susceptum). Voir également Bautier, « Recherches », p. 127/653, n. 4, qui situait ce changement dans la seconde quinzaine d’avril 1315.
6 L’une des continuations de la Chronique abrégée des rois de France de Guillaume de Nangis et, à sa suite, les Grandes Chroniques de France, datent la mort de Marguerite du 30 avril (Bibl. nat. de Fr., fr. 10132, fol. 398r et Les Grandes chroniques de France, éd. J. Viard, Paris, vol. 8, Paris, Société de l’histoire de France, 1934, p. 316). Pour E. Brown, cette date a sans doute été forgée pour coïncider avec celle de l’exécution d’Enguerran de Marigny (E. Brown, « 1314, l’annus terribilis des Capétiens », 1314, une Europe en crise ?, éd. O. Canteaut, X. Hélary et J. Théry-Astruc, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, à paraître) ; elle suggère que Louis X pourrait avoir eu recours à son sceau de majesté après avoir eu connaissance du sort de son épouse (Brown, « Kings Like Semi-Gods », p. 20).
7 En juillet 1305, trois mois après le décès de Jeanne de Champagne, Philippe le Bel opère une concession pour la Champagne et promet de la faire ratifier par Louis lorsqu’il administrera lui-même sa terre (J. Glénisson et J. Guerout, Registres du Trésor des chartes. Inventaire analytique, vol. 1 : Règne de Philippe le Bel, Paris, Impr. nationale, 1958, n° 79). Le 3 octobre 1305, des Navarrais qualifient encore Philippe de « roi de France et de Navarre » (M. I. Zabalza Aldave, Archivo general de Navarra (1271-1321), 2 vol., San Sebastián, Eusko Ikaskuntza, 1995-1997, vol. 2, n° 184) et, en mai 1306, ils ne considèrent encore Louis que comme l’« héritier du royaume de Navarre » (« Libro becerro » del monasterio de Santa María de la Oliva (Navarra) : collección documental (1132-1500), éd. J. A. Munita Loinaz, San Sebastián, Eusko Ikaskuntza, 1984, n° 39). De son côté, Philippe IV n’a toujours pas reçu l’hommage de son fils pour la Champagne le 7 mai 1307 (A. Longnon, Documents relatifs au comté de Champagne, 1172-1361, vol. 1, Paris, Impr. nationale, 1901, p. 488, n° 68) et, en août 1307, il intervient encore en Navarre au nom de Louis, qu’il qualifie d’« héritier du royaume de Navarre » (M. A. Irurita Lusarreta, El municipio de Pamplona en la Edad Media, Pampelune, Ayuntamiento de Pamplona, 1959, n° 39, p. 154-155).
8 Louis a alors quinze ans et demi (sur sa date de naissance, voir E. Poulle, « L’horoscope de Louis X », Finances, pouvoirs et mémoire. Hommages à Jean Favier, éd. J. Kerhervé et A. Rigaudière, Paris, Fayard, 1999, p. 256-268, à la p. 260). Le roi Thibaut Ier n’avait été reconnu majeur qu’à vingt-et-un ans (P. E. Schramm, « Der König von Navarra (1035-1512), mit einem Anhang : die Baskischen Provinzen in ihrem Verhältnis zu den Königen von Navarra und Kastilien », Zeitschrift der Savignystiftung für Rechtsgeschichte, germanistische Abteilung, 68, 1951, p. 110-210, à la p. 146). Ce même âge aurait été retenu pour fixer la majorité de Louis dans le serment prêté par Philippe IV aux Navarrais entre 1298 et 1305 (J. M. Lacarra y de Miguel, El juramento de los reyes de Navarra (1234-1329), Madrid, Librería general, 1972, p. 49-50, repris notamment dans G. Monreal Zia et R. Jimeno Aranguren, Textos histórico-jurídicos navarros, 2 vol., Pampelune, Gobierno de Navarra, 2008-2012, vol. 1, p. 136). En réalité, le document qui nous transmet ce serment contient de nombreuses aberrations et a manifestement été forgé (voir les réserves émises dans Lacarra y de Miguel, El juramento, p. 55-56, n. 116, qui conclut cependant à l’authenticité du fond).
9 Voir J. Gallego Gallego, Reyes de Navarra, vol. 12 : Enrique I, Juana I y Felipe I el Hermoso, Luis I el Hutin, Juan I el Postumo, Felipe II el Largo, Carlos I el Calvo, dir. S. Otatzu Jaurrieta, Pampelune, Mintzoa, 1994, p. 205-209.
10 J. de Moret, Anales del reino de Navarra, vol. 5, Tolosa, E. López, 1891 (1re éd. Pampelune, 1715), p. 134 et Registros de la casa de Francia, dir. J. Carrasco, collab. P. Tamburri et Í. Mugueta, vol. 7 : Luis I el Hutín, 1306-1307, Pampelune, Gobierno de Navarra, 2002, § 73, n° 543 et § 80, n° 6. C’est par erreur que cette mission a parfois été datée de 1304-1305 (J. Zabalo Zabalegui, La administración de Navarra en el siglo XIV, Pampelune, Universidad de Navarra, 1973, p. 62).
11 Voir M. Dejoux, Les enquêtes de saint Louis : gouverner et sauver son âme, Paris, Presses universitaires de France, 2014.
12 J. Glénisson, Les enquêteurs-réformateurs de 1270 à 1328. Contribution à l’étude des commissaires royaux, thèse pour le dipl. d’archiviste paléographe, 1946, p. 250-259, enquêtes n° 13, 16, 22, 25 et 31.
13 Sur la notion médiévale de réforme comme restauration des usages anciens, voir Ph. Contamine, « Le vocabulaire politique en France à la fin du Moyen Âge : l’idée de réformation », État et Église dans la genèse de l’État moderne. Actes du colloque organisé par le CNRS et la Casa de Velázquez, Madrid, 30 novembre-1er décembre 1984, éd. J.-Ph. Genet et B. Vincent, Madrid, Casa de Velázquez, 1986, p. 145-156, part. p. 147-148 ; rééd. « Réformation : un mot, une idée », Ph. Contamine, Des pouvoirs en France (1300-1500), Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1992, p. 37-47, part. p. 38-39.
14 C. Orcastegui Gros, La cronica de los reyes de Navarra del principe de Viana (estudio, fuentes y edición crítica), Pampelune, Institucion Principe de Viana, 1978, p. 190-192, citant deux lettres adressées à Philippe IV et à Louis en juin et juillet 1305.
15 Alphonse de Rouvray est remplacé par son lieutenant, Hugues de Vissac, le 25 avril 1306 (Registros de la casa de Francia, § 82 bis, n° 14 et 15).
16 Le premier acte émis par Louis comme roi de Navarre et comte de Champagne date, à notre connaissance, du 24 août 1307 (Zabalza Aldave, Archivo, vol. 1, n° 219). La première empreinte conservée de son sceau date quant à elle d’octobre 1307 (A. Baudin, Emblématique et pouvoir en Champagne. Les sceaux des comtes de Champagne et de leur entourage (fin XIe-début XIVe siècle), Langres, D. Guéniot, 2012, corpus, n° 27).
17 Baudin, Emblématique, p. 107-108.
18 Baudin, Emblématique, p. 109 (reproduction Baudin, Emblématique, corpus, n° 27) et F. Menéndez Pidal de Navascués, M. Ramos Aguirre et E. Ochoa de Olza Eguiraun, Sellos medievales de Navarra. Estudio y corpus descriptivo, Pampelune, Gobierno de Navarra, 1995, p. 48-49 (reproduction n° 1/33). Des souverains navarrais antérieurs avaient usé d’un sceau biface, mais celui-ci était constitué d’une face équestre et d’une face armoriée (Baudin, Emblématique, p. 107 ; reproductions dans Menéndez-Pidal de Navascués et al., Sellos, n° 1/3, 1/4 et 1/12). En revanche, de nombreux souverains usent de sceaux bifaces au début du XIVe siècle, en Aragon (F. de Sagarra i de Siscar, Sigil.lografia catalana. Inventari, descripció i estudi dels segells de Catalunya, 5 vol., Barcelone, D’Henrich, 1916-1932, vol. 1, reproductions n° 41, 42 et 49), en Angleterre (A.-B. Wyon, The Great Seals of England from the Earliest Period to the Present Time, Londres, E. Stock, 1887, pl. VIII, n° 49) ou encore à Naples (H. E. Mayer et C. Sode, Die Siegel der lateinischen Könige von Jerusalem, Wiesbaden, Harrassowitz, 2014, pl. 97-98 et 102-105) – la chancellerie napolitaine développant même une interprétation symbolique de chacune de ces faces (R. Trifone, La legislazione angioina, Naples, L. Lubrano, 1921, p. 210). Sur le sceau de Louis, la représentation du souverain en majesté, largement inspirée de celle du sceau de Philippe IV, pourrait aussi avoir emprunté certains éléments aragonais (F. Menéndez Pidal de Navascués, « Le deuxième sceau de majesté de Charles II. Histoire d’une matrice deux fois regravée », Revue française d’héraldique et de sigillographie, 64, 1994, p. 195-203, à la p. 194, rééd. Principe de Viana, 68, 2007, p. 655-664, à la p. 656 ; suivi par Baudin, Emblématique, p. 113), ou bien plutôt angevins, comme l’atteste la similitude de l’estrade, du plissé du vêtement royal, de la position et de la forme du sceptre sur le sceau de Louis et sur celui que Charles II emploie depuis 1290 (Mayer et Sode, Die Siegel, pl. 104).
19 Le dernier comte à avoir séjourné en Navarre est Henri Ier, mort à Pampelune en 1274 (Gallego Gallego, Reyes, p. 39). Philippe le Bel ne s’y est jamais rendu, même à l’occasion des deux voyages qui le conduisirent à Bayonne en 1286 et 1290 pour rencontrer le roi de Castille (É. Lalou, Itinéraire de Philippe IV le Bel (1285-1314), 2 vol., Paris, Institut de France, 2007, vol. 2, p. 22 et 54).
20 Registros de la casa de Francia, § 83, n° 172 et § 86, n° 238.
21 Sur cette autorisation, voir Schramm, « Der König von Navarra », p. 147-148. Aucun document n’atteste toutefois que Thibaut II, puis Henri Ier reçurent une onction (Lacarra y de Miguel, El juramento, p. 38, n. 79).
22 On ignore même quel prélat officie à cette occasion, le siège de Pampelune étant alors vacant (Gallego Gallego, Reyes, p. 214). C’est que les sources navarraises sont peu enclines à signaler ce qui serait susceptible de favoriser le pouvoir royal et préfèrent faire état à chaque avènement du serment royal de respecter les « fueros » – voire d’une version avantageuse de ce serment –, comme en témoignent les divergences existant entre la documentation conservée par les villes et celle de la monarchie au sujet de la cérémonie de 1329 (Í. Mugueta Moreno et P. Tamburri Bariain, « Coronación juramentada. Navarra 1329 », Principe de Viana, 68, 2007, p. 169-190, aux p. 177-178 et 183-186).
23 Les sources relatives à l’avènement de Philippe d’Évreux, plus détaillées, ont suscité des interprétations divergentes : si Philippe affirme explicitement dans son serment qu’il se réserve le droit de recevoir une onction, aucun élément n’atteste la réalité de celle-ci (M. D. Barragán Domeño et M. I. Zabalza Aldave, Archivo general de Navarra (1322-1349), 2 vol., Pampelune, Eusko Ikaskuntza, 1997-1998, vol. 1, n° 43). Les derniers commentateurs de l’événement estiment toutefois cette onction possible (Mugueta Moreno et Tamburri Bariain, « Coronación juramentada », p. 188-189). Dans tous les cas, l’invocation d’un tel rituel en 1329, sur la base de l’autorisation de 1257, n’eût guère été envisageable s’il n’avait pas été effectivement réalisé vingt ans plus tôt.
24 Il est encore à Pampelune le 14 décembre (Zabalza Aldave, Archivo, vol. 1, n° 248-249) et a franchi les Pyrénées pour gagner Saint-Jean-Pied-de-Port le 15 décembre (Irurita Lusarreta, El municipio, n° 49, p. 174).
25 Deux lettres de commission ont été ainsi été adressées à Étienne de Borrest, Pierre de Condé et Pierre de Sainte-Croix pour « enquêter sur les officiers et entendre tous les comptes » (Barragán Domeño et Zabalza Aldave, Archivo, vol. 2, n° 43, p. 89). Borrest et Sainte-Croix sont à pied d’œuvre dès le 25 janvier 1308 (Zabalza Aldave, Archivo, vol. 2, n° 205). Début juillet 1308, Étienne a changé de collègue, au profit de Garcia Arnalt (Zabalza Aldave, Archivo, vol. 2, n° 214 et 215), puis de Guillaume de Chaudenay et Raoul Rousselet (Registros de la casa de Francia, § 94, n° 1693) ; au milieu de l’année 1309, ils sont rejoints par Pierre de Condé et Hugues de Vissac (Zabalza Aldave, Archivo, vol. 2, n° 227, 229 et 233-236).
26 Est en particulier emprisonné Fortún Almoravid, « alférez » de Navarre, qui, selon Jean de Saint-Victor, aurait prétendu à la couronne (Jean de Saint-Victor, « Excerpta e Memoriale historiarum, auctore Johanne Parisiensi… », Recueil des historiens des Gaules et de la France, vol. 21, éd. J. -D. Guigniaut et N. de Wailly, Paris, Impr. impériale, 1855, p. 630-689, à la p. 648) – ou plus vraisemblablement à la charge de gouverneur ou de régent en l’absence du roi (Gallego Gallego, Reyes, p. 210-211). Sur la répression jusque 1314, voir Gallego Gallego, Reyes, p. 219-220 et 232-235.
27 Pour une première liste d’empreintes, voir Baudin, Emblématique, corpus, n° 27.
28 Louis continue à user régulièrement d’enquêtes de réforme, en Navarre en 1314 (Moret, Anales, vol. 5, p. 180 et Zabalza Aldave, Archivo, vol. 2, n° 258), mais aussi en Champagne en 1308 (bailliage de Chaumont) et 1309 (bailliage de Meaux) (Glénisson, Les enquêteursréformateurs, p. 262-264, enquêtes n° 38 et 41).
29 Les pouvoirs thaumaturgiques du roi de Navarre ne sont attestés qu’à compter de 1375 et sont sans doute une innovation de Charles II (R. García Arancón, « Los Evreux, ¿ reyes “taumaturgos” de Navarra ? », Principe de Viana, 51, 1990, p. 81-88). Toutefois la rareté des sources documentaires relatives à ce sujet, même à partir de la fin du XIVe siècle, invite à ne pas exclure l’existence de précédents.
30 Voir par exemple La Chronique métrique attribuée à Geffroy de Paris, éd. A. Diverrès, Strasbourg, Publications de la faculté des Lettres, 1956, v. 4730-4735 et 4743-4744, et v. 4839-4845.
31 Guerout, Registres, n° 125 et 140. Un acte de décembre 1314 relatif à l’exécution testamentaire de Philippe IV a sans doute été renouvelé dès avril 1315, mais, de manière atypique, n’a pas été redaté à cette occasion et soulève les enjeux liés à une telle opération (E. Brown, « Royal Salvation and Needs of State in Early-Fourteenth-Century France », E. Brown, The Monarchy of Capetian France and Royal Ceremonial, Aldershot, Variorum, 1991, n° IV, p. 37-39).
32 Philippe le Bel avait procédé à de semblables renouvellements après son avènement (Bautier, « Recherches », p. 126/652). Remarquons toutefois qu’un acte aussi important – et fréquemment confirmé par la suite – que la charte aux Languedociens, scellée du sceau ante susceptum en avril 1315, n’a jamais été renouvelée sous le grand sceau (A. Artonne, Le mouvement de 1314 et les chartes provinciales de 1315, Paris, F. Alcan, 1912, p. 152-155).
33 [Yves de Saint-Denis], « Pars ultima chronici anno M CCC XVII a Guillelmo Scoto, Sancti Dionysii monachi », Recueil des historiens des Gaules et de la France, vol. 21, p. 201-211, à la p. 207d, cité dans Brown, « Kings Like Semi-Gods », p. 15, n. 37.
34 Sur la position centrale des Champenois dans le développement du mouvement des ligues, voir E. Brown, « Reform and Resistance to Royal Authority in Fourteenth-Century France : The Leagues of 1314-1315 », Parliaments, Estates and Representation, 1, 1981, p. 109-137, réimpr. E. Brown, Politics and Institutions in Capetian France, Aldershot, Variorum, 1991, n° V, aux p. 118-119.
35 Jean de Joinville, seigneur de Jully, a ainsi séjourné en Navarre comme sénéchal de Pampelune entre 1308 et 1309 (Registros de la casa de Francia, § 94, et Zabalza Aldave, Archivo, vol. 2, n° 208 et 222) ; il participe à la ligue de Champagne en 1314 (E. Boutaric, « Notices et extraits de documents inédits relatifs à l’histoire de France sous Philippe le Bel », Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque impériale et autres bibliothèques…, vol. 20, 2e partie, Paris, Impr. impériale, 1862, p. 83-237, n° 43, p. 228). Voir également Brown, « Reform and Resistance », p. 115, n. 16, citant le cas du Bourguignon Guillaume de Chaudenay et du Picard Ferri de Picquigny – il n’est pas certain toutefois que Ferri ait bien œuvré en Navarre avant 1314, car seule une source postérieure y signale sa présence en 1308. Guillaume de Chaudenay avait été confronté en tant que gouverneur aux alliances formées par les Navarrais en 1307 (Zabalza Aldave, Archivo, vol. 2, n° 191), avant de devenir enquêteur-réformateur dans le royaume de France (O. Canteaut, « Le juge et le financier : les enquêteurs-réformateurs des derniers Capétiens (1314-1328) », L’enquête au Moyen Âge, éd. C. Gauvard, Rome, École française de Rome, 2008, p. 269-318, à la p. 303, n° 16).
36 Brown, « Reform and Resistance », p. 115, n. 16.
37 Sur la chronologie du mouvement et des négociations avec la royauté, voir Brown, « Reform and Resistance », p. 122-125. C’est au cours du mois mars que celles-ci s’engagent réellement.
38 Reproduction dans Dalas, Corpus, n° 91.
39 Dalas, Corpus, n° 85 ter. Philippe IV employait un contre-sceau dépourvu des armes navarraises pour ses actes relatifs à la France (Dalas, Corpus, n° 85 bis).
40 Le motif du lis se fait ainsi plus discret sur ce sceau que sur celui de Philippe IV et cet effacement se renforcera sur le second sceau de Louis X et sur ceux de ses successeurs. Pour Michel Pastoureau, la canonisation de saint Louis, en manifestant le lien privilégié entre les Capétiens et le royaume du ciel, rend moins indispensable le recours au lis, qui jouait jusqu’à présent le même rôle, et autorise le souverain à recourir à des emblèmes nouveaux (M. Pastoureau, « Le roi des lis. Emblèmes dynastiques et symboles royaux », Dalas, Corpus, p. 35-48, à la p. 45).
41 Il est attesté, sous le nom de baculus, de virga ou de virga virtutis atque equitatis, dans tous les ordines du couronnement du XIIIe siècle (R. A. Jackson, Ordines coronationis Franciae. Texts and Ordines for the Coronation of Frankish and French Kings and Queens in the Middle Ages, 2 vol., Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1995-2000, vol. 2, p. 260, 302, 357-358 et 400).
42 H. Pinoteau, « La main de justice des rois de France : essai d’explication », Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 123, 1979, p. 262-264 et H. Pinoteau, La symbolique royale française, Ve-XVIIIe siècles, La Roche-Rigault, PSR, 2003, p. 306-307.
43 A. Graboïs, « Un mythe fondamental de l’histoire de France au Moyen Âge : le “roi David”, précurseur du “roi très chrétien” », Revue historique, 287, 1992, p. 11-31, aux p. 17-18 et 23. À ce titre, la figure de David est également associée aux pouvoirs thaumaturgiques royaux (voir P. Buc, « David’s Adultery with Bathsheba and the Healing Power of the Capetian Kings », Viator, 24, 1993, p. 101-120).
44 Sur David, modèle du roi juste, voir Graboïs, « Un mythe », p. 24. Sur la représentation de saint Louis tenant une main de justice, voir Brown, « Kings Like Semi-Gods », p. 21, n. 56 et H. Pinoteau, « La tenue de sacre de saint Louis », H. Pinoteau, Vingt-cinq ans d’études dynastiques, Paris, Christian, 1982, p. 447-504, aux p. 455-456.
45 Il mesure 95 mm, contre 90 pour le grand sceau de Philippe IV et seulement 85 et 82 mm pour les deux sceaux successifs de Philippe III (Dalas, Corpus, n° 81, 82, 85 et 90).
46 Reproduction dans O. Posse, Die Siegel der deutschen Kaiser und Könige von 751 bis 1806, 5 vol., Dresde, W. Baensch, 1909-1913, vol. 1, pl. 46 n° 4 et 5 (sceaux utilisés respectivement en 1310 et 1312). En revanche, Henri VII abandonne cette arcature sur son sceau impérial de 1313 (Posse, Die Siegel, pl. 47, n° 1). Celle-ci est toutefois reprise sur de nombreux sceaux au cours de la décennie suivante (R.-H. Bautier, « Échanges d’influences dans les chancelleries souveraines du Moyen Âge, d’après les types des sceaux de majesté », Comptes rendus de l’académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 112, 1968, p. 192-220, à la p. 215, sans évoquer ce cas).
47 Guerout, Registres, n° 283, édité d’après une minute dans Brown, « Reform and Resistance », appendice VI.
48 Artonne, Le mouvement de 1314, p. 64 et 124. Voir Guerout, Registres, n° 156 pour la Champagne.
49 Canteaut, « Le juge et le financier », p. 299-303, n° 2-16.
50 Canteaut, « Le juge et le financier », p. 294-295.
51 Un rapport dressé par un envoyé majorquain sur les circonstances de la succession de Philippe le Bel annonce tout d’abord le prochain sacre du roi (coronabitur satis cito in ecclesia Remensi) ; mais, peu avant de conclure son rapport, le 7 décembre 1314, son auteur fait état d’un report du sacre, qui n’aura pas lieu avant l’Épiphanie, voire sera différé au-delà de cette date (C. Baudon de Mony, « La mort et les funérailles de Philippe le Bel d’après un compte rendu à la cour de Majorque », Bibliothèque de l’École des chartes, 58, 1897, p. 5-14, aux p. 13-14).
52 Un compte de l’hôtel mentionne le total de 21 022 l. par. pour les dépenses du sacre pendant deux jours (F. Maillard, Comptes royaux (1314-1328), Paris, Impr. nationale/Klincksieck, 1961, vol. 2, n° 13563). Ce montant coïncide avec les 21 000 l. par. qu’évoquent les bourgeois de Reims qui, en 1328, se plaignent des dépenses excessives qu’ils ont eu à supporter lors du sacre de Louis X par suite des malversations du maître de la Chambre aux deniers Pierre Remi. Les mêmes bourgeois affirment que les sacres ultérieurs n’ont coûté que 7 000 l. par. (P. Varin, Archives administratives de la ville de Reims, 3 vol., Paris, Crapelet, vol. 2, 1re partie, p. 478). Ce dernier chiffre ne peut être confirmé : un compte abrégé du sacre de Philippe V évoque la somme de 6 046 l. par., mais il ne recense manifestement pas les mêmes dépenses que sous Louis X (Maillard, Comptes royaux, vol. 2, n° 13477-13491). Lors du sacre de Philippe VI, 13 430 l. par. sont dépensées pour entretenir l’hôtel pendant deux jours, ce qui correspond peut-être aux dépenses comptabilisées sous Louis X (Varin, Archives, vol. 2, 1re partie, p. 480-490). Quoique ces chiffres ne soient guère comparables, domine l’impression que le sacre de Louis X fut particulièrement coûteux, même si le sacre de son père semble avoir coûté davantage encore, à savoir 24 500 l. par. (L.-S. Lenain de Tillemont, Vie de saint Louis, roi de France, éd. J. de Gaulle, 6 vol., Paris, J. Renouard, 1847-1851, vol. 1, p. 435-436, sans indication de source).
53 « Chronicon Girardi de Fracheto et anonyma ejusdem operis continuatio », Recueil des historiens des Gaules, vol. 21, p. 1-70, à la p. 44f.
54 Sur la symbolique de l’oriflamme, voir Ph. Contamine, « L’oriflamme de Saint-Denis aux XIVe et XVe siècles. Étude de symbolique religieuse et royale », Annales de l’Est, 1973, p. 179-244, part. aux p. 228-232.
55 Brown, « Kings Like Semi-Gods », p. 28, n. 79.
56 J.-P. Poly, « La gloire des rois et la parole cachée ou l’avenir d’une illusion », Religion et culture autour de l’an Mil, éd. D. Iogna-Prat et J.-C. Picard, Paris, Picard, 1990, p. 167-185, aux p. 183-184.
57 En 1248, 1255, 1258, 1266 et 1269 (M. Bloch, Les rois thaumaturges : étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre, Strasbourg/Paris/Londres, Istra/Humphrey Milford/Oxford University Press, 1924 ; rééd. Paris, Gallimard, 1983, p. 490).
58 Marc Bloch ne rencontre de témoignages du toucher des écrouelles lors du voyage du sacre qu’à compter du règne de Charles VIII. Encore ceux-ci ne concernent-ils alors que six malades et il faut attendre le règne de Henri II pour que l’on trouve des étrangers parmi eux (Bloch, Les rois thaumaturges, p. 283-284). Or Louis X a procédé au toucher sur dix-neuf malades à Vailly (Maillard, Comptes royaux, vol. 2, n° 13609-13614), puis sur trois autres à Péronne (Maillard, Comptes royaux, n° 13616-13617) et sur un autre encore à Arras (Maillard, Comptes royaux, n° 13618). Parmi eux, on rencontre une majorité d’Italiens, des Espagnols et des malades venus du Midi – peut-être les malades originaires des environs ne se sont-ils pas vus verser d’aumônes et ne figurent-ils donc pas dans les sources comptables. Dans tous les cas, la présence de ces étrangers implique que la cérémonie du toucher des écrouelles était prévue de longue date.
59 Expression employée dans une lettre de Louis X au roi d’Angleterre le 31 août 1315 (Brown, « Kings Like Semi-Gods », p. 22, n. 61).
60 C’est le cas à Saint-Quentin au milieu du mois d’août (H. Bouchot et E. Lemaire, Le livre rouge de l’hôtel de ville de Saint-Quentin, Saint-Quentin, Impr. Ch. Poette, 1881, p. 26, n° 14), ainsi qu’à Tournai en septembre (A. de La Grange, « Les entrées des souverains à Tournai », Mémoires de la Société historique et littéraire de Tournai, 19, 1885, p. 7-321, aux p. 18-19). Remarquons que, dans son voyage vers la Flandre, Louis semble chercher à traverser un maximum de villes, fût-ce au prix d’un trajet peu direct : il passe ainsi par Soissons, Vailly-sur-Aisne, Laon – deux villes qui n’ont sans doute jamais accueilli son père (Lalou, Itinéraire) –, Saint-Quentin, Péronne, Bapaume, Arras où se réunit l’ost et enfin Lille (O. Canteaut, Gouvernement et hommes de gouvernement sous les derniers Capétiens, thèse de doctorat, université Paris I, 2005, vol. 3, p. 703-704). En revanche, son entrée à Tournai se situe après l’échec de la campagne contre les Flamands.
61 Le rappel des bannis et, plus encore, la délivrance des prisonniers sont une prérogative du roi lors de son joyeux avènement dans une ville, mais aussi des évêques et des saints (C. Gauvard, « De grace especial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, 2 vol., Paris, Publications de la Sorbonne, 1991, vol. 2, p. 921-926).
62 À compter de la fin du XIVe siècle, châtiment des coupables de lèse-majesté et grâce des prisonniers sont associés en un même geste lors du joyeux avènement du roi (ibid.). Remarquons également que le joyeux avènement et la levée de l’ost sont invoqués conjointement comme circonstances d’un don qu’un bourgeois de Reims fit alors au roi (R. Fawtier, Comptes du Trésor (1296, 1316, 1384, 1477), Paris, Impr. nationale, 1930, n° 496).
63 Reproduction dans Dalas, Corpus, n° 92, avec analyse des différences avec le premier sceau. La dernière empreinte de celui-ci date de novembre 1315 (Dalas, Corpus, p. 173, n. 1), la première du nouveau sceau du 21 décembre 1315 (archives départementales du Nord, B 1170, n° 5058 ; voir également arch. dép. Nord, B 1170, n° 5070 et arch. dép. Somme, G 399, n° 4, datés de décembre 1315 ; je remercie vivement Olivier de Solan, directeur des archives départementales de la Somme, d’avoir consulté pour moi le dernier de ces documents).
64 Bautier, « Recherches », p. 128/654 ; Dalas, Corpus, p. 174, n. 1.
65 Signalons notamment que l’arcature surmontant le roi gagne en ampleur tandis que les festons entourant le champ disparaissent. Le fleuron terminant le sceptre est par ailleurs dédoublé, ce qui le rapproche peut-être des sceaux de Louis IX (Dalas, Corpus, n° 76 et 77). L’association de l’écu fleurdelisé et de l’escarboucle de Navarre demeure également, même si elle fait l’objet d’un traitement graphique différent, qui accorde une place plus discrète aux armes navarraises. Enfin le sceau est à nouveau très légèrement agrandi.
66 Bibl. nat. de Fr., fr. 146, fol. 11r ; y sont repris le siège avec ses avant-corps de lions recouverts de draperies et les festons qui entourent le souverain. En revanche Fauvel ne tient aucun attribut dans les mains. Un tel rapprochement est opéré dans M. Kauffmann, « Satire, Pictorial Genre, and the Illustrations in BN fr. 146 », Fauvel Studies. Allegory, Chronicle, Music and Image in Paris, Bibliothèque nationale de France, MS Français 146, éd. M. Bent et A. Wathey, Oxford, Clarendon Press, 1998, p. 285-305, à la p. 289.
67 Reproduction dans Dalas, Corpus, n° 95, 102, 103 et 111. En Navarre, Philippe d’Évreux s’inspire tout à la fois du sceau navarrais de Louis et du second grand sceau de 1315 : du premier proviennent le modèle biface et la fleur de lis que le roi tient dans la main gauche en lieu et place de la main de justice – qu’emploiera de nouveau Charles II – ; du second est conservée l’arcature surmontant la tête du souverain ; l’estrade sous les pieds de ce dernier est quant à elle remplacée par un lion couché, d’origine impériale. Enfin Philippe dispose d’un contre-sceau écartelant les armes d’Évreux et de Navarre, au lieu de brocher les premières sur les secondes. Reproduction dans Menéndez Pidal de Navascués et al., Sellos, n° 1/57 à 1/59.
68 Celle-ci est présente sur les sceaux de Philippe V et de Philippe VI ; l’innovation est angevine (Bautier, « Échanges », p. 213). Le premier sceau de Charles IV reprend en revanche l’arcature flanquée de clochetons du second sceau de Louis X. Seul le second sceau de Charles IV est dépourvu d’ornements mettant en valeur le souverain. Pour une analyse des rapports entre ces différents sceaux, voir O. Guyotjeannin, « Captio sigilli : note sur le sceau de majesté de Charles V, roi de France », Bibliothèque de l’École des chartes, 153, 1995, p. 447-457, à la p. 455.
69 Guyotjeannin, « Captio sigilli », p. 451-456.
70 Bautier, « Recherches », p. 128/640. La première empreinte connue date du 24 novembre 1316, soit cinq jours après son avènement (arch. dép. Nord, 4 G 796, n° 7265, fragment de contre-sceau ; voir également arch. dép. Nord, B 1492, n° 5123, daté du 25 novembre 1316).
71 Le dernier acte scellé du sceau ante susceptum date du 27 janvier 1322 (Le cartulaire dit de Charles II, roi de Navarre, éd. V. Lamazou-Duplan, A. Goulet et P. Charon, Pampelune/Pau, Gobierno de Navarra/Université de Pau et des pays de l’Adour, 2010, n° 37, p. 183-188) ; la première empreinte du grand sceau a quant à elle été apposée le 29 ou le 30 janvier (Arch. nat., S 953A, n° 16, sans annonce du sceau ante susceptum, mais aujourd’hui dépourvu d’empreinte ; arch. dép. Nord, B 922, n° 5414, avec fragment d’empreinte du grand sceau ; voir aussi Dalas, Corpus, n° 102, n. 1).
72 Buc, « David’s Adultery », p. 103, n. 6, citant Pierre le Chantre ; voir aussi Brown, « Kings Like Semi-Gods », p. 17, citant Hugues de Saint-Cher.
73 E. Kantorowicz, The King’s Two Bodies. A Study in Mediaeval Political Theology, Princeton, Princeton University Press, 1957, trad. fr. Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1996, p. 231-243.
74 Elle se rencontre à la fois dans les poèmes qui font suite au Roman de Fauvel et dans la chronique métrique qui termine le volume (Brown, « Kings Like Semi-Gods », p. 16, n. 39 et 40).
75 Sur l’image de Louis X qui ressort de ce manuscrit et sur celle, antithétique, de Philippe V, voir E. Brown, « Représentations de la royauté dans les Livres de Fauvel », Représentation, pouvoir et royauté à la fin du Moyen Âge. Actes du colloque organisé par l’université du Maine les 25 et 26 mars 1994, éd. J. Blanchard, Paris, Picard, 1995, p. 215-235, part. p. 224-227 et E. Brown, « Rex ioians, ionnes, iolis : Louis X, Philip V, and the Livres de Fauvel », Fauvel Studies. Allegory, Chronicle, Music, and Image in Paris, Bibliothèque Nationale de France, MS Français 146, éd. M. Bent et A. Wathey, Oxford, Clarendon Press, 1998, p. 53-72, part. p. 64-65 et 69-71. Yves de Saint-Denis qui, en évoquant les derniers instants de Philippe le Bel, place dans la bouche de ce dernier des injonctions soulignant la nécessité du sacre de Louis à Reims (voir n. 33), pourrait avoir été guidé par la même intention de dénigrer Louis X, auquel il ne consacre que quelques lignes (« Pars ultima », p. 209c à e), pour mieux mettre en valeur Philippe V.
76 Brown, « Kings Like Semi-Gods », p. 30-31.
77 Bautier, « Recherches », p. 125-126/651-652.
78 Le principe de l’intervention militaire en Flandre aurait toutefois été décidé lors du sacre lui-même, au terme d’une mise en scène où, selon Froissart, le comte de Flandre aurait réclamé l’aide royale pour recouvrer son comté et où le roi se serait engagé à ne pas rentrer à Paris avant d’être entré en campagne (J. Viard, « Philippe VI de Valois. Début du règne (février-juillet 1328 », Bibliothèque de l’École des chartes, 95, 1934, p. 259-283, aux p. 280-281).
79 Bloch, Les rois thaumaturges, p. 491.
80 Cette préoccupation est particulièrement perceptible dans la production de la chancellerie royale, qu’elle se manifeste par des éléments iconographiques nouveaux sur le grand sceau, inspirés de celui de l’empereur (Bautier, « Échanges », p. 217), par un abandon du français au profit du latin (S. Lusignan, La langue des rois au Moyen Âge. Le français en France et en Angleterre, Paris, Presses universitaires de France, 2004, p. 107-112) ou par une ornementation rhétorique développée (S. Barret et B. Grévin, Regalis excellentia. Les préambules des actes des rois de France au XIVe siècle (1300-1380), Paris, École nationale des chartes, 2014, part. p. 357-411).
81 Bloch, Les rois thaumarturges, p. 491-492.
82 Les initiatives de Louis X reviennent-elles au souverain ou à ses conseillers ? Comme toujours, il est délicat de trancher (voir les débats relatifs aux rapports entre Philippe IV et ses conseillers, synthétisés dans E. Brown, « Réflexions sur Philippe le Bel », Annuaire-bulletin de la Société de l’histoire de France, à paraître). Sur l’entourage politique de Louis X, nous nous permettons de renvoyer à notre étude « De Philippe IV à Louis X : le devenir de l’entourage politique du roi », 1314, une Europe en crise ?, à paraître.
83 En outre, la pratique, inaugurée par Édouard Ier, consistant à fixer le début du règne d’un souverain au moment de la mort de son prédécesseur rendait l’urgence du sacre moins pressante. Voir P. E. Schramm, Geschichte des Englischen Königtums in Lichte der Krönung, Weimar, H. Böhlans Nachf., 1937 ; trad. angl. A History of the English Coronation, Oxford, Clarendon Press, 1937, p. 165-167.
84 J.S. Phillips, Edward II, New Haven/Londres, Yale University Press, 2010, p. 132-139.
85 Phillips, Edward II, p. 141-143.
86 Voir la description de la cérémonie et de ses suites dans Phillips, Edward II, p. 144-146.
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Référence papier
Olivier Canteaut, « Louis X en majesté », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 31 | 2016, 43-60.
Référence électronique
Olivier Canteaut, « Louis X en majesté », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 31 | 2016, mis en ligne le 03 août 2019, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/14004 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.14004
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