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AccueilNuméros31In memoriam Max Lejbowicz

Texte intégral

1Le vendredi 29 décembre 2015, Max Lejbowicz nous a quittés. C’est une bien triste nouvelle et une grande perte pour l’ensemble des médiévistes et, tout particulièrement, pour les CRMH.

2Lorsque je décidai de créer les Cahiers de Recherches Médiévales, en 1995, Max fut immédiatement à mes côtés ; comme il l’a toujours été à soutenir mes initiatives, à sa façon, savante et discrète. Car, s’il fut un grand médiéviste, d’une érudition époustouflante, Max Lejbowicz ne s’est jamais laissé charmer par le chant des sirènes du pouvoir, de la gloire, de la carrière. Il fut, en quelque sorte, un franc-tireur de la médiévistique, se tenant éloigné des corporatismes, académismes, conservatismes, enjeux de petits pouvoirs qui polluent l’Université et le CNRS. Son parcours atypique, de reporter à ingénieur vidéo et audio-visuel à Paris-I, sa passion autodidacte pour le Moyen Âge – un autodidactisme qui ne l’empêcha pas de devenir un latiniste hors pair capable d’affronter les textes les plus ardus, comme ceux de comput par exemple, de devenir un de nos meilleurs historiens des sciences et de la philosophie médiévales – ont forgé une figure exceptionnelle.

3Son seul vrai amour dans le domaine de la recherche était le savoir, l’érudition. Il avait la passion de dérouler tous les écheveaux, d’aller jusqu’au plus petit détail, en naviguant dans de multiples textes, en croisant plusieurs champs disciplinaires, en remontant le temps jusqu’à la plus haute Antiquité, inlassable détective à débusquer le moindre détail, à suivre toutes les pistes offertes à son insatiable curiosité. Si le Moyen Âge eut son Petrus Comestor, les CRMH ont eu la chance d’avoir un « Max dévoreur d’ouvrages » comme collaborateur, à la bibliothèque personnelle impressionnante. Et s’il publia peu, du moins à l’aune du quantitatif qui le plus souvent juge la carrière des chercheurs et enseignants-chercheurs, s’il fut éloigné du publish or perish, des ambitions de carrière – il finit par soutenir une thèse, à contrecœur, « pour faire plaisir » –, il écrivit toujours des articles de fond : sur Isidore de Séville et l’astrologie, sur Oresme, sur les sciences arabes, le comput, les traductions arabo-latines, les relations chrétienté/islam, Thierry de Chartres, Adélard de Bath, etc. Et c’est Adélard qui sera le dernier personnage surplombant sa production : Max a travaillé d’arrache-pied, avec Émilia Ndiaye et Christiane Dussourt, sur les Questiones naturales et le De eodem et diverso. L’ouvrage, qu’il a eu le temps d’achever, vient de paraître aux Belles Lettres, et le destin funeste n’a pas voulu que Max le voie.

4C’est un des plus grands savants du Moyen Âge, Nicole Oresme, qui nous avait réunis. Pour le tout premier colloque que j’organisai à Orléans, en 1989, sur les sciences au Moyen Âge, je voulais un spécialiste d’Oresme. J’entrai donc en contact avec Max, de réputation établie, qui répondit immédiatement et favorablement. Depuis lors, nous sommes rapidement devenus amis proches ; il suivit et soutint bien de mes initiatives, j’ai suivi sa production de si haute qualité et j’ai tant appris à le lire.

5Notre amitié s’est aussi construite sur la découverte un jour, dans une discussion à bâtons rompus, de nos origines communes. Max est né à Capestang, village proche de Béziers qui m’a vu naître, et nous avons fréquenté le même lycée Henri IV de cette ville de l’Hérault ; nous avons eu des professeurs communs et avons souvent ri à des souvenirs de potaches. Nous avons évoqué une époque aujourd’hui révolue, celle du lycée républicain de la sixième à la terminale, où l’on formait des cerveaux avec des professeurs originaux, sévères ou pas, mais profondément respectés, où l’on permettait à des jeunes de milieu modeste, à des Provinciaux comme nous d’arriver à de hauts niveaux d’étude dans un système sélectif et démocratique, loin de l’escroquerie de la massification et du baccalauréat pour tous.

6Nous avons revisité ensemble ces paysages de notre enfance, l’ocre des terres couvertes de vignes, les crues de l’Orb, la cathédrale occitane de Béziers et, plus récemment, le plafond peint du château des archevêques de Capestang, remis en valeur et étudié grâce à notre collègue historienne et amie Monique Bourin, native elle aussi de notre Languedoc biterrois.

7Je garderai toujours en mémoire les longues conversations que nous eûmes : heures passées au téléphone, à marcher dans des rues de Paris, devant une bière, dans un restaurant ou dans les monts du Cantal. Le Moyen Âge habitait nos rencontres et l’érudition de Max, les développements complexes de sa pensée, les critiques qu’il pouvait m’apporter en toute amitié, sans complaisance, ont toujours été pour moi une stimulation particulièrement forte. Et ses contributions aux études médiévales resteront longtemps importantes : savantes au dernier degré (il faut lire les notes de bas de page écrites par Max), impeccables, novatrices.

8Les lecteurs des CRM/CRMH ont pu apprécier, tout au long de l’histoire de la revue, les comptes rendus aussi fournis et précis qu’abondants que Max Lejbowicz a produits. La revue lui doit beaucoup, et même énormément.

9Ce numéro d’une revue à qui il a consacré du temps, au service de laquelle il a mis sa passion de la culture médiévale, est dédié à la mémoire de Max Lejbowicz, grand savant, humaniste et humain.

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Pour citer cet article

Référence papier

Bernard Ribémont, « In memoriam Max Lejbowicz »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 31 | 2016, 11-13.

Référence électronique

Bernard Ribémont, « In memoriam Max Lejbowicz »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 31 | 2016, mis en ligne le 25 octobre 2016, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/13996 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.13996

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Auteur

Bernard Ribémont

Université d’Orléans

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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