Le Lai du Conseil, critical edition and translation by Brînduşa Grigoriu, Catharina Peersman, Jeff Rider
Le Lai du Conseil, critical edition and translation by Brînduşa Grigoriu, Catharina Peersman, Jeff Rider, Liverpool, Liverpool Online Series (« Critical Editions of French Texts » 18), 2013, 133 p.
ISBN 978-0-9545406-8-5
Texte intégral
1Ce petit volume – qui fait partie d’une série de publications en ligne, dont on peut également acquérir des tirages papier – contient l’édition critique du Lai du Conseil contenu dans cinq manuscrits conservés à la BnF, présentés dans l’introduction. Il apparaît qu’aucun des manuscrits ne descend d’un des autres. L’introduction considère que les précédentes éditions connaissent mal l’ensemble des témoins, ce qui justifie pleinement le présent travail. Le témoin choisi par l’équipe éditoriale est ici le manuscrit A.
2Ce lai d’un peu plus de 860 vers est anonyme, vraisemblablement composé entre la Picardie et l’Ile-de-France, après 1225. Il traite des choix amoureux que doit faire une femme. Pour autant, le texte n’est pas didactique, mais il se présente comme une conversation qui aborde des questions cruciales : pourquoi une femme devrait-elle aimer ? À qui doit-elle accorder son amour ? Combien de personnes faudrait-il qu’elle aime ? Quelle devrait être sa conduite amoureuse ? On s’étonne d’ailleurs, en lisant cette énumération, qu’il ne soit pas fait référence au lai du Chaitivel de Marie de France qui pose également nombre de ces questions. Le vers 492 (« or voudroie estre arse en .i. fu »), par exemple, rappelle également bien la tonalité du texte de Marie. Le Lai du Conseil aborde plus profondément la question de la possibilité du choix, pour la femme, depuis l’inclination amoureuse jusqu’au mariage. L’héroïne commence par choisir de n’opérer aucun choix entre ses trois prétendants et d’en rester à une relation amicale avec chacun d’entre eux. Mais son attitude entraîne la formulation de conseils extérieurs, qu’elle recherche auprès d’un autre homme, qui revêt la figure traditionnelle dans la poésie courtoise du conseiller en amour. Or, à partir de là, on se détache d’une conception passionnelle de l’amour pour en venir à un discours de convenance : il s’agit de trouver le partenaire qui convienne le mieux ici et maintenant plutôt que celui qui correspondrait à un idéal. Il ne s’agit pas de renoncer à l’amour « romantique » ou érotique, mais de le conditionner étroitement au respect des conventions sociales et à l’intérêt du moment, sur un mode très raisonnable. Il s’agit aussi d’ascension sociale par le mariage : « que lui et trestout son lingnage / amonta et mist a honor » (v. 826-827). Le personnage féminin apparaît souvent en position de force, même quand il cherche le conseil masculin : « La fame doit estre li pons / de toute la joïe du monde » (v. 306-307). En outre, le texte peut se comprendre également comme une réflexion sur le droit usage du discours : « Ainsi li biaus parlers dona / au chevalier cel mariage » (v. 824-825). De fait, le texte paraît « truqué », tant les figures du troisième amoureux, du chevalier conseiller, du pauvre chevalier ou du chevalier auteur du lai peuvent sembler être finalement la même personne. Le conseil amoureux et l’art de la parole se mêlent en une forme d’art poétique. En ce sens, ce serait un jeu littéraire et un artifice amoureux avant tout. Sur le contenu du texte, les éditeurs font beaucoup d’hypothèses en introduction, notamment en ce qui concerne les hypothétiques sentiments des personnages, dont on comprend mal l’intérêt. Le lai est rapproché d’autres textes : Lanval ou le lai du Cor. En fin d’introduction, une bibliographie indique les sources primaires et leurs éditions, ainsi que les sources secondaires.
3Pour la méthode de traduction, elle est explicite : « Our translation is broadly speaking source-oriented rather than target-oriented. It aims principally, that is, at helping a non-expert reader understand the Old French text rather than creating an independent, idiomatic version of the text that conforms to conventional modern English usage. When this principle has, on occasion, produced translations that may be a little hard to follow, we have added an explanatory footnote » (p. 12). Ce parti-pris nous paraît totalement justifié, particulièrement dans le cas d’une édition critique bilingue. Bien entendu, il faut rappeler qu’il s’agit ici d’une traduction du texte en anglais, ce qui explique qu’un grand nombre de notes concerne la lexicologie, tandis que d’autres visent, de manière générale, à élucider le sens du texte. Voici donc une édition agréable et efficace.
Pour citer cet article
Référence électronique
Myriam White-Le Goff, « Le Lai du Conseil, critical edition and translation by Brînduşa Grigoriu, Catharina Peersman, Jeff Rider », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 22 juillet 2016, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/13918 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.13918
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