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2016

Fanny Madeline, Les Plantagenêts et leur empire. Construire un territoire politique

Pierre Courroux
Référence(s) :

Fanny Madeline, Les Plantagenêts et leur empire. Construire un territoire politique, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, 368 p.

ISBN : 978-2-7535-3494-0

Texte intégral

1Depuis maintenant plusieurs décennies, les historiens français et anglo-saxons ont beaucoup écrit sur ce qu’il convient d’appeler l’Empire des Plantagenêts au XIIe siècle, construction politique éphémère mais décisive qui regroupa sous l’autorité d’une même couronne les territoires allant du sud de l’Écosse aux Pyrénées. Pour renouveler le sujet, ce n’est pas une autre histoire événementielle ou institutionnelle que nous propose Fanny Madeline dans son ouvrage : son but est d’analyser comment, par la construction, la possession, la confiscation de lieux de pouvoirs, par des déplacements, le pouvoir Plantagenêt s’est effectivement exercé dans les immenses territoires qu’il avait à contrôler. La trame chronologique de fond est rapidement présentée en introduction, et seules les institutions intéressant directement l’auteur sont présentées dans le premier chapitre. Le lecteur qui se tournerait vers ce livre pour y trouver une introduction destinée au grand public se tromperait donc fortement. Il s’agit d’un livre érudit, qui demande une connaissance préalable du sujet pour profiter pleinement de sa lecture. En revanche, le lecteur initié appréciera l’érudition de F. Madeline, qui allie une solide connaissance de l’historiographie, notamment anglo-saxonne, et une fréquentation des sources primaires dont elle tire des éléments aussi bien prosopographiques que statistiques.

2L’introduction de l’ouvrage fait un point historiographique sur la notion d’empire Plantagenêt et présente l’angle d’attaque de l’auteur. S’inspirant notamment de la démarche de géographes dans un dialogue entre les disciplines qui est louable, F. Madeline place au cœur de sa réflexion l’appropriation de l’espace et la spatialisation, dans la lignée notamment des travaux de F. Mazel. Le premier chapitre est en quelque sorte la suite de l’introduction, puisque l’auteur y présente la nature et les limites de ses principales sources, qui sont les documents administratifs de l’Échiquier et de la Chambre. Le chapitre suivant s’appuie sur ces documents administratifs pour présenter l’organisation financière et le développement des ressources de la monarchie des Plantagenêts de Henri II à Jean sans Terre. Le troisième chapitre complète ce panorama de l’administration royale en montrant l’implication des Plantagenêts dans la construction des châteaux, grâce à l’entremise des gardiens des châteaux et des ingénieurs.

3Vient ensuite une deuxième grande partie sur le contrôle de l’espace par l’autorité royale. Ce thème est abordé par le biais de plusieurs moyens d’action : le premier est celui de la confiscation et de la destruction des forteresses relevant de la couronne. Loin d’être la marque d’une politique désordonnée et tyrannique, il faut interpréter ces actes comme la marque d’une « politique constante » (p. 100), encore que ses buts évoluent entre Henri II et ses fils. Le second chapitre de cette partie (chap. V) étudie le contrôle que les Plantagenêts exercent sur le clergé de leurs domaines, à travers leur intervention dans les nominations épiscopales et abbatiales, mais aussi par une politique de refondation de monastères. Dans les villes (chap. VI), les rois angevins interviennent principalement dans le cadre de la construction de fortifications, surtout dans les zones frontières : l’auteur propose d’y voir le résultat de la renaissance de la notion autorité publique. On retrouve la réflexion sur l’utilité publique et ses limites à propos des travaux d'aménagement routiers et fluviaux (chap. VII).

4Vient ensuite une troisième partie qui s’intéresse aux frontières de l’empire Plantagenêt, à une époque où la notion même de frontière telle que nous la connaissons est absente. L’auteur analyse la réalité de ces limites et la manière dont elles permettent de définir un ensemble politique cohérent. Signalons à ce propos la riche cartographie fournie à la fin du volume, dans laquelle F. Madeline, plutôt que de tracer des lignes arbitraires, a su utiliser avec succès d’autres représentations pour délimiter de manière plus souple l’espace Plantagenêt. Cela lui permet de s’intéresser ainsi aux « marches internes », lieux où l’autonomie des seigneurs locaux établit une véritable frontière que le pouvoir royal tente d’atténuer pour unifier ses domaines (chap. VIII). Les frontières extérieures sont abordées dans les trois chapitres suivants, tant du point de vue militaire que par le prisme des jeux d’influence entre les rois d’Angleterre et les Capétiens et autres princes.

5La dernière partie du livre, composée de deux chapitres, s’intéresse à l’itinérance des souverains Plantagenêt, pratique déjà soulignée par l’historiographie française et anglo-saxonne. Les choix des lieux de résidence, mais aussi des trajets des souverains sont analysés par l’auteur qui rappelle qu’il s’agit d’un véritable mode de gouvernement, révélateur des disparités au sein de l’empire.

6On l’aura compris, l’ensemble du livre est une étude sur le système de gouvernement à l’époque féodale, considéré dans sa dimension spatiale. En dehors du cercle des spécialistes des Plantagenêts, la lecture de cet ouvrage donnera du grain à moudre aux spécialistes des institutions féodales ; il serait en effet intéressant de rapprocher les conclusions de l’auteur de celles d’études similaires sur les frontières et les lieux de pouvoir dans d’autres espaces géographiques, comme la France capétienne ou la Germanie. On pourrait reprocher à F. Madeline d’avoir peut-être trop strictement respecté les bornes chronologiques de son sujet (1154-1216), et de n’avoir pas ainsi souligné assez les continuités qui peuvent exister avec les pratiques antérieures (elle rappelle à plusieurs reprises que l’action des ducs d’Anjou et de Normandie a inspiré celle d’Henri II et ses fils). De manière plus anecdotique, on peut regretter l’absence d’une légende à la carte p. 337.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Pierre Courroux, « Fanny Madeline, Les Plantagenêts et leur empire. Construire un territoire politique »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 02 juillet 2016, consulté le 01 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/13915 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.13915

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Auteur

Pierre Courroux

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