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L’Ovide moralisé illustré

Ajax et Jean le Baptiste : pour une lecture franciscaine de l’Ovide moralisé ?

Véronique Rouchon-Mouilleron
p. 149-166

Résumés

Aux livres XII et XIII de l’Ovide moralisé, Ajax et saint Jean-Baptiste sont appariés dans la moralisation. Cet article recontextualise ce passage dans la culture visuelle et spirituelle du premier XIVe siècle. On souligne le mélange de canonicité et d’audace qui donne sa tonalité particulière à l’œuvre. À travers le thème étonnant d’une compétition entre le Baptiste et le Christ, il est suggèré que l’auteur peut avoir trouvé sa source dans la querelle des Franciscains autour de l’usus pauper.

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Texte intégral

  • 1 Ovide moralisé. Poème du commencement du xive siècle publié d’après tous les manuscrits connus, éd. (...)
  • 2 A. Vauchez, François d’Assise, entre histoire et mémoire, Paris, Fayard, 2010, p. 31-32, 298, 469 ; (...)
  • 3 M. Possamaï-Pérez, L’Ovide moralisé. Essai d’interprétation, Paris, Champion, 2006, spéc. p. 717-78 (...)

1Dans l’Ovide moralisé tel qu’il est édité par C. De Boer1, saint Jean-Baptiste est convoqué aux livres XII et XIII pour que soit tirée la moralité des épisodes suivants : l’affrontement verbal d’Ajax et d’Ulysse pour la récupération des armes du défunt Achille, et la défaite, puis le suicide d’Ajax. Si, stricto sensu, Ajax connaît une moralisation sous les traits du Baptiste, toutefois saint Jean est soumis à des distorsions de son image telles que, par un jeu de métamorphose réciproque, la figure biblique subit les effets de la moralisation du poème. Nous en préciserons les aspects inattendus, touchant parfois aux limites de la tradition exégétique. Il convient alors de resituer le personnage johannique dans la perception que pouvaient en avoir le concepteur et les lecteurs de l’Ovide moralisé dans le premier quart du xive siècle. Le saint a été façonné par une série de commentaires et par un corpus d’images narratives et dévotionnelles qui se sont élaborés au long des siècles. Toutefois, le déploiement des ordres Mendiants l’a spécialement réinvesti au xiiie siècle, avec une mention spéciale chez les frères mineurs2. Comme l’appartenance de l’auteur du poème à l’ordre franciscain mérite d’être exploitée, tout en restant à prouver pleinement3, nous proposerons ainsi des hypothèses d’une lecture contextualisée autour de 1300-1320, au risque d’ouvrir plus de pistes que nous n’apporterons de certitude. Au cœur de l’extraordinaire monde fictionnel élaboré par la fresque poétique, il a paru utile d’évaluer ce Jean hybride mâtiné d’Ajax à l’aune de la culture visuelle et spirituelle du premier xive siècle.

2À la fin du livre XII, « mors est Achille » (v. 4799). Ses armes, « qui sans seignor sont demorees » (v. 4810), deviennent immédiatement objet de convoitise, et les deux principaux antagonistes, bien connus, se nomment Ajax et Ulysse. Agamemnon décide que le sort des armes sera tranché par une joute verbale tenue devant l’assemblée des barons, lui-même se refusant à juger. À l’orée du livre XIII, au milieu de ladite assistance, Ajax développe sur plus de trois cents vers la narration de sa haute naissance et de ses hauts faits. À Ulysse en revient le double, soient six cents vers qui lui permettent non seulement d’élaborer un habile plaidoyer pro domo, mais aussi de procéder à la sape systématique des arguments favorables à Ajax. « Ulixes se set miex debatre / de langue que de main combatre » : cette analyse polémique d’Ajax (aux v. 25-26) se retourne en effet à l’avantage d’Ulysse, appelé le « sage amparlier » (v. 930). C’est à lui finalement, en cinq simples vers disant leur unanimité, que les barons décident de remettre les armes du héros achéen (v. 925-930). En ce point, le récit troyen est suspendu, pour laisser place aux trois cent trente octosyllabes de l’interprétation allégorique. Le débat d’Ulysse et Ajax signifie, pour le glossateur, la concurrence entre Jésus et Jean, que les Juifs prirent pour celui qui devait les sauver et considérèrent comme le Messie. Le commentaire développe alors un éloge à la vaillance et à la sagesse du Christ, tout en soulignant la grandeur et les mérites du Baptiste dans l’économie du salut. Dans la suite du poème, le rythme se resserre, fable et glose dialoguent plus étroitement : l’histoire d’Ajax reprend sur moins de cinquante vers, pour décrire son courroux, son désarroi, puis son suicide par l’épée et, de son sang versé, la naissance d’une fleur, à la manière de Hyacinthe. Immédiatement, en trente vers, sa mort est rapprochée des martyrs chrétiens et de la décollation du Baptiste. Puis reprend la narration de la prise de Troie (à partir du v. 1336).

  • 4 Rouen, Bibliothèque municipale, manuscrit O. 4 (1044 dans H. Omont, Catalogue général des manuscrit (...)
  • 5 Pour resituer ce manuscrit parmi les différentes versions conservées, M.-R. Jung, « Les éditions ma (...)
  • 6 Nous renvoyons aux descriptions et à la bibliographie qui entourent ce manuscrit chez : F. Avril, L (...)
  • 7 Cette possible identification a été proposée par F. Avril dans les catalogues cités et reprise chez (...)
  • 8 Sur l’inventaire des livres de Clémence de Hongrie, « livres de chapelle, “romans” et autres livres (...)
  • 9 Le manuscrit Rouen O. 4 porte l’écu des comtes de Valentinois-Poitiers exécuté au xve siècle (au fo (...)

3Le manuscrit O. 4 de la Bibliothèque municipale de Rouen servira de référent visuel à l’approche iconographique et textuelle de ce récit et de sa moralisation4. Il passe pour le plus ancien exemplaire conservé de l’Ovide moralisé, daté des années 1315-13205. Il précède de peu une autre version enluminée du texte, moins riche et mutilée, conservée à la Bibliothèque de l’Arsenal (manuscrit 5069). L’illustration du manuscrit Rouen O. 4 est attribuée par les spécialistes à deux artistes différents : le Maître de Fauvel, qui a exécuté la plupart des enluminures, et un second peintre identifiable avec Pierre de Beverley, qui illustre un exemplaire de Végèce, conservé à la Bibliothèque nationale de France (manuscrit latin 7470)6. La main anonyme du Maître de Fauvel tire son appellation de l’illustration du Roman de Fauvel de Gervais du Bus (interpolé par Chaillou de Pesstain) dans le manuscrit français 146 de la Bibliothèque nationale de France. Leur corpus démontre que l’un et l’autre peintres travaillent pour une clientèle parisienne, aristocratique et princière, voire royale. Une fois étayée la position de ces deux maîtres auprès de la cour de France dans le premier tiers du xive siècle, il est permis d’identifier le manuscrit O. 4 avec l’Ovide Moralisé mentionné dans l’inventaire après décès des biens de la défunte reine Clémence de Hongrie en 13287. Son signalement est le suivant : « Premièrement, un grand “roman” couvert de cuir vermeil des Fables d’Ovide, qui sont ramenées à une moralité sur la mort de Jésus-Christ, prisé 50 l. [livres] parisis ; vendu au roi et livré comme ci-dessus8 ». Si le manuscrit de l’inventaire et le manuscrit O. 4 de la Bibliothèque municipale de Rouen ne font qu’un, il reste encore à démêler sa fortune et son déplacement depuis la librairie royale jusque dans la cathédrale de Rouen, où il est attesté après le xviie siècle9.

  • 10 Dans la partie supérieure figure une numérotation peinte en chiffres romains qui correspond aux enl (...)

4Dans le manuscrit Rouen O. 4, que nous utiliserons donc comme document de référence, trois enluminures accompagnent la portion du poème consacrée aux deux moralisations successives, celle de la dispute pour les armes d’Achille et celle du suicide d’Ajax10. Cette seconde moralisation retiendra d’abord notre intérêt, car ses deux illustrations parallèles (fig. 59 et 60) appellent plusieurs commentaires, et sous le rapport du texte à l’image, et sous celui de la fable à l’allégorie.

Suicide vs martyre : du récit à l’image

  • 11 Fol. 331v, colonne de gauche : v. 1217 à 1254. (de « Deigna prendre incarnacion » à « Qui sauva tou (...)

5Au folio 331v, dans la colonne de gauche, s’achève la première glose autour des mérites respectifs de Jésus et Jean. La seconde colonne reprend le récit d’Ovide au moment du suicide d’Ajax11. L’histoire est donc illustrée par l’encart qui la précède, où l’on voit Ajax seul sur un fond quadrillé pourpre se donner la mort par l’épée (fig. 59). La deuxième image présente une Décollation de saint Jean sur fond or (fig. 60), encadrée par les vers qui concernent encore Ajax, et posée juste au-dessus du vers « Mors est Ajax. Ce fut grant perte » (v. 1289).

6Ces interférences du texte et de l’image sont nées d’une pratique de la lecture du poème, et d’un usage conscient des vertus du discours visuel. La lettre du texte renvoie, en écho interne, au vers qui disait la mort d’Achille au livre XII en des termes très similaires (v. 4779 : « Mors est Achille. C’est damages »). Mais sa mise en exergue, obtenue par l’initiale et la vignette peintes, en stimulent la mémoire par surcroît. Inscrit dans le prolongement de la ligne médiane qui traverse l’enluminure de gauche, ce même vers 1289 remplit un rôle de légende pour l’image latérale du Suicide d’Ajax. Force est de noter que sur cette page, le texte ne traite pas encore du Baptiste, et il faut attendre le milieu du folio suivant pour prendre connaissance de la glose johannique. Ainsi l’image anticipe-t-elle avec audace l’écriture, et ce pour le plus grand bénéfice de l’allégorie. Car au vers « Mors est Ajax… » revient double valence, à la fois légende adjacente et fable sous-jacente. Son voisinage immédiat avec la Décollation du Baptiste instaure, dans ses interactions entre lettre et image, une confusion paradoxale entre les deux morts d’Ajax et de Jean.

  • 12 A. Bayet, Le suicide et la morale, Paris, Alcan, 1922, p. 208 ; D. de Chapeaurouge, « Selbstmorddar (...)
  • 13 Isaïe 49, 2 : « Dominus posuit os meum quasi gladium acutum », utilisé pour signifier la parole tra (...)
  • 14 Apocalypse 2, 16 (qui renvoie aussi à Isaïe 49, 2).
  • 15 É. Mâle, L’art religieux du xiiie siècle en France, Paris, Livre de poche, 1990, d’après rééd. 1948 (...)

7Ce paradoxe exégétique n’échappe pas au glossateur, qui parvient à l’amener graduellement à travers son argumentation allégorique : la comparaison porte d’abord sur la seule force et la vigueur d’Ajax dans la bataille, qui sont rapprochées du courage des premiers martyrs (v. 1307-1314) ; puis elle glisse vers le mépris de leur corps pour mieux obtenir leur salut (v. 1315-1318) ; puis, seulement après ce détour, est inséré le martyre de Jean. L’auteur n’emprunte pas les quelques cas rapportés dans l’Ancien Testament de suicides par l’épée, dont celui de Saül fournit l’exemple le plus célèbre, sans doute parce qu’il n’appartient pas au répertoire exégétique et figuratif commun12. En outre, la volonté mortifère d’Ajax est gommée comme donnée directe, mais réintroduite à travers la volonté du Baptiste de dénoncer la félonie d’Hérode. Car il était conscient d’enclencher lui-même la procédure qui le menait à sa mort, puisqu’aux dires du poème, il « se mist a temporel martire / dou glaive de sa propre bouche » (v. 1324-1325). Ce rapprochement de la bouche et du glaive me semble un dérivé poétique d’un passage de l’hymne de la Saint-Jean-Baptiste au 24 juin, chantée à l’introït, qui provient du prophète Isaïe13. Elle évoque aussi un autre répertoire fondamentalement visuel, celui de la Vision du Christ à Patmos dans le livre de l’Apocalypse. Le Fils de l’homme y apparaît à Jean l’évangéliste, un glaive lui barre horizontalement les lèvres, ce qui veut signifier la vérité de la parole divine, parole de vie éternelle, mais aussi parole de mort temporelle14. Cette image nourrissait un sentiment de familiarité chez un chrétien de ce siècle, comme en témoignent plusieurs représentations dans la sculpture ou la peinture sur verre des cathédrales gothiques de la France du Nord15. On mesure mieux encore la force évocatrice de ce vers à travers la conjonction de ses occurrences textuelles et plastiques contemporaines.

  • 16 Les encyclopédies modernes de botanique qualifient d’herbe de saint Jean plusieurs autres plantes ; (...)

8La métaphore reprend dans la suite du poème autour du thème de la fleur, la « jaunete flor » (v. 1292) qui naquit du sang répandu d’Ajax, et la fleur de sainteté qui s’épanouit aux cieux en la personne du Baptiste (v. 1329-1332). L’auteur n’ignore pas que l’Église le célèbre solennellement, non seulement à l’occasion de sa mort (le 29 août) comme pour les autres saints, mais aussi au jour de sa naissance (le 24 juin) – ce dont lui seul, avec la Vierge, ont le privilège d’être gratifiés au même titre que le Christ. La fleur d’Ajax est dite ressembler au lys, n’était sa couleur jaune (v. 1294-1295). Elle ne fait pas l’objet d’un détail de l’enluminure, ni d’une description suffisante. On s’interrogera cependant sur l’association que cette fleur jaune d’Ajax et du Baptiste pouvait éveiller chez le lecteur, à travers une réalité botanique de l’Europe septentrionale, la plante nommée hypericum, et son appellation commune, l’herbe de saint Jean, parce qu’elle pousse à la fin du mois de juin. C’est le millepertuis des herbiers, qualifié dès la fin du Moyen Âge d’« herbe saint Jehan16 ».

  • 17 E. Weis, « Johannes der Täufer (Baptista), der Vorläufer (Prodromos) », LCI, vol. 7, col. 170-190, (...)
  • 18 Les manuscrits envisagés sont facilement consultables sur le site Mandragore de la Bibliothèque nat (...)

9Dans cette moralisation, de quel discours spécifique les illustrations sont-elles porteuses ? Si l’écriture procède ici habilement, par petites touches successives, attentives à créer un simple réseau d’assonances entre allégorie et fable, la mise en image, en revanche, instaure crument des parallélismes contraignants entre martyre et suicide. La représentation de la Décollation de saint Jean trouve dans l’iconographie johannique de nombreuses occurrences contemporaines de l’exécution du manuscrit rouennais. Elle existe dans une variante à deux personnages, Jean penché hors de sa prison empoigné par son bourreau, ou à trois personnages, avec Salomé s’apprêtant à recueillir dans un plat creux le chef du martyr, éventuellement accompagnée de sa mère Hérodiade17. Dans l’enluminure de la France du Nord, un échantillon de manuscrits célèbres, choisi entre 1285-1290 et les années 1330, et dans le milieu princier, montre que le manuscrit de Rouen s’inscrit bien dans cette lignée iconographique (voir fig. 61)18. Seuls sont cités dans l’allégorèse Hérode et Hérodiade, sa belle-sœur qu’il prit pour femme (v. 1328), mais le choix de la version iconographique à trois personnages doit s’interpréter comme le moyen d’insinuer le lien direct entre le martyre du Baptiste et sa dénonciation de la situation familiale d’Hérode.

10L’image d’Ajax, pour sa part, trouve sa série iconographique dans la représentation des Vices : non pas en tant que Suicide, puisqu’il n’existe pas en tant que tel dans le septénaire des vices, mais dans l’iconographie de la colère, Ira, ou plus rarement du désespoir lié à l’acédie. Ainsi, dans les soubassements sculptés aux façades des grandes cathédrales du xiiie siècle, à Amiens ou à Paris, les médaillons représentent vertus et vices par couples antithétiques, comme à Notre-Dame de Paris, la Desesperatio qui se transperce d’une épée (fig. 63).

  • 19 C. Casagrande et S. Vecchio, Histoire des péchés capitaux au Moyen Âge, Paris, Aubier, 2009, p. 93- (...)
  • 20 Ces manuscrits sont accessibles en ligne sur le site Mandragore ou sur celui de la Morgan Pierpont (...)

11Parce que toutes ces notions sont, en latin, des substantifs féminins et que depuis la Psychomachie de Prudence, elles sont personnifiées sous l’apparence de femmes, la sélection est principalement féminine19 : dans le manuscrit du Roman de Fauvel exécuté vers 1320 (manuscrit BnF français 146 déjà cité, fol. 13v), Tristesse et Colère siègent à proximité, sous deux arcs à redents trilobés ; un exemplaire du Roman de la Rose (New York, Pierpont Morgan Library, manuscrit M. 324, fol. 89v) donne le suicide de Didon selon la même formule. L’attitude est plus proche de celle d’Ajax, le corps fléchi sur sa droite, mais la date plus tardive, dans les années 1345-1355. Il faut noter spécialement le geste de la main gauche, paume ouverte, qui marque apparemment l’abandon de la maîtrise de soi qu’entraîne la colère20.

  • 21 Thomas de Celano, Vita prima, 55, traduction française dans François d’Assise. Écrits, vies, témoig (...)

12Si l’illustration du poème charge nécessairement de tout son arrière-plan iconographique les comparaisons allégoriques que la rédaction voulait légères et pleines de doigté, elle a le mérite aussi de nous donner à voir la compréhension immédiate de ses lecteurs, moins nuancée et plus brute, et, doit-on croire, plus conforme à la réalité de la réception de ces moralisations. Pour les morts comparées d’Ajax et de Jean, ce rapprochement inédit ne pouvait que laisser le lecteur dans l’embarras ou, tout au moins, dans la délicieuse perplexité de se trouver aux limites de la senefiance autorisée. En effet, le problème n’est pas, fondamentalement, de suggérer les entrelacements du martyre chrétien et du suicide, en les translatant en léger décalage sur les deux colonnes du feuillet. Sans remonter aux temps primitifs de l’Église, l’histoire récente peut suffire à prouver l’ambivalence de l’auto-sacrifice. Il suffit de retenir l’anecdote prise chez saint François lui-même, parti chercher le martyre auprès des Musulmans (en vain à son grand regret), ou l’exemple de cinq frères de son ordre, dont l’espoir de martyre fut couronné de succès21. Le glossateur pouvait donc miser, dans son texte, sur cette combinaison. En revanche, en examinant la série iconographique, on perçoit l’amalgame visuel opéré entre Martyre et Colère, et, pour en tirer tous les fils, c’est elle qui reconduit à la vérité du geste meurtrier d’Ajax que la moralisation avait voulu occulter : perclus de jalousie, fou de colère, voilà réellement Ajax lorsqu’il se perçait la poitrine d’un glaive. L’association avec le Martyre du saint n’en paraît que plus audacieuse.

Tradition iconographique, hardiesse exégétique

  • 22 Pour une lecture politique de cette moralisation, voir V. Minet-Mahy, « Odyssées maritimes et trans (...)

13La précédente enluminure de saint Jean se trouve au folio 329v (fig. 62), posée sous la ligne médiane de la colonne, où se referme visuellement le débat entre Ajax et Ulysse suivi de la décision des barons, et elle matérialise l’introduction de la première allégorèse johannique22.

  • 23 Un autre attribut peut revenir au Baptiste, mais plus rarement : la hache au pied de l’arbre. Voir (...)
  • 24 Pour l’iconographie johannique, toujours E. Weis, « Johannes der Täufer », LCI, vol. 7, col. 182.
  • 25 Jacques de Voragine, La légende dorée, éd. A. Boureau et alii, Paris, Gallimard, 2004, chapitre 121 (...)

14Sur un élégant fond où le quadrillage losangé alterne d’or et de bleu, le Baptiste est représenté muni de son attribut iconographique le plus diffusé, un agneau, qui dérive de ses propres paroles rapportées dans l’évangile de Jean, lorsqu’il désigne Jésus comme l’Agneau de Dieu, celui qui enlève les péchés du monde (Jean 1, 29)23. Avec l’action d’avoir baptisé le Christ lui-même, cette profession de foi le définit comme le prophète inspiré au tournant de l’Ancien Testament et des Évangiles, et elle lui vaut, à côté du surnom de Baptiseur, le titre de Précurseur, qui vient préparer les chemins du Seigneur. Dans l’art, l’Ecce Agnus Dei a été reporté littéralement sous les traits d’un agneau. Tête communément ceinte du nimbe crucifère et patte tenant une longue hampe terminée en croix (crux hastata), il apparaît tantôt figuré comme un animal vivant, tenu dans les bras de Jean ou avançant à ses côtés, tantôt sous la forme d’un agneau héraldique, parfois inscrit dans un médaillon. C’est sous cette dernière variante qu’il est représenté dans notre manuscrit, montré de la main droite par le Précurseur24. L’index du saint, qui désigna ainsi le Christ, est spécialement mentionné dans l’hagiographie johannique, et au plus proche des années 1300, dans la Légende dorée du dominicain Jacques de Voragine, parce qu’il fait l’objet d’un culte spécifique dans une église de Saint-Jean-de-Maurienne25.

  • 26 Paris, BnF, manuscrit français 19093, fol. 25v, fig. 64 (consultable sur Mandragore). En dernier li (...)

15La formule iconographique du manuscrit rouennais s’avère donc fort traditionnelle dans la sculpture et la peinture, par exemple aux piédroits des cathédrales gothiques françaises. Sans doute d’après un modèle sculpté, Villard de Honnecourt la copie sous cette forme dans son carnet de dessins (v. 1230), au point que, malgré la vacuité du médaillon et l’anonymat du personnage qui le porte, rien n’empêche d’y reconnaître le type du Baptiste (fig. 64)26.

  • 27 Y. Coativy, « Aux origines des agnels et moutons d’or royaux », Bulletin de la société française de (...)
  • 28 La principale variante entre les deux règnes tient à la présence d’un trèfle (ou marteau) sous l’in (...)

16Dans le Livre d’images de Madame Marie que l’on a déjà signalé pour les années 1285-1290 (BnF, manuscrit Nouvelles acquisitions françaises 16251, fol. 58r), le médaillon est soutenu de l’avant-bras gauche et calé au milieu de la poitrine, mais toujours désigné de la main droite. L’agneau inscrit dans un cercle, tête retournée vers la croix, correspond au type de la monnaie d’or frappée à l’agnel, dont la frappe aurait été mise au point sous Louis IX, mais dont la diffusion se déploie sous les règnes de Philippe le Bel et Philippe V, c’est-à-dire au moment de l’exécution probable du manuscrit de Rouen (fig. 65)27. On suspectera un effet de réciprocité iconographique. Il est probable que la monnaie a largement contribué à fixer l’orientation de l’agneau, par le fait qu’on voit encore, jusqu’au milieu du xiiie siècle, l’agneau disposé encolure à droite, tandis qu’il est régulièrement orienté à gauche par la suite. En revanche, il n’est pas possible d’utiliser les variantes de frappe entre l’agnel de Philippe IV (en 1311) et celui de Philippe V (1316), pour espérer dater notre enluminure de l’un ou l’autre règne28.

  • 29 Sur cette rivalité historique dans les premiers temps du christianisme, voir Jean Daniélou, Jean-Ba (...)

17Nous n’avons donc repéré aucune spécificité iconographique dans ce Baptiste du manuscrit rouennais, mais cette parfaite canonicité de l’image n’en rend que plus percutante la hardiesse de l’interprétation qui suit dans le texte. Pour le moraliste, l’antagonisme des deux Grecs préfigure la concurrence de Jean et de Jésus. Ou plus précisément, cette analogie binaire est contournée par l’introduction d’un troisième terme, les barons juges de la dispute. Autour d’eux, assimilés aux chefs religieux juifs, s’opère la mutation de sens. Le débat d’Ajax et Ulysse est rapporté à l’hésitation des hommes du Nouveau Testament sur la véritable identité du Messie, qui du Baptiste, qui du Christ. Simples auditeurs de l’altercation dans la fable, les barons fournissent le pivot essentiel au glissement dans l’allégorèse. Les règles de la logique sont mises à mal, puisque cela revient à imputer l’objectivité du litige à la subjectivité du jury. Mais l’analogie, sans ce sophisme, serait insoutenable en termes d’exégèse. Ce procédé rhétorique prouve, une fois encore si besoin en était, la grande maîtrise du glossateur, qui évolue aux marges de l’orthodoxie exégétique, en repoussant au maximum les limites de la fantaisie typologique. Très libre dans ses comparaisons, voire d’une imagination débridée, et simultanément solide dans son écriture et instruit de théologie, il reverse chez son lecteur ce trop-plein d’effervescence intellectuelle, qui fait toute la séduction de son œuvre. Et par parenthèses, pour ce qui concerne les liens de Jésus et de Jean, il anticipe certaines analyses historiques modernes, qui s’appuient évidemment sur d’autres sources, à propos de la confrontation de diverses sectes messianiques dans la Judée du premier siècle de notre ère29.

18Où l’auteur trouve-t-il l’argument déclencheur de sa moralisation ? Il s’appuie sur le premier chapitre de l’évangile de Jean (1, 19), où les prêtres et lévites viennent interroger le Baptiste sur son identité réelle : « Qui es-tu ? Es-tu Élie, le prophète ? ». On notera que, stricto sensu, ces Juifs n’affirment pas qu’il est l’oint du Seigneur, ils se contentent de l’interroger. C’est Jean qui, à la première demande, répond : « Je ne suis pas le Christ ». Chez l’évangéliste Matthieu (3, 15), c’est le peuple, dans l’expectative, qui se demandait en son cœur s’il n’était pas le Christ. Les deux mentions néotestamentaires sont présentes, mais très brèves, et les dénégations du Baptiste immédiatement opposées à l’attente de ses interrogateurs. Nous sommes donc loin des prétentions d’Ajax, autant, vice versa, que le plaidoyer perfide d’Ulysse est éloigné des hommages nombreux que Jésus rend à Jean dans les évangiles.

19Du reste, force est de constater que le commentaire allégorique revient très vite sur les rails de l’exégèse traditionnelle, pour rappeler les principaux traits du Baptiste qui sont amenés graduellement en un premier mouvement à trois temps (environ cent trente vers). Un bloc d’une quarantaine de vers décrit d’abord sa vie érémitique et pénitente, puis ses appels au repentir des foules, à la purification et à la conversion, son combat contre les vices (v. 950 et suivants). Un second temps rassemble les paroles de Jean, citées au style direct (v. 997-1020) : il est la voix qui crie dans le désert ; il n’est pas le Messie, car après lui vient un plus grand que lui, dont il n’est pas digne de dénouer les courroies de la sandale. Enfin (v. 1025 et suivants) intervient la rencontre avec le Christ, le Fils de Dieu sans péché, venu néanmoins demander le baptême de Jean. Le poème met alors dans la bouche du Baptiste les mots de l’Ecce Agnus Dei. Puis se conclut l’ample mouvement ternaire par l’idée initiale, qui déterminait la moralisation, sur les mérites extrêmes de Jean qui l’avaient pu faire considérer comme le Sauveur. Ressurgit alors à l’esprit du lecteur la vignette de Jean à l’Agnus, introduite deux feuillets plus tôt, dont s’épanouit tout le sens, comme en musique une note tenue longuement et devenue à peine audible, retrouve la ligne mélodique au point d’orgue. Il ne fait aucun doute que l’organisation décorative du manuscrit relève d’une parfaite intelligence du texte. Et l’iconographie d’un classicisme un peu plat, que nous avions d’abord signalée, sort renouvelée de son intégration dans la mise en page de l’œuvre.

  • 30 Pierre Damien, Sermo XXIII. I. In nativitate S. Joannis Baptistae, Patrologia latina, éd. J.-P. Mig (...)

20L’allégorie repart (au v. 1053) sur un deuxième mouvement (environ deux cents vers), clairement signalé dans la page par une initiale ornée, consacré alors au seul Christ et à son identification possible avec Ulysse, « plein de sens » face à sa « vraie sapience » divine. Jean est exclu de cette partie du commentaire, si ce n’est lorsque le moraliste compare la lignée d’« évêques » dont il est issu (pour dire, sous une plume chrétienne, la tribu des Lévites de son père Zacharie, le grand-prêtre) avec la plus haute naissance encore du Christ, qu’il décrit fils de rois et d’« évêques » tout ensemble. Les évangiles mettent bien en valeur le lignage davidique et donc royal de Jésus ; en revanche, il n’y a point d’« évêques ». Le terme doit dériver du commentaire mystique de l’épître aux Hébreux où le Christ est appelé « grand-prêtre dans l’ordre de Melchisédech » (Hébreux 7). En posant ce double lignage, le glossateur prévenait tout doute sur la supériorité de Jésus en termes de naissance. Il existe en effet une tradition exégétique moins favorable sur ce point au Christ qu’à Jean, que l’on trouve transcrite dans un sermon consacré au Baptiste, au milieu du xie siècle, attribué à Pierre Damien. La comparaison y porte sur les annonces respectives des naissances du Précurseur et de Jésus rapportées à la qualité de leurs parents, et elle s’inverse audacieusement au détriment du Christ : « digniore praemonstratione Joannes nuntiatur quam Christus30 ». L’annonce de la naissance de Jean eut lieu, dit-il, selon un mode opératoire plus digne que l’annonciation de Jésus. Pour ce dernier, une chambre à coucher sans doute, mais pour Jean, le temple, et non seulement le temple, mais le saint des saints, et à l’heure solennelle de l’encens. Le même archange, mais un lieu plus digne, un temps plus sacré, un miracle plus visible aux yeux de tous, voilà les ingrédients de l’annonce à Zacharie, selon Pierre Damien. À certains égards, ils relèvent d’une comparaison dérivée des images mieux que des textes, et ils continuent d’être valables en 1300, comme au xie siècle. Dans le poème, l’insistance sur la généalogie royale et épiscopale du Christ éludait ainsi cette possible interprétation.

21À la recherche d’une compétition entre le Précurseur et le Christ, les éléments inventoriés dans le répertoire textuel ou iconographique portent donc uniquement sur les conditions spatio-temporelles de leurs deux conceptions miraculeuses, en termes de dignité et d’éclat. Le sondage mené est sans doute trop ponctuel, mais il laisse apparaître l’opinion commune, orthodoxe et attendue : Jean est admirable, mais Jésus est Fils de Dieu, ils sont donc incomparables. Mis à part dans l’annonce de leurs naissances, les sources de la Tradition n’osent aucune comparaison, car le soupçon d’une rivalité ne saurait même être soulevé. Difficile pour nous de récolter là où il y a seulement unanimité !

Essai d’interprétation franciscaine

  • 31 D. Burr, The spiritual Franciscans. From protest to persecution in the century after saint Francis, (...)
  • 32 Pierre de Jean Olivi (1248-1298). Pensée scolastique, dissidence spirituelle et société, éd. A. Bou (...)

22C’est en cherchant à contextualiser la composition de l’Ovide moralisé dans la mouvance franciscaine des années 1300 que Jean et Jésus sont apparus dans une perspective de controverse, autour du thème de la pauvreté du Christ31. On sait que, dans les dernières décennies du xiiie siècle, les frères Mendiants sont traversés par de profonds mouvements de réflexion sur la légitimité de leur enrichissement, que l’on a qualifiée de question de l’usus pauper, c’est-à-dire qu’elle porte non pas seulement sur la propriété collective et individuelle du frère, à laquelle par son vœu solennel il a déjà renoncé, mais sur les pratiques d’une consommation limitée des biens, d’un usage pauvre du monde, érigé en forme de quatrième vœu (avec la pauvreté, l’obéissance et la chasteté) fait à l’observance de la règle franciscaine. Les répercussions de cette controverse touchèrent spécialement les régions de l’Italie centro-septentrionale et du Sud de la France, et plutôt les hautes sphères du pouvoir ecclésial, et des penseurs de l’ordre Mendiant. Au centre de cette question, la figure de Pierre de Jean Olivi est emblématique, tant de son vivant, à partir des années 1270, qu’après sa mort et la condamnation de sa doctrine sous les papes Clément V et Jean XXII32. Autour de lui s’est dégagé un groupe qualifié de spirituels, tandis que la majorité de la communauté franciscaine (appelée souvent conventuels) cherchait à justifier une voie moyenne. Sous la plume de deux intellectuels partisans de la communauté, on a trouvé à l’œuvre une réflexion aiguisée sur les notions de pauvreté, d’indigence et d’austérité, forgée pour mieux définir l’usus pauper dans la querelle franciscaine, mais riche d’interprétation pour le passage johannique de l’Ovide moralisé. Pour eux, l’usage pauvre du monde constitue l’une des formes incluses dans le vœu Mendiant de pauvreté, mais non la substance même de ce vœu. En considération de cela, un frère pouvait être nommé évêque et fréquenter les palais épiscopaux sans violer son vœu. Il y a fort à penser que notre auteur, qui côtoyait la cour royale où il reçut apparemment la commande de l’Ovide moralisé, sous Philippe IV ou sous Philippe V, devait se satisfaire d’une telle argumentation.

  • 33 « Ergo egestas non est de integritate substantiae paupertatis », dans A. Heysse, « Fr. Richardi de (...)
  • 34 « […] Christus fuit perfectissime pauper et pauperior Ioanne Baptista, sed non austerior […] Christ (...)

23Ces deux scolastiques Mendiants sont Richard de Conington, maître à Oxford puis à Cambridge de 1305 à 1310 (mort en 1330), et Pierre Auriol, maître à l’université de Paris entre 1318 et 1320, puis archevêque d’Aix (mort en 1322). Ils rédigent respectivement un Traité sur la pauvreté franciscaine, que l’on date des alentours de 1310, et une Question sur l’usage pauvre (vers 1320 ?). Le Baptiste, écrit l’oxonien, connut une plus grande indigence que le Christ et les apôtres, car il ne mangeait ni ne buvait, tandis que le Christ et les apôtres mangeaient et buvaient et participaient à de nombreux banquets. Pourtant, le Baptiste ne connut pas une pauvreté substantiellement plus stricte, car personne ne se dépouilla davantage que le Christ. C’est pourquoi, conclut-il, l’indigence ne définit pas la substance stricte de la pauvreté33. Pour Pierre Auriol, le Christ fut pauvre dans toute sa perfection et plus pauvre que Jean, mais non plus austère ; ainsi la pauvreté n’est pas l’usage, donc l’usage ne définit pas la pauvreté. Et de comparer la tunique du Christ élaborée sans couture avec la rude peau de chameau de Jean, les repas de Jésus avec les sauterelles et le miel sauvage qui nourrissaient le Baptiste, les maisons de Simon, Marthe et Marie, où il trouva l’hospitalité, avec le désert de Judée que hantait l’ascète. Par sa consommation, Jean fut plus pauvre que le Christ, mais, en vérité, conclut-il, c’est le Christ qui le fut, car il abandonna ses droits et son dominium34.

24Ainsi dans ces deux passages, la vérité de la pauvreté christique ne peut se réduire à son mode de vie, à un usage des biens de consommation, mais elle tient à l’Incarnation, par laquelle Dieu renonce à son droit divin, à sa toute puissance. Pour le dire avec les mots du moraliste chrétien, « ce fu la sainte deité / conjointe a humaine nature » (v. 1220-1221). Pour le décrire dans les termes de la fable ovidienne, c’est la statue de Pallas que dérobe Ulysse pour permettre la victoire des Grecs : aux v. 1215-1219, « Jesus en la Vierge pucelle / […] deigna prendre incarnacion, / si en traist le Palladion / le jor de la nativeté ». Il me semble que le ressort de l’allégorèse johannique relève d’un réseau similaire à celui employé par ces maîtres franciscains, où la réflexion subtile vise pareillement à distinguer pratique et droit, apparence et substance.

  • 35 Ces arguments sont rassemblés chez M.-R. Jung, « Les éditions manuscrites », p. 252-253.
  • 36 « Vendront a Rome, ou jadis iere / li chiez de la crestienté », livre XIV, v. 3422-3423. Que signif (...)
  • 37 Sur la fixation des papes dans Avignon, d’un point de vue administratif et résidentiel, remarques s (...)

25Pour finir, la date de composition des deux traités franciscains peut-elle servir à cerner la chronologie de la rédaction du poème ovidien ? Rappelons que les éléments de la datation reposent sur le prologue de Pierre Bersuire vers 1340, qui lie l’Ovide moralisé à une certaine reine Jeanne, un prénom partagé par les épouses de trois des rois de la première moitié du xive siècle – tous trois pareillement prénommés Philippe. L’existence de l’exemplaire de Clémence de Hongrie dans l’inventaire posthume de 1328 fait écarter l’épouse de Philippe VI, qui accède au trône cette même année. Pour décider entre Jeanne de Navarre, reine aux côtés de Philippe IV de 1285 à sa mort en 1305 (neuf ans avant le roi), et Jeanne de Bourgogne, auprès de Philippe V, de 1316 à sa mort en 1329 (sept ans après son époux), d’autres arguments ont été avancés, qui militent en faveur de Jeanne de Bourgogne35. Mais ils me semblent encore fragiles. Le premier utilise la convergence très probable entre le manuscrit O. 4 de la Bibliothèque municipale de Rouen et celui de Clémence de Hongrie, et l’évaluation stylistique des peintures autour de 1320. Mais c’est considérer abusivement que le manuscrit de Rouen serait non seulement la plus ancienne copie conservée, mais encore la première version existante de l’œuvre. Il est hautement probable que Clémence a fait composer d’après modèle un exemplaire pour son usage personnel. Mais ce modèle pouvait provenir de sa défunte belle-mère, Jeanne de Navarre, autant que de sa belle-sœur, Jeanne de Bourgogne. Le second élément dépend de deux vers du livre XIV, interprétés comme une allusion à l’installation des papes à Avignon, qui induirait une rédaction postérieure à 1309, et disqualifierait la première Jeanne (morte en 1305)36. L’intérêt indéniable de l’argument doit toutefois être tempéré par la réalité historique du déplacement pontifical : d’abord parce qu’il commence hors de Rome dès le début du règne de Clément V (en 1305), ensuite parce que le séjour avignonnais est longtemps considéré comme seulement temporaire, à l’instar des nombreux séjours que les papes opèrent hors de l’Urbs au cours du xiiie siècle37.

26Les activités intellectuelles de Pierre Auriol et Richard de Connington se sont exercées au cours de la deuxième décennie du siècle. Mais, disent les spécialistes, leurs travaux sont élaborés en des termes qui auraient pu servir à l’identique dès les années 1280. Il n’est donc pas non plus possible de produire leurs opuscules comme des preuves contraires à l’hypothèse d’une rédaction sous Jeanne de Navarre. En outre, il s’agit non d’ouvrages consacrés au Baptiste, mais d’une incise dans la somme de leur production, et nous n’inférons pas que le moraliste ait lu l’un ou l’autre traité. Mais on ne saurait nier que l’étonnante glose johannique du livre XIII de l’Ovide moralisé s’inscrit dans ce courant de pensée comparatiste, qui a été suscité à la fin du xiiie siècle et s’est déployé dans le cadre de la controverse franciscaine sur l’usus pauper.

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Notes

1 Ovide moralisé. Poème du commencement du xive siècle publié d’après tous les manuscrits connus, éd. C. De Boer, 5 vol., Amsterdam, 1915-1918.

2 A. Vauchez, François d’Assise, entre histoire et mémoire, Paris, Fayard, 2010, p. 31-32, 298, 469 ; et, ponctuellement, V. Rouchon Mouilleron, « Entre Orient et Occident : l’image de saint Jean du xie au xive siècle », Revue de l’art, numéro spécial 158, 2007-4, Art médiéval de la Méditerranée, p. 35-45.

3 M. Possamaï-Pérez, L’Ovide moralisé. Essai d’interprétation, Paris, Champion, 2006, spéc. p. 717-782 ; S. Douchet, « La Genèse entre création et mutacion. Remarques sur l’Ovide moralisé et la pensée de saint Bonaventure », Nouvelles études sur l’Ovide moralisé, éd. M. Possamaï-Pérez, Paris, Champion, 2009, p. 49-68.

4 Rouen, Bibliothèque municipale, manuscrit O. 4 (1044 dans H. Omont, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements, tome I : Rouen, Paris, 1886, p. 263), 350x270 mm, 432 folios, 55 cahiers, rédigé sur deux colonnes, 453 enluminures (de la largeur d’une colonne, sauf au fol. 1r).

5 Pour resituer ce manuscrit parmi les différentes versions conservées, M.-R. Jung, « Les éditions manuscrites de l’Ovide moralisé », Romanistische Zeitschrift für Literaturgeschichte, 20, 1996, p. 251-274. Sur les versions rattachées au même groupe, C. Lord, « Three manuscripts of the Ovide moralisé », Art Bulletin, 57, 1975, p. 161-175 ; J. Drobinsky, « La narration iconographique dans l’Ovide moralisé de Lyon (BM ms. 742) », Ovide métamorphosé. Les lecteurs médiévaux d’Ovide, éd. L. Harf-Lancner, L. Mathey-Maille et M. Szkilnik, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2009, p. 223-259. Sur l’usage d’Ovide dans l’art médiéval, C. Rabel, « Ovidio Nasone, Publio », Enciclopedia dell’arte medievale, IX, Roma, Treccani, 1998, p. 38-41 ; Ovid in the Middle Ages, éd. J. G. Clark, F. T. Coulson, K. L. McKinley, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, en part. C. Lord, « A survey of imagery in medieval manuscripts of Ovid’s Metamorphoses and related commentaries », p. 257-283.

6 Nous renvoyons aux descriptions et à la bibliographie qui entourent ce manuscrit chez : F. Avril, Les fastes du gothique, Le siècle de Charles V, Paris, RMN, 1981, p. 284-285, notice 230 ; R. H. Rouse et M. A. Rouse, « Thomas of Wymondswold », Journal of the Walters art gallery, 54, 1996, p. 61-68 ; R. H. Rouse et M. A. Rouse, Illiterati et uxorati. Manuscripts and their makers, Londres, Miller, 2000, spéc. vol. I. p. 209-217, et notices de Pierre de Beverley (Peter de Beverlaco) et Maître de Fauvel, vol. II, p. 109 et p. 195-200 ; F. Avril, L’art au temps des rois maudits, Philippe le Bel et ses fils, 1285-1328, Paris, RMN, 1998, notice 194, p. 289.

7 Cette possible identification a été proposée par F. Avril dans les catalogues cités et reprise chez R. H. Rouse and M. A. Rouse, Illiterati et uxorati, aux mêmes pages. À noter cependant que, pour les époux Rouse (Illiterati et uxorati, vol. II, p. 380, n. 60), le manuscrit 5069 de la Bibliothèque de l’Arsenal, également dû à la main du Maître de Fauvel, pourrait aussi être rattaché à Clémence de Hongrie. Dans tous les cas, les deux manuscrits ne sont pas antérieurs au veuvage de la reine, ni sans doute à 1320. Quoique l’exécution du manuscrit O. 4 perde en qualité à partir du folio 126, et qu’il soit même dépourvu d’illustrations à partir du folio 406, ce phénomène de détérioration n’est pas rare (même dans des exemplaires de luxe), ce qui n’élimine pas l’hypothèse d’une commande de la reine Clémence. Identification également examinée par C. Lord, « Marks of ownership in medieval manuscripts : the case of the Rouen Ovide moralisé », Source. Notes in the history of art, 18 / 1, 1998, p. 7-11.

8 Sur l’inventaire des livres de Clémence de Hongrie, « livres de chapelle, “romans” et autres livres », voir en dernier lieu J.-P. Boudet, « La bibliothèque de Clémence de Hongrie : reflet de la culture d’une reine de France ? », La cour du prince. Cour de France, cours d’Europe, xiie-xve siècles, éd. M. Gaude-Ferragu, B. Laurioux, J. Paviot, Paris, Champion, 2011, p. 499-514, citation p. 512. À noter que l’auteur (p. 506, et note 19) considère l’exemplaire cité comme disparu et ne mentionne pas l’identification de F. Avril. D’un avis identique sur cette perte, M.-R. Jung, « Ovide, texte, translateur et gloses dans le manuscrit de l’Ovide moralisé », The medieval opus. Imitation, rewriting and transmission in the french tradition, éd. D. Kelly, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 1996, p. 75-98 (p. 77, note 10).

9 Le manuscrit Rouen O. 4 porte l’écu des comtes de Valentinois-Poitiers exécuté au xve siècle (au fol. 14v) : H. Omont, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Départements, tome I : Rouen, p. 263 ; J. Dupic, « Ovide moralisé. Manuscrit du xive siècle (Bibl. de Rouen Ms. O. 4). Discours de réception de Melle Dupic (23 mars 1946) », Précis des travaux de l’Académie des sciences, belles lettres et arts de Rouen, 1945-1950, 1952 [consulté en tiré-à-part, p. 1-12]. L’analyse doit être menée aussi pour le manuscrit Arsenal 5069, dont la circulation n’est pas davantage clarifiée ; voir H. Martin, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal, Paris, Plon, 1889, tome V, p. 35-36.

10 Dans la partie supérieure figure une numérotation peinte en chiffres romains qui correspond aux enluminures et renvoie à la table des chapitres des premiers feuillets. En chiffres arabes sur les rectos des feuillets figure aussi la foliotation à l’encre noire. Foliotation des pages examinées, et numérotation originelle des enluminures : folio 399v, enluminure 399 [CCC IIII (XX) XIX]. Fol. 331v, enluminures 400 et 401 [CCCC et CCCCI].

11 Fol. 331v, colonne de gauche : v. 1217 à 1254. (de « Deigna prendre incarnacion » à « Qui sauva toute creature ») ; vignette CCCC (Suicide d’Ajax). Colonne de droite : v. 1255 à 1288 (de « Ajax li fors, li viguereux » à « La roidors dou sanc l’en traist fors ») ; vignette CCCCI (Décollation de Jean) ; v. 1289 à 1291 (« Mors est Ajax. Ce fut grant perte » à « Li dieu por remembrer sa mort »).

12 A. Bayet, Le suicide et la morale, Paris, Alcan, 1922, p. 208 ; D. de Chapeaurouge, « Selbstmorddarstellung des Mittelalters », Zeitschrift für Kunstwissenschaft, 14, 1960, p. 135-146 ; J.-C. Schmitt, « Le suicide au Moyen Âge », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 1976, 21 / 1, p. 3-28, spéc. p. 2 et suivantes ; J. Paul et W. Busch, « Saul », Lexikon der christlichen Ikonographie, éd. E. Kirschbaum, G. Bandmann, W. Braunfels (†) [dorénavant cité LCI], Rome-Fribourg-Bâle-Vienne, 1968-1976, rééd. 1990, vol. 4, col. 50-54.

13 Isaïe 49, 2 : « Dominus posuit os meum quasi gladium acutum », utilisé pour signifier la parole tranchante du Baptiste. Voir la version en vulgaire de cette même hymne de la Saint-Jean conservée dans un graduel de Limoges et datée de la seconde moitié du xiiie siècle : « Li biaus sires plens de pitié, / Ausins come glaive aguisié, / Mola ma boche quant li plot / Et il molt bien faire le pot », dans L. Guibert, « Le graduel de la bibliothèque communale de Limoges », Bulletin historique et philologique du comité des travaux historiques et scientifiques, année 1886, Paris, Imprimerie nationale, 1887, spéc. p. 353-354.

14 Apocalypse 2, 16 (qui renvoie aussi à Isaïe 49, 2).

15 É. Mâle, L’art religieux du xiiie siècle en France, Paris, Livre de poche, 1990, d’après rééd. 1948 (1898), p. 643-644.

16 Les encyclopédies modernes de botanique qualifient d’herbe de saint Jean plusieurs autres plantes ; cependant nous renverrons à un livre des simples médecines daté des années 1480 (Paris, BnF, Français 9136, fol. 150r), où c’est l’une des appellations communes de l’hypericum (colonne de gauche, troisième et quatrième ligne), reproduit en peinture dans la colonne de droite, et dont les fleurs sont jaunes.

17 E. Weis, « Johannes der Täufer (Baptista), der Vorläufer (Prodromos) », LCI, vol. 7, col. 170-190, spéc. col. 184, n. 28.

18 Les manuscrits envisagés sont facilement consultables sur le site Mandragore de la Bibliothèque nationale de France. Pour la décennie 1285-1295 : Livre d’images de Madame Marie (Paris, BnF, manuscrit Nouvelles acquisitions françaises 16251, fol. 57v où figure Hérodiade) ; Bréviaire de Philippe le Bel attribué à Maître Honoré et son atelier (Paris, BnF, manuscrit latin 1023, fol 414r). Pour la première moitié du xive siècle : Bible historiale de Guiart des Moulins (Paris, BnF, manuscrit français 152, fol. 399v) ; Vie de saints de l’atelier de Richard de Montbaston (Paris, BnF, manuscrit français 185, fol. 75r, vers 1330) (fig. 61). À propos de l’atelier de Richard et Jeanne de Montbaston, voir R. H. Rouse and M. A. Rouse, Illiterati et uxorati, vol. I, p. 192-193, et p. 235-260.

19 C. Casagrande et S. Vecchio, Histoire des péchés capitaux au Moyen Âge, Paris, Aubier, 2009, p. 93-125 ; M. Evans, « Laster », LCI, vol. 3, col. 15-27.

20 Ces manuscrits sont accessibles en ligne sur le site Mandragore ou sur celui de la Morgan Pierpont Library à New York. Sur le Maître de Fauvel, voir R. H. Rouse and M. A. Rouse, Illiterati et uxorati, vol. I, p. 203-233 ; J.-C. Mühlethaler, Fauvel au pouvoir : lire la satire médiévale, Paris, Champion, 1994, spéc. p. 419 ; Le roman de la rose, l’art d’aimer au Moyen Âge, Paris, BnF, 2012. Sur Didon comme l’un des visages littéraires du suicide, voir M. Desmond, Reading Dido. Gender, textuality and the medieval Aeneid, University of Minnesota Press, 1994.

21 Thomas de Celano, Vita prima, 55, traduction française dans François d’Assise. Écrits, vies, témoignages, éd. J. Dalarun, Paris, Sources franciscaines-Cerf, 2010, vol. I, p. 534-538 ; J. V. Tolan, Les Sarrasins. L’Islam dans l’imagination européenne au Moyen Âge, Paris, 2003, p. 287-310.

22 Pour une lecture politique de cette moralisation, voir V. Minet-Mahy, « Odyssées maritimes et translatio vers la cité de Dieu dans le manuscrit de l’Ovide Moralisé, Rouen BM O. 4 », Cahiers de recherches médiévales, 15, 2008, p. 307-332.

23 Un autre attribut peut revenir au Baptiste, mais plus rarement : la hache au pied de l’arbre. Voir V. Rouchon Mouilleron, « Una scure per l’asceta (migrazione e reinterpretazione di un tema figurativo tra XII et XV secolo) », Atlante delle Tebaidi, éd. A. Malquori, Florence, Centro Di Gli Uffizi, 2013, p. 241-250.

24 Pour l’iconographie johannique, toujours E. Weis, « Johannes der Täufer », LCI, vol. 7, col. 182.

25 Jacques de Voragine, La légende dorée, éd. A. Boureau et alii, Paris, Gallimard, 2004, chapitre 121, spéc. p. 716-717.

26 Paris, BnF, manuscrit français 19093, fol. 25v, fig. 64 (consultable sur Mandragore). En dernier lieu, C. F. Barnes Jr, The portfolio of Villard de Honnecourt (Paris, Bibliothèque nationale de France, manuscrit français 19093). A new critical edition and color facsimile, Farnham-Burlington, Ashgate, 2009, p. 172.

27 Y. Coativy, « Aux origines des agnels et moutons d’or royaux », Bulletin de la société française de numismatique, février 2005, p. 6-9 ; du même, « Les monnaies de Philippe le Bel et leurs avatars », Monnaie, fiscalité, finances au temps de Philippe le Bel, éd. P. Contamine, J. Kerhervé et A. Rigaudière, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2007, p. 141-156, spéc. p. 144-145.

28 La principale variante entre les deux règnes tient à la présence d’un trèfle (ou marteau) sous l’inscription Ph(ilippus) Rex située aux pattes de l’agneau. Il s’agit d’un élément trop discret pour être susceptible d’être répercuté incidemment dans cette enluminure. Voir A. Blanchet et A. Dieudonné, Manuel de numismatique française, tome II, Monnaies royales françaises depuis Hugues Capet jusqu’à la Révolution, Paris, Picard, 1916.

29 Sur cette rivalité historique dans les premiers temps du christianisme, voir Jean Daniélou, Jean-Baptiste, témoin de l’Agneau, Paris, Cerf, 2013 (1964) ; Josef Ernst, Johannes der Täufer. Interpretation. Geschichte. Wirkungsgeschichte, Berlin-New-York, De Gruyter, 1989 ; en dernier lieu, Edmondo Lupieri, Giovanni e Gesù. Storia di un antagonismo, Rome, Carocci, 2013.

30 Pierre Damien, Sermo XXIII. I. In nativitate S. Joannis Baptistae, Patrologia latina, éd. J.-P. Migne, tome 144, Paris, 1880, § 117, col. 628. La paternité de ce sermon lui est contestée par l’éditeur G. Lucchesi (Turnhout, Brepols, 1983, Corpus christianorum. Continuatio medievalis, 57), qui ne retient que les sermons XXIV, p. 148-153, et XXV, p. 154-161.

31 D. Burr, The spiritual Franciscans. From protest to persecution in the century after saint Francis, University Park, Pennsylvania State University Press, 2001, spéc. p. 142 (et note 18, p. 367), p. 231 et 385.

32 Pierre de Jean Olivi (1248-1298). Pensée scolastique, dissidence spirituelle et société, éd. A. Bourreau et S. Piron, Paris, Vrin, 1999, en part. D. Flood, o. f. m., « Poverty as virtue, poverty as warning, and Peter of John Olivi », p. 157-172. On consultera aussi les numéros de la revue en ligne Oliviana. Mouvements et dissidences sprirituels, xiiie-xive siècles, réalisée sous la responsabilité éditoriale de S. Piron : voir en particulier le numéro 4/2012, autour du Traité d’Ubertin de Casale sur la pauvreté du Christ et des apôtres, spéc. sur la lignée olivienne de la réflexion sur l’usus et le dominium, la contribution de Gian Luca Potestà, « Ubertino da casale e la altissima paupertas, tra Giovanni XXII e Ludovico il Bavaro ».

33 « Ergo egestas non est de integritate substantiae paupertatis », dans A. Heysse, « Fr. Richardi de Conington, ordo fratrum minorum, Tractatus de paupertate fratrum minorum », Archivum Franciscanum Historicum, 23, 1930, p. 57-105, 340-360, spéc. p. 71-72 (Quaestio I. De paupertate simpliciter).

34 « […] Christus fuit perfectissime pauper et pauperior Ioanne Baptista, sed non austerior […] Christus fuit Ioanne pauperior quoad abdicationem dominii et iuris, sicut de se testabatur », dans E. Longpré, « Le quodlibet de Nicolas de Lyre, o. f. m. », Archivum Franciscanum Historicum, 23, 1930, p 42-56. L’identification avec Nicolas de Lyre est fausse selon F. Pelster, « Nikolaus von Lyra und seine Quaestio de usu paupere », Archivum Franciscanum Historicum, 46, 1953, p. 211-250 et « Zur Überlieferung des Quodlibet und anderer Schriften des Petrus Aureoli o. f. m. », Franciscan Studies, 14, 1954, p. 408-411. Sur Pierre Auriol, on pourra aussi consulter en ligne The Pierre Auriol Homepage, sous la direction d’universitaires américains.

35 Ces arguments sont rassemblés chez M.-R. Jung, « Les éditions manuscrites », p. 252-253.

36 « Vendront a Rome, ou jadis iere / li chiez de la crestienté », livre XIV, v. 3422-3423. Que signifie l’emploi de « jadis » avec cet imparfait duratif : « il y a longtemps », « pendant longtemps » ou « depuis longtemps » ?

37 Sur la fixation des papes dans Avignon, d’un point de vue administratif et résidentiel, remarques synthétiques dans Histoire du christianisme des origines à nos jours, éd. J.-M. Mayeur, C. Pietri, A. Vauchez, tome VI, Un temps d’épreuves (1274-1449), éd. M. Mollat du Jourdin et A. Vauchez, Paris, Desclée-Fayard, 1990, p. 72-76. Voir aussi P. Montaubin, « De quoi donc Rome fut-elle capitale ? », Les villes capitales au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2006, p. 391-428. À noter enfin que, dans une perspective polémique, les vers cités pourraient tout aussi bien faire écho, d’un point de vue français, à la querelle qui oppose jusqu’en 1303 Philippe le Bel à Boniface VIII, accusé par le roi d’être hérétique et usurpateur, et donc illégitime à la tête de la chrétienté ; voir A. Paravicini Bagliani, Boniface VIII. Un pape hérétique ?, Paris, Payot, 2003, spéc. p. 299-367.

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Pour citer cet article

Référence papier

Véronique Rouchon-Mouilleron, « Ajax et Jean le Baptiste : pour une lecture franciscaine de l’Ovide moralisé ? »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 30 | 2015, 149-166.

Référence électronique

Véronique Rouchon-Mouilleron, « Ajax et Jean le Baptiste : pour une lecture franciscaine de l’Ovide moralisé ? »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 30 | 2015, mis en ligne le 24 février 2019, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/13887 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.13887

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Auteur

Véronique Rouchon-Mouilleron

Véronique Rouchon-Mouilleron est ancienne élève de l’École normale supérieure, agrégée des lettres, docteur en histoire de l’art et maître de conférences en histoire médiévale à l’université Lumière – Lyon 2. Elle conduit des recherches en iconographie et sur l’histoire des images, qui portent spécialement sur la période des xiie-xive siècles, en Italie et en France. Elle étudie également la production des images liée à l’ordre des frères franciscains. Université Lumière – Lyon 2. CIHAM (UMR 5648).
Véronique Rouchon-Mouilleron, a former pupil of the École Normale Supérieure and the holder of an agrégation in literature and a doctorate in art history, is a lecturer in medieval history at Lumière – Lyon 2 University. Her research lies in the fields of iconography and the history of images, focusing particularly on the 12th-14th centuries in Italy and France. She also studies the production of images linked to the Franciscan brothers.

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