Les différents programmes iconographiques
Résumés
L’auteur présente ici les manuscrits enluminés de l’Ovide moralisé selon leur type de programme iconographique : dans les versions en vers, on distingue les programmes « narratifs » qui suivent les récits légendaires et leurs allégories, les programmes limités aux quinze images des dieux antiques au début de chaque livre, enfin ceux qui n’offrent qu’une illustration frontispice. Pour la prose, le manuscrit BnF fr. 137 est le plus richement illustré et certaines éditions incunables comportent aussi des images.
Plan
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- 1 R. Blumenfeld-Kosinski, « Illustration et interprétation dans un manuscrit de l’Ovide moralisé (Ars (...)
- 2 Ovide moralisé, poème du commencement du quatorzième siècle, publié d’après tous les manuscrits con (...)
1L’une des caractéristiques spécifiques des manuscrits enluminés, pour abonder dans le sens des propos de R. Blumenfeld-Kosinski1, c’est que, d’un exemplaire à l’autre, ils ne proposent jamais un programme iconographique équivalent. C’est pourquoi chacun nous offre, sur un même sujet, à travers un choix illustratif différent, une autre interprétation du texte qu’il illustre, une autre glose. Le pouvoir des images est tel que, si leur rapport aux passages qu’elles accompagnent peut être simplement illustratif, il peut aussi compléter l’information, ou encore la modifier en fonction d’événements ou d’idées implicites du texte. Pour ce qui concerne les rapports entre texte et image dans le cadre de l’Ovide moralisé2, les problèmes sont à la mesure de ce monument si complexe de la littérature médiévale.
2Tout d’abord, il faut distinguer les manuscrits glosés et non glosés, ceux qui bénéficient d’allégories et ceux où elles sont supprimées, ceux qui privilégient un système d’illustrations narratives fondé sur la reproduction de scènes mythologiques et allégoriques, et ceux qui se contentent de fournir un inventaire de divinités païennes sans que celles-ci aient forcément à voir directement avec le contexte ; ceux, enfin, qui limitent leur illustration à une seule image liminaire, à valeur programmatrice.
- 3 M. -R. Jung : « Ovide, texte, translateur et gloses dans les manuscrit de l’Ovide moralisé », The M (...)
3Je tenterai ici, en prenant appui sur la recensio des manuscrits de l’Ovide moralisé groupés par « familles » que propose M. -R. Jung dans son article « Ovide, texte, translateur3 », d’inventorier à mon tour l’ensemble des manuscrits enluminés, en vers comme en prose, de l’Ovide moralisé.
- 4 Piramus et Tisbé, éd. F. Branciforti, Florence, Olschki, 1959.
- 5 M. Cavagna, M. Gaggero et Y. Greub, « La tradition manuscrite de l’Ovide moralisé. Prolégomènes à u (...)
4Le stemma codicum de la tradition manuscrite de cette œuvre, tel que l’ont conçu C. De Boer et F. Branciforti4 (ce dernier dans la perspective d’une nouvelle édition de Pyrame et Tisbé, poème inséré dans son œuvre par l’auteur de l’Ovide moralisé), me servira de guide dans cette répartition des manuscrits enluminés par « familles », répartition qui présente toutefois l’inconvénient de laisser de côté les manuscrits en prose. Dans cette perspective, la toute récente étude de M. Cavagna, Y. Greub et M. Gaggero5 me sera d’une aide précieuse.
5Je tiendrai compte autant que possible des différents programmes iconographiques, des filiations que l’on peut observer de l’un à l’autre des manuscrits, ainsi que des objectifs éventuels des enlumineurs, soumis aux desiderata de leurs commanditaires, aux instructions de leurs chefs d’atelier, aux attentes d’un éventuel public élargi, contraints par des modèles ou patrons principalement religieux, peu adaptés à la représentation des divinités païennes et de leurs métamorphoses, et forcés de trouver par eux-mêmes des solutions nouvelles à des problèmes nouveaux.
Les manuscrits en vers
Un programme d’illustrations « narratives »
- 6 En suivant l’exemple de Cavagna et al., « La tradition manuscrite de l’Ovide moralisé », nous appel (...)
6Parmi les manuscrits de l’Ovide moralisé en vers, les plus anciens sont aussi les plus abondamment illustrés, car ils contiennent un programme d’illustrations « narratives », escortant le texte pas à pas, rubrique par rubrique, au fur et à mesure du déroulement des récits fabuleux « traduits », au sens médiéval du terme, des Métamorphoses d’Ovide, et de leurs moralisations successives6. Ce sont les manuscrits :
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A1 : Rouen, Bibliothèque municipale, manuscrit O. 4 (Paris, vers 1315-1325), quatre cent trente-deux folios, quatre cent cinquante-trois miniatures (une à plusieurs miniatures par folio, donc, quoique certains folios en soient dépourvus).
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B : Lyon, Bibliothèque municipale, manuscrit 742 (vers 1390), cinquante-sept miniatures.
A1 : Rouen, Bibliothèque municipale, manuscrit O. 4 (vers 1315-1325)
- 8 Voir Jung, « L’Ovide moralisé : de l’expérience de mes lectures », p. 115.
7L’Ovide moralisé de Rouen fut peut-être offert à Clémence de Hongrie lors de son mariage avec le roi de France Louis X le Hutin (1314-1316), comme pourraient l’indiquer les grandes initiales dorées C et L8 qui ponctuent la table des rubriques.
- 9 Dans son introduction à Le Roman de Fauvel, ed. of Messire Chaillou de Pestain : A reproduction in (...)
- 10 Voir C. Lord, « Three manuscripts of the Ovide moralisé », Art bulletin, 57, 1975, p. 141-175.
8Sur un support en parchemin, les 453 miniatures, d’une facture soignée, sont petites (50 sur 70 mm). Si l’on en croit F. Avril9, elles furent sans doute exécutées à Paris (1313-1315) et dénotent le style du Maître de Fauvel, qui a aussi enluminé le manuscrit plus récent de l’Arsenal10.
9Cet artiste bien connu de la première moitié du xive siècle a notamment exécuté les dessins aquarellés du Roman de Fauvel (Paris, BnF, manuscrit français 146, vers 1320). Il a travaillé dans la capitale pour plusieurs libraires, en particulier Geoffroy de Saint Léger père et fils, Thomas de Maubeuge et Richard de Montbaston, entre 1310 et 1340. Il serait également l’auteur de l’illustration de l’Image du monde (Paris, BnF, manuscrit français 574) et des Grandes Chroniques de France (Paris, BnF, manuscrit français 2615, vers 1316-1322).
10Son œuvre prolifique compte actuellement une cinquantaine de manuscrits. D’abord minutieux, comme dans l’Ovide moralisé de Rouen, son trait devient plus lâche au fil du temps, le dessin prend l’allure d’une esquisse, la couleur semble posée à la hâte. Ces négligences n’effacent cependant pas le caractère vivant des scènes les plus stéréotypées, et lui permettent même peut-être, comme dans l’Ovide moralisé de l’Arsenal, de se consacrer davantage au développement de certaines scènes plus originales, d’améliorer la représentation des métamorphoses et l’expression des émotions par des cadrages plus serrés. Sa production se caractérise par des figures sveltes, aux gestes et aux expressions raffinés. Les couleurs prédominantes sont le bleu foncé et le rouge, le mauve, le doré pour les armures, l’or pour les couronnes des dieux. L’artiste affectionne les fonds diaprés.
11Un deuxième artiste appartenant au cercle de Jean Pucelle aurait secondé le premier pour les folios 48 et 55, 64 et 79. C. Lord le nomme le « Temporary Master » : il semble spécialisé dans les drapés, les plissés, les ombres dramatiques. Ses personnages aux visages fins et aux yeux mélancoliques sont susceptibles d’exprimer, pour reprendre une expression de C. Lord, « une certaine diversité émotionnelle ».
12Au début du volume, une table de 454 rubriques séquence le récit. Les miniatures, qui se répartissent sur les deux colonnes du texte, concernent autant les fables que leurs allégories, et le sujet qu’elles abordent correspond généralement au contenu textuel malgré l’absence de rubriques internes.
13Dans ce premier manuscrit, le nombre, la variété, la précision des miniatures par rapport au texte sont impressionnants. Le programme iconographique, très ambitieux, accompagne le texte en l’illustrant d’images allégoriques généralement puisées au texte même (mais pas toujours).
14Certains mythes célèbres disposent d’un registre d’images narratives et allégoriques important : de dix à vingt pour la Création, ou pour Persée par exemple, dont l’histoire se poursuit après chaque nouvel épisode secondaire mettant en œuvre d’autres héros de moindre envergure.
15Le manuscrit contient aussi des gloses latines. Ainsi, dès l’entrée en matière, deux gloses, issues de saint Bonaventure, éclairent le projet de l’œuvre. Placée au début du texte, près du frontispice qui présente sous la forme d’un bandeau une série de huit quadrilobes annonçant les métamorphoses à venir (fig. 1), la première glose développe l’idée que les métamorphoses peuvent être expliquées, au-delà du sens littéral et historique, par d’autres voies : les voies allégorique, tropologique, anagogique.
16Quant aux médaillons de l’image frontispice, ils ont une fonction et une valeur programmatique : dans chaque quadrilobe et entre chacun d’eux, une figure hybride emblématise un des mythes fabuleux évoqués par Ovide, qui sera non seulement narré, mais dûment analysé selon les méthodes de l’allégorèse. Dans une métamorphose à demi achevée nous reconnaissons Ocyrhoé muée en jument, Callisto en ourse, Glaucus en poisson, Arachné en araignée, Daphné en laurier, Alcyoné en Alcyon, ainsi que quelques autres victimes des dieux, changées en oiseau, en centaure, en vache, en chauve-souris.
17Dans la miniature du folio 16v sont représentés deux auteurs-créateurs (fig. 2) : à gauche, le Dieu de la Bible, auréolé d’un nimbe crucifère, dessine le monde à l’aide d’un grand compas. À droite, un scribe assis à son écritoire copie et/ou commente un autre volume ouvert à côté du sien : il peut s’agir d’Ovide composant ses Métamorphoses, mais aussi de l’auteur de l’Ovide moralisé, un auteur qui ne crée pas ex nihilo mais à partir d’un texte préexistant, « prejacent ». Au folio 17r Dieu crée le monde, représenté comme un grand disque composé de quatre cercles concentriques : brun pour la terre, bleu pour l’eau, blanc pour l’air, et rouge pour le feu céleste (fig. 3). Cette image, reprise au folio 17v, évoque l’allégorie attribuée à Ovide à partir d’un jeu de mots sur le nom du poète latin (Ovidus/ovum), allégorie qui ne trouve pas sa source dans les Métamorphoses mais a été inventée au Moyen Âge (on la trouve par exemple chez Giovanni del Virgilio). L’auteur médiéval s’en est emparé dans un but purement didactique. Une deuxième peinture au folio 17r (fig. 4) montre Ovide présentant un œuf à un auditoire nombreux ; assis devant son écritoire, il explique l’ordre de la Création en s’appuyant sur l’œuf dont la forme parfaite, hermétique, cache un contenu représentatif d’un sens caché, une vérité « muchee sous la fable », que l’auteur veut nous faire découvrir. « En l’œuf, ce me semble a trois choses / Qui sont dedens la coque encloses / Le moieuf, l’aubun, la pelete/Qui plus est pres de la coquete » (I, 209-212). Le moieuf, ou jaune d’œuf, signifie allégoriquement la terre, l’aubun, ou blanc, figure l’eau, la pelete, ou peau mince qui l’entoure, représente l’air, et la quoque, ou coque, est l’image du ciel.
G2 : Bibliothèque de l’Arsenal, 5069 (vers 1325-135011)
- 11 Voir n. 2 p. 23.
- 12 Voir encore Lord, « Three manuscripts ».
18Ancienne possession de Charles de Croy12, ce manuscrit légèrement plus tardif que celui de Rouen présente une facture moins soignée. Il est aujourd’hui amputé du début. Une cinquantaine d’enluminures s’avèrent très proches de celles du manuscrit Rouen O. 4, quoique parfois inversées ou recadrées autour des personnages principaux. Des images ont été reprises ou grattées et des épisodes ont été déplacés.
19L’absence d’un certain nombre de feuillets au début du volume nous empêche de savoir quelles images de la Création recélait ce manuscrit, mais on peut supposer des représentations analogues à celles du codex de Rouen puisqu’en fin d’ouvrage, au livre XV, Pythagore utilise des figures similaires pour instruire ses disciples (fol. 222r). Au contraire de Rouen O. 4, le manuscrit de l’Arsenal possède des rubriques insérées au fil du texte et sans doute peut-on en déduire que le manuscrit de l’Arsenal n’a jamais possédé de tables liminaires, qui auraient fait double emploi.
- 13 En effet, dans l’Ovide moralisé, les cycles iconographiques les plus disparates s’inspirent de sour (...)
20Force est de constater que la grande majorité des peintures du manuscrit de l’Arsenal n’entretient guère de similitudes avec l’illustration des mêmes épisodes dans le manuscrit de Rouen : les compositions divergent, ou bien c’est un motif différent que rend l’image pour un même moment. Y aurait-il eu un archétype commun à Rouen et Arsenal ? Le Maître du Roman de Fauvel, enlumineur du manuscrit de l’Arsenal et déjà responsable du programme iconographique de celui de Rouen, a-t-il voulu varier ses interprétations ? En a-t-il reçu l’ordre ? À moins qu’il n’ait complété son inspiration dans d’autres sources littéraires qu’Ovide13.
- 14 Curieusement, l’image représentant Callisto à demi transformée en ourse dans ce manuscrit se répète (...)
21Il faut encore noter que les 302 miniatures du manuscrit de l’Arsenal, plus grandes que celles du Rouen O. 4 et d’un format carré (80x80 mm), présentent un coloris plus dilué et une gamme chromatique plus axée sur le rouge, et font un plus grand usage de l’or ; leurs figures, allongées, se montrent plus créatives en ce qui concerne la représentation des métamorphoses : par exemple, Daphné au fol. 4r, ou mieux encore Callisto au fol. 15r (fig. 5 et 5bis), sont représentées en cours de mutation, alors que l’artiste s’était contenté dans le manuscrit de Rouen de rendre compte des moments précédant et suivant la mutation. La jeune Callisto, encore vêtue jusqu’à la ceinture – et, semble-t-il, peu réjouie du sort que lui fait subir Jupiter pour cacher son infidélité à Junon – joint les mains en signe de supplication, tandis que le bas de son corps est déjà transformé en arrière-train d’une ourse à la belle fourrure14…
- 15 C. Rabel, L’illustration de l’Ovide moralisé dans les manuscrits français du xive siècle. Essai pou (...)
22L’artiste ne conserve que les figures majeures et les personnages complémentaires disparaissent, tandis que les fonds diaprés restent abstraits. Le sol est grossièrement traité par une mosaïque de ronds bruns, comme le note C. Rabel15.
- 16 Voir M. Possamaï-Pérez, « Mythologie antique et perversions sexuelles : le regard d’un clerc du Moy (...)
- 17 Voir Lord, « Three manuscripts », n. 13.
23Souvent l’artiste, soucieux de varier le choix des scènes à illustrer, choisit de développer ce qui ne l’avait pas été dans le manuscrit de Rouen. Ainsi, quand ce dernier ne consacre qu’une seule miniature prudente à la fable de Pasiphaé – on y voit la jeune femme caresser les naseaux du taureau dont elle est tombée amoureuse –, celui de l’Arsenal va traiter le sujet en plusieurs illustrations d’une inventivité qui ne manque pas de piquant ! C’est ainsi qu’il emprunte à la tradition courtoise la scène préliminaire où la dame observe tendrement, de la fenêtre de sa tour, l’objet de son amour (fol. 108v), pour ensuite oser représenter l’irreprésentable : la scène de déguisement où Pasiphaé, la partie inférieure de son corps recouverte par celui d’une « vache de fust » réalisée à sa demande par l’habile Dédale, trompe et séduit l’innocent animal… (fol. 109v, fig. 6). Il est vrai qu’en cela, comme le remarque M. Possamaï-Pérez, il ne fait que suivre la narration détaillée que l’auteur, après s’être refusé à l’évoquer, a complaisamment développée dans le texte16 ! Comme le montre C. Lord17, la liberté de l’artiste s’exprime donc par le fait que, pour rendre compte parfois d’un même vers, il opte pour une composition différente, ou représente un autre moment de l’action, surtout s’agissant des allégories : ainsi, pour allégoriser l’enlèvement d’Europe par Jupiter, le manuscrit de Rouen choisit l’Ascension (fol 72r), et celui d’Arsenal le Christ portant la croix (fol. 27v).
- 18 A. Boinet, « Les manuscrits à peintures de la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris », Bulletin de (...)
24De fait, pour A. Boinet et F. Bucher18, le manuscrit de l’Arsenal appartient à un groupe de manuscrits hâtivement exécutés dans un atelier renommé qui travaille vite, sur des copies de textes à illustrer, en utilisant un jeu de représentations exploitables dans n’importe quel contexte (aventure, dialogues, combats de chevalerie, bateaux en mer, scènes d’amour, nativités, lapidations, martyrs…), comme cela se fera plus tard dans les ateliers des imprimeurs, avec les erreurs que l’on connaît : gravures inversées ou conçues pour un autre ouvrage, etc. Leur remarque est judicieuse, mais il s’avère, à regarder ce manuscrit de plus près, que si effectivement l’exécution est moins soignée, elle commente le texte qu’elle accompagne d’une manière différente, et dit souvent plus, voire mieux, que son homologue de Rouen.
B : Lyon, Bibliothèque municipale, manuscrit 742 (vers 1390)
- 19 M. Meiss, French Painting in the Time of Jean de Berry : The Limbourgs and their Contemporaries, Ne (...)
25Daté d’environ 1390, il a appartenu au duc Jean de Berry (1340-1416) selon M. Meiss19. Plus récent que les manuscrits de Rouen et de l’Arsenal, il contient un nombre beaucoup plus restreint de miniatures du fait que les moralisations des fables sont réduites au premier niveau d’interprétation, celui des explications physiques et historiques.
- 20 J. Drobinsky, « La narration iconographique dans l’Ovide moralisé de Lyon (BM Ms. 742) », Ovide mét (...)
- 21 Voir en particulier F. Avril, « Le parcours exemplaire d’un enlumineur parisien de la fin du xive s (...)
- 22 P. Berchorius, De formis figurisque deorum, textus e codice, éd. J. Engels, Utrecht, 1966.
- 23 Christine de Pizan, Épître d’Othéa, trad. H. Basso, Paris, PUF, 2008.
26Le cycle des illustrations compte cinquante-sept enluminures d’un format presque carré (environ 59x60 mm), et une table liminaire de 3 feuillets annonce les 60 rubriques copiées à l’intérieur du texte20. Les illustrations esquivent les représentations des métamorphoses en se limitant à décrire les moments antérieurs et postérieurs à l’événement. Elles sont l’œuvre du « Maître du Policratique de Charles V21 », l’un des enlumineurs les plus recherchés de son temps pour sa technique du « portrait d’encre », c’est à dire du dessin à la plume rehaussé de lavis. De gracieuses miniatures aux tons pastel se détachent sur un fond de paysage divisé parfois en deux ou trois plans ; les personnages, vêtus de façon contemporaine, sont pourtant les sujets des mythes ovidiens les plus populaires, ceux qui apparaîtront aussi bien dans les manuscrits de Pierre Bersuire22 que dans l’Épître à Othéa de Christine de Pizan23, et un peu plus tard sur les cassoni, ces coffres de mariage décorés de peintures, emblématiques du renouveau décoratif de la Renaissance italienne.
27Dans ce manuscrit – pour poursuivre notre analyse comparative des illustrations liminaires déjà amorcée avec le manuscrit de Rouen –, la scène de création du monde est traitée d’une façon totalement différente : elle s’apparente à la tradition figurative d’une autre « famille » de manuscrits, la famille « Y ».
- 24 Voir F. Clier-Colombani, « Prologues en images dans l’Ovide moralisé », Prologues et épilogues dans (...)
28Le manuscrit Thott 399 de la Kongelige Bibliotek de Copenhague24 et le manuscrit BnF français 137, qui propose pour sa part une version en prose de l’Ovide moralisé, adopteront également, à l’exemple du manuscrit de Lyon, un programme iconographique principalement fondé sur les aventures mythologiques et historiques des héros de la littérature antique. Ils osent cette fois la représentation des métamorphoses les plus spectaculaires dans un cadre élargi rassemblant sur la même image, au moyen d’une mise en scène théâtralisée, les étapes successives de la mutation. Ainsi la métamorphose d’Arachné joue sur la « profondeur de champ » pour rendre compte des moments successifs du duel qui oppose la tisserande (Arachné) à la déesse (Pallas).
- 25 Voir Drobinsky, « La narration iconographique dans l’Ovide moralisé de Lyon », p. 228-230.
- 26 Voir Blumenfeld-Kosinski, « Illustration et interprétation dans un manuscrit de l’Ovide moralisé », (...)
29La tendance est en effet, au fil du temps, à une réduction prononcée des allégories, et donc de leurs illustrations. Alors que le manuscrit Rouen O. 4 compte encore 20 % d’images allégoriques, le manuscrit de l’Arsenal 5069 n’en rassemble plus que 10 %, et celui de Lyon tout au plus 2 ou 3 % – à supposer qu’il s’agisse encore d’allégories, car selon M. -R. Jung ces images décrivent des événements considérés comme historiques par l’auteur, tels que la création du monde ou l’édification de la tour de Babel, auxquels on peut adjoindre la représentation du Dieu chrétien dans une mandorle, par opposition à Jupiter25. Comme le note R. Blumenfeld-Kosinski26, « cette absence croissante des images allégoriques et religieuses suggère une transformation dans la lecture de l’Ovide moralisé. Ce qui compte de plus en plus, semble-t-il, est la traduction française des Métamorphoses et d’autres textes latins, plutôt que la christianisation de ces textes ».
G3 : Copenhague, Bibliothèque royale, manuscrit Thott 399 (vers 1480)
- 27 Voir Koble, « Les dieux d’Ovide dans un manuscrit du xve siècle », p. 157.
30Le manuscrit en vers de Copenhague propose encore à la fin du xve siècle un cycle d’images « narratives » très complet. En effet, son compilateur a choisi de reproduire une version longue du texte malgré la concurrence des versions « dépouillées » de l’appareil allégorique initial, comme le remarque N. Koble27. Il est accompagné de gloses marginales en latin et en français, qui sont transcrites sur des « paperolles » se déroulant en trompe-l’œil dans les marges préparées à cet effet (voir le premier folio, fig. 8). Ces gloses ont été copiées à partir du manuscrit BnF français 373, d’un siècle antérieur au manuscrit Thott 399, mais on les trouve aussi dans le témoin le plus ancien de l’œuvre, le manuscrit Rouen O. 4.
- 28 Voir F. Avril et N. Reynaud, Les manuscrits à peinture en France (1440-1520), Paris, 1994, p. 93-97 (...)
- 29 N. Koble (citant F. Avril et N. Reynaud) rappelle qu’on a pu attribuer au même couple copiste-enlum (...)
31Le manuscrit Thott 399, l’un des plus somptueusement illustrés de son temps par le Maître de Rambures – un contemporain et disciple de Simon Marmion28, actif dès 1454-1460 à Amiens et Hesdin – est le fruit d’un travail d’équipe mettant en relation un compilateur, un atelier d’enlumineurs et un commanditaire privé issu de l’aristocratie du Hainaut, en qui l’on pense pouvoir reconnaître Wolfart de Borssele29. Le style du Maître de Rambures se caractérise par une maîtrise de la composition et une sûreté de trait remarquables. Son langage pictural est aisément identifiable avec ses personnages aux attitudes expressives, presque caricaturales, qui se distinguent par leur stature courte et trapue, leur grosse tête aux traits larges. Les drapés sont brossés à grands traits simplifiés, où dominent parallèles et obliques. Il travaille par larges aplats de trois teintes fondamentales – un rouge éteint, un azur soutenu et un vert mat, complétés de mauve, de lie de vin et d’une gamme de gris-bruns dont l’un tire sur le bronze doré, avec des rehauts d’or liquide appliqués en filets ou en hachures.
- 30 Miniatures flamandes, 1404-1482, éd. B. Bousmanne et T. Delcourt, Paris-Bruxelles, Bibliothèque nat (...)
32Dans des compositions savantes où il s’attache à l’essentiel, l’action se concentre sur un premier plan privilégié par l’échelle des architectures et des figures, complété par des arrières plans plongeants. Sa manière de brosser les ciels est unique : une barre horizontale d’un bleu clair presque blanc est surmontée d’une seconde bande d’azur foncé, rarement uniforme, striée de blanc et de nuages ballonnés gravés à la pointe du pinceau retourné. En définitive, le Maître de Rambures est déjà moderne « par sa façon quasi cinématographique de privilégier les gros plans et le hors-champ pour exprimer la continuité du récit au-delà du cadre étroit de la miniature traditionnelle30 », terrain sur lequel le Maître de Marguerite d’York, peintre de l’Ovide Moralisé en prose BnF fr. 137 avec lequel il était en relation, lui fait aisément concurrence.
- 31 Voir Le Commentaire de Copenhague de l’Ovide moralisé, avec l’édition du VIIe livre, éd. J. Th. Van (...)
33Le manuscrit Thott 399 est remarquable aussi par sa composition : en effet, l’Ovide moralisé proprement dit est précédé, en forme de « prologue », par la traduction en français du premier chapitre de la première version de l’Ovidius moralizatus de Pierre Bersuire31. Cette ouverture comprend dix-sept miniatures montrant les imagines deorum, les figures des dieux antiques de Bersuire. Suivent trente-trois miniatures consacrées au déroulement des fables d’Ovide.
34Cependant, si les miniatures font la part belle à toutes sortes de métamorphoses, elles restent muettes quant aux illustrations des moralisations, qui ont été supprimées. Pour autant, elles ne manquent pas d’être influencées par l’esprit du texte. Ainsi, c’est un diable qu’endort Orphée par son chant à la porte des enfers, et non Cerbère.
35Du fait de sa composition particulière en deux parties distinctes, matérialisées par deux numérotations différentes (la première partie est paginée, la deuxième foliotée), et deux frontispices différents, l’un ouvrant le prologue (page 1), l’autre le texte (folio 1), le manuscrit Thott 399 peut être qualifié d’« hybride », dans la mesure où il comporte d’abord un programme d’images descriptives, inauguré par la figure de Saturne (conformément aux manuscrits dits « des figures des dieux antiques » copiés sur l’œuvre de Bersuire), puis des illustrations narratives, précédées par l’image de la Création du monde (deuxième partie).
36Une rapide étude des frontispices introduisant chacune des deux parties du volume nous éclairera sur l’illustration de la Création selon la version mythologique puis selon la version chrétienne.
37Le premier frontispice (fig. 7) conjugue en une seule image d’une demi-page le portrait d’une famille divine, celle de Saturne l’Ancien, dieu païen, et une scène d’action, la destitution de celui-ci par son fils Jupiter, comme l’avait prédit le destin. Elle symbolise de ce fait la fin du « dorez age ».
38Divisée verticalement en deux parties inégales, elle présente à droite une image synthétique regroupant au premier plan la figure patibulaire de Saturne, muni de ses attributs de dieu du Temps, la faux et le serpent Ourobouros, et avalant un petit enfant. À sa gauche, sa femme Rhéa nourrit les pauvres. À sa droite, une jeune femme, Junon, observe, impassible, Jupiter trancher les génitoires de Saturne et les jeter dans l’eau d’une anse marine d’où surgit Vénus nue, tenant son miroir.
39À l’arrière-plan, dans un lointain paysagé – car le Maître de Rambures, artiste flamand renommé, proche de l’entourage de Marguerite d’York et en lien avec Rogier van der Weyden, est plus peintre qu’enlumineur de métier et maîtrise les nouvelles données de la perspective –, on distingue les deux frères de Jupiter, Neptune et Pluton, reconnaissables à leur sceptre doré.
40Neptune, personnage lourdement botté et coiffé d’un turban, à peine sorti de la mer, met un pied sur la grève, tandis que Pluton reste « muché », tel un ermite, dans une grotte d’où sortent des flammes infernales. Notons qu’outre le sceptre, la nature divine de Saturne et de ses fils est symbolisée par une étoile dorée qui orne soit leur poitrine, soit leur dos.
41À gauche de l’image, un scribe installé à son écritoire dans une tour de style gothique puise la source de son inspiration dans de gros volumes in-folio rangés à plat derrière lui. Ce chroniqueur attentif qui n’est autre que l’auteur tient d’une main sa plume, et de l’autre convie le lecteur à observer la scène qui se déroule sous ses yeux.
42Le second frontispice, au folio 1r (fig. 8), représente cette fois la création du monde par le Dieu de la Bible. Comme précédemment, un fort contraste oppose le scribe paisible installé à sa table de travail, à gauche, et la vision qu’il observe : Dieu le père, vieillard barbu auréolé de lumière, apparaît en haut de l’image, dans un ciel ceinturé d’une frange protectrice. D’une main, il bénit, et de l’autre il tient un objet rond, le globe terrestre. Sous ses yeux un ange (l’archange saint Michel ?), armé de son épée, chasse du paradis les anges rebelles qui dans leur chute à travers l’espace se transforment en diables grotesques et s’engouffrent en enfer, car la terre s’entrouvre pour les engloutir. Cette grande miniature qui, dans son encadrement de monstres hybrides, nous entraîne d’emblée au sein de la mise en ordre du monde, anticipe au seuil du livre sur l’interprétation qu’il convient d’en faire.
43Une troisième miniature en pleine page (fol. 89r) est consacrée au combat de Cadmus contre le dragon, fils de Mars (fig. 9). Elle s’inscrit dans un paysage résolument médiéval où l’on voit, dans un lointain peuplé d’architectures civiles et religieuses, les prémices et la suite de l’histoire : la vache que suivait Cadmus désigne l’endroit choisi pour la fondation de Thèbes, et Cadmus s’agenouille devant une chapelle toute neuve, sanctuaire de sa protectrice la déesse Pallas. Le combat du héros contre le dragon, au premier plan, rappelle celui de saint Michel et de tous les saints saurochtones. Cependant, l’épisode de la germination des guerriers qui vont s’entretuer, pourtant bien représenté dans le manuscrit BnF fr. 137, contemporain du manuscrit Thott 399, est absent de l’image. La figuration de la scène mythologique est à l’évidence influencée par un modèle chrétien.
44La conclusion que l’on peut tirer de l’observation de ce groupe, c’est que les manuscrits Rouen O. 4 (A1), Arsenal 5069 (G2), Lyon 742 (B) et Thott 399 (G3) présentent, au niveau de l’illustration narrative et à des degrés divers, un grand nombre de points communs. En particulier, les manuscrits A1 et G2, où chaque rubrique s’accompagne presque systématiquement d’une miniature, qui plus est du même peintre, sont très proches, quoique le deuxième ouvrage soit plus inventif au niveau iconographique, et moins attaché à la représentation des allégories. Si, sur le plan de la narration en images, le manuscrit de Lyon (B), quoique plus brièvement illustré, reste proche des deux premiers, ainsi que du manuscrit Thott 399 (G3), il doit également être rapproché d’un autre groupe que rassemble une figuration particulière de la scène liminaire de la création du monde, différente de celles étudiées dans les manuscrits Rouen O. 4 et Thott 399 : ce sont les manuscrits Y1 (BnF fr. 871), Y2 (BnF fr. 872) et Y3 (Londres, British Library, Add. 10324).
45La première tradition, rappelons-le, consiste à inaugurer le programme iconographique du manuscrit par l’image du Démiurge à l’œuvre, accompagnée ou non d’une figure d’auteur en train d’écrire son livre. C’est le cas dans le codex Rouen O. 4, où la Création se déploie en plusieurs scènes successives, ainsi que dans les manuscrits Thott 399 et BnF fr. 137, lequel contient la deuxième version en prose de l’Ovide moralisé.
- 32 Voir Rabel, L’Illustration de l’Ovide moralisé, p. 37-38.
46La deuxième tradition choisit de mettre en parallèle l’œuvre de Dieu et celle de Prométhée. Elle concerne, outre la grande miniature frontispice du manuscrit de Lyon (B) (fig. 10), celle, assez proche en esprit, du manuscrit BnF fr. 871 (Y1) (fig. 11), et enfin celle du manuscrit British Library, Add. 10324 (Y3) (fig. 28), quasi identique à celle du BnF fr. 871, quoique simplifiée. Le frontispice lyonnais développe, en une seule grande scène de la largeur de la page, les épisodes de la Création, alors que les deux autres la diffractent en quatre vignettes. F. Avril attribue l’illustration du manuscrit de Lyon au Maître du Policratique de Charles V (BnF fr. 24287, Policratique de Jean de Salisbury, copié en 1372 à l’attention du roi), d’après la plus ancienne œuvre connue de cet artiste prolixe dont le travail se situe entre 1370 et 1395 environ. Le frontispice du manuscrit BnF fr. 871 serait, lui, l’œuvre du Maître du Couronnement de Charles VI, qui doit son nom à l’enluminure en pleine page ajoutée en tête des Grandes Chroniques de France (BnF fr. 2813, fol. 3v), et que F. Avril caractérise comme « un enlumineur habile mais superficiel ». C. Rabel note que la production de ces deux enlumineurs se situe dans le milieu artistique auquel on doit les plus grands chefs-d’œuvre de leur temps : le Maître du Policratique et le Maître du Couronnement de Charles VI ont travaillé en collaboration pour l’illustration en grisaille d’un Rational des Divins Offices de Guillaume Durand32. On ne s’étonnera donc pas que l’illustration du manuscrit de Lyon et celle, inachevée, du Paris BnF fr. 871 présentent quelques ressemblances. Presque contemporains (fin xive), il semblerait toutefois que le codex lyonnais ait précédé celui de Paris et lui ait servi de modèle. Quant au troisième manuscrit, celui de Londres (British Library, manuscrit Add. 10324), son frontispice apparaît comme une version simplifiée du précédent.
47Pour interpréter convenablement leur programme iconographique, il convient d’abord de tenir compte d’un problème d’interprétation du texte lui-même : selon l’auteur de l’Ovide moralisé, Ovide aurait formé le dessein d’aborder « Les formes qui muees furent/En nouviaux cors », et non « Les cors qui en formes noveles / Furent muez » (I, 73-74 ; 79-80). Il argue du fait qu’avant la Création, il n’y avait pas de corps dont Dieu eût pu tirer de forme, hormis lui-même. Et c’est exactement ce que les scènes de Création au frontispice des manuscrits cités vont confirmer.
48Arrêtons-nous tout d’abord sur l’illustration initiale du manuscrit de Lyon (fig. 10) : elle rend en une seule image l’ensemble des actions divines à l’origine du monde. À gauche, Dieu, la tête nimbée d’une auréole, crée l’air, en développant une nuée de sa main droite. Derrière lui, sur la droite de l’image, se déploie un paysage de campagne prospère, peuplé d’animaux plus ou moins fantastiques (une licorne) et exotiques (un lion). Des astres roulent au firmament tandis qu’au premier plan, non loin d’une abbaye, un homme portant un bonnet phrygien, Prométhée, éveille un personnage nu, Adam, en lui présentant sa torche de feu.
49Dans l’illustration du manuscrit BnF fr. 871, l’image (fig. 11) précédant le prologue occupe la moitié de la page et se découpe en quatre vignettes de dimensions égales. Dans la partie supérieure gauche, Dieu le père, vieillard barbu vêtu d’une robe et d’un manteau, nimbé d’une auréole, agite de la main droite un bouquet de nuées censées représenter la création de l’air. Derrière lui se trouve un paysage déjà terrestre, avec un pommier chargé de fruits. Une inscription manuscrite, intégrée à cette partie de l’image, la définit comme le « chaos ». Dans la partie supérieure de l’image, une délimitation horizontale jalonnée de petites « bulles » figure la représentation des étoiles.
50La vignette de droite évoque la création de l’eau et de tous les animaux, oiseaux, poissons, bêtes sauvages et domestiques, conformément à l’ordre de la Genèse.
- 33 Ovide moralisé, éd. De Boer, vol. I, p. 68.
51Mais dans la partie inférieure gauche de l’illustration le contexte biblique est supplanté par le monde de la mythologie ovidienne. Ce n’est plus Dieu, mais Prométhée – « Prometheus », comme le précise la légende – qui est représenté sans auréole mais coiffé d’un bonnet phrygien. Il agite de la main droite une torche de feu, et de la gauche relève en le tirant par la main un homme étendu nu au sol. Grâce au feu volé au char du soleil, il insuffle l’esprit de vie à cette « ymagete a la samblance / Des dieus » (I, 327-328)33 et lui ordonne de tourner son visage vers le ciel où, auprès des petites bulles déjà notées, sont figurés trois astres.
52Enfin, la dernière vignette, en bas de l’image, à droite, montre Dieu extrayant Ève du flanc d’Adam endormi, ce dont ne parle absolument pas le texte : l’artiste, prisonnier de la routine, a confondu le programme illustratif de l’Ovide moralisé avec celui, très proche ici, d’une Bible.
53Quant au Maître de Rambures, lorsque, dans le manuscrit Thott 399, plus tardif, il opère un cheminement entre une première représentation de Saturne, ancien roi du monde, et une seconde du Dieu de la Bible chassant du ciel les divinités démoniaques, il se place à la frontière de deux traditions iconographiques.
Les images des dieux
- 34 Voir Koble, « Les dieux d’Ovide dans un manuscrit du xve siècle de l’Ovide moralisé ».
54La deuxième famille qui se dessine dans l’ensemble des manuscrits de l’Ovide moralisé comprend les manuscrits illustrés par les images des dieux antiques – ils sont au nombre de quatre, sans compter le manuscrit Thott 399 qui, pour reprendre l’heureuse formule de N. Koble34, rassemble dans son prologue les figures des dieux d’Ovide comme une liste d’acteurs en introduction à une pièce de théâtre – soit, dans leur ordre d’apparition, Saturne, Jupiter, Apollon, Vénus, Mercure, Diane, Minerve, Junon, Cybèle, Neptune, Bacchus, Pluton, Vulcain, Hercule, Pan et parfois aussi Esculape. Ces miniatures « descriptives » sont placées de façon très organisée, rigide et répétitive au début de chacun des quinze livres de l’ouvrage, et rarement en fonction du contenu de chacun de ces livres.
G1 : Paris, BnF, manuscrit français 373 (vers 1380)35
- 35 C’est la datation proposée par M. -R. Jung, repoussée par l’équipe OEF (M. Besseyre) au début du xv(...)
55Ancienne possession du duc de Berry, il ne contient pas de tables et rassemble quinze miniatures des dieux ainsi que des gloses marginales en latin et en français et des « lemmata » pour toutes les parties traduites des Métamorphoses.
E1 : Genève, Bibliothèque de Genève, manuscrit 176 (vers 1390)
56Il a appartenu à Gilbert de Bourbon. Les rubriques sont plus nombreuses dans le texte que dans les tables et les miniatures, placées au début de chaque livre, sont au nombre de quinze comme dans les manuscrits E2, E3 et G1.
E2 : Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Regensi Latini 1480 (vers 1390)
57Ce manuscrit comprend quinze miniatures figurant les dieux antiques. Il est, par son dessin, très proche de celui de Paris, et même de celui de Genève, avec toute une série de petites variantes assez fascinantes, car elles ne modifient en rien la composition générale des miniatures, ni l’expression des personnages.
E3 : London, British Library, Cotton Julius F. VII, fol. 6r -13v (vers 1400)
- 36 Ainsi le manuscrit 344 de la Bibliothèque communale de Trévise (Ovidius moralizatus, De formis figu (...)
58Ancienne possession du duc de Berry, il ne comporte que la table des rubriques, interrompue d’esquisses au trait figurant les dieux à l’amorce des titres de chaque livre – sauf en tête du livre XV où subsiste un blanc réservé à cet effet. Il contient quatorze dessins à l’encre accompagnés d’indications manuscrites dans la marge, et plus ou moins achevés. Ces figures restent globalement très proches de celles illustrant les manuscrits du De formis figurisque deorum de Pierre Bersuire36.
G3 : Copenhague, Bibliothèque royale, manuscrit Thott 399 (1480)
- 37 Le mythographe auteur du De deorum imaginibus libellus n’a pas encore été identifié ; il s’appelait (...)
- 38 Voir A. -M. Legaré, « Splendeur de la miniature de Hainaut », Le Livre des Échecs amoureux, éd. A. (...)
59Ce manuscrit, déjà décrit plus haut, mérite de figurer dans cette liste pour son « prologue », ou « commentaire » selon C. De Boer, qui décrit et contient treize miniatures représentant les dieux antiques, au plus près des représentations des dieux figurés dans les manuscrits de Pierre Bersuire, à quelques petites variantes près. Rappelons par ailleurs que le manuscrit Thott 399 contient des gloses identiques à celles de G1 (Paris, BnF fr. 373), même si la graphie et les miniatures diffèrent. Les figures du texte de Bersuire passèrent ensuite dans le traité anonyme De deorum imaginibus libellus37, une version abrégée du De formis, dépouillée de ses moralisations, et qui circula de manière indépendante comme une sorte de petit manuel de mythologie. C’est à partir de ce texte purement profane que s’installa une tradition iconographique stable où les images des dieux de Bersuire se muèrent en étalons visuels permettant de mémoriser les différents attributs mythologiques prêtés à chaque personnalité du panthéon antique par la fantaisie médiévale, comme l’explique A.-M. Legaré dans son étude du Livre des Échecs amoureux38.
Une seule illustration liminaire
La famille Y
60Les manuscrits rassemblés dans cette famille sont en rapport avec le manuscrit B (Lyon, Bibliothèque municipale, manuscrit 742).
61Y1 (Paris, BnF, manuscrit français 871) et Y3 (Londres, British Library, manuscrit Add. 10324, pourvu d’une table des rubriques mais sans allégories) proposent chacun une miniature frontispice d’une demi-page, quasiment identique, quoique celle du manuscrit londonien soit d’une facture plus négligée. Contrairement à Y3, Y1 poursuit son programme iconographique, même s’il reste modeste : sur les trois folios qui leur sont exclusivement consacrés, une série de quatre élégants dessins à la plume rehaussés de couleurs narrent les épisodes essentiels du cycle d’Orphée. Sur le premier, Apollon joue de la harpe pour Pallas et les muses à la fontaine de Pégase. Le deuxième décrit les noces d’Orphée et d’Eurydice, puis, au même folio, un troisième représente la mort d’Eurydice. Enfin, la quatrième et dernière image met en scène Orphée charmant les animaux, dans un jardin paradisiaque qu’entoure un ruisseau. La quête d’Eurydice aux Enfers a été omise. Le fait que l’ensemble de ces illustrations rappelle fortement le style iconographique de l’enluminure frontispice de Lyon n’est guère étonnant, puisque, nous l’avons vu, elles sont probablement de la même main, celle du Maître du couronnement de Charles VI.
62Y2 (Paris, BnF, manuscrit français 872, vers 1370-1380) présente au début du prologue une lettrine « S » historiée du thème de la Création. Dans la courbe supérieure du « S », Dieu, reconnaissable à l’auréole qui nimbe sa tête, installe les luminaires célestes. Dans la partie inférieure, sous le regard des animaux déjà créés et regroupés à gauche de la courbe du « S », il extrait Ève du flanc d’Adam en un large geste théâtral qui rappelle les scènes de Création du BnF fr. 871. Le trait, léger et élégant, rappelle également ces images.
La famille Z : des manuscrits de nature hybride
63Z1 (Berne, Bibliothèque de la Bourgeoisie, manuscrit 10, du xve siècle) contient une table des rubriques dépourvue de rubriques pour les allégories et s’ouvre au folio 4 par une miniature liminaire présentant l’auteur entouré de ses élèves, occupés à étudier l’ouvrage qu’il leur commente (les Métamorphoses ?). Z2 (BnF fr. 374, avant 1456) ne contient pas d’illustrations.
- 39 C’est la datation proposée par M. -R. Jung, repoussée par l’équipe OEF (M. Besseyre) au milieu du x (...)
64Le prologue de Z3 (Paris, BnF, manuscrit français 870, traditionnellement daté du xive siècle)39 s’ouvre, après la table des rubriques, sur une initiale filigranée que jouxte au-dessus de la colonne de texte une figure liminaire représentant, dans un style très différent de tout ce que l’on a vu auparavant, raide et monolithique, un scribe à son pupitre. Pour retrouver Saturne, qui devrait logiquement inaugurer le manuscrit, il faut, comme dans le manuscrit de Rouen (ou dans la version en prose, BnF fr. 137), chercher dans les folios suivants. Suivent en effet quelques petits dessins à la plume, grossièrement esquissés et insérés sans cadre au fil du texte, représentant respectivement Saturne, petit personnage couronné, barbu, court vêtu et armé de sa faux, qui tient de l’autre main le monde (fol. 3r) ; puis Saturne conversant avec un personnage féminin, Rhéa (fol. 4r) ; enfin la scène habituellement attendue au début de l’œuvre, celle où Saturne est vaincu par Jupiter et où Vénus naît de la mer (fol. 8r) : dans le même bandeau historié se trouvent, à gauche, Jupiter sur son trône, au centre Vénus, et à droite, Jupiter chassant son père nu mais toujours armé de sa faux. Le manuscrit, d’aspect assez fruste, compte quarante espaces réservés laissés vides à la suite de ces quelques dessins. Par ailleurs, il ne contient pas d’allégories, mais des explications historiques et des moralisations.
65Z4 (Paris, BnF, manuscrit français 19121, du xve siècle), ancienne possession de la famille d’Albret, comporte une table des rubriques et une miniature liminaire représentant Saturne assis sur son trône, vieillard hiératique et triste avec, à ses pieds, Vénus sortant de l’eau.
66On retrouve dans cette famille Z les deux personnalités inaugurales représentées au début de la plupart des manuscrits de l’Ovide moralisé : l’auteur ou le copiste au travail, et/ou Saturne, l’ancien dieu.
La famille D
67D2 (Cambrai, Bibliothèque Municipale, manuscrit 973, du xive-xve siècle) n’est décoré que de quelques grotesques à la plume et de lettres ornées témoignant d’une origine nordique.
68D4 (New York, Pierpont Morgan Library, manuscrit M. 433, vers 1400) et A2 (Rouen, Bibliothèque municipale, manuscrit O. 11bis, vers 1400) offrent chacun une miniature de présentation aux armoiries de leurs possesseurs : D4 présente une peinture où figurent les portraits de Charles VI, Jean de Berry, et Jean sans peur, tous trois grands bibliophiles ; le livre contient des lacunes importantes et s’interrompt au vers 1475 du livre X. A2 présente les armoiries de Jean de Derval. C’est le seul manuscrit de l’Ovide Moralisé en deux volumes aujourd’hui conservé. Il ne possède pas de tables liminaires, mais des rubriques d’un contenu sensiblement comparable à celui des tables du Rouen O. 4 (A1), ainsi que des blancs prévus pour des illustrations.
Conclusion
69On peut conclure de cet inventaire, même superficiel, de tous les manuscrits illustrés en vers, que le regroupement par « familles » opéré par M.-R. Jung après modification des stemmas de C. De Boer et de F. Branciforti peut aussi fonctionner, du moins en partie, au niveau de l’illustration. Il permet même d’envisager des rapprochements entre les différents manuscrits en fonction de modèles récurrents d’images, ne serait-ce qu’à partir de l’observation des images liminaires. C’est ainsi que l’on peut regrouper Y1 Y2 et Y3 à la fois par le texte et par l’illustration, en l’occurrence l’image initiale de la Création. De même, M. Cavagna, Y. Greub et M. Gaggero ont mis en évidence des liens entre E1, E2, E3 et G1 que l’examen iconographique confirme.
Les manuscrits en prose
Paris, BNF, manuscrit Français 137
- 40 Voir, dans le catalogue de l’exposition Miniatures flamandes, 1404-1482, éd. B. Bousmanne et T. Del (...)
- 41 Voir E. Langlois, « Une rédaction en prose de l’Ovide Moralisé », Bibliothèque de l’École des Chart (...)
70L’unique version illustrée en prose de l’Ovide moralisé est le somptueux manuscrit qui a appartenu à Louis de Bruges et date du xve siècle40. Il s’agit de la deuxième mise en prose de l’Ovide moralisé – la première, conservée dans le manuscrit Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, Regensis Latini 1686, n’étant pas illustrée, même si un espace réservé existe en tête du premier feuillet41.
71L’exemplaire de Paris, BnF fr. 137 doit son illustration au Maître de Marguerite d’York, enlumineur à Bruges avant 1480. Il n’existe que deux autres manuscrits de cette version, plus faiblement illustrés, dont les commanditaires étaient des proches de Louis de Bruges : l’un, resté inachevé, fut produit pour Wolfart de Borssele, son beau-frère (Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, manuscrit F. v. XIV. 1), l’autre pour le roi d’Angleterre Édouard IV (Londres, British Library, manuscrit Royal 17. E. IV), hôte de Louis de Bruges lors de son exil en Flandre pendant l’hiver 1470-1471.
72Le manuscrit BnF fr. 137, dont on peut penser qu’il fut le premier des trois, se distingue par l’abondance de son illustration, qui compte cent dix-neuf miniatures. Il ne présente pas de rapport évident avec l’édition brugeoise de 1482 due à Colard Mansion : l’incunable en effet ne reproduit pas le même texte et comprend seulement trente-quatre xylographies autorisant des parallèles rares et peu convaincants. Enfin, la version manuscrite est antérieure à 1480, date de sa traduction par William Caxton. L’originalité du manuscrit réside d’abord dans l’alternance de miniatures à mi-page, de miniatures plus petites et d’initiales historiées plus nombreuses. Les premières sont de facture rapide, offrant des compositions raffinées se déployant sur plusieurs registres. Les deuxièmes offrent un cadrage plus serré sur les protagonistes. Enfin, les dernières, en grisaille, se caractérisent par un fin dessin noir à la plume, nerveux et précis. Ces saynètes révèlent le talent du Maître de Marguerite d’York lorsqu’il s’affranchit des sujets convenus pour se consacrer à la traduction plastique des mythes.
73De fait, ce manuscrit est le seul à pouvoir rivaliser, sur le plan iconographique, avec les manuscrits en vers les mieux illustrés, en ce qui concerne l’inventivité en matière de traitement des métamorphoses, notamment quand elles sont en cours d’accomplissement. Cependant, il fait l’économie de toutes les images allégoriques et se transforme donc en un magnifique manuel de mythologie illustré.
- 42 Voir Ovide moralisé, éd. De Boer, vol. I, p. 65 : « li celestiaus feus sailli / Ou plus haut siege, (...)
74Comme Rouen O. 4, mais surtout comme le manuscrit Thott 399, le codex parisien affiche au frontispice une image liminaire divisée verticalement en deux parties, montrant d’un côté Ovide présentant son œuf, de l’autre Dieu – figuré sous l’apparence du Christ – créant l’univers et Adam, dans un cadre divisé en quatre parties (fig. 13). Dans la partie supérieure gauche, on distingue le ciel étoilé dans lequel se dessine l’angle d’une éblouissante architecture flamboyante : sans doute la demeure de Dieu. À droite on assiste à la création du feu42, présenté comme un brasier géant dans lequel niche un oiseau, le phénix, symbole de résurrection.
75La partie inférieure gauche de l’image est réservée à la représentation de l’espace marin, tandis que la dernière vignette à droite est occupée par Adam, à genoux devant le Christ qui, au centre des quatre vignettes, le bénit. Cette disposition semble traduire la volonté du peintre de montrer la puissance créatrice de l’esprit divin.
76À la fois fantastique et raffinée, cette réalisation est la marque d’un artiste confirmé. De fait, le style léger et gracieux des miniatures et des figures un peu grêles représentées dans les lettres grisées, est bien particulier. Les dieux entre autres apparaissent souvent dans le ciel comme de petits personnages ailés aux membres contractés, semblables à des insectes virevoltant sans relâche au-dessus de l’humanité.
77Par ailleurs, à partir de la miniature du folio 111r, dans le cycle troyen, la description image par image du bouclier d’Achille permet à l’illustrateur de faire défiler de façon plus naturelle que dans les manuscrits des familles G et surtout E les figures des dieux antiques : Hercule et Bacchus (fig. 73), Saturne (fig. 74), Jupiter (fig. 75), Mars, Apollon (fig. 76), Vénus (fig. 78), Mercure et Diane. La liste reste cependant incomplète.
La traduction de cette deuxième mise en prose en moyen Anglais, en 1480, par William Caxton (Cambridge, Magdalene College, Old library, manuscrit f. 4.34 et Cambridge, Magdalene College, Pepys library 2124)43
- 43 Voir The Middle English Text of Caxton’s Ovid, Book I, edited from Cambridge, Magdalene College, Ol (...)
78Ce manuscrit dépourvu d’allégories comptait quinze miniatures programmées, mais seules les quatre premières ont été réalisées : ce sont, au fol. 16r, Ovide couronné, priant (fig. 81) ; au fol. 34v, la chute de Phaéton (fig. 82) ; au fol. 71r, Cadmos semant les dents du dragon (image endommagée) ; au fol. 98v, Pyrame et Thisbé.
79D’après Diana Rumrich qui a édité cette traduction, Caxton s’est inspiré du manuscrit BnF fr. 137. Si cette information est exacte, elle suggère l’incroyable émulation qui devait régner alors entre ateliers d’imprimeurs et de copistes. C’est ainsi que sont apparues les premières éditions incunables enluminées de l’Ovide moralisé, parallèlement aux éditions simplement ornées de gravures sur bois, parfois rehaussées de couleurs.
Saint-Pétersbourg, bibliothèque nationale de Russie, Manuscrit F. V.XIV.I44
- 44 Voir Voronova et Sterligov, Manuscrits enluminés occidentaux, qui contient une reproduction de l’im (...)
80Ce codex était destiné à un grand seigneur flamand, Wolfart de Borssele, beau-frère du célèbre bibliophile Louis de Bruges, dont les armoiries figurent au début du recueil. Manuscrit frère de l’exemplaire de la BnF, il provient de la collection de Louis de Bruges. Malheureusement, son programme iconographique est inachevé : il reste des blancs à l’intérieur des initiales et quarante-huit emplacements vides en tête des livres et des chapitres, destinés aux enluminures. La seule miniature achevée est l’œuvre du Maître de Louis de Bruges, ou Maître de Marguerite d’York. Sa datation est forcément antérieure à 1487, date du décès de son possesseur. Cette peinture à demi-page, au folio 13, représente une scène de dédicace : un seigneur, probablement Wolfart de Borssele, accompagné de son épouse et de leur suite, rend visite à l’auteur. Caractéristique du style de la cour de Bourgogne, la scène déploie à l’arrière-plan en une sorte de fresque murale les sept planètes astrologiques : Vénus, Mars, Mercure, Neptune, Saturne, Uranus, et Jupiter, qui rappellent à notre souvenir les figures des dieux peints sur le bouclier d’Achille dans le manuscrit Paris, BnF fr. 137, mais aussi les astres que la Sybille montre dans le ciel à l’avant-dernière miniature du manuscrit Thott 399 (fol. 365r). Or, il se trouve justement que cette miniature du Thott 399 fait partie des quelques images qui ne semblent pas être de la main du Maître de Rambures, mais se rapprochent plutôt de celles du BnF fr. 137.
- 45 Voir The Middle English Text of Caxton’s Ovid.
81Il est donc permis de supposer que les deux images se rapportant aux astres dans les deux manuscrits, qui se rapprochent également par le style (trait du dessin plus fin, silhouettes plus élancées, couleurs plus brillantes et plus tranchées que celles du Maître de Rambures, mais aussi scènes plus statiques, moins animées), caractérisent un autre peintre, peut-être même le peintre du manuscrit BnF fr. 137, le Maître de Marguerite d’York. Cette remarque pourrait apporter la preuve que les trois manuscrits ont transité par les mêmes ateliers, et donc que les gravures de l’édition de Colard Mansion sont autant redevables au manuscrit de Copenhague qu’au manuscrit parisien, comme le supposait déjà D. Rumrich45.
Londres, British library, Manuscrit Royal 17. E. IV
82Ce codex contient une version en prose de l’Ovide moralisé illustrée de quinze miniatures introduisant à chacun des quinze livres.
Les premières éditions incunables L’Ovide moralisé de Colard Mansion46
- 46 Voir Jung, « L’Ovide moralisé : de l’expérience de mes lectures », p. 121-122. Voir aussi J. -C. Mo (...)
83C’est la première édition de la version romane en prose des Métamorphoses d’Ovide, illustrée de bois gravés, auxquelles Colard Mansion ajoute les moralisations puisées dans Bersuire au livre XI de son Reductorium Morale (tout en croyant les tirer de Thomas Walleys), adaptées et en partie réécrites par Colard Mansion lui-même, et publiées à Bruges en mai 1484. Cette édition est le dernier travail connu de l’éditeur, sans doute à l’origine de sa faillite, selon M. -R. Jung, car trop onéreux. Selon M. -R. Jung encore, Mansion aurait repris la version en prose du manuscrit BnF 137.
- 47 Voir The Middle English Text of Caxton’s Ovid.
- 48 La BnF possède plusieurs exemplaires illustrés de l’édition de Bruges, dont l’exemplaire Rés. g. Yc (...)
84Cependant, une étude attentive des illustrations dans les premières éditions conservées à la BnF montre que, en ce qui concerne les images, enluminées ou simplement gravées, le manuscrit source est bien le manuscrit Thott 399 de Copenhague : il semble en effet que Mansion s’en soit inspiré pour la représentation des dieux antiques, comme l’indique D. Rumrich47, indépendamment du style des enluminures. Ainsi, en représentant la « figure de Saturne », l’artiste n’a pas oublié, mais a au contraire disposé au premier plan le personnage de Pluton, son sceptre royal à la main, brûlant sur un petit bûcher qui symbolise l’enfer. Rappelons que dans le manuscrit Thott 399, à l’arrière-plan de l’image, Pluton figurait dans la même posture au fond d’une grotte d’où sortaient des flammes infernales. Puis c’est Ovide avec son œuf qui partage la page avec Dieu organisant la chute des anges rebelles. Enfin, une série d’illustrations correspondant à chaque tête de chapitre, et dans l’ordre observé par le manuscrit Thott 399, réapparaissent dans les éditions successives de Mansion à Bruges (1484), puis de Vérard à Paris (1493), avec parfois des variantes, et un choix thématique différent. Les enluminures d’origine, adaptées au procédé de la gravure, sont peu fidèlement reproduites. On observe en effet de fréquentes inversions des images, des doublons, des emprunts à d’autres programmes iconographiques appartenant à des sujets et à des styles totalement différents48.
- 49 La BnF en possède également plusieurs exemplaires, dont le Rés. g. Yc. 425, ainsi que deux exemplai (...)
85Le livre de Mansion a été réimprimé sous le titre La bible des poètes de methamorphosee au moins à quatre reprises à Paris entre 1493 et 1531 chez Antoine Vérard, avec des allégories49.
86Une version plus authentique, qui élimine les allégories introduites par Mansion, mais en conservant ses adaptations, sera publiée à de nombreuses reprises entre 1532 et 1570 chez l’imprimeur lyonnais Denys Harsy sous le titre Le Grand Olympe des histoires poëtiques du prince de poésie Ovidius Naso en sa Métamorphose.
- 50 Venise, Zoane Rosso, 1497 ; Paris, Antoine Vérard, 1498, français ; Tusculanum, A. Paganini, 1526, (...)
87Suivront un nombre conséquent d’éditions du Grand Olympe jusqu’en 158650.
Conclusion
88Des plus anciens programmes iconographiques aux premières éditions illustrées, les diverses versions illustrées actuellement connues de l’Ovide moralisé tissent un écheveau parfois difficile à débrouiller, mais l’important est de pouvoir mettre en relation des manuscrits appartenant à une même « famille », tant au niveau de la tradition textuelle que de l’illustration.
89Les liens ainsi créés restent cependant à l’état d’ébauche, dans l’attente de plus amples recherches concernant d’une part la tradition manuscrite de l’œuvre, d’autre part le fonctionnement des ateliers de copie et d’enluminure.
90Cependant, de notre point de vue de « modernes », c’est avec délectation que nous pouvons observer, dans le cadre des directives très strictes en matière de représentation et d’allégorisation des fables d’Ovide, la grande habileté et le talent incontestable des miniaturistes pour transposer en images, commenter, interpréter des textes qu’ils devaient connaître parfaitement, même s’ils ne les avaient pas lus. Ils permettaient ainsi à des lecteurs de ressentir un véritable plaisir esthétique tout en suivant par l’image les aventures des dieux et héros de l’Antiquité et, éventuellement, d’en tirer l’enseignement moral qui leur était soufflé.
91Les autres manuscrits illustrés des « figures des dieux » présentaient, eux, l’avantage de faire intégrer à leurs lecteurs l’orthodoxie de la religion antique, telle que la leur avaient transmise les mythographes médiévaux, et qui allait être à l’origine de si belles œuvres d’art à la Renaissance en Italie, puis dans l’Europe entière. En effet, plus on avance dans le temps, vers la fin du Moyen Âge, moins les allégorisations intéressent les lecteurs, d’où une évolution irrésistible des programmes iconographiques vers un recueil de fables mythologiques à valeur principalement culturelle et divertissante.
Notes
1 R. Blumenfeld-Kosinski, « Illustration et interprétation dans un manuscrit de l’Ovide moralisé (Arsenal 5069) », Lectures et usages d’Ovide (xiiie-xve siècles), éd. E. Baumgartner, Cahiers de recherches médiévales, 9, 2002, p. 71-82.
2 Ovide moralisé, poème du commencement du quatorzième siècle, publié d’après tous les manuscrits connus, éd. C. De Boer, Amsterdam, Müller, 1915-1938, vol. I-V.
3 M. -R. Jung : « Ovide, texte, translateur et gloses dans les manuscrit de l’Ovide moralisé », The Medieval Opus. Imitation, Rewriting, and Transmission in the French Tradition, éd. D. Kelly, Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 1996, p. 75-98 ; voir aussi du même auteur : « Aspects de l’Ovide moralisé », Ovidius redivivus. Von Ovid zu Dante, éd. M. Picone et B. Zimmerman, Stuttgart, Metzel, 1994, p. 149-172 ; « Les éditions manuscrites de l’Ovide moralisé », Cahiers d’Histoire des Littératures Romanes/Romanische Zeitschrift für Literaturgeschichte, 20, 1996, p. 251-274 ; « L’Ovide moralisé : de l’expérience de mes lectures à quelques propositions actuelles », Ovide métamorphosé. Les lecteurs médiévaux d’Ovide, éd. L. Harf-Lancner, L. Mathey-Maille et M. Szkilnik, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2009, p. 107-122.
4 Piramus et Tisbé, éd. F. Branciforti, Florence, Olschki, 1959.
5 M. Cavagna, M. Gaggero et Y. Greub, « La tradition manuscrite de l’Ovide moralisé. Prolégomènes à une nouvelle édition », Romania, 132, 2014, p. 176-213. Voir aussi M. Gaggero, « Variantes de rédaction dans la tradition du Piramus et Tisbé », Critica del Testo, 13, 2010, p. 67-72.
6 En suivant l’exemple de Cavagna et al., « La tradition manuscrite de l’Ovide moralisé », nous appellerons A1 le manuscrit O. 4 de la Bibliothèque municipale de Rouen, A2 le manuscrit O. 11bis de la même bibliothèque, et B le manuscrit 742 de la Bibliothèque municipale de Lyon.
7 Cette datation est en cours de réexamen par l’équipe OEF. Une datation n’excédant pas les années 1330 semblerait plus juste.
8 Voir Jung, « L’Ovide moralisé : de l’expérience de mes lectures », p. 115.
9 Dans son introduction à Le Roman de Fauvel, ed. of Messire Chaillou de Pestain : A reproduction in Facsimile of the Complete Manuscript, Paris, BnF, manuscrit français 146, éd. E. Roener, F. Avril et N. F. Regalado, New York, Broude Bros, 1990.
10 Voir C. Lord, « Three manuscripts of the Ovide moralisé », Art bulletin, 57, 1975, p. 141-175.
11 Voir n. 2 p. 23.
12 Voir encore Lord, « Three manuscripts ».
13 En effet, dans l’Ovide moralisé, les cycles iconographiques les plus disparates s’inspirent de sources autres que les Métamorphoses et déjà illustrées, comme le cycle troyen (l’Histoire universelle et le Roman de Troie), l’histoire de Jason et Médée dans les Héroïdes, etc. En revanche, des œuvres comme Pyrame et Thisbé ou la Philomène de Chrétien de Troyes, admirablement racontées en images dans le manuscrit Rouen O. 4 en particulier, n’ont dû leur survie littéraire et artistique qu’à leur insertion dans l’Ovide moralisé.
14 Curieusement, l’image représentant Callisto à demi transformée en ourse dans ce manuscrit se répète dans celle de Pasiphaé (pourtant, elle à demi déguisée, et non muée en vache) et correspond exactement à l’une des figures du bestiaire fantastique décorant le Portail des Libraires de la cathédrale de Rouen, où par ailleurs Dieu est également représenté créant le monde et présidant à toutes les péripéties de la Genèse jusqu’à la Chute. L’artiste responsable des miniatures du manuscrit de l’Arsenal partageait donc vraisemblablement avec le maître sculpteur du portail des Libraires une vision très soumise aux codes de représentation de son époque, concernant la métamorphose en bête sauvage de type lion ou ours (ou en femme serpent ou dragon, voir Mélusine) comme marque d’avilissement de la femme. Voir L. Pillon, Les Portails latéraux de la cathédrale de Rouen, Paris, 1907 ; et plus récemment, F. Thénard-Duvivier, « Hybridation et métamorphoses au seuil des cathédrales », Images Re-vues. Histoire, anthropologie et théorie de l’art, 6, 2009 (en ligne), ainsi que Images sculptées au seuil des cathédrales. Les portails de Rouen, Lyon et Avignon (xiiie-xive siècles), Rouen, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2012.
15 C. Rabel, L’illustration de l’Ovide moralisé dans les manuscrits français du xive siècle. Essai pour une étude iconographique, mémoire de maîtrise, Université Paris IV-Sorbonne, 1981.
16 Voir M. Possamaï-Pérez, « Mythologie antique et perversions sexuelles : le regard d’un clerc du Moyen Âge », Anabases, 9, 2009, p. 123-137.
17 Voir Lord, « Three manuscripts », n. 13.
18 A. Boinet, « Les manuscrits à peintures de la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris », Bulletin de la Société française de reproduction des manuscrits à peintures, 5, 1921, p. 5-43 ; F. Bucher, The Pamplona Bibles, New Haven and London, 1970.
19 M. Meiss, French Painting in the Time of Jean de Berry : The Limbourgs and their Contemporaries, New-York, 1974, p. 23-41.
20 J. Drobinsky, « La narration iconographique dans l’Ovide moralisé de Lyon (BM Ms. 742) », Ovide métamorphosé. Les lecteurs médiévaux d’Ovide, éd. Harf-Lancner, Mathey-Maille et Szkilnik, p. 223-244.
21 Voir en particulier F. Avril, « Le parcours exemplaire d’un enlumineur parisien de la fin du xive siècle : la carrière et l’œuvre du Maître du Policratique de Charles V », De la sainteté à l’hagiographie. Genèse et usage de la Légende dorée, éd. B. Fleith et F. Menzoni, Genève, Droz, 2001, p. 265-282.
22 P. Berchorius, De formis figurisque deorum, textus e codice, éd. J. Engels, Utrecht, 1966.
23 Christine de Pizan, Épître d’Othéa, trad. H. Basso, Paris, PUF, 2008.
24 Voir F. Clier-Colombani, « Prologues en images dans l’Ovide moralisé », Prologues et épilogues dans la littérature du Moyen Âge, Bien dire et bien aprandre, 19, 2001, p. 57-76 ; N. Koble, « Les dieux d’Ovide dans un manuscrit du xve siècle de l’Ovide moralisé en vers (Copenhague, Kongelige Bibliotek, Thott 399) », Lectures et usages d’Ovide, éd. Baumgartner, p. 157-175.
25 Voir Drobinsky, « La narration iconographique dans l’Ovide moralisé de Lyon », p. 228-230.
26 Voir Blumenfeld-Kosinski, « Illustration et interprétation dans un manuscrit de l’Ovide moralisé », p. 77.
27 Voir Koble, « Les dieux d’Ovide dans un manuscrit du xve siècle », p. 157.
28 Voir F. Avril et N. Reynaud, Les manuscrits à peinture en France (1440-1520), Paris, 1994, p. 93-97 ; A. -M. Legaré, L’héritage de Simon Marmion en Hainaut (1490-1520), Valenciennes, 1996, p. 215-224.
29 N. Koble (citant F. Avril et N. Reynaud) rappelle qu’on a pu attribuer au même couple copiste-enlumineur trois autres manuscrits de la même période : un Livre du roi Modus, un manuscrit de l’Histoire de Jules César et un exemplaire du Quadriloge invectif d’Alain Chartier (voir « Les dieux d’Ovide dans un manuscrit du xve siècle », p. 160).
30 Miniatures flamandes, 1404-1482, éd. B. Bousmanne et T. Delcourt, Paris-Bruxelles, Bibliothèque nationale de France, 2011.
31 Voir Le Commentaire de Copenhague de l’Ovide moralisé, avec l’édition du VIIe livre, éd. J. Th. Van’t Sant, Paris-Amsterdam, 1929, première édition de la traduction du texte de Bersuire entièrement reprise par C. de Boer dans son édition de l’Ovide moralisé, 1938, Appendice II, vol. V. Pour le texte latin de Bersuire, se reporter à l’édition citée de J. Engels (la traduction française suit la version avignonnaise du texte qui inventorie 17 divinités). Voir enfin J. Seznec, La Survivance des dieux antiques, Paris, Flammarion, 1993, p. 204-210.
32 Voir Rabel, L’Illustration de l’Ovide moralisé, p. 37-38.
33 Ovide moralisé, éd. De Boer, vol. I, p. 68.
34 Voir Koble, « Les dieux d’Ovide dans un manuscrit du xve siècle de l’Ovide moralisé ».
35 C’est la datation proposée par M. -R. Jung, repoussée par l’équipe OEF (M. Besseyre) au début du xve siècle.
36 Ainsi le manuscrit 344 de la Bibliothèque communale de Trévise (Ovidius moralizatus, De formis figurisque deorum) ou celui du Vatican, Bibliothèque apostolique vaticane, manuscrit Reg. lat. 1290, fol. 1r, étudiés par H. Ost, « The mythographical images in the Roman de la Rose of Valencia », De la Rose. Texte, Image, Fortune, éd. C. Bel et H. Braet, Louvain-Paris, Peeters, 2006, p. 141-181.
37 Le mythographe auteur du De deorum imaginibus libellus n’a pas encore été identifié ; il s’appelait peut-être Albéric. Voir Mythographi Latini, éd. T. Munckerus, Amsterdam, 1681.
38 Voir A. -M. Legaré, « Splendeur de la miniature de Hainaut », Le Livre des Échecs amoureux, éd. A. -M. Legaré et B. Roy, Paris, Chêne, 1991, chap. « Les dieux antiques et leur représentation au Moyen Âge » et « Les images de mémoire », p. 87-90. Voir aussi M. Jeay, « La mythologie comme clé de mémorisation : la glose des échecs amoureux », Jeux de mémoire. Aspects de la mnémotechnie médiévale, éd. B. Roy et P. Zumthor, Paris – Montréal, Vrin – Presses de l’Université de Montréal, 1985, p. 157-168.
39 C’est la datation proposée par M. -R. Jung, repoussée par l’équipe OEF (M. Besseyre) au milieu du xve siècle. Voir l’analyse codicologique et stylistique des cycles enluminés des manuscrits de l’Ovide moralisé développée dans l’introduction du volume de prolégomènes à l’édition critique préparée par l’équipe OEF, à paraître en 2016.
40 Voir, dans le catalogue de l’exposition Miniatures flamandes, 1404-1482, éd. B. Bousmanne et T. Delcourt, Paris/Bruxelles, BNF/KBR, 2011, p. 304-305, la notice de P. Schandel, qui situe la version en prose de l’Ovide moralisé du manuscrit fr. 137 à une date antérieure à 1480, date à laquelle C. Mansion l’édite. Voir aussi T. Voronova et A. Sterligov, Manuscrits enluminés occidentaux du viiie au xvie siècle à la Bibliothèque nationale de Russie de Saint-Pétersbourg, Bournemouth – Saint-Pétersbourg, Parkstone – Éditions d’art Aurora, 1996, p. 285-286.
41 Voir E. Langlois, « Une rédaction en prose de l’Ovide Moralisé », Bibliothèque de l’École des Chartes, 62, 1901, p. 251-255.
42 Voir Ovide moralisé, éd. De Boer, vol. I, p. 65 : « li celestiaus feus sailli / Ou plus haut siege, et empres li / Li air, qui de leu le resamble / Et de legierete ensamble / Plus que la terre ne mer ne font » (I, 189-193).
43 Voir The Middle English Text of Caxton’s Ovid, Book I, edited from Cambridge, Magdalene College, Old Library, MS F. 4.34, with a Parallel Text of The Ovide moralisé en prose II, edited from Paris, BnF, MS fonds français 137, éd. D. Rumrich, Heidelberg, Winter, 2011 ; William Caxton, The booke of Ovyde named Methamorphose, éd. R. J. Moll, Toronto/Oxford, Pontifical Institute of Mediaeval Studies/Bodleian Library, 2013.
44 Voir Voronova et Sterligov, Manuscrits enluminés occidentaux, qui contient une reproduction de l’image.
45 Voir The Middle English Text of Caxton’s Ovid.
46 Voir Jung, « L’Ovide moralisé : de l’expérience de mes lectures », p. 121-122. Voir aussi J. -C. Moisan et S. Vervacke, « Les Métamorphoses d’Ovide et le monde de l’imprimé : la Bible des poëtes, Bruges, Colard Mansion, 1484 », Lectures d’Ovide, publiées à la mémoire de J. -P. Néraudau, éd. E. Bury, Paris, Les Belles Lettres, 2003, p. 217-237.
47 Voir The Middle English Text of Caxton’s Ovid.
48 La BnF possède plusieurs exemplaires illustrés de l’édition de Bruges, dont l’exemplaire Rés. g. Yc. 1002, variante A, et le Rés. g. Yc. 1028, variante B de l’édition de 1484 (en fac-similé). Cette édition présente l’intérêt d’être richement enluminée.
49 La BnF en possède également plusieurs exemplaires, dont le Rés. g. Yc. 425, ainsi que deux exemplaires imprimés sur vélin et également enluminés : Rés. Velins 599 et Rés. Velins 560, provenant de la Bibliothèque royale. L’exemplaire Rés. g. Yc. 426, provenant de la Bibliothèque royale, est numérisé ; voir le site Gallica.
50 Venise, Zoane Rosso, 1497 ; Paris, Antoine Vérard, 1498, français ; Tusculanum, A. Paganini, 1526, latin ; Venise, Bernardinum de Birdonibus, 1540, latin ; Mayence, Jörg Wickram, allemand, 1551 ; G. Rouillé, 1556, ill. des 3 premiers livres, français ; Lyon, Jean de Tournes, 1557, huitains de Barthélémy Aneau, Ch. Fontaines, J. Vauzelles, bois gravés de Salomon. Voir Jung, « L’Ovide moralisé : de l’expérience de mes lectures », p. 122-123.
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Référence papier
Françoise Clier-Colombani, « Les différents programmes iconographiques », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 30 | 2015, 21-48.
Référence électronique
Françoise Clier-Colombani, « Les différents programmes iconographiques », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 30 | 2015, mis en ligne le 24 février 2019, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/13883 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.13883
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