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L'extension de la langue vernaculaire en Angleterre à la fin du moyen âge

Chaucer : poète multilingue, mais jusqu’où ?

Florence Bourgne
p. 199-214

Résumés

Cette note propose d’explorer le rapport de Chaucer avec toute l’aire francophone, y compris dans sa partie la plus septentrionale. On connaît les contacts de Chaucer avec les écrivains franciens ainsi que l’intérêt de Chaucer pour « la Flandre, l’Artois et la Picardie » ; l’interpolation spontanée de la « Burgoyne » comme l’un des horizons du monde connu dans son Romaunt of the Rose confirme la fascination de Chaucer pour cet empire ducal en constitution, où le picard était largement pratiqué.

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Texte intégral

  • 1 L’ouvrage de B. L. Jefferson, Chaucer and the Consolation of Philosophy of Boethius, 1917, réimpr. (...)
  • 2 L’étude de Ch. Muscatine, Chaucer and the French Tradition : A Study in Style and Meaning, Berkeley (...)

1Les rapports complexes entretenus par Chaucer avec les trois langues usitées en Angleterre ont déjà donné lieu à un vaste nombre d’enquêtes. Chaucer, considéré au début du XXe siècle comme un piètre latiniste, parce que sa traduction de la Consolation de Philosophie de Boèce ne s’appuyait pas sur les textes établis par l’érudition moderne, a retrouvé ses galons mérités de « translateur » du latin1. Quant au français, on a très tôt décelé chez Chaucer sa capacité à identifier le vocabulaire issu de l’anglo-normand et galvaudé par les romances des rimailleurs, dont il réserve l’usage à ses pièces comiques2.

Chaucer face aux variétés et variations de l’anglais

2Chaucer est également sensible aux variantes dialectales de l’anglais. À la fin du Troilus, il décrit les risques d’une transmission manuscrite dans un contexte multilingue anxiogène ; il s’inquiète de la diversité des dialectes anglais, qui risque de mettre en danger la perfection métrique de son poème, dont la copie et même la récitation le soumettra à maintes traductions successives :

  • 3 « Va ton chemin, modeste tragédie !/Comme il existe une telle diversité/En anglais, de dialectes, d (...)

Go, litel bok, go, litel myn tragedye, […]
And for ther is so gret diversite
In Englissh and in writyng of oure tonge,
So prey I God that non myswrite the,
Ne the mysmetre for defaute of tonge ;
And red wherso thow be, or elles songe,
That thow be understonde, God I biseche ! (V, v. 1786, 1793-1798)3

  • 4 Ardis Butterfield considère que ces vers constituent une déclaration formelle de l’ auctoritas moye (...)
  • 5 D’où de nombreux débats sur la fonction et la réalisation du -e final dans le dialecte de Chaucer ; (...)
  • 6 Voir L. R. Mooney, « Chaucer’s Scribe », Speculum, 81, 2006, p. 97-138.
  • 7 Voir D. Pearsall, « Chaucer’s Meter : The Evidence of the Manuscripts », Medieval Literature : Text (...)
  • 8 Voir E. Solopova, « Chaucer’s Metre and Scribal Editing in the Early MSS of The Canterbury Tales », (...)

3Ironiquement, cette remarque fut largement citée et discutée4, mais le langage de Chaucer subit pourtant un lissage, une normalisation par les différents éditeurs : le père de la poésie anglaise se devait d’être également celui du décasyllabe iambique5. Comme l’explique Derek Pearsall, les scribes eux-mêmes ayant eu très tôt à cœur de régulariser le vers chaucérien, il existe toujours une variante disponible permettant à l’éditeur d’établir un texte métriquement correct ; pourtant la consultation du manuscrit Hengwrt des Contes de Canterbury (Aberystwyth, National Library of Wales, ms. Hengwrt 392 D), copié par Adam Pinkhurst, scribe proche de Chaucer6, permet de constater que le vers de Chaucer pouvait être acéphale, hypersyllabique, voire, comme le vers lydgatien, présenter une syllabe en moins à la césure7.De la même manière, l’examen des manuscrits Hengwrt et Ellesmere des Contes permet de prouver que leur ponctuation était essentiellement destinée à favoriser la compréhension rhétorique du texte poétique, au contraire de l’usage scribal courant, qui était plutôt d’éclairer la métrique en marquant par exemple la césure – c’est donc, comme le suggère Elisabeth Solopova, à Chaucer lui-même qu’il faut attribuer cette pratique exceptionnelle8.

4Chaucer était inquiet de la préservation de ses œuvres vernaculaires et se préoccupait de leur mise par écrit, conscient qu’il était non seulement de la diversité linguistique synchronique, mais aussi de la rapide évolution des langues ; il est précurseur, dans son Troilus encore, de la formule heureuse de L. P. Hartley au début du Go-Between (1953), « The past is a foreign country : they do things differently there » :

  • 9 « On sait aussi que la langue évolue/Au cours d’un millénaire : des mots jadis/Chargés de valeur no (...)

Ye knowe ek that in forme of speche is chaunge
Withinne a thousand yeer, and wordes tho
That hadden pris, now wonder nyce and straunge
Us thinketh hem, and yet thei spake hem so,
And spedde as wel in love as men now do ;
Ek for to wynnen love in sondry ages,
In sondry londes, sondry ben usages.[…]
Forthi men seyn, “Ecch contree hath his lawes.” (II, v. 22-28, 42)9

  • 10 Le traitement soigneusement pesé que réserve Chaucer à l’Antiquité païenne est étudié par A. J. Min (...)

5L’amour dans le passé est aussi étrange que l’amour à l’étranger ; le changement linguistique est affaire de temps autant que de distance10.

Chaucer locuteur du français

  • 11 Pour un aperçu des hésitations et des stratégies d’une autorité littéraire vernaculaire anglaise qu (...)
  • 12 « Chaucer and Internationalism », Studies in the Age of Chaucer, 2, 1980, p. 71-79, ici p. 79 ; cit (...)
  • 13 Voir J. I. Wimsatt, Chaucer and the Poems of « Ch » in University of Pennsylvania MS French 15, Cam (...)
  • 14 Voir H. Cooper, « London and Southwark Poetic Companies : “Si tost c’amis” and the Canterbury Tales(...)

6Chaucer est conscient des variations de la langue, tant synchroniques que diachroniques ; or son choix d’utiliser la langue anglaise comme vecteur littéraire s’opère dans un contexte où tout concourait à faire du français la langue culturellement dominante11, et ne pouvait que s’inscrire dans un contexte européen plus large. Elizabeth Salter l’affirme, « his use of English is the triumph of internationalism12 ». Ce sentiment est conforté par la découverte d’une série de poèmes en français, signés « Ch », et que l’on dit « attribuables » à Chaucer, conservés dans une anthologie manuscrite de poèmes à formes fixes, qui associe au mystérieux « Ch » des poètes français, tous connus de Chaucer (Guillaume de Machaut, Oton de Grandson, Eustache Deschamps, Jean de Le Mote) ; Grandson serait l’initiateur du volume13.Plus récemment encore, Helen Cooper a suggéré que Chaucer avait pu soit, à un jeune âge, participer aux activités du puy de Londres – modèle possible du concours littéraire qui oppose les pèlerins narrateurs des Contes de Canterbury – soit se souvenir des activités de cette confrérie fondée à la fin du XIIIe siècle, du temps de ses grand-parents14.

Chaucer et l’anglais du nord

  • 15 La question de l’originalité ou non Chaucer est au cœur des travaux de Christopher Cannon, qui réex (...)
  • 16 Voir R. M. Jordan, « Heteroglossia and Chaucer’s Man of Law’s Tale », Bakhtin and Medieval Voices, (...)

7Mais Chaucer n’est pas seulement un poète anglais capable d’écrire en français, la langue de travail et de prestige de la cour qu’il fréquente professionnellement depuis son plus jeune âge. Comme le font pressentir ses remarques dans le Troilus sur les variétés dialectales de l’anglais, on pourrait dire qu’il construit un (son15 ?) vernaculaire anglais à partir d’un collage de jargons. Cette polyglossie quasi-bakhtinienne se fait jour particulièrement dans les Contes : dès le prologue, lieu des portraits des différents pèlerins, Chaucer explore les occupations des divers états de la société médiévale et convoque en virtuose le (s) vocabulaire (s) spécialisé (s) nécessaire (s) à leurs descriptions. De nombreux contes se prêtent à une analyse au sens chimique du terme, comme lorsque Robert M. Jordan décèle au sein du Conte du Juriste l’interpénétration du langage littéraire, du jargon scientifique, de la verve du prédicateur, et principalement « d’îlots de rhétorique » clairement identifiables comme chrétiens ou païens, tentant une taxonomie de ces différentes langues16.Dans ce domaine, le Conte du Régisseur a mobilisé toutes les attentions, puisque Chaucer y met en scène deux étudiants originaires des marches du royaume d’Angleterre :

  • 17 « L’un des clercs s’appelait Jean, l’autre Alain/Tous deux natifs de Strother-Les-Broussailles/Qui (...)

John highte that oon, and Aleyn highte that oother,
Of o toun were they born, that highte Strother,
Fer in the north ; I kan nat telle where. (I, v. 4013-4014)17

  • 18 Voir J. R. R. Tolkien, « Chaucer as Philologist : The Reeve’s Tale », Transactions of the Philologi (...)
  • 19 Juliette Dor repère l’ancrage dialectal et géographique de chacun des pèlerins et de leurs contes, (...)

8Ces deux rusés parlent l’anglais du Nord. Dans le sillage de Tolkien18, critiques et philologues ont largement débattu du caractère authentique ou non de ces marques dialectales, et des enjeux soulevés par cette diglossie : nature et étendue de la standardisation dialectale à la fin du XIVe siècle, sympathie de Chaucer envers les autres états de la langue anglaise19… Chaucer échappe à sa figure de poète d’une coterie londonienne, avide de modèles français, il est capable de convoquer les rudes accents du Nord, de les assimiler presque.

  • 20 Voir S. Delany, « Geographies of Desire : Orientalism in Chaucer’s Legend of Good Women », Chaucer (...)
  • 21 Suzanne Conklin Akbari refuse d’ailleurs de décentrer ainsi le propos, de Chaucer, et ré-analyse la (...)

9Cette lecture d’un Chaucer polyglotte, hors des murs de la cité londonienne, s’inscrit dans un mouvement encore plus radical de ré-orientation du poète ricardien, dont la fascination pour l’Orient se cristallise dans un certain nombre de passages-clés plus ou moins ponctuels : le choix d’un certain nombre d’héroïnes exotiques de la Légende des dames vertueuses, la description d’un automate au début du Conte de l’Écuyer, la confrontation de Constance et du sultan dans le Conte du Juriste20.Cette vision d’un Chaucer tout entier préoccupé par un lointain Orient semble excessive au vu du faible nombre de loci convoqués, et de leur caractère finalement assez conforme aux attentes du public anglais de la fin du XIVe siècle21.

Chaucer, l’anglo-français, le francien et le picard

10Chaucer se montre surtout capable de se confronter à un Autre bien plus proche je crois des côtes anglaises, dans sa façon d’appréhender le modèle culturel français qui est mise en œuvre dès sa traduction du Roman de la Rose. Car le modèle qu’imite Chaucer, c’est bien celui du français d’Outre-Manche, lui qui se moque sans vergogne de la prieure qui parle le français de Stratford-at-Bow :

  • 22 « Elle parlait français avec élégance,/Le français appris à Stratford-atte-Bowe/Car elle ignorait l (...)

And Frenssh she spak ful faire and fetisly
After the scole of Stratford atte Bowe,
For Frenssh of Parys was to hire unknowe (General Prologue, v. 124-126)22

Ce qui rappelle l’avare de Piers Plowman :

  • 23 « Je croyais que chapardage, c’était restitution, dit-il, car je n’ai jamais appris dans les livres (...)

‘ I wende riflynge were restitucion’quod he, ‘ for I lerned nevere rede on boke
And I kan no Frenssh, in feith, but of the Fertheste ende of Northfolk .’
(Texte B, Passus V, v. 234-235)23

  • 24 Cannon, The Making of Chaucer’s English, p. 58, n. 42.

11Prudent, Christopher Cannon distingue dans son étude du vocabulaire de Chaucer les étymologies des emprunts aux différents lexiques romans, entre AF anglo-français, AL anglo-latin, CF francien (« Central French »), L latin, NF normanno-picard ( ? « Northern French »), OF ancien français, It. italien, ML latin médiéval et ONF ancien normand ( ? « Old Northern French »)24.

  • 25 Pour se figurer ces déplacements à partir du « couloir » calaisien, on pourra consulter par exemple (...)
  • 26 Pour une description détaillée des circonstances de ces déplacements, voir D. Pearsall, The Life of (...)

12Si l’oreille de Chaucer détecte, on l’a vu, les piètres francophones, il ne peut ignorer non plus qu’il existe sur le Continent même plusieurs types de dialectes du français. Sa famille de marchands de vin entretenait des liens commerciaux avec la Gascogne et la région de Bordeaux ; la Normandie, elle, n’est plus anglaise depuis 1204, seule demeure l’enclave du Ponthieu. La majorité des voyages de Chaucer en territoire francophone se déroulent dans le Nord de la France, en terre picarde ou champenoise : il fait partie des troupes de Lionel en 1359, et est capturé lors du siège de Reims en 1360 ; la même année il est chargé de courriers entre Calais et l’Angleterre. En 1369 il sert dans l’armée de Jean de Gand, toujours en Picardie, puis en Aquitaine en 137025. En 1376-1378 il mène en France et en Flandre diverses négociations, tantôt de paix, tantôt pour arranger un mariage pour Richard II26.On songe évidemment, car ces expéditions se déroulent lorsque Chaucer a entre 20 et 28 ans, peut-être moins, au portrait du jeune Écuyer des Contes de Canterbury :

  • 27 « Il avait participé à des raids/Dans les Flandres, en Artois et Picardie. »

And he hadde been somtyme in chyvachie
In Flaundres, in Artoys, and Pycardie. (General Prologue, v. 85-86)27

  • 28 « “Moult Bien Parloit et Lisoit le Franchois”, or Did Richard II Read with a Picard Accent ? », The (...)

13Cette focalisation stratégique n’est pas sans effets linguistiques : Froissart, chroniqueur picard, était présent à la cour d’Angleterre jusqu’en 1367, et y revint en 1395 pour offrir à Richard II un recueil de ses poèmes ; le volume ayant survécu, il est possible d’y distinguer des traits picards, ce qui amène Andrew Taylor à proposer que le poète, habile courtisan, cherchait là à renouer avec le patronage illustre de Philippa de Hainault, l’épouse d’Édouard III, et à suggérer que Richard II lisait donc volontiers le picard28.

  • 29 « Rencontre entre anglo-français et picard dans le Nord-Ouest de l’Europe : à chacun son français ? (...)

14Dans une communication récente à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Serge Lusignan a décrit les conséquences linguistiques de l’imbrication économique entre Flandre, France du Nord et Angleterre, autour du commerce et de la transformation de la laine. Il en ressort – un exemple parmi d’autres tirés des archives locales ou nationales – que la plupart des requêtes de marchands d’Artois et du Ponthieu adressées au roi d’Angleterre étaient rédigées en picard, mais que l’administration royale veillait à enregistrer et diffuser des pétitions et actes en anglofrançais, sous l’égide de clercs capables de détecter et d’expurger les traits dialectaux tant du picard que de l’anglo-normand : les deux dialectes demeurent étanches, ce que l’on peut constater lorsque deux versions du même texte nous ont été conservées29.

15Le fétiche du français tel que l’identifie Deanne Lewis à l’époque de Chaucer existe donc bien :

  • 30 The French Fetish From Chaucer to Shakespeare, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 13-1 (...)

We can think of the English fetishization of French culture in the medieval and early modern period in much the same way as it functions today, with anglophones regarding French fashion, French food, and the French lifestyle as exotic, luxurious, and sophisticated. […] French language and culture function in English culture in a manner analogous to commodity fetishism, as French words and things confer an ineffable prestige upon the speaker30.

Le « discours de Flandre » et la greffe de la rose

  • 31 D. Wallace, Premodern Places : Calais to Surinam, Chaucer to Aphra Behn, Oxford, Blackwell, 2004, c (...)

16Mais il est certain que le français ainsi adulé est un français au moins triple : anglo-français, francien « de Paris » et picard. Chaucer développe même, selon les termes de David Wallace, un « discours de Flandre31 », particulièrement sensible dans le portrait de l’Écuyer, mais aussi dans celui de la Bourgeoise de Bath, dont les activités de tisserande lui permettent de rivaliser avec Ypres et Gand, et qui fait pèlerinage à Boulogne :

  • 32 « Elle se connaissait si bien en tissage/Qu’elle dépassait ceux d’Ypres et ceux de Gand. […] Elle a (...)

Of clooth makyng she hadde swich an haunt
She passed hem of Ypres and of Gaunt.[…]
And thries hadde she been at Jerusalem ;
She hadde passed many a straunge strem ;
At Rome she hadde been, and at Boloigne,
In Galice at Seint-Jame, and at Coloigne. (General Prologue, v. 447-448, 463-466)32

17Ou encore dans le Conte du Marin où un marchand se rend à Bruges pour y commercer ; dans celui du Vendeur d’Indulgences qui décrit la débandade de petits voyous flamands :

  • 33 « Dans les Flandres jadis était une bande/De jeunes gens qui menaient folle vie :/Jeux de hasard et (...)

In Flaunders whilom was a compaignye
Of yonge folk that haunteden folye,
As riot, hasard, stywes, and tavernes,
Where as with harpes, lutes, and gyternes,
They daunce and pleyen at dees bothe day and nyght,
And eten also and drynken over hir myght… (VI, v. 463-468)33

18Enfin dans l’évocation de Sire Topaze, héros ridicule du pastiche de romance offert par Chaucer à la compagnie des pèlerins : ce dernier porte des bas de Bruges, son père est né en Flandre – présentée ironiquement comme une lointaine contrée…

  • 34 David Wallace a le premier avancé l’idée que Dante et Chaucer avaient tout deux articulé le début d (...)

19Il est un lieu où ce discours se développe de façon plus caractéristique encore : la traduction effectuée par Chaucer du Roman de la Rose, probablement au début de sa carrière34.La traduction du Roman en moyen-anglais ne nous est conservée que dans un seul manuscrit, Glasgow, Hunterian Library, ms. Hunter 409. Les principaux arguments du débat sur la paternité chaucérienne de la partie centrale de ce texte sont synthétisés par Derek Pearsall :

  • 35 Pearsall, The Life of Geoffrey Chaucer, p. 81-82.

Neither the manuscript nor the print marks any break in the 7696 line text, but it does in fact consist of three distinct fragments. Fragment A (1-1705) and B (1706-5810) translate Roman 1-5154 and run continuously, but B is in a Northern dialect, uses Northern and other non-Chaucerian rhymes, and from the start uses bouton as the translation for the key word bouton in the French, where Fragment A had used knoppe consistently. Fragment C (5811-7696) translates a completely separate portion of the French (10679-12360), uses fewer non-Chaucerian rhymes than B but more than A, and differs sharply from B in translating the French Bel Accueil as Fayre Welcomyng, where B had used Bialacoil throughout. The consensus of opinion is that Fragment A is almost certainly by Chaucer, B certainly not by him, and C probably by him35.

  • 36 The Romaunt of the Rose and Le Roman de la Rose. A Parallel-Text Edition, éd. R. Sutherland, Oxford (...)
  • 37 Une approche traductologique est proposée par Laura J. Campbell dans « Reinterpretation and Resigni (...)
  • 38 C. Eckhardt, « The Art of Translation in The Romaunt of the Rose », Studies in the Age of Chaucer, (...)

20Malgré l’existence de divers outils : textes parallèles du Roman et du Romaunt, édition du Romaunt dans la série Variorum Chaucer36, peu de chercheurs37 ont poursuivi les travaux de Caroline Eckhardt, qui la première a posé les grandes caractéristiques de cette traduction : traduction littérale (Chaucer recourt à des mots anglais cousins du français voire s’emploie à rechercher des ressemblances aurales) ; traduction « personnalisée », puisque souvent la syntaxe anglaise exige la matérialisation d’un sujet, provoquant la répétition des « I » et même des « we, us… » qui associent de près l’auteur et son public ; les dispositifs spéculaires se multiplient, les descriptions sont plus détaillées38.Caroline Eckhardt analyse une addition aux localités mentionnées dans le Romaunt comme une simple répétition d’un topos que l’on trouve ailleurs dans le texte français, celui de l’Inde exotique et plaisante :

Geographical detail is added, as when the narrator remarks on Mirth’s pleasure in his garden (A 622-624, lines 612-614) : … for swetter place/To pleyen ynne he may not fynde/Although he sought onn in-tyl Ynde.

  • 39 Eckhardt, « The Art of Translation », p. 55-56.

« … que plus bele place/Ne plus biau leu por soi iouer/Ne porroit il mie trouver39

Il demeure que Chaucer est fort respectueux des localités géographiques mentionnées dans son texte-source, qui sont conservées bien évidemment lorsqu’elles apparaissent à la rime :

So fair was noon in all Arras (Romaunt, A, v. 1234 )

  • 40 Les citations sont tirées du Riverside Chaucer et de Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman (...)

« N’ot si riche iusqu’a Arraz » (Roman, v. 1209)40

Ou même lorsqu’elles doivent en disparaître :

And she hadde on a cote of grene
Of cloth of Gaunt. Withouten wene… (Romaunt, A v. 573-574)

  • 41 « Elle était vêtue d’une cotte d’un riche drap bleu de Gand. »

« Cote ot d’un riche pers de ganz41 » (Roman, v. 564)

Si des ajouts sont nécessaires, ils sont systématiquement piochés dans le réservoir des localités « proches » de l’aire anglaise et nordique :

That stoon was gretly for to love,
And tyl a riche mannes byhove
Worthe al the golde in Rome and Frise .
The mourdaunt wrought in noble wise
Was of stoon full precious… (Romaunt, A, v. 1091-1095)

« Bien fet tel pierre a prisier .
Ele vausist a. i.richome
Mieulz que trestouz li ors de Rome.
D’une autre pierre ert li mordans,… » (Roman, v. 1071-1074)

21La compréhension du lecteur en est facilitée, le texte est moins « étranger » ; c’est pour cette raison probablement que Tibert le chat (Roman, v. 11072) devient « Gibbe oure cat » (Romaunt, C, v. 6204) et que Sire Ysengrin (Roman, v. 11129) retrouve sa peau de « gredy wolfe » (Romaunt, C, v. 6260), contournant la référence au Roman de Renart. C’est aussi ce qui commande au traducteur B de remplacer des localités d’Île-de-France par deux villes, bretonne et picarde, plus proches des préoccupations idéologiques et économiques des Anglais d’Angleterre, lorsque Bel-Accueil préfèrerait

  • 42 L’édition Riverside pense déceler Meaux sous « Amyas », mais il paraît tout aussi logique d’y lire (...)

Have ben at Reynes or Amyas42 (Romaunt, B, v. 3826 )

« Estre a Estampes ou a Mieauz » (Roman, v. 3533)

22Ne nous y trompons pas : l’importation du rosier n’est pas une transplantation dans un sol plus pauvre, moins capable d’en porter les rameaux. Dès qu’il le peut, le traducteur de la section B se lance dans un débat générique sur le romance, qu’il superpose à une simple réflexion sur l’exégèse :

If that ye wol so long abide,
Tyl I this Romance may unhide,
And undo the signyfiance
Of this drem into Romaunce (Romaunt, B, v. 2167-2170)

« La verité, qui est coverte,
Vous en sera lores toute aperte,
Quant espondre m’orroiz le songe,
Car il n’i a mot de mensonge » (Roman, v. 2071-2174)

  • 43 « Termes de rhétorique et décisions juridiques. » Cette pratique est à rapprocher de sa méthode d’a (...)

23Chaucer lui-même n’a de cesse d’introduire dans sa traduction le langage universitaire ou juridique plutôt absent du lexique de Guillaume ; « Coveitise » (Envie) possède de nouveaux attributs – « with her termes and her domes43 » (Romaunt, A, v. 199) – qui n’ont pas d’équivalent dans le texte français.

La bourgogne comme horizon : nostalgie d’un empire perdu

24Un autre détail géographique, pour reprendre l’expression de Caroline Eckhardt, est inséré dès le début de la traduction :

Withoute bleyne, scabbe, or royne,
Fro Jerusalem unto Burgoyne
Ther nys a fairer nekke, iwys. (Romaunt, A, v. 553-555, c’est moi qui souligne)

« Si n’i ot tache ne malan.
N’avoit jusqu’ en Jerusalem
Fame qui si biau cors portast. » (Roman, v. 541-543, c’est moi qui souligne)

25Ce n’est pas le seul goût du doublon qui motive cette unique apparition de la Bourgogne, qui n’est mentionnée ailleurs ni par Guillaume ni Jean. La fascination pour la Flandre, bien mise en évidence par David Wallace, n’est pas liée à la seule activité économique ou à la proximité géographique de ces côtes. C’est que tout au long de la carrière littéraire de Chaucer se construit l’empire bourguignon :

  • 44 B. Schnerb, L’État bourguignon, Paris, Perrin, 1999, rééd. 2005, p. 15-16.

Le fils de Robert II, le duc Eudes IV (1315-1349) gendre de Philippe V le Long, joua un rôle essentiel à la cour de France lors de la période cruciale qui vit les Valois succéder aux Capétiens directs. Ce prince réunit sous sa main non seulement le duché [Dijon, Mâcon] et le comté de Bourgogne [Besançon, le Doubs], mais aussi le comté d’Artois [Arras] ; en outre son fils, Philippe Monseigneur (d. 1346) épousa Jeanne, comtesse de Boulogne. Ainsi, pour la première fois, un duc de Bourgogne était à la tête d’un ensemble territorial bipolaire réunissant les deux Bourgognes (c’est-à-dire le duché et le comté) et des principautés septentrionales. Cette construction politique était destinée à se renforcer lorsqu’en 1369 Philippe de Rouvres, petit-fils d’Eudes IV, épousa Marguerite de Male, fille et héritière du comte de Flandre Louis de Male44.

  • 45 Voir W. Blockmans et W. Prevenier, The Promised Lands. The Low Countries Under Burgundian Rule, 136 (...)
  • 46 C. Barron, London in the Later Middle Ages : Government and People, 1200-1500, Oxford, Oxford Unive (...)
  • 47 Voir Butterfield, The Familiar Enemy, « Trading Flemish », p. 216-220.

26C’est avec Philippe le Hardi que commence l’édification d’un nouvel empire du Nord : en 1363, il préfère à la Touraine le duché de Bourgogne en apanage ; en 1369 son frère Charles V lui confie la Picardie ; dès son mariage avec Marguerite, il devient héritier de la Flandre, de la Franche-Comté, de l’Artois, de Rethel et même Nevers45. Cette aire joue un rôle majeur dans la culture londonienne et chaucérienne de l’époque. Non seulement les étrangers sont nombreux à Londres, à tel point que l’on peut considérer comme extensible et poreux l’univers de la capitale anglaise (« London’s region increasingly came to include areas overseas46 »), mais le flamand tend à contaminer la langue londonienne47.

27D’autre part, Chaucer n’était pas seulement un admirateur désintéressé de ces captations territoriales :

  • 48 C. Barron, « England and the Low Countries 1327-1477 », England and the Low Countries in the Late M (...)

In the 1360s it looked as if the rich prize of the county of Flanders might fall under English control through the projected marriage of the heiress Margaret de Mâle with Edmund Langley, the fourth son of Edward III. Unfortunately for England, Philip the Bold of Burgundy secured her hand and Flanders was destined to slip into the French sphere of influence48.

28Ainsi, cette allusion spontanée à la Bourgogne trahit la fascination chaucérienne pour le Nord de l’Europe, où l’on parle picard – variété du français qui n’est pas inconnue de la chancellerie anglaise – fascination qui est aussi et surtout la nostalgie d’un nouvel empire continental anglais, qui ne s’est pas fait, et dont les chevauchées sillonnent sans cesse le territoire perdu.

  • 49 Voir S. Cassagnes, D’Art et d’argent : Les artistes et leurs clients dans l’Europe du Nord (XIVe - (...)

29Chaucer, grand praticien des jargons et dialectes, conscient de la fragilité des langues à l’épreuve du temps et des distances, regarde tout au long de sa carrière littéraire vers un Orient tout proche, cette Flandre où le picard et non l’anglo-français sert de lingua franca, réservoir authentique de richesses merveilleuses au même titre que les Indes plus lointaines49. Mais le « discours de Flandre » chaucérien ne sert qu’à panser une mélancolique blessure, ce regret d’une Bourgogne du Nord qui n’appartiendra pas à l’Angleterre, et dont la cicatrice marque les premiers vers du Romaunt of the Rose greffé Outre-Manche.

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Notes

1 L’ouvrage de B. L. Jefferson, Chaucer and the Consolation of Philosophy of Boethius, 1917, réimpr. New York, Haskell House, 1965 a été supplanté par les travaux de l’école de York, en particulier Chaucer’s « Boece » and the Medieval Tradition of Boethius, éd. A. J. Minnis, Cambridge, D. S. Brewer, 1993, ainsi que T. Machan, Techniques of Translation : Chaucer’s « Boece », Norman OK, Pilgrim Books, 1985, et finalement l’ouvrage de T. Machan et A. J. Minnis, Sources of the « Boece », Athens GA, University of Georgia Press, 2005.

2 L’étude de Ch. Muscatine, Chaucer and the French Tradition : A Study in Style and Meaning, Berkeley CA, University of California Press, 1957, fait encore autorité sur ce point.

3 « Va ton chemin, modeste tragédie !/Comme il existe une telle diversité/En anglais, de dialectes, d’orthographes,/Dieu veuille que tu sois recopié sans faute/Et sans faute scandé, fidèle à ma langue,/Lu ou chanté, peu importe la région,/Sans contresens, j’en rendrai grâce à Dieu. » Toutes les citations de Chaucer sont extraites de The Riverside Chaucer, éd. L. D. Benson, Boston, Houghton Mifflin, 1987 ; pour le Troilus, on consultera avec profit l’excellente édition par B. A. Windeatt, qui offre en parallèle les sources italiennes et le texte annoté de Chaucer : Troilus and Criseyde. A New Edition of « The Book of Troilus », Londres, Longman, 1984 ; le texte moyen-anglais seul est accessible librement à l’adresse http://0-name-umdl-umich-edu.catalogue.libraries.london.ac.uk/Troilus ; le même texte, glosé en notes de bas de page, est également disponible chez Penguin Classics (2003). Les traductions en français sont tirées de Geoffrey Chaucer, Les Contes de Canterbury et autres œuvres, éd. A. Crépin, Paris, Robert Laffont, 2010.

4 Ardis Butterfield considère que ces vers constituent une déclaration formelle de l’ auctoritas moyen-anglaise, voir A. Butterfield, The Familiar Enemy : Chaucer, Language and the Nation in the Hundred Years War, Oxford, Oxford University Press, 2009, « Troilus and Criseyde and English vernacular authority », p. 296-304.

5 D’où de nombreux débats sur la fonction et la réalisation du -e final dans le dialecte de Chaucer ; voir M. L. Samuels, « Chaucerian Final “-e” », Notes and Queries, 19, 1972, p. 445-448 (réimpr. The English of Chaucer and His Contemporaries : Essays by M. L. Samuels and J. J. Smith, éd. J. J. Smith, Aberdeen, Aberdeen University Press, 1988, chapitre 2) et D. Burnley, « Inflection in Chaucer’s Adjective », Neuphilologische Mitteilungen, 83, 1982, p. 169-177.

6 Voir L. R. Mooney, « Chaucer’s Scribe », Speculum, 81, 2006, p. 97-138.

7 Voir D. Pearsall, « Chaucer’s Meter : The Evidence of the Manuscripts », Medieval Literature : Texts and Interpretation, éd. T. W. Machan, Binghampton NY, Center for Medieval and Early Medieval Renaissance Studies, 1991, p. 45-57.

8 Voir E. Solopova, « Chaucer’s Metre and Scribal Editing in the Early MSS of The Canterbury Tales », The Canterbury Tales Project. Occasional Papers Volume II, éd. N. Blake et P. Robinson, Londres, King’s College, Office for Humanities Communications Publications, 1997, p. 143-164.

9 « On sait aussi que la langue évolue/Au cours d’un millénaire : des mots jadis/Chargés de valeur nous semblent aujourd’hui/Étrangement bizarres. Ils exprimaient/Pourtant l’amour aussi bien que les nôtres ;/L’amour requiert, à diverses époques,/En pays divers usages divers. /Chaque pays, c’est connu, a ses lois. »

10 Le traitement soigneusement pesé que réserve Chaucer à l’Antiquité païenne est étudié par A. J. Minnis dans Chaucer and Pagan Antiquity, Cambridge, D. S. Brewer, 1982.

11 Pour un aperçu des hésitations et des stratégies d’une autorité littéraire vernaculaire anglaise qui permette de placer cette décision dans son contexte, on peut se reporter à l’anthologie The Idea of the Vernacular : An Anthology of Middle English Literary Theory, 1280-1520, éd. J. Wogan-Browne, N. Watson, A. Taylor et R. Evans, Philadelphia PA, Pennsylvania State University Press, 1999.

12 « Chaucer and Internationalism », Studies in the Age of Chaucer, 2, 1980, p. 71-79, ici p. 79 ; cité et discuté par D. Pearsall, « Chaucer and Englishness », Chaucer’s Cultural Geography, éd. K. L. Lynch, Londres, Routledge, 2002, p. 281-301, ici p. 291.

13 Voir J. I. Wimsatt, Chaucer and the Poems of « Ch » in University of Pennsylvania MS French 15, Cambridge, D. S. Brewer, 1982 ; Wimsatt redonne son édition des dix ballades, quatre chants royaux et du rondeau de « Ch », accompagnée d’un commentaire en français, dans Les Contes de Canterbury et autres œuvres, p. 717-744. Pour une discussion récente de cette coterie et de son fonctionnement en marge de la Guerre de Cent Ans, voir Butterfield, The Familiar Enemy, passim mais surtout p. 143-151, 173-175, 185-186, 236-237, 252-254.

14 Voir H. Cooper, « London and Southwark Poetic Companies : “Si tost c’amis” and the Canterbury Tales », Chaucer and the City, éd. A. Butterfield, Cambridge, D. S. Brewer, 2006, p. 108-125. Lors du colloque de 2002 à l’origine de cette publication, Helen Cooper avait même suggéré que les prouesses du jeune Geoffrey participant au puy, composant et s’exprimant en anglo-normand, avaient pu arriver aux oreilles des grands de Londres, justifiant ainsi son entrée au service de l’épouse de Lionel, fils d’Édouard III. Ardis Butterfield considère que les preuves manquent pour associer Chaucer ou ses contemporains continentaux et le puy londonien (Butterfield, The Familiar Enemy, p. 236).

15 La question de l’originalité ou non Chaucer est au cœur des travaux de Christopher Cannon, qui réexamine différentes notions classiques (Chaucer innovateur, importateur de termes français, fondateur de la langue littéraire anglaise) dans The Making of Chaucer’s English. A Study of Words, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.

16 Voir R. M. Jordan, « Heteroglossia and Chaucer’s Man of Law’s Tale », Bakhtin and Medieval Voices, éd. T. J. Farrell, Gainesville FL, University Press of Florida, 1995, p. 81-93, ici p. 91, 93.

17 « L’un des clercs s’appelait Jean, l’autre Alain/Tous deux natifs de Strother-Les-Broussailles/Qui se trouve, je crois, au fin fond du Nord. » André Crépin, dans sa traduction, choisit comme équivalent du dialecte du nord de l’Angleterre celui du français du Nord et de la Picardie.

18 Voir J. R. R. Tolkien, « Chaucer as Philologist : The Reeve’s Tale », Transactions of the Philological Society, 32, 1934, p. 1-70 ; Tolkien est le premier à avoir analysé le degré de correction des marques dialectales de l’anglais du nord dans le conte ; il pensait que la justesse de l’oreille chaucérienne avait été trahie par les scribes successifs.

19 Juliette Dor repère l’ancrage dialectal et géographique de chacun des pèlerins et de leurs contes, et replace utilement le Conte du Régisseur dans cette mosaïque en voie d’intégration dialectale (« Chaucer and Dialectology », Studia Anglica Posnaniensa, 20, 1988, p. 59-68). Deux articles récents permettent de faire un point sur l’état de la question : W. W. Allman, « Sociolinguistics, Literature, and the Reeve’s Tale », English Studies, 5, 2004, p. 385-404 ; R. Epstein, « “Fer in the north ; I kan nat telle where” : Dialect, Regionalism, and Philologism », Studies in the Age of Chaucer, 30, 2008, p. 95-124, ici p. 95-116.

20 Voir S. Delany, « Geographies of Desire : Orientalism in Chaucer’s Legend of Good Women », Chaucer Yearbook, 1, 1992, p. 1-32 ; K. L. Lynch, « East Meets West in Chaucer’s Squire and Franklin’s Tales », Speculum, 70, 1995, p. 530-551 et « Storytelling, Exchange, and Constancy : East and West in Chaucer’s Man of Law’s Tale », Chaucer Review, 33, 1999, p. 409-422.

21 Suzanne Conklin Akbari refuse d’ailleurs de décentrer ainsi le propos, de Chaucer, et ré-analyse la plupart de ces occurrences à l’aune d’un discours émergent de la nacioun anglaise : « Orientation and Nation in Chaucer’s Canterbury Tales », Chaucer’s Cultural Geography, éd. K. L. Lynch, Londres, Routledge, 2002, p. 102-134.

22 « Elle parlait français avec élégance,/Le français appris à Stratford-atte-Bowe/Car elle ignorait le français de Paris. »

23 « Je croyais que chapardage, c’était restitution, dit-il, car je n’ai jamais appris dans les livres/Et je ne connais ma foi du français que le français du fin fond du Norfolk », William Langland, The Vision of Piers Plowman, éd. A. V. C. Schmidt, Londres, Dent, 1978, p. 50, consultable par l’intermédiaire du Middle English Compendium à l’adresse http://0-name-umdl-umich-edu.catalogue.libraries.london.ac.uk/PPlLan.

24 Cannon, The Making of Chaucer’s English, p. 58, n. 42.

25 Pour se figurer ces déplacements à partir du « couloir » calaisien, on pourra consulter par exemple l’Atlas of Medieval Europe, éd. D. Ditchburn, S. MacLean et A. Mackay, Londres, Longman, 1997, 2e éd. 2007, p. 200.

26 Pour une description détaillée des circonstances de ces déplacements, voir D. Pearsall, The Life of Geoffrey Chaucer : A Critical Biography, Oxford, Blackwell, 1992, qui renvoie précisément aux pièces d’archives retranscrites dans Chaucer Life-Records, éd. M. Crow et C. Olson, Oxford, Clarendon Press, 1966.

27 « Il avait participé à des raids/Dans les Flandres, en Artois et Picardie. »

28 « “Moult Bien Parloit et Lisoit le Franchois”, or Did Richard II Read with a Picard Accent ? », The Vulgar Tongue : Medieval and Renaissance Vernacularity, éd. F. Somerset et N. Watson, Philadelphie PA, Pennsylvania State University Press, 2003, p. 132-144.

29 « Rencontre entre anglo-français et picard dans le Nord-Ouest de l’Europe : à chacun son français ? », communication lors de la Deuxième journée d’études anglo-normandes, à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Institut de France, vendredi 21 mai 2010.

30 The French Fetish From Chaucer to Shakespeare, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 13-14. L’ouvrage présente des faiblesses méthodologiques, mais offre tout de même un panorama stimulant de la question.

31 D. Wallace, Premodern Places : Calais to Surinam, Chaucer to Aphra Behn, Oxford, Blackwell, 2004, chapitre 2 « In Flaundres », p. 91-138, ici p. 93. Wallace offre un tableau saisissant de la circulation de marchandises entre la façade continentale du Nord de l’Europe et l’Angleterre de Chaucer, qui concernait tout aussi bien les produits de l’industrie lainière et textile, les produits de luxe, des biens de consommation courante (p. 95) ; il analyse en détail les différents exemples qui suivent.

32 « Elle se connaissait si bien en tissage/Qu’elle dépassait ceux d’Ypres et ceux de Gand. […] Elle avait visité trois fois Jérusalem/Abordé maintes rives étrangères. /Elle était allée à Rome et Boulogne,/En Galice à Saint-Jacques et à Cologne. »

33 « Dans les Flandres jadis était une bande/De jeunes gens qui menaient folle vie :/Jeux de hasard et d’argent, bordels, tavernes/Où au son des harpes, luths et guitares/Ils dansent, jouent aux dés, le jour comme la nuit,/En plus ils s’empiffrent et boivent sans mesure… »

34 David Wallace a le premier avancé l’idée que Dante et Chaucer avaient tout deux articulé le début de leur carrière littéraire par référence au Roman : « Chaucer and the European Rose », Studies in the Age of Chaucer – Proceedings, 1, 1984, p. 61-79, ici p. 63.

35 Pearsall, The Life of Geoffrey Chaucer, p. 81-82.

36 The Romaunt of the Rose and Le Roman de la Rose. A Parallel-Text Edition, éd. R. Sutherland, Oxford, Blackwell, 1968 ; The Romaunt of the Rose, éd. C. Dahlberg, Norman OK, University of Oklahoma Press, 1999.

37 Une approche traductologique est proposée par Laura J. Campbell dans « Reinterpretation and Resignification : A Study of the English Translation of Le Roman de la Rose », Neophilologus, 93, 2009, p. 325-338. Les enjeux des emprunts chaucériens au Roman ont été eux plus largement explorés, voir entre autres L. Patterson, « Feminine Rhetoric and the Politics of Subjectivity : La Vieille and the Wife of Bath », Rethinking the Romance of the Rose : Text, Image, Reception, éd. K. Brownlee et S. Huot, Philadelphie PA, University of Pennsylvania Press, 1992, p. 316-358, et plus récemment C. Wood, « The Wife of Bath and “Speche Daungerous” », Chaucer and Language. Essays in Honour of Douglas Wurtele, éd. R. Myles et D. Williams, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2001, p. 33-43. Pour un réexamen de l’autorité de Chaucer traducteur de la Rose, voir A. J. Minnis, Magister Amoris : The « Roman de la Rose » and Vernacular Hermeneutics, Oxford, Oxford University Press, 2001.

38 C. Eckhardt, « The Art of Translation in The Romaunt of the Rose », Studies in the Age of Chaucer, 6, 1984, p. 41-63, ici p. 47, 52, 53-54, 55.

39 Eckhardt, « The Art of Translation », p. 55-56.

40 Les citations sont tirées du Riverside Chaucer et de Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. et trad. A. Strubel, Paris, Livre de Poche, 1992.

41 « Elle était vêtue d’une cotte d’un riche drap bleu de Gand. »

42 L’édition Riverside pense déceler Meaux sous « Amyas », mais il paraît tout aussi logique d’y lire une mention d’Amiens.

43 « Termes de rhétorique et décisions juridiques. » Cette pratique est à rapprocher de sa méthode d’adaptation du Boèce, voir F. Bourgne, « Le vocabulaire savant du Boèce de Chaucer est-il universitaire ? », L’Articulation langue-littérature dans les textes médiévaux anglais 3, éd. C. Stévanovitch, Nancy, Publications de l’AMAES, 2005, p. 247-268.

44 B. Schnerb, L’État bourguignon, Paris, Perrin, 1999, rééd. 2005, p. 15-16.

45 Voir W. Blockmans et W. Prevenier, The Promised Lands. The Low Countries Under Burgundian Rule, 1369-1530, trans. L. Fackelmans, Philadelphie PA, University State of Pennsylvania Press, 1999 (1988), p. 15-19. On trouvera des cartes figurant cette expansion en consultant par exemple « The Growth of the Burgundian State », Atlas of Medieval Europe, p. 204-206, et D. Nicholas, Medieval Flanders, Londres, Longman, 1992, p. 444-447.

46 C. Barron, London in the Later Middle Ages : Government and People, 1200-1500, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 439, cité par Butterfield, The Familiar Enemy, p. 203.

47 Voir Butterfield, The Familiar Enemy, « Trading Flemish », p. 216-220.

48 C. Barron, « England and the Low Countries 1327-1477 », England and the Low Countries in the Late Middle Ages, éd. C. Barron et N. Saul, Stroud, Sutton, 1995, p. 1-28, ici p. 15.

49 Voir S. Cassagnes, D’Art et d’argent : Les artistes et leurs clients dans l’Europe du Nord (XIVe - XVe siècles), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2001.

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Pour citer cet article

Référence papier

Florence Bourgne, « Chaucer : poète multilingue, mais jusqu’où ? »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 29 | 2015, 199-214.

Référence électronique

Florence Bourgne, « Chaucer : poète multilingue, mais jusqu’où ? »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 29 | 2015, mis en ligne le 30 avril 2018, consulté le 20 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/13781 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.13781

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Auteur

Florence Bourgne

Université Paris-Sorbonne CEMA (EA 2557)
Équipe européenne OPVS

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Droits d’auteur

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