Les tragédies médiévales de Népomucène Lemercier : histoire et politique
Résumés
Dès le début du XIXe siècle, avant même la grande révolution romantique, on peut constater chez certains dramaturges un recours massif à l’histoire, et plus particulièrement à l’histoire du moyen âge. Népomucène Lemercier, auteur de plusieurs tragédies médiévales, apparaît comme un précurseur de la réhabilitation du Moyen Âge opérée par le romantisme. Malgré la censure et l’incompréhension du public, il expérimente une forme de tragédie historique nationale qui ouvre la réflexion sur les faiblesses des grands hommes, l’ambiguïté des épisodes glorieux de l’histoire, et les ambivalences du pouvoir. Au sein d’une production dramaturgique relativement stéréotypée, qui use du Moyen Âge essentiellement dans une perspective édificatrice, l’œuvre de Lemercier se détache pour proposer une véritable réflexion sur les usages politiques de l’histoire au théâtre, qui prépare et oriente l’entrée en force de l’histoire sur les scènes romantiques, tout en ouvrant le chemin d’une lutte pour la liberté créatrice.
Plan
Haut de pageTexte intégral
- 1 On peut penser notamment à l’interprétation que donne Miche let du Moyen Âge comme berceau de la n (...)
- 2 Anticipant ainsi une autre grande tendance du romantisme. La question de l’usage du Moyen Âge par (...)
- 3 Comme dans le cas des mélodrames cités plus haut.
- 4 Népomucène Lemercier (1771-1840), est l’auteur d’une production poétique et dramaturgique abondant (...)
- 5 Victor Hugo, dans son discours de réception à l’Institut salue « un homme politique indépendant, u (...)
- 6 Pour avoir une idée plus précise de la production dramaturgique sous l’Empire et la Restauration, (...)
- 7 Sous l’Empire, puis sous la Restauration, nombre d’œuvres dramatiques affichent clairement leur so (...)
1Les scènes romantiques nous ont souvent accoutumés à déchiffrer les implications politiques de certaines représentations de l’histoire : de Musset à Hugo en passant par Mérimée, le choix de porter à la scène tel ou tel épisode de l’histoire comporte une visée idéologique soumise à la réflexion du spectateur. Parmi les périodes historiques choisies comme support d’une réflexion politique, le Moyen Âge occupe une place de choix, parce qu’il tend à se constituer en réservoir de modèles nationaux et en temps originel de la constitution de la patrie1. Mais cette tendance est présente dès le début du XIXe siècle, et l’on peut constater chez certains dramaturges un recours massif à l’histoire, et plus particulièrement à l’histoire médiévale2. De fait, dans des formes qui manifestent peu ou pas d’innovation esthétique, certains auteurs n’hésitent pas à user du matériau médiéval non seulement comme toile de fond pittoresque3, mais souvent aussi dans une perspective politique. L’exemple de Népomucène Lemercier4 semble ainsi intéressant à analyser : son indépendance politique, ses innovations dramaturgiques5, timides mais réelles, sa conception du rôle du théâtre dans la société, tout cela le constitue en charnière du siècle, et en fait un auteur injustement oublié peut-être. Il faut en effet saluer ses tentatives, souvent contrecarrées soit par la censure, soit par l’incompréhension du public et des comédiens, de proposer une tragédie historique nationale, qui, sans oser se réclamer explicitement du modèle shakespearien, déplace quelque peu les attentes en ouvrant la réflexion sur les faiblesses et les passions des grands hommes, l’ambiguïté des épisodes glorieux de l’histoire, et les ambivalences du pouvoir et de la vie politique. On peut ainsi voir comment, au sein d’une production dramaturgique relativement stéréotypée6, qui use du Moyen Âge essentiellement dans une perspective édificatrice7, l’œuvre de Lemercier se détache pour proposer une véritable réflexion sur les usages politiques de l’histoire au théâtre.
Moyen Âge et tragédie
- 8 Voir à ce sujet G. Gengembre, Le théâtre français au XIXe siècle, Paris, Colin, 1999, p. 82-86.
- 9 Ibid., p. 90. G. Gengembre rappelle l’instauration officielle de la censure : « Toute l’histoire d (...)
- 10 P. Frantz, « Le théâtre sous l’Empire : entre deux révolutions », p. 179.
- 11 Ibid., p. 96.
- 12 Selon l’étude menée par C. Legoy, « La figure du souverain médiéval sur les scènes parisiennes à l (...)
- 13 Voir par exemple l’article de F. Jacob : « Tragédies nationales : De Belloy et Marie-Joseph Chénie (...)
2À la suite du théâtre de la Révolution, qui privilégie déjà des sujets historiques ayant une portée idéologique8, celui de l’Empire radicalise cette orientation, mettant en place un théâtre qui use de l’histoire à des fins politiques9. Napoléon privilégie le genre héroïque qu’incarne la tragédie, avec des sujets puisés dans l’histoire nationale. Pierre Frantz souligne d’ailleurs le paradoxe auquel sont confrontés les auteurs dramatiques : « Mais les auteurs tragiques n’osèrent pas en général appliquer rigoureusement cette nouvelle règle. Comment, en effet, écrire une tragédie politique et historique en période de censure politique et d’hypersensibilité du goût ? »10. Cette tendance se poursuit d’ailleurs sous la Restauration, avec des sujets puisés de préférence dans le Moyen Âge ou la Renaissance, manifestant une « volonté de nationalisation du tragique »11. En effet, à Paris seulement, un tiers des pièces représentées entre 1815 et 1830 traitent du Moyen Âge12. Nombre de ces pièces s’attachent à montrer la figure d’un souverain idéalisé, et servent donc le régime mis en place par la Restauration. On cherche ainsi à créer le mythe d’une harmonie sociale, momentanément rompue par la Révolution, mais qu’il faut s’employer à retrouver. La tragédie survit pendant toute la première moitié du XIXe siècle13, même si l’essentiel de la production tragique de l’époque a aujourd’hui sombré dans l’oubli. G. Gengembre explique cette survie par des raisons politiques :
- 14 G. Gengembre, Le théâtre français au XIX siècle, p. 163.
La Révolution entend s’approprier le prestige aristocratique d’un genre lié à l’Ancien Régime et renouvelé dans ses contenus par la promotion de sujets interprétables selon les concepts politiques et moraux de la Révolution, ce qui lui confère une valeur nationale14.
3Avant l’engouement romantique pour le Moyen Âge, et les révolutions apportées aux formes théâtrales, les dramaturges du début du siècle s’interrogent déjà sur la nécessité d’un renouvellement de l’inspiration historique. Ainsi, dans la Préface des États de Blois, Raynouard affirme :
- 15 F. Raynouard, Préface des États de Blois, Paris, Mame Frères, 1814, p. 175-176
Le genre d’intérêt qu’inspirent les sujets dramatiques choisis dans l’histoire ancienne est presque épuisé [...] Mais reproduisons sur la scène les grands événements et les fameuses catastrophes que l’histoire moderne, et surtout nos propres annales, offrent à la méditation poétique !15
4Un peu plus loin, il loue « les poètes grecs » qui « ne craignaient pas de placer, dans leurs drames, les discussions politiques qui tendaient à consacrer et à faire chérir les principes du gouvernement. »
5Il s’agit ainsi, pour Raynouard comme pour d’autres amateurs d’histoire nationale, de concilier l’exigence d’un sujet historique moderne avec le but moral et politique qui était celui des Anciens. Népomucène Lemercier fait écho à cette préoccupation en revendiquant le droit et le devoir de proposer sur scène les épisodes héroïques de l’histoire nationale :
- 16 Cité par G. Gengembre, Le théâtre français au XIXe siècle, p. 170.
Les Grecs chantaient les Grecs, pourquoi sur nos théâtres,
N’imiter que leurs arts et si peu leurs vertus ?
Leurs Muses consacraient l’honneur de la Patrie ;
Leurs aïeux revivaient en marbre de Paros ;
Éternisons, comme eux, notre France chérie :
Disons aux temps futurs quels étaient nos héros16.
6On voit ainsi comment, tout en conservant la forme codifiée de la tragédie, ces dramaturges du début du siècle anticipent sur des revendications romantiques fondamentales, et préparent ainsi l’avènement du drame romantique.
- 17 Ne serait-ce qu’à travers le tableau de David, Le Sacre de l’Empereur. Pour un état plus complet d (...)
- 18 Il s’agit bien entendu à travers cet exemple de justifier les conquêtes napoléoniennes.
- 19 Cette tragédie, ne respectant pas l’unité de temps et de lieu, et introduisant des libertés lexica (...)
7Parmi ces nouvelles périodes abordées, le Moyen Âge constitue un réservoir historique particulièrement riche. En effet, perçu comme temps des origines marqué par des valeurs héroïques érigées en modèles, il permet d’exalter la nation et d’en asseoir l’unité. Dès le début du siècle, sous le règne de Bonaparte, la tragédie médiévale se développe, flattant ainsi le goût de l’Empereur pour la mise en scène de l’histoire, histoire héroïque et patriotique perçue comme fondement et célébration de la nation dans son unité. Si la fascination de l’Empereur pour l’Antiquité17 est bien connue, il ne faut pas négliger son attirance pour certains épisodes du Moyen Âge, notamment ceux qui sont à la gloire de la nation française. On voit ainsi fleurir au début du siècle des tragédies telles que celle d’Alexandre Duval Guillaume le Conquérant (1804) qui, opportunément18, célèbre les vertus d’un conquérant honnête menant une guerre juste, dans la mesure où le Normand Guillaume se voit spolié du pouvoir dont il hérite par Harold (de sang anglais, mais qu’Edouard n’a pas désigné comme héritier), et n’engage une guerre qu’afin de reconquérir cette royauté usurpée. Lemercier, convaincu comme Raynouard de la nécessité d’inventer une tragédie nationale, multiplie les tentatives de sujets médiévaux, avec des pièces dont la réception n’est pas toujours à la hauteur de ses attentes : Charlemagne (1816), Christophe Colomb19 (1809), Clovis, La démence de Charles VI (1820), Frédégonde et Brunehaut (1821), Baudouin Empereur (1808). On peut également citer la tragédie de François Raynouard, Les Templiers (1805), qui reprend l’épisode historique de la dissolution de l’ordre par Philippe le Bel, épisode emblématique des relations conflictuelles entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel.
Représenter le pouvoir
- 20 P. Frantz montre bien que chez Raynouard, comme chez Aignan et Lemercier, le choix du Moyen Âge n’ (...)
- 21 M. Melai, « Couronnement factice et vérité morale : une scène emblématique de l’imaginaire tragiqu (...)
8Ces diverses tragédies, au-delà des différences de sujets et d’une esthétique théâtrale souvent stéréotypée20, proposent chacune à leur manière une réflexion sur le pouvoir : pouvoir absolu et tyrannique, ou pouvoir controversé, fragilisé par les passions humaines. Maurizio Melai souligne que « Les textes tragiques les plus intéressants et originaux du début du XIXe siècle sont ceux qui laissent transparaître sous le voile des formes et des intrigues conventionnelles, l’inquiétude moderne liée à la perception de la précarité de toute sortes de régimes après l’expérience révolutionnaire, et en particulier, à partir de 1815, le sentiment du caractère factice et nécessairement temporaire de la monarchie restaurée »21. Il s’intéresse notamment à la tragédie Baudouin Empereur, écrite en 1808 et représentée seulement en 1826 sous la Restauration, qui met en scène un roi faible, manipulé par une femme avide de pouvoir. On ne sera pas surpris de retrouver le même type de relation dans la tragédie historique Frédégonde et Brunehaut, exposant l’affrontement sans pitié de ces deux figures féminines. Le roi Chilpéric apparaît comme un être totalement soumis à sa passion pour Frédégonde, à qui il accepte d’immoler son propre fils, et ainsi comme un personnage indigne du pouvoir qu’il occupe. La tirade de Frédégonde à l’acte II résume bien le rapport qui les lie :
- 22 N. Lemercier, Frédégonde et Brunehaut, Paris, J. N. Barba, 1821, p. 32.
Tu règnes sur la France, et moi sur ta personne ;
Moi seule sur ton front je maintiens ta couronne22.
9Cette faiblesse royale est d’autant plus dangereuse que Frédégonde incarne la passion pour le pouvoir et l’absence totale de scrupule et de sens moral. Parallèlement, le couple Mérovée-Brunehaut fonctionne sur le même principe. En effet, si les hommes semblent soumis à leur passion amoureuse, les deux femmes ont en partage la passion exclusive du pouvoir. Ainsi dès la scène 2 de l’acte I, Brunehaut se défend de tout sentiment amoureux vis-à-vis de Mérovée et justifie son mariage par des raisons politiques :
- 23 N. Lemercier, Frédégonde et Brunehaut, p. 9.
Comment ! que parles-tu d’amoureuses faiblesses ?
L’amour, ses vains transports, et ses folles ivresses,
Ont-ils rien qui subjugue un cœur tel que le mien ?
Penses-tu qu’il m’aveugle ? et me connais-tu bien ?
Fille d’Athanagilde, et moins femme que reine,
Jalouse seulement de rester souveraine,
Ce fut pour soutenir ce légitime orgueil
Que j’ai d’un époux mort quitté l’auguste deuil23.
10Le lexique de la passion s’associe de façon insistante à une dépréciation : l’amour, ni fatalité telle que la présente la tragédie classique, ni sentiment sublime du drame romantique, est ici réduit à une faiblesse méprisable. Le combat se joue ainsi entre Frédégonde et Brunehaut, poussées par le même appétit de pouvoir, et utilisant leurs époux comme instrument politique. Chilpéric, voyant expirer sous ses yeux son fils Mérovée, ne reconnaîtra que trop tard les ravages de cette passion. Cependant cette prise de conscience ne lui permet pas d’échapper à l’emprise de Frédégonde : même lorsque celle-ci avoue le meurtre de Mérovée, soulevant l’indignation de l’évêque Praetextat qui le pousse à condamner ce crime, Chilpéric, horrifié, prend tout de même le parti de celle qu’il qualifie intérieurement de « monstre », abdiquant ainsi tout pouvoir et laissant le champ totalement libre à la reine et à ses manœuvres criminelles.
- 24 Ce qui bien évidemment n’est pas sans faire référence à la situation de Bonaparte. Mais le temps d (...)
11À travers ces exemples, c’est bien une réflexion sur la légitimité du pouvoir, et sur les qualités d’un dirigeant qui s’esquisse. Si Baudouin, Mérovée ou Chilpéric apparaissent comme des contre-exemples, du fait de leur incapacité à lutter contre les passions, l’interrogation court tout au long des tragédies pour tenter de dessiner la figure du souverain idéal. Ainsi les premières scènes de Baudouin l’Empereur présentent un dialogue délibératif qui développe les arguments pour et contre le couronnement d’un empereur24 et réfléchit sur les qualités que doit avoir ce dirigeant politique. Si Henri appelle de ses vœux un pouvoir fort, capable de repousser l’ennemi extérieur, Baudouin, lui, se méfie d’un empereur trop ambitieux. Tous tombent d’accord sur la nécessité de confier le pouvoir au sage et vieux doge Dondolo, image de l’honnêteté et de la modération. Mais celui-ci refuse, au nom de principes supérieurs :
- 25 N. Lemercier, Baudouin empereur, p. 16.
Mais, seigneurs, peu jaloux de ceindre un diadème,
J’ai, sur un tel honneur, parlé contre moi-même.
Chef d’une république, et sujet de ses lois,
Je ne puis me vêtir de la pourpre des rois25.
12La situation paraît donc sans issue puisque celui qui serait digne du pouvoir le refuse par peur d’y perdre ses valeurs, et que celui qui le convoite le fait pour de mauvaises raisons. Dans Clovis, un dialogue oppose deux conceptions du pouvoir, celle de Clovis et celle de Sigebert. Clovis en effet dissimule dans cette scène son ambition dévorante, feignant de partager les principes de modération de Sigebert, image du bon roi soucieux de la paix et de la prospérité de ses sujets :
CLOVIS (de même).
Plus on vit mes succès, plus on voit mes revers
Trop d’encens m’enivra d’une vaine fumée ;
Pour la gloire souvent j’ai pris la renommée.
SIGEBERT (avec réserve).
Non, vos premiers hauts faits ont un lustre éternel :
Si le sort des combats vous fut, un jour, cruel,
Peut-être le ciel veut par un avis suprême
À borner nos États nous instruire lui-même.
Clovis (de même).
Oui, cette ambition, fatale aux conquérans,
M’eût placé, tôt ou tard, au nombre des tyrans.
Et j’aurais par la guerre épuisé mon royaume
Pour atteindre après tout... quoi ? le sais-je ? un fantôme.
[...].
- 26 N. Lemercier, Clovis, Paris, Baudouin frères, 1820, p. 36.
SIGEBERT.
J’aime à vous supposer en de tels sentimens26.
13Le pouvoir politique, pour Lemercier, semble ainsi indissociable de la notion de responsabilité. Or, chez Clovis, ce souci du bien commun et de la collectivité se trouve annihilé par l’ambition dévorante (assortie ici d’un discours hypocrite) du tyran. En mettant en scène un Clovis héritier de Tartuffe, Lemercier a conscience de s’attaquer à un mythe national, celui des origines de la royauté. Et précisément, il invente ici une autre représentation du Moyen Âge et de ses héros, comme en témoigne la réflexion qu’il développe dans la préface ajoutée à la pièce en 1820 :
- 27 N. Lemercier, préface de Clovis, p. xvi-xvii.
Ainsi donc remontant aux sources de nos annales monarchiques, j’y retrouvai ce converti couronné qui baptisa de sang des villes entières, au nom de la charité […]. Eh quoi ? le scrupule ne le défend pas de nos pinceaux ! Quelle témérité scandaleuse ! Quoi ! Le chef de la première race de nos Rois ! Quoi ! Le fondateur de la monarchie française ! [...] Détrompez-vous sur les apologies menteuses, et ne trompez plus autrui : fouillez dans les vieilles traditions, feuilletez les chroniques sincères ; ne vous obstinez plus à signaler comme une race vraiment royale cette succession d’assassins et d’empoisonneurs superstitieux qui sortirent de ce Clovis en légitimes légataires des fruits d’un pieux brigandage27.
- 28 Il la demande même à son fils Clodoric, en gage de sa fidélité.
14Le détournement du modèle apparaît clairement : le haut Moyen Âge ne sert plus ici à légitimer une monarchie à travers ses héros fondateurs. De fait, dans le passage précédent, Clovis ne fait que singer le discours du souverain juste, marqué par la modération et la conscience des vanités du monde et de la gloire éphémère, à laquelle il faut préférer les joies simples d’une prospérité que l’on pourrait qualifier de bourgeoise. Au-delà de la sagesse des principes ici défendus, Sigebert illustre dans la suite de la tragédie la grandeur du vrai souverain, allant jusqu’au sacrifice suprême afin d’épargner son peuple. En effet, Clovis demande la tête du roi28 contre l’assurance de ne pas porter la guerre dans le royaume. Sigebert atteint alors au sublime, en choisissant de mourir :
- 29 N. Lemercier, Clovis, p. 69.
Ah, ce n’est plus pour moi qu’il faut que je frémisse
Mais pour tous nos sujets livrés à l’injustice
D’un tyran, sous ses piés tout prêt à les fouler...
Quels fastes l’avenir me vient-il dérouler !... 29
- 30 Ibid., p. 70.
15La mise en rejet du substantif « tyran » vient souligner les deux conceptions antinomiques du pouvoir royal. Sigebert s’oublie, et, dans la suite de la tirade, reprend le topos des vanités du pouvoir politique face à l’oubli paisible qu’offre la mort, et ne manifeste son angoisse de l’avenir qu’en raison des violences qu’il prévoit. De manière intéressante, les « sujets » d’abord évoqués deviennent, dans le discours de Sigebert « d’heureux citoyens »30 dont il a voulu préserver la paix. Plus largement, Sigebert incarne une sagesse morale aux antipodes du fonctionnement de la politique et des conflits de pouvoir tels que l’histoire nous en offre tant d’exemples. Sans amertume et en ayant conscience de la vanité de toute chose, il abandonne sans regret une royauté légitime, et semble préférer la perte de ses prérogatives au déclenchement d’une guerre, même juste. Sigebert oppose les intérêts particuliers des princes, dont il relativise l’importance, et l’intérêt supérieur des peuples : analyse politique extrêmement moderne, évidemment anachronique dans la bouche du roi mérovingien. Cependant, il ne s’agit pas d’accepter la tyrannie et l’injustice avec résignation : si défendre son trône semble vain à Sigebert, il confie à son fils le soin de son peuple et le rétablissement de la justice, si nécessaire par les armes. De manière signifiante, on retrouve à ce moment le passage de « sujets » à « citoyens », signe évident d’un déplacement politique :
- 31 Ibid., p. 71-72.
Sur tant de citoyens, qui furent mes enfans,
Ne laisse pas régner un bourreau triomphant31.
16Alliant ainsi l’image paternelle du roi au modèle démocratique, par le biais de la référence antique aux citoyens, Sigebert se fait ici porte-parole de Lemercier pour la défense d’un système politique garant des libertés fondamentales.
- 32 N. Lemercier, La démence de Charles VI, Paris, Imprimerie de Jules Didot, 1820, p. 281.
17La tragédie La démence de Charles VI propose également une réflexion politique par le biais de figures contrastées telles que Charles, Isabelle, et le Dauphin. En effet, face au personnage d’Isabelle incarnant l’ambition personnelle dénuée de scrupules et de sentiment patriotique, se dessine celle du roi faible et malade, saisi malgré tout de temps en temps d’une lucidité qui fait apparaître ses valeurs morales. Quant au dauphin, il se caractérise par une exigence éthique qui en fait, dans le système de valeurs de Lemercier, un héritier digne d’accéder au pouvoir. Proche en cela de Clovis, Isabelle représente les ruses et les compromissions de la politique, prête qu’elle est à se livrer à toutes les manœuvres afin de se maintenir au pouvoir, ce que résume cette réplique : « Tout feindre est pour régner la première science »32.
18Isabelle en effet n’hésite pas à livrer la France à Henri V dans le but unique de satisfaire son ambition personnelle. À l’inverse, le Dauphin refuse de se laisser convaincre par Duchâtel qu’il faut assassiner le duc de Bourgogne, et préfère, tel Sigebert, perdre la royauté plutôt que de la payer un tel prix :
- 33 Ibid., p. 282.
À qui se fiera-t-on, si de tels attentats
Partent des fils des rois et des chefs des états ?
Ah ! si nous violons toutes lois légitimes,
De quel droit dans nos cours punirons-nous les crimes ?33
19On retrouve ainsi le souci éthique et la notion morale de responsabilité : le souverain est non seulement responsable du bien-être matériel de son peuple, mais aussi de ses valeurs morales. Dans le domaine du droit et de la justice, le chef de l’État se doit d’être exemplaire. La structure de la pièce fait clairement apparaître la folie de Charles comme le résultat des manœuvres et des crimes d’Isabelle. Recouvrant quelque peu la raison à la fin de la pièce, Charles exprime son horreur pour le monstre politique qu’incarne son épouse :
- 34 Ibid.
Examine mes traits... dis, qu’ai-je d’insensé !
Est-il donc étonnant que mon œil soit farouche,
Voyant un monstre affreux qu’aucun remord ne touche !
[...]Va t’asseoir aux enfers, nouvelle Frédégonde :
Là ton arrêt t’attend pour l’exemple du monde34.
20La comparaison avec Frédégonde nous ramène bien entendu à la tragédie de Lemercier consacrée au personnage. De fait, le couple Charles VI-Isabelle rappelle par certains aspects celui formé par Chilpéric et Frédégonde, les deux rois étant, par faiblesse, victimes de leur épouse et incapables de lui résister. Charles fait cependant ici, paradoxalement, preuve de plus de lucidité que son lointain modèle, dans la mesure où il perce à jour et dénonce les crimes d’Isabelle. Il signale également l’inversion des valeurs qui semble s’être opérée à la cour, dans la mesure où la « folie » criminelle d’Isabelle n’est pas reconnue comme telle, alors que son propre désespoir face aux agissements de son épouse est considéré comme de la démence. Tout comme Sigebert au bord de la tombe, Charles se ressaisit au souvenir de son peuple et proteste contre l’accord passé avec les Anglais :
- 35 N. Lemercier, La démence de Charles VI, p. 296.
Peut-être il vous plairait que, dans ma véhémence,
Comme aux frivoles jeux créés pour ma démence,
Je jouasse l’État, le peuple, et qu’à jamais,
Je livrasse au hasard le sort de mes sujets35.
- 36 Ibid.
21Là encore, il ne déplore pas tant la perte de son trône que le malheur de son peuple, dont il endosse la responsabilité. À ces déclarations font écho celles de son fils qui, comme celui de Sigebert, doit poursuivre la mission que ne peut plus accomplir son père auprès du peuple. Ainsi la dernière réplique de la pièce, mise dans la bouche du dauphin, résume les valeurs défendues : « L’amour du pays est la raison suprême »36.
22On le comprend, ces réflexions et prises de positions sur la fonction royale et le gouvernement d’un État ne sont pas sans susciter d’écho dans la vie politique contemporaine de Népomucène Lemercier.
Théâtre historique et actualité politique
- 37 Voir à ce sujet M. H. Jones, Le théâtre national en France de 1800 à 1830, Paris, Klincksieck, 197 (...)
- 38 Sur l’histoire de la censure exercée sur les théâtres par Napoléon et les régimes qui ont suivi, v (...)
23Pendant toute sa carrière de dramaturge37, commencée sous le Consulat et l’Empire, et poursuivie sous la Restauration, Lemercier se heurte aux impératifs politiques et à la censure38, qu’il ne cesse de dénoncer. Lemercier, fidèle à la Révolution, accorde au début sa confiance à Bonaparte, mais ses relations avec lui se dégradent vite, particulièrement lorsque le pouvoir consulaire se mue en régime impérial. Ainsi, alors que Bonaparte ne pouvait qu’être flatté par la représentation de la tragédie Charlemagne, qui exaltait la figure impériale, Lemercier refuse d’entrer dans ce jeu politique, comme il le précise dans l’avertissement :
- 39 N. Lemercier, Avertissement de Charlemagne, Paris, Librairie Barba, 1816, p. xiv-xv.
C’est faussement qu’on a publié que ma tragédie resta longtemps par ordre dans mon portefeuille ; car l’ordre de la faire paraître, telle qu’on l’a vue, me fut donné il y a quinze ans : mais je refusai d’en profiter, ne voulant pas que la littérature aidât la politique au moment où le gouvernement consulaire s’érigeait en hérédité impériale [...]. Je ne doute pas qu’alors l’éclat de la première représentation de Charlemagne n’eût pleinement satisfait la vanité littéraire la plus outrée, grâce à la seule faveur d’un homme qui savait protéger, lorsqu’on entrait dans ses desseins, aussi habilement qu’il savait nuire quand on lui résistait39.
- 40 Voir à ce sujet G. Vauthier, Essai sur la vie et les œuvres de Népomucène Lemercier, Toulouse, Imp (...)
24En effet, Lemercier avait refusé de complaire à Bonaparte qui souhaitait un dénouement assorti d’un couronnement et de l’offre que la cour de Rome fit à Charlemagne du titre d’empereur d’Occident40.
25Cette revendication d’indépendance vis-à-vis du pouvoir caractérise l’œuvre de Lemercier, qui n’hésite pas à faire passer dans ses tragédies des allusions directes au régime en place. Ainsi, Baudouin empereur peut par certains aspects constituer une attaque directe contre le couronnement de Bonaparte. En effet, lorsque le vieux et sage Dandolo refuse la couronne impériale au nom du respect des lois de la République, il est difficile de ne pas y lire une condamnation de la mise en place du régime impérial.
- 41 Nombre d’entre elles furent d’ailleurs censurées. Pinto fut interdit sous l’Empire, La démence de (...)
26On peut également trouver dans d’autres tragédies de Lemercier41 nombre de passages qui peuvent être lus comme des allusions directes à la réalité politique du temps. Ainsi il est remarquable que la tragédie Frédégonde et Brunehaut souligne à la fois les origines populaires de Frédégonde, qui semblent responsables pour partie de sa barbarie, et la corruption qu’a exercé sur elle le pouvoir :
- 42 N. Lemercier, Frédégonde et Brunehaut, p. 47.
J’ai vu qu’à ces grands noms des Clovis, des Clotaires,
S’attachaient noblement des crimes nécessaires ;
Que leurs frères sanglans, que leurs neveux meurtris,
De leurs droits disputés étaient l’illustre prix ;
Et suivant leurs leçons pour garder ma couronne,
Je soutiens par vos mœurs la majesté du trône42.
27On perçoit ici toute l’ironie de ce discours à double entente, et on peut se demander si, au-delà d’une dénonciation topique de la corruption des mœurs par le pouvoir, ne se glisse pas une allusion plus précise aux origines modestes de Bonaparte, ou de sa première épouse, et de leur assimilation rapide des mœurs du pouvoir, dans leurs dimensions les plus négatives.
28Dans un autre registre, la préface de Clovis s’avère éclairante. En effet, s’éloignant à dessein du filon de l’histoire nationale héroïque, ou plutôt choisissant de le subvertir, Lemercier propose une figure royale en contre-modèle, un Clovis dont il s’agit de démythifier l’image :
- 43 N. Lemercier, Clovis, Préface, p. xvi-xvii.
Qu’on abjure les erreurs et les mensonges qui sanctifient un barbare Sicambre ! Démasquons l’hypocrisie même des historiens, plus pernicieuse que celle des héros dont ils préconisent l’exemple et qui, sous leur plume, fait jésuitiquement parler l’histoire en contradiction avec les faits qu’elle nous rapporte. Nommez, nommez Clovis, chef de l’exécrable famille mérovingienne, fondateur d’une oppressive hiérarchie militaire, spoliateur des nations qu’il reconquit à l’Église43.
- 44 Clovis est composé en 1801, et la préface qui précède le texte publié date de 1820.
29On observe déjà un décalage avec nombre de pièces de circonstance, écrites et jouées pour flatter le goût de l’Empereur pour les épisodes héroïques de l’histoire de France. Mais Lemercier va plus loin, et dans un discours à la double résonance44, condamne à la fois les excès de l’Empire et la politique de la Restauration :
- 45 N. Lemercier, Clovis, Préface, p. xxviii.
Peut-être n’aurez-vous pas assez des forces de la Révolution, dont on accuse les principes aujourd’hui, et des hautes vérités de sa propagande, pour consommer la réforme politique, pour désarmer l’ignorance, et pour arrêter une révolution plus terrible que renouvellerait la barbarie enrégimentée dans l’Europe, comme au temps où la tyrannie sacrée de Clovis écrasait les rois et les sujets par le double pouvoir de la mitre et de l’épée45.
30La portée politique de la pièce se trouve ainsi soulignée et revendiquée. L’histoire de France, et plus particulièrement l’histoire médiévale, apparaît comme une réserve de situations topiques concernant les relations entre pouvoir, gouvernement et peuple. Lemercier s’émerveille ainsi d’avoir, par son Clovis, anticipé les fautes et les turpitudes de l’Empire.
- 46 Allusion à la tentative de coup d’Etat menée par l’Infant d’Espagne Ferdinand contre le roi Charle (...)
- 47 N. Lemercier, Clovis, Préface, p. xxxix.
Prévoyais-je qu’elle offrirait plus tard, tant d’allusion à un forfait commis sur la famille régnante en Espagne46 ? Quoi ! un prince royal en discorde avec son père, et le jouet d’un usurpateur qui use de sa crédulité pour détrôner le père et le fils, et qui les détruit tous les deux, afin d’envahir leurs États ! Ma tragédie devenait une accusation involontaire : ce qui prouve irrécusablement que les tyrans sont entraînés à calquer leurs actes criminels les uns sur les autres, et qu’en parcourant les mêmes routes, ils se rendent successivement les plagiaires des coupables modèles qui les ont devancés47.
31Par cette allusion ironique, Lemercier montre à la fois le danger de lectures trop strictement politiques de ses pièces (en effet une interprétation de Clovis à la lumière des événements d’Espagne est tout simplement erronée, du fait de l’antériorité de la pièce), et en même temps la valeur politique universelle qu’elles recèlent. Cet exemple lui permet également de souligner l’absurdité et l’inutilité de la censure, qui place les œuvres littéraires à la merci de l’étroitesse d’esprit des censeurs ou de leur pusillanimité politique, quand ce n’est pas tout simplement de leurs débordements interprétatifs comme dans l’anecdote évoquée. Il milite pour une liberté d’expression généralisée, rappelant que le théâtre durement frappé par la censure au prétexte des troubles publics que pourrait susciter une représentation, a besoin au contraire de toute la liberté pour pouvoir remplir complètement sa mission esthétique et morale.
- 48 Telle que la fin du XVIIIe siècle la connaît déjà à travers le genre troubadour.
- 49 Nous ne pouvons dénombrer ici les nombreuses pièces à la gloire de l’Empereur, et ensuite celles q (...)
- 50 L’accueil réservé à Christophe Colomb, par exemple, est révélateur de l’écart entre les attentes d (...)
32À travers l’exemple des tragédies médiévales de Lemercier, on peut voir comment s’amorce en ce premier XIXe siècle un tournant dans la dramaturgie : dépassant une histoire purement décorative48, ou bassement édifiante49, Lemercier introduit un nouvel usage de l’histoire médiévale sur la scène tragique. Il ne s’agit pas seulement de fournir au dramaturge une réserve d’images, d’anecdotes, d’épisodes héroïques ou pathétiques : en se faisant miroir des interrogations contemporaines, le théâtre historique de Lemercier tente de déplacer les normes et les enjeux de la tragédie classique, notamment en déplaçant l’interprétation morale vers une lecture politique. Si la tentative échoue, à cause de la censure, de l’incompréhension du public50 et d’intrigues parfois trop minces, elle ouvre cependant la porte à des transformations à venir. Lemercier est en effet précurseur du romantisme par plusieurs aspects. Il participe tout d’abord de la réhabilitation du Moyen Âge dont on connaît l’enjeu pour la génération romantique ; plus largement, il prépare et oriente l’entrée en force de l’histoire sur les scènes romantiques, tout en ouvrant le chemin d’une lutte pour la liberté créatrice, lutte inachevée dont les romantiques sauront relever les défis en reprenant le flambeau des revendications de liberté dans les domaines esthétiques et politiques.
Notes
1 On peut penser notamment à l’interprétation que donne Miche let du Moyen Âge comme berceau de la nation et du peuple, et à l’usage que font les romantiques de figures telles que Clovis, Charlemagne, Jeanne d’Arc ou Louis XI, figures étudiées par exemple dans La Fabrique du Moyen Âge au XIXe siècle, dir. S. Bernard-Griffiths, P. Glaudes et B. Vibert, Paris, Champion, 2006. Sur Charlemagne, voir également I. Durand-Le Guern et B. Ribémont, Charlemagne, empereur et mythe d’Occident, Paris, Klincksieck, 2009.
2 Anticipant ainsi une autre grande tendance du romantisme. La question de l’usage du Moyen Âge par les écrivains et dramaturges romantique s’avère essentielle (voir par exemple sur ce sujet I. Durand-Le Guern, Le Moyen Âge des romantiques, Presses Universitaires de Rennes, 2001) dans la mesure où le romantisme va radicalement transformer l’interprétation d’un Moyen Âge « troubadour », à usage essentiellement décoratif. Le « style troubadour » apparaît à la fin du XVIIIe siècle et se manifeste, d’abord dans la peinture (Fleury-Richard, Pierre Révoil) par une représentation idéalisée du Moyen Âge privilégiant la dimension courtoise et chevaleresque. Dans le domaine théâtral, ce genre troubadour trouve place essentiellement dans le mélodrame. On pense par exemple aux pièces de Loaisel de Trégoate (Roland de Monglave, 1799, Adélaïde de Bavière, 1801), de Pixérécourt (Les Maures d’Espagne, 1804, Charles le Téméraire, 1814), ou de V. Ducange, (Palmerin ou le Solitaire des Gaules, 1813). Le romantisme dépasse ces représentations conventionnelles, politiquement conservatrices, et marquées par un idéalisme moral, pour proposer un usage beaucoup plus complexe du Moyen Âge (sur cette évolution, voir par exemple l’article de G. Gengembre, « Le genre troubadour : permanence ou mutation ? », Moyen Âge et XIXe siècle : Le Mirage des origines, Actes du colloque Paris III-Paris X, 5 et 6 mai 1988, Littérales, Nanterre, 1990, qui montre l’originalité apportée par le romantisme dans le traitement du motif médiéval.)
3 Comme dans le cas des mélodrames cités plus haut.
4 Népomucène Lemercier (1771-1840), est l’auteur d’une production poétique et dramaturgique abondante. S’il connut quelques succès au théâtre avec Agamemnon (1797) et Pinto, une comédie historique (1800), il fut globalement plutôt ignoré et rejeté par ses contemporains. Politiquement, il fut d’abord proche de Bonaparte, puis prit ses distances avec lui dès l’instauration de l’Empire.
5 Victor Hugo, dans son discours de réception à l’Institut salue « un homme politique indépendant, un homme littéraire original », cité par Albert Le Roy, L’Aube du théâtre romantique, Paris, Librairie Paul Ollendorff, 1904, p. 132.
6 Pour avoir une idée plus précise de la production dramaturgique sous l’Empire et la Restauration, on peut se référer à l’ouvrage Tragédies tardives, actes du colloque de Besançon des 17 et 18 décembre 1998, sous la direction de P. Frantz et F. Jacob, Paris, Champion, 2002, ainsi qu’à L’Empire des Muses. Napoléon, les arts et les lettres, sous la direction de J.-Cl. Bonnet, Paris, Belin, 2004.
7 Sous l’Empire, puis sous la Restauration, nombre d’œuvres dramatiques affichent clairement leur soutien au pouvoir en place, comme par exemple la tragédie d’Alexandre Duval Guillaume le Conquérant (1804) qui constitue clairement un hommage aux conquêtes de Bonaparte.
8 Voir à ce sujet G. Gengembre, Le théâtre français au XIXe siècle, Paris, Colin, 1999, p. 82-86.
9 Ibid., p. 90. G. Gengembre rappelle l’instauration officielle de la censure : « Toute l’histoire du théâtre français au XIXe siècle dépend désormais de ce facteur officiel. », p. 90.
10 P. Frantz, « Le théâtre sous l’Empire : entre deux révolutions », p. 179.
11 Ibid., p. 96.
12 Selon l’étude menée par C. Legoy, « La figure du souverain médiéval sur les scènes parisiennes à la Restauration », Revue historique, 594, 1995, p. 321-365.
13 Voir par exemple l’article de F. Jacob : « Tragédies nationales : De Belloy et Marie-Joseph Chénier », Tragédies tardives, p. 91-117.
14 G. Gengembre, Le théâtre français au XIX siècle, p. 163.
15 F. Raynouard, Préface des États de Blois, Paris, Mame Frères, 1814, p. 175-176
16 Cité par G. Gengembre, Le théâtre français au XIXe siècle, p. 170.
17 Ne serait-ce qu’à travers le tableau de David, Le Sacre de l’Empereur. Pour un état plus complet des Arts et des Lettres sous l’Empire, voir J.-Cl. Bonnet (dir.), L’Empire des Muses.
18 Il s’agit bien entendu à travers cet exemple de justifier les conquêtes napoléoniennes.
19 Cette tragédie, ne respectant pas l’unité de temps et de lieu, et introduisant des libertés lexicales et stylistiques (la réplique « Bientôt du haut du pont lancé par ces coquins / Ils le feront descendre au pays ... des requins » a par exemple beaucoup choqué), provoque de vives réactions lors de la première représentation le 7 mars 1809.
20 P. Frantz montre bien que chez Raynouard, comme chez Aignan et Lemercier, le choix du Moyen Âge n’implique pas une révolution esthétique dans la tragédie (« Le théâtre sous l’Empire : entre deux révolutions », p. 185).
21 M. Melai, « Couronnement factice et vérité morale : une scène emblématique de l’imaginaire tragique de la Restauration », Orages, 9, 2010, p. 324 [consulté le 01/02/2013 http://orages.eu/wp-content/uploads/2012/12/Or9p323.pdf]
22 N. Lemercier, Frédégonde et Brunehaut, Paris, J. N. Barba, 1821, p. 32.
23 N. Lemercier, Frédégonde et Brunehaut, p. 9.
24 Ce qui bien évidemment n’est pas sans faire référence à la situation de Bonaparte. Mais le temps de la représentation fait écho à une autre situation politique : la fragilité de la monarchie restaurée.
25 N. Lemercier, Baudouin empereur, p. 16.
26 N. Lemercier, Clovis, Paris, Baudouin frères, 1820, p. 36.
27 N. Lemercier, préface de Clovis, p. xvi-xvii.
28 Il la demande même à son fils Clodoric, en gage de sa fidélité.
29 N. Lemercier, Clovis, p. 69.
30 Ibid., p. 70.
31 Ibid., p. 71-72.
32 N. Lemercier, La démence de Charles VI, Paris, Imprimerie de Jules Didot, 1820, p. 281.
33 Ibid., p. 282.
34 Ibid.
35 N. Lemercier, La démence de Charles VI, p. 296.
36 Ibid.
37 Voir à ce sujet M. H. Jones, Le théâtre national en France de 1800 à 1830, Paris, Klincksieck, 1975, p. 56-76.
38 Sur l’histoire de la censure exercée sur les théâtres par Napoléon et les régimes qui ont suivi, voir O. Krakovitch, « Une seule et même répression pour le théâtre et la presse au XIXe siècle ? », Presse et scène au XIXe siècle, dir. O. Bara et M.-È. Thérenty, Medias, 19, [Consulté le 02/06/2013, http://www.medias19.org/docannexe/file/2948/krakovitch.pdf]
39 N. Lemercier, Avertissement de Charlemagne, Paris, Librairie Barba, 1816, p. xiv-xv.
40 Voir à ce sujet G. Vauthier, Essai sur la vie et les œuvres de Népomucène Lemercier, Toulouse, Imprimerie A. Chauvin et fils, 1886.
41 Nombre d’entre elles furent d’ailleurs censurées. Pinto fut interdit sous l’Empire, La démence de Charles VI, écrite en 1806, imprimée en 1814, ne put être jouée le 25 septembre 1820 au second Théâtre-Français, car la représentation fut interdite, au motif qu’on ne pouvait montrer sur scène un roi en démence. Clovis, également, ne put être représenté. Les démêlés de Lemercier avec la censure l’ont conduit à composer en 1812 une pièce intitulée Dame Censure, ou la Corruptrice, représentée à l’Odéon en 1822.
42 N. Lemercier, Frédégonde et Brunehaut, p. 47.
43 N. Lemercier, Clovis, Préface, p. xvi-xvii.
44 Clovis est composé en 1801, et la préface qui précède le texte publié date de 1820.
45 N. Lemercier, Clovis, Préface, p. xxviii.
46 Allusion à la tentative de coup d’Etat menée par l’Infant d’Espagne Ferdinand contre le roi Charles IV, dont tenta de profiter Napoléon pour s’emparer du pays, et qui déboucha sur le soulèvement madrilène contre les troupes françaises le 2 mai 1808.
47 N. Lemercier, Clovis, Préface, p. xxxix.
48 Telle que la fin du XVIIIe siècle la connaît déjà à travers le genre troubadour.
49 Nous ne pouvons dénombrer ici les nombreuses pièces à la gloire de l’Empereur, et ensuite celles qui exaltent la monarchie sous la Restauration, mais elles sont légion. Sous l’Empire, on peut citer certaines œuvres d’Alexandre Duval comme Édouard en Ecosse, sans oublier des pièces de circonstance comme Le Mariage de Charlemagne de Rougemont, représentée en 1810 et pleine d’allusions au mariage de l’Empereur. Sous la Restauration, on pense par exemple au Louis IX de Ancelot, dédié à Louis XVIII.
50 L’accueil réservé à Christophe Colomb, par exemple, est révélateur de l’écart entre les attentes du public et les tentatives de modernisation de la tragédie d’un Lemercier visiblement en avance sur son temps.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Isabelle Durand-Le Guern, « Les tragédies médiévales de Népomucène Lemercier : histoire et politique », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 26 | 2013, 257-269.
Référence électronique
Isabelle Durand-Le Guern, « Les tragédies médiévales de Népomucène Lemercier : histoire et politique », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 26 | 2013, mis en ligne le 30 décembre 2016, consulté le 11 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/13415 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.13415
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page