Peines et châtiments dans le Purgatoire de Ludovic de Sur
Résumés
Le bref texte latin du voyage-visio de Ludovic de Sur au purgatoire, inspiré par le Tractatus de Purgatorio sancti Patricii, présente un au-delà triparti qui, à certains égards, se distingue très nettement de son modèle. L’étude détaillée de la tradition manuscrite met en lumière des questions concernant la filiation et la circulation des textes, ainsi qu’un phénomène de « farciture », l’exploitation de différentes sources pour adapter la conception du purgatoire au nouveau contexte intellectuel et psychologique fourni par la catéchèse du XIVe siècle en Italie du Nord.
Plan
Haut de pageTexte intégral
Le manuscrit Naples, B.N., Vind. lat. 57, fol. 258-263
- 1 L’édition critique de ce texte est publiée dans S. M. Barillari, « Il Purgatorio di Ludovico di Su (...)
- 2 On peut le lire dans Das Buch vom « Espurgatoire S. Patrice » der Marie de France und seine Quelle (...)
1Le Voyage au Purgatoire de Ludovic de Sur1 est un récit bref qui narre la descente du chevalier dans le puits de saint Patrice, en terre d’Irlande. La source primaire d’inspiration est, évidemment, le Tractatus de Purgatorio sancti Patricii2 d’où sont tirées les principales lignes diégétiques, ce qui n’empêche pas à l’auteur d’introduire des innovations qui donnent à cette visio un caractère très particulier.
- 3 On peut trouver la connexion femme-richesses associée aux tentations purgatoires dans deux autres (...)
- 4 Il faut tenir compte du fait que Owein – le protagoniste du Tractatus – accomplit son voyage au pu (...)
2D’abord, sur son parcours de purification, le pèlerin ne rencontre pas – comme d’habitude – les diables, mais des filles charmantes3 qui lui offrent le plaisir charnel et beaucoup de richesses à condition qu’il renonce à sa résolution et revienne sur ses pas, en abandonnant la route entreprise. Secondement, le pons subtilis est ici présenté dans une version inédite, sous forme d’arc-en-ciel multicolore, tandis que le guide qui accompagne le protagoniste dans les landes du Purgatoire4 le mène par une mystérieuse « nappe » d’or dont il serre un coin dans sa main. En plus, il y a d’autres détails qui sont absents dans le Tractatus : le roi et la reine rencontrés au-delà du pont, les villes d’argent et d’or dans le jardin édénique, les « choses secrètes » qui sont confiées à Ludovic lorsqu’il va rentrer sur la Terre.
3Plus significatif est le fait que – à la différence du Tractatus et de beaucoup de ses « épigones » – l’œuvre décrive un au-delà triparti, subdivisé en enfer, purgatoire – paradis terrestre et paradis céleste, quoique les murailles étincelantes de la civitas Dei soient seulement aperçues par le pénitent qui ne les franchit pas.
- 5 Le manuscrit est aussi cité comme Neap. lat. 57.
- 6 Le manuscrit, en papier, datable des années 1576-1625, contient majoritairement des transcriptions (...)
4Le Purgatoire de Ludovic de Sur est transmis par deux manuscrits conservés dans la Bibliothèque Nationale de Naples, le ms. Vind. lat. 575 (fol. 258-263, qu’on appellera V) et le ms. XXII. 39 (fol. 84r-89r : N), qui propose une transcription partielle des textes qui sont contenus dans le premier6. Il y a en outre, on le verra plus avant, quatre autres manuscrits qui contiennent des versions du texte différentes en ce qui concerne la langue, l’ampleur et le contenu.
- 7 Ils sont rédigés par des copistes distincts, à des époques différentes. Il contient des œuvres de (...)
- 8 C’est attesté par la note de propriété du fol. 253va : « Antonii Seripandi ex Jani Parrhasii testa (...)
- 9 Nous ne sommes pas à même d’établir avec certitude la provenance du manuscrit ici examiné à cause (...)
- 10 L. Gualdo Rosa, « Codici di casa Barzizza », p. 19.
- 11 Ibid., p. 20. En outre, les filigranes des fascicules sont de la région de Padoue.
5Le ms. Vind. lat. 57, en papier et en parchemin, est un recueil factice d’opuscules latins7, datant des XIVe-XVe siècles et ayant appartenu à l’humaniste Aulo Giano Parrasio (1470-1521)8. Il l’acquit sûrement pendant son séjour dans le nord de l’Italie : à Gênes (entre 1498 et 1499), à Milan (entre 1500 et 1507), à Vicence (en 1507), à Padoue (en 1509), à Venise (entre 1509 et 1511)9. D’après Lucia Gualdo Rosa, le recueil aurait été assemblé en Vénétie dans la première moitié du XIVe siècle, en reliant des cahiers qui diffèrent par époque, par graphie, par support matériel et par dimension10. La partie la plus importante (fol. 3-105 et 219-234) est écrite dans une semi-gothique cursive qui rappelle celle utilisée par Damiano Gallineta de Pola, un disciple de Gasparino Barzizza qui vécut entre Padoue et Venise11.
- 12 La roue de chariot est l’armoirie des seigneurs de Carrara, une famille qui domina presque pour un (...)
6Dans le manuscrit, les feuillets qui contiennent notre texte forment un fascicule autonome (mm. 280x204, ébarbé) qui porte, au milieu, les traces d’un pliage en sens vertical. Le filigrane, une roue de chariot surmontée par une lettre F majuscule (75x40, n. 13.224 du Dictionnaire de Charles-Moise Briquet), vient vraisemblablement de la fabrique de papier fondée autour du 1349 à Padoue (ou à Battaglia), par Pace de Fabriano sous le patronage du prince Ubertino de Carrara12.
- 13 Ici (comme dans les autres transcriptions) j’utilise l’italique pour résoudre les abréviations et (...)
7Les fol. 258v, 262, 263r sont blancs, le fol. 262 conserve les signes de la réglure qui délimite un champ d’écriture, sur une colonne, de mm 230x155, avec un numéro de lignes par feuillet qui va de 29 à 35. Au centre de la marge supérieure du feuillet 258r on lit le titre : Anno domini millesimo trecentessimo quinquagessimo octavo inditione undecima et cetera. Sur la marge gauche des feuillets 259r, 259v et 260r des gloses latines résument la première moitié du récit. Le fol. 263v, qui constitue l’extérieur du ternion, est très fripé, mais il conserve en bas de page (263vb) une annotation renversée par rapport à la position qu’elle aurait occupée à l’intérieur (au centre de la marge supérieure) si le fascicule n’avait pas été plié : « La prima sia quando piove chosì forte / che l’agua avrì questi libri // Questo è un libro cum uno che andò a l’inferno »13. À la suite, presque illisible, il y a une preuve de plume ou une signature. Le texte et toutes ses composantes (texte latin, épitomé vulgaire, gloses latines, annotation vulgaire) sont rédigés en minuscule chancelière italienne de la même main.
- 14 Par exemple, l’issue de -DJ- est une affriquée dentale sonore dans coreçantem ( suff. - IDIARE), e (...)
- 15 Quoique l’appendice présente beaucoup des traits caractéristiques du vénitien, la brièveté du text (...)
- 16 Et aussi bien en accord avec l’esprit du même purgatoire, les « peines » duquel ne sont pas conçue (...)
8La visio est composée en latin, généralement correct, même si l’auteur a une prédilection pour la parataxe, et il est aussi enclin à étendre l’usage du quod en tant que conjonction de subordination. La langue latine est cependant marquée par des habitudes graphiques et phonétiques qui trahissent l’origine vénitienne du copiste14 et qui ont un équivalent ponctuel dans l’« appendice » vulgaire15. C’est très intéressant de constater que cet appendice n’a pas le but de donner une synthèse du texte précédent, dont elle veut offrir, en revanche, une clé de lecture, en le complétant par des renseignements sur les typologies de pécheurs sur lesquels la narration de Ludovic – en accord avec l’esprit du Tractatus16 – ne donne aucune élucidation.
- 17 J’utilise l’italique pour résoudre les abréviations, je sépare les mots qui sont écrits unis. Les (...)
9L’appendice, en somme, n’a pas de fonction récapitulative, à l’exception de la section initiale, qui résume la nature des peines (« la prima penna del fogo », « la segonda penna sì è quili che sum clavati in terra », « la terça penna è de çente che <sum> clavati in terra cum el viso en ço », « la quarta penna che è ‘n la piaça là ove se rostisse li homini », « la quinta penna de la roda », « la sesta penna che è ‘n la pessima fornaxe ardente », « la septima penna soto el ponte » ; c. 261v) afin d’établir une relation avec les péchés : usure et meurtre, mépris envers Dieu et les Saints, luxure, hérésie et avarice, iniquité dans l’administration publique, ecclésiastique et de la justice, envie et fausseté dans les serments, trahison. Une relation qui est rapportée par les gloses, écrites à côté des passages correspondants, délimités et séparés l’un de l’autre par des traits verticaux, et mis en évidence par une ligne ondulée sur la marge gauche. Voici leur transcription, rendue malaisée par l’ébarbure des feuillets, par les taches d’humidité et d’encre, par la graphie cursive17 :
- 18 Une tache couvre le a et en partie le x.
- 19 Le mot est biffé par une ligne.
- 20 Le mot est partiellement illisible pour une tache d’encre et est biffé par une ligne.
1^ penna que est / usurarijs / et homicidis / deputata (fol. 259r, 27-29)
2^ pena que est / deputata hominibus / crudelibus absque / amore et pietatis / alienis cristiani de/spretientibus deum et / sanctos (fol. 259v, 3-7)
3^ pena que depu/tata est lusurioxis / falsantibus matrimo/nia et decipientibus / <d>omicelas ab raxone18 (fol. 259v, 10-13)
4^ pena est / [deputata]19 pa/<r>tis binna ; de penniis / dat primam hereticis / patarinis et a Domine / luxuriantibus usque / in unum magnum / <p>uteum Deus excluxi/<v>e, aliam vere / omnibus avaris (fol. 259v, 16-21)
5^ pena data / <d>ominis dominantibus / <m>undum et advoca/<ti>s iustitiam nom/inantis inique que / <iu>dicantibus et cleri/<ci>s precepta ecclesie / non servantibus / temporalia que / <ad>tendentibus (fol. 259v, 24-30)
6^ pena data / invidiosis / et falsa iu/rantibus (fol. 160r, 2-4)
7^ pena habet / duas partes bis penas/que : subtus pontis sunt / proditores et desper/ati a deo secunda / vero aliis hominibus / maximas penas / patientibus qui tum / sperant gloriam / Dey (fol. 160r, 10-17)
hic finiunt pene / purgatorij et incipiu/nt guaudia para/dixij [celestis]20 / celestris ubi / est gloria Dey / et ubi sunt guau/dia infinita ad /quae nos perducere / <d>ignetur qui / sin fine vivit / et regnat bene/dictus. Amen (fol. 260r, 22-31).
Les autres versions du texte
- 21 Probablement par l’antigraphe – déjà en langue vulgaire – de C et Pd.
- 22 Ludovico Frati fut le premier qui signala l’analogie entre le Purgatoire de Ludovic de Sur et le t (...)
- 23 P est publié par Karl Strecker dans M. Voigt, Beiträge zur Geschichte der Visionenliteratur im Mit (...)
10Comme on l’a déjà dit, la relation entre peine et faute établie par l’appendice et accueillie par les gloses n’est pas suggérée par le texte. Pourtant elle suit la trace fournie par d’autres sources21 – où ce lien est explicité – étroitement apparentées au Purgatoire de Ludovic de Sur. En effet, nous avons affaire à une tradition dont les témoins sont très hétérogènes en ce qui concerne la langue, l’ampleur et, en partie, le contenu. Elle comprend – en plus des deux manuscrits précédemment cités – les textes reproduits dans les mss. Paris, B.N.F., Lat. Nouv. Acq. 1154, fol. 7r-10v (P, de la fin du XIVe siècle, en latin) ; Venise, Bibliothèque du Musée Correr, 1508 (C, premier quart du XVe siècle, en vulgaire vénitien)22 ; Padoue, Bibl. Civique, C.M. 106, fol. 44va-49vb (Pd, milieu du XVe siècle, en vulgaire vénitien) ; Barcelona, Arxiu de la corona d’Arago, Sant Cugat 82, fol. 157r-163v, e 83, c. 126 (B, première moitié du XVe siècle, en vulgaire catalan)23.
- 24 D. De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 192.
- 25 C. 2r (ibid, p. 116). Il faut dire que dans ce cas la graphie du manuscrit admettrait aussi la leç (...)
- 26 D. De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 117. On ne peut pas savoir comment le protagoniste fût q (...)
- 27 Un « conte d’Auceurre » est cité par Christine de Pizan dans son Livre des fais et bonnes meurs du (...)
11Dans P, C et Pd, le protagoniste vient « de civitate Ansidiorensi »24, « de la cità de Anchiosodra »25, « de la zità de Anchiosodra »26, tandis que dans V et N il vient « de Sur ». Il s’agit sans doute de variantes adiaphores au plan sémantique mais qui trahissent leur diversité linguistique : si tous les témoins font allusion à Auxerre, V (et par conséquence N) utilise une forme qui semble reproduire la désignation vernaculaire de la ville, issue de AUTESSIODURUM > Auceurre, forme attestée au XIVe siècle, c’est-à-dire à la même époque à laquelle remontent le voyage de Ludovic et la composition du récit qui le concerne27. Cette donnée – avec d’autres qui nous examinerons après – laisserait supposer la plus grande proximité entre V et l’original : il est plus probable, en fait, qu’un texte latin – celui qui a été le modèle de P ou de son antigraphe – ait émendé ope ingenii le mot vulgaire par le mot latin que vice-versa.
- 28 La réelle physionomie de B est difficile à saisir parce que le manuscrit est acéphale et mutilé. V (...)
- 29 Par exemple, dans la partie initiale, les « peines » de la « section infernale » – c’est-à-dire ce (...)
- 30 On peut en donner beaucoup d’exemples : la forêt des suicides dévastée par une chasse infernale, l (...)
12Il y a d’autres différences plus évidentes : d’abord l’ampleur de l’œuvre qui passe de la brièveté de V à la prolixité de B28, P, C et Pd. Les deux derniers témoins, qui sont très semblables, affichent des ajouts supplémentaires29, tirés vraisemblablement d’une traduction très proche de P : le récit développe des passages inédits, souvent inspirés par la Comédie de Dante30 ou puisés à la chronique locale.
- 31 À ce propos on peut voir S. M. Barillari, « Un Purgatorio umanistico ? Le vicende testuali di una (...)
13La comparaison entre les cinq versions du Purgatoire ici examinées nous oblige donc à nous mesurer avec un phénomène complexe de « farciture », l’analyse duquel irait bien au-delà de l’haleine de cet essai : pour le moment il suffit de remarquer que les successives interpolations témoignent in primis de la vitalité d’une matière que le poème dantesque – et sa diffusion précoce, surtout dans la Vénétie -a sans faute contribué à renforcer, en dépit de la désaffection et de la méfiance que les humanistes manifestent à cet égard31. En second lieu, ces versions témoignent du procès d’adaptation auquel la formulation et les thématiques de l’œuvre furent soumises pour les rendre conformes aux nouvelles exigences doctrinales d’une catéchèse qui n’avait plus besoin de clarifier, ou de confirmer, la fonction et les contours du troisième « royaume » supraterrestre, mais qui, en revanche, cherchait à définir correctement les relations spatiales, chronotopiques, ontologiques, existantes entre les différents secteurs d’une topographie à la fois matérielle et spirituelle. Bref, si au début du XIIIe siècle il fallait affirmer la praticabilité d’un chemin de purgation post mortem, dans la deuxième moitié du XIVe siècle il était plus urgent d’en préciser les modalités en fonction de l’agir terrestre.
14À ce propos la portion de texte objet de cette étude assume une prégnance particulière, d’autant plus qu’elle peut – comme je crois – nous aider à comprendre les degrés de parenté qui lient les membres de cette « famille » composite pour reconstruire, bien sûr de façon hypothétique, les différentes phases de la transmission d’une œuvre « ouverte » – c’est à dire structuralement prédisposée -aux interventions d’accroissement et d’ajustement.
15L’épitomé vulgaire qui conclut V, écrit par la même main qui a rédigé tout le fascicule, n’est pas compilé – nous l’avons anticipé – sur la base d’indications présentes dans le texte, mais il ne doit tout de même pas être attribué à l’inspiration du « copiste » qui d’ailleurs pouvait difficilement le tirer de son « modèle » : s’il avait eu une physionomie analogue à celle de P – où la relation entre tourments et inclinaisons immorales est extériorisée dans un long discours tenu à Ludovic par un vieux chenu aux seuils de la civitas d’argent (épisode absent dans V) – on devrait imputer au rédacteur anonyme une intervention visant en premier lieu à désincorporer cette partie du texte de la visio, pour la « traduire » ensuite en langue vulgaire, ce qui est vraisemblablement antiéconomique, en raison d’un rajustement du texte (et de sa diégèse) nécessaire et conséquent, et de l’effective inutilité de l’opération au plan de son rendement aussi bien narratif que didactique.
- 32 D. De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 210 et 212.
- 33 C. 17v (ibid., p. 178 e 170).
- 34 C. 261v. On ne peut pas trouver ce passage dans B à cause de la disparition des feuillets finaux.
16D’ailleurs, pas même la collation avec P ne fait supposer une dérivation directe. Plus probante est la comparaison avec C et Pd, comparaison dont émergent des affinités lexicales et syntaxiques (motivées par l’affinité linguistique), mais surtout des consonances propres au contenu qui n’ont aucune correspondance dans P. Mais voyons ceci en détail, en juxtaposant les versions, dans l’ordre, de P32, C33 et V34 :
P : Prima [pena] civitas ignita scilicet in qua homicide et usurari] absque ula redemptione miserabiliter afliguntur et cruciantur qui perpetue interioris ignis voces doloris exterius sic ut audivisti emitunt.
C : La prima [pena] sì fo de quela zitade de fuogo in la qual le anime miserabille vien chruziate et aflite che spande voxie chusì meravegioxe et oribelle chomo tu aldisti, et queli sono omizidiali et uxurari.
V : La prima penna del fogo sì è homini stadi al mondo usurari e homicidiarij, e sta cum gram pene di fogo ardando e cum grandisimi cridi.
P : Secunda illorum qui scilicet suppremi in terra conclavantur clavibus quorum per duorum palmorum longitudo est periuriorum atque crudelium quia Dei et sanctorum postergata omni reverentia blasfemantium.
- 35 L’intégration de do est suggérée par P.
C : La segonda pena, zoè quelli li qual vien afliti in tera chum agudi de <do>35 palmi e mezo chon lo chorpo in zoxo, e queli sì è despiatoxi e malvaxi e chrudelli li qual biastemano el nome de Dio e di Santi e de Sante, e butaseli da driedo le spalle.
V : La segonda penna sì è quili che sum clavati in terra cum clodi boienti de duy palmi l’uno per la schina e cum el viso in terra, sì è stati homini crudele sença amore né pietà de nesuno cristiano, e desprisiando Dio, e santi.
P : Tertia clavatorum scilicet cum clavis eiusdem longitudinis ut suppremi fatie versus cellum est adulterantium, fornicatorum, luxurie viventium ac virgines deflorantium.
C : La terza pena sì è quella, la qualle zoè chollor li quali viem afichadi in tera chol chorpo in su, sì è choloro li quali chomete fornichaziom e avoltierio, e che vive luxurioxamente toiando la verzinità alle donzelle.
V : La terca penna è de cente che <sum> clavati in terra cum el viso en co cum clodi de duy palmi l’uno per che y sum stati al mondo homini e femene luxuriosi, e falsati li matrimonij, e de pulcelle doncelle senca raxone.
P : Quarta est illorum scilicet qui in calderia buliunt platea asantur et ponuntur in fereo iuxta ignem, hereticorum, paganorum, perversorum infidelium. Talibus namque, ut avari fuerunt, argentum aurumque liquefactum datur in gutture mersum et prout vacabant libidini buliuntur in caldera plena pice.
C : La quarta pena sì è de choloro li qual vien boglidi in la chaldiera e che viem rostidi : sono li perversi eretizi despiatoxi e patarini, e zerti tali infedelli scharsi et avari che ll’oro et l’arzento descolado li vien zitado zoxo per la golla et per l’ingiotidor, e vien fortemente boidi in choldiera de pegolla azoché lla volontade li manchi.
V : La quarta penna che è ‘n la piaca là ove se rostisse li homini, e femene boiono en caldere e cum spidi de ferro, eno stati al mondo homini patarini, e de mala luxuria, e quili che boiono en caldere de pegola, eno stati al mondo homini avari e pieni d’avaricia, e stano in le dicte caldere cum el chavo en co e cum li pi en su, e alguna hora del die ge colano oro e arcento coso per la golla.
P : Quinta rote altitudinis ad celum et profundidatis ad abissum est tirampnorum et aliorum dominorum iniuste dominantium quomodocomque ac iudicum advocatorum cuiuscomque generis iniuste advocantium et iudicantium ac etiam clericorum iura ecclesiastica iniuste possidentium atque bona qui temporalibus lucris vacant offitijs et non lucris. Tale — inquit — ut vidisti super rotam proitiuntur et elevantur ad celum et rapidissime ad inferos interminabiliter demerguntur et postea escha insatiabilis maligni Luciferi preparantur.
C : La quinta pena sì è la roda del fuogo, la qual sì è alta dal ziello sina alla profondità dell’abisso. Sì è li tirani et li altri segnori che inzustamente zudicha et avocha, eziandio li chlerixi li qual inzustamente posiede la vita eclexiasticha et che llasa le chose devine per le tenporal. E quelli vien gitadi suxo la roda, et altri assai viem levadi insino al ziello et puo’, turpidisimamente senza reposso, vien somersi infino al profondo. Et puo’ vien aprestadi in pastura insaziabele del gram Luzifero.
V : La quinta penna de la roda che per agudi de fogo che tocano le aere e el profundo, è penna data a segnor che segnorecano en temporale no facando iusta raxone, e iudice che dampno iniustamentre le sentencie, e avocati che iniustamentre iudicano, e clerici che no mantiene iustamentre la sancta madre Glexia e mantiene el temporale. E quisti, die e note zirando su questa rota, e’ sono danati de profundo cum grandissimi torromenti.
P : Sesta illorum scilicet qui in pesima fornace ardentissime conburuntur et periuriorum et invidorum.
C : La sesta pena, zoè de cholloro li qualli vien bruxadi in quella pesima fornaze, sono li invidioxi et li sperzuri.
V : La sesta penna che è ‘n la pessima fornaxe ardente sì è penna data a homini ch’è stati envidiosi e che ano fato falsi sacramenti.
P : Septima est illorum qui in flumine sub ponte sunt, scilicet omnium predictorum ac illorum qui fuerunt de divina misericordia desperati.
C : La setima e ultima sì è de cholori li qual sì è soto lo ponte : sì è li traditori e choloro li quali sì è desperadi della misericordia de Dio, et in le altre tribe et pene tu lle ai vezute e sapute, et in questo che nui semo sì è el Paradixo zellesto lo qual Dio fè’ in tera per Adamo.
V : La septima penna soto el ponte, ch’è profundo, sì sono misi homini stati al mondo traditori, e sono desperati da Dio, e da questo ponte enançi è Purgatorio, e bene sono di multe e diverse e grandissime penne, e sono de queli che anno maçor penne che no ano quili che sono a l’Inferno per lo tempo che ano a stare, ma pensando a la dolce gloria che sperano de Paradixo pocha doia ge pare avere. Et apresso el Purgatorio è el Paradiso celesto, nel qual paradiso chi è dentro vede la gloria divina dove sì <è> gran deleti e piaceri che lengua de homo non poria dire. E le sovradicte penne tute ò vedute visibelementre en corpo humano, lo quale yo sonno. Ad quod gaudium et gloriam Deus nos perducat per infinita secula seculorum. Amen.
La tradition manuscrite
- 36 Il faut rappeler que la version de Pd est fort semblable à celle de C : à part quelques fautes de (...)
- 37 On rapporte la version de C, les différences avec Pd sont seulement graphiques.
- 38 Il faut remarquer que, par rapport à tous les versions de cette visio, ce passage est le seul qui (...)
- 39 Et volvi me / retro, et non vidi pontem, et prospessi infra et vidi tam magnum profundum quod vide (...)
- 40 Feze dans Pd.
- 41 C. 17v (D. De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 170).
17D’après cette comparaison on peut facilement déduire que l’œuvre transcrite par C et Pd36 dérive d’une « source » très ressemblante à P. Néanmoins elle met en évidence un élément de grand intérêt, puisque C et Pd contiennent une phrase, « et in questo che nui semo sì è el Paradixo zellesto »37 qui ne se trouve pas dans P mais qui nous retrouvons dans V, dans l’appendice (« et apresso el Purgatorio è el Paradiso celesto ») aussi bien que dans la dernière glose à la marge : hic finiunt pene purgatori] et incipiunt guaudia paradixij celestris38. Cette affirmation n’est pas incorrecte au sens absolu car, dans un Au-delà triparti, aux peines du purgatoire succèdent – l’expiation achevée – les joies paradisiaques, mais elle est incorrecte par rapport au passage en question, où le paradis céleste n’est jamais explicitement mentionné, tandis que le paradis terrestre est décrit en détail. Comme si cela ne suffisait pas, la glose est placée en correspondance du passage qui raconte la rencontre de Ludovic avec le vieux chenu après le pons subtilis, (fol. 260r, lignes 22-31)39, dans une « région » qui est expressément appelée purgatorio. C’est l’évidente inexactitude de ces assertions – dans lesquelles est reporté l’attribut « céleste » improprement utilisé à la place de « terrestre » pour définir l’endroit « lo qual Dio fè’40 in tera per Adamo »41, comme C et Pd correctement affirment – que nous suggère comment V et C/Pd puissent être corrélés.
- 42 La version de V identifie ce lieu avec le purgatoire.
- 43 D. De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 208. Dans C et Pd ce passage est plus évasif : « queste (...)
18Nous observons, en outre, que dans P il n’y a pas de subdivision – ni de dénomination – des « secteurs » de l’Au-delà visités par le protagoniste : le mot purgatorium est employé simplement pour indiquer le site de purgation irlandais et on ne le retrouve jamais après l’entrée de Ludovic dans le purgatoire même. La seule exception est constituée par l’usage du participe purgantes à propos des âmes immergées dans les eaux d’une petite rivière qui coule au-delà du pons subtilis42 : isti sunt homines et mulieres qui hic sua peccata leviter, ut causa criminis exposit, purgantes43. L’auteur du Purgatoire de Ludovic de Sur, à son tour, utilise le terme « purgatoire » deux fois, dans le passage relatif au roi et la reine qui ont échappés à des punitions bien plus graves (sed Deus misertus fuit eorum et in Purgatorio nunc sunt dampnati ; c. 160v) et dans celui où sont décrites les âmes qui demeurent dans un splendide pré de fleurs jaunes (iste sunt gentes in isto Purgatorio stantes, non habentes aliud boni nec mali nisi ut vides ; c. 160v) : le mot « purgatoire » indique dès lors les endroits qui se trouvent entre le pont subtilis et la ville d’argent (une preuve nous est donnée par l’appendice vulgaire : « e da questo ponte enançi è Purgatorio »), en assignant aux landes avant le pont une nature infernale, et en délimitant ainsi un monde d’Outre-tombe comprenant ses trois parties constitutives.
- 44 Das Buch vom « Espurgatoire S. Patrice », p. 68, ab et 72, ab.
- 45 Il faut rappeler que ce passage a déjà été mal interprété par Marie de France, qui dans son Espurg (...)
- 46 R. Miquel y Planas, Llegendes de l’altra vida, p. 249-250 et D. De Martino, Il viaggio di Lodovico (...)
- 47 Ici et par la suite, je rapporte le texte de C, cc. 6r et 6v (D. De Martino, Il viaggio di Lodovic (...)
19Une autre discordance émerge dans les énoncés relatifs à la seconde et à la troisième peine. Tandis que dans V la posture de ceux qui sont ici punis est correctement diversifiée, les uns cloués au sol « per la schina e cum el viso in terra », les autres « chol chorpo in su » – conformément à ce que rapporte le texte latin (per schinam cum vultu erga terram, cum ore erga celum ; c. 259v) et aussi à ce que dit le Tractatus : uentre ad terram uerso [...] dorsa terre herebant44 – dans P cette distinction disparaît45, car le copiste passe sous silence la position des « damnés » qui sont reclus dans le second endroit pénal : secunda illorum qui scilicet suppremi in terra conclavantur clavibus quorum per duorum palmorum longitudo estperiuriorum atque crudelium [...] Tertia clavatorum scilicet cum clavis eiusdem longitudinis ut suppremi fatie versus cellum... Une distinction qu’en tout cas l’alternance supinum [...] versus celum que nous trouvons dans les paragraphes relatant le passage de Ludovic de l’un pratum à l’autre, estompe. On trouve une indétermination identique dans B (« quim gitaren en terra de sobines », « ffuy ligat e gitat de sobines en terra »46) et dans C et Pd (« cho lo chorpo in su », « lo vixo inverso el zielo »47), quoique ces derniers – de façon inattendue – récupèrent cette opposition dans le sermon du vieillard : « chon lo chorpo in zoxo [...] chol chorpo in su ». La réitération de cette erreur dans tous les témoins à l’exclusion de V fait penser qu’elle se soit produite à un étage très haut de la tradition, en confirmant l’hypothèse de la plus grande proximité de la version conservée par le Vind. lat. 57 à l’archétype perdu.
20En résumé : V contient une dénomination de la ville natale de Ludovic, Auxerre, qui se souvient d’une forme vulgaire qui vraisemblablement n’a pas été modelée à partir de la forme latine ; de plus – tout comme le Tractatus duquel le texte s’inspire indirectement – il ne contient aucune allusion à l’existence d’une causalité entre les fautes commises et les sanctions prescrites dans l’Au-delà, une causalité qui par contre est précisée dans l’épitomé final, évidemment rédigé sur le modèle d’un autre texte qui a été jugé congénère. À tout ceci il faut ajouter que le rédacteur de V semble copier d’un modèle dépourvu des incorrections ou des imprécisions présentes dans P, et il semble mieux maîtriser la matière traitée, au moins en ce qui concerne l’aspect théologique. P – et, de conserve, C et Pd -proposent, en revanche, un compte rendu bien plus détaillé de l’expérience de l’Au-delà, et ils donnent des renseignements absolument réalistes sur la configuration « physique » du purgatoire de saint Patrice – et sur le cérémonial qu’il faut suivre pour y être admis – éléments qui ne sont pas présents dans V.
- 48 Entre a et V il y a au moins un passage qui rapporte une leçon corrompue. Il décrit la salle soute (...)
- 49 Une preuve à l’appui de cette hypothèse est le fait que – on l’a déjà dit – ce texte n’établit auc (...)
- 50 Dans lequel il y n’aurait pas la distinction entre la position des pécheurs punis dans le deuxième (...)
- 51 Par rapport à a’’, dans P il y a au moins une faute séparative :predictorum au lieu d’un plus plau (...)
- 52 Dans b on trouverait la leçon incorrecte zelesto qui qualifie le paradis terrestre, une leçon que (...)
- 53 La cursivité rapide et désordonnée de la graphie des gloses mène à exclure qu’elles aient été copi (...)
21D’après cela, on peut supposer que V et P aient en commun une même « source » (a)48, même s’il n’est pas facile de déterminer sa physionomie : concise et essentielle comme celle de V, ou plus étendue et redondante comme celle est de P. Personnellement, je pencherais pour la première hypothèse49 : la version abrégée aurait été ensuite l’objet d’augmentations et d’amplifications successives (a’50 et a”, le second remaniement rédigé dans la Vénétie serait à l’origine de P51) ; de a’ découlerait la traduction catalane B, tandis que de a’’ dériverait la version vénitienne b qui est le modèle de C et Pd. Il faudra attribuer au rédacteur des fol. 258-263 du Vind. lat. 57 l’appendice vulgaire – fruit de la collation avec b52 – et les gloses, qui sont l’expression d’une volonté de mettre en parallèle les deux composantes de l’œuvre. À moins que, naturellement, celui qui a copié V n’ait reproduit une copie déjà pourvue de l’épitomé vulgaire, et qu’il ne se soit limité à rédiger et insérer les gloses, bien que l’étroite concomitance chronologique entre la rédaction de V et celle de C (et à plus forte raison de b) porte à l’exclure53. En schématisant :
Une graduelle évolution de la conception du purgatoire
22L’analyse des trois abrégés récapitulatifs – qu’ici j’ai reproduits de façon fractionnée pour mieux remarquer les analogies et les divergences – met en évidence comme V adopte une terminologie plus proche du vocabulaire latin, et comme il privilégie l’organisation schématique, afin de donner ordre et cohérence à l’argumentation. Un schématisme qui parfois rend la syntaxe fatigante, comme dans le passage concernant la quatrième peine où la compréhension est partiellement viciée par l’anacoluthe initiale : « la quarta penna che è ‘n la piaça la ove se rostisse li homini, e femene boiono en caldere e cum spidi de ferro ».
23Les marginalia, d’ailleurs, semblent dépendre étroitement du résumé qui conclut l’œuvre et auquel ils sont débiteurs aussi bien pour le choix lexical (par exemple despretientibus forgé sur le mot vulgaire desprisiando), que pour l’organisation des contenus. Étroitement, bien sûr, mais pas passivement : la première chose qui saute aux yeux c’est qu’il n’y a aucune allusion à la nature des peines, puisque elles sont décrites dans les passages glosés. Une intervention, donc, qui est essentielle et mirée, visant seulement à compléter les contenus présents avec d’autres ajouts ex novo.
24Mais le rédacteur apporte aussi des modifications et des corrections. Elles peuvent être suggérées par l’intention de conférer systématicité à la « récapitulation » finale lorsque deux typologies de pécheurs (hérétiques et avares) sont associées à un seul supplice – celui de la « piaça là ove se rostisse li homini » – et lorsque sont mentionnées, sans solution de continuité, les punitions éternelles prescrites à ceux qui seront exclus du Paradis, et celles temporaires, apprêtées pour les esprits du purgatoire. Dans les deux cas, l’apparente incohérence est résolue par le glossateur en distinguant artificieusement en deux « parties » la quatrième et la septième peine : « 4^ pena est pa<r>tis binna [...] primam [...] aliam... » ; « 7^ pena habet duas partes bis penasque ».
- 54 À ce propos il faut remarquer que le mot « purgatoire » est utilisé seulement pour les lieux qui s (...)
25Dans un troisième cas, la correction est essentielle et concerne le niveau de la signification : différemment de ce qui est dit dans l’épitomé (« e da questo ponte enançi è Purgatorio ») le lieu pénal qui se trouve avant le pons subtilis est ici assigné à la juridiction purgatorielle (hic finiunt pene purgatorij), en donnant preuve d’une connaissance du sujet traité qui ne dérive pas exclusivement de la visio54.
- 55 Le mot est enregistré dans le Thesaurus linguae latinae, s.v. luxurio (I B a a), aussi l’italien l (...)
26Ailleurs on constate une tentative d’uniformiser la structure phrastique par rapport aux canons grammaticaux de la langue latine, si bien que l’anacoluthe « sum stati al mondo homini e femene luxuriosi, e falsati li matrimonij, e de pulçelle donçelle sença raxone » est traduit par deputata est lusurioxis falsantibus matrimonia et decipientibus domicelas ab raxone, avec un glissement du substantif donçelle/domicella à la fonction syntaxique d’objet d’une action accomplie par d’autres pécheurs (les « luxurieux »), ce qui détermine une réorganisation du sens global de la proposition, en acquittant les filles de la responsabilité du péché. De la même façon, encore à propos de la quatrième peine, la « mala lussuria » dont sont accusés les « patarini » est translittéré dans le participe luxurians dans une tournure (a Domine luxuriantibus usque in unum magnum) qui ferait conjecturer une acception de luxuriare (ou du déponent luxuriari) proche d’« enorgueillir »55 – au fond appropriée pour qui se rebelle vis-à-vis de Dieu. Et on peut dire la même chose pour la rectification de l’elliptique « che no mantiene iustamentre la sancta madre Glexia e mantiene el temporale » (cinquième peine) dans le plus intelligible precepta ecclesie non servantibus temporaliaque adtendentibus qui obtient le résultat de mettre l’accent sur la différence entre l’abstraction des precepta et la matérialité des « choses mondaines ».
- 56 Des éclaircissements qui ne se trouvent pas dans P, qui se limite à souligner que les âmes plongée (...)
- 57 C. 17v (De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 170).
- 58 Das Buch vom « Espurgatoire S. Patrice », p. 146, a.
27Mais je pense que les indices les plus révélateurs de l’aptitude – et des intentions – de l’auteur de l’appendice (et des gloses, qu’ils soient ou non rédigés par la même personne), par rapport aux sujets affrontés dans la visio, doivent être cherchés dans les éclaircissements apposés en conclusion de C, Pd et V où est définie la septième et dernière peine56 : tandis que dans les deux premiers manuscrits une ellipse « in le altre tribe et pene tu lle ai vezute e sapute »57 (allusif à tout ce qu’a été vu au-delà du pont ?) est suivie d’une phrase qui identifie l’endroit dans lequel se trouvent Ludovic et son guide, c’est-à-dire le paradis terrestre (erronément qualifié par l’adjectif zellesto), V se prolonge par une exposition plus détaillée, où les répartitions de l’Au-delà sont illustrées avec précision et compétence en situant avant le pont les endroits réservés à ceux qui seront damnés en perpétuel, après les lieux où l’on souffre « maçor penne che no ano quili che sono a l’Inferno » dans l’attente d’une gloire future, enfin le Paradis avec ses joies ineffables. Juste avant de conclure, une dernière mise au point (« e le sovradicte penne tute ò vedute visibelementre en corpo humano, lo quale yo sonno ») nous ramène à une préoccupation constante de l’auteur du Tractatus – préoccupation qui a tendance à se réduire au fil des années, des siècles et qui a une grande familiarité avec la littérature visionnaire : l’urgence de remarquer que ce « voyage » a été accompli sous forme corporelle, non pas spirituelle, exactement comme il était précisé pour Owein qui corporalibus oculis hec se vidisse et in corpore corporaliter pertulisse dixif58.
- 59 Il faut rappeler que Ward partage en deux groupes les quinze manuscrits du Tractatus qui sont cons (...)
28Est venu le moment d’essayer de débrouiller les fils de cette articulation, parfois confuse, amas de données plus ou moins hétérogènes que nous avons recueillies au cours de cette enquête. Préalablement il faut souligner que les contes qui parlent du « pèlerinage » à l’intérieur du purgatoire du Lough Derg sont caractérisés (de façon peut-être plus notable que les autres œuvres de la même époque) par une coaction impérieuse à s’accroître, à se dilater, en s’épanchant au-delà de leurs bornes originaires : si les vicissitudes du chevalier irlandais rebondissent d’un manuscrit à l’autre en esquissant le profil d’une tradition qui ne transmet pas un texte de longueur constante59, celles du français Ludovic semblent porter aux extrêmes conséquences cette propension, dans une tension qui joint instances didactiques et vocation narrative.
- 60 Il n’est pas possible – nous l’avons déjà remarqué – d’établir l’entité, et la présence même, de c (...)
29En effet cette vision imagée, qui décrit un Au-delà avec des traits presque baroques, semble pénétrée par une irrésistible force centrifuge qui la transforme en une sorte de galaxie en lente, continue expansion. Pour nous orienter dans la forêt touffue d’interpolations, éclaircissements et addenda, il sera utile de prendre comme point de repère la graduelle affirmation du concept de purgatoire : si la première rédaction de l’œuvre était vraiment homologue au texte contenu dans V, nous devrions inférer que les décors – physiques et conceptuels – qu’elle esquisse pouvaient sembler inadéquats au vu de l’habitude désormais répandue de donner une représentation générale et séquentielle des trois royaumes, surtout dans une région -celle du nord de l’Italie – où le magistère de Dante n’avait pas tardé à être accueilli et assimilé. À cet égard, P documenterait la nécessité de transposer, dans les schémas d’un classement rigoureux des fautes susceptibles d’une condamnation irrémissible, les tourments qui précédemment pouvaient être infligés seulement au protagoniste (et aux autres qui entreprenaient un parcours de purgation en vie) avec une fin probatoire et expiatoire : c’est pourquoi le sermon prononcé par le reverendus antichus au bord du fleuve infernal60 a été inséré.
- 61 En effet, il insiste plusieurs fois sur l’importance de l’achèvement de cette tâche : quorum [les (...)
30Pareillement, C et Pd montrent une similaire propension à rajuster les assertions de la visio à l’horizon d’attente et au bagage de connaissances du publique par une procédure d’ajustement – rhapsodique, discontinue – qu’on saisit dans la prolifération luxuriante mais désordonnée d’épisodes qui est aussi le fruit, semblerait-il, d’un processus de germination spontanée ; des épisodes qui ensuite s’agglutinent en obéissant à des principes d’accumulation chaotique ayant toujours pour fin d’adapter le déroulement de la narration à des goûts et des intérêts qui ne se contentent plus de l’énumération et qualification des tribulations. De la sorte, dans Pd il y a un bref chapitre conclusif (qui n’est pas présent dans C) où est rappelée la coutume, énoncée avec résolution dans le Tractatus61, de laisser un témoignage écrit de tout ce que les pénitents avaient vu et éprouvé dans le purgatoire patricien. Un témoignage qui, avec d’autres de la même teneur, aurait servi d’admonition, ou de viatique, pour les visiteurs futurs.
31D’une autre façon, V nous permet de voir comment la résolution de renouveler un texte pour le rendre compatible avec un nouveau contexte intellectuel (et psychologique) peut passer par une opération d’assemblage de fragments textuels de provenance et de langue différentes, la synthèse desquelles s’actualise a posteriori, dans la phase de la réception, dans un mutuel, serré, parfois contradictoire, dialogue avec les textes adjoints.
Notes
1 L’édition critique de ce texte est publiée dans S. M. Barillari, « Il Purgatorio di Ludovico di Sur (Naples, Biblioteca Nazionale, Vind. lat. 57, cc. 258-263) : un testo a cavallo fra Medioevo e Rinascimento », Studi medievali, 49, 2008, p. 759-808. Sur Ludovic nous savons seulement ce que disent trois (P, C et Pd) des cinq œuvres qui racontent son aventure : il est un chevalier français, natif d’Auxerre, qui aurait affronté le « voyage » dans le purgatoire irlandais pour se purifier des péchés qu’il a commis en combattant contre d’autres « chrétiens », en participant aux tournois, en s’abandonnant aux plaisirs charnels. Cependant, c’est fort probable que cette identité soit fictive, construite à partir de celle – aussi fictive – du premier visiteur du « puits » de saint Patrice, le miles Owein, destiné à devenir le « modèle » de ses émules littéraires.
2 On peut le lire dans Das Buch vom « Espurgatoire S. Patrice » der Marie de France und seine Quelle, éd. K. Warnke, Tubingen, 1973 [1938].
3 On peut trouver la connexion femme-richesses associée aux tentations purgatoires dans deux autres œuvres dédiées au purgatoire de saint Patrice : la deuxième visio du Liber revelationum de Peter of Cornwall (1200, un manuscrit, qu’on suppose être l’original) et la troisième des Visiones Georgii (postérieur au 1353-54, 12 manuscrits rédigés entre XIVe et XVe siècles). R. Easting, « Peter of Cornwall’s account of st. Patrick’s Purgatory », Analecta bollandiana, 117, 1979, p. 397-416 ; Visiones Georgii. Visiones quas in Purgatorio sancti Patricii vidit Georgius miles de Ungaria a. D. MCCCLIII, éd. L. L. Hammerich, Kobenhavn 1930. Sur ce sujet, voir S. M. Barillari, « Gli infortuni della penitenza. Ovvero, un purgatorio dai dolorosi amplessi », L’immagine riflessa, 14, 2005, p. 87-102.
4 Il faut tenir compte du fait que Owein – le protagoniste du Tractatus – accomplit son voyage au purgatoire tout seul, sans le secours et le réconfort d’un guide : à ce manque palient partiellement les renseignements sur la première partie de son itinéraire qui lui sont donnés par le prieur. Seulement à l’intérieur des murailles du Paradis terrestre le chevalier irlandais trouvera deux « archevêques » qui l’accompagneront pour le reste du parcours, en lui fournissant les explications nécessaires pour comprendre les caractéristiques de cet endroit.
5 Le manuscrit est aussi cité comme Neap. lat. 57.
6 Le manuscrit, en papier, datable des années 1576-1625, contient majoritairement des transcriptions de textes qui sont conservés dans les manuscrits de la bibliothèque du monastère augustinien de saint Jean à Carbonara de Naples. Par rapport au Purgatoire de Ludovic de Sur, il est un codex descriptus, intervenant sur le texte seulement pour le normaliser sous le profil orthographique et linguistique.
7 Ils sont rédigés par des copistes distincts, à des époques différentes. Il contient des œuvres de Cicéron et du Pseudo-Cicéron, d’Ovide, Basile le Grand, Sicco Polenton, Andrea Giuliano, Zaccaria Trevisan le vieux, Gasparino Barzizza, Antonio Loschi, Antonio Carabello, Leonardo Bruni, Valerio Probo, Pietro Paolo Vergerio le vieux, Pietro Alvarotti, Francesco Barbaro, Coluccio Salutati.
8 C’est attesté par la note de propriété du fol. 253va : « Antonii Seripandi ex Jani Parrhasii testamento ». En effet Parrasio avait décidé de laisser tous ses livres en héritage à Antonio Seripando (C. Tristano, La biblioteca di un umanista calabrese : Aulo Giano Parrasio, Manziana, Rome, 1988, p. 15). Peut-être à la mort de Antonio Seripando, ou à celle de son frère Girolamo, la propriété des livres passa à la bibliothèque du monastère napolitain de S. Jean à Carbonara. Beaucoup de ces livres sont passés en 1718 à la Bibliothèque Impériale de Vienne (notre manuscrit a la cote Bibl. Pal. Vind. cod. 3160) et ils y sont restés jusqu’en 1919, quand ils furent rendus à l’Italie : après une brève période de séjour à la bibliothèque Marciana de Venise, en 1923 ils sont enfin revenus à Naples, à la Bibliothèque Nationale, où ils se trouvent toujours. Voir L. Gualdo Rosa, « Codici di casa Barzizza nel fondo Parrasio », Parrhasiana. Atti della I giornata di studi « Manoscritti medievali e umanistici della Biblioteca Nazionale di Napoli », Naples, 2 maggio 1999, dir. L. Gualdo Rosa – L. Munzi – F. Stok, Naples 2000, p. 19-20 (p. 18) ; et E. Martini, « Sui codici restituiti dall’Austria », Atti della R. Accademia di Archeologia, Lettere e Belle Arti di Napoli, 9, 1924, p. 157-182 (p. 178).
9 Nous ne sommes pas à même d’établir avec certitude la provenance du manuscrit ici examiné à cause de la chute du feuillet de garde, où l’humaniste calabrais avait l’habitude d’écrire sa note de propriété et de signaler le lieu où il avait acheté le livre et son prix (L. Gualdo Rosa, « Codici di casa Barzizza », p. 19, et Ead., « Introduzione » à « Molto più preziosi dell ‘oro », Codici di casa Barzizza alla Biblioteca Nazionale di Napoli – Catalogo, au soin de L. Gualdo Rosa, Naples 1996, p. 9-19 (p. 10)). Sur le séjour de Parrasio à Vicence, à Padoue et à Venise, voir F. Lo Parco, Aulo Giano Parrasio. Studio biografico-critico, Vasto, 1899, p. 71-80.
10 L. Gualdo Rosa, « Codici di casa Barzizza », p. 19.
11 Ibid., p. 20. En outre, les filigranes des fascicules sont de la région de Padoue.
12 La roue de chariot est l’armoirie des seigneurs de Carrara, une famille qui domina presque pour un siècle la ville de Padoue. Voir C. M. Briquet, Les filigranes. Dictionnaire historique des marques du papier dès leur apparition vers 1282 jusqu’en 1600, Leipzig, 1923 [repr. New York, 1966], t. IV, p. 655b-657a. Cette typologie est attestée de 1360 à 1500 dans des exemplaires qui sont conservés à Venise, Padoue, Lido Maggiore, Trévise et Rome.
13 Ici (comme dans les autres transcriptions) j’utilise l’italique pour résoudre les abréviations et je sépare les mots qui sont écrits unis. Les barres obliques indiquent où le rédacteur est allé à la ligne. Les deux premières lignes semblent calquer le style et les formules de l’appendice vulgaire. L’allusion aux adversités météorologiques dont le fascicule fut victime est confirmée par quelques taches qui rendent très ardue la lecture des gloses.
14 Par exemple, l’issue de -DJ- est une affriquée dentale sonore dans coreçantem (< suff. - IDIARE), et celle de GJ est une affriquée dentale sonore dans çoia, zallis, zardinos / çardino (où la palatalisation de G avant A indique l’origine française des mots). On peut encore ajouter l’oscillation des graphies de -T- et -D- (cadenis, capud, velud, set), -C- > -g- dans cargatis, -n final > -m dans tan (= tam) ; les mots avec r pré- ou post-consonantique peuvent apparaître sous la forme à métathèse : chatreda / cathreda, scorpiaret ; il y a une dissimilation /r/ – /r/ > /l/ – /r/ dans albor (= arbor). On peut trouver des mots où est utilisée la lettre s au lieu de x : res (= rex), respesi (= respexi), perspessi (= perspexi). De plus, il faut remarquer que les consonnes géminées (par exemple vissa est) peuvent être écrites en toutes lettres ou doublées par le titulus : elles ne reflètent pas l’usage phonétique et ont pour équivalent antithétique formes simples comme notuque (= noctuque), quidam (= quiddam) et ilum (= illum).
15 Quoique l’appendice présente beaucoup des traits caractéristiques du vénitien, la brièveté du texte et surtout sa syntaxe – synthétique, répétitive, élémentaire – ne donnent pas les éléments suffisants pour établir avec certitude l’origine lagunaire de sa langue.
16 Et aussi bien en accord avec l’esprit du même purgatoire, les « peines » duquel ne sont pas conçues pour des catégories particulières de vices, ou de pécheurs, mais sont les étapes successives d’un parcours de purification qui doit inclure chacune d’elles.
17 J’utilise l’italique pour résoudre les abréviations, je sépare les mots qui sont écrits unis. Les barres obliques indiquent où le rédacteur est allé à la ligne. J’utilise les parenthèses crochues <> pour les intégrations, les crochets [] pour les suppressions. Entre parenthèses est indiqué le numéro du feuillet et des lignes à la marge desquelles il y a la glose.
18 Une tache couvre le a et en partie le x.
19 Le mot est biffé par une ligne.
20 Le mot est partiellement illisible pour une tache d’encre et est biffé par une ligne.
21 Probablement par l’antigraphe – déjà en langue vulgaire – de C et Pd.
22 Ludovico Frati fut le premier qui signala l’analogie entre le Purgatoire de Ludovic de Sur et le texte contenu dans ms. du Musée Correr : dans un article du 1891, il soulignait l’affinité des deux visions, en postulant que le texte vénitien dérivait du latin. L. Frati, « Tradizioni storiche del Purgatorio di san Patrizio », Giornale storico della letteratura italiana, 17, 1891, p. 46-79 (p. 55).
23 P est publié par Karl Strecker dans M. Voigt, Beiträge zur Geschichte der Visionenliteratur im Mittelalter, Leipzig 1924 [repr. New York 1967], p. 226-245 ; B dans R. Miquel y Planas, Llegendes de l’altra vida, Barcelona 1914, p. 241-252 ; C et Pd sont publiés dans D. De Martino, Il viaggio di Lodovico al Purgatorio di san Patrizio, Siena 2006. Les passages de P sont tirés de l’ouvrage de De Martino qui reproduit l’édition de Strecker. Les citations de C sont tirées de l’édition que je suis en train de préparer, en indiquant entre parenthèses le numéro de la page correspondante dans l’ouvrage De Martino.
24 D. De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 192.
25 C. 2r (ibid, p. 116). Il faut dire que dans ce cas la graphie du manuscrit admettrait aussi la leçon Auchiosodra, qui est plus proche d’Autcedre, une autre évolution du mot latin Autessiodurum qui est attesté au XIVe siècle.
26 D. De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 117. On ne peut pas savoir comment le protagoniste fût qualifié dans B à cause de la disparition du feuillet où se trouve son nom.
27 Un « conte d’Auceurre » est cité par Christine de Pizan dans son Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles V, achevé en 1404.
28 La réelle physionomie de B est difficile à saisir parce que le manuscrit est acéphale et mutilé. Voir L. L. Hammerich, « Le pèlerinage de Louis d’Auxerre au Purgatoire de S. Patrice », Romania, 55, 1929, p. 118-124 (p. 121).
29 Par exemple, dans la partie initiale, les « peines » de la « section infernale » – c’est-à-dire celle située avant le pons subtilis – sont dix-sept au lieu de sept, et le pèlerin doit traverser deux ponts périlleux au lieu d’un.
30 On peut en donner beaucoup d’exemples : la forêt des suicides dévastée par une chasse infernale, le manipule de diables munis de crocs qui plongent les pécheurs dans un lac de poix bouillante, les onze affamées, les vêtements somptueux doublés de plomb, les damnés avec la tête vers l’arrière...
31 À ce propos on peut voir S. M. Barillari, « Un Purgatorio umanistico ? Le vicende testuali di una visio fra latino e volgare », Lingue e culture fra identità e potere, a cura di Formello (RM), éd. M. Arcangeli, C. Marcato, 2009, p. 123-130.
32 D. De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 210 et 212.
33 C. 17v (ibid., p. 178 e 170).
34 C. 261v. On ne peut pas trouver ce passage dans B à cause de la disparition des feuillets finaux.
35 L’intégration de do est suggérée par P.
36 Il faut rappeler que la version de Pd est fort semblable à celle de C : à part quelques fautes de lecture ou d’interprétation, il y a seulement des intégrations sporadiques (peut-être dues au copiste) et l’insertion d’un bref passage conclusif qui ne se trouve pas dans les autres versions du texte et qui semble tiré directement du Tractatus
37 On rapporte la version de C, les différences avec Pd sont seulement graphiques.
38 Il faut remarquer que, par rapport à tous les versions de cette visio, ce passage est le seul qui appelle correctement « purgatoire » le lieu pénal situé avant le pons subtilis.
39 Et volvi me / retro, et non vidi pontem, et prospessi infra et vidi tam magnum profundum quod videbatur quod cor scorpiaret / michi tantum timorem habui. Et ego recordatus, orationem dixi eam et feci signum sancte crucis et ivi ultra pontem. / Et aparuit michi unus homo totus albus cum una toagla de auro et dixit michi : « Benedictus sit ille Deus / qui dedit tibi tantam gratiam quod transisti per tot pennas », et dixit : « Tene te ad toaglam, et venias mecum », / et conduxit me per unam maximam vallem unde erat aqua clara, et in dicta aqua erat magna multitudo / hominum stancium in dicta aqua, tenencium capud in terram et pedes versus celum. Allij tenentes brachia / et alij crura in dicta aqua, et erat unus ab altero separatim, et ego interogavi hunc hominem album / conducentem me cuius maneriei forent dicte gentes, et iste dixit michi : « Isti sunt homines non habentes aliud / boni neque mali nisi ut vides ». Et post hec iste homo albus conduxit me ad quoddam pulcrum castrum / ubi erat magnum placibile. Et in dicto castro sala erat una, valde pulcra et magna, et in me /dio dicte sale erat una cathreda magna coperta de uno panno auri. Et iste homo albus qui condu /cebat me ostendit michi unum pulcrum thorum.
40 Feze dans Pd.
41 C. 17v (D. De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 170).
42 La version de V identifie ce lieu avec le purgatoire.
43 D. De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 208. Dans C et Pd ce passage est plus évasif : « queste sono anime le qual se purga in questa aqua li suo’ pechati » ; c. 14v. (D. De Martino, ibid., p. 162 e 163).
44 Das Buch vom « Espurgatoire S. Patrice », p. 68, ab et 72, ab.
45 Il faut rappeler que ce passage a déjà été mal interprété par Marie de France, qui dans son Espurgatoire seint Patriz utilise le mot envers (« sur le dos », v. 946) pour indiquer la position des âmes dans le premier campus tandis que dans le texte latin est exprimée une idée contraire (uentre ad terram uerso). Voir M. di Francia, Il purgatorio di san Patrizio, éd. S. M. Barillari, Alessandria 2004, p. 246.
46 R. Miquel y Planas, Llegendes de l’altra vida, p. 249-250 et D. De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 229-230. Sobines, attesté à partir du XIIIe siècle, dérive du catalan archaïque sobi, -ina < lat. supinus.
47 Ici et par la suite, je rapporte le texte de C, cc. 6r et 6v (D. De Martino, Il viaggio di Lodovico al Purgatorio di san Patrizio, p. 132 et 134).
48 Entre a et V il y a au moins un passage qui rapporte une leçon corrompue. Il décrit la salle souterraine d’où on peut pénétrer dans l’Au-delà : et reperi me in una sala magna, et in dicta sala erat quidam capitellum cum una chatreda valde pulcra (c. 259r) où capitellum pourrait être une lecture – ou une écriture – erronée du mot capitulum, qu’on trouve dans P : aulam intravipulcerimam in cuius medio sytum est capitulum. En outre, nous laisse perplexe l’usage de spectare avec l’inhabituelle construction de + ablatif et l’apparent sens de « rendre hommage » (gencium spectancium [...] de rosis et alijs pulcris rébus, c. 260), des circonstances qui font penser ou à l’omission d’un prédicat ou à une mauvaise compréhension (et, peut-être, à une maladroite correction du modèle). On peut comparer ce passage avec la version de P : ad quem [regem] tam mares quam feminas in magna multitudine sunt roxas iocolia et alia exenia deferentes portantesque cum reverentia accedebant.
49 Une preuve à l’appui de cette hypothèse est le fait que – on l’a déjà dit – ce texte n’établit aucune relation entre les péchés et les peines, conformément à la lettre et à l’esprit du Tractatus.
50 Dans lequel il y n’aurait pas la distinction entre la position des pécheurs punis dans le deuxième « pré » et celle des pécheurs du troisième, positions qui au contraire sont correctement différenciées dans V.
51 Par rapport à a’’, dans P il y a au moins une faute séparative :predictorum au lieu d’un plus plausible traditorum qu’on peut conjecturer sur la base de la traduction traditori de C et Pd (qui dérivent de b, à son tour vulgarisation de a’’). À ce propos voir infra, n. 58.
52 Dans b on trouverait la leçon incorrecte zelesto qui qualifie le paradis terrestre, une leçon que est présente aussi bien dans l’appendice vulgaire que dans le gloses latines de V.
53 La cursivité rapide et désordonnée de la graphie des gloses mène à exclure qu’elles aient été copiées du modèle.
54 À ce propos il faut remarquer que le mot « purgatoire » est utilisé seulement pour les lieux qui sont situés au-delà du pont.
55 Le mot est enregistré dans le Thesaurus linguae latinae, s.v. luxurio (I B a a), aussi l’italien lussuriare est enregistré dans le Grande Dizionario della Lingua Italiana (s.v., 7).
56 Des éclaircissements qui ne se trouvent pas dans P, qui se limite à souligner que les âmes plongées dans le fleuve au-dessous du pons subtilis ne peuvent plus espérer dans le salut éternel : septima est illorum qui in flumine sub ponte sunt, scilicet omnium predictorum ac illorum qui fuerunt de divina misericordia desperati. La leçon predictorum – qui est incohérente puisque annule les distinctions qui ont été établies entre péchés et peines – peut être une faute discriminante qui signale la dérivation de l’antigraphe de C et Pd (qui identifient ces pécheurs avec les « traditori e choloro li quali sì è desperadi della misericordia de Dio ») d’un manuscrit qui contient la leçon plus correcte et cohérente traditorum (dont predictorum serait lectio facilior).
57 C. 17v (De Martino, Il viaggio di Lodovico, p. 170).
58 Das Buch vom « Espurgatoire S. Patrice », p. 146, a.
59 Il faut rappeler que Ward partage en deux groupes les quinze manuscrits du Tractatus qui sont conservés au British Museum sur la base de la longueur du texte (H. L. D. WARD, Catalogue of Romances in the Department of Manuscripts in the British Museum, 3 vol., Londres 1961-1962 [1883-1910], II, p. 435-492). En réalité cette classification n’est pas tout à fait satisfaisante, étant donné que la tradition manuscrite de cette œuvre (qui compte plus de 150 témoins) présente une casuistique bien plus variée. À ce propos, on peut voir L. Foulet, « Marie de France et la légende du Purgatoire de Saint Patrice », Romanische Forschungen, 22, 1908, p. 599-627 et C. M. van der Zanden, Étude sur le Purgatoire de Saint Patrice accompagnée du texte latin d’Utrecht et du texte anglo-normand de Cambridge, Amsterdam, 1928, p. 79-84.
60 Il n’est pas possible – nous l’avons déjà remarqué – d’établir l’entité, et la présence même, de cette partie explicative dans B.
61 En effet, il insiste plusieurs fois sur l’importance de l’achèvement de cette tâche : quorum [les visiteurs du purgatoire] relationes et dicta iussit beatus Patricius scribi in ecclesia illa (Das Buch vom « Espurgatoire S. Patrice », p. 26 ; a) ; multi homines purgatorium illud intraverunt [...] Redeuntium autem narrationes et dicta a canonicis loci illius sunt in monasterio scripta (p. 32 ; a).
Haut de pageTable des illustrations
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/docannexe/image/13408/img-1.jpg |
---|---|
Fichier | image/jpeg, 31k |
Pour citer cet article
Référence papier
Sonia Maura Barillari, « Peines et châtiments dans le Purgatoire de Ludovic de Sur », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 26 | 2013, 211-227.
Référence électronique
Sonia Maura Barillari, « Peines et châtiments dans le Purgatoire de Ludovic de Sur », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 26 | 2013, mis en ligne le 30 décembre 2016, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/13408 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.13408
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page