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Musique et littérature au Moyen Âge : héritage et témoignage des travaux de Pierre Aubry et Jean Beck

À la défense des mélodies « marginales » chez les trouvères : le cas de Thibaut IV de Champagne

Christopher Callahan
p. 69-90

Résumés

Cet article plaide en faveur de l’intégration, dans les futures éditions critiques des trouvères – tant électroniques qu’imprimées – des unica mélodiques des chansonniers tels que Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 1591 (R) et Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 24406 (V). Un argument tenant compte à la fois du schéma mélodique et du genre poétique de ces pièces sera offert en faveur d’un modèle particulier de transmission manuscrite, proposant par la même occasion une origine possible pour ces mélodies. Par la suite, un certain nombre d’entre elles seront soumises à une analyse structurale et esthétique.

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Texte intégral

  • 1 Il faut rendre hommage ici à un pionnier, l’excellent CD-ROM de M. Switten et R. Eisenstein, Teachi (...)

1Les efforts actuels pour numériser les collections manuscrites du Moyen Âge et la canonisation de l’édition électronique qui en résulte nous mettent devant une conception de l’édition critique qui promet de révolutionner notre lecture du passé. En l’occurrence, comment l’hypertexte doit-il façonner notre approche, dans les éditions lyriques, à la variance mélodique ? Il va de soi que l’édition traditionnelle escamotait l’ampleur et la richesse, voire le désordonné, de la transmission manuscrite, alors que l’édition électronique nous permettra de capter cette profusion par une lecture simultanée de pages manuscrites et de transcriptions diverses1.

  • 2 H. van der Werf, Trouvères-Melodien, Kassel, Bärenreiter, 1977-1979, 2 vols ; H. Tischler, Trouvère (...)
  • 3 A. Bahat et G. Le Vot, L’œuvre lyrique de Blondel de Nesle : mélodies, Paris, Honoré Champion, 1996

2Dès lors, quelle doit être désormais la responsabilité de l’éditeur des poètes lyriques médiévaux pour mettre en valeur cette variance musicale, même dans les ouvrages imprimés ? Afin de pouvoir répondre à cette question, il incombe d’abord de produire des arguments en faveur des mélodies isolées, celles habituellement considérées comme marginales et par conséquent vouées à l’oubli. Car si quelques musicologues ont mis à la disposition du public de très utiles tableaux synoptiques de toutes les mélodies des trouvères2, et que d’autres ont présenté de manière semblable l’œuvre d’un seul poète3, la majorité des anthologies poético-musicales offrent des tables de variantes textuelles, mais rien de semblable pour la musique.

  • 4 Le fait de décaler le ton de départ d’un tiers ou d’une quinte par rapport à celui des autres mélod (...)
  • 5 H. van der Werf, « The Trouvère Chansons as Creations of a Notationless Musical Culture », Current (...)
  • 6 Le premier appel à une édition compréhensive a été lancé, à ma connaissance par T. Karp, « The Trou (...)

3Or la majorité des grands chansonniers des trouvères présentent des mélodies apparentées qui peuvent varier par l’ornementation ou par la hauteur de l’incipit d’une phrase donnée4, mais qui présentent essentiellement la même courbe mélodique. Dans une édition hypertextuelle, ces différences, dues à la « performance » (i.e. création musicale)5, sont facilement répertoriées dans des tables de variantes, tout comme les variantes textuelles. Mais il reste la question des mélodies uniques. Comment aborder, comment peser l’apport de ces mélodies, dont tous ces chansonniers renferment un certain nombre et que les éditions passent sous silence ? Deux chansonniers en particulier, Paris, Bibliothèque nationale de France (BnF), fr. 1591 (R) et Paris, BnF, fr. 24406 (V), constituent de véritables mines d’unica mélodiques. Ce n’est qu’en étudiant ces mélodies, mais surtout en les intégrant dans le corpus des trouvères comme des options à part entière, que nous enrichirons, et de beaucoup, notre appréciation de l’esprit d’invention des poètes et des compilateurs de cette tradition6. En même temps, de telles interrogations continueront de susciter des questions troublantes sur la transmission des mélodies, dont les sources taisent résolument les réponses.

  • 7 T. Karp, op. cit., p. 27-28 ; H. van der Werf, The Chansons of the Troubadours and Trouvères : A St (...)
  • 8 Pour T. Karp, op. cit., p. 27, les mélodies isolées sont forcément plus tardives que les concordant (...)

4Ces mélodies, surtout celles du ms. V, n’ont pas toujours eu bonne presse7. Elles ont été qualifiées d’instables, voire d’incohérentes, ce qui a certainement contribué à leur négligence face à la pléthore de mélodies concordantes. Il semble évident que les scribes musicaux des manuscrits R et V n’eurent pas accès aux exempla qui ont servi à la compilation des autres chansonniers ; mais cela ne résout pas pour autant l’énigme de leur provenance. Ces mélodies reflètent-elles une pratique lyrique secondaire, excentrée par rapport à celle qui a nourri les autres chansonniers ? Peuvent-elles avoir été composées à vive voix par les scribes musicaux ? Ou encore proviennent-elles de sources écrites qui remontent à des pratiques lyriques plus anciennes8 ? Ces hypothèses étant de prime abord toutes plausibles, il sera question dans cette étude de faire la part des diverses éventualités au moyen d’une comparaison entre les mélodies concordantes et les mélodies isolées ; elle se focalisera 1) sur leur schéma, 2) sur le genre du poème auquel elles sont associées, et 3) sur leur disposition dans les chansonniers. Pour ce faire, je me concentrerai sur l’œuvre du roi de Navarre, Thibaut IV de Champagne, poète dont le corpus était suffisamment reconnu, substantiel et varié pour qu’on puisse le considérer comme représentatif des procédés de compilation pour les chansonniers des trouvères. Mais il est surtout important, et c’est l’argument de poids que j’entends faire pour les futures éditions des trouvères, d’intégrer les mélodies isolées au vaste corpus des mélodies concordantes et de les accepter comme options légitimes dans l’exécution des chansons courtoises.

  • 9 Il faut préciser que ce chansonnier n’a pas de rubriques attributives, ce qui pourrait rendre compt (...)

5Le répertoire des 60 chansons attribuées dans le ms. V au Roi de Navarre compte 18 pièces, ou 45 % du total, dont les mélodies sont uniques9, situation qui caractérise 12 sur 35, ou 34 %, des chansons du roi-trouvère dans le ms. R. Une poignée d’autres chansonniers sont dotés d’un ou deux exemples. Ainsi les manuscrits Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, 5198 (K), Paris, BnF, fr. 847 (P), Oxford, Bodleian Library, Douce 308 (I), Arras, Bibliothèque Municipale, 657 (A), Berne, Bibliothèque Municipale, 231 (B) en comportent chacun un, et les mss Paris, BnF, fr. 846 (O) et Rome, Biblioteca Vaticana, Reg. Lat. 1691 (a) en comportent deux. Les manuscrits V et R constituent donc les principales sources d’unica mélodiques associés au corpus de Thibaut de Champagne et, par extrapolation, d’unica pour tout le corpus des trouvères.

  • 10 Les jeux-partis groupés sur les folios 16-27 étant visiblement interpolés, ils constituent pour J. (...)

6Dans l’analyse de ces mélodies, nous examinerons d’abord le rapport entre le type mélodique, soit concordant soit isolé, et le genre du poème auquel l’air est associé. Dans le ms. V (voir Table 1 ci-dessous), la majorité des chansons d’amour, soit 83 %, présente une mélodie concordante, tandis que pour les genres secondaires, l’équilibre entre types mélodiques est bien plus égal – 57 % de mélodies isolées contre 43 % de mélodies concordantes. Pourtant, la répartition de types mélodiques entre genres est loin d’être égale. 91 % des jeux-partis et 33 % des chansons pieuses affichent une mélodie isolée, alors que les mélodies des pastourelles, des chansons de croisade et de la majorité des chansons pieuses s’accordent avec la leçon des autres chansonniers. La situation du ms. R est un peu différente. Alors que la concordance mélodique caractérise 64 % de ces chansons d’amour, elle marque 71 % des autres genres. Mais ces statistiques sont visiblement faussées par le fait que la principale collection de jeux-partis, inscrite entre les folios 16r et 27r du ms. R1, n’a pas de musique10. Des quatre jeux-partis du ms. R2, deux présentent une mélodie concordante, et deux une mélodie isolée. Mais des critères autres que la question de genre sont en jeu ici, comme nous le verrons plus loin. Entretemps, les mélodies isolées des jeux-partis du ms. V, ainsi que l’absence totale de mélodies pour les jeux-partis du ms. R, nous permettent sans risque d’erreur de placer ces chansonniers à l’extérieur du réseau d’exempla dont se servaient les autres compilateurs. Plus précisément, les chansons d’amour participaient bien plus volontiers à ce réseau que les autres genres, surtout le débat.

7Cette asymétrie devient plus prononcée lorsque nous examinons le rapport entre genre et schéma mélodique. Les mélodies concordantes des mss V et R accusent une très forte préférence pour une structure à répétitions, reflétant ainsi les modes de composition qui prévalaient à partir du milieu du XIIIe siècle. Par contre, la majorité des unica ont le schéma de l’oda continua. Ainsi pour les chansons d’amour de Thibaut de Champagne du ms. V, 91 % des mélodies concordantes et 66 % des mélodies uniques ont la structure AAB, pourcentages qui se réduisent dans le ms. R à seulement 71 % pour les mélodies concordantes et 60 % pour les mélodies uniques. Lorsque nous examinons les autres genres, nous constatons des proportions inverses. 79 % des mélodies notées dans le ms. V pour les jeux-partis, pastourelles, chansons de croisade et chansons mariales sont en oda continua, proportion qui augmente à 91 % lorsqu’on considère les jeux-partis séparément. Là, le débat constitue un genre extrême, avec des mélodies qui sont à la fois uniques et en oda continua.

Table 1. Schémas mélodiques des pièces du roi de Navarre, organisés par genre, dans les quatre principaux chansonniers à mélodies isolées

Ms. V

C-R

C-OC

I-R

I-OC

Chansons d’amour

30

3

4

3

Jeux-partis et débats

1

10

Pastourelles

2

Chansons de croisade

1

1

Chansons pieuses

2

2

2

Ms. R

C-R

C-OC

I-R

I-OC

Chansons d’amour

15

3

6

4

Jeux-partis et débats

2

2

Chansons de croisade

1

Chansons pieuses

2

Ms. a

C-R

C-OC

I-R

I-OC

Chansons d’amour

7

1

2

Jeux-partis et débats

2

1

Ms. A

C-R

C-OC

I-R

I-OC

Chansons d’amour

1

1

Jeux-partis et débats

2

2

C = concordant ; I = isolé ; R = répétitif (AAB, circulaire, paires) ; OC = oda continua

  • 11 J. Haines, « The Songbook for William of Villehardouin, Prince of Morea (Paris, Bibliothèque nation (...)
  • 12 E. Aubrey, « Genre as a Determinant of Melody in the Songs of the Troubadours and the Trouvères » d (...)
  • 13 Cette distinction, importante pour les théoriciens à partir de la fin du XIIIe siècle, ne semble po (...)
  • 14 Un septième jeu-parti, entre Thibaut de Champagne et Baudouin des Auteus, n’est qu’un contrafactum (...)
  • 15 Bien que les chansons mariales puissent être des contrafacta les unes des autres aussi bien que des (...)

8Qu’est-ce que ces préférences compositionnelles peuvent nous apprendre sur la compilation des chansonniers ? Un examen du ms. Paris, BnF, fr. 844 (M), qui date d’environ 125811, révèle que le débat (jeu-parti/tenson) fut un des premiers genres à être reconnu comme distinct de la chanson et à être groupé séparément. De plus, ainsi que la musicologue Elizabeth Aubrey l’a signalé à plusieurs reprises12, l’auteur du traité anonyme Doctrina de compondre dictats, de la fin du XIIIe siècle, déclare que les mélodies des jeux-partis et des tensons13 sont habituellement des contrafacta. Bien que la canso soit citée comme la source mélodique la plus convenable pour le sirventès, une telle précision n’est pas donnée pour le débat. Il convient de reconnaître une variété de sources pour ce genre, y compris la danse, car l’on constate à plusieurs reprises, dans les manuscrits R, V et A, des mélodies à schéma non-standard tel ABAx, que la Doctrina préconise pour la musique à danser, et même AAx, et AAAx. Le jeu-parti est en effet le genre chez les trouvères qui emprunte le plus ses schémas poétique et mélodique à d’autres genres. Parmi les mélodies concordantes associées aux jeux-partis de Thibaut de Champagne, six sont redevables à des prédécesseurs tels que Raimon Jordan, le Châtelain de Couci et Blondel de Nesle, ce qui appuie fortement la pratique décrite par la Doctrina14. Ce protocole s’avère juste, même en ce qui concerne les chansons d’amour de Thibaut : lorsque ces chansons s’engagent dans le réseau de contrafacture, c’est presque invariablement pour prêter leur mélodie à un débat ou à une chanson mariale15.

9Si la contrafacture faisait à ce point-là partie intégrante du processus de composition des jeux-partis, la singularité de tant de mélodies de jeu-parti du ms. V, ainsi que leur absence dans le ms. R, suggérerait que le débat fût plus souvent improvisé que les autres genres lyriques, avec le résultat que ces mélodies évoluaient avec le temps et étaient moins susceptibles d’être notées. Par la même occasion, le débat a un statut particulier du point de vue rhétorique. Bien qu’en principe le jeu-parti était un genre destiné à une interprétation publique, le dialogisme personnalisé du jeu-parti se prêtait moins volontiers à la fiction de l’anonymat qui caractérise l’espace théâtral du lyrisme pur ou narratif. De plus, leur mode de composition rend très plausible l’hypothèse selon laquelle les jeux-partis se transmettaient, plus que les autres genres, principalement par écrit et ainsi, plus aisément sans musique.

  • 16 Entamer le débat sur une mélodie composée par son interlocuteur constitue certes un éloge de ses do (...)
  • 17 Ceci vaut pour toutes les mélodies isolées des ces deux chansonniers car elles ne sont des contrafa (...)

10Cette situation est admirablement illustrée par Mauvès arbres ne puet florir (RS 1410), une chanson pieuse de Thibaut de Champagne dont la mélodie est aussi notée pour un jeu-parti entre Thibaut et Raoul de Soisson (Sire, loez moi a choisir, RS 1393), initié par ce dernier16. Or toutes les mélodies de Mauvès arbres, y compris celle du ms. V et les deux du ms. R sont concordantes, avec la strophe divisée en pedes répétés suivis d’une cauda. La mélodie du contrafactum est également concordante, avec un schéma en frons/cauda, dans toutes les sources, à l’exception du ms. V, qui affiche une mélodie isolée et en oda continua17. Les scribes de V et R n’avaient manifestement pas accès aux mêmes cahiers, pour certains répertoires, que ceux dont se servaient les scribes des autres chansonniers. Pour reprendre donc la question posée plus haut, notèrent-ils des airs de leur propre faction ou transcrivirent-ils à partir de cahiers déjà en circulation ? Je penche fortement en faveur de la deuxième hypothèse, d’une part parce que le scribe du ms. R1, n’ayant pas de mélodies à sa disposition pour les jeux-partis, n’en a composée aucune, et d’autre part parce que la prédominance du schéma en oda continua dans les mélodies isolées des deux manuscrits suggère une pratique lyrique déjà révolue.

  • 18 Il s’agit bien sûr du Chansonnier de St-Germain-des-Prés, Paris, BnF, fr. 20050 (ms. trouvère U, ms (...)
  • 19 C. Callahan, « Troubadour Songs in Trouvère Codices : Mouvance in the Transmission of Courtly Lyric (...)
  • 20 Situation attribuable à l’infime quantité de mélodies des troubadours préservées et soulignée par l (...)

11Dans son étude magistrale sur la musique des troubadours, Elizabeth Aubrey a démontré qu’au cours du XIIIe siècle, les chansonniers des troubadours, dont deux sont aussi des chansonniers de trouvères18, modifient progressivement leur forme mélodique pour marquer, vers la fin du siècle, dans les mss G (Milan, Biblioteca Ambrosiana, S.P. 4 (olim R71 sup.) et surtout R (Paris, BnF, fr. 22543), une nette préférence pour les schémas régularisés, dominés par la forme AAB. Pour ne donner que le seul exemple de Bernard de Ventadour, 100 % de ses chansons notées dans le ms. X sont en oda continua, une proportion qui se réduit à 85 % dans le ms. W, à 50 % dans le ms. G, et à seulement 35 % dans le ms. R19. Or, Aubrey attribue au scribe musical du ms. R (fr. 22543) un rôle prépondérant dans le choix de cette forme pour des mélodies auparavant notées en oda continua, tout en reconnaissant à juste titre que cette préférence reflète, plutôt qu’un choix individuel, les normes de composition de l’époque. Le fait que 74 % des leçons de ce chansonnier sont des unica20 appuie fortement la thèse selon laquelle les scribes des chansonniers de trouvère V et R ne façonnaient pas leurs unica d’après la pratique lyrique contemporaine, comme le scribe du chansonnier languedocien, mais les puisaient dans des sources écrites déjà démodées. Cela permet de soulever, entre parenthèses, la séduisante possibilité que ces unica en oda continua du corpus de Thibaut de Champagne soient des mélodies de troubadour. De surcroît, combien de mélodies de troubadour se cacheraient dans le répertoire des trouvères ? Étant donné l’influence des troubadours sur les trouvères et l’infime nombre de mélodies notées pour les chansons des troubadours, il n’est pas impensable que les unica mélodiques dont il est question ici fussent empruntés à des cahiers de chansons occitanes aujourd’hui disparus. Mais cette question étant pour l’instant irrésoluble, je propose à présent d’examiner le contexte manuscrit des mélodies de Thibaut dans ces deux chansonniers.

  • 21 Il serait à vérifier si ces folios constituent un cahier séparé, ce qui suggérerait que le scribe a (...)

12Nous constatons d’abord que la présentation des chansons du roi-trouvère est sensiblement plus cohérente dans le ms. V que dans le ms. R. Dans le ms. V (voir Table 2 ci-dessous), elles sont placées sur les folios 1-27 sans interruption, et seulement trois chansons figurent hors de ce groupement, alors que dans le ms. R, un réel amalgame de deux collections distinctes, elles se situent à quatre endroits isolés. La section de Thibaut de Champagne du ms. V débute par cinq poèmes reflétant quatre registres majeurs – le registre amoureux, le registre pieux, le registre pastoral et le débat –, ainsi que trois principales catégories rhétoriques – le lyrisme pur, le lyrisme narratif et le lyrisme dialogique. Suivent vingt-deux chansons d’amour et un second échantillon de genres variés où domine la chanson mariale, avant de rencontrer la première mélodie isolée, au folio 17r. À partir d’ici, toutes les mélodies jusqu’au folio 23v sont uniques. Là se trouvent, comme nous avons vu, non seulement les jeux-partis, mais aussi quatre chansons d’amour et deux chansons pieuses. Une autre chanson d’amour à mélodie isolée se trouve folio 26v, deux folios après la reprise des mélodies concordantes ; la dernière mélodie isolée est notée pour une chanson à registre hybride qui figure au folio 75r, parmi les chansons de Conon de Béthune. Ces deux chansons mises à part, l’intégralité de la section d’unica indique que le scribe a groupé sur ces folios toutes les pièces dont la mélodie manquait21.

Table 2. Ordinatio des chansons du roi de Navarre dans le ms. V signalant les mélodies isolées ainsi que le genre des pièces.

n° RS

Folio

Incipit

Genre

Mélodie

1268

1r

Amors me fet conmencier

fin’ amor

concordante

6

1v

Seigneurs, sachiez

croisade

concordante

341

1v

J’aloie l’autrie errant

pastourelle

concordante

1397

2r

En chantant vueil ma dolor

fin’ amor

concordante

339

2v

L’autre nuit en mon dormant

débat

concordante

3r-11v

Chansons diverses

fin’ amor

concordantes

84

12r

Commencerai a fere un lai

mariale

concordante

1152

13v

Au tens plain de felonnie

croisade

concordante

1410

14v

Mauves arbre ne peut florir

mariale

concordante

1843

15v

De grant travail et de petit esploit

mariale

concordante

529

16r

L’autrier par la matinée

pastourelle

concordante

1181

16v

Du tres dous non a la Virge Marie

mariale

concordante

2032

17r

Les douces dolors

fin’amor

isolée

335

17r

Dame, merci ! Une riens vos demant

débat

isolée

273

17v

Deus est ainsi conme li pellicans

serv. relig.

isolée

510

18r

Une dolor enossee

fin’ amor

isolées V/R

1475

18v

De chanter ne me puis tenir

mariale

isolée

334

19r

Phelipe, je vous demant qu’est…

jeu-parti

isolées V/R

333

19v

Phelipe, je vous demant, dui ami

débat

isolées V/R

1111

20r

Par Dieu, sire de Champagne

jeu-parti

isolées

1097

20v

Cuens, je vous part un gieu

jeu-parti

isolées

1185

21r

Sire, ne me celez mie

jeu-parti

isolée

1878

21v

Robert, veez de Perron

débat

isolée

1666

21v

Bons rois, Thiebaus, conseilliez moi

jeu-parti

isolées V/A

1393

22r

Sire loëz moi a choisir

jeu-parti

isolée

306

22v

Rois Thiebaut, sire, en chantant

jeu-parti

isolées

733

23r

Quant fine amor me prie que je chant

fin’ amor

isolée

711

24r

Je n’os chanter trop tart ne

fin’ amor

isolée

1880

24v

Tant ai amors serviez longuement

fin’ amor

concordante

407

25r

Coustume est bien quant on tient

fin’ amor

concordante

1440

25v/103r

De bone amor vient seance et biauté

fin’ amor

concordante

2095

25v/104r

Je me cuidoie partir d’amours

fin’ amor

frons concord.

741

26r

Tuit mi desir et tuit mi grief tourment

fin’ amor

concord.

1727

26v

Dame, l’en dit que l’en muert bien

fin’ amor

isolée

324

27r

Feuille ne flor ne vaut rien en chantant

fin’ amor

concordante

757

75r

Dame, ensi est q’il m’en couvient aler

fin’ amor

isolées V/P

  • 22 De plus, deux des quatre jeux-partis attribués au roi de Navarre le sont à tort (voir n. 25) alors (...)
  • 23 La musique est notée en trois mains qui semblent alterner régulièrement et il n’y a pas de rapport (...)
  • 24 Alors que les auteurs des chansons précédentes n’ont jamais été identifiés, l’attribution à Gace Br (...)

13Dans le ms. R, seule la première chanson de R1 présente une mélodie concordante, les quatre autres mélodies du roi de Navarre étant isolées22. Dans R2, les mélodies concordantes sont groupées soit au début de cette section – aux folios 38r-45r –, soit à la fin – aux folios 170v-183v –, alors que seulement deux pièces des folios 64 à 112 partagent leur mélodie avec celles de la tradition dominante. Mais ce qui est curieux n’est pas tant la collection de mélodies isolées sur les folios 72-81, que les mélodies concordantes notées pour la troisième tranche de chansons du roi de Navarre, étant donné le manque complet de rubriques attributives à partir du folio 64. Ces mélodies indiquent que les scribes savaient presque toujours de quels trouvères ils notaient les poèmes23. Cette conclusion se voit étayée par les quelques chansons de Thibaut du manuscrit V placées aux folios 103v-104r. Ces deux pièces, RS 1440 et RS 2095, sont situées à deux endroits dans le codex et malgré leur emplacement en deuxième lieu parmi les chansons anonymes24, les mélodies des deux inscriptions proviennent du même exemplum, quoiqu’elles soient concordantes avec celles des autres sources uniquement dans le frons. La complexité de la transmission mélodique est encore plus frappante lorsqu’on examine les inscriptions doubles du manuscrit R. RS 1469, Li dous pensers et li dous souvenirs figure et vers la fin de R1 et dans le deuxième groupe du roi de Navarre dans R2, notée à chaque reprise avec une mélodie à la fois unique et de structure AAB, avec trois phrases par pes. Quatre autres chansons (cf. la Table 3) sont notées à deux reprises dans R2 avec des comportements mélodiques variées.

Table 3. Les chansons du roi de Navarre dans le ms

  • 25 Ces jeux-partis sont attribués à juste titre dans tout autre chansonnier à Guillaume et Gilles Le V (...)

R1

n° RS

Incipit

Folio

Attribution

Mélodie

2026

Savez pour quoy Amour a non Amours

1r

Le r. de N.

concord.

315

Je ne vois mès nului qui gieut ne chant

1v

Le r. de N.

isolée

741

Mi grant desir et mi grief tourment

2v

Tieb, r. de N.

isolée

1804

Girart d’Amiens, qui a pouoir ?

21r

Li roy a G d’A.

sans mus.

691

Sire frere faites mon jugement

25v

N. Frere a r. de N.25

sans mus.

1293

Frere, qui fet mielz a prisier

26r-v

r. de N. a Frere

sans mus.

1469

Li dous pensers et li dous souvenirs

29v

Monnios

Isolée

[Li plusour ont d’amours chanté]

explicit carmine

35v

[Coucy]

R2

n° RS

Incipit

Folio

Attribution

Mélodie

221

Fine amour et bonne esperance

37r

anon. (Gace)

209

Mout m’est bien la douce conmançance

37v

Le Roy (Couci)

2075

Aussi com l’unicorne sui

38v

Roy de Navarre

concord.

1880

Coustume est bien quant on tient...

39r

Roy de Navarre

≈concord.

1811

Emperaour ne roy n ‘ont nul povoir

43r

Tieb. r. de N.

concord.

407

De fine amour vient science et bonté

43v

Tieb. r. de N.

concord.

711

Tant ai amours servie longuement

44v

Tieb. r. de N.

concord.

324

Fueille ne flour ne vaut riens en chatant

45r

Tieb. r. de N.

frons conc.

106

Painne d’amours et li maux que je trai

64r

anonyme

aa apparent.

360

Li rosignos chante tant que il chiet

72v

anonyme

isoléee

1479

Tout autresi con l’entre fait venir

73v

anonyme

isolée

1440

Je me cuidoie partir d’amours

74v

anonyme

isolée

2095

Qui plus aime et plus endure

75r

anonyme

isolée

1410

Mauvès arbre ne puet flourir

76v

anonyme

concord.

1440

Je me cuidoie partir d’amours

77v

anonyme

concord.

510

Une doulour enossee

78r

anonyme

isolée

1476

Chanter m’estuet que ne m’en puis tenir

78v

anonyme

≈concord.

1469

Li dous pensers et li dous souvenirs

79r

anonyme

isolée

334

Phelipe je vous demant : dui ami de cuer

80v

anonyme

isolée

333

Phelipe je vous demant que est dev. Am.

81v

anonyme

isolée

1562

Ne rose ne flor de lis

112r

anonyme

aa apparen

360

Li roussignous chante tant

170r

anonyme

concord.

1479

Tout autresi que l’entre fait venir

170v

anonyme

concord.

884

Nuls hons ne puet ami reconforter

174r

anonyme

≈concord.

1596

Chançon ferai car talens m’en est prins

175r

anonyme

concord.

339

L’autre nuit en mon dormant

176r

anonyme

≈concord.

1397

En chantant veul ma doulour descouvrir

176v

anonyme

concord.

523

Pour mau temps ne por gelee

177v

anonyme

≈concord.

1878

Robert, vees de Pierron

179r

anonyme

concord.

1002

Une chançon encor veul faire pour moi

180v

anonyme

concord.

2126

De grant joie me sui tous esmeüs

181r

anonyme

concord.

1152

Au temps plain de felonnie

182v

anonyme

concord.

1410

Malvais arbrez ne puet flourir

183v

anonyme

concord.

Explicit les chançons au roy de Navarre et as autres princes

R. Les entrées doubles sont en caractères gras. Les mélodies concordantes marquées ≈ diffèrent tantôt par un ou plusieurs incipit, tantôt par la finale. De plus la ligne 5 de RS 523 se compose de quatre successifs et la ligne 7 groupe toutes ses notes sur les trois premières syllabes du vers.

  • 26 Tout comme les mélodies concordantes, qui accusent de légères différences d’ornementation, les vari (...)

14Trois de ces chansons figurent dans le deuxième et le troisième groupe de pièces appartenant au roi de Navarre – RS 360, Li rosignox chante tant, dotée d’une mélodie unique en oda continua et d’une mélodie concordante en AAB, RS 1479, Tout autresi que l’ente fait venir, affichant une mélodie isolée/arrondie dans la première leçon et une mélodie concordante avec le schéma AAB dans la seconde, et RS 1410, Malvais arbrez ne peut flourir, affublée d’une mélodie concordante en AAB pour chaque leçon26.

15RS 1410 constitue ainsi une exception à la règle générale groupant les mélodies connues sur les douze derniers folios. Une exception encore plus frappante est offerte par la chanson RS 1440, Je me cuidoie partir, dont les deux leçons figurent dans le deuxième groupe. La première mélodie du fol. 74v est, comme on s’y attendrait, unique, alors que la seconde trois folios plus loin est concordante. Ces caprices de transmission rendent peu plausible que les scribes musicaux du ms. R aient emprunté à une pratique lyrique marginale les airs dont ils comblaient les lacunes de leurs exempla. Mais qu’ils les aient composés eux-mêmes ou puisés dans des recueils aujourd’hui disparus ne change pas le fait que ces mélodies isolées semblent être le fruit d’une nostalgie du passé semblable à celle qui imprègne le Roman de Guillaume de Dole. Cela nous encourage d’emblée à considérer ces mélodies sur un pied d’égalité avec celles qui dominent dans la tradition manuscrite.

  • 27 L’analyse mélodique qui suit bénéficie de l’oreille experte de mon collègue le Prof. William Hudson (...)

16Comment donc peut-on caractériser ces mélodies marginales d’un point de vue structural et esthétique ? D’une part, elles s’avèrent être, au contraire de l’opinion générale, aussi cohérentes que les mélodies concordantes. Si elles définissent souvent plus d’une échelle modale, en cela elles ne diffèrent guère des mélodies jugées plus authentiques. D’autre part, si elles n’ont pas de diesis bien définie, la répétition y joue un rôle à la fois plus subtil et plus prépondérant, au moyen de courtes formules motiviques qui s’enchevêtrent de façon à rendre la phrase encore plus unie que dans le schéma frons/cauda. De plus, elles sont souvent d’un ambitus plus restreint que celui des mélodies concordantes, se déployant dans la quinte au dessus de la finale et se glissant habituellement dans la quarte au dessous l’espace de quelques phrases. Elles ont ainsi tendance à décrire un arc qui cerne et qui définit le principal centre tonal, rendant ainsi quelque peu surprenant pour l’oreille l’intonation du pôle secondaire, assez souvent plagal. De plus, bon nombre des cadences sont ouvertes, ce qui sert à relancer la mélodie dans les strophes suivantes et laisse à l’imagination d’entendre la finale qui est énoncée à plusieurs reprises à l’intérieur de la chanson. Cette technique n’a pourtant rien d’inattendu, et le fait qu’elle se révèle si caractéristique de ces mélodies isolées, surtout celles du ms. R, indique sans aucun doute la présence d’un dessein de la part des scribes musicaux27.

  • 28 On retrouvera une analyse détaillée des différentes leçons, sortant du propos de cet article, dans (...)

17Examinant d’abord la chanson RS 360, Li rosignos chante tant (musique dans KXMtOR2aR2bBFV), nous constatons entre parenthèses que la transmission de cette chanson est notablement bigarrée. En plus de la mélodie isolée du ms. R, toutes les mélodies concordantes, y compris la deuxième de R, se divisent en deux groupes principaux selon la hauteur des incipit, dans la répétition des pedes comme dans les autres phrases, ce qui donne lieu à des contours parallèles qui sont décalés d’une tierce les uns par rapport aux autres. En fait, la structure de ces mélodies n’est pas AAB, mais l’oda continua avec répétitions – ABCB’DD’E. Ce n’est qu’au milieu de la quatrième phrase qu’il y a une reprise du motif dominant de la phrase deux, et que les phrases cinq et six partagent elles aussi un motif important, expliqué dans le paragraphe suivant28.

18La mélodie isolée du ms. R (Figure 1 infra) établit dans la première phrase un motif qui revient dans bon nombre de ces airs : une courbe conjointe de la longueur du vers qui pivote autour de son incipit, sol, établissant rapidement ce ton comme le pôle principal. Elle descend ensuite de façon conjointe pour établir le tétracorde au-dessous, après quoi une triade ré-fa-sib suggère – sans encore l’entamer – l’échelle de fa. C’est à la fin de la phrase 2 que cela s’effectue, dans l’espace de quatre phrases, par une montée jusqu’à la quinte, en partant du pôle tonal et redescendant par sib. L’unité de la mélodie est assurée par deux motifs principaux, indiqués sur la transcription par A3 et B4 (le chiffre indiquant le nombre de syllabes), qui définissent ses pôles mélodiques ou qui marquent les limites de son compas. La courbe mélodique initiale ne ressemblant pas à celles du reste de la chanson, elle peut être considérée comme voulue dans la mesure où elle distingue nettement le rossignol, oiseau lyrique par excellence, du motif poétique de la mort qui suit. Or, celui-ci est illustré à maintes reprises par le motif A, ligature descendante qui s’annonce dès la deuxième phrase. La cadence inattendue sur do obscurcit quelque peu l’échelle de fa sans pourtant la quitter, car l’oreille cherche à ramener la courbe descendante sur fa, la finale légitime.

  • 29 Phénomène constaté pour diverses chansons par T. Karp, « Interrelationships between Poetic and Musi (...)

19La chanson RS 1440, Je me cuidoie partir (Figure 2 infra) doit compter parmi les plus connues des pièces du roi de Navarre, vu sa transmission à la fois large et particulièrement stable. Malgré le fait qu’elle se trouve notée à dix reprises dans huit chansonniers différents (KNXPMtMOV1V2R2aR2bBa), seule une des mélodies du ms. R et celle du ms. a sont isolées. La mélodie de R, essentiellement conjointe, est en mode mineur et solidement établie sur sol, malgré le si bémol inscrit dans la partition, suggérant ainsi l’échelle de transposée. La transition entre la troisième et la quatrième phrase s’effectue pourtant par un saut d’une quinte ente fa et do’, geste caractéristique de l’échelle de fa qui, malgré la cadence sur fa à la phrase 4, n’arrive pas à détourner la mélodie de son pôle modal d’origine. La tonalité des phrases suivantes reste curieusement ambiguë, suggérant à la fois l’échelle de sol et de ré, jusqu’à la phrase 8, où elle se glisse définitivement dans l’échelle de fa. La cadence finale sur sol, malgré son rappel de la tonalité dominante de la pièce, est manifestement ouverte. De plus, cette mélodie est notable, car ses motifs définissants ne tombent pas toujours sur la même partie du vers poétique29, mais semblent sciemment placés afin de souligner, à l’apogée de la courbe mélodique, les mots clés riens et nuit.

20La mélodie du ms. a, à la forme classique AAB (ce qui est habituel pour ce codex), est également bâtie sur sol, pôle établi par deux moyens : par un pivotement constant autour de ce ton, ainsi que par un compas d’une octave qui s’inscrit entre sol et sol’. Lorsqu’elle dépasse ce cadre, en descendant jusqu’à fa ou en montant jusqu’à la’, ce n’est que pour mieux en souligner les limites et par la même occasion le pôle modal. À deux reprises néanmoins, il y a des suggestions de l’échelle de fa, notamment dans la phrase 7, dont la courbe monte de façon conjointe jusqu’à fa pour redescendre sur si bémol. Mais comme elle n’atteint le si bémol qu’indirectement, l’oreille perçoit plutôt le triton entre mi et si bémol, à moitié escamoté par le mélisme dont la fonction est de faire ressortir le mot soupir. La phrase suivante ramène la mélodie solidement sur sol, le ton de cadence.

21Loin d’être incohérentes, ces mélodies trouvent toutes les deux leur effet dans le contraste entre un compas pour la plupart restreint et quelques montées qui font éclater ce compas au service du texte. Le charme particulier de la mélodie du ms. a résulte de la répétition d’une courbe descendante d’une quarte qui atteint son but au moyen de ligatures qui répètent, avec chaque syllabe, le ton précédent. La timidité de cet arc sert à souligner les ululements qui, bien que plus restreints dans leur compas, sont l’achèvement d’une trajectoire qui vise à dépasser avec éclat l’ambitus esquissé au début.

  • 30 H. van der Werf, op. cit., t. I, p. 190.

22La transmission de la mélodie du ms. R est notablement perturbée, comme le sont nombre d’autres de ce chansonnier. Tout d’abord, elle est inscrite en clé de fa, choix apparemment fautif à cause du bémol inscrit après la première note. Comme l’alignement de la musique avec le texte est singulièrement boiteux, il semble d’une part que le bémol ne fût inscrit après coup mais à la première place qui se trouvait libre. Vu la mise en page très encombrée au début, il paraît très probable que le scribe musical, constatant la clé fautive après coup, ait noté la mélodie de son exemplum comme si la partition était en clé d’ut. Car, la clé de fa fût-elle la bonne, le premier et le quatrième ton eussent été mi bémol, fictus fort rare à l’époque. Quoiqu’il en soit, le si bémol initial posa suffisamment de difficultés pour un musicologue de la trempe de Hendrik van der Werf, que celui-ci l’a carrément omis de sa transcription synoptique de cette chanson, débutant par le deuxième ton30.

23La chanson RS 1469, Li douz pensers et li douz souvenirs (Figure 3 infra), transmise deux fois dans R ainsi que dans les manuscrits KXMtOVa, donne pour chaque notation de R une mélodie sensiblement différente. La première est en fa, avec un pôle secondaire focalisé sur do. Cette mélodie au schéma ABCABCDE affermit le pôle de fa par une chaîne fa-la-do’ reliant les phrases A et B, qui établit ensuite son ambitus par une double courbe descendante qui lui permettra de se glisser définitivement, par un saut do’-la, à partir de la phrase d, dans l’échelle de do. Dans son mouvement vers les limites supérieures du compas, la mélodie accentue le texte à trois reprises. Les phrases c font un saut d’une quinte de sol à do’ juste après le mot amour, soulignant les qualités d’Amour. À la troisième reprise, la mélodie monte une octave entière afin de mettre l’accent, dans un mouvement conjoint entre sol et do’, sur le mot resjoïr. La cadence est sur do, le pôle modal secondaire.

24La deuxième mélodie commence en échelle de do et y reste jusqu’à la phrase 5, lorsqu’elle se déplace, par un double saut d’une tierce majeur, sur la, mode non reconnu à l’époque. Elle se déplace constamment dans l’octave entre les deux sol qui fixent les limites de sa tessiture. La finale est sur la.

25Le dernier exemple du ms. R (Figure 4 infra) met sa mélodie isolée en contraste avec celles – concordantes en six leçons manuscrites (KNXMtOV) -représentées par le ms. O. Quoique la mélodie majoritaire soit plus complexe, plus sophistiquée que l’isolée, celle-ci, également de modalité composite, suit indéniablement sa propre logique interne. Cet air à caractère récitatif inscrit deux pôles, et la. Le deuxième pes se trouve légèrement décalé par rapport au premier, de sorte qu’à la répétition, la cadence de la phrase A tombe sur la première syllabe du vers 4 plutôt que sur la dernière du vers 3. La modification de la courbe mélodique qu’oblige le souci d’achever le deuxième pes sur le même ton cadentiel que le premier, finit par accentuer le pôle de la dans cette phrase. Par la suite, la mélodie se déploie sans cesse entre mi’ et la, établissant ainsi l’échelle de la ; la cadence finale est sur la. Les échos du chant liturgique qui dominent dans cet air lui donnent un caractère convenablement méditatif sans prendre l’accent mélancolique qui marque les mélodies concordantes, surtout celle de O, dont le si bémol est inscrit dans la portée au début. Ce n’est qu’à la fin que la mélodie de R retrouve cette mélancolie, par la tierce mineure qui marque son passage à la cadence, et que les deux mélodies finissent par se ressembler.

26Les mélodies examinées jusqu’ici étant tirées des manuscrits R et a et toutes associées au grand chant courtois, il nous faut à présent aborder le ms. V et les autres genres mis en valeur par le corpus des mélodies isolées. Nous commencerons par la chanson mariale RS 1475, De chanter ne me puis tenir (Figure 5 infra), qui se transmet dans les manuscrits KXMtOV. Bien que les leçons des cinq premiers chansonniers sont censées être concordantes, il existe des divergences régulières entre elles au niveau des incipit et des cadences. Alors que KXM ont tendance à initier chaque phrase sur le même ton, l’incipit de O est toujours un ton au dessus, et les cadences se comportent de même dans le frons, l’exception étant les deux premières phrases de la cauda. Alors que les mélodies concordantes visent fa comme pôle modal, la cadence sur déroute quelque peu cette attente. La mélodie du ms. V n’affiche pas vraiment de tonalité dominante. Do, le pôle modal le plus fortement suggéré, n’en a pas tout à fait le statut, étant donné le peu de cadences sur ce ton. L’arc mélodique revient néanmoins sans cesse sur do pour pivoter autour de lui, menant l’oreille à conclure que la cadence finale sur ré est ouverte.

  • 31 T. Karp, « The Trouv. Ms. Trad. », p. 27.

27Comme ce sont surtout les mélodies du ms. V qui ont fait sourciller les musicologues et suscité des commentaires peu flatteurs – du genre, « they are lacking in the most elementary musical logic31 » – j’aimerais conclure avec une mélodie de jeu-parti, et une de genre hybride. La première chanson, RS 1878, Robert, veez de Perron, notée également dans les manuscrits KNXMtOR, est formée d’une série de gestes qui fixent fa comme pôle modal (Figure 6 infra). Elle se déploie sur une octave entière, restant d’abord dans la quarte au dessus de la finale, soulignant, en la dépassant, son rôle de pivot, pour ensuite décrire l’octave et remonter au pôle. La cadence finale, sur sol, est ouverte. Cette mélodie, tout comme les mélodies concordantes, est constituée de courts motifs répétés qui soulignent et entretiennent le caractère phatique de l’incipit. Leur simplicité et leur mouvement incessant autour du pôle les rend parfaitement adaptées au genre dialogique qu’est le jeu parti.

28La dernière chanson que je traiterai est une chanson d’amour et de croisade : RS 757, Dame, ensi est qu’il m’en couvient aler (mss KPXMtOV ; Figure 7 infra). Cette mélodie semble solidement établie en sol, même si en désaccentuant le si bécart, elle pourrait entrer en échelle de fa. Mais le pôle de sol se déclare dans la majorité des phrases, l’exception principale étant la finale sur ré. Cette cadence suffit-elle pour établir un second pôle tonal ? À la seule autre occasion où pourrait servir de pôle modal, phrase 2, il n’est qu’une escale ; la chaîne mi-sol-si qui relance le contour réaffirme la tonalité de sol.

29Pour l’interprète, la courbe mélodique se marie particulièrement bien avec le texte, les montées jusqu’à do’ coïncidant toujours avec le message. Ce ton ne tombe pas toujours, il est vrai, sur une syllabe accentuée, comme il le fait sur le mot loi-al au vers 2. Mais en tombant sur des clitiques de la première personne du singulier, m’en (vers 1) et j’ai (vers 3), ce ton fait ressortir la voix chantante elle-même. Or, à en croire les parlers du nord tels qu’ils survivent en France et dans la zone francophone, cette syllabe était elle aussi allongée. La coïncidence de cette syllabe avec l’apogée de la courbe mélodique est donc légitime, avec pour résultat d’appuyer sur les mots clés avoir au vers 6 et conforter au vers7. Ces mêmes apogées sont atteintes, dans les deux premiers vers, au moyen de sauts – d’une quarte et d’une tierce, respectivement. Les autres sauts, d’une tierce chacune, tombent après l’apostrophe Dieus ! (vers 5), et au milieu des mots desevrer (vers 6), amour (vers 7), et à deux reprises – n’en porroit la (vers 8). Cet air a donc recours à de nombreux moyens pour illustrer le texte et s’avère en fin de compte admirablement à propos.

30Certains de ces airs peuvent avoir été empruntés, avec bien des modifications, au répertoire liturgique aussi bien qu’à la pratique des troubadours. Mais ils semblent avoir subi des modifications sous la plume des scribes qui leur donnent un caractère propre, qui ne s’avère entièrement redevable à aucune tradition que nous puissions identifier. Les mélodies isolées qui nous proviennent sont donc hétéroclites, reçues de la tradition mais retouchées par ceux qui les léguaient à la postérité. Elles ne sont pas un hasard, le crachat de gribouilleurs incultes et distraits, mais reflètent une tradition légitime : soit écrite, soit orale, soit une combinaison des deux. Le simple fait qu’ils appartiennent à une voix de transmission minoritaire ne peut plus nous permettre de les reléguer à l’oubli. Nous avons, par contre, le devoir de les intégrer dans notre conception de la lyrique courtoise, et de les présenter désormais comme une des options légitimes pour l’exécution du chant vernaculaire médiéval.

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Annexe

Figure 1. Li rosignos chante tant (RS 360)

Figure 1. Li rosignos chante tant (RS 360)

Ms. R2a, fol. 73v (isolée) ; R2b, fol. 170r (concordante)

Figure 2. Je me cuidoie partir (RS 1440)

Figure 2. Je me cuidoie partir (RS 1440)

Ms. R2a, fol. 74v ; ms. a, fol. 8r (isolées)

Figure 3. Li douz pensers (RS 1469)

Figure 3. Li douz pensers (RS 1469)

Ms. R1, fol. 29v ; ms. R2, fol. 79r (isolées)

Figure 4. Qui plus aime plus endure (RS 2095)

Figure 4. Qui plus aime plus endure (RS 2095)

Ms O, fol. 106v (concordante) ; Ms. R, fol. 75r (isolée)

Figure 5. De chanter ne me puis tenir (RS 1475)

Figure 5. De chanter ne me puis tenir (RS 1475)

Ms. K, p. 36 (concordante) ; Ms. V, fol. 18v (isolée)

Figure 6. Robert, veez de Perron (RS 1878)

Figure 6. Robert, veez de Perron (RS 1878)

Ms. K, p. 41 (concordante) ; Ms. V, fol. 21v (isolée)

Figure 7. Dame, ensi est qu ‘il m’en couvient aler (RS 757)

Figure 7. Dame, ensi est qu ‘il m’en couvient aler (RS 757)

Ms. V, fol. 75r (isolée)

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Notes

1 Il faut rendre hommage ici à un pionnier, l’excellent CD-ROM de M. Switten et R. Eisenstein, Teaching Medieval Lyric with Modern Technology, South Hadley, MA, Mount Holyoke College, 2001, qui reste unique en son genre, mais qui commence malheureusement à dater au niveau technique.

2 H. van der Werf, Trouvères-Melodien, Kassel, Bärenreiter, 1977-1979, 2 vols ; H. Tischler, Trouvère Lyrics with Melodies : Complete Comparative Edition, Ottawa, Institute of Mediaeval Music, 1997, 15 vols.

3 A. Bahat et G. Le Vot, L’œuvre lyrique de Blondel de Nesle : mélodies, Paris, Honoré Champion, 1996.

4 Le fait de décaler le ton de départ d’un tiers ou d’une quinte par rapport à celui des autres mélodies concordantes, ce qui arrive de temps à autre selon le manuscrit, induit, par la transposition des tierces majeures en mineures ou vice-versa, une tonalité tout à fait différente.

5 H. van der Werf, « The Trouvère Chansons as Creations of a Notationless Musical Culture », Current Musicology, 1, 1965, p. 61-68.

6 Le premier appel à une édition compréhensive a été lancé, à ma connaissance par T. Karp, « The Trouvère Manuscript Tradition », éd. A. Mell, The Twenty-Fifth-Anniversary Festschrift (1937-1962) : Queens College of the City University of New York Department of Music, New York, Queens College, 1964, p. 25-52.

7 T. Karp, op. cit., p. 27-28 ; H. van der Werf, The Chansons of the Troubadours and Trouvères : A Study of the Melodies and Their Relation to the Poems, Utrecht, A. Oosthoek, 1972, p. 32.

8 Pour T. Karp, op. cit., p. 27, les mélodies isolées sont forcément plus tardives que les concordantes. Mais son argument se fondait sur une méthode qui prétendait repérer aisément la distinction entre mélodies authentiques et mélodies corrompues, entre mélodies originales et mélodies altérées, méthode à laquelle nous ne pouvons plus souscrire. Nous soutiendrons ici l’hypothèse contraire.

9 Il faut préciser que ce chansonnier n’a pas de rubriques attributives, ce qui pourrait rendre compte des dédoublements suivants : deux des chansons – RS 1440, Je me cuidoie partir et RS 2095, Qui plus aime plus endure – sont notées à deux endroits dans le manuscrit, la deuxième fois aux folios 103v et 104r, parmi les chansons de Gace Brulé. Les deux mélodies de RS 1440 s’accordent en tous points, alors que celles de RS 2095 accusent de légères différences.

10 Les jeux-partis groupés sur les folios 16-27 étant visiblement interpolés, ils constituent pour J. Schubert, Die Handschrift Paris, Bibl. Nat. Fr. 1591, Frankfurt am Main, 1963, un chansonnier à part – R2. Pour nos fins, par contre, il convient de traiter les trente-sept premiers folios de R comme un tout.

11 J. Haines, « The Songbook for William of Villehardouin, Prince of Morea (Paris, Bibliothèque nationale de France, fonds français 844) : A Crucial Case in the History of Vernacular Song Collections », dans Viewing the Morea : Land and People in the Late Medieval Peloponnese, éd. S. Gerstel, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 2013, p. 57-109.

12 E. Aubrey, « Genre as a Determinant of Melody in the Songs of the Troubadours and the Trouvères » dans Medieval Lyric Genres in Historical Context, éd. W. D. Paden, Urbana, University of Illinois Press, 2000, p. 273-296 ; Ead., The Music of the Troubadours, Bloomington, Indiana University Press, 1996, p. 109-131.

13 Cette distinction, importante pour les théoriciens à partir de la fin du XIIIe siècle, ne semble pourtant pas l’avoir été pour les poètes de la génération de Thibaut de Champagne. Voir C. Callahan, « Pour une historique de la notion de genre dans le lyrisme de langue d’oïl : le témoignage des chansonniers », dans Formes, registres, genres dans la chanson de trouvères, éd. M. G. Grossel, Valenciennes, Presses Universitaires de Valenciennes, 2012, p. 43-55.

14 Un septième jeu-parti, entre Thibaut de Champagne et Baudouin des Auteus, n’est qu’un contrafactum poétique puisque sa mélodie n’est notée dans aucun manuscrit.

15 Bien que les chansons mariales puissent être des contrafacta les unes des autres aussi bien que des chansons indépendantes, les mélodies des chansons mariales du roi-trouvère sont vraisemblablement originales, la seule exception repérable étant De chanter ne me puis tenir (RS 1475), qui partage sa mélodie avec une chanson de Thibaut de Blaison et une autre de Gautier d’Epinal. Voir C. Callahan, « Dame hybride, glissement registral et contrafacture chez Thibaut de Champagne », Le Moyen Âge, 118, 2012, p. 583-593.

16 Entamer le débat sur une mélodie composée par son interlocuteur constitue certes un éloge de ses dons de poète et de mélodiste mais permet aussi de prendre l’avantage sur lui par la flatterie que ce geste implique.

17 Ceci vaut pour toutes les mélodies isolées des ces deux chansonniers car elles ne sont des contrafacta d’aucune chanson connue.

18 Il s’agit bien sûr du Chansonnier de St-Germain-des-Prés, Paris, BnF, fr. 20050 (ms. trouvère U, ms. troubadour X) et du Chansonnier du roi, Paris, BnF, fr. 844 (ms. trouvère M, ms. troubadour W).

19 C. Callahan, « Troubadour Songs in Trouvère Codices : Mouvance in the Transmission of Courtly Lyric », Variants, 2012, p. 31-48.

20 Situation attribuable à l’infime quantité de mélodies des troubadours préservées et soulignée par la disparité entre les quatre chansonniers R, G, W, X. Alors que R note 160 mélodies (contre 947 poèmes), G n’en préserve que 81, W 51, et X seulement 21 (Aubrey, op. cit., p. 49-50).

21 Il serait à vérifier si ces folios constituent un cahier séparé, ce qui suggérerait que le scribe avait reçu ce cahier intact et suppléé ses lacunes mélodiques.

22 De plus, deux des quatre jeux-partis attribués au roi de Navarre le sont à tort (voir n. 25) alors qu’une chanson authentique se voit accordée à un autre. Ces incertitudes contribuent autant que les mélodies uniques à la réputation non-conformiste du ms. R.

23 La musique est notée en trois mains qui semblent alterner régulièrement et il n’y a pas de rapport visible entre le scribe et le choix de mélodie. Les mélodies isolées de la deuxième tranche de chansons ne peuvent donc pas être attribuées à un individu, mais à une multiplicité de sources écrites, certaines notées et d’autres pas.

24 Alors que les auteurs des chansons précédentes n’ont jamais été identifiés, l’attribution à Gace Brulé de celle qui suit, RS 1429, Chanter m’estuet ce dont je crieng morir, fut considérée douteuse par G. Huet, Chansons de Gace Brulé, Paris, Firmin-Didot, 1902, et exclue de son corpus par la suite. Accordée provisoirement à Pierre de Molins par H. Petersen Dyggve, « Personnages historiques figurant dans la poésie lyrique française des XIIe et XIIIe siècles. XV, 1 : Messire Pierre de Molins », Neuphilologische Mitteilungen, 43, 1942, p. 62-100, elle ne porte de rubrique attributive dans aucun chansonnier.

25 Ces jeux-partis sont attribués à juste titre dans tout autre chansonnier à Guillaume et Gilles Le Vinier.

26 Tout comme les mélodies concordantes, qui accusent de légères différences d’ornementation, les variantes graphiques et lexicales de chaque leçon laissent clairement voir que les textes ne peuvent pas provenir de la même source, mais représentent deux collections différentes.

27 L’analyse mélodique qui suit bénéficie de l’oreille experte de mon collègue le Prof. William Hudson de l’Ensemble Liber. J’assume toutefois l’entière responsabilité de cette analyse.

28 On retrouvera une analyse détaillée des différentes leçons, sortant du propos de cet article, dans notre édition de Thibaut de Champagne, en préparation.

29 Phénomène constaté pour diverses chansons par T. Karp, « Interrelationships between Poetic and Musical Form in Trouvère Song », A Musical Offering : In Honor of Martin Bernstein, éd. E. H. Clinksale et C. Brook, New York, Pendragon, 1977, p. 137-161.

30 H. van der Werf, op. cit., t. I, p. 190.

31 T. Karp, « The Trouv. Ms. Trad. », p. 27.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Li rosignos chante tant (RS 360)
Légende Ms. R2a, fol. 73v (isolée) ; R2b, fol. 170r (concordante)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/docannexe/image/13393/img-1.jpg
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Titre Figure 2. Je me cuidoie partir (RS 1440)
Légende Ms. R2a, fol. 74v ; ms. a, fol. 8r (isolées)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/docannexe/image/13393/img-2.jpg
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Titre Figure 3. Li douz pensers (RS 1469)
Légende Ms. R1, fol. 29v ; ms. R2, fol. 79r (isolées)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/docannexe/image/13393/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 840k
Titre Figure 4. Qui plus aime plus endure (RS 2095)
Légende Ms O, fol. 106v (concordante) ; Ms. R, fol. 75r (isolée)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/docannexe/image/13393/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 1,0M
Titre Figure 5. De chanter ne me puis tenir (RS 1475)
Légende Ms. K, p. 36 (concordante) ; Ms. V, fol. 18v (isolée)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/docannexe/image/13393/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 748k
Titre Figure 6. Robert, veez de Perron (RS 1878)
Légende Ms. K, p. 41 (concordante) ; Ms. V, fol. 21v (isolée)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/docannexe/image/13393/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 416k
Titre Figure 7. Dame, ensi est qu ‘il m’en couvient aler (RS 757)
Légende Ms. V, fol. 75r (isolée)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/docannexe/image/13393/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 608k
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Pour citer cet article

Référence papier

Christopher Callahan, « À la défense des mélodies « marginales » chez les trouvères : le cas de Thibaut IV de Champagne »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 26 | 2013, 69-90.

Référence électronique

Christopher Callahan, « À la défense des mélodies « marginales » chez les trouvères : le cas de Thibaut IV de Champagne »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 26 | 2013, mis en ligne le 30 décembre 2016, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/13393 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.13393

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Auteur

Christopher Callahan

Illinois Wesleyan University

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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