Quand l’oiseau chante et chastie
Résumés
Le Lai de l’oiselet, poème anglo-normand de la seconde moitié du XIIIe siècle, met en scène au cœur d’un merveilleux jardin le débat entre un oiseau et un vilain, devenu propriétaire d’un lieu autrefois voué à la vie courtoise. Par son chant mélodieux, l’oiseau déplore la disparition de celles et ceux qui, autrefois, s’entretenaient de la bone amour. Or ce récit qui glorifie le monde de la courtoisie circule déjà, plus d’un siècle plus tôt, dans des recueils de fables enchâssées tels que Barlaam et Josaphat, la Disciplina clericalis de Pierre Alphonse et le Donnei des amants. Si on saisit sans peine les raisons qui ont incité l’auteur de ce dernier texte à illustrer son enseignement amoureux par cet exemplum, il est en revanche plus frappant de trouver les premières attestations du Lai de l’oiselet dans des récits d’obédience sapientiale. De fait, les références au locus amoenus et au chant poétique du rossignol revêtent d’autres valeurs lorsqu’elles sont insérées dans des chastoiements dont la portée didactique est avant tout morale et religieuse. Les « trois manières de sens » proposées par le volatile sont mises à profit par le discours clérical de façon largement différente, et glosées dans le cadre de l’instruction d’un disciple par son maître. C’est ce que démontre l’étude de cet apologue et des commentaires qu’il produit dans la version française dite « champenoise » en prose de Barlaam et Josaphat et dans les deux traductions de la Disciplina clericalis, Les Fables Pierre Aufors et le Chastoiement d’un père à son fils.
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- 1 À cet égard, c’est évidemment l’Ovide moralisé qui constitue le modèle par excellence.
1La signification de la fable dépend, et c’est là une évidence, du récit-cadre dans lequel celle-ci s’insère, autant que de l’énonciateur qui la profère et des gloses qui en sont proposées. Cette ouverture à la variance dans l’interprétation est particulièrement sensible lorsqu’on observe la diffusion d’un apologue dans différentes collections d’exempla, qui l’investissent chacune d’un sens spécifique, largement tributaire du contexte éthique ou thématique dans lequel l’œuvre s’inscrit. Mais la mutabilité du sens s’illustre encore à l’intérieur d’un même texte, lorsque la glose ouvre l’anecdote à plusieurs réseaux de signification, de type symbolique ou moral, historique, religieux, évhémériste ou encore étiologique1.
- 2 F. C. Tubach, Index exemplorum, Helsinki, 1969.
- 3 Pour une analyse des sources et des analogues, on se reportera à l’édition de L. D. Wolfgang, Le La (...)
2Cette disposition essentiellement labile de la fable s’avère avec une netteté particulière dans le cas du Lai de l’oiselet, que la tradition exemplaire connaît aussi sous le nom de De rustico et avicula et qui porte le numéro 322 dans l’Index de Tubach2. On ne possède pas moins de sept élaborations en ancien français de ce conte : deux récits ont été préservées sous une forme indépendante, le Laüstic de Marie de France et le Lai de l’oiselet, composé à la fin du XIIIe, et cinq récits enchâssés, intégrés à un récit plus étendu. Ceux-ci figurent dans Ami et Amile, dans le Donnei des amants et dans le Ci nous dit, mais aussi dans Barlaam et Josaphat et dans les traductions françaises de la Disciplina clericalis qui vont faire l’objet de la présente contribution3. Or toutes possèdent la particularité de refléter la double inflexion, tout à la fois didactique et lyrique, de ce débat entre un oiseau, souvent un rossignol, et un archer ou un paysan : au cœur d’un luxuriant verger, l’oiseau chante une mélodie de toute beauté, mais enseigne aussi trois vérités, trois « manières de sens » au vilain, lequel échoue à tirer profit d’une telle instruction.
- 4 G. Eckard, « ’Li Oiseaus dit en son latin’. Chant et langage des oiseaux dans trois nouvelles court (...)
- 5 Voir en particulier les vers 27 à 123 (Le Lai de l’oiselet, éd. cit.).
- 6 Voir G. Paris, Légendes du Moyen Âge. Roncevaux ; le Paradis de la reine Sibylle ; la légende du Ta (...)
- 7 Conformément à l’interprétation de G. Eckard, « ’Li Oiseaus dit en son latin’« , art. cit.
- 8 Voir notamment S. L. Burch, « The Lai de l’oiselet, the Proverbes au vilain and the Parable of the (...)
3Rien d’étonnant à ce que la tradition courtoise, après les recueils de fables, se soit emparée de ce court récit, tant le chant des oiseaux dans un cadre champêtre remplit une fonction éminente dans cette littérature. Gilles Eckard a bien rappelé à quel point le chant des oiseaux, lié à l’évocation du printemps, au motif de la reverdie, était présent comme élément stéréotypé dans tous les passages consacrés à la description idyllique du printemps, qu’ils proviennent de la lyrique française ou occitane, de la poésie médiolatine sacrée ou profane4. Précisément, la réalisation la plus développée du Lai de l’oiselet, composée à la fin du XIIIe siècle, consiste dans un poème anglo-normand éponyme qui se distingue avant tout des versions précédentes par son amplification considérable de la description du jardin5. Comment alors ne pas entendre dans le Lai l’écho de ce motif printanier, qui trouve son expression privilégiée dans les strophes lyriques d’ouverture, les entrées en matière narratives ou la description du locus amoenus, lieu consacré de l’inspiration poétique et de la rencontre amoureuse ? C’est à cette élaboration courtoise du récit que la critique – à commencer par Gaston Paris6 – s’est intéressée dans sa grande majorité ; l’oiseau, chantre de la bone amour, y déplore par son chant mélodieux la disparition d’un lieu merveilleux jadis voué à la vie courtoise, par la faute d’un vilain qui en est devenu le propriétaire. Ainsi, les spécialistes ont avant tout lu dans la confrontation du volatile et du vilain l’opposition radicale de deux mondes : celui de l’idéal courtois et de la poésie d’une part, de la brutalité vulgaire, de l’envie et de la jalousie d’autre part7 ; ou encore, ils l’ont considérée comme l’expression d’une lutte matérialiste entre classes sociales, résolue à l’avantage du courtois, du noble, sur le vilain8. Il reste que pour diverses qu’elles soient, ces lectures s’accordent à admettre que l’historiette repose sur un antagonisme qui voit s’opposer de façon irréductible le système de valeurs d’un protagoniste à celui de l’autre. On est en effet frappé par la polarisation toujours univoque que dresse chaque exégèse, par le biais d’un processus d’identification qui assimile l’oiseau à des entités positives et son interlocuteur à leurs exacts contraires.
- 9 Les thèmes du conseil ou du parlement des oiseaux ont connu une fortune importante dans la littérat (...)
4Mais qu’en est-il lorsqu’on replace l’exemplum dans son contexte originel de fable enchâssée au sein des recueils de tradition sapientiale ? On peut en effet se demander si le partage entre les protagonistes peut être considéré avec le même dualisme lorsque s’applique la dynamique d’identification qui régit le rapport entre le récit-cadre et l’apologue enchâssé. Car au sein de cet autre registre littéraire, les éléments topiques du verger courtois – lesquels cristallisent l’antagonisme – pourraient bien ne revêtir aucune fonction référentielle. Ou en revêtir une autre, dans la mesure où la valorisation de l’oiseau-poète, dans la veine exemplaire, rencontre la tradition du débat d’oiseaux largement représentée dans les textes didactiques9.
5Le parcours que je me propose d’entamer pour le vérifier relève de l’ordo artificialis, puisqu’il s’agit de revenir amont et d’examiner les premières attestations françaises du Lai de l’oiselet qui figurent, pour la première, dans la légende de Barlaam et Josaphat et, pour la seconde, dans les traductions françaises de la Disciplina clericalis de Pierre Alphonse. La mise à l’épreuve de l’univocité du sens dans ces recueils à tiroirs me permettra de revenir ensuite à la réélaboration courtoise, quitte, en dernière analyse, à en reconsidérer la limpidité.
Barlaam et Josaphat : « Et se jou puis en toi trouver / Terre ki puist bon fruit porter »
- 10 L’histoire du rossignol et de l’archer est présente dans la majorité des versions narratives frança (...)
- 11 L’Histoire de Barlaam et Josaphat, version champenoise, éd. L. R. Mills, Genève, Droz (TLF 201), 19 (...)
- 12 Ibid., p. 63, l. 7-10.
6Un simple regard sur le troisième exemplum prononcé par Barlaam à l’adresse de son disciple Josaphat suffit à constater l’absence des éléments constitutifs du verger courtois10. Seuls l’oiseau – un rossignol – et son interlocuteur – un archer – sont mentionnés dans cet apologue dépourvu de tout décor, et dont la finalité, annoncée par le maître, paraît évidente : les païens sont semblables à cet archer abusé par un minuscule rossignol qui se vante de porter un trésor à l’intérieur de son corps, une « preciouse margerite »11 grosse comme un œuf d’autruche. C’est l’occasion que saisit le maître pour conseiller à Josaphat de prendre le baptême et d’assurer ainsi son salut en se distinguant des idolâtres, lesquels sont incapables d’observer les trois recommandations de l’oiseau : « Se te dis que tu ne fuses jai corrociez de perte que tu ne poisses recovrer, et que tu ne covoitesses la chose que tu ne pousses avoir, et que tu ne creüsses ja parole qui ne peüst avenir »12.
- 13 D’ailleurs l’élève mentionne souvent le profit personnel qu’il retire des apologues. Ainsi, Josapha (...)
- 14 Le contexte d’énonciation, les verbes introducteurs et la coloration doctrinale du discours de l’oi (...)
- 15 Sur les pierres et leur importance dans la légende de Barlaam et Josaphat, voir le bel article de R (...)
- 16 Version champenoise, éd. cit., p. 48, l. 34-36.
- 17 Ibid., p. 48, l. 40-41.
7Dans la mesure où tous les exempla de Barlaam et Josaphat renvoient aux principaux protagonistes du récit-cadre, et plus particulièrement au maître et à l’élève13, on est évidemment enclin à assimiler l’oiseau qui dispense le savoir à Barlaam, et l’archer en peine d’apprendre à Josaphat. Or dans ce cas, l’oscillation de la fable entre les fonctions de mythe éducatif et de mythe prohibitif est patente, puisque – si le rossignol qui instruit le vilain et le met à l’épreuve est décrit sur le même mode que Barlaam14 – le disciple a quant à lui pour tâche d’éviter le sort de l’archer. L’écho fourni par d’autres passages du texte, eux-mêmes nourris par l’intertexte évangélique, le montre bien : dans ce texte émaillé de pierres précieuses15, la margerite promise par l’oiseau n’est pas sans rappeler la perle merveilleuse vantée par Barlaam lorsque, sous son costume de marchand, il approche Josaphat pour lui révéler le mystère de la foi : « Je vuel que tu saiches que ge sui .i. marcheanz et si sui venuz de mont loing et ai aportee une preciouse pierre si bone que nus ne vist onques ne la mostra nelui »16. Toutes deux sont régies par la même loi de l’integumentum, où il s’agit de déceler sous la pierre véritable la pierre métaphorique. De fait, les contours des deux cailloux ne se dessinent qu’en creux : au même titre que la pierre de Barlaam, qui « rent aus avulglex lor veüe, et aux muz la parole, et as melades senté, et as fox sen et savoir »17, la margerite du rossignol est impossible :
- 18 Ibid., p. 63, l. 10-14.
« Tu as creü que ge avoie en mon cors une margarite qui est plus granz que ge ne suis touz. Donc ne sez tu que toz mes cors n’est mie si granz comme .i. oix d’oistrice et commant avroie ge donc teil pierre dedenz moi ? »18
- 19 « Or sap je bien que es foux, quar tu escoutes veluntiers les .iii. ensegnemanz que je t’anseignai (...)
C’est que l’appréhension de ces joyaux soumis à la même logique de l’adynaton trouve son sens dans la parabole du semeur, que Barlaam adresse à Josaphat pour réfréner son impatience à découvrir la pierre. Soucieux de ne pas jeter de perles aux pourceaux, le maître doit s’assurer que le disciple possède la clairvoyance nécessaire pour faire germer et fructifier l’enseignement, pour saisir en somme la pierre spirituelle. En d’autres termes, il s’agit pour Barlaam d’être certain qu’il n’a pas affaire à ce terreau aride et stérile qu’est l’archer, « fou d’avoir écouté les trois enseignements et ne de les avoir pas retenus »19.
- 20 « Se te dis que tu […] ne creüsses ja parole qui ne peüst avenir » (ibid., p. 63, l. 7-10).
- 21 Ibid., p. 149, l. 29-31.
- 22 C’est à dessein que j’emploie cette formule empruntée au prologue de Cligès et que les critiques on (...)
8Cependant, la dynamique d’identification qui relie la fable enchâssée au récit-cadre ne se limite pas à cette distribution des rôles. Car Josaphat, une fois évitée la vacuité des idolâtres, possède à son tour l’autorité nécessaire pour incarner le rossignol. Dans la seconde partie du récit, après avoir achevé son apprentissage, il prêche et convertit son père, le roi Avenir, en lui « ouvrant les yeux du cœur qu’il gardait jusque-là fermés », pour reprendre une expression récurrente dans le texte. Les vertus de la pierre métaphorique, on le voit, font encore merveille dans cette nouvelle configuration où le jeune prince, refusant l’emprisonnement dans la tour de son enfance comme l’oiseau la capture par l’archer, dispense au roi Avenir un enseignement ad hoc. Il s’agit en effet – c’est le troisième conseil de l’oiseau – de ne pas « croire parole qui ne peut advenir »20. Renonçant à la foi païenne, le vieux roi reçoit alors de son fils le baptême qui lui permet, au seuil de la mort, de re-sémantiser son nom pour avenir à la foi chrétienne. Une dernière précision, qui surgit à la fin du récit, nous convainc de la justesse de cette seconde lecture : lorsque Josaphat rejoint son maître au désert pour y mourir en odeur de sainteté, celui-ci lui adresse l’éloge suivant : « Mout as esté bons marchanz, qui totes tes terriennes richesces as vendue pour acheter la precieuse margerite et le tressor de ciel »21. Devenu l’égal du maître, le disciple peut à son tour revêtir l’habit du marchand de pierres précieuses, tout de même qu’il peut se targuer d’avoir accompli, lui aussi, la muance du rossignol22.
9Rien de courtois donc, dans les éléments de ce décor qui puise sa matière référentielle à la parabole évangélique. Force est d’ailleurs d’admettre qu’il n’est, dans Barlaam et Josaphat, d’autre verger que ce « merveilleux jardin » entrevu en songe par le futur saint aux abords de la cité céleste :
- 23 Ibid., p. 126, l. 55-6.
Il vint en .i. pré aorné de totes beles flors et moult souëf flairant et vit divers arbres chargiez de diverses manieres de frut. Et si avoit es arbres fuelles qui moult rendoient doulz son si comme un pou de vant le demenoit et si rendoit une odor douce que nus ne s’an peut saouler et si avoit siege d’or et de pierres precieuses moult resplendissenz.23
Ainsi le chastoiement de l’oiseau, à l’image de l’enseignement de Barlaam, ne vise-t-il qu’à garantir l’accès futur à ce lieu de délices spirituelles, à qui saura en retenir et en faire fructifier le sens.
- 24 Pour rappel : « Se te dis que tu ne covoitesses la chose que tu ne pousses avoir, et que tu ne fuse (...)
10À y regarder de plus près, cependant, le sens qu’il convient de donner à cet apologue n’est peut-être pas aussi univoque qu’il y paraît : car de la même façon que la technique de l’enchâssement multiplie les possibilités d’identification entre actants de l’exemplum et du récit-cadre, la valorisation positive ou négative de ceux-ci paraît susceptible de s’inverser. Ainsi certains indices troublants questionnent-ils l’évolution positive de Josaphat, soit sa métamorphose d’archer en rossignol. On peut en particulier se demander si le jeune prince est lui-même capable d’observer les trois conseils de l’oiseau24. Son péché d’orgueil, lorsqu’il s’indigne en apprenant que son défunt père a reçu une couronne de gloire qu’il estime à lui-même destinée, laisse planer quelque doute sur la stricte observance du premier savoir, « Ne [coveites] la chose que tu ne pousses avoir » :
- 25 Ibid., p. 155, l. 13-p. 156, l. 24.
« Commant avra donques mes peres por penitance seulemant autel gerredon comme ge por touz mes travax ? » Quant il out ce dist, si li fu avis qu’il vist Balaan son mestre qui le reprist et dist : « Ha, Josaphat, ce est ce que te t’ai auscune foiz dist et ensegné que tu te tenisses touz jours au plus petit de toz les autres et que touz iour te semblast que tu n’eüsses nuil gerredon desservi de chose que tu eüsses faite. Comant ast don ce que tu es tristes de ce que tes peres avra auteil gerredon comme tu ? Don ne deüsses tu estre liez et rendre graces a nostre Segnor de ce qu’il ai oïes les oroisons que tu as tente foiz faites por lui ? »25
- 26 Ibid., p. 47, l. 15-17.
- 27 Ibid., p. 63, l. 72.
Que dire alors du second, « Ne [sois] jai corrociez de perte que tu ne poisses recovrer » ? En notant que l’enfant désespéré qu’était le jeune prince avant sa rencontre avec l’ermite, « resenblai l’ome qui avoit son tressor perdu et qui avoit mis tote sa pensee au reporchacier »26, le texte signifie l’égarement du héros, mais aussi sa parenté avec l’archer qui se lamente d’avoir « hui perdu riche tresor »27. La tentation est grande, alors, de mettre le disciple – mais aussi et surtout son maître – à l’épreuve du troisième savoir : « Ne [crois] ja parole qui ne peüst avenir ». Et si l’enseignement du maître était mensonger ? Puisque l’archer représente les idolâtres, l’oiseau – et donc Barlaam – pourrait bien n’être qu’une idole fallacieuse, beaucoup trop petite pour contenir un trésor gros comme un œuf d’autruche, et donc incapable de renfermer le divin mystère. Une analogie, aussi tentante qu’inquiétante, s’imposerait le cas échéant entre le volatile et son homologue le coq, lequel, dans la célèbre fable De gallo et gemma, dédaigne le trésor du sens – la perle – au profit d’une vaine quête de nourriture :
- 28 Gossouin de Metz, L’Image du monde, éd. O. H. Prior, Lausanne, Imprimeries réunies S.A., 1913, p. 7 (...)
Le koc […] gratoit dedenz le fumier la ou il queroit sa viande. Tant grata en cel fumier qu’il trouva une riche gemme et precieuse qui getoit grant clarté. Lors la laissa a regarder et plus n’en fit […]. Car il amoit miex aquerre sa viande.28
On rejoindrait, avec cet apologue qui apparaît en tête des principaux recueils médiévaux de fables, et notamment celui attribué à Marie de France, le pôle moral opposé à celui du marchand qui, ayant découvert la perle, vend tout son bien pour l’acquérir. Et le fait que, dans le texte, cette réversibilité potentielle soit justement suggérée par la parabole du semeur ne fait rien pour apaiser nos craintes :
- 29 Version champenoise, éd. cit., p. 50, l. 23-26.
« Et se ge truis terre perrouse ne espinouse, je n’i espandrai mie la seinte semance por doner maingier as bestes ne as oysiaux devant les quex il m’est conmandez que je ne mete mie les margerites. »29
- 30 Ibid., p. 63, l. 23-25.
11Le memento mori qui suit la narration de la fable conjure in extremis cette angoisse herméneutique en attribuant au troisième savoir une signification nouvelle, qui tend à dénoncer la vanitas mundi : le « Ne croi ja parole » se convertit pour l’occasion en « Ne pran mie garde es choses que tu voiz : as richesces, ne es delices, n’a la decivant gloire de ceste vie, quar tot ce faudrai »30. Barlaam coupe ainsi court aux menaces qui pesaient sur le statut de la parole, et le texte redirige l’attention sur le mépris pour le siècle. Mais il s’en est fallu de peu ! Autant admettre qu’on est loin de l’apparente univocité qui règne sur la réécriture courtoise du Lai de l’oiselet. Est-ce alors à dire que la réversibilité de l’exemplum a à voir avec la structure enchâssée du récit à tiroir, ou que c’est l’absence d’éléments topiques de la tradition courtoise qui la rend possible ? Quelques remarques sur les traductions françaises en vers de la Disciplina clericalis de Pierre Alphonse, qui plantent un verger courtois au cœur de la fable enchâssée, permettront de le déterminer.
La Disciplina clericalis : « Mais sachiez qu’il n’i a deduit / Qui ne seit chargiez de buen fruit »
- 31 Les Fables Pierre Aufons et le Chastoiement d’un père à son fils désignent respectivement les deux (...)
12De fait, le texte latin du XIIe siècle comme ses deux traductions françaises en vers de la première moitié du XIIIe ne se montrent pas avares de détails lorsqu’il s’agit de décrire le « mout bel vergier » qui fournit son décor à l’exemplum. Les Fables Pierre Aufons, en particulier, ménagent une place de choix à ce tableau champêtre dans l’économie narrative du conte31 :
- 32 Fables Pierre Aufons : version dite A (ms. Londres, B.L.Add. 10289), texte établi par G. Eckard, v. (...)
Uns païsant jadis esteit
Qui un bel vergier aveit ;
De divers arbres ert plantez,
Et si i aveit amenez
Les ruisseaus qui par mi coreient
Des fontaines qui prés esteient ;
Et en iver et en esté
I aveit vert herbe a plenté
O les flors qui soef oleient
Ot divers fruiz qui i creisseient.
Por la grant deletableté
S’i aünoent en esté
Tuit li oisel de la contree.32
- 33 Chastoiement d’un père à son fils : version dite B (ms. Paris, B.N. fr. 19152), texte établi par G. (...)
L’oiseau, dont le « douz chant » envoûte le vilain, est perché sur l’un des « divers arbres » qu’entourent « ruisseaus » et « fontaines », lesquels irriguent une herbe verte et abondante, des fleurs à l’odeur suave et des fruits de toutes sortes. Or la « grant deletableté » de ce jardin paré de tous les attraits du locus amoenus n’est pas sans influer sur l’état d’esprit du vilain, à la faveur d’un procédé semblable aux ouvertures romanesques où le renouveau de la nature fait écho aux états d’âme du héros qui quête ce matin-là l’aventure. Est-ce d’ailleurs un hasard si l’autre traduction française en vers, le Chastoiement d’un père à son fils, troque la figure du païsanz, du vilain, contre celle du preudom33 ? Ainsi la langueur de ce dernier, si elle rappelle encore la torpeur qui saisit le chevalier-amant à midi dans le pré, s’exprime-t-elle par le désir d’une sieste bercée par le chant de l’oiselet. Mais ce désir revêt aussi une dimension réflexive, tant l’homme qui jouit d’une telle enveiseüre et pratique une écoute active, « o grant entente et o grant cure », s’assimile à une figure de destinataire (ici dans les Fables Pierre Aufons) :
- 34 Fables Pierre Aufons, éd. cit., v. 3329-3336.
Un jor en son vergier entra
Cil qui il ert, et se coucha
Sor la fresche herbe a reposer
Et comença a escouter
O grant entente et o grant cure
Les douz chanz et l’enveiseüre
Que li oselet demenoient
Qui el vergier se delitoient.34
C’est dans la même perspective qu’il faut comprendre les menaces de consommation proférées par la suite à l’encontre du volatile et qui ont pour motif le refus de chanter opposé par l’oiseau. Tout se passe comme si la violence trahissait l’impatience, l’inassouvissement de l’auditeur avide d’en entendre plus, bien davantage que la brutalité pure du vilain :
- 35 Fables Pierre Aufons, éd. cit., v. 3360-3362 et 3371-3375.
« En une cage te metrai,
Iluec te veil oïr chanter,
Quer el n’i quer ge conquester.
[…]
Par ma fei, ce dist li vilains,
Je te metrai fors de mes mains ;
Mes ne riras pas el vergier,
Ja ne t’i lairai repairier,
Quer par fei je te mengerai. »35
- 36 Sur le motif du « cœur mangé », voir dans ce même dossier l’article de Ph. Frieden, « La Morale enc (...)
De telle sorte que le souhait d’engloutir l’oiseau pourrait bien répondre à un désir d’incorporation, d’assimilation de la vertu lyrique ou narrative ; le procédé est certes carnassier et pour le moins brutal, mais il reste qu’il comporte des ressemblances troublantes avec le motif courtois du « cœur mangé »36. En ce sens, la solution amenée par l’oiselet pour troquer ce funeste festin contre l’enseignement des trois savoirs apparaît également comme une tentative pour satisfaire les attentes de ce lecteur-auditeur insatiable et vorace.
- 37 Voir en particulier G. Eckard, « ’Li Oiseaus dit en son latin’« , art. cit.
- 38 D. Maddox a consacré un article aux chastoiements et autres enseignements tels qu’ils figurent dans (...)
13Quant au volatile qui inspire un tel désir, il ne peut que rappeler la figure du poète, au gré d’une identification qui annonce la version courtoise du Lai de l’oiselet37. L’assimilation, mue par l’irruption du registre courtois dans la fable, se distingue toutefois de celle du Lai. Car en faisant du preud’home – la nuance prend ici tout son sens – une figure de lecteur, et non de fâcheux ou d’anti-courtois, Pierre Alphonse et ses traducteurs développent une réflexion proprement métanarrative. Sans oublier que le deduit procuré par le chant de l’oiseau se double bientôt de son indispensable pendant, l’enseignement des « trois manières de sens ». La fable renvoie alors l’image textuelle de la narration pédagogique, du chastoiement qui unit tant le père et le fils – ou le maître et son disciple – que le narrateur et ses destinataires38. La mise en abyme est bien choisie, qui place les éléments du verger courtois en consonance avec le lexique du prologue placé sous l’injonction du delectare et du docere :
- 39 Fables Pierre Aufons, éd. cit., v. 69-74.
Por ce que plus s’i delitast,
Qu’il li sist ou qu’il li costast
I mist deduiz et bels fableax
De genz, de bestes et d’oiseaux ;
Mes sachez qu’il n’i a deduit
Qui ne seit chargié de boen fruit.39
- 40 Voir notamment le contexte dans lequel s’inscrit l’exemple XXXI, De opilione et mangone.
On rejoint par là la vocation réflexive d’autres exempla qui visent à exprimer les efforts du maître pour combler le désir de déploiement narratif formulé par l’élève40. Voire, comme dans notre apologue, la lassitude du père – je pense en particulier à l’exemple XII, De rege et fabulatore suo, qui fonctionne selon la même logique du dupeur dupé : réticent à l’idée de combler l’attente de son élève, le maître – pour se dispenser de conter – le gratifie, à titre de comparaison, d’un récit mettant en scène un roi avide d’histoires que son fabulator parvient à berner.
14On sera donc peu surpris que l’injonction magistrale qui clôt la narration de l’exemplum dans le texte latin porte sur la pratique de la lecture, et en particulier sur la nécessité pour le destinataire d’exercer son discernement :
- 41 Petri Alfonsi Disciplina clericalis I. Lateinischer Text, herausg. A. Hilka und W. Söderhjelm, Hels (...)
Philosophus castigavit filium suum dicens : Quicquid inveneris, legas, sed non credas quicquid legeris. Ad haec discipulus : Credo hoc esse : non est verum quicquid est in libris. Nam simile huic iam legi in libris et proverbiis philosophorum : Multae sunt arbores, sed non omnes faciunt fructum ; multi fructus, sed non omnes comestibiles.41
À la faveur de la métaphore des arbres et des fruits, l’enseignement des trois savoirs, ou plutôt de celui des trois qui porte sur le statut de la parole, est ainsi récupéré à l’intérieur d’une éthique du bien lire qui puise son expression à la topique du verger courtois ; et qui n’hésite pas à recourir dans un second temps au registre alimentaire pour assimiler, à l’instar du preudhome de la fable, les bénéfices de la lecture à un procédé d’incorporation.
- 42 Ibid., p. 31, l. 25.
- 43 Chastoiement d’un père à son fils (ms. Rouen, B.M. 1423), éd. cit., v. 2590-2591.
15Nul antagonisme donc, sous la plume de Pierre Alphonse et de ses adaptateurs, mais plutôt l’image, maintes fois projetée dans le recueil, de la relation cardinale entre le maître et le disciple. Il va de soi que l’amplificatio courtoise contribue largement à conférer à l’apologue son épaisseur référentielle. Mais est-ce pourtant à dire que la saynète, pour être plantée dans le jardin des délices, échappe à l’équivoque ? Tout porte à croire que non, puisque le texte latin adjoint à la première une seconde glose qui provoque le trouble : Fili, ne dimittas pro futuris praesentia42. « Beau filz, gardez qe ne lesse pas / Ce qe tu as pur ‘tu l’avras’«43, traduit le Chastoiement d’un pere a son fils, qui évite les recommandations sur l’art de lire pour ne conserver que cette injonction. « Un bon ‘tiens’ vaut mieux que deux ‘tu l’auras’« , voilà qui a de quoi surprendre à l’issue d’un exemple qui incite au renoncement et à l’acquisition d’une sagesse utile à la félicité future ! Aurait-il, en somme, mieux valu ne faire qu’une bouchée de l’oiselet, quitte à n’en être qu’à moitié rassasié ? La valeur du sens – et du texte – serait alors peu de chose, même au regard d’une si maigre provende. Entre perle et viande, le lecteur a le loisir de faire son choix.
- 44 Dans son article « From Paternal Advice to Amourous Dialogue : Reading through the Frame of Fabular (...)
- 45 Ami et Amile. Chanson de geste, éd. P. Dembowski, Paris, Champion, 1969, v. 2082-2088 :
« Dame, dis (...)
16Au terme de ce bref parcours à travers les premières versions françaises du Lai de l’oiselet, on est tenté de reconsidérer l’antagonisme qui structure l’adaptation courtoise. Car l’étude de l’enchâssement pratiqué par Barlaam et Josaphat a montré que la fable se prêtait par nature à une pluralité d’interprétations, souvent opposées les unes aux autres, et même qu’elle les appelait. Et l’examen du verger décrit dans la Disciplina clericalis et ses traductions a révélé que la coloration courtoise vouait la fable à la réflexivité, mais en aucun cas qu’elle réduisait son équivocité. On en veut pour preuve les deux autres versions, elles aussi courtoises, de la même histoire, qui figurent dans le Donnei des amants et dans Ami et Amile. L’interprétation de la fable se prête, dans le premier texte, à ce qu’Amy Heneveld qualifie de « réversibilité foncière »44. Quand au second texte, il saisit l’occasion de la verticalité entre l’oiseau haut perché et le vilain au pied de l’arbre pour y voir un échange entre la dame, hautaine et chimérique, et l’amant, condamné à subir les assauts d’un désir inassouvi45. Autant admettre alors la richesse offerte par cette variété d’interprétations, qui ouvre sans jamais le clore un dialogue entre tradition sapientiale et tradition courtoise.
Notes
1 À cet égard, c’est évidemment l’Ovide moralisé qui constitue le modèle par excellence.
2 F. C. Tubach, Index exemplorum, Helsinki, 1969.
3 Pour une analyse des sources et des analogues, on se reportera à l’édition de L. D. Wolfgang, Le Lai de l’oiselet, An Old French Poem of the Thirteenth Century, Philadelphia, Transactions of the American Philosophical Society, 1990, p. 7-15.
4 G. Eckard, « ’Li Oiseaus dit en son latin’. Chant et langage des oiseaux dans trois nouvelles courtoises du Moyen Âge français », Critica del testo, 2, 2, 1999, p. 677-693.
5 Voir en particulier les vers 27 à 123 (Le Lai de l’oiselet, éd. cit.).
6 Voir G. Paris, Légendes du Moyen Âge. Roncevaux ; le Paradis de la reine Sibylle ; la légende du Tannhäuser ; le juif errant ; le lai de l’oiselet, Amsterdam, Rodopi, 1970 (rééd. de l’éd. de Paris, 1900, mais aussi L. C. Brook, « The Bird’s Three Truths in the Lai de l’oiselet », Reading Medieval Studies, 19, 1993, p. 15-25, ou encore S. L. Burch, « The Lai de l’oiselet, the Proverbes au vilain and the Parable of the Sower», French Studies, 58, 2004, p. 1-14.
7 Conformément à l’interprétation de G. Eckard, « ’Li Oiseaus dit en son latin’« , art. cit.
8 Voir notamment S. L. Burch, « The Lai de l’oiselet, the Proverbes au vilain and the Parable of the Sower », art. cit.
9 Les thèmes du conseil ou du parlement des oiseaux ont connu une fortune importante dans la littérature médiévale à partir du XIIe siècle. Certaines fables contenues dans des collections comme les Isopets, Kalila et Dimna ou la Mer des histoires, mais aussi la Messe des oiseaux de Jean de Condé ou le Jugement d’amour appartiennent à cette veine qui, recourant à la rhétorique scolastique, met en jeu des valeurs de la société humaine. Voir par exemple l’article de S. Abiker, « Prises de becs. L’humanisation des oiseaux dans les fables et quelques dits allégoriques médiévaux », Déduits d’oiseaux au Moyen Âge, dir. C. Connochie-Bourgne, CUERMA, Senefiance, 54, 2009, p. 13-22.
10 L’histoire du rossignol et de l’archer est présente dans la majorité des versions narratives françaises de Barlaam et Josaphat, où elle figure en troisième position parmi les dix exempla. Dans le cadre de cette communication, je me réfère en particulier à la rédaction dite « champenoise » en prose, composée au début du XIIIe siècle.
11 L’Histoire de Barlaam et Josaphat, version champenoise, éd. L. R. Mills, Genève, Droz (TLF 201), 1973, p. 63, l. 73.
12 Ibid., p. 63, l. 7-10.
13 D’ailleurs l’élève mentionne souvent le profit personnel qu’il retire des apologues. Ainsi, Josaphat saisit le parallèle que l’exemple du riche jeune homme et de la pauvre chrétienne offre avec sa propre situation et celle de Barlaam :
Lors dist Josaphat a Balaam : « Il me semble que cist contes apartient asez a moi et que tu me sembles a l’anfant qui s’an fuÿ de son pere et toi meismes au viel home qui l’anfant esprova et li dona sa fille et ses richesses ». (Version champenoise, éd. cit., p. 80, l. 1-3)
À d’autres reprises, c’est le maître qui délivre le sens de l’histoire et l’applique à Josaphat, comme dans « Les quatre coffrets » (Version champenoise, p. 52, l. 35-53), « Le roi pour un an » (p. 74, l. 73-74), « Le roi et les pauvres heureux » (p. 76, l. 11-13 et p. 78, l. 73-74), « Le prince et la pauvre chrétienne » (p. 78, l. 8-11) et « Le jeune bélier » (p. 84, l. 42-43). Sur les apologues et leur valeur didactique, voir W. F. Bolton, « Parable, Allegory and Romance in the Legend of Barlaam and Josaphat », Traditio, 14, 1958, p. 353-366 et M. Uhlig, « Au risque d’un saint inflexible : sainteté et imitation dans les versions françaises de Barlaam et Josaphat », L’Esprit créateur, 50, 2010, numéro spécial « Sanctity », dir. C. Howie, p. 33-48.
14 Le contexte d’énonciation, les verbes introducteurs et la coloration doctrinale du discours de l’oiseau sont de toute évidence calqués sur ceux de Barlaam.
15 Sur les pierres et leur importance dans la légende de Barlaam et Josaphat, voir le bel article de R. Wolf-Bonvin, « La Pierre de Barlaam et l’avenir de Josaphat », La Pierre dans le monde médiéval, dir. D. James-Raoul et C. Thomasset, Paris, PUPS, 2010, p. 209-229. Je saisis l’occasion pour remercier chaleureusement Romaine Wolf-Bonvin, tant pour avoir mis les premières épreuves de son étude à ma disposition que pour la riche discussion qui a suivi.
16 Version champenoise, éd. cit., p. 48, l. 34-36.
17 Ibid., p. 48, l. 40-41.
18 Ibid., p. 63, l. 10-14.
19 « Or sap je bien que es foux, quar tu escoutes veluntiers les .iii. ensegnemanz que je t’anseignai et si nes as pas retenuz » (ibid., p. 63, l. 5-7).
20 « Se te dis que tu […] ne creüsses ja parole qui ne peüst avenir » (ibid., p. 63, l. 7-10).
21 Ibid., p. 149, l. 29-31.
22 C’est à dessein que j’emploie cette formule empruntée au prologue de Cligès et que les critiques ont rapportée à l’histoire de Philomena, où elle désigne un autre type de métamorphose en rossignol.
23 Ibid., p. 126, l. 55-6.
24 Pour rappel : « Se te dis que tu ne covoitesses la chose que tu ne pousses avoir, et que tu ne fuses jai corrociez de perte que tu ne poisses recovrer, et que tu ne creüsses ja parole qui ne peüst avenir » (ibid., p. 63, l. 7-10).
25 Ibid., p. 155, l. 13-p. 156, l. 24.
26 Ibid., p. 47, l. 15-17.
27 Ibid., p. 63, l. 72.
28 Gossouin de Metz, L’Image du monde, éd. O. H. Prior, Lausanne, Imprimeries réunies S.A., 1913, p. 74. Voir le commentaire du De gallo et gemma proposé par Y. Foehr-Janssens dans Le Temps des fables : le Roman des Sept Sages, ou l’autre voie du roman, Paris, Champion, p. 47-49.
29 Version champenoise, éd. cit., p. 50, l. 23-26.
30 Ibid., p. 63, l. 23-25.
31 Les Fables Pierre Aufons et le Chastoiement d’un père à son fils désignent respectivement les deux traductions françaises en vers de la Disciplina clericalis, qui correspondent aux versions dites A et B du Chastoiement d’un père à son fils par Hilka et Söderhjelm. En réalité, ce sont deux textes bien distincts que notre équipe de recherche, financée par le Fonds National de la Recherche Scientifique Suisse (FNRS), s’est proposée de désigner par des titres qui les qualifient chacun en fonction des caractéristiques propres de leur entrée en matière. Ainsi la version A, en fonction de son prologue, s’intitule-t-elle les Fables Pierre Aufons et la version B est-elle désignée par le titre plus courant de Chastoiement d’un père à son fils. Voir l’étude et l’édition critique de ces textes sur le site internet http://www.unige.ch/lettres/mela/ recherche/disciplina/disciplina.html, ainsi que les articles de Y. Foehr-Janssens, « Quelle Fin pour un enseignement d’un père à son fils ? La clôture du texte dans les manuscrits des Fables Pierre Aufors (Chastoiement d’un père à son fils, version A) », Courtly Arts and the Art of Courtliness, dir. K. Busby and C. Kleinhenz, Brewer, Woodbridge, 2006, p. 399-417 et « Un Assemblage nouveau : les histoires sur la ruse des femmes dans la Disciplina clericalis de Pierre Alphonse », La Circulation des nouvelles au Moyen Âge, dir. L. Rossi et A. Darmstätter, Alessandria, Ed. dell’Orso, 2005, p. 237-251.
32 Fables Pierre Aufons : version dite A (ms. Londres, B.L.Add. 10289), texte établi par G. Eckard, v. 3309-3321.
33 Chastoiement d’un père à son fils : version dite B (ms. Paris, B.N. fr. 19152), texte établi par G. Eckard, v. 2515 et 2523.
34 Fables Pierre Aufons, éd. cit., v. 3329-3336.
35 Fables Pierre Aufons, éd. cit., v. 3360-3362 et 3371-3375.
36 Sur le motif du « cœur mangé », voir dans ce même dossier l’article de Ph. Frieden, « La Morale enchâssée : le Cœur mangé dans le Romant de la Rose moralisé de Jean Molinet ».
37 Voir en particulier G. Eckard, « ’Li Oiseaus dit en son latin’« , art. cit.
38 D. Maddox a consacré un article aux chastoiements et autres enseignements tels qu’ils figurent dans les textes d’obédience courtoise : « Avatars courtois d’un genre de discours clérical : le chastoiement », Courtly Literature and Clerical Culture, herausg. Ch. Huber und H. Lähnemann, Tübingen, Attempto Verlag, 2002, p. 161-173.
39 Fables Pierre Aufons, éd. cit., v. 69-74.
40 Voir notamment le contexte dans lequel s’inscrit l’exemple XXXI, De opilione et mangone.
41 Petri Alfonsi Disciplina clericalis I. Lateinischer Text, herausg. A. Hilka und W. Söderhjelm, Helsingfors, (Druckerei der finnischen Literaturgesellschaft), 1911, p. 31, l. 21-24. Je traduis : « Un philosophe instruisit son fils dans les termes suivants : ‘Lis tous les livres que tu trouveras, mais ne crois pas tout ce que tu y lis.’ Et le disciple répondit : ‘Voici ce que je crois : tout ce qui est écrit dans les livres n’est pas vrai. En réalité, j’ai lu ceci dans les livres et dans les proverbes des philosophes : ‘Il existe beaucoup d’arbres, mais ils ne produisent pas tous des fruits ; il existe beaucoup de fruits, mais ils ne sont pas tous comestibles’« .
42 Ibid., p. 31, l. 25.
43 Chastoiement d’un père à son fils (ms. Rouen, B.M. 1423), éd. cit., v. 2590-2591.
44 Dans son article « From Paternal Advice to Amourous Dialogue : Reading through the Frame of Fabular Exchange », D’Orient en Occident : les recueils de fables enchâssées avant les Mille et Une Nuits, Actes du colloque international de l’Université de Genève, 6-8 mai 2010, dir. M. Uhlig et Y. Foehr-Janssens, Turnhout, Brepols, à paraître, A. Heneveld a montré que l’amant et l’amante du Lai de l’oiselet inséré dans le Donnei s’identifiaient, chacun, à l’un comme à l’autre personnage de la fable, tant ils la manipulent avec adresse pour soutenir leurs positions respectives. Le récit enchâssé permet ainsi aux amants de jouer sur les deux pôles discursifs du débat, sans que l’identification ne soit jamais fixée.
45 Ami et Amile. Chanson de geste, éd. P. Dembowski, Paris, Champion, 1969, v. 2082-2088 :
« Dame, dist [li cuens], bien m’avez abaissié.
La loi avéz a l’oisel dou rammier :
Li fox l’agaite qui desoz l’aubre siet,
Quel cuide panre sain et sauf et entier ;
Miex li venist qu’il le ferist el chief,
Si le plumast et eüst au mengier ».
Pour citer cet article
Référence papier
Marion Uhlig, « Quand l’oiseau chante et chastie », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 23 | 2012, 61-72.
Référence électronique
Marion Uhlig, « Quand l’oiseau chante et chastie », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 23 | 2012, mis en ligne le 30 juin 2015, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/12808 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.12808
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