Sharon Kinoshita, Peggy McCracken, Marie de France. A Critical Companion
Sharon Kinoshita, Peggy McCracken, Marie de France. A Critical Companion, Cambridge, Brewer (« Gallica »), 2012, 228p.
ISBN 978-1-84384-301-6
Texte intégral
1L’ouvrage se veut destiné à un large public qui connaît déjà les Lais de Marie de France, dont les auteurs précisent qu’elles n’en rappelleront pas les intrigues. Il traite de l’ensemble des œuvres attribuées à Marie, sauf de La Vie seint Audree, dont les auteurs contestent l’attribution (elles l’évoquent très brièvement, toutefois, pour justifier leur point de vue, p. 110 sq., puis plus loin). L’approche confronte les œuvres autour de questions transversales et observe les convergences ou divergences. Le volume commence par une introduction qui présente le contexte d’écriture des œuvres de Marie. Elle rappelle l’influence des Plantagenêt, de la matière de Bretagne, les tensions entre morale chrétienne et morale féodale… De façon générale, il faut saluer le travail de contextualisation qui caractérise l’ensemble du volume. Par exemple, les auteurs comparent souvent l’œuvre de Marie à celle de Chrétien de Troyes, notamment à propos de la conception de leur propre travail d’écriture ; elles éclairent aussi quelques questions, comme les réflexions sur le mariage, d’éléments de droit ; elles soulignent l’importance des objets dans la société médiévale, en mettant particulièrement en avant leur rôle dans la reconnaissance et la transmission.
2L’introduction éclaire également la langue de Marie, en mettant particulièrement en lumière le contexte anglo-normand ainsi que ses implications linguistiques et en faisant de la traduction un point commun de l’ensemble des œuvres de Marie. Les auteurs mettent en valeur le plurilinguisme contemporain de Marie, en Angleterre, et en font un sujet de réflexion concernant la langue dans laquelle Marie s’exprime.
3Dans l’introduction, particulièrement, on regrettera quelques notations décalées par rapport au public visé, comme le bilinguisme anglais-latin du début, avec « the earliest possible date (terminus a quo) » (p. 2). On comprend mal l’utilité de la version latine, si ce n’est la revendication d’un certain jargon qui ne semble rien apporter au lectorat théoriquement visé.
4L’ouvrage comporte six chapitres, outre cette introduction : « Communication, Transmission, and Interpretation : Literary History », « Courtly Love and Feudal Society : Historical Context », « Movement and Mobility : Plot », « Bodies and Embodiment : Characters », « Repetition and the Art of Variations : Narrative Techniques » et « Posterity : The Afterlives of Marie’s Work ». La problématisation est synthétique et s’appuie sur une attention précise aux textes, notamment sur des études lexicales (mise en relation de différents registres – féodal, courtois, érotique, etc. – à propos de l’amour, par exemple). On peut souligner à la fois le caractère original et efficace des différents angles d’approche. Toutefois, la perspective comparée ou transversale ne rend pas toujours la lecture et la compréhension aisées, particulièrement pour un lecteur qui serait peu averti ou ne connaîtrait que les Lais. La partie sur les déplacements et la mobilité nous a paru très convaincante et nous nous accordons parfaitement avec ce constat : « movement also brings different places together, and since places are associated with values – the feudal hierarchies that structure courts are an example – travel between places brings different values and value systems into contact. Movement between places also puts different relations of loyalty into contact and sometimes into conflict, and this is key to the way that Marie constructs plot » (p. 116). La partie consacrée au corps nous a paru assez répétitive, notamment avec des intrigues de Lais plusieurs fois résumées (alors que l’introduction annonçait qu’il n’en serait rien) et par la reprise de l’idée que le corps voyage entre les différents mondes et les différents systèmes de valeurs. La partie sur les réécritures de Marie de France et notamment des Lais est très intéressante et replace bien les œuvres en perspective (p. 208 sq.).
5La confrontation des trois grandes œuvres attribuées à Marie (Lais, Fables et Espurgatoire seint Patriz) n’est pas toujours équilibrée ou évidente. Il va de soi qu’elle ne peut fonctionner pour toutes les problématiques envisagées, à moins d’être un peu forcée. Néanmoins, la lecture du volume est le plus souvent stimulante et ce qui se présente comme une première approche de l’œuvre de Marie de France donne également de bonnes bases en ce qui concerne la perception de la littérature médiévale, en général : « As has been evident throughout this book, the project of interpreting medieval texts often throws into question many of the basic assumptions modern readers bring to the study of literature » (p. 173).
Pour citer cet article
Référence électronique
Myriam White-Le Goff, « Sharon Kinoshita, Peggy McCracken, Marie de France. A Critical Companion », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 12 octobre 2012, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/12768 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.12768
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