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AccueilNuméros21VariaLa colère dans la tragédie humaniste

Résumés

Dans la tragédie humaniste française, la colère affecte à la fois les hommes et les dieux : la passion est un des multiples visages du destin. Seule une étude conjointe de la forme et de l’éthique du genre peuvent révéler l’importance structurelle et la signification de la colère. En particulier, le discours du personnage protatique et des chœurs mérite l’attention.

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Texte intégral

  • 1  Sur les passions dans la tragédie, voir E. Forsyth, La Tragédie française de Jodelle à Corneille. (...)

1Dans la tragédie humaniste, l’action est une passion1 : du théâtre de Jodelle à celui de Montchrestien, les personnages sont mus par leurs affects et une grande part de leur activité consiste à les nommer, à les exprimer, à décrire les tourments qu’ils suscitent en eux. En particulier, la colère joue un rôle structurel, car elle passe des dieux aux hommes, des tyrans aux victimes. Parce qu’elle est volubile, communicative, excessive, elle influe sur la forme de la tragédie. En retour, la structure des pièces et la représentation tragique donnent une tournure particulière à la colère qu’elles manifestent, qui ne peut être confondue avec l’ire épique ou l’indignation satirique. Pour déterminer quelle place occupe la colère, quels types de personnages elle touche et quelles sont ses caractéristiques, il convient de penser ensemble la forme et l’éthique de la tragédie humaniste, à partir de l’étude de son dispositif.

Le dispositif de la tragédie humaniste et la colère des dieux

  • 2  Voir Jean de La Taille, « Au Lecteur », in Les Gabeonites, éd. E. Fortsyth, Paris, STFM, 1968, p.  (...)
  • 3  Voir O. Millet, « La tragédie humaniste de la Renaissance (1550-1580) et le sacré », Le Théâtre et (...)
  • 4  Voir N. Dauvois, « Énonciation lyrique, énonciation tragique dans Saül le Furieux », Littératures, (...)

2La tragédie humaniste se caractérise formellement par la présence d’un personnage protatique et de chœurs. En effet, même si certaines pièces comme Médée de La Péruse, La Soltane de Bounin ou Achille de Filleul s’ouvrent sur un dialogue entre deux personnages, l’exposition est en général prise en charge par un personnage qui ne réapparaîtra plus par la suite : un homme d’une grande clairvoyance, comme un prophète, ou un être surnaturel, comme l’ombre d’un défunt ou une furie. La vision qu’adopte ce personnage est rétrospective, car il convient de fournir au spectateur les informations dont il a besoin pour comprendre la situation dramatique, mais aussi parfois prospective, car l’issue fatale de l’action est annoncée. Le vers utilisé est le « vers héroïque », le décasyllabe dans Abraham sacrifiant (1550) et Cléopâtre captive (1553) puis, à partir de 1555, l’alexandrin : un vers long, approprié à la narration de hauts faits, employé également par les autres personnages individuels de la tragédie. Les propos du chœur, prévus pour être chantés2, se caractérisent par une disposition en strophes, l’emploi de vers courts et parfois hétérométriques. Les recherches de la Pléiade dans le domaine de l’ode, mais aussi les efforts faits par les poètes protestants pour traduire les psaumes ont contribué à la grande diversité formelle des interventions des chœurs3. Certaines de celles-ci, dans la première tragédie française représentée, Cleopatre captive de Jodelle, et dans Esther de Matthieu, font même alterner strophe, antistrophe et épode. Cette forme lyrique indique que le discours du chœur remplit souvent une fonction émotive : le personnage collectif est le premier spectateur de l’action dramatique et il exprime les sentiments qu’elle suscite en lui, en particulier il plaint les protagonistes. S’ajoute une fonction réflexive : le chœur formule en vers gnomiques les leçons philosophiques, politiques, morales des événements, il met notamment en évidence l’effet des passions4.

3Le personnage protatique indique en particulier l’origine de l’action tragique, qui est souvent la colère des dieux. Au début de Cléopatre captive, l’ombre d’Antoine s’avance sur le devant de la scène : les fantômes des grands hommes qui ont fait l’histoire peuvent témoigner à la fois de l’enchaînement des événements qu’ils ont vécus et de l’intensité des passions qu’ils ont éprouvées. De fait, le défunt rappelle sa rencontre avec Cléopâtre, la perte de sa réputation, la bataille d’Actium, son suicide. Il n’a cependant rien d’un narrateur serein : il vibre encore de tendresse pour celle qu’il continue à appeler « ma Cleopatre » (v. 84), laisse échapper des interjections plaintives, évoque ses remords, se dit persécuté par les Furies. Il révèle que l’amour peut être le moyen dont usent des « Dieux jaloux » (v. 71) pour perdre un homme : la fatalité tragique prend la forme d’une passion. Antoine attribue son malheur à la vengeance des Dieux :

  • 5  E. Jodelle, Cléopâtre captive (1553, 1ère éd. 1574), I, v. 51-54, éd. E. Balmas, La Tragédie à l’é (...)

Or pour punir ce crime horriblement infâme,
D’avoir banni les miens et rejeté ma femme,
Les Dieux ont à mon chef la vengeance avancée,
Et dessus moi l’horreur de leurs bras élancée […]5.

4Le personnage protatique sert ainsi à remonter aux sources de la culpabilité, à indiquer la faute tragique d’où provient le malheur, à reconstituer l’obscure généalogie du péché. C’est pourquoi il est quelquefois l’ombre d’un père ou d’un aïeul : Égée apparaît au début d’Hippolyte de Garnier, Thyeste au début d’Agamemnon de Toutain et de Clytemnestre de Matthieu.

5C’est chez Garnier que le dispositif acquiert sa forme la plus élaborée. Ainsi, au premier vers des Juifves, le prophète s’exclame :

  • 6  R. Garnier, Les Juifves, I, v. 1 in Œuvres complètes, éd. R. Lebègue, Paris, Les Belles Lettres, 1 (...)

Jusques à quand, Seigneur, épandras-tu ton ire6 ?

  • 7  Id., Hippolyte, I, v. 93-96, ibid., t. IV, p. 41.

6Au début d’Hippolyte, l’ombre d’Égée suppose que Pluton, « gros de vengence, et de colere gros »7 est à l’origine de l’action tragique et qu’il n’a laissé Thésée s’échapper des Enfers que pour qu’il découvre dans sa famille l’inceste, le meurtre, l’adultère. Le personnage protatique ne vise donc pas seulement à rappeler ce qui s’est passé, à prédire ce qui se passera ; il remplit la fonction d’interpréter les événements, d’indiquer leur sens, c’est-à-dire à la fois leur direction et leur signification.

7Il n’est pas toujours réflexif et statique. Il arrive qu’il déclenche l’action. Dans Porcie, la divinité qui est à l’origine du drame, Mégère, s’exprimant à l’impératif, met en branle ses sœurs Tisiphone et Alecto :

  • 8  Id., Porcie, I, v. 40-42, ibid., t. III, p. 60.

Plus aigre que devant rallumons le Discord,
La rage, la fureur, la guerre et la turie
Au gyron belliqueur de la grande Hesperie […]8.

  • 9  Ibid., I, v. 71 et 75, p. 61.

8Cette injonction est reprise anaphoriquement par la formule « Eslançons le discord »9. Les trois Furies se tournent ensuite vers les hommes pour les appeler à libérer leur colère :

  • 10  Ibid., I, v. 103-105, p. 62.

Sus donc, enfans de Mars, sus, peuple avantureux,
Ne repaissez de rien vostre cœur genereux,
Qui ne sente le fer, la cholere et la rage […]10.

  • 11  Augustin, Tract. In Joann., 124, 5 : […] cum ira Dei non sit ut hominis, id est perturbatio consci (...)
  • 12  Jean Raulin(1443-1515), Sermonum quadragesimalium, Anvers, Gasparus Bellerus, 1612, p. 14 : Non es (...)
  • 13  Mathurinus Quadratus, « Homélie 14 sur Am 5, 1-6 » inAmos Propheta viginti et novem Homiliis expli (...)

9Dans la tragédie humaniste, les dieux gouvernent les êtres humains en excitant leurs passions. La colère divine est un thème commun à la mythologie païenne et à la théologie biblique. Philon et les premiers pères de l’Église ont mis en garde contre cet anthropomorphisme difficile à concilier avec l’impassibilité divine. Augustin a établi que « l’ire de Dieu n’est pas, comme chez l’homme, le trouble d’un esprit emporté, mais l’institution tranquille d’une juste punition »11. Il reste qu’encore au XVIe siècle, la colère de Dieu est une des explications que fournit la théologie aux calamités du monde, aux blessures de l’Histoire. Les prédicateurs développent le thème du courroux divin afin de susciter une crainte respectueuse devant la puissance céleste et le repentir du pécheur : Raulin affirme qu’« il n’est pas étonnant que Dieu s’irrite contre nous, car il espère chaque jour que nous nous repentions, et nous ne le faisons pas »12.Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les théologiens, sommés de donner sens aux affrontements religieux et de faire pièce à la lecture machiavélienne de l’Histoire, qui accordait aux actions humaines et à la Fortune la première place, mettent l’exégèse biblique au service d’une élucidation de l’actualité. Par exemple, le théologien franciscain Mathurinus Quadratus publie en 1587 des homélies sur le livre d’Amos, où il interprète les malheurs du temps comme la sanction par Dieu d’une société corrompue13. Ce contexte explique que la colère de Dieu devienne dans la tragédie un affect véritable.

10Le chœur, qui fait entendre la voix de la commisération, de la résignation au châtiment, attribue également les malheurs des hommes à l’ire divine, qui demeure pour lui un mystère :

  • 14  R. Garnier, Les Juifves, I, v. 91-96, éd. cit, t. I, p. 20.

Pourquoy Dieu, qui nous a faits
D’une nature imparfaits,
Et pecheurs comme nous sommes,
S’irrite si griefvement
Du mal que journellement
Commettent les pauvres hommes14 ?

11Lorsqu’il s’efforce néanmoins de lui chercher des causes, il accuse les péchés des hommes, comme l’impiété :

  • 15  E. Jodelle, Didon se sacrifiant, II, v. 993, p. 69.

Quiconque rompt la foy encourt des grands Dieux l’ire15.

Ou les crimes des ancêtres :

  • 16  R. Garnier, Cornélie, I, v. 151-154, in Œuvres complètes, éd. cit., t. III, p. 159.

Sur ton dos chargé de miseres
Des Dieux la colereuse main
Venge les crimes que tes Peres
Ont commis, ô peuple Romain [...]16.

  • 17  Id., Marc Antoine, I, v. 312-228, éd. cit., t. IV, p. 22-23, et Les Juifves, I, v. 103-156, éd. ci (...)

12Ainsi le discours du chœur révèle, au-delà de la culpabilité individuelle de tel ou tel prince, une cupabilité collective. Au premier acte de Marc Antoine, en faisant référence à Prométhée, il renvoie à la faute originelle, et au début des Juifves, il rappelle que, sans la grâce, l’être humain est condamné à pécher depuis qu’Adam et Eve ont été chassés du Paradis terrestre17.

13Cependant le thème de l’ire divine n’apparaît pas seulement dans le discours du chœur. Les personnages individuels également y trouvent la cause de leurs souffrances. Dans Porcie, la Nourrice voit dans les guerres civiles qui déchirent Rome la conséquence de la vengeance de Junon :

  • 18  R. Garnier, Porcie, II, v. 449-452, in Œuvres complètes, éd. cit., t. III, p. 74.

A ceste heure Junon, et quiconque des Dieux,
Ennemy des Troyens, nous avoit odieux,
Prennent abondamment dessus nous la vengence
De nos premiers ayeux qui leur firent offense […]18.

14Mardochée, au début de l’Aman de P. Matthieu, attribue à l’ire de Dieu les malheurs des Israëlites :

  • 19  P. Matthieu, Aman Seconde tragedie (Lyon, Benoist Rigaud, 1589), I, v. 5-12, in Théâtre complet, é (...)

la divine cholere
Nous comble malheureux d’une telle misere.
A la celeste voix nous avons faict des sours,
Perfides nous avons marché tout à rebours
Nous forlignans du trac d’amour et de justice,
Et n’est-il pas raison que le ciel nous punisse ?
La fureur, le despit, les effrois, le courroux,
De nostre Dieu, helas se lancent contre nous […]19.

De même, dans Les Lacènes, Cratesiclea se demande :

  • 20  A. de Montchrestien, Les Lacènes (d’après l’éd. de 1601), IV, v. 1394-1395, éd. G. E. Calkins, Phi (...)

Est-ce l’ire du Ciel, ou l’arrest du Destin,
Qui veut que ce jourd’huy toute ma race meure,
Et qu’apres elle encor’ vivante je demeure20 ?

  • 21  Voir J. Delumeau, Le Péché et la peur : la culpabilisation en Occident (XIIIe-XVIIIe siècles), Par (...)

15En plaçant la colère divine sur le même plan que les décisions du Destin, Montchrestien la présente comme une force toute-puissante, inexorable et funeste. Le plus souvent redouté, le châtiment qu’elle inflige est aussi, parfois, désiré. Ainsi, lorsque dans Aman de Matthieu, Mardochée découvre le complot de Tharès et Bagatha contre le roi Assuère, il supplie Dieu d’envoyer sa foudre, qui apparaît alors comme une force purificatrice. La tragédie humaniste se présente alors bien comme le genre d’une époque. Le sentiment de culpabilité collective qui imprègne la tragédie est celui qui étreint les témoins des troubles civils, et qu’entretiennent la prédication, les occasionnels, la poésie de circonstance21.

16La colère n’est donc pas, dans la tragédie humaniste, une passion comme les autres : elle est un ressort primordial de l’action. Elle affecte à la fois les hommes et les dieux, mais sans doute n’est-elle dans les deux cas de la même essence.

Les colères des hommes

17Les tragédies humanistes mettent en scène des êtres de langage, qui naissent à eux-mêmes en exprimant leur passion et qui prennent consistance dans l’imagination du spectateur par ce qu’ils révèlent de leur vie intérieure. Si elles représentent des personnages de haut rang, elles privilégient ceux qu’accable le destin : les titres qu’elles portent sont des noms de victimes. Elles ne négligent pas pour autant les puissants, dont elles représentent la colère. Celle-ci caractérise le tyran, qu’il soit le monarque en titre, tel Saül, ou un favori omnipotent, tel Aman. Dans ce cas, la colère est dévastatrice parce que rien ne l’endigue, comme le dit, au cinquième acte des Lacènes, le chœur :

  • 22  A. de Montchrestien, Les Lacènes (d’après l’éd. de 1601), V, v. 1505-1510, éd. G. E. Calkins, Phil (...)

00000» Rien n’est si fort à redouter,
» Que l’Ame d’un Prince élancée,
» De colere insensée :
00000» Rien n’a pouvoir de l’arrester,
» C’est comme un feu pris à l’amorce,
» Qui s’eschape de force22.

18L’hybris du tyran fait de sa colère un fléau dont les effets sont incalculables. Les dramaturges reprennent à l’envi ce thème, qui devient un lieu commun.

  • 23  E. Jodelle, Cléopâtre captive, I, v. 483, éd. cit., p. 87.
  • 24  R. Garnier, Les Juifves, V, v. 2058, éd. cit., t. I, p. 104.
  • 25  E. Jodelle, Cléopâtre captive, II, v. 390 et 402, éd. cit., p. 85.
  • 26  R. Garnier, Marc Antoine, IV, v. 1362, éd. cit., t. IV, p. 70.

19Le tyran tragique est parfois considéré comme un châtiment céleste. Ainsi, dans Cleopatre captive, Octavian est le « vengeur des grands Dieux offensés »23, et dans Les Juifves, Nabuchodonosor est appelé par Amital l’« exécuteur »24 de la colère de Dieu. Le tyran se considère lui-même comme un Dieu sur la terre et comme un rival des divinités admises. Octavian se dit le « général » du Ciel sur terre et aspire à se « joindre au saint nombre des Dieux »25. Dans Marc Antoine, Octave s’estime « Egal à Jupiter »26. Dans Les Juifves, Nabuchodonosor exprime sans détour sa folie des grandeurs :

  • 27  Id., Les Juifves, II, v. 192, éd. cit., t. I, p. 24.

Je suis l’unique Dieu de la terre où nous sommes27.

20Chez Montchrestien, Aman engage une lutte contre le Dieu d’Israël, qui est l’affrontement de deux colères. Comme ses provocations restent temporairement sans effet, il pense pouvoir conclure à l’impuissance de Dieu :

  • 28  A. de Montchrestien, Aman, II, v. 543-546, in Tragédies (d’après l’éd. de 1604) éd. L. Petit de Ju (...)

Soit connu désormais à la posterité,
Que ce Dieu d’Israël par Aman irrité
De parole et d’effet, n’en a pris la vengeance ;
Que son courroux est feint et feinte sa puissance […]28.

  • 29  À partir des v. 96 à 99 de l’Hercule furieux de Sénèque, Florence Dupont voit dans la gradation du (...)

21Le chœur dénonce le furor29 du tyran, qu’il caractérise comme un « courage insensé ». Le tyran sort du sens parce que la colère trouble l’entendement et empêche un discernement rationnel, ce qu’expriment la métaphore de la fumée et la comparaison avec le brouillard qui apparaît dans le discours du chœur à la fin du deuxième acte :

  • 30  A. de Montchrestien, Aman, II, v. 559-570, éd. cit., p. 250.

00000» C’est une chose bien à craindre
» Que l’ire d’un Prince offensé ;
» Car elle brusle sans s’esteindre
» Dedans son courage insensé.
00000» Son ame une fois allumée
» De ce feu vif et devorant,
» S’emplit tant de noire fumée,
» Qu’elle est aveugle au demourant.
00000» Comme par la broüée obscure
» Un corps petit bien grand paroist,
» Pour petite que soit l’injure,
» Par la colere elle s’acroist30.

  • 31  Plutarque, Les Œuvres morales et meslees, II, trad. Jacques Amyot, Paris, Michel Vascosan, 1572, f (...)
  • 32  Ibid., XI, fol. 60v.

22Ces analogies sont empruntées à Plutarque, qui dit que « comme font ceulx qui se bruslent eulx mesmes dedans leur maison, [la colère] remplit tout le dedans de trouble, de fumée, et de bruit : de maniere qu’elle n’oit, ny ne voit rien de ce qui luy peult profiter »31 et qu’« ainsi comme les corps à travers un brouillas apparoissent plus grands, aussi sont les faultes à travers la cholere »32. Or l’une des idées les plus fécondes de Plutarque est que « ce qui plus engendre de frequentes et continuelles hargnes de choleres en nostre ame, qui s’y amassent petit à petit, c’est l’amour de nous-mesmes ». Le discours du chœur dénonce la propension à la démesure, la présomption, la philautie, la vanité, la crainte du mépris d’autrui, le désir d’être tenu pour un dieu, et articule logiquement ces passions entre elles :

  • 33  A. de Montchrestien, Aman, II, v. 591-598, éd. cit., p. 251.

00000N’est-ce pas une erreur extresme
Que d’oser ainsi presumer ?
L’homme qui connoist bien soy-mesme,
Ne se fera tant estimer.
00000On ne vit jamais creature
Prendre la place au Createur,
Qu’une miserable aventure
N’ait affronté cette fureur33.

23Le tyran est enflé d’un orgueil qui le rend susceptible et provoque sa colère ; il veut qu’on l’adore, il réclame pour lui une vénération qui ne revient qu’à Dieu. Son furor procède d’une ignorance de sa condition véritable, d’une incapacité à appliquer le « connais-toi toi-même » socratique. Il fait de lui un rival de la divinité, comme le signalent à la rime les substantifs antithétiques « creature » et « Createur ».

24La colère est le propre du tyran, mais elle pourrait animer le bon roi, s’allier à la juste indignation, au courage, à la magnanimité. Une telle conception de la colère, d’essence aristotélicienne, apparaît dans le discours parénétique de Nabuzardan, le conseiller de Nabuchodonosor, dans Les Juifves :

  • 34  R. Garnier, Les Juifves, II, v. 271 et 277-278, éd. cit., t. I, p. 28.

» Jamais homme cruel n’eut l’ame magnanime.
[...]
» Mais un Roy qui peut tout, n’a qu’à se retenir,
» Si quelqu’un l’a fasché, de ne le trop punir34.

  • 35  Selon De Ira, I, 8, la passion et raison ne peuvent cohabiter et lorsque la colère pénètre dans l’ (...)

25Mais ce modèle d’une colère sous contrôle, incompatible avec la conception de Sénèque35, se réalise rarement. Dans l’Aman de Pierre Matthieu, le bon roi Assuère, averti de la conspiration de deux eunuques contre lui, ne fait rien pour juguler sa colère :

  • 36  P. Matthieu, Aman Seconde tragedie, I, v. 441-445, éd. cit., p. 505-506.

Mon courroux bouillira et mon cœur, mon cœur mesme,
En ce siege Royal rendra ma face blesme :
Tout ainsi que l’on voit un torrent fluctueux
Ondoyer sur les prés d’un mont precipiteux,
Je feray flo-floter une juste cholere,
On verra à mes flancs Alecton et Megere […]36.

26Les princes de sa cour ont beau l’exhorter à la clémence, il persévère dans sa résolution de punir de mort les coupables. Parfois, l’analyse par le chœur de la psyché du monarque accroit la tension dramatique en faisant pressentir un danger, en créant un climat de sourde menace. Ainsi, lorsque le chœur d’Hippolyte évoque la colère de Thésée en empruntant à Plutarque ses images, il laisse présager qu’elle pourrait avoir des conséquences fatales :

  • 37  R. Garnier, Hippolyte, IV, v. 1947-1964, éd. cit., t. IV, p. 188-189. Cf. Plutarque, « Comment il (...)

» L’ire desloge la raison
» De nostre cerveau, sa maison :
» Puis y bruit l’ayant delogee,
» Comme un feu dans un chaume espars,
» Ou un regiment de soudars
» En une ville saccagee.
» Tout ce qui se voit de serpens
» Aux deserts d’Afrique rampans,
» Des monstres le fameux repaire :
» Tout ce qu’aux Hyrcaniques mons
» Loge de Tigres vagabons,
» N’est tant à craindre qu’un colere :
» Qu’un colere, qui maintefois
» A tant faict lamenter de Rois,
» Despouillez de sceptre et d’Empire :
» Qui tant de braves Citez
» A les murs par terre jettez,
» Et tant faict de Palais destruire37.

27La colère des puissants, manifeste ou latente, tétanise les victimes. En dissuadant la révolte, elle a pour effet de paralyser l’action et fait de la tragédie humaniste un parcours immobile.


  

  • 38  Voir T. L. Zamparelli, « Renaissance Humanist Tragedy : A Mise au Point », The South Central Bulle (...)
  • 39  Voir R. Lebègue, notice d’Hippolyte, éd. cit., t. IV, p. 244-245.
  • 40  R. Garnier, Marc Antoine, II, v. 472-478, éd. cit., t. IV, p. 34 ; III, v. 1140-1150, p. 62.

28En général, la tragédie de la fin du XVIe siècle ne met pas en scène des actions, mais plutôt des réactions émotives à des événements extérieurs38. Le plus souvent, le protagoniste est soit la victime, soit un personnage meurtri par la mort de celle-ci, comme Porcie ou Cornélie. Sa plainte dénonce la puissance du Sort, de la Fortune, du Destin – termes que les dramaturges de l’époque ne distinguent pas toujours nettement39 –, mais aussi le pouvoir délétère des passions. Face à sa femme d’honneur Charmion qui affirme que la toute-puissante fatalité s’impose même aux Dieux, Cléopâtre va jusqu’à prétendre que les dieux ne s’abaissent pas à régir les affaires humaines et que les hommes les accusent à tort de leurs maux, qui ont pour seule cause les passions. À l’acte suivant, Antoine adopte une position analogue, quand il déclare ne devoir son malheur ni à la Fortune, ni au Destin, mais uniquement à la Volupté40.

  • 41  Horace, Ep., I, 2, v. 62 : Ira furor breuis est.
  • 42  Cf. En., IV, v. 300-303.

29Les penseurs de la Renaissance répètent à l’envie la formule d’Horace qui fait de la colère une folie brève41. Une équivalence s’établit entre les fureurs : la colère est un transport au même titre que la transe prophétique. Garnier se souvient de la rage de la Didon de de Virgile42 lorsqu’il évoque celle de Phèdre :

  • 43  R. Garnier, Hippolyte, III, v. 1555-1570, éd. cit., t. IV, p. 171.

00000» Comme une Menade troublee,
» Hûlant d’une voix redoublee,
» Fait, yvre, mille ardans effors
» Des pieds, des mains, de tout le corps,
» Le jour qu’à Bacchus, le bon pere,
» Portant au poing le Thyrse aimé,
» Elles vont au haut de Cythere,
» Faire l’Orgie accoutumé ;
00000» Celle-là forcene en la sorte,
» Voire d’une fureur plus forte,
» Qui dedaignee en son amour,
» Porte au cœur la haine à son tour.
» Elle ne brasse que vengence,
» La vengence la joint tousjours,
» Et quoy qu’elle discoure et pense,
» Ce ne sont que sanglans discours43.

30Si la tragédie humaniste est en apparence statique et lyrique, c’est que le protagoniste subit un malheur qu’il perçoit comme une fatalité, qui lui interdit tout acte de rébellion et qui ne lui laisse d’autre possibilité qu’une insurrection en paroles. Obligé de subir l’infortune sans pouvoir la conjurer, il se met en colère : le désir d’action frustré se manifeste par une lamentation qui, au comble de la souffrance, se mue en emportement contre le tyran ou contre les dieux. Cornélie, qui a perdu un premier mari et qui a presque vu le second, Pompée, assassiné par traîtrise, mourir entre ses bras, exprime sa révolte :

  • 44  Id., Cornélie, II, v. 414-416, éd. cit., t. III, p. 169.

00000à plaindre je me pris,
A crier, me destordre, et contre le ciel mesmes
Vomir de grand fureur mille outrageux blasphémes […]44.

31Aux victimes ne demeure que la dignité. Lorsque cela même leur est refusé, lorsque leur honneur est bafoué, la colère éclate. Ainsi, dans Cleopatre captive, une scène que Plutarque avait seulement esquissée, sur un ton léger, est développée par Jodelle, sur un ton plus grave. Cléopâtre offre son trésor à Octavian ; son serviteur Seleuque déclare alors qu’elle dissimule une partie de ses richesses ; voyant sa ruse découverte, elle s’emporte contre lui, le tire par les cheveux et martelle du poing son visage. Cette crise de colère est une manifestation de fierté et une revendication de vertu :

  • 45  E. Jodelle, Cléopâtre captive, III, v. 1018-1019, éd. cit., p. 102.

Me pensais-tu veuve de ma vertu
Comme d’Antoine45 ?

32La plupart du temps, la colère des victimes, celle de Didon, Cléopâtre, Porcie, Cornélie, suscite la pitié : elle témoigne d’une souffrance qui provoque l’empathie du spectateur. Dépourvue d’efficace, elle est aveu d’impuissance. Elle signifie la difficulté à se résigner. Souvent, elle s’apparente à un baroud d’honneur avant le suicide, qui se présente comme la seule issue désirable, parce qu’il permet de conquérir une liberté que le tyran refuse. Ptolomée enrage d’apprendre que Cleomène s’est suicidé :

  • 46  A. de Montchrestien, Les Lacènes (d’après l’éd. de 1601), V, v. 1479-1480, éd. cit., p. 142.

Cleoméne en se tuant soy-mesme,
A pu se garantir de ma cholere extresme46.

  • 47  R. Garnier, Marc Antoine, II, v. 647, éd. cit., t. IV, p. 43.
  • 48  Voir F. Joukovsky, « Le tragique dans la Cléopâtre captive » in Parcours et Rencontres. Mélanges E (...)

33Par la colère et le suicide s’affirment une indépendance inviolable et une autonomie irréductible, face à la Fortune qui les nie. Mais alors que la colère se révèle un effort vain, le suicide, cette « mort généreuse »47, apparaît à la victime comme le moyen de reprendre le contrôle de son destin, de transformer une défaite en victoire, de convertir la pitié en admiration, et même de se rédimer par une mort sacrificielle48.


  

34Entre la colère du tyran, qui est si terrible qu’elle n’a pas besoin d’éclater pour être efficace, et la colère des victimes, qui est vouée à l’échec, il y a une colère qui se mue en action, celle du tyrannicide. Les conspirations contre le tyran sont au centre de plusieurs tragédies humanistes, composées en général par des réformés, comme Jacques Grévin (César, 1561) et Jacques de La Taille (Alexandre, 1573), mais aussi par des catholiques comme Adrien d’Amboise (Holoferne, 1580).

35Le César de Grévin met en scène trois conjurés qui, s’ils agissent tous pour rendre à Rome la liberté, adressent à l’empereur des griefs nettement distincts : Cassius et Decime Brute haïssent César en tant que personne, à cause de ses vices, alors que Marc Brute le combat en tant que restaurateur de la monarchie, en tant que tyran. Or c’est ce dernier, le plus noble, qui est animé par le courroux :

  • 49  J. Grévin, César (Théâtre, Paris, Vincent Sertenas, 1561), II, 1, v. 395-398, éd. E. S. Ginsberg, (...)

Puissent à tout jamais ceux qui viendront de nous
Sentir, en tel besoing, en leur cueur le courroux
Que je couve dans moy, et dont jà l’estincelle,
Trop longtemps patiente, aujourdhuy se décelle […]49.

36Ailleurs, la colère peut naître d’une condamnation morale du tyran. Dans Alexandre de Jacques de la Taille, l’un des membres du complot, Cassandre, est irrité par l’hybris d’Alexandre, dont il juge l’orgueil « odieux » et « insupportable » :

  • 50  Jacques de La Taille, Alexandre (Paris, Federic Morel, 1573), III, v. 613-618, éd. M. Giulia Longh (...)

Doncques des immortels l’avons-nous mis au rang,
Après tant de travaux, au pris de notre sang.
Pour après essayer son orgueil odieux ?
Orgueil, qui le voulant mettre au nombre des Dieux.
N’est moins insupportable aux hommes qu’il dédaigne,
Qu’aux Dieux pareillement, desquels il s’accompaigne50.

37Ainsi, la colère peut être provoquée par le sentiment d’être méprisé. Elle n’est donc pas toujours motivée par des idéaux de pureté et de liberté. Certaines pièces vont plus loin et l’interprètent comme un signe d’orgueil ou d’envie. Dans Cornélie, le chœur des Césariens dénonce la colère qui conduira à l’assassinat de César comme un effet de l’envie :

  • 51  R. Garnier, Cornélie, IV, v. 1507-1512, éd. cit., t. IV, p. 219.

Mechante Envie, hé que tu fais
D’encombre à ceux que tu repais !
00000Que ton poison leur verse
Une langueur diverse !
» Il tourne le sang de leur cueur
» En une jaunastre liqueur,
00000» Qui par tuyaux chemine
» Le long de leur poitrine51.

38Quand la colère des opprimés ne trouve à s’investir que dans un complot contre le tyran, elle fait naître chez le spectateur, en retour, des affects qui en diminuent l’attrait. Les dramaturges ne peuvent faire que le respect qu’inspire la colère des rebelles ne soit combattu par l’admiration que suscite la magnanimité d’Alexandre ou de César et par la pitié que fait éprouver leur assassinat.

39Ainsi, le discours de la tragédie condamne la colère des tyrans comme la manifestation de l’orgueil, de l’ambition, de la cruauté ; celle des victimes comme un aveu d’impuissance ; celle des tyrannicides comme le signe de passions qui ne sont pas toujours nobles. Ce discours pourrait bien être conditionné par la forme même de la tragédie. Il convient donc de revenir sur celle-ci en étant attentif à la signification que lui attribuent les théoriciens du temps.

Le sens d’un dispositif

40Pour ne pas être victime de l’illusion rétrospective, il ne faut pas lire la tragédie humaniste comme un commencement malhabile de la tragédie classique, comme un genre en devenir, balbutiant, inabouti, mais comme un genre parfait, réfléchi, cohérent. En particulier, il convient de prendre au sérieux les déclarations d’intention des dramaturges dans les préfaces et les analyses des théoriciens dans les arts poétiques.

41La tragédie humaniste fait entendre, à côté d’une parole qui est action, une parole qui est réflexion ; elle intègre son propre commentaire. Le personnage protatique et les chœurs fournissent au spectateur des clefs de lectures ; ils remplissent avant tout une fonction herméneutique. En insistant sur l’inconstance de la Fortune et sur la puissance des passions, notamment de la colère, ils mettent au jour le travail de la nécessité.

42Alors que la forme de son discours et la tradition dramatique prédisposeraient le chœur au lyrisme, à l’expression de l’émotion, Horace, si important au XVIe siècle, lui assigne un objectif moral :

  • 52  Horace, Épître aux Pisons, v. 196-197, éd. et trad. F. Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 1964 (...)

Ille bonis faueatque et consilietur amice
et regat iratos et amet peccare timentis [...]
52.

  • 53  J. Peletier, Art poétique (1555), II, 7, in Sébillet, Aneau, Peletier, Fouquelin, Ronsard, Traités (...)
  • 54  R. Garnier, « argument » de Bradamante, in Œuvres complètes, éd. cit., t. I, p. 116.
  • 55  Voir R. Lebègue, notice d’Hippolyte, éd. cit., t. IV, p. 240.

43Et Jacques Peletier du Mans lui assigne le rôle de « donner à connaître le sens et le jugement du Poète : parler sentencieusement, craindre les Dieux, reprendre les Vices, menacer les méchants, admonester à la vertu »53. A priori, le chœur n’a pas de place assignée, il pourrait intervenir à tout moment de l’action. Il a néanmoins peu à peu disparu du dialogue : l’usage s’est répandu de limiter sa présence à la fin des actes. Il en est venu à ponctuer de ses interventions le déroulement de la pièce, au point que Robert Garnier lui attribue pour fonction « la distinction des Actes »54 et que dans deux de ses pièces, Marc Antoine et Hippolyte, les chœurs ne communiquent plus avec les personnages individuels et ne sont plus vus par eux55. Le recul du chœur par rapport à l’action le prédispose à formuler un bilan des actions accomplies et à juger les comportements. Si l’humanisme a été une culture du commentaire, la tragédie qui s’écrit dans la second moitié du XVIe siècle en est l’héritière.

  • 56  F. Charpentier, Pour une lecture de la tragédie humaniste, Jodelle, Garnier, Montchrestien, Saint- (...)

44Le commentaire qui se fait entendre dans la tragédie, celui, préalable, du personnage protatique, et celui, réactif, des chœurs, formule le plus souvent un discours éthique. Comme l’écrit judicieusement Françoise Charpentier, « les chœurs sont la conscience de la tragédie »56. Ainsi, la tragédie donne forme à une culpabilité : la colère des dieux sanctionne les vices des hommes. Elle dit que, soumis aux passions, et en particulier à la colère, le sujet perd le contrôle de lui-même, sa capacité de jugement, sa liberté : il est hors de lui, il s’aliène. Quand le chœur juge le personnage tragique, c’est pour dénoncer son assujettissement aux passions ; quand il le plaint, c’est de ne pas maîtriser son destin. En effet, non seulement la colère a des conséquences désastreuses et empêche d’avoir prise sur l’événement, mais elle détourne de la seule attitude acceptable : l’assentiment à ce qui devait advenir.

  • 57  Voir O. Millet, « La tragédie humaniste de la Renaissance (1550-1580) et le sacré » in Le théâtre (...)
  • 58  Voir par exemple dans les Odes de Ronsard, le cycle de Denise : « Contre Denise sorçiere » (II, 22 (...)
  • 59  A. de Montchrestien, La Cartaginoise, II, in Tragédies, éd. cit., p. 132.
  • 60  R. Garnier, Marc Antoine, II, v. 743-797, éd. cit., t. IV, p. 46-48.
  • 61  Id., Hippolyte, I, v. 285-380, éd. cit., t. IV, p. 119-122.
  • 62  A. de Montchrestien, David, I, in Tragédies, éd. cit., p. 207-208.
  • 63  Ibid., II, p. 212-214.
  • 64  Id., La Reine d’Ecosse, IV, in Tragédies, éd. cit., p. 105.

45Il convient donc de dépasser l’apparente contradiction entre le lyrisme et le moralisme du chœur. D’une part, le haut lyrisme orphique promu par Ronsard accède aux formes supérieures de la pensée, il retrouve la voie sublime de la prisca theologia, il est une sagesse poétique. Qu’il prenne la forme de l’ode ou de l’hymne, il propose une réflexion sur les forces qui animent le cosmos et en particulier sur les passions qui meuvent les dieux et les hommes, telles que l’amour57 ou la colère58. D’autre part, le chœur ne se lamente pas perpétuellement ; il lui arrive de chanter « en toute allegresse »59, pour célébrer la fécondité du Nil60, les joies de la chasse61, la puissance de l’amour62, la valeur de la chasteté féminine63 ou la félicité céleste64 ; capable de résister à la tentation de la pitié, il peut aller jusqu’à louer l’apathie stoïcienne :

  • 65  Id., Hector, IV, in Tragédies (d’après l’éd. de 1604) éd. L. Petit de Julleville, Paris, Plon, 189 (...)

» O bien-heureuse la pensée
» Qui n’espere rien en souci,
» Et qui ne desepere aussi ;
» Ne pouvant estre traversée
» De voir les accidens humains
» Luy voler ses desirs des mains65.

46Bien qu’il ne soit pas insensible aux misères humaines, le recul qu’il prend par rapport à elles donne à ses méditations leur quiétude et leur sérénité, qui témoignent de la satisfaction qu’il éprouve, par-delà la souffrance de la compassion, de parvenir à un savoir supérieur.

  • 66  J. Grévin, « Brief Discours pour l’intelligence de ce théâtre », in César, éd. E. S. Ginsberg, Gen (...)
  • 67  E. S. Ginsberg, « Analyse », ibid., p. 56.
  • 68  Ibid., p. 57.

47À la différence de son personnage, l’auteur tragique se montre capable d’acquiescer à la nécessité historique. Il puise moins souvent dans le mythe que dans l’histoire. Il ne cherche pas à forger une fable qui recèlerait une vérité anthropologique, mais de reconstituer un événement, qui témoigne d’un ordre du monde. Jacques Grévin définit la tragédie comme « une imitation ou représentation de quelque faict illustre et grand de soy-mesme »66. La source la plus fréquente des tragédies humanistes est Plutarque, auteur de Vies, c’est-à-dire d’une historiographie à hauteur d’homme, attentive aux petites passions des grands personnages. Ellen S. Ginsberg, dans l’introduction de son édition du César de Jacques Grévin, tente de dégager un sens de la pièce et se voit obligée de constater que celle-ci combine deux actions, celle de César et celle des conjurés, et que ces deux actions ont des effets contradictoires, puisque l’une suscite la pitié, et l’autre l’admiration67. Elle explique ce dispositif de la pièce en indiquant que Grévin « a utilisé les données historiques en ce qui concerne le sujet, les principaux personnages, et leur rôle dans l’action sans y rien changer. Il a accepté cette histoire telle quelle, sans essayer de la transformer en structure dramatique »68. Le dramaturge accomplit plus volontiers un travail d’amplification et d’ornementation à partir des matériaux que lui lègue la littérature antique, qu’il ne fait porter son effort sur l’invention et la disposition pour composer une intrigue resserrée et efficiente. Ce respect religieux des faits témoigne d’une fascination devant l’aptitude de l’Histoire à produire du malheur.

  • 69  Jean de La Taille, « De l’Art de la Tragedie » in Tragédies, Saul le Furieux, La Famine ou les Gab (...)

48La tragédie humaniste, en effet, s’organise très rarement autour d’un conflit entre la loi divine et la loi humaine, entre deux justices ou deux systèmes de valeurs. « Son vray subject, dit Jean de La Taille, ne traite que de piteuses ruines des grands Seigneurs, que des inconstances de Fortune, que bannissements, guerres, pestes, famines, captivitez, execrables cruautez des Tyrans, et bref, que larmes et miseres extremes »69. Il renvoie moins fréquemment à des conflits complexes qui se nouent et se dénouent, qu’à une situation qui est donnée au départ et qui se développe jusqu’à ce qu’elle atteigne son terme nécessaire. En ce sens, la tragédie présente un monde cohérent : elle offre un spectacle du malheur, mais ce malheur n’apparaît pas comme une anomalie, ni comme une énigme, ni comme une aporie, il dévoile, plutôt, un ordre caché.

  • 70  Plutarque, « Comment il fault refrener la colere », in Les Œuvres morales et meslees, [trad. de J. (...)

49À partir de cette situation ne s’élabore pas une action, mais une réaction. Les événements sont moins décidés que subis. C’est ce qui explique l’importance de la colère, qui, pour les penseurs de la Renaissance comme pour les philosophes stoïciens de l’antiquité, procède du sentiment de faiblesse et d’impuissance : « de la part dolente de l’ame, et souffrante à cause de son imbecillité, sourt la cholere »70, écrivait Plutarque. L’essentiel, dans l’univers tragique est décidé d’avance : des présages, des songes prémonitoires, des prophéties, laissent deviner à la victime, souvent dès le premier acte, sa fin. Le protagoniste s’avance vers une mort annoncée, inévitable et souvent désirée comme un soulagement ou une expiation. Il est moins l’acteur de son destin qu’il n’en est le patient.

  • 71  E. Forsyth, La Tragédie française de Jodelle à Corneille. Le thème de la vengeance, Paris, Nizet, (...)
  • 72  Voir M. Colakis, Philosophical Eclecticism and Moral Complexity in Senecan Tragedy, PhD Dissertati (...)
  • 73  Martin Delrio,Syntagma tragoediae latinae [...], Antverpiae, ex officina Plantiniana, apud Viduam, (...)
  • 74  Ibid., p. 9-10 : Nihil aliud est Epitasis, quam ipsa inuolutio et perturbatio rerum omnium, in qua (...)

50Le modèle dramaturgique le plus fréquemment imité par les auteurs français est Sénèque, dont le théâtre est souvent réédité à partir de l’édition princeps de 1484 ; or le modèle sénéquien a opéré une simplification du tragique des Grecs : l’homme lutte moins contre les puissances supérieures, qu’il n’affronte la véhémence des passions et la versatilité de la Fortune71. Le lien entre le théâtre de Sénèque et sa philosophie n’est pas aussi évident qu’on pourrait le croire : si le dramaturge aborde des questions philosophiques, il le fait de façon critique et non didactique. Il nourrit son théâtre d’idées empruntées à d’autres écoles philosophiques, aux tragiques grecs, à la rhétorique, à la poésie, et finalement de peu de théories spécifiquement stoïciennes72. Il reste que ce théâtre ne contredit pas la philosophie du Portique et qu’il a pu être lu au XVIe siècle comme l’expression d’une vision stoïcienne du monde. Les dramaturges français, appartenant souvent au milieu des gens de robe et au camp des « politiques », s’accordent avec le néo-stoïcisme, qui est la philosophie du pouvoir, au temps du premier Bourbon. Ils lisent le De Ira de Sénèque et le De cohibenda ira de Plutarque, et conçoivent la colère comme une perturbatio, une force délétère pour l’individu et pour la société. Au genre tragique est assigné un rôle social, celui notamment de montrer les effets pernicieux des passions. Dans un texte qui reflète les idées communément admises sur le genre tragique, Martin Delrio suggère d’atteindre ce but en appliquant les préceptes rhétoriques de Cicéron : « Le poète tragique exprime correctement les mœurs et les personnes, s’il montre clairement leur caractère, leurs dispositions naturelles, leurs habitudes, leurs passions, leurs usages, tant par des mots que par des actes, d’après les règles exprimées dans le troisième livre du De Oratore de Cicéron et dans l’Art poétique aux Pisons »73. La théorie de la tragédie reste cependant discrète sur la fonction dramatique des passions. Certes, Delrio précise que « l’épitase n’est rien d’autre que la complication et perturbation de toute chose, où augmentent les dangers, les colères et les menaces » et qu’il faut que « toute la série des événements dramatiques se tienne comme les maillons d’une chaîne »74, mais il a du mal à concevoir le développement et le changement des passions comme le moteur même de l’action. Cette conception rhétorique de la tragédie ne néglige pas les ressources de la sentence.

51Pour le stoïcisme, l’homme devrait vivre sa vie comme s’il jouait un rôle, comme s’il était un acteur qui ménageait un écart entre lui et son personnage. Or le spectacle de la tragédie humaniste représente un individu entièrement gouverné par ses émotions et incapable de détachement par rapport à lui-même. Cette victime du destin, prise dans une situation qui ne lui laisse d’autre issue que la mort, suit un cheminement éthique qui la conduit à s’irriter et à se révolter, avant de consentir à une nécessité historique qui exprime un ordre supérieur. Le spectateur est incité à compatir, mais aussi à dépasser la compassion pour considérer les effets délétères des passions et acquiescer à l’événement historique.

52La poésie dramatique de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle n’est pas fondée sur des caractères, mais sur des situations : la colère est moins la manifestation d’un tempérament, qu’une réaction à une conjoncture générale ou à des événements particuliers. Qu’elle soit l’expression de la force destructrice qui émeut les puissants ou de la vaine rébellion des victimes contre la fatalité, elle n’offre jamais une solution. Encore faut-il en prendre conscience, et les auteurs qui ont élaboré la tragédie humaniste et qui ont fait de la passion son objet de prédilection, ont forgé un instrument parfaitement adapté à cette fin.

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Notes

1  Sur les passions dans la tragédie, voir E. Forsyth, La Tragédie française de Jodelle à Corneille. Le thème de la vengeance. Paris, Nizet, 1962 ; F. Dobby-Poirson, Le pathétique dans le théâtre de Robert Garnier, Paris, Honoré Champion, 2006 ; M. Mangattale-Cezette, La Représentation des passions dans le théâtre tragique de la Renaissance. Garnier, La Taille, Montchrestien, thèse sous la dir. de N. Dauvois, Université Toulouse-Le Mirail, 2007.

2  Voir Jean de La Taille, « Au Lecteur », in Les Gabeonites, éd. E. Fortsyth, Paris, STFM, 1968, p. 97 : « on ne chante gueres les Tragedies, ny Comedies, sinon les Chœurs [...]. »

3  Voir O. Millet, « La tragédie humaniste de la Renaissance (1550-1580) et le sacré », Le Théâtre et le sacré, Paris, Klincksieck, 1996, p. 88-91.

4  Voir N. Dauvois, « Énonciation lyrique, énonciation tragique dans Saül le Furieux », Littératures, n° 39 (automne 1998), p. 33.

5  E. Jodelle, Cléopâtre captive (1553, 1ère éd. 1574), I, v. 51-54, éd. E. Balmas, La Tragédie à l’époque d’Henri II et de Charles IX, 1ère série, vol. I (1550-1561), Florence-Paris, Olschki-PUF, 1989, p. 74.

6  R. Garnier, Les Juifves, I, v. 1 in Œuvres complètes, éd. R. Lebègue, Paris, Les Belles Lettres, 1949-1974, t. I, p. 17.

7  Id., Hippolyte, I, v. 93-96, ibid., t. IV, p. 41.

8  Id., Porcie, I, v. 40-42, ibid., t. III, p. 60.

9  Ibid., I, v. 71 et 75, p. 61.

10  Ibid., I, v. 103-105, p. 62.

11  Augustin, Tract. In Joann., 124, 5 : […] cum ira Dei non sit ut hominis, id est perturbatio conscitati animi, sed tranquilla iusti supplicii constitutio.

12  Jean Raulin(1443-1515), Sermonum quadragesimalium, Anvers, Gasparus Bellerus, 1612, p. 14 : Non est mirum si contra eos irascatur, cum non pœnitant.

13  Mathurinus Quadratus, « Homélie 14 sur Am 5, 1-6 » inAmos Propheta viginti et novem Homiliis explicatus, Paris, Michel Sonnius, 1587, fol. 72r-v.

14  R. Garnier, Les Juifves, I, v. 91-96, éd. cit, t. I, p. 20.

15  E. Jodelle, Didon se sacrifiant, II, v. 993, p. 69.

16  R. Garnier, Cornélie, I, v. 151-154, in Œuvres complètes, éd. cit., t. III, p. 159.

17  Id., Marc Antoine, I, v. 312-228, éd. cit., t. IV, p. 22-23, et Les Juifves, I, v. 103-156, éd. cit., t. I, p. 20-22. Voir R. Lebègue, « Notice de Marc Antoine », t. IV, p. 209, et O. Millet, « De l’erreur au péché : la culpabilité dans la tragédie humaniste du XVIe siècle », Travaux de Littérature, VIII (1995), p. 63-64.

18  R. Garnier, Porcie, II, v. 449-452, in Œuvres complètes, éd. cit., t. III, p. 74.

19  P. Matthieu, Aman Seconde tragedie (Lyon, Benoist Rigaud, 1589), I, v. 5-12, in Théâtre complet, éd. L. Lobbes, Paris, H. Champion, 2007, p. 493.

20  A. de Montchrestien, Les Lacènes (d’après l’éd. de 1601), IV, v. 1394-1395, éd. G. E. Calkins, Philadelphia, University of Pennsylvania, p. 136.

21  Voir J. Delumeau, Le Péché et la peur : la culpabilisation en Occident (XIIIe-XVIIIe siècles), Paris, Fayard, 1983 ; D. Crouzet, Les Guerriers de Dieu, Seyssel, Champ Vallon, 1990.

22  A. de Montchrestien, Les Lacènes (d’après l’éd. de 1601), V, v. 1505-1510, éd. G. E. Calkins, Philadelphia, University of Pennsylvania, p. 144.

23  E. Jodelle, Cléopâtre captive, I, v. 483, éd. cit., p. 87.

24  R. Garnier, Les Juifves, V, v. 2058, éd. cit., t. I, p. 104.

25  E. Jodelle, Cléopâtre captive, II, v. 390 et 402, éd. cit., p. 85.

26  R. Garnier, Marc Antoine, IV, v. 1362, éd. cit., t. IV, p. 70.

27  Id., Les Juifves, II, v. 192, éd. cit., t. I, p. 24.

28  A. de Montchrestien, Aman, II, v. 543-546, in Tragédies (d’après l’éd. de 1604) éd. L. Petit de Julleville, Paris, Plon, 1891, p. 250.

29  À partir des v. 96 à 99 de l’Hercule furieux de Sénèque, Florence Dupont voit dans la gradation du dolor au furor, et du furor au nefas, le schème de l’action tragique chez les Romains (Les monstres de Sénèque. Pour une dramaturgie de la tragédie romaine, Paris, Belin, 1995, p. 56). Ce modèle de progression dramatique s’appliquerait parfaitement à Médée de La Péruse et à Aman de Monchrestien. Nous n’avons cependant pas trouvé mention, chez les commentateurs du XVIe siècle, de la gradation mise en évidence par F. Dupont.

30  A. de Montchrestien, Aman, II, v. 559-570, éd. cit., p. 250.

31  Plutarque, Les Œuvres morales et meslees, II, trad. Jacques Amyot, Paris, Michel Vascosan, 1572, fol. 56v.

32  Ibid., XI, fol. 60v.

33  A. de Montchrestien, Aman, II, v. 591-598, éd. cit., p. 251.

34  R. Garnier, Les Juifves, II, v. 271 et 277-278, éd. cit., t. I, p. 28.

35  Selon De Ira, I, 8, la passion et raison ne peuvent cohabiter et lorsque la colère pénètre dans l’esprit, elle y règne en maître. Si certains donnent l’impression de se contenir au milieu de la colère, c’est soit que celle-ci commence à retomber, soit qu’elle est chassée par une autre passion – crainte ou désir.

36  P. Matthieu, Aman Seconde tragedie, I, v. 441-445, éd. cit., p. 505-506.

37  R. Garnier, Hippolyte, IV, v. 1947-1964, éd. cit., t. IV, p. 188-189. Cf. Plutarque, « Comment il fault refrener la cholere » in Plutarque, Les Œuvres morales et meslees, trad. J. Amyot, Paris, Michel Vascosan, 1572, [2], trad. cit., fol. 56v : « la cholere ne fait pas seulement comme dit Melanthius, Maulx infinis, en mettant la raison,/ Pour un temps, hors de sa proper maison :/ mais elle la deloge du tout, et la ferme dehors [...]. »

38  Voir T. L. Zamparelli, « Renaissance Humanist Tragedy : A Mise au Point », The South Central Bulletin, vol. 33, n° 4 (hiver 1973), p. 231-236.

39  Voir R. Lebègue, notice d’Hippolyte, éd. cit., t. IV, p. 244-245.

40  R. Garnier, Marc Antoine, II, v. 472-478, éd. cit., t. IV, p. 34 ; III, v. 1140-1150, p. 62.

41  Horace, Ep., I, 2, v. 62 : Ira furor breuis est.

42  Cf. En., IV, v. 300-303.

43  R. Garnier, Hippolyte, III, v. 1555-1570, éd. cit., t. IV, p. 171.

44  Id., Cornélie, II, v. 414-416, éd. cit., t. III, p. 169.

45  E. Jodelle, Cléopâtre captive, III, v. 1018-1019, éd. cit., p. 102.

46  A. de Montchrestien, Les Lacènes (d’après l’éd. de 1601), V, v. 1479-1480, éd. cit., p. 142.

47  R. Garnier, Marc Antoine, II, v. 647, éd. cit., t. IV, p. 43.

48  Voir F. Joukovsky, « Le tragique dans la Cléopâtre captive » in Parcours et Rencontres. Mélanges Enéa Balmas, Paris, Klincksieck, 1993, t. I, p. 347-360 ; C. Liénard, « Le suicide dans les tragédies de Robert Garnier : les influences néo-stoïciennes », Seizième Siècle, 6 (2010), p. 51-61.

49  J. Grévin, César (Théâtre, Paris, Vincent Sertenas, 1561), II, 1, v. 395-398, éd. E. S. Ginsberg, Genève-Paris, Droz-Minard, 1989, p. 120.

50  Jacques de La Taille, Alexandre (Paris, Federic Morel, 1573), III, v. 613-618, éd. M. Giulia Longhi, in La Tragédie à l’époque d’Henri II et de Charles IX, 1ère série, vol. 4 (1568-1573), Florence-Paris, Olschki-PUF, 1992, p. 408.

51  R. Garnier, Cornélie, IV, v. 1507-1512, éd. cit., t. IV, p. 219.

52  Horace, Épître aux Pisons, v. 196-197, éd. et trad. F. Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 1964, p. 212 : « À lui de prendre le parti des bons et de donner les conseils d’un ami, de modérer ceux qui s’emportent et d’aimer ceux qui on crainte de faillir [...]. »

53  J. Peletier, Art poétique (1555), II, 7, in Sébillet, Aneau, Peletier, Fouquelin, Ronsard, Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, intro., notices et notes de F. Goyet, (Le Livre de poche classique), s.l., Librairie générale française, 1990, p. 279.

54  R. Garnier, « argument » de Bradamante, in Œuvres complètes, éd. cit., t. I, p. 116.

55  Voir R. Lebègue, notice d’Hippolyte, éd. cit., t. IV, p. 240.

56  F. Charpentier, Pour une lecture de la tragédie humaniste, Jodelle, Garnier, Montchrestien, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1979, p. 56.

57  Voir O. Millet, « La tragédie humaniste de la Renaissance (1550-1580) et le sacré » in Le théâtre et le sacré, éd. A. Bouvier-Cavoret, Paris, Klincksieck, 1996, p. 88-91.

58  Voir par exemple dans les Odes de Ronsard, le cycle de Denise : « Contre Denise sorçiere » (II, 22), « Palinodie à Denise » (II, 26), « Epipalinodie » (III, 8).

59  A. de Montchrestien, La Cartaginoise, II, in Tragédies, éd. cit., p. 132.

60  R. Garnier, Marc Antoine, II, v. 743-797, éd. cit., t. IV, p. 46-48.

61  Id., Hippolyte, I, v. 285-380, éd. cit., t. IV, p. 119-122.

62  A. de Montchrestien, David, I, in Tragédies, éd. cit., p. 207-208.

63  Ibid., II, p. 212-214.

64  Id., La Reine d’Ecosse, IV, in Tragédies, éd. cit., p. 105.

65  Id., Hector, IV, in Tragédies (d’après l’éd. de 1604) éd. L. Petit de Julleville, Paris, Plon, 1891, p. 54-55.

66  J. Grévin, « Brief Discours pour l’intelligence de ce théâtre », in César, éd. E. S. Ginsberg, Genève-Paris, Droz-Minard, 1989, p. 89.

67  E. S. Ginsberg, « Analyse », ibid., p. 56.

68  Ibid., p. 57.

69  Jean de La Taille, « De l’Art de la Tragedie » in Tragédies, Saul le Furieux, La Famine ou les Gabéonites, éd. E. Forsyth, Paris, STFM, 1998, p. 3-4. Voir Lazare de Baïf, « Diffinition de la tragedie » in Tragedie de Sophocles intitulee Electre [...], Paris, E. Roffot, 1537 : « Tragedie est une moralité composee des grandes calamitez, meurtres et adversitez survenues aux nobles et excellents personnages [...]. » (cité par H. W. Lawton, Handbook of French Renaissance Dramatic Theory, Westport, Greenwood Press, 1972, p. 35)

70  Plutarque, « Comment il fault refrener la colere », in Les Œuvres morales et meslees, [trad. de J. Amyot], Paris, M. de Vascosan, 1572, t. I, fol. 58v.

71  E. Forsyth, La Tragédie française de Jodelle à Corneille. Le thème de la vengeance, Paris, Nizet, 1962, p. 100-102.

72  Voir M. Colakis, Philosophical Eclecticism and Moral Complexity in Senecan Tragedy, PhD Dissertation, Yale University, Ann Arbor, 1982.

73  Martin Delrio,Syntagma tragoediae latinae [...], Antverpiae, ex officina Plantiniana, apud Viduam, et Ioannem Moretum, 1613, p. 11 : Mores et personas recte Tragicus exprimet, si cuiusque indolem, ingenium, institutum, affectiones, consuetudinem, qua uerbis, qua actione declarabit, iuxta Ciceronis 3. de Orat. et Horatii in Arte ad Pisones normam.

74  Ibid., p. 9-10 : Nihil aliud est Epitasis, quam ipsa inuolutio et perturbatio rerum omnium, in qua pericula, et irae, et minae crescant […]. Magna hic cura et acri iudicio opus est, ut tota series dramatum, quasi cathenae annelli, cohaereat […].

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Pour citer cet article

Référence papier

Bruno Méniel, « La colère dans la tragédie humaniste »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 21 | 2011, 359-375.

Référence électronique

Bruno Méniel, « La colère dans la tragédie humaniste »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 21 | 2011, mis en ligne le 10 mai 2014, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/12453 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.12453

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Auteur

Bruno Méniel

ANR Juslittera – Celam – Université Rennes 2

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