Des arts poétiques à la scène
Résumés
L’article examine le jugement négatif porté par les arts poétiques du XVIe siècle sur leur théâtre contemporain, dans une perspective historique et poétique. Une analyse du chapitre que l’Instructif de la seconde rhétorique consacre aux « moralites, farces et mysteres » montre comment ce texte prélève de la réalité théâtrale de son temps quelques éléments, mais dans une dispositio, avec des catégories et selon des buts propres à son éditeur Antoine Vérard plutôt qu’à ce théâtre. Par ailleurs, c’est bien le texte des mystères que les arts poétiques rejettent, sous la forme d’un jeu de rimes qui le distingue : l’octosyllabe à rimes plates, appelées mnémoniques. Adaptée à la performance, la poétique de la récriture que ce vers rend possible apparaît alors comme une pratique alternative aux théories de l’inspiration des arts d’écrire renaissants. Et l’auteur du texte dramatique renaissant n’est que l’un des « acteurs » d’un fait qui ne saurait s’interrompre avec le Moyen Âge.
Texte intégral
- 1 Voir P. Leblanc, Les écrits théoriques et critiques français des années 1540-1561 sur la tragédie, (...)
- 2 Jacques Peletier du Mans, Art poétique, dans Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissanc (...)
- 3 L’Art Poëtique François, éd. sous la dir. de J.-Ch. Monferran, Paris, Société des Textes Français (...)
- 4 Saül le Furieux, éd. L. Kreyder, dans La tragédie à l’époque d’Henri II et de Charles IX (1568-157 (...)
- 5 Les Corrivaux, éd. M. Barsi, La comédie à l’époque d’Henri II et de Charles IX (1566-1573), Floren (...)
1Aborder le théâtre par les arts poétiques, n’est-ce pas chercher le paradoxe ? Le théâtre est par définition performance, une situation dont le texte, discuté par ces arts, n’est qu’une donnée parmi d’autres. Entre jeu, décor et mise en scène, ce sont les pratiques façonnant cette performance qui rendent le texte dramatique différent des autres textes littéraires. En revanche, parler du théâtre en termes théoriques ou normatifs n’a rien d’impossible, ce dont témoigne la floraison de textes célèbres qui de l’Antiquité à l’âge classique, s’y sont consacrés – de la Poétique à l’Épître aux Pisons, et de Scaliger, à Corneille ou La Mesnardière1. Il reste qu’aux XVe et XVIe siècles, rares sont les textes poétiques à traiter du théâtre qui se joue à leur époque, et qu’on appelle à tort ou à raison théâtre médiéval. En effet, lorsqu’ils évoquent l’art dramatique, les arts poétiques renaissants parlent plutôt d’un théâtre encore neuf, d’une scène d’avant-garde dont ils contribuent à mettre au point la définition : la comédie et la tragédie à l’antique. En 1555, le chapitre VII de L’Art poétique de Peletier du Mans s’intitule « De la comédie et de la tragédie », et il est construit en référence à Térence, Sénèque ou Sophocle2. En 1597, s’il évoque les farces et les moralités aux livres II et V de son Art poétique français, Laudun d’Aigaliers définit dans ce dernier la comédie et la tragédie à l’antique, fussent-elles irrégulières3. Quant à Jean de La Taille, il utilise les préfaces à Saül le Furieux4 et aux Corrivaux5 pour lancer des diatribes contre les farces ou les mystères, la restauration du théâtre à l’antique apparaissant alors comme une nécessité tout autant morale qu’esthétique.
- 6 « Ly, doncques, et rely premierement, (ô Poëte futur), fueillette de Main nocturne et journelle, l (...)
- 7 Voir G. A. Runnalls, « La confrérie de la Passion et les mystères : recueil de documents relatifs (...)
2C’est ainsi que depuis cette époque, et en contraste avec le théâtre élu et forgé par la Renaissance, on a surtout retenu du théâtre joué au XVe et au XVIe siècles sa mauvaise qualité. Lorsque Du Bellay tourne en dérision les « jeux floraux de Toulouse », il déplore la désuétude d’une langue à l’« espicerie » frelatée, et méprise le public d’un « passetemps » considéré comme vulgaire6, que ce soit par le collège de Coqueret ou, avant lui, par les arts de seconde rhétorique. La sanction de cette vulgarité, voire de cette décadence, c’est l’Histoire elle-même qui semble la prononcer : en 1548, le Parlement de Paris interdit aux Confrères de la Passion de jouer des mystères sacrés, alors qu’ils ont le monopole du jeu dans la capitale depuis 14027. Face à une condamnation où arts poétiques et Histoire se répondent, y a-t-il un autre discours possible sur le théâtre qui se joue au XVe et au XVIe siècles, mais qui n’est ni comédie ni tragédie ?
- 8 Voir E. Doudet, « Finis allegoriae. Un trope problématique sur la scène profane française. Nouveau (...)
- 9 Voir J.-P. Bordier, Le Jeu de la Passion. Le message chrétien et le théâtre français (XIIIe-XVIe s (...)
- 10 Voir J. Koopmans et P. Verhuyck, « Les mots et la chose, ou la métaphore comme spectacle. Nouvelle (...)
- 11 Voir M. Bouhaïk-Gironès, Les clercs de la Basoche et le théâtre comique : Paris, 1420-1550, Paris, (...)
- 12 Cette vision est portée par les livres d’H. Rey-Flaud, qui définit le lieu dramatique médiéval com (...)
- 13 Recueil de farces : 1450-1550, éd. A. Tissier, Genève, Droz, 1986-2000, t. VI (1990), p. 19-60, ci (...)
- 14 Sur l’ironie de cette réception à double sens, voir H. Lewicka, « La farce médiévale était-elle un (...)
- 15 C’est une réflexion sur les fonctions du théâtre dans l’opinion publique qui donne son corpus et s (...)
- 16 Le corpus du théâtre médiéval a été décrit et recensé selon cette opposition par Petit de Jullevil (...)
3Pour répondre à la question, il convient de mieux définir ce théâtre, selon les pratiques qui donnent au texte dramatique sa singularité. Celles-ci invitent à prendre en compte aussi bien la composition du texte que sa destination à des spectateurs. Que la composition d’un texte de théâtre médiéval soit le plus souvent une entreprise savante ne fait aujourd’hui aucun doute. Prémices du théâtre de collège, les moralités, proches de la Grande Rhétorique, reposent souvent sur l’usage virtuose de l’allégorie8 ; les mystères, eux, récrivent la théologie9 ; enfin, les jeux de mots subtils et répétés des farces10 laissent percevoir la formation de leurs auteurs, où le docteur ès arts côtoie l’avocat de la Basoche11. Cependant, de toutes ces finesses, lesquelles sont perçues par un public ni nécessairement éduqué ni choisi ? Sans adopter l’interprétation d’un théâtre médiéval conçu par et pour une communauté qui s’y retrouverait pour célébrer ses valeurs, profanes comme sacrées12, le théâtre qu’on souhaite étudier ici, c’est celui qui s’adresse à la place publique, de la ville ou du village, et qui parle à chacun selon ses moyens, selon la conclusion de L’Obstination des femmes : « Bonnes gens, prenez tout en gré ;/ Nous en allons par cy le pas/ Ung chascun selon son degré/ Vueillés prendre en gré noz esbas ! »13. En effet, c’est ce théâtre, défini par des conditions d’énonciation et de réception très larges, et où le texte se donne dans une pratique appréciable par tous à des degrés divers14, qui s’est attiré le mépris des arts poétiques. Adressé à un public varié plutôt qu’à un interlocuteur particulier, qu’il soit loué ou critiqué15, ce théâtre pour tous réunit dans une même poétique théâtre sérieux et théâtre joyeux16, mystères et farces – sans exclure les moralités et les sotties, en dépit de leur aspect avant tout réflexif.
- 17 G. A. Runnalls, « Le Mystère français : un drame romantique ? » (1993), Études sur les Mystères, P (...)
- 18 Cl. Thiry, « Le théâtre, ou la poétique de l’entredeux », Études de Lettres, 4, 2002 (Poétiques en (...)
- 19 Voir Le Jardin de Plaisance et Fleur de Rhétorique, fac-simile de l’éd. Vérard [c. 1501], éd. E. D (...)
- 20 Voir J.-Cl. Mühlethaler, préface à Passages : du Moyen Âge à la Renaissance, op. cit., p. 7 : « Hé (...)
- 21 C’est la perspective de l’art. cit. de G. A. Runnalls, « Le Mystère français… ». Pour un rapproche (...)
- 22 R. Lebègue, Études sur le théâtre français, I. Moyen Âge, Renaissance, Baroque, Paris, Nizet, 1977
- 23 E. Langlois, « Étude sur les origines de la tragédie classique en France. Comment s’est opérée la (...)
4L’objectif de cet article est de comprendre la dévaluation et le statut allusif de ce théâtre pour tous, dans les arts de seconde rhétorique et dans les arts poétiques qui lui sont pourtant contemporains. Chemin faisant, on dialoguera avec les réflexions que Graham Runnalls17 et Claude Thiry18 ont déjà menées sur le seul art de seconde rhétorique qui ait consacré l’un de ses chapitres au théâtre médiéval : immédiatement avant le Jardin de Plaisance et Fleur de Rhétorique, l’Instructif de la seconde rhétorique expose dans son chapitre X et ultime « comm[ent] l’on doit composer/ Moralitez, farces, misteres »19. On reviendra alors à un point d’historiographie désormais acquis, pour l’Histoire comme pour la littérature : l’absence de frontière entre Moyen Âge et Renaissance. Si cette continuité semble s’appliquer sans heurt au théâtre profane20, elle doit également être prise en compte pour le théâtre des mystères et des moralités. Elle suppose de lever l’opposition entre profane et sacré pour l’étude de ce théâtre, et de le considérer comme un dispositif global21. En montrant cette continuité jusque dans les silences ou dans les détours des arts poétiques, on espère contribuer à l’approche transitionnelle de l’époque médiévale et renaissante, en lui ouvrant un angle : celui de la pratique dramatique d’un théâtre pour tous, dans une chronologie sans suture, qui mène du Moyen Âge jusqu’à l’âge classique. Ce travail souhaite ainsi s’inscrire dans la lignée de celui de Raymond Lebègue22, mais aussi des enquêtes déjà anciennes d’Ernest Langlois23.
5On verra d’abord comment l’Instructif de la seconde rhétorique prélève de la réalité théâtrale de son temps quelques éléments afin d’en faire la publicité, mais dans une dispositio, avec des catégories et selon des buts qui sont étrangers à ce théâtre, et propres à Antoine Vérard et à l’histoire de l’édition. On formulera ensuite une hypothèse pour éclairer le contournement ou l’occultation du théâtre médiéval par les arts d’écrire qui lui sont contemporains. Les arts de seconde rhétorique et les arts poétiques se consacrent au texte, et c’est bien le texte des mystères qu’ils haïssent ou ignorent, sous la forme du jeu de rimes qui le distingue : un octosyllabe à rimes plates, appelées en l’occurrence mnémoniques. On verra alors que la poétique propre au théâtre médiéval est une pratique alternative aux arts d’écrire, où l’auteur n’est que l’un des « acteurs » d’un fait dramatique qui ne saurait s’interrompre avec le Moyen Âge.
- 24 Le dernier huitain est une ode de l’Infortuné, auteur anonyme de l’Instructif, à « Clio » et « Fro (...)
- 25 Voir S. R. Kovacs, « Staging Lyric Performance in Early Print Culture : Le Jardin de Plaisance et (...)
- 26 Voir J.-Cl. Mühlethaler et F. Cornilliat, Poétiques de la Renaissance, op. cit., p. 91-109, qui aj (...)
6L’exception est bien connue : l’Instructif de la seconde rhétorique est le seul art poétique des XVe et XVIe siècles à avoir consacré un discours articulé à la pratique du théâtre qui se joue à son époque en désignant ce dernier par son nom. En exposant « […] comme l’on doit composer/ Moralitez, farces misteres », ce texte traite respectivement de chaque sorte de pièce dans quatre, trois puis quatorze huitains24. Les travaux récents sur l’Instructif ont mis au jour son fonctionnement comme anthologie de textes poétiques, composée dans les ateliers d’Antoine Vérard25. L’imprimeur a choisi et mis en valeur des textes susceptibles de toucher un public de plus en plus vaste, à qui la lecture doit apporter une amélioration de son langage et de son niveau culturel. En matière de réflexion sur la création poétique, le texte n’apporte guère de nouveauté. Il se fait plutôt le relais d’une pensée sur l’inspiration par les Muses qui prend sa source au XIVe siècle et se poursuit au XVIe siècle26. Autrement dit, l’Instructif fait la promotion de formes poétiques présentées comme neuves et remarquables, mais à partir d’une pensée de la poésie connue voire convenue pour son époque. L’audace y est calculée, et son effet relève plus de la stratégie commerciale que d’une pensée singulière du texte poétique ou littéraire.
- 27 Ce n’est qu’une façon de considérer ces pratiques, selon les circonstances historiques et sociolog (...)
- 28 Cl. Thiry, « La poétique de l’entredeux… », art. cit., p. 61-68.
7Dans ce cadre, on comprend que l’Infortuné, personnage fictif dont le propos porte ensemble l’Instructif et le Jardin de Plaisance, c’est-à-dire l’art poétique et l’anthologie qui le suit, ait souligné ce qui dans les formes de théâtre sus citées relève de la Grande Rhétorique, une pratique poétique à laquelle son contexte de création courtisan confère une certaine reconnaissance sociale27. Claude Thiry a dressé le tableau des excellents passages de lais, virelais et autres prouesses formelles dans les textes de mystères contemporains de l’Infortuné, et notamment dans la Passion de Gréban, composée vers 1450, date qui en fait une référence possible pour l’Instructif28.
8De Gréban à ses récritures, les mystères donnent donc des exemples indubitables de Grande Rhétorique. Cependant, dans sa façon d’évoquer ces exemples, l’Instructif trahit une opinion réservée sur l’écriture dramatique. Ainsi, des 21 huitains évoquant le théâtre, l’Infortuné ne consacre qu’un nombre très limité aux « rethoricques ornacions » (moralités, huitain 2) et autres « formes sortables » (mystères, huitains 5 et 6) de cette écriture. De plus, on ne peut que relever les nuances de ses prescriptions. Si, selon l’usage des arts d’écrire, c’est au subjonctif présent que l’Instructif explique comment « Nominacion soit bien faincte » (moralités, huitain 1), et comment « […] on les doit decorer/ De belles collocutions » (moralités, huitain 2), les huitains 5 et 6 des mystères pratiquent aussi le commentaire restrictif : « Toutteffoys l’on ne doit point faire/ De laiz ne de virlaiz aussi/ Qui n’en veult fournir et parfaire/ Deux ou troys coupletz par ainsi/ Que chascun couplet par tel si/ Soit fait : que du moins il compreigne/ Douze lignes… » (huitain 6). Déplorant implicitement la brièveté de certains couplets, l’Instructif ne considère-t-il pas que « c’est en nyvelet/ De batailleur compositeur » (huitain 4) que les fatistes, auteurs de mystères, composent leur texte ?
- 29 Voir en ce sens Cl. Thiry, « La poétique de l’entredeux… », art. cit., p. 58 et 69.
- 30 Voir G. Dahan, « Notes et textes sur la poétique au Moyen Âge », Archives d’histoire doctrinale et (...)
- 31 Dans ces extraits de l’Instructif, je souligne.
9Dès lors, si l’utilisation virtuose de formes rhétoriques et poétiques par les moralités ou les mystères a retenu l’attention de l’Instructif, c’est parce que ces formes, anoblies par leur virtuosité, sont susceptibles de conférer à l’écriture dramatique une visée d’obédience aristotélicienne29. Issue de la lecture de la Poétique effectuée du XIIe au XVe siècle, cette visée repose sur le classement fautif de la Poétique dans l’Organon, où elle est considérée comme rhétorique, c’est-à-dire comme une partie de la logique, dont le but moral est rappelé de façon insistante30. Ainsi, les mystères devront « en brief traicter une grant chose » où le « delictable » fait écho au « notable » des chroniques ou histoires racontées (huitain 1). La moralité, elle, a pour but « d’expliquer la matiere […]/ Par parabolee maniere » (huitain 1) : « L’on doit donc les vertus priser/ Et des vices dire le mal/ Puis les vertus auctoriser » (huitain 3). Paraboles, vertus et vices font référence au dispositif allégorique, capable de produire un discours qui relève de l’auctoritas. Et c’est jusque dans la farce, « matiere comedieuse », qu’il s’agit d’allier moralité et poésie dramatique, en prélevant et en disposant la matière pour en produire un commentaire correct : « Pour faire ce nota maintiengne/ Chascun qui en veult compiler/ Ceste joyeuse matiere tiengne/ S’il veut bien a droit postiler/ Item il doit bien simuler/ Chose qui soit melodieuse/ Et plaisante pour recoler/ Pour matiere comedieuse » (huitain 1)31.
- 32 Voir M. Gally, « Archéologie des arts poétiques français », Arts poétiques de la Renaissance, numé (...)
10Ainsi, plutôt qu’il ne le trouve dans le théâtre de son temps, l’ensemble du chapitre X lui fournit un objectif constant : celui de construire une fable lisible, communicable et compréhensible, qui élève l’âme au niveau de l’honnête grâce au commentaire. Dans un geste propre aux arts de seconde rhétorique, l’Instructif participe donc de la légitimation d’une parole vernaculaire qui s’affirme contre les prérogatives du seul discours philosophique32, et qui s’appuie sur Aristote, mais aussi sur Horace. Car la construction d’une fable morale passe par l’indication répétée d’une « congruence » où résonne l’Épître aux Pisons. Dans les moralités, le langage doit avoir « […] en soy utilité/ Grande en ung chascun personnaige » ; et dans les mystères, c’est à la fois la « forme » qu’il convient « assorter/ Selon qu’el peult estre conforme » (huitain 2), et le « langaige » qu’il faut donner « a chascun selon la personne » (huitain 7). Le premier conseil adressé aux mystères suggère l’organisation de la scène en groupes dont le nombre croît avec les « grandeurs » et « honneurs » des personnages qu’ils entourent. Le second génère toutes les strophes postérieures au huitain 6, autour d’une anaphore en « se » qui énumère la gamme possible des propos selon l’« estat », en l’occurrence l’âge ou le métier des personnages.
11Ce que l’Instructif propose au théâtre de son époque, c’est donc un art d’écrire et de composer qui relève à la fois de Guillaume Crétin, d’Aristote et d’Horace. Cependant, étant donné la dimension souvent prescriptive et critique de son propos, on s’interroge sur la part de réalité que recouvre cette évocation de la fable dramatique des années 1470. Ne s’agit-il pas plutôt d’un placage sur le fonctionnement du théâtre de son époque ? Et si oui, quel en est le but ?
- 33 « Icy s’en retournent les anges en Paradis et en doit tousjours demourer ung avecques Nostre Dame (...)
- 34 Voir le Mystère du siège d’Orléans, éd. G. Gros, Paris, Librairie Générale Française (Le Livre de (...)
12À n’en pas douter, l’Infortuné fut un spectateur et un lecteur de mystères. Comme pour la Grande Rhétorique, l’allusion à la constitution des groupes en fonction de l’importance sociale des personnages représentés est confirmée par la lecture des textes dramatiques. Chez Gréban, Notre Dame ne va pas sans son ange serviteur33, tandis qu’on mesure la richesse des rois Mages ou la force des armées à l’étendue de leurs cortèges34. De la même façon, sa tentative pour réduire les écarts de langage propres à la farce « sans nommer mot fort deshonneste/ Car ort langaige tost ennuye » (huitain 2) est évidemment motivée par leur fréquent usage. C’est donc par contraste avec ces remarques naturellement articulées au corpus dramatique que la prescription réitérée d’une rhétorique de la congruentia et de la brevitas peut surprendre. En effet, moralités et mystères se caractérisent souvent par leur longueur, et peuvent comprendre jusqu’à 30 000 vers. Et de façon générale, c’est au plan de la dispositio du chapitre X qu’on observe un décalage entre la description et la prescription relatives aux textes « par personnages ».
- 35 Voir G. A. Runnalls, Les Mystères français imprimés, Paris, Champion, 1999, p. 30.
- 36 Voir par exemple le manuscrit BnF, fr. 904 (fin XVe s.), qui contient après la Passion de Semur, L (...)
- 37 Voir M. Bouhaïk-Gironès, Le théâtre de la Basoche, op. cit., p. 224-227.
- 38 Voir E. Serrigny, La représentation d’un mystère de saint Martin, Dijon, Lamarche, 1888, p. 65-66.
- 39 Ibid., p. 203-204.
- 40 Cl. Thiry, « La poétique de l’entredeux… », art. cit., p. 56.
- 41 M. Rousse, Le théâtre des farces en France au Moyen Âge, thèse d’état en 5 volumes, soutenue en 19 (...)
13La présentation des moralités, des farces et des mystères en trois entités distinctes est une construction théorique que tout spectateur ou lecteur des années 1470 ou 1480 devait déceler comme telle, à commencer par Antoine Vérard lui-même. Dans la décennie 1490, celui-ci édite sept mystères, dont la Destruction de Troyes la Grant de Jacques Milet, la Passion de Jean Michel, et la Vengeance Nostre Seigneur de Mercadé35. Il sait donc que très souvent, les trois formes dramatiques se côtoient dans les manuscrits dont il se sert pour composer ses imprimés. Les mystères ne sont que rarement copiés ou édités seuls36, et les deux grands recueils séparés de farces, le recueil de Londres et le recueil de Florence, ont été réunis après la composition de l’Instructif37. Ensuite, cette coexistence des formes au sein des représentations elles-mêmes est bien documentée. Le procès-verbal du Mystère de Saint Martin joué à Seurre en 1496 indique clairement les raisons pour lesquelles on a pu jouer la Farce du Munyer séparément du mystère : il s’agissait de retenir le public des villes voisines, susceptible de quitter Seurre où la représentation était retardée par la pluie38 ! Quant à la Moralité de l’Aveugle et du Boîteux, elle était jouée après la représentation du mystère39. Ce classement tripartite repose-t-il sur une terminologie ancienne mal comprise par la critique contemporaine ? C’est peu probable. À l’inverse, les titres des pièces se caractérisent dans les manuscrits et les imprimés par leur extrême transitivité. Ainsi, « mystère » et « estoire » désignent souvent une seule et même chose – une amphibologie relevée par Claude Thiry40, et qui détruit l’hypothèse de huitains consacrés aux seuls mystères « historiques ». Le terme de farce quant à lui s’avère pour ainsi dire générique, et synonyme de « jeu » aux XVe et XVIe siècles avant d’être supplanté en ce sens par « comédie »41.
- 42 Voir M. Screech, Le Rire au pied de la Croix. De la Bible à Rabelais, trad. P.-E. Dauzat, Paris, B (...)
14Plutôt que d’un problème de terminologie, c’est donc d’une conception globale du texte dramatique qu’il semble être question. Sorti des ateliers d’un imprimeur qui le connaît parfaitement, l’Instructif ne décrit pas le théâtre de son temps. Mais c’est à partir de ce théâtre et de ses caractéristiques les plus fortes qu’il construit un discours qui en polit le contenu et les formes. Séparer dans la dispositio moralités, farces et mystères, c’est lutter contre leur coexistence non seulement au sein de la performance mais aussi au plan de la composition et du sens même de ces textes. Ainsi, chaque mystère comporte, outre une farce séparée, des personnages farcesques dont l’Instructif se garde bien de faire état. Il ne dit mot ni des diables ni des bourreaux, figures incontournables moins pour leur pittoresque que parce qu’elles sont indispensables au sens de ces textes. Ce sens est religieux : c’est l’édification pour tous, selon une pensée de l’inversion et de l’humilité qui ne fait l’économie ni de la dérision, ni du mal42. L’idéologie rejoint alors la terminologie pour associer mystères hagiographiques et mystères historiques. Tous donnent l’illustration vivante et sanglante de maux rachetés par la Passion, le martyre ou la guerre, dans un parcours qui érige en saint le personnage subissant les attaques des diables, des bourreaux ou des ennemis, que ce saint soit religieux ou laïc.
- 43 « Le mystère, drame romantique ? », art. cit., p. 21.
- 44 Sur l’accroissement des scènes de torture caractéristique des mystères de la fin du XVe et du XVIe(...)
- 45 Éd. cit., p. 207. Pour une audace théorique inverse quoique de courte durée, voir Pierre Laudun d’ (...)
15Dès lors, le problème est bien, comme le notait Graham Runnalls, que l’Instructif « ne fait aucune allusion à la religion »43, même lorsqu’il l’évoque. Aux strophes 7 et 8, il est question de « clergé personnaige », et de personnes « d’eglise/ Et d’estat de perfection » – c’est-à-dire de saints. Mais c’est pour donner « loquence », « dit » ou « locucion » à ces prélats, moines ou saints, selon un decore tout horatien ! Or, l’évolution des textes dramatiques44 l’indique : du XVe au XVIe siècle, ce qui intéressait les fatistes aussi bien que leur public, c’est la praxis plutôt que la lexis, et les supplices des personnages « en estat de perfection » plutôt que leur langage « de vertu d’obedience/ Aussi de contemplacion/ Et de prescher bonne science ». Et ce sont bien ces supplices qui provoquent la colère de Jean de La Taille dans la préface à Saül le Furieux : « Il faut toujours […] se garder […] de n[e] faire exécuter sur la scène [des meurtres], et autres morts, […] ainsi que fit quelqu’un, qui avec trop peu de révérence et non selon l’art, fit par feinte crucifier en plein théâtre ce grand Sauveur de nous tous »45.
- 46 Voir, entre autres, R. Lebègue, Le Mystère des Actes des Apôtres. Contribution à l’étude de l’huma (...)
- 47 Cette métaphore gustative, parfaitement adéquate à l’écriture des mystères, est reprise à Du Bella (...)
16Or, le théâtre contemporain de l’Instructif repose sur un lien consubstantiel entre théâtre joyeux et théâtre sérieux, entre matière « comedieuse » et « grant chose ». Perceptible dans le déroulement des représentations comme dans la spiritualité qui les informe, ce lien est soigneusement évité par l’Instructif, dans une composition qui isole artificiellement les farces des mystères ou des moralités. Ce que Vérard gomme alors, c’est la caractéristique majeure de la scène dramatique de son temps : le mélange des registres. Que ce mélange, parce qu’il accorde une place non négligeable à des moments de jubilation linguistique et visuelle, ait été dénoncé par la Réforme comme une entrave à la visée édifiante des mystères afin de condamner ces derniers, est bien connu46. Mais en 1472, le mélange des registres doit être considéré avant tout sous un angle esthétique. Il apparaît alors comme un obstacle à la visée poético-morale d’obédience aristotélicienne que, comme bon nombre de ses contemporains, Vérard entend donner au théâtre. Plutôt que la conception souple de la spiritualité chrétienne propre à son époque, ce que condamne l’imprimeur, c’est sa cristallisation en actes et en registres variés dans une esthétique de la bigarrure – celle-là même qui sera tant décriée par Joachim Du Bellay un siècle plus tard, lorsqu’il souhaite en fermer l’« espisserie »47 !
- 48 Thomas Sébillet, Art poétique françois, éd. F. Gaiffe, mise à jour par F. Goyet, Paris, Nizet, 198 (...)
- 49 Qui reste néanmoins pour lui un genre mineur. La moralité est destinée à être dépassée moins par l (...)
- 50 Voir Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, éd. cit., p. 175-218 pour l’ensemble (...)
- 51 Voir la « Réponse de Guillaume des Autelz, aux furieuses defenses de Louis Meigret », dans Du Bell (...)
17L’Infortuné/Vérard pense-t-il néanmoins que le théâtre de son temps contient quelques éléments susceptibles de correspondre à cette visée poético-morale dérivée d’Aristote ? C’est ce qu’on peut penser à la lecture des quatre huitains qu’il consacre à la moralité, laquelle trouve grâce à ses yeux si, sous sa forme allégorique, elle valorise l’éviction des vices et le triomphe de la vertu. Partant, l’Instructif a peut-être joué un rôle dans la bonne réputation relative qui fut celle de la moralité dans les arts poétiques du XVIe siècle. Jacques Peletier du Mans fut le seul à souhaiter en 1555 la transformation en tragédies de « jeux de martyre » dans lesquels on reconnaît non pas les moralités mais les mystères hagiographiques. Pour les autres arts poétiques, s’il y a suture entre le théâtre médiéval et la rénovation des formes à l’antique, ce sera par la seule moralité. Selon Thomas Sébillet en 1548, « la Moralité françoise represente en quelque chose la Tragédie Grecque et Latine, singulièrement en ce qu’elle traitte fais graves et principaus. Et si le françois s’estoit rengé en ce que la fin de la Moralité fut tousjours triste et doloreuse, la Moralité seroit Tragédie »48. À cet avis modéré, bienveillant pour la moralité49, se range aussi Barthélemy Aneau dans le Quintil Horatian en 154950, tandis que Guillaume des Autels, non content de parler en faveur des moralités, en a composé quelques-unes51. Cependant, quelle moralité imaginaire l’Instructif décrit-il, dont le dispositif ne serait qu’édifiant ? Au demeurant, ses défenseurs après lui ne manquent pas de souligner les défauts qui ont empêché cette forme de donner naissance à la tragédie. Enfin, leurs plaidoyers pour la moralité comme genre répondent à l’ironie mordante d’un Du Bellay, à qui il n’avait pas échappé que « farces et moralités » formaient ensemble le parangon de la langue dramatique à proscrire :
- 52 La Deffence, et illustration, éd. cit., p. 137-138.
Quand aux Comedies, et Tragedies, si les Roys, et les Republiques les vouloient restituer en leur ancienne dignité qu’ont usurpée les Farces, et Moralités, je seroy’ bien d’opinion, que tu t’y employasses, et si tu le veux faire pour l’ornement de ta langue, tu scays où tu en doibs trouver les Archetypes52.
- 53 L’expression est de J. H. M. Taylor, « La double fonction de l’Instructif… », art. cit., p. 348.
18Mais à mépris égal pour les formes esthétiques du théâtre médiéval, près de quatre-vingts ans séparent l’Instructif de la Deffence : comment expliquer une condamnation si précoce du mélange des tons ? C’est peut-être dans la logique globale de l’œuvre de Vérard qu’il faut situer les 21 huitains qu’il consacre au théâtre. Le montage du chapitre X n’est destiné ni au public qui applaudit à la représentation théâtrale, ni au « rymeur » qui en a composé le texte : il s’adresse à un lecteur, « amateur de poésie »53. Dans ce domaine, qui est celui de la réception, l’imprimeur Antoine Vérard ne prétend pas décrire un spectacle qu’il connaît sous toutes ses formes, du texte à la scène. Il cherche à façonner le goût de ce lecteur, en sélectionnant pour lui dans un spectacle familier et qu’il apprécie probablement, ce qui se fait de mieux en matière de texte. Dès lors, un livre de chez Vérard ne peut évoquer les ignominies de la farce, de la moralité, ou du mystère ! Plaçant plutôt les textes dramatiques dans les cadres rassurants et reconnus de la Grande Rhétorique et d’une visée poético-morale d’obédience aristotélicienne, il souligne adroitement comment ces textes peuvent s’y conformer, et donne à son lecteur le sentiment que c’est lui qui, en exerçant cette compétence, trie le bon grain de l’ivraie, et discerne les qualités du théâtre de son temps.
- 54 Pour ces analyses de l’œuvre de Vérard dans le sillage de Bourdieu, voir J. H. M. Taylor, The Maki (...)
- 55 Ou de l’honnête femme ! Sur l’exemplaire du Contemptu Mundi destiné à Louise de Savoie, voir M. B. (...)
19Par conséquent, le chapitre X de l’Instructif de la seconde rhétorique n’est ni description de la scène contemporaine, ni prescription à ses auteurs : c’est un discours, aussi informé que critique. Il participe de la naissance d’un nouveau mode de culture porté par le développement de l’imprimé, selon lequel il faut penser et parler d’une façon particulière à partir de ses lectures, lesquelles n’ont guère pour but de travailler la réalité qu’elles évoquent54. Vérard, qui édite en 1505 un ouvrage de Guillaume Alexis au titre évocateur : Le passetemps de tout homme (une traduction du De Contemptu Mundi d’Innocent III), défend dans la lecture la culture du « passe-temps », fût-il austère, de l’honnête homme à la fin du XVe siècle et au début du suivant55. Profondément lié à l’écrit, ce passe-temps ne relève pas du spectacle. Et ce qui se joue déjà, c’est la bataille de l’image et du texte, la lutte de l’écrit contre les séductions innombrables du monde sensible où s’épanouit le théâtre.
20À comparer le chapitre X de l’Instructif aux précédents, où abondent les exemples des phénomènes poétiques décrits ou prescrits, on demeure néanmoins frappé par l’absence des principales caractéristiques textuelles du théâtre évoqué. De fait, le problème que le théâtre médiéval pose à Vérard/l’Infortuné comme à ses successeurs est peut-être avant tout un problème de texte, et plus précisément de versification. Comment ce problème peut-il éclairer le statut allusif, voire la condamnation du théâtre médiéval dans l’ensemble des arts de seconde rhétorique puis des arts poétiques du seizième siècle ?
- 56 Voir Recueils d’arts de seconde rhétorique, éd. E. Langlois (1902), Genève, Slatkine, 1974, introd (...)
- 57 Ibid., p. xxviii.
- 58 Jean Molinet, L’Art de rhétorique, dans Recueils d’arts de seconde rhétorique, éd. cit., p. 217-21 (...)
- 59 Thomas Sébillet, Art poétique françois, éd. cit., p. 157 et 161.
21De l’Art de Rhétorique anonyme de 1525 à Laudun d’Aigaliers, nul n’ignore que les textes de théâtre sont majoritairement écrits avec un couple de vers très simple : la rime plate, appelée au XVe siècle rime simple, commune, doublette, voire léonine. La règle de la rime doublette, Jean Molinet la copie peu ou prou des Règles de la seconde rhétorique d’un anonyme lorrain56 qui selon Langlois l’a précédé de cinquante à soixante ans57 : « La plus facile et commune taille de rimes est la doublette, qui se puet faire en toute quantité de sillabes, et le plus souvent en viii et en ix. De ceste maniere de rime est composé le Rommant de la Rose ; plusieurs histoires et farses en sont pleines »58. Quant à Sébillet, dans son chapitre consacré non pas au théâtre mais au dialogue, c’est-à-dire aux textes « ou par prosopopee sont introduittes personnes parlantes a tour, que lon nomme du mot Grec, dialogues », il rappelle que « la rime plate [y est] plus commune et propre »59.
- 60 G. Paris, « Recension des Fragments d’un mystère provençal découverts à Périgueux, édités par M. C (...)
- 61 E. Faral, « Quelques remarques sur le Miracle de Théophile de Rutebeuf », Romania, 72, 1951, p. 18 (...)
- 62 G. Paris, « Recension des Fragments… », art. cit., p. 153.
22Cependant, aucun de ces arts poétiques ne relève ce qui caractérise la versification des formes dramatiques stricto sensu, et qui est une application particulière de la rime doublette : un enchaînement des répliques reposant sur ce que la critique a décrit après Gaston Paris en 187560, puis appelé après Edmond Faral en 195161, la rime « mnémonique » : « C’est dans la versification française [du théâtre] une règle à laquelle je ne connais pas d’exception que le dernier vers dit par un personnage rime avec le premier que prononçait le suivant (la raison de cet usage est facile à deviner) »62. Autrement dit, la rime mnémonique devrait aider l’acteur médiéval, par définition amateur, à jouer correctement son rôle. Comme l’indique son nom, ce serait une ruse mnémotechnique destinée à lui rappeler le moment de son intervention.
23La remarque de Gaston Paris est judicieuse, car elle décrit, mieux que les arts des XVe et XVIe siècles, un trait majeur de l’écriture dramatique médiévale, du Jeu d’Adam du XIIe siècle aux grands mystères, en passant par le théâtre arrageois du XIIIe siècle. Mais sa formulation est très optimiste par rapport à la réalité des textes concernés. En effet, la règle de la rime mnémonique est loin d’être sans exception, comme le montre cet extrait de la Passion de Gréban :
Lucifer :
Va t’en ou lieu de desespoir, […]
Et dueil sans espoir de salut,
Ne te partes jour de ta vie,
Mais a tous dyables compaignie
Tendras, compagnon, et affin,
Tant que Dieu durera sans fin !≠
- 63 Arnoul Gréban, Le mystère de la Passion, éd. cit., v. 22127-22144.
Barraquin :
Sire tetrarche de grand bruyt
Jupiter qui le ciel conduit
Et le fait tourner a son vueil,
Vous garde de mal et de dueil !
Pylate, mon maistre et seigneur, […]
Ung nouvel homme vous envoie63.
24Comme c’est souvent le cas, l’interruption du fonctionnement mnémonique de la rime permet de séparer deux moments de l’action qui n’ont pas de rapport entre eux, au plan du thème et de l’espace dramatique où ils se jouent. Ici, la diablerie où l’âme de Judas est précipitée dans la Gueule d’Enfer est distinguée de l’arrestation de Jésus relancée par la réplique de Barraquin, lequel s’avance à ce moment vers le trône d’Hérode. Mais parfois, la rime mnémonique s’interrompt sans raison aussi nette, comme dans cet exemple du Jeu de Robin et Marion, où une rime orpheline surprend au milieu des fiançailles des deux personnages éponymes :
Robins :
Marote, je sui venus. Tien. […]
Tien, eswar con bele cosete.≠
- 64 Adam de La Halle, Le jeu de Robin et Marion, éd. E. Langlois, Paris, Champion, 1958, v. 705-725.
Marions :
Robins, par amour, sié te cha.
Et cil compaignon serront la64.
25Il reste que la mnémonique est étroitement liée au corpus dramatique français, comme en témoigne son usage dans quelques comédies du XVIe siècle. Ainsi, dans La Trésorière, une comédie de Jacques Grévin jouée au collège de Beauvais en 1559 et parue en 1561, la mnémonique va jusqu’à faire le lien entre deux actes :
Fin de l’acte IV :
Marie :
Elle nous est à tous commune,
Encor en fault’il voir la fin.=
Boniface :
J’en suis bien content, mais afin
Que ne m’y pensiez embrouiller,
Si l’on me faisoit despouiller,
J’en aurois mon recours sur vous.=
Acte V Scene 1 :
Sulpice :
Monsieur, soyez un peu plus doux.
Quel profit pourriez vous avoir
Quand vous le feriez à scavoir
A la justice ?
26La remarque de Gaston Paris est donc valable, et au-delà du corpus médiéval auquel son article faisait implicitement allusion. Cependant, cette rime, caractéristique des textes « par personnages » du XIIIe au XVIe siècle, connaît trop de ruptures pour être d’un grand secours aux acteurs censés l’utiliser comme aide mémoire. Dès lors, quelle peut avoir été sa fonction ?
27Tout d’abord, c’est peut-être par sa simplicité autant que par ses irrégularités que la mnémonique joue un rôle, avant tout négatif. Elle classe les textes dramatiques du côté des « basses choses » : non seulement elle correspond au degré zéro de la versification, mais elle n’est pas toujours capable de s’y tenir ! Parfois bonne, parfois mauvaise, riche ou pauvre, la rime mnémonique n’est pas sans analogie avec une autre « basse rime », que les arts poétiques appellent la « rime goret » ou « rime de village » :
- 66 Voir sur cette expression Barthélemy Aneau, Quintil Horatian, éd. cit., p. 212 (et n. 73).
- 67 Pierre Fabri, Le grand et vray art de pleine rhétorique (1525), éd. A. Héron, Rouen, 1889-1890, Ge (...)
Il est une autre fort basse rithme qu’on appelle rithme de goret ou de boutechouque, qui garde mesure en syllabes, mais en la rithme a pou ou point de convenience ; laquelle n’est approuvee que entre ruraulx et ignorans qui en font les dictz pour aller a la moustarde66, comme cy,
Grant Guillaume :
C’est bel ouvrage que de plastre
Quant on le scait bien mettre a point.
C’est dommage quant on le gaste.
C’est bel ouvrage que de plastre…67
- 68 Sur ce pseudonyme promis à une longue postérité, voir A. Howe, Le théâtre professionnel à Paris (1 (...)
28Mauvaise parce qu’elle se contente de peu, comme en témoignent ses fréquentes ruptures, la rime mnémonique prend place aux côtés de ces rimes dont la logique est aussi celle de l’approximation – et auxquelles Pierre Fabri donne pour exemple un personnage au pseudonyme de farceur68. Dès lors, c’est en tant que pratique maladroite de la versification que le texte dramatique médiéval est dévalué dans son ensemble, et qu’il ne trouve pas sa place dans les arts poétiques.
- 69 Voir La Deffence, et illustration, éd. cit., p. 161.
- 70 Pour une mise au point historique sur l’alternance des rimes, voir F. Goyet dans Traités de poétiq (...)
- 71 Voir Jacques Grévin, La Trésorière, éd. cit., introduction p. xlv-xlvi.
29De plus, la mnémonique est supplantée au XVIe siècle par une autre règle destinée à orner pour longtemps la rime doublette : l’alternance des rimes masculines et féminines. Peu importe que cette nouvelle règle n’ait pas fait tout de suite l’unanimité. Elle ne date que de 1525, et de l’Art poétique anonyme qui le premier la préconise à propos de la rime doublette. Et Du Bellay peut encore s’en moquer en 154969, avant qu’elle ne soit adoptée en 1555 et considérée ensuite comme l’un des socles de la versification française70. Il reste que son incompatibilité avec la mnémonique est révélée par le traitement que Grévin a fait subir à La Trésorière dans l’exemplaire d’Anvers de cette pièce, où il a supprimé de nombreuses mnémoniques au bénéfice de la fameuse alternance71.
30Par conséquent, le vice du théâtre médiéval est bien un vice de formes. Que ce soit au XVe ou au XVIe siècle, pour la Grande Rhétorique ou pour la Pléiade, le dispositif des rimes qui le caractérise classe le texte de théâtre médiéval du côté des « basses choses », auxquelles de nouvelles règles de versification vont se substituer. Et c’est probablement ce vice d’ordre textuel tout autant que sa morale équivoque qui a provoqué l’effacement du théâtre médiéval dans les arts poétiques qui lui sont contemporains.
- 72 Voir R. Lebègue, Études sur le théâtre français, I., op. cit., « Fonctions de la quadruple rime ch (...)
31Mais c’est surtout pour son usage que ni la rime mnémonique ni le théâtre auquel elle fournit son identité ne peuvent trouver leur place dans les arts poétiques. En effet, cet usage, d’ordre pratique, a été mis en lumière par Raymond Lebègue en 1960 à partir d’une analyse du Mystère des Actes des Apôtres : la rime mnémonique est une « agrafe » qui permet de créer des interpolations, c’est-à-dire de couper ou d’ajouter des morceaux de texte dramatique à l’intérieur de l’action72. On en suggère ici deux applications.
32Dans le premier cas, celui de Robin et Marion, la coupe suggérée permet de corriger la rupture de la mnémonique soulignée plus haut, et de rétablir la correspondance entre deux rimes mnémoniques espacées de douze vers :
Huars :
Or cha, biau seigneur, aportés,
S’il vous plaist vo viande cha.= rime mnémonique pauvre…
[Peronnele :
Eswar, Marote, je voi la,
Che me sanle, Robin venant.Marions :
Ch’est mon ; et si vien tout ballant.
Que te sanle ? Est il boins caitis ?Peronnele :
Chertes, Marot, il est faitis,
Et de faire a ten gré se paine.Marions :
Eswar les corneurs qu’il amaine.Huars :
Ou sont ils ?Gautiers :
Vois tu ches varlès
Qui tiennent ches deus grans cornés ?Huars :
Par le saint Dieu, je les voi bien.Robins :
Marote, je sui venus. Tien. […] DANSE ? MUSIQUE ?
Tien, eswar con bele cosete.]
- 73 Adam de La Halle, Le jeu de Robin et Marion, éd. cit., v. 705-725.
Marions :
Robin, par amour, sié te cha. = retour de la rime mnémonique riche ?
Et cil compaignon serront la73.
33Dans le second cas, emprunté à Gréban, la chaîne des rimes n’est pas rompue ; mais elle peut l’être, pour créer une rime mnémonique pauvre mais suffisante :
Magdaleine :
Cheres seurs, avec moy vendrez ;
Prenez vostre boiste chascune
Pour avoir oignemens bien chiers. =
[Nous yrons sus les espiciers
querir ce qui est nécessaire
Pour oingdre le corps débonnaire
De Jhesus, nostre doulx seigneur.Marie Jacoby :
Le plus brief nous est le meilleur :
Alons en, que Dieu nous conduye !
- 74 Arnoul Gréban, Le mystère de la Passion, éd. cit., v. 27961-27972.
Malcuidant :
Compaignons, menons chere lye :
Vecy Joseph que nous querons. […]74
- 75 Ibid., v. 27973-28242.
(suit l’arrestation de Joseph d’Arimathie)75
- 76 Ibid., v. 28243-28248.
Magdaleine :
Je congnois tres bien l’espicier, = retour de la mnémonique…
Il est vray ; vela sa maison.
Il n’y a pas longue saison
Qu’il me vendit de l’oignement76.
- 77 Sur les jeux de la mnémonique, voir V. Dominguez, « Textes et images de quelques Jeux d’Arras : ré (...)
34Cependant, pourquoi couper ou allonger ces textes ? Enlever un passage, ce peut être supprimer ce qui requiert un personnel trop nombreux ou trop qualifié. Ainsi, on pouvait manquer pour la représentation de Robin et Marion des « corneurs » apportés par les douze vers supprimés ; l’acteur jouant Robin pouvait ne pas être capable d’assurer toutes les acrobaties et danses supposées par ces mêmes vers ; ou à l’inverse, c’est l’exceptionnelle virtuosité d’un acteur dont cet « allongeail » du manuscrit fr. 25566 serait le témoin, et qui est consignée par l’édition Langlois77 ! Chez Gréban, supprimer le passage entre crochets revient également à alléger la quatrième Journée des longues scènes consacrées à l’arrestation de Joseph d’Arimathie, fût-ce au prix d’un passage important de l’Histoire Sainte.
- 78 Sur le rondeau ou le Planctus comme formes poétiques structurant le jeu des mystères, voir V. Domi (...)
- 79 Voir D. Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion (vers 1525-v (...)
- 80 Pour une interprétation contraire, voir J. Enders, Death by Drama and Other Medieval Urban Legends(...)
35Par conséquent, les rimes mnémoniques donnent au texte de théâtre médiéval une règle aussi souple que singulière. Permettant d’y ménager de manière aisée coupes et allongements, cette règle est le socle d’une poétique, dont l’enjeu, ajouté à celui d’autres formes versifiées, est peut-être d’exhiber le statut de ce théâtre comme objet esthétique78. Récurrentes, structurantes, les formes de la versification à l’œuvre dans les mystères ont pour vertu d’associer ces derniers à la Grande Rhétorique, mais aussi de les distinguer de phénomènes contemporains : l’émeute citadine liée aux Guerres de Religion ou l’échafaud de justice, auxquels les supplices des mystères sont fréquemment comparés. Dans des analogies aussi perspicaces que prudentes, Denis Crouzet et Nathalie Zemon Davis évoquent à propos de ces phénomènes les notions d’acte sacral ou rituel plutôt que le théâtre79. Or, c’est peut-être grâce aux principes marqués de sa versification que le théâtre s’affirme comme une forme esthétique, et qu’il est impossible de confondre le spectacle de théâtre médiéval avec des manifestations de la société civile80. Autrement dit, la rime mnémonique, accompagnée d’autres « tailles », déclare le spectacle comme différent du monde, de la ville, et des actes qui forment sa théâtralité. Elle est un indicateur venu du texte pour déclarer l’événement dramatique, aussi fortement que le feront, sur un plan spatial, la scène à l’italienne et son quatrième mur.
36Si l’on définit le théâtre forgé au Moyen Âge par un jeu de rimes à usage pratique, son existence et son devenir sont alors aux mains des acteurs de cette pratique. Auteurs, comédiens et décorateurs sont les responsables d’une poétique alternative à celle que préconisent les arts de seconde rhétorique comme les arts poétiques. Cette poétique pratique justifie le silence de ces arts sur le théâtre médiéval, mais aussi son éviction d’une tradition dramatique dans laquelle il est pourtant nécessaire de le replacer.
- 81 Selon E. Langlois, ce serait en toute conscience que Molinet, dans son Art de rhétorique (éd. cit. (...)
- 82 Voir E. Mortgat-Longuet, Clio au Parnasse. Naissance de l’« histoire littéraire » française aux XV (...)
- 83 Voir La Deffence, et illustration, éd. cit., p. 167.
37Portée par la récriture permanente que permet la mnémonique, la méthode de composition de l’œuvre dramatique médiévale contrevient à la conception du texte poétique comme d’un ensemble guidé par l’inspiration et perçu comme un tout, plutôt que comme un texte coupable, ou sécable. Elle s’oppose aux théories de l’invention qui au XVIe siècle définissent l’œuvre comme un tout, dont la cohérence relève de l’inspiration, mais la forme et l’achèvement, du travail d’un auteur défini comme poète. Car s’il n’y a pas de place pour le théâtre médiéval dans les arts poétiques, c’est peut-être parce qu’il n’y pas de poète dramatique médiéval ! Il n’y a que des maîtres de la versification, appelés « rymeurs ». D’Octovien de Saint-Gelais à Jean Molinet, en passant par Jean Lemaire de Belges, Pierre Fabri ou Geoffroy Tory, les auteurs de mystères sont cités comme des maîtres de rhétorique, éventuellement responsables d’une belle « taille »81 et, au fil du temps, comme garants d’une version ancienne et préservée de la philologie française82. Mais ces rimeurs ne sont pas des poètes. Ainsi, c’est après avoir exposé leur théorie de l’inspiration que Du Bellay83 comme Sébillet préfèrent à la dénomination de « rymeurs » celle de « poètes » :
- 84 Thomas Sébillet, Art poétique françois, éd. cit., p. 20 et p. 27-28.
[Rimer c’est] s’arrest[er] à la nue escorce, et laiss[er] la séve et le boys, qui sont l’invention et l’éloquence des Pöétes : qui sont mieuz appelez ainsi que rymeurs […].
[Le poète] regardera aussy songneusement a joindre les unes choses auz autres proprement au progrés de son pöème : et y mettre lés fins et lés commencemens tant bien seans, qu’il ne soit repris comme le sot cousturier faisant le capuchon de la cappe du plus laid et mal uny endroit de la frize, et remplissant les quartiers de la robe noire, d’une pièce ou rouge ou verte84.
- 85 Ronsard, Abrégé de l’Art poétique françois, dans Traités de poétique et de rhétorique de la Renais (...)
38La comparaison avec le « sot cousturier » et sa confection d’un habit aux couleurs diverses serait-elle une allusion aux maladresses du texte de théâtre et aux costumes qui en accompagnent la représentation ? Ronsard, dans son Abrégé de l’Art poétique françois de 1565, fait une recommandation de même nature immédiatement après avoir décrit le poèmes des « bons ouvriers ». Ces derniers « le commencent par le milieu, et savent si bien joindre le commencement au milieu, et le milieu à la fin, que de telles pièces rapportées ils font un corps entier et parfait »85. Fins et commencements : de Sébillet à Ronsard, on reconnaît le corps de la sirène, principe horatien qui donne à la poésie comme à son poète l’exigence de l’unité et du tout – une exigence que le fatiste, dont le texte peut être coupé ou allongé à chaque représentation, ne saurait revendiquer.
39Les conséquences de cette poétique du texte dramatique sont importantes. Elles éclairent à la fois la condamnation du théâtre qui s’y conforme par la Réforme comme par les arts poétiques, et sa continuité dans les pratiques théâtrales, bien au-delà du Moyen Âge qui les a forgées.
- 86 Sur l’usage de la représentation figurée comme tableau ou miroir, mis à mal par le théâtre médiéva (...)
40Les rimes mnémoniques ne sont pas nécessairement maniées par des maîtres. Mais à multiplier les danses ou les tortures, à couper des passages importants pour la théologie, on risque de perdre le sens du message chrétien qui se donnait de façon équilibrée dans les grands mystères du XVe siècle. Ainsi, le spectacle total de la Passion Cyclique, dont les imprimés sont composés à Paris et à Lyon au début du XVIe siècle, met en danger le dispositif mis au point par les textes du XVe siècle. Partant, l’on peut comprendre que la Réforme ait trouvé à redire aux mystères. Couturée par la mnémonique, l’image scénique des mystères au XVIe siècle permet-elle encore la méditation86 ? La poétique et la religion, l’esthétique et l’idéologie se rejoignent alors pour rejeter un théâtre médiéval qui, mal disposé « selon l’art », a toutes les chances de déformer son propos original.
41Mais la responsabilité de la poétique dramatique, alternative à une poétique du texte seul, revient en dernière analyse à ses acteurs concrets, comédiens et décorateurs. Or, c’est peut-être grâce à eux que du XVe au XVIIe siècle un art dramatique singulier perdure.
- 87 Voir G. A. Runnalls, « La Confrérie de la Passion et les mystères », art. cit., n. 7.
- 88 Voir A. Demartres, Étude sur l’histoire et l’organisation de la confrérie parisienne de la Passion (...)
- 89 Voir E. Rigal, Le théâtre français avant la période classique, Paris, Hachette, 1901, spéc. p. 121 (...)
- 90 Voir Jacques de Fieux, chevalier de Mouhy, Tablettes dramatiques contenant l’abrégé de l’histoire (...)
- 91 Voir F. Charpentier, Pour une lecture de la tragédie humaniste, Publications de l’Université de Sa (...)
- 92 Voir E. Rigal, Le théâtre français avant la période classique, op. cit., p. 34-81 (« Les théâtres (...)
42Les comédiens ont-ils assuré la pérennité d’un jeu destiné à servir le théâtre médiéval ? Ont-ils su se servir des indications de la mnémonique, qui sont autant d’invitations à la libre organisation du texte dans la performance ? Dans le sillage de Graham Runnalls87, le premier dossier à rouvrir pour répondre à la question est celui des Confrères de la Passion, à partir des anciens travaux sur cette confrérie et sur l’Hôtel de Bourgogne88. Depuis les travaux d’Eugène Rigal, on attribue aux Confrères un répertoire obsolète, cantonné aux seuls mystères, et destiné à être dépassé par la comédie et la tragédie classiques89. Faut-il refuser en bloc une source qui mentionne au contraire que les Confrères jouaient non seulement des mystères mais aussi des tragédies90 ? Rigal appuie son argumentation sur des éléments historiques, comme l’inimitié d’un Jean de La Taille pour les Confrères. Mais son postulat esthétique, selon lequel les premières tragédies n’ont pas été jouées parce qu’elles n’étaient pas jouables, est aujourd’hui dépassé91. On formulera alors l’hypothèse suivante : ne serait-ce pas précisément parce que les Confrères ont joué à leur façon la tragédie qu’ils ont été décriés par la Pléiade ? Si la qualité de leur jeu ne saurait se mesurer à sa popularité, celle-ci en prouve au moins l’efficacité. Or, les Confrères ont toujours conservé la faveur du public, et notamment d’un spectateur important : le roi de France – François Ier, Henri II et Henri III renouvellent leur privilège dans la capitale jusqu’en 159992.
- 93 Voir Le Mémoire de Mahelot. Mémoire pour la décoration des pièces qui se représentent par les Comé (...)
43En outre, durant l’année 1548, les Confrères ont réalisé de grands travaux à l’Hôtel de Bourgogne pour faire exister la scénographie des mystères. Malgré l’interdiction du Parlement de Paris, la structure nouvelle du théâtre, avec ses trappes et ses galeries, demeure. Or, on trouve des traces de l’usage de cette structure dans un inventaire de décors comme le Mémoire de Mahelot93. Ce recueil technique, qui recense les décors et accessoires utilisés par les Comédiens du Roy à l’Hôtel de Bourgogne, mentionne régulièrement des Gueules d’enfer, utilisées notamment pour le théâtre du « premier XVIIe siècle » ou pour les tragédies de dévotion. Mais chacun le sait : ces techniques sont fariboles pour les arts poétiques – depuis la Poétique et son mépris pour l’opsis !
- 94 Voir E. Konigson, « Les objets de représentation au théâtre (XVe-XVIIe siècles) », Nouvelle Revue (...)
44Il semble donc qu’à maints égards le théâtre médiéval ne puisse guère trouver sa place ni dans les arts de seconde rhétorique ni dans les arts poétiques. Ces arts accompagnent la fabrique des poètes et de leurs textes, alors que le théâtre médiéval, avec la rime mnémonique, prend sens dans une pratique qui préfère à la cohérence d’un texte la réussite de sa représentation. À l’opposé de cette pratique, du XVe au XVIe siècle, les arts d’écrire font la promotion d’un mode de composition et de réception de l’œuvre comme texte, qui doit pouvoir être lu, tandis que sa performance passe au second plan. Représentant d’une mode littéraire et poétique portée par le développement de l’imprimerie, Vérard a jugé bon de proposer en 21 huitains une lecture du théâtre de son époque destinée à en sauver quelques aspects. Mais le théâtre contemporain de l’Instructif n’avait pas besoin de ce secours intéressé. Il vit et se transmet par des pratiques et dans des lieux qui ne sont pas ceux où l’on produit, lit et apprécie les arts poétiques du XVIe ou du XVIIe siècle94. Ainsi, les oppositions que ce théâtre a suscitées sont plus éloquentes que sa lecture sélective par l’Infortuné. Le théâtre dont les règles d’écriture et de pratique se sont mises en place au Moyen Âge est une grande machine à produire de l’émotion et de l’illusion. Régulée par les rimes, le décor et le jeu, c’est aux mains des acteurs et non des théoriciens du texte que cette machine a pris cette mesure. Et c’est donc dans l’éclairage réciproque du texte et du jeu que, du XIIe au XVIIe siècle, son histoire se loge.
Notes
1 Voir P. Leblanc, Les écrits théoriques et critiques français des années 1540-1561 sur la tragédie, Paris, Nizet, 1972 ; et P. Pasquier, La mimésis dans l’esthétique théâtrale du XVIIe siècle. Histoire d’une réflexion, Paris, Klincksieck, 1995, spécialement p. 81-101.
2 Jacques Peletier du Mans, Art poétique, dans Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, éd. F. Goyet, Paris, Le Livre de Poche, 1990 (rééd. 2001), p. 220-314, chapitre VII, p. 277-280. Du théâtre de son époque, le Manceau n’a selon ses propres dires qu’un avis livresque ! Déplorant le peu de belles tragédies composées en français, il rappelle qu’« il en a été bien nouvellement faite une par Etienne Jodelle Parisien, de laquelle j’ai ouï seulement le bruit », p. 280. Voir la prochaine édition de cet art poétique par J.-Ch. Monferran et M. Jourde, Paris, Champion, 2012.
3 L’Art Poëtique François, éd. sous la dir. de J.-Ch. Monferran, Paris, Société des Textes Français Modernes, 2000, p. 78-81, pour une définition des farces et moralités comme dialogues ; p. 192-193, pour leur influence sur le type de personnage et le ton de la comédie.
4 Saül le Furieux, éd. L. Kreyder, dans La tragédie à l’époque d’Henri II et de Charles IX (1568-1573), Florence-Paris, L. S. Olschki/PUF, t. 4/1, 1997, p. 179-267, préface « De l’art de la tragédie », p. 205-213.
5 Les Corrivaux, éd. M. Barsi, La comédie à l’époque d’Henri II et de Charles IX (1566-1573), Florence-Paris, L. S. Olschki/PUF, t. 9, 1992, p. 55-125, Prologue p. 77-80. Voir également l’introduction à l’éd. D. L. Drysdall, Paris, Didier, 1974.
6 « Ly, doncques, et rely premierement, (ô Poëte futur), fueillette de Main nocturne et journelle, les Exemplaires Grccz et Latins ; puis me laisse toutes ces vieilles Poësies Françoyses aux Jeuz Floraux de Thoulouze, et au Puy de Rouan : comme Rondeaux, Ballades, Vyrelais, Chantz Royaulx, Chansons et autres telles episseries, qui corrumpent le goust de nostre Langue ; et ne servent si non à porter temoingnage de notre ignorance », Joachim Du Bellay, La Deffence, et illustration de la langue françoyse (1549), II, 4 (« Quels genres de poèmes doit élire le poète français »), éd. J.-Ch. Monferran, Genève, Droz, 2001, p. 131-132.
7 Voir G. A. Runnalls, « La confrérie de la Passion et les mystères : recueil de documents relatifs à l’histoire de la confrérie de la Passion depuis la fin du XIVe siècle jusqu’au milieu du XVIe siècle », Romania, 122, 2004/1, p. 135-201.
8 Voir E. Doudet, « Finis allegoriae. Un trope problématique sur la scène profane française. Nouveaux questionnements sur l’allégorie au théâtre (XVe-XVIe siècles) », Mainte belle œuvre faite. Études sur le théâtre médiéval offertes à Graham A. Runnalls, éd. D. Hüe, M. Longtin et L. Muir, Orléans, Paradigme, 2005, p. 117-144.
9 Voir J.-P. Bordier, Le Jeu de la Passion. Le message chrétien et le théâtre français (XIIIe-XVIe siècles), Paris, Champion, « Bibliothèque du XVe siècle » 58, 1998.
10 Voir J. Koopmans et P. Verhuyck, « Les mots et la chose, ou la métaphore comme spectacle. Nouvelle étude sur la représentation scénique de l’acte sexuel dans les farces », Passages : du Moyen Âge à la Renaissance, numéro spécial de Versants, 38, 2000, p. 31-51.
11 Voir M. Bouhaïk-Gironès, Les clercs de la Basoche et le théâtre comique : Paris, 1420-1550, Paris, Champion, 2007, spéc. p. 193 et suiv.
12 Cette vision est portée par les livres d’H. Rey-Flaud, qui définit le lieu dramatique médiéval comme un espace « en rond ». Voir Le Cercle magique. Essai sur le théâtre en rond à la fin du Moyen Âge (1978), Genève, Slatkine reprints, 1998, et Pour une dramaturgie du Moyen Âge, Paris, PUF, 1980.
13 Recueil de farces : 1450-1550, éd. A. Tissier, Genève, Droz, 1986-2000, t. VI (1990), p. 19-60, citation v. 191-194, p. 59.
14 Sur l’ironie de cette réception à double sens, voir H. Lewicka, « La farce médiévale était-elle un genre populaire ? », Mélanges J. Rychner. Travaux de Linguistique et de Littérature, XVI, 1, Strasbourg, 1978, p. 335-341.
15 C’est une réflexion sur les fonctions du théâtre dans l’opinion publique qui donne son corpus et son angle d’attaque au volume Le théâtre polémique français (1450-1550), éd. M. Bouhaïk-Gironès, J. Koopmans et K. Lavéant, Paris, PUR, 2008.
16 Le corpus du théâtre médiéval a été décrit et recensé selon cette opposition par Petit de Julleville, en 1880 dans Les Mystères (Paris, Hachette, 2 tomes) et entre 1885 et 1886 dans l’Histoire du théâtre en France, en trois volumes : La comédie et les mœurs en France au Moyen Âge (Genève, Slatkine reprints, 1968), Les comédiens en France au Moyen Âge (Genève, Slatkine reprints, 1968) et le Répertoire du théâtre comique en France au Moyen Âge (Genève, Slatkine reprints, 1967). Pour un classement plus récent, voir E. Lalou, « Le théâtre et les spectacles publics en France au Moyen Âge. État des recherches », Théâtre et spectacles hier et aujourd’hui. Moyen Âge et Renaissance. Actes du 115e Congrès national des Sociétés savantes (Avignon, 1990), Paris, Comité national des Travaux historiques et scientifiques, 1991, p. 9-33.
17 G. A. Runnalls, « Le Mystère français : un drame romantique ? » (1993), Études sur les Mystères, Paris, Champion, 1998, p. 15-31.
18 Cl. Thiry, « Le théâtre, ou la poétique de l’entredeux », Études de Lettres, 4, 2002 (Poétiques en transition : entre Moyen Âge et Renaissance, éd. J.-Cl. Mühlethaler et J. Cerquiglini-Toulet), p. 43-69.
19 Voir Le Jardin de Plaisance et Fleur de Rhétorique, fac-simile de l’éd. Vérard [c. 1501], éd. E. Droz et A. Piaget, Paris, F. Didot, 1910-1925 (vol. I : texte ; vol. II : introduction et notes), I, fol. c1v-c3r (Désormais noté JP, I et II). Le texte est retranscrit dans Poétiques de la Renaissance, dir. P. Galand-Hallyn et F. Hallyn, Genève, Droz, 2001, p. 395-397.
20 Voir J.-Cl. Mühlethaler, préface à Passages : du Moyen Âge à la Renaissance, op. cit., p. 7 : « Héritier des fabliaux et contemporain de l’essor de la nouvelle en Europe, le théâtre profane en France est un des domaines où la continuité entre le Moyen Âge et la Renaissance ne fait pas l’objet de controverses. »
21 C’est la perspective de l’art. cit. de G. A. Runnalls, « Le Mystère français… ». Pour un rapprochement des mystères et des farces, voir M. Rousse, « Mystères et farces à la fin du Moyen Âge : problèmes de théâtre populaire », La Scène et les tréteaux. Le théâtre de la farce au Moyen Âge, Orléans, Paradigme, 2004, p. 229-260 ; pour le rôle des farces dans les moralités, voir Ch. Mazouer, « La moralité au XVIe siècle en France », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 58/2, 1996, p. 351-365.
22 R. Lebègue, Études sur le théâtre français, I. Moyen Âge, Renaissance, Baroque, Paris, Nizet, 1977.
23 E. Langlois, « Étude sur les origines de la tragédie classique en France. Comment s’est opérée la substitution de la tragédie aux Mystères et Moralités », Revue d’Histoire Littéraire de la France, 10, 1903, p. 177-231 et p. 413-436.
24 Le dernier huitain est une ode de l’Infortuné, auteur anonyme de l’Instructif, à « Clio » et « Fronesis », pour la garantie de son éloquence.
25 Voir S. R. Kovacs, « Staging Lyric Performance in Early Print Culture : Le Jardin de Plaisance et Fleur de Rhétorique », French Studies, 55, 2001, p. 1-24 ; J. H. M. Taylor, « La double fonction de l’Instructif de la seconde rhétorique : une hypothèse », L’écrit et le manuscrit à la fin du Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2006, p. 343-351 ; Id., « La mise en mélange au XVe siècle : feuilleter le Jardin de Plaisance », Le goût du lecteur à la fin du Moyen Âge, dir. D. Bohler, Cahiers du Léopard d’Or, 11, 2006, p. 47-63, et Id., The Making of Poetry. Late-Medieval French Poetic Anthologies, Turnhout, Brepols, 2007, p. 229-291.
26 Voir J.-Cl. Mühlethaler et F. Cornilliat, Poétiques de la Renaissance, op. cit., p. 91-109, qui ajustent la chronologie des remarques de W. Patterson, selon qui l’Infortuné faisait le premier référence à la « fureur poétique » en France (Three Centuries of French Poetic Theory, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1935, vol. I, p. 157).
27 Ce n’est qu’une façon de considérer ces pratiques, selon les circonstances historiques et sociologiques de leur composition. Voir P. Zumthor, Le masque et la lumière, Paris, Seuil, 1978, spéc. p. 9-77. Pour une analyse de la « vision du monde » portée par les éclats de la Grande Rhétorique, voir F. Cornilliat, « Or ne mens » : couleurs de l’éloge et du blâme chez les « Grands Rhétoriqueurs », Paris, Champion, 1994.
28 Cl. Thiry, « La poétique de l’entredeux… », art. cit., p. 61-68.
29 Voir en ce sens Cl. Thiry, « La poétique de l’entredeux… », art. cit., p. 58 et 69.
30 Voir G. Dahan, « Notes et textes sur la poétique au Moyen Âge », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 550e année, 1980, Paris, Vrin, 1981, p. 171-239 : la Poétique est considérée comme « un auxiliaire puissant de la morale […] susceptible des meilleurs usages comme des pires », capable « d’aliéner l’auditeur [comme d’être] instrument de la théologie » (p. 188 et 193).
31 Dans ces extraits de l’Instructif, je souligne.
32 Voir M. Gally, « Archéologie des arts poétiques français », Arts poétiques de la Renaissance, numéro spécial de la Nouvelle Revue du Seizième Siècle, 18/1, 2000, p. 9-23.
33 « Icy s’en retournent les anges en Paradis et en doit tousjours demourer ung avecques Nostre Dame » : Arnoul Gréban, Le mystère de la Passion, ap. 5188, éd. O. Jodogne, Bruxelles, Académie Royale de Belgique, 1965, t. I, p. 73 et suiv. pour les cortèges des Mages.
34 Voir le Mystère du siège d’Orléans, éd. G. Gros, Paris, Librairie Générale Française (Le Livre de Poche, coll. Lettres Gothiques), 2002.
35 Voir G. A. Runnalls, Les Mystères français imprimés, Paris, Champion, 1999, p. 30.
36 Voir par exemple le manuscrit BnF, fr. 904 (fin XVe s.), qui contient après la Passion de Semur, La Farce du Vilain et son fils Jacob, et une moralité inachevée, la Moralité novelle de la Croix Faubin à sept personnaige(s). Pour une description de ce manuscrit, voir G. A. Runnalls, « The Evolution of a Passion Play : la Passion de Semur » (1986), Études sur les Mystères, op. cit., p. 213-247.
37 Voir M. Bouhaïk-Gironès, Le théâtre de la Basoche, op. cit., p. 224-227.
38 Voir E. Serrigny, La représentation d’un mystère de saint Martin, Dijon, Lamarche, 1888, p. 65-66.
39 Ibid., p. 203-204.
40 Cl. Thiry, « La poétique de l’entredeux… », art. cit., p. 56.
41 M. Rousse, Le théâtre des farces en France au Moyen Âge, thèse d’état en 5 volumes, soutenue en 1983 sous la dir. de Ch. Foulon, Rennes, t. I, p. 55 et suiv.
42 Voir M. Screech, Le Rire au pied de la Croix. De la Bible à Rabelais, trad. P.-E. Dauzat, Paris, Bayard, 2002.
43 « Le mystère, drame romantique ? », art. cit., p. 21.
44 Sur l’accroissement des scènes de torture caractéristique des mystères de la fin du XVe et du XVIe siècle, voir R. L. Wadsworth Jr., « The Bourreaux in Arnoul Gréban’s Mystère de la Passion », Revue de Littérature Comparée, 44, 1970, p. 499-509.
45 Éd. cit., p. 207. Pour une audace théorique inverse quoique de courte durée, voir Pierre Laudun d’Aigaliers, qui malgré son goût pour la violence sur scène qu’il pratique éventuellement comme auteur (voir son combat dans Horace) la déclare impossible au plan technique sinon « derriere le Theatre » (L’Art poëtique François, éd. cit., p. 205). Il rejoint alors le principe du multa tolles ex oculis horacien, support de la réaction de La Taille !
46 Voir, entre autres, R. Lebègue, Le Mystère des Actes des Apôtres. Contribution à l’étude de l’humanisme et du protestantisme français au XVIe siècle, Paris, Champion, 1929, et J. Dubu, Les églises chrétiennes et le théâtre. 1550-1850, Presses Universitaires de Grenoble, 1997.
47 Cette métaphore gustative, parfaitement adéquate à l’écriture des mystères, est reprise à Du Bellay par Jean de La Taille dans la préface aux Corrivaux : il s’agit de « bannir de ce Royaume [les farces et moralités] telles badineries et sottises, qui comme amères épiceries ne font que corrompre le goût de nostre langue », éd. cit., p. 77.
48 Thomas Sébillet, Art poétique françois, éd. F. Gaiffe, mise à jour par F. Goyet, Paris, Nizet, 1988, p. 161.
49 Qui reste néanmoins pour lui un genre mineur. La moralité est destinée à être dépassée moins par la tragédie que par une comédie nouvelle manière, définie comme un dialogue « éthique » dérimé de Quintilien. Pour cette interprétation du chapitre II, 8, de l’Art Poétique François, voir F. Goyet, « Le mot dialogue chez Sébillet : fiction, ethos, églogue », Riflessioni teoriche e trattati di poetica tra Francia e Italia nel Cinquecento, éd. E. Mosele, Fasano, Schena Editore, 1999, p. 53-68.
50 Voir Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, éd. cit., p. 175-218 pour l’ensemble du traité (p. 204 pour la référence).
51 Voir la « Réponse de Guillaume des Autelz, aux furieuses defenses de Louis Meigret », dans Du Bellay, La Deffence, et illustration, éd. cit., p. 371, n. 20.
52 La Deffence, et illustration, éd. cit., p. 137-138.
53 L’expression est de J. H. M. Taylor, « La double fonction de l’Instructif… », art. cit., p. 348.
54 Pour ces analyses de l’œuvre de Vérard dans le sillage de Bourdieu, voir J. H. M. Taylor, The Making of Poetry, op. cit., p. 253 et suiv.
55 Ou de l’honnête femme ! Sur l’exemplaire du Contemptu Mundi destiné à Louise de Savoie, voir M. B. Winn, Anthoine Vérard, parisian publisher (1485-1512). Prologues, poems, presentations, Genève, Droz, 1997, p. 384-393.
56 Voir Recueils d’arts de seconde rhétorique, éd. E. Langlois (1902), Genève, Slatkine, 1974, introduction p. lxvi.
57 Ibid., p. xxviii.
58 Jean Molinet, L’Art de rhétorique, dans Recueils d’arts de seconde rhétorique, éd. cit., p. 217-218 (p. 214-252 pour l’ensemble du traité).
59 Thomas Sébillet, Art poétique françois, éd. cit., p. 157 et 161.
60 G. Paris, « Recension des Fragments d’un mystère provençal découverts à Périgueux, édités par M. Chabaneau dans le Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Périgord », Romania, 4, 1885, p. 152-154.
61 E. Faral, « Quelques remarques sur le Miracle de Théophile de Rutebeuf », Romania, 72, 1951, p. 182-201.
62 G. Paris, « Recension des Fragments… », art. cit., p. 153.
63 Arnoul Gréban, Le mystère de la Passion, éd. cit., v. 22127-22144.
64 Adam de La Halle, Le jeu de Robin et Marion, éd. E. Langlois, Paris, Champion, 1958, v. 705-725.
65 Jacques Grévin, La Trésorière. Les esbahis, éd. E. Lapeyre, Paris, Société des Textes Français Modernes, 1980, v. 1216-1226.
66 Voir sur cette expression Barthélemy Aneau, Quintil Horatian, éd. cit., p. 212 (et n. 73).
67 Pierre Fabri, Le grand et vray art de pleine rhétorique (1525), éd. A. Héron, Rouen, 1889-1890, Genève, Slatkine, 1969, livre II, p. 27-28.
68 Sur ce pseudonyme promis à une longue postérité, voir A. Howe, Le théâtre professionnel à Paris (1600-1649), Paris, Archives Nationales, 2000, p. 73-78.
69 Voir La Deffence, et illustration, éd. cit., p. 161.
70 Pour une mise au point historique sur l’alternance des rimes, voir F. Goyet dans Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, éd. cit., p. 72 n. 1 (à propos de l’Art poétique françois de Th. Sébillet).
71 Voir Jacques Grévin, La Trésorière, éd. cit., introduction p. xlv-xlvi.
72 Voir R. Lebègue, Études sur le théâtre français, I., op. cit., « Fonctions de la quadruple rime chevauchante », p. 24-28.
73 Adam de La Halle, Le jeu de Robin et Marion, éd. cit., v. 705-725.
74 Arnoul Gréban, Le mystère de la Passion, éd. cit., v. 27961-27972.
75 Ibid., v. 27973-28242.
76 Ibid., v. 28243-28248.
77 Sur les jeux de la mnémonique, voir V. Dominguez, « Textes et images de quelques Jeux d’Arras : réflexion sur les acteurs du manuscrit BnF, fr. 25566 », L’acteur et l’accessoire. Mélanges en l’honneur de Michel Rousse, éd. M. Bouhaïk-Gironès et J. Koopmans (à paraître).
78 Sur le rondeau ou le Planctus comme formes poétiques structurant le jeu des mystères, voir V. Dominguez, La Scène et la Croix. Le jeu de l’acteur dans les Passions dramatiques françaises (XIVe-XVIe siècles), Turnhout, Brepols, 2007, p. 231 et suiv.
79 Voir D. Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion (vers 1525-vers 1610), Paris, Champvallon, 1990, p. 78 et suiv., et N. Zemon Davis, Les cultures du peuple. Rituels, savoirs et résistances au XVIe siècle (1965), trad. M.-N. Bourguet, Paris, Aubier-Montaigne, 1979, spéc. p. 251-307.
80 Pour une interprétation contraire, voir J. Enders, Death by Drama and Other Medieval Urban Legends, London-Chicago, The University of Chicago Press, 2002, qui en montrant le glissement entre œuvres de fiction et archives historiques, présente le mystère comme l’ancêtre du snuff theatre.
81 Selon E. Langlois, ce serait en toute conscience que Molinet, dans son Art de rhétorique (éd. cit., p. 225-226) attribuerait à Gréban une Complainte dont il serait l’auteur, afin de bénéficier de l’autorité de ce « rimeur » : voir « Arnoul Gréban et la complainte amoureuse qui lui est attribuée », Romania, 23, 1894, p. 254-256.
82 Voir E. Mortgat-Longuet, Clio au Parnasse. Naissance de l’« histoire littéraire » française aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, Champion, 2006, p. 101-102.
83 Voir La Deffence, et illustration, éd. cit., p. 167.
84 Thomas Sébillet, Art poétique françois, éd. cit., p. 20 et p. 27-28.
85 Ronsard, Abrégé de l’Art poétique françois, dans Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, éd. cit., p. 437 (p. 429-453 pour l’ensemble du traité).
86 Sur l’usage de la représentation figurée comme tableau ou miroir, mis à mal par le théâtre médiéval des mystères, voir O. Millet, Calvin et la dynamique de la parole. Étude de rhétorique réformée, Paris, Champion, 1992, p. 375-376.
87 Voir G. A. Runnalls, « La Confrérie de la Passion et les mystères », art. cit., n. 7.
88 Voir A. Demartres, Étude sur l’histoire et l’organisation de la confrérie parisienne de la Passion (1402-1677), thèse de l’École des Chartres, Paris, 1939, 2 vol. dactyl.
89 Voir E. Rigal, Le théâtre français avant la période classique, Paris, Hachette, 1901, spéc. p. 121-132 (« Le répertoire de l’Hôtel de Bourgogne »).
90 Voir Jacques de Fieux, chevalier de Mouhy, Tablettes dramatiques contenant l’abrégé de l’histoire du théâtre françois, un dictionnaire des pièces et l’abrégé de l’histoire des auteurs et des acteurs, Paris, Jorry-Lambert-Duchesne, 1752-1755.
91 Voir F. Charpentier, Pour une lecture de la tragédie humaniste, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1979, p. 11 et suiv.
92 Voir E. Rigal, Le théâtre français avant la période classique, op. cit., p. 34-81 (« Les théâtres de Paris de 1548 à 1635 »).
93 Voir Le Mémoire de Mahelot. Mémoire pour la décoration des pièces qui se représentent par les Comédiens du Roy, éd. P. Pasquier, Paris, Champion, 2005, spéc. p. 47-52.
94 Voir E. Konigson, « Les objets de représentation au théâtre (XVe-XVIIe siècles) », Nouvelle Revue du Seizième Siècle, 14/2, 1996, p. 189-199.
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Référence papier
Véronique Dominguez, « Des arts poétiques à la scène », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 21 | 2011, 225-246.
Référence électronique
Véronique Dominguez, « Des arts poétiques à la scène », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 21 | 2011, mis en ligne le 10 mai 2014, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/12444 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.12444
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