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Les « grands territoires » au Moyen Âge, réalités et représentations
La construction matérielle des grands territoires politiques (études d’historiens)

Une source privilégiée pour l’étude de l’espace à échelle régionale dans le Portugal médiéval : les enquêtes royales

Historiographie et suggestions de recherches
Amélia Aguiar Andrade
p. 9-25

Résumés

Les grandes enquêtes lancées par les rois portugais à partir de 1220 sont une des richesses majeures de la documentation médiévale portugaise, et les travaux (généralement ponctuels) des médiévistes abondent d’ailleurs dans ce sens. Même si les techniques de collecte et d’exposé des témoignages varient dans le temps, on a là une quantité considérable d’informations systématisées, relatives à la juridiction et, plus incidemment, à la géographie administrative, à la culture matérielle, etc., c’est-à-dire les principaux facteurs d’organisation de l’espace à petite échelle. La répétition de l’enquête dans les mêmes lieux permet en outre d’introduire une dimension diachronique dans des études qui sont généralement synchroniques. Profitant d’un récent projet de recherches (Regnum Regis) destiné à exploiter plus systématiquement ce matériau, on se propose ici de présenter ce dernier, en insistant sur ses potentialités pour une étude de la territorialisation.

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Texte intégral

  • 1  Voir en dernier lieu L’enquête au Moyen Âge, dir. C. Gauvard, Rome, EFR, 2009 et Quand gouverner c (...)
  • 2  On se réfèrera notamment à L’Enquête générale de Leopardo da Foligno en Provence orientale, avril- (...)

1Les enquêtes administratives suscitent actuellement un vif intérêt, aussi bien de la part des historiens de la justice – dans la mesure où elles sont souvent en liaison avec les procédures contentieuses devant les tribunaux – que de la part des médiévistes se consacrant aux faits socio-politiques et économiques1. Cet intérêt, qui recoupe en partie le thème de la « naissance de l’État moderne » et celui, plus récent, de la territorialisation, a relancé l’effort d’édition des registres issus de la procédure inquisitoire2. À cet égard, il est regrettable que les travaux menés depuis longtemps sur ce type de sources au Portugal – à cause de son ancienneté et de son importance exceptionnelles dans ce pays – restent peu connus, notamment en France et en Italie. Dans cette contribution, nous entendons rendre accessibles à un public francophone : a/ le matériau lui-même, b/ l’historiographie qu’il a suscitée jusqu’à maintenant, c/ les pistes d’exploitation qui restent à suivre. Quant à ce dernier aspect, nous insisterons plus particulièrement sur l’apport potentiel des enquêtes à l’étude de l’organisation de l’espace à moyenne et petite échelles – étude qui est restée, dans l’historiographie portugaise, en-deçà des interprétations économiques ou institutionnelles.

  • 3  Ce champ d’étude récent est mis en œuvre en France par les travaux collectifs cités aux notes 2 et (...)

2En effet, pour étudier la territorialisation à ces échelles3, les enquêtes administratives sont des sources privilégiées. Les relations entre princes et sujets, à travers une administration qui encadre les populations « au plus près », sont le moteur de la procédure, et la construction spatiale qui en résulte constitue la trame rédactionnelle des écrits produits à cette occasion. Au-delà de la formation de circonscriptions, de mieux en mieux hiérarchisées et emboîtées, couvrant l’espace de manière systématique et exhaustive, la mise en relation des communautés locales (organisées dans un cadre seigneurial féodal ou municipal) avec un centre unique, le gouvernement monarchique, engendre une série de liens centripètes ; ce phénomène est essentiel pour harmoniser les statuts locaux, ce qui constitue un objectif royal manifesté particulièrement tôt au Portugal.

  • 4  L. Krus, « Inquirições », Dicionário Ilustrado de História de Portugal, t. I, Lisboa, 1986, p. 343 (...)

3Les monarques portugais mirent en œuvre, entre 1220 et la fin de la première moitié du XIVe siècle, des vagues d’enquêtes générales qui ont inclus des secteurs considérables de leur royaume ; ces procédures, ayant comme objectif le plus générique la constatation des situations d’usurpation de droits et des biens royaux par les privilégiés, leur ont permis d’obtenir un cadastre authentique et détaillé, dont l’utilisation a démontré qu’il était bien plus qu’une simple vérification de situations d’illégalité (ce qui, du reste, se vérifie par son utilisation récurrente comme pièce justificative dans une chronologie qui se prolonge bien au-delà du Moyen Âge)4.

  • 5  Projet Regnum Regis – Edição do texto latino das Inquirições. Edição do texto : I - Inquirições de (...)
  • 6  Portugaliae Monumenta Historica a saeculo octavo post Christum usque ad quintum decimum,éd. A. Her (...)
  • 7  J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, O castelo e a feira. A Terra de Santa Maria nos séculos XI a X (...)
  • 8  Portugaliae Monumenta Historica a saeculo octavo post Christum usque ad quintum decimum, Nova séri (...)
  • 9  L. Krus, op. cit., passim.
  • 10  J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, op. cit., p. 60-62.
  • 11  B. V. Sousa, D. Afonso IV, Lisboa, 2005, p. 104, et L. Krus, « Confirmações », Dicionário Ilustrad (...)

4Les enquêtes les plus anciennes ont eu lieu en 1220 à l’initiative d’Alphonse II5, et on doit à son fils Alphonse III une initiative identique mais plus ample advenue en 12586, précédée en 1251 par une action menée dans un secteur plus limité, que l’on peut considérer comme une sorte d’expérimentation7. Le roi Denis de son côté a promu cinq vagues d’enquêtes – 12848, 1288, 1301, 1303-1304, 13079 – et a introduit une pratique nouvelle qui a commencé à être appliquée à partir de 1290 comme suite immédiate des enquêtes : la promulgation et la publicité des jugements à appliquer aux protagonistes des situations d’usurpation10. Le cycle médiéval de grandes enquêtes s’est clôt avec celles dont Alphonse IV a ordonné l’exécution en 1335 et 1343 ; mais celles-ci s’insèrent dans un contexte un peu différent, puisqu’elles résultèrent d’un appel général promulgué par ce monarque en 1334, en réponse aux plaintes présentées par les communes à cause du non respect des jugements des enquêtes précédemment réalisées par le roi Denis, lesquelles avaient eu pour objet principal et presque exclusif la vérification de la légalité des juridictions seigneuriales11. La spécificité de ces dernières enquêtes, ainsi que la nature des données obtenues, justifient le choix de ne pas les utiliser dans notre analyse de l’apport du corpus inquisitoire à l’étude de l’organisation de l’espace dans le Portugal médiéval.

  • 12  J. P. Ribeiro, Memórias para a história das inquirições dos primeiros reinados de Portugal colligi (...)
  • 13  L. Krus, « Escrita e poder : as inquirições de Afonso III », Passado, memória e poder na sociedade (...)

5La potentialité informative des textes résultant de ces vagues d’enquête est néanmoins variable. Elle est en effet conditionnée non seulement par les objectifs et le contexte spatial fixés pour leur réalisation12, mais aussi et surtout par le processus d’enregistrement écrit des informations rassemblées. Aussi convient-il d’expliquer clairement pour commencer qu’il s’agit de documents élaborés par des lettrés, presque toujours extérieurs à l’espace enquêté, la plupart du temps des personnes très proches de la Cour royale et de son gouvernement et donc en parfaite syntonie avec les objectifs politico-administratifs des monarques ; en conséquence, ils ont assumé le rôle d’agents principaux de l’accomplissement efficace et rigoureux des exigences prescrites par les lettres de créance royale précédant le lancement de la vague d’enquêtes et où étaient fixés les paramètres à enquêter13. Les textes obtenus sont donc conditionnés par les modèles utilisés dans la pratique d’enquête et surtout par la poursuite des objectifs désirés par la Couronne. Un signe du clivage entre cette vision plus élaborée et exigeante de la pratique de l’écriture des commissions d’enquête et des pratiques locales moins adéquates s’exprime dans les commentaires dépréciatifs fréquemment donnés par les enquêteurs sur la mauvaise qualité des textes qui, localement, leur étaient présentés comme pièces justificatives, comme on peut le voir dans l’exemple suivant :

  • 14  J. P. Ribeiro, op. cit., p. 63.

Et ista carta non habebat in ea nullum signum et erat scripta multum de mala litera et similatur nobis quod non era litera Curialis nec tenebat sigilum14.

  • 15  Ibid., p. 55.
  • 16  A. A. Andrade, « Les enquêtes royales au Portugal, 1220-1343 », Quand gouverner c’est enquêter, op (...)
  • 17  Cf. L. Krus, op. cit., passim, et F. Roldão, « Para além da chancelaria : registo e conservação de (...)

6Ensuite, il faut signaler que, dans plusieurs cas, la mémoire écrite des enquêtes royales nous est connue aujourd’hui par le biais d’une documentation qui n’est pas originale, vu qu’elle résulte de copies élaborées à partir de textes entre-temps disparus – comme par exemple dans le cas de la documentation des enquêtes de 1258, qui, en prime, a été l’objet, toujours au XIVe siècle, d’une traduction partielle du latin en vernaculaire15 ; ces copies furent réalisées dans un environnement curial et dans le contexte du lancement de nouvelles grandes enquêtes royales, et elles peuvent donc s’insérer dans une stratégie de conservation – à forte charge symbolique – de la mémoire des interventions royales, dans un contexte plus général d’affirmation du pouvoir royal16. Ce processus de construction, pour ainsi dire, de la mémoire des enquêtes est encore mal connu de l’historiographie portugaise, mais pour les médiévistes, il est de plus en plus évident que la documentation survivante doit être considérée en soi, comme un objet de recherche, puisque son utilisation est conditionnée par l’étude de leurs modes de conservation et, surtout, de réorganisation des témoignages originaux et de leurs copies médiévales17.

  • 18  A. A. Andrade, « Estado, territórios e “administração régia periférica” », A construção medieval d (...)

7Les vagues d’enquêtes royales du XIIIe siècle et des débuts du siècle suivant entendaient par ailleurs être un instrument privilégié de gouvernement des monarques, dans la mesure où elles leur permettaient de concrétiser à travers une seule initiative des objectifs multiples et distincts, tous d’importance élevée. En effet, elles leur offraient la possibilité de disposer d’un cadastre plus ou moins détaillé de biens, de revenus, de droits et de juridictions d’une partie considérable du territoire de leur royaume, capable de fournir une évaluation non seulement des disponibilités économiques et fiscales de ce territoire mais aussi du potentiel d’exploitation des ressources naturelles ; autrement dit, elles permettaient une meilleure estimation de la base financière nécessaire à la mise en place des structures administratives et fiscales destinées à garantir l’efficacité du gouvernement et, par conséquent, l’exercice du pouvoir royal18.

  • 19  L. Krus, op. cit., p. 41, et A. A. Andrade, « A estratégia dionisina na fronteira noroeste », A co (...)
  • 20  L. Ventura, « Afonso III e o desenvolvimento da autoridade régia », Portugal em definição de front (...)
  • 21  J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, op. cit., p. 60-61, et J. P. Ribeiro, op. cit., p. 83. Lire un (...)
  • 22  L. Ventura, D. Afonso III, Lisboa, 2006, p. 107.

8Enfin, la présence des commissions d’enquête apparaissait, au niveau local, comme un puissant vecteur de promotion de l’écriture, de la pièce justificative, de la pratique d’enquêter comme moyen d’éclairer la vérité, tout en matérialisant l’importance de l’encadrement administratif et de ses agents, les officiers royaux19. En effectuant le relevé des usurpations et des irrégularités des privilégiés, les enquêtes devenaient un instrument, sinon effectif, du moins symbolique de l’affirmation du pouvoir royal face aux pouvoirs seigneuriaux concurrents, chose qui devint encore plus évidente à partir de l’institution en 1290 de l’émission de jugements par le tribunal de la Cour, dans lesquels dominaient le roi et les privilégiés qui lui étaient fidèles20. Le texte des sentences issues des enquêtes, amplement divulgué à travers un cérémonial spécifique auprès des communautés rurales21 – précisément celles qui connaissaient de plus près les effets de la domination seigneuriale – contribuait à l’affirmation du pouvoir arbitral du roi et à la connaissance de son cercle nobiliaire proche, qui, dans le Portugal de la seconde moitié du XIIIe siècle, avait émergé d’une crise dynastique mouvementée – la substitution, par son frère, avec l’aide du pape, d’un monarque considéré comme rex inutilis – et de la guerre civile qui s’en était suivie (1245)22.

  • 23  J. Mattoso, « A sociedade feudal e senhorial », História de Portugal, dir. J. Mattoso, t. II, A mo (...)

9Les traces documentaires des vagues d’enquêtes médiévales concernent surtout ce que José Mattoso appelle le Portugal seigneurial23, c’est-à-dire les régions où l’implantation de privilégiés – nobles, monastères et autres institutions ecclésiastiques – était la plus nette, qui correspondent à la partie septentrionale et centrale du royaume. Étant donné que le royaume portugais médiéval, à partir de la fin de la première moitié du XIIIe siècle, jouissait déjà d’un territoire presque identique à celui du Portugal actuel, il est facile d’inférer que cette aire correspond à plus de la moitié de sa surface totale et peut donc être considérée comme un cadastre tendanciellement global du territoire sous souveraineté portugaise.

  • 24  J. P. Ribeiro, op. cit.,p. 83.

10En termes absolus, la plus grande richesse d’informations est contenue dans les textes de 1258 et 1288, non seulement parce que les secteurs enquêtés étaient plus vastes mais aussi parce qu’y a été effectué l’enregistrement des dépositions des témoins. Le texte des enquêtes de 1288 est complété par les jugements respectifs, datés de 1290 ; mais ceux-ci ne transcrivent pas les listes de témoins entendus ni leurs dépositions et se limitent à enregistrer les situations trouvées et la sentence rendue par le tribunal de la Cour24. Il s’agit dans ce dernier cas, comme cela a déjà été dit, d’une innovation introduite par le roi Denis qui revêtait une grande signification, puisqu’on prétendait, pour la première fois, sanctionner de manière exemplaire les prévaricateurs, c’est-à-dire les privilégiés laïcs et les ecclésiastiques qui avaient osé usurper des biens, droits et juridictions appartenant aux monarques ou dont ils avaient l’usufruit.

  • 25  Cf. Projet Regnum Regis déjà cité.
  • 26  Ibid.

11L’enquête de 1220, de son côté, incluait un espace plus restreint, correspondant à la zone la plus septentrionale du royaume, même si des recherches récentes ont permis de dépasser des interprétations plus traditionnelles qui la confinaient aux secteurs placés sous la juridiction ecclésiastique de l’archevêque de Braga25 ; de plus, elle nous est parvenue sans les dépositions des témoins enquêtés et avec le gros de l’information réorganisée ultérieurement par les agents royaux – de telle sorte que son contenu était plus facilement consultable – en quatre thèmes : domaines royaux propres (« Registrum de Regalengis ») ; acensements et donations (« de foris et de dadivis de unaquaque Collatione ») ; patronages (« Inquisitiones de Ecclesiis Archiepiscopatus Bracharensis ») ; propriété ecclésiastique (« de quanto habent Ordines in unaquanque Collatione »)26.

  • 27  J. P. Ribeiro, op. cit., p. 99 et doc. XIX.
  • 28  Ibid.,doc. XXIII et doc. XXIV.

12Les enquêtes dionysiennes des débuts du XIVe siècle offrent des informations moins variées et détaillées, vu qu’il s’agit fondamentalement d’une vérification de situations déjà enregistrées dans des écrits réalisés lors des enquêtes précédentes, qui semblent exister à la fois dans une version conservée localement et dans une autre transportée par l’enquêteur27. Ainsi, quoique les dépositions des témoins ne soient pas toujours transcrites, on enregistre toujours le jugement puisque l’enquêteur était mandaté pour l’exécuter ; grâce à quoi il n’y avait plus besoin désormais de la lente procédure de consultation et de décision du tribunal de la Cour réalisée en 129028.

  • 29  Sur ce processus, on a déjà essayé de fournir quelques clarifications dans un autre texte récemmen (...)
  • 30  Voir des exemples pour toutes les vagues dans J. P. Ribeiro, op. cit., doc. V, XIV, XIX, XXII et X (...)

13La connaissance des enquêtes royales médiévales portugaises, complexe en raison des caractéristiques de conservation de leur tradition écrite29, est complétée par la lecture d’autres textes conservés dans les registres de Chancellerie ou dans des documents épars, c’est-à-dire les chartes de mandat royal ; les monarques y justifiaient l’initiative prise par l’énonciation de ses objectifs, en fixant simultanément l’étendue des circonscriptions administratives ou les secteurs géographiques à enquêter, en déterminant la composition des commissions d’enquête et le délai pour rapporter les informations rassemblées, ainsi que les conditions à respecter dans la collecte des dépositions30.

  • 31  L. Krus, « Inquirições », op. cit.
  • 32  À partir du règne de D. Dinis (1279-1325), des commissions ont fait place à un seul enquêteur, fam (...)
  • 33  Cf. par exemple L. Krus, « Escrita e poder : as inquirições de Afonso III », op. cit., p. 53-54.

14Armées de ce document qui appuyait leur action et protégeait les témoins, les commissions d’enquête (une en 1220, cinq en 1258), plus ou moins nombreuses (12 éléments en 1220 et 25 en 1258)31, ou les enquêteurs seuls32 entreprenaient leurs périples, qui avaient presque toujours lieu au printemps ou en été, quand les conditions de voyage étaient plus favorables33. En prenant, surtout à partir des enquêtes de 1258, la judicature comme unité administrative de référence pour l’organisation des registres écrits, ils parcouraient les paroisses où ils enquêtaient de bonis hominibus ancianis sine sospecta juratis ad Sancta Dei Evangelia.

  • 34  L. Krus, op. cit., passim.
  • 35  Voir sur ce point I. Castro, Introdução à história do Português, Lisboa, 2006, p. 96, et A. M. Mar (...)

15Des dépositions recueillies sont arrivées jusqu’à nos jours des versions établies par des hommes venus de la ville et habitués à l’écriture, le plus souvent peu ou pas familiarisés avec l’espace sur lequel ils voulaient obtenir des informations ; un espace qu’ils parcouraient en suivant des itinéraires privilégiant les sièges de circonscription administrative et les lieux centraux des paroisses, c’est-à-dire le lieu où se trouvait l’église – dont le curé, du reste, intégrait fréquemment la liste des témoins interrogés, comme cela ressort des enquêtes de 1258. Comme Luís Krus l’a bien signalé34, devait se produire dans ces dépositions une tension évidente entre des témoins qui présentaient l’espace sous des formes essentiellement fondées sur l’expression orale et un enregistrement écrit encadré par des modèles bien différents et pas toujours compatibles, dans la mesure où les questions posées aux témoins étaient clairement guidées par la satisfaction des objectifs de l’enquête – où prédominaient, entre autres, des questions comme l’établissement d’une liste de biens et de droits, la détection de situations d’appropriation indue et l’exigence de démontrer l’existence/absence de constatation documentaire pour les situations indiquées. Le clivage est sans aucun doute plus évident dans les enquêtes de 1220 et 1258, vu que les registres ont été rédigés en latin en partant d’une collecte de dépositions orales évidemment réalisées en langue vernaculaire35.

  • 36  J. P. Ribeiro, op. cit., doc. V et doc. XIV.
  • 37  A. A. Andrade, « Les enquêtes royales au Portugal, 1220-1343 », op. cit., p. 27.
  • 38  Cf. projet Regnum Regis, « Cronologia ».

16Malgré toutes les contraintes qu’il faut prendre en compte quand on veut l’utiliser, la documentation résultant des vagues d’enquêtes royales permet de réunir pour de vastes zones du Portugal médiéval un énorme volume d’informations riches et variées, susceptible d’approches diachroniques étant donné que, comme on l’a précédemment expliqué, les enquêtes se succédèrent avec quelque régularité pendant près d’un siècle, même si leurs objectifs n’étaient pas nécessairement identiques36. Une telle richesse n’a cependant pas poussé l’historiographie portugaise à entreprendre la publication systématique de cette documentation – les enquêtes résultant de l’initiative du roi Denis restent presque totalement inédites, et la version des enquêtes de 1258 publiée au XIXe siècle devrait être l’objet d’une révision critique – ou pour le moins à développer des études approfondies sur leur contenu37. En vérité, les recherches à notre disposition jusqu’à présent se caractérisent soit par leur caractère spatialement restreint, soit, lorsqu’elles prennent en compte la totalité des informations disponibles, par leur tendance à se focaliser sur certains vecteurs, comme cela arrive par exemple dans les études sur la noblesse, qui retiennent dans les enquêtes une informations surtout associée à l’implantation patrimoniale et géographique, au contexte et aux modalités de l’usurpation, ainsi qu’à l’usufruit de revenus fiscaux et de juridictions seigneuriales38. Ainsi on peut affirmer que l’exploitation totale des potentialités de la documentation résultant des enquêtes royales est encore très loin d’être faite, ce qui entrave et rend toujours prématurées et susceptibles de révision les perspectives plus génériques, notamment celles de la présente étude.

17Désormais, et sans prétendre être exhaustif ni établir avec une grande rigueur les différences de quantité et de qualité de l’information à laquelle peut contribuer la documentation résultant des différents vagues d’enquêtes, nous allons énoncer quelques-uns de ses apports possibles pour la connaissance de l’organisation spatiale du territoire du Portugal médiéval. Rappelons au préalable que les textes les plus riches en données capables de satisfaire cet objectif sont ceux résultant des compte-rendus des enquêtes réalisées en 1258 et en 1288, ainsi que les sentences de ces dernières enquêtes, datées de 1290. Les textes des enquêtes de 1220, quoique très manipulés et réorganisés par le gouvernement royal, fournissent eux aussi un ensemble considérable d’informations. Les considérations que l’on présente ensuite sont donc surtout fondées sur les résultats des vagues de 1220, 1258 et 1288. Il faut néanmoins garder à l’esprit que la teneur des questions posées aux témoins lors de ces différentes vagues d’enquêtes, tout en ayant beaucoup en commun, n’est pas identique, et qu’une rigoureuse comparaison de ces formulations et des objectifs auxquels elles renvoient reste à établir.

18En vérité, la mémoire des enquêtes royales tend surtout à rendre possible la réalisation d’un « portrait » d’un espace particulier et de ses populations à un moment spécifique, en constituant ce que l’on peut appeler une vision synchrone. Toutefois, dans le cas portugais, une certaine régularité dans la manière d’enquêter peut autoriser une vision, pour certains sujets, plus diachronique. Les contraintes posées par ce type de sources ayant été précisées, le moment est venu de faire le point, encore que de façon succincte, sur ses potentialités, en ayant toujours la certitude que chacune d’elles peut et doit être le sujet d’une recherche approfondie.

  • 39  A. A. Andrade, O Entre Lima e Minho no século XIII : a revelação de uma região, Arcos de Valdevez, (...)
  • 40  Voir l’essai de cartographie de C. Tropeau, Approche de l’organisation de l’espace à travers une s (...)

19Les parcours des enquêteurs, quoique pas encore élucidés quant à leur logique, à leurs principales étapes et au temps passé dans les séjours et voyages, semblent avoir été établis en fonction d’unités administratives à base territoriale, bien qu’une telle impression puisse être le résultat de la forme selon laquelle a été organisée la version écrite des dépositions recueillies. Mais quelle que soit l’explication, le plus important est que le texte des enquêtes permet de connaître la typologie de ces unités administratives, leur évolution diachronique entre les débuts du XIIIe siècle et du siècle suivant, et, bien sûr, leur géographie dans le secteur d’enquête, cette dernière information pouvant permettre une cartographie géoréférencée, encore que sous réserve du fait de la difficulté de localiser nombre de références toponymiques39. Des recherches ultérieures, prenant notamment en compte les limites des territoires locaux (communautés d’habitants et/ou paroisses), permettront de déterminer à partir de quel moment la géographie administrative « couvre » l’espace par des cellules mitoyennes, avec un emboîtement des circonscriptions40 – en d’autres termes quand se produit une véritable territorialisation à l’échelle d’un diocèse ou du royaume tout entier.

  • 41  Cf. un exemple : Item, in collatione Sancte Marine de Pedroselo, Johannes Diaz prelatus…, Valdevez (...)
  • 42  J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, O castelo e a feira, op. cit., p. 107-112.
  • 43  A. J. Costa, « Comarca eclesiástica de Valença do Minho (Antecedentes da diocese de Viana do Caste (...)

20À l’intérieur de ces circonscriptions administratives, les communautés étaient enquêtées en fonction des paroisses où elles habitaient, vu qu’il avait été décidé que soient interrogés – comme cela arrive en 1258 – le curé et les paroissiens41. Ce fait permet de reconstituer le réseau médiéval des paroisses et de mettre en évidence certaines de ses vicissitudes, selon une chronologie qui inclut pour le moins trois générations ; il montre notamment les dédoublements de paroisses résultant de la pression démographique qui a caractérisé la partie septentrionale du royaume portugais pendant le XIIIe siècle. Durant cette phase de systématisation et d’uniformisation de la paroisse comme unité administrative, le réseau paroissial – bien avant l’éclairage que fournissent les sources issues de la fiscalité épiscopale et pontificale – constitue un élément capital (l’échelon de base) de la territorialisation à l’échelle régionale. La récupération du réseau paroissial fournit en outre la connaissance d’une partie significative du sanctoral médiéval portugais, information d’une grande richesse pour établir une géographie des cultes ; elle permet de connaître, par exemple, la diffusion la plus dynamique de l’invocation de la Vierge ou de saint Jean, la permanence d’anciens cultes hispaniques ou la manifestation de quelques spécificités de caractère régional42, éléments dont la cartographie, une fois entreprise, livrera certainement des conclusions très intéressantes43.

  • 44  A. M. Jorge, « Organização eclesiástica do espaço », História Religiosa de Portugal, t. 1, Formaçã (...)
  • 45  Dans ces derniers cas, l’identification rigoureuse des personnages n’est pas toujours facile, ni m (...)

21Le souci de définir rigoureusement le droit de présentation du curé impliquait la récurrence des questions posées à cet égard aux témoins ; la collecte de ces informations rend donc possible la connaissance de la distribution des droits de patronage dans une part considérable du Portugal médiéval44. L’étude de ces données permet d’établir une liste de patrons, parmi lesquels le monarque, de multiples institutions religieuses – évêques, chapitres diocésains, monastères, collégiales, ordres militaires, entre autres –, des églises paroissiales, des communautés rurales et des particuliers ; dans ce dernier cas, il peut s’agir de nobles comme d’ecclésiastiques, auxquels peuvent s’ajouter des propriétaires et des officiers royaux45. Ce droit ayant été souvent partagé, soit entre plusieurs entités, soit entre celles-ci et des particuliers et/ou des communautés, la connaissance de sa distribution permet d’évaluer la capacité d’influence des différentes institutions religieuses, ce qui nous aide à déterminer l’amplitude de leur implantation et à éclaircir des situations de conflit explicitées dans une documentation autre que les enquêtes, c’est-à-dire dans des notices de conflits et de jugements. Cela rend aussi possible de détecter un instrument privilégié, quoique non mesurable et certainement indirect, d’encadrement des communautés rurales de la part des privilégiés ou du monarque.

  • 46  B. Sá-Nogueira, « A organização do padroado régio durante o reinado de D. Dinis – listas de aprese (...)

22Le soin qui semble avoir été pris, parallèlement à l’enregistrement des enquêtes, à l’élaboration de listes de patrons d’églises et autres temples confirme l’intérêt des enquêteurs pour l’obtention de cette information, qui se révèlerait certainement très utile à la royauté dans toutes les questions contentieuses découlant des conflits juridictionnels autour du droit de patronage dans lesquels les monarques apparaîtraient comme partie46.

  • 47  Cf. un exemple entre beaucoup d’autres possibles, A. M. O. Martins, O mosteiro de S. Salvador de V (...)
  • 48  M. F. Andrade, « O património dos mosteiros agostinhos segundo as Inquirições de 1220 », 2º Congre (...)
  • 49  A. A. Andrade, « Entre Lima e Minho e Galiza na Idade Média : uma relação de amor e ódio », A cons (...)

23Du recensement des patrons émerge la possibilité de définir le réseau monastique, information d’autant plus intéressante que les vagues d’enquêtes ont porté surtout sur des zones de forte et de traditionnelle implantation monastique, comme c’est le cas de la zone littorale et surtout du territoire qui s’étend entre les fleuves Douro et Minho. La cartographie de ces données, déjà analysée (quoique non globalement), a permis de dégager les facteurs les plus importants de leur distribution spatiale, ainsi qu’une meilleure compréhension de leurs stratégies d’implantation territoriale ; de fait, la source rend possible la connaissance de leurs immunités (coutos) et d’une partie significative de leurs patrimoines, ainsi que de leur exercice de droits juridictionnels47. Et elle nous permet aussi de déterminer les zones d’implantation des différentes observances48 ou la pénétration, dans les franges frontalières, d’institutions monastiques galiciennes, léonaises et castillanes49.

  • 50  Cf. un exemple en 1220 : De Antoana… Mons qui dicitur Malsabela solebat esse domini Regis et modo (...)
  • 51  M. J. Trindade, « A propriedade das Ordens Militares nas Inquirições Gerais de 1220 », Estudos de (...)
  • 52  J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, O castelo e a feira, op. cit., carte 106, et A. M. O. Martins, (...)

24Cependant, comme on l’a déjà dit, les enquêtes s’intéressaient avant tout à l’établissement rigoureux de l’exercice de la juridiction royale ; et par conséquent elles se souciaient de faire le relevé exhaustif des différents types d’espaces seigneuriaux, afin de mieux évaluer l’usage de l’immunité. Il devient donc possible d’établir la typologie de ces espaces évoqués par le biais de références toponymiques spécifiques, même s’il est parfois difficile de retrouver leur localisation précise et l’entité ou la personne à laquelle ils s’associaient50. Ainsi, la cartographie des commanderies51, immunités et « honneurs » (honras)52 est possible, au même titre que la localisation de tous les autres espaces, plus fluides et imprécis, qui s’affirmaient comme immunistes à travers la voix des témoins appelés à déposer. Et c’était surtout sur ces immunités, parce que vraisemblablement usurpées ou illégalement utilisées, que se faisait sentir la pression des enquêteurs pour obtenir la confirmation, de la part des témoins enquêtés, de l’existence de pièce justificative de la situation énoncée. Cette exigence est devenue de plus en plus importante dans la procédure d’enquête, surtout à partir du début du XIVe siècle, dans la mesure où étaient exigés non seulement le témoignage oral des témoins considérés comme dignes de foi mais aussi l’exhibition du document écrit, lequel suscitait souvent des doutes quant à son authenticité ou des critiques relatives à sa forme de la part des experts en écriture administrative qu’étaient les enquêteurs, comme cela a été enregistré, par exemple, dans les enquêtes de 1258 :

  • 53  J. P. Ribeiro, op. cit., p. 64.

Et ista carta non tenebat sigillo de aliquo Rege, et erat littera facta de tribus manibus […]53.

  • 54  L. Krus, « O rei herdeiro dos condes : D. Dinis e a herança dos Sousas », Passado, memória e poder (...)

25La vérification des situations d’usurpation, qui était en somme le moteur de l’exécution des enquêtes royales, ne se limitait pas aux espaces immunistes, vu qu’elle s’étendait à l’usufruit de propriétés et de droits royaux, préoccupation qui permettait aussi de détecter les situations d’aliénation du monarque en faveur d’institutions et d’individus ; les témoins devaient prouver ces circonstances en faisant appel, soit à leur mémoire (le ouï-dire depuis des temps anciens ou remontant à leurs ancêtres), soit, une fois de plus, à l’existence d’un document écrit qu’ils avaient vu ou dont ils avaient entendu parler54. De cette façon, l’enquête peut permettre d’étudier l’amplitude de la pénétration dans des milieux ruraux et non-lettrés de la notion de justificatif écrit, en révélant également comment l’action des commissions d’enquête constituait un puissant moyen de diffusion de son importance croissante.

  • 55  A. A. Andrade, « A estratégia dionisina na fronteira noroeste », A construção medieval do territór (...)

26 Ces données sont de la plus grande importance pour les médiévistes, et on peut y joindre la possibilité, donnée par la source, d’une cartographie des conditions de l’usurpation, et ainsi fournir une connaissance plus effective et rigoureuse de ce que José Mattoso appelle le Portugal seigneurial. Ces textes informent également sur les processus en œuvre dans l’économie de l’usurpation : l’utilisation de la force, le pro natura, l’achat, l’invocation de la condition de voisin d’une localité pourvue de charte, la donation testamentaire à une institution ecclésiastique, c’est-à-dire dans de nombreux cas un manquement à la législation royale destinée à restreindre les pratiques favorisant l’obtention de l’immunité ou au moins une application déficiente de ce même cadre normatif55.

  • 56  Ibid., p. 90, et A. A. Andrade, « Um empreendimento régio : a formação e desenvolvimento de uma re (...)
  • 57  L. Ventura, « Terras e julgados », op. cit., p. 543-554.

27Le relevé des situations d’usurpation ainsi que d’aliénation royale de biens et de droits a permis aux monarques médiévaux qui ont entrepris des enquêtes d’évaluer la dimension légitime et illégitime des pouvoirs seigneuriaux concurrents, ainsi que ses conséquences dans la perception de revenus, qui, de plus en plus, apparaissaient comme indispensables à la mise en œuvre de politiques d’affirmation du pouvoir royal ayant comme appui les institutions administratives et fiscales. Formulée en termes de territoire mais ne s’y réduisant pas, cette évaluation leur a permis de détecter les secteurs prioritaires pour les interventions à entreprendre ; du coup, les enquêtes peuvent être considérées comme un instrument qui, très probablement, a aidé à configurer des stratégies aussi décisives que l’attribution de chartes de franchises (forais)56 ou les mesures de reconfiguration du maillage administratif, récemment éclairées par les réflexions de Leontina Ventura57.

  • 58  Voir un exemple dans M. H. C. Coelho, « A terra e os homens da Nóbrega no século XIII », Homens, e (...)
  • 59  Voir des exemples dans J. L. Fontes, « A Terra de Vermoim nas Inquirições de 1220 : o povoamento e (...)
  • 60  Cf. des exemples dans J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, O castelo e a feira, op. cit., carte 76, (...)

28Le soin mis dans la vérification de l’usurpation et la préoccupation d’établir le relevé des biens et droits royaux fournissent les éléments nécessaires pour l’élaboration d’un authentique cadastre de propriété, duquel émergent des listes étendues de propriétaires et la dimension de l’implantation de leurs patrimoines – légaux ou illégaux – dans la zone observée58, permettant d’évaluer leur degré de concentration et/ou dispersion, ainsi que la quasi omniprésence de la propriété royale, laquelle se caractérise par une notable diversité de sa typologie59. Bien plus difficiles à analyser sont les patrimoines d’hommes libres, non seulement à cause de leur moindre dimension et de leur fragmentation, mais aussi parce qu’il est presque impossible de débrouiller les homonymies qui se produisent dans l’onomastique enregistrée60.

  • 61  A. M. O. Martins, op. cit., p. 135.
  • 62  C’est ce que fait R. Durand, Les campagnes portugaises entre Douro et Tage aux XIIe et XIIIe siècl (...)

29Les réponses aux questions sur la possession de biens fonciers intégraient des informations sur les productions obtenues par leur exploitation, à partir desquelles on peut reconstituer les différentes typologies des paiements dus au propriétaire pour l’occupation/exploitation des biens, qu’il s’agisse de rentes – en nature ou en numéraire, fixes ou proportionnelles – ou de prestations. De telles données n’ont jamais été jusqu’à présent l’objet d’une collecte, d’un traitement ni d’une cartographie systématiques, en vertu de quoi on a seulement des analyses partielles, d’où émergent cependant des éléments significatifs, tels que la diffusion de la monnaie dans les campagnes61 ou les pratiques les plus courantes dans les systèmes de contrat agraires – la durée, les clauses complémentaires, etc.62 ; à partir de ces critères se dessine une géographie d’implantation en fonction du territoire enquêté, où il faut analyser des spécificités et des asymétries.

  • 63  Cf. projet Regnum Regis, « Base de dados-protocolos de preenchimento - 15.2. Direitos », p. 12-14,
  • 64  Cf. exemples dans I. Gonçalves, « Alguns aspectos da visita régia ao entre Cávado e Minho, no sécu (...)

30Associée à ces propriétés, il apparaît encore une panoplie de droits et de services dont il n’est pas toujours possible d’éclaircir la signification, étant donné le peu d’intérêt de la médiévistique portugaise pour l’étude de la fiscalité et tout ce qui reste à savoir sur l’exercice de droits juridictionnels. Ainsi, les témoins enquêtés énumèrent avec plus ou moins de détail et avec une certaine variabilité lexicale une série de services et prestations dus au monarque ou à ses représentants, de caractère individuel ou collectif et résultant d’une certaine situation sociale et/ou de la catégorie à laquelle appartenait la parcelle agricole qu’ils occupaient63. Parmi ces droits prédominent ceux à caractère militaire – alors déjà en cours de conversion en numéraire –, ceux qui octroyaient l’usufruit des productions au roi et à ses représentants locaux, la prestation de services de transport génériques ou de produits spécifiques, la fourniture de matières premières, notamment les réparations fournies au monarque et à ses représentants dans des lieux comme les châteaux et/ou les lieux de stockage ou de transformation de produits agricoles ou encore dans les zones forestières64.

31La cartographie de la prestation de ces services – qui pouvaient inclure toute la population d’une paroisse ou seulement quelques personnes ou familles – permet de révéler le contexte des mobilités à l’intérieur de l’espace enquêté, vu que de telles prestations impliquaient des déplacements, parmi lesquels certains étaient de grande régularité. Les destinations de ces déplacements, de leur côté, permettent d’établir un authentique réseau de châteaux, de palais, de lieux de stockage comme des « aires », greniers et maisons, c’est-à-dire les points où se matérialisaient d’une façon claire et évidente, à travers l’acte de livraison ou de réalisation du service, l’autorité et l’exercice par le monarque ou par son représentant du droit juridictionnel, qui ainsi formaient un maillage capable d’encadrer et de hiérarchiser le territoire en fonction de l’autorité royale.

  • 65  I. Gonçalves, « Espaços silvestres para animais selvagens, no noroeste de Portugal, com as Inquiri (...)

32De la typologie des propriétés, du registre des revenus et de l’énumération des droits et des services ressortent des champs de culture, des engins de production, des pâtures et des zones forestières, des édifices laïques et religieux, tous éléments qui permettent une reconstitution de l’organisation du paysage, capable de révéler – y compris parce que les objectifs de l’enquête visaient à le faire ressortir – la composition de la société qui l’occupe et le complexe entrelacs de pouvoirs qui l’encadrent. En vérité, à partir des dépositions rassemblées, spécialement celles de 1258 et de 1288, il est possible de reconstituer les paysages agraires, dans lesquels la difficile coexistence entre ager, saltus et silva est évidente ; mais nous ne pouvons pas détailler leur richesse descriptive, car la cartographie en est rendue presque impossible du fait de la prédominance d’une microtoponymie malheureusement disparue de nos jours dans de nombreux cas (ou transformée de telle manière qu’il n’est pas possible de retrouver la trace de ces éléments paysagers)65.

  • 66  Cf. exemples dans A. M. O. Martins, op. cit., p. 117 et 142.

33À partir de ces énumérations, on peut restituer les formes d’organisation de la propriété agraire, telles que la tenure (herdade), la ferme (quinta), le domaine (vila), le manse (casal), ainsi que les signes de leur fragmentation – encore aujourd’hui bien présents dans la toponymie portugaise à travers des éléments aussi expressifs que « nouveau » / « vieux », « d’en haut » / « d’en bas », en amont / en aval, « le grand » / « le petit » qui s’y associent66. À partir de la toponymie enregistrée et des rentes à payer émerge la géographie des orientations agricoles et de l’élevage, qui ne s’éloignent en rien des modèles pratiqués dans le reste de la Chrétienté médiévale. Il s’ensuit que l’on rencontre les instruments de production comme le grenier, le pressoir, le four ou la cuve.

34Ainsi, la reconstitution de la distribution spatiale des cultures, des zones forestières, des pâtures, des instruments de production, même si elle n’a été tentée jusqu’à présent que dans des zones limitées, peut permettre, quand elle sera réalisée pour tous les secteurs enquêtés, de dessiner les contours plus ou moins rigoureux du dynamisme de l’occupation humaine et de sa capacité à influencer et transformer le milieu naturel, conformément aux modèles d’exploitation agraire et de connaissances techniques alors disponibles. Cette information peut bénéficier du caractère relativement diachronique que les vagues d’enquêtes royales ont assumé durant cette période particulièrement importante pour le Portugal médiéval, celle qui correspond à la fin de la Reconquête portugaise et à l’implantation progressive de structures de peuplement et d’encadrement administratif.

  • 67  Un exemple dans le texte des enquêtes de 1288 : « Jtem disserum que o castro dUl esta en pose del (...)
  • 68  Ibid., p. 214.
  • 69  A. A. Andrade, « A estratégia dionisina na fronteira noroeste », op. cit., p. 89.

35Quoique de manière moins systématique, le texte des enquêtes permet également de collecter un ensemble d’informations significatives pour la connaissance du territoire, que nous pouvons considérer comme collatérales au contenu des réponses exigées des témoins enquêtés. En effet, l’exigence de se référer à une pièce justificative permet de récupérer des références à des textes aujourd’hui perdus67, comme c’est le cas de quelques chartes de franchises, ou d’avoir connaissance de certaines spécificités  mémorielles de la situation enquêtée, telles que des présences royales dans le lieu, comme celle du premier roi portugais, Alphonse Henriques68. Soucieux d’éclairer devant l’enquêteur les situations d’usurpation, les témoins tendaient à donner des détails sur les événements qui les avaient provoquées, surtout quand elles revêtaient un certain degré de violence ; ceci a permis la consignation des situations d’humiliation répétées que les privilégiés, surtout les nobles, infligeaient aux agents royaux, qui, localement, cherchaient à vérifier les situations d’usurpation ou à collecter les droits de leur maître ; ces cas, dans des époques plus anciennes, pouvaient se traduire par la mort ou des blessures graves69.

  • 70  A. A. Andrade, « A água no Entre Lima e Minho do século XIII : contornos de uma presença esperada  (...)
  • 71  I. Gonçalves, « A árvore na paisagem rural do Entre Douro e Minho : o testemunho das Inquirições d (...)
  • 72  C. A. F. Almeida, « Os caminhos e a assistência no Norte de Portugal », A pobreza e a assistência (...)

36Comme il a été précédemment souligné, le texte des enquêtes royales fournit un nombre extrêmement élevé de toponymes et de micro-toponymes, parfois de localisation difficile mais d’une grande richesse quant à leur signification ; ils permettent de retracer la présence d’éléments caractéristiques d’un territoire, tels que l’eau – rivières, sources, etc.70 –, le couvert végétal spontané ou anthropisé71, ou les éléments caractéristiques du relief. Sur la base de la toponymie enregistrée, on peut rassembler aussi des signes de la fragmentation du peuplement ou des actions de défrichement. La toponymie fournit encore un élément fondamental pour la reconstitution du réseau de contacts des secteurs enquêtés, car elle évoque des chemins, routes, ponts, ainsi que toute une panoplie de désignations associées au passage, que celui-ci s’effectue dans des zones montagneuses ou fluviales72.

  • 73  Cf. un exemple dans J. Mattoso et al., A Terra de Santa Maria, op. cit., p. 125 : Et terminus de C (...)

37Une partie substantielle de la toponymie qui aujourd’hui peut être utilisée à partir des textes des enquêtes a été enregistrée quand les enquêteurs ou les témoins ont cherché à établir les contours délimitant les espaces seigneuriaux, comme les immunités monastiques, les honras associés à la noblesse, les baillages des ordres militaires, ou quand ils voulaient préciser les limites d’une propriété donnée. Mais les délimitations sont des textes d’une grande richesse, qui ne se limitent pas à des toponymes, puisqu’ils énumèrent des bornes et divisions aujourd’hui entièrement disparues ou d’autres marqueurs spatiaux, presque toujours associés à des caractéristiques naturelles propres à un certain espace73. Quoiqu’il soit impossible de déterminer dans cette procédure la contribution effective de chacun des intervenants – le témoin familiarisé avec cet espace et l’enquêteur désireux de laisser le témoignage écrit le plus rigoureux possible et capable d’empêcher de futures situations de doute –, on n’en est pas moins devant des informations qui peuvent et doivent être utilisées pour l’étude des formes d’appréhension du territoire pendant le Moyen Âge.

38Enfin, le texte des enquêtes, par l’enregistrement des noms de milliers de témoins (qui ont ainsi vaincu l’oubli) et par celui de situations impliquant beaucoup d’autres personnes, nous a légué des informations onomastiques, qui, jusqu’à aujourd’hui, ont été très peu utilisées dans le cadre d’études historiques. Néanmoins, on peut déjà être certain que l’analyse de l’anthroponymie enregistrée dans les enquêtes permettra d’avoir des informations sur la persistance d’éléments mozarabes dans la population (même dans des secteurs septentrionaux), ainsi que sur la présence d’étrangers, particulièrement des Francs, très probablement arrivés au XIIe siècle. L’onomastique aide en outre à retracer les mobilités de ces hommes, notamment grâce aux références d’origine géographique qui marquent leur identité dans le registre des enquêteurs.

39Au total, le texte des enquêtes royales médiévales portugaises présente des contenus d’une grande richesse, que les thématiques ci-avant énumérées n’épuisent évidemment pas. Grâce aux informations enregistrées, une appréhension paysagère du territoire devient possible ; quand elle sera cartographiée de façon géoréférencée pour tout le territoire enquêté, elle permettra de connaître, par exemple, des secteurs limites de peuplement, de l’exploitation des ressources naturelles, de la domination de la nature, etc. Données qui, dans leur ensemble, fournissent une meilleure compréhension du fonctionnement des stratégies d’affirmation locale et régionale du pouvoir royal, ainsi que des tensions existantes entre centralisation, seigneurialisme et féodalité.

40Cette source, éclairant aussi bien le « contenu » matériel et social de l’espace – notamment les lieux centraux et le réseau viaire – que la construction politique de circonscriptions « par le haut », est donc parfaitement appropriée à l’étude de la territorialisation, telle qu’elle est menée à l’échelle des principautés par « l’État moderne » (ou pré-moderne). Les processus qui s’en dégagent méritent d’être confrontés à la construction, en partie concurrente, des diocèses, appuyée sur une ancienneté bien plus grande que le « jeune » royaume portugais (né dans les années 1120-1130) mais agissant dans un cadre plus restreint.

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Notes

1  Voir en dernier lieu L’enquête au Moyen Âge, dir. C. Gauvard, Rome, EFR, 2009 et Quand gouverner c’est enquêter. Les pratiques politiques de l’enquête princière (Occident, XIIIe-XIVe siècles), Actes du colloque international d’Aix-en-Provence et Marseille, 19-21 mars 2009, Paris, 2010. Pour l’Italie, la contribution d’I. Lazzarini dans le présent dossier éclaire l’historiographie.

2  On se réfèrera notamment à L’Enquête générale de Leopardo da Foligno en Provence orientale, avril-juin 1333, sous la direction de Thierry Pécout, Paris, CTHS, 2008.

3  Ce champ d’étude récent est mis en œuvre en France par les travaux collectifs cités aux notes 2 et 3 de l’introduction de S. Boissellier au présent dossier.

4  L. Krus, « Inquirições », Dicionário Ilustrado de História de Portugal, t. I, Lisboa, 1986, p. 343-344.

5  Projet Regnum Regis – Edição do texto latino das Inquirições. Edição do texto : I - Inquirições de Entre Lima e Douro, II - Inquirições de Entre Douro e Mondego, III - Lista das Igrejas, IV - Rol das propriedades, bens e Igrejas em Lisboa e seu termo, disponible en ligne : http://iem.fcsh.unl.pt/investigar/projectos/proj-iem-fct/regnum-regis/

6  Portugaliae Monumenta Historica a saeculo octavo post Christum usque ad quintum decimum,éd. A. Herculanoet J. S. M.Leal, Inquisitiones, Lisboa, IV-VII, 1888-1977.Disponible en ligne sur http://purl.pt/12270

7  J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, O castelo e a feira. A Terra de Santa Maria nos séculos XI a XIII, Lisboa, 1989, p. 45-49.

8  Portugaliae Monumenta Historica a saeculo octavo post Christum usque ad quintum decimum, Nova série – Inquisitiones – Inquirições Gerais de D. Dinis de 1284, éd. J. A. Pizarro, Lisboa, 2007.

9  L. Krus, op. cit., passim.

10  J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, op. cit., p. 60-62.

11  B. V. Sousa, D. Afonso IV, Lisboa, 2005, p. 104, et L. Krus, « Confirmações », Dicionário Ilustrado de História de Portugal, t. I, Lisboa, 1986, p. 148.

12  J. P. Ribeiro, Memórias para a história das inquirições dos primeiros reinados de Portugal colligidas pelos discipulos da aula de diplomática no anno de 1814 para 1815, debaixo da direcção dos lentes proprietario e substituto da mesma aula, Lisboa, 1815, passim.

13  L. Krus, « Escrita e poder : as inquirições de Afonso III », Passado, memória e poder na sociedade medieval portuguesa. Estudos, Redondo, 1994, p. 40-41.

14  J. P. Ribeiro, op. cit., p. 63.

15  Ibid., p. 55.

16  A. A. Andrade, « Les enquêtes royales au Portugal, 1220-1343 », Quand gouverner c’est enquêter, op. cit., p. 29, 39 et 40.

17  Cf. L. Krus, op. cit., passim, et F. Roldão, « Para além da chancelaria : registo e conservação de diplomas dionisinos na administração régia periférica », CLIO. Revista do Centro de História da Universidade de Lisboa, Lisboa, 2008, p. 189-221.

18  A. A. Andrade, « Estado, territórios e “administração régia periférica” », A construção medieval do território, Lisboa, 2001, p. 56.

19  L. Krus, op. cit., p. 41, et A. A. Andrade, « A estratégia dionisina na fronteira noroeste », A construção medieval do território, Lisboa, 2001, p. 90.

20  L. Ventura, « Afonso III e o desenvolvimento da autoridade régia », Portugal em definição de fronteiras, coord. M. H. C. Coelho et A. L. C. Homem, t. III, Nova História de Portugal, dir. J. Serrão et A. H. O. Marques, Lisboa, 1996, p. 128-129.

21  J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, op. cit., p. 60-61, et J. P. Ribeiro, op. cit., p. 83. Lire un exemple dans J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, op. cit., p. 265-267.

22  L. Ventura, D. Afonso III, Lisboa, 2006, p. 107.

23  J. Mattoso, « A sociedade feudal e senhorial », História de Portugal, dir. J. Mattoso, t. II, A monarquia feudal (1096-1480), Lisboa, 1993, p. 165.

24  J. P. Ribeiro, op. cit.,p. 83.

25  Cf. Projet Regnum Regis déjà cité.

26  Ibid.

27  J. P. Ribeiro, op. cit., p. 99 et doc. XIX.

28  Ibid.,doc. XXIII et doc. XXIV.

29  Sur ce processus, on a déjà essayé de fournir quelques clarifications dans un autre texte récemment publié : A. A. Andrade, « Les enquêtes royales au Portugal, 1220-1343 », op. cit.

30  Voir des exemples pour toutes les vagues dans J. P. Ribeiro, op. cit., doc. V, XIV, XIX, XXII et XXIII.

31  L. Krus, « Inquirições », op. cit.

32  À partir du règne de D. Dinis (1279-1325), des commissions ont fait place à un seul enquêteur, familier du roi qui se faisait accompagner sur le terrain par les notaires locaux, à qui il incombait de l’aider dans la réalisation des documents nécessaires. Cf. J. P. Ribeiro, op. cit., doc. XIX.

33  Cf. par exemple L. Krus, « Escrita e poder : as inquirições de Afonso III », op. cit., p. 53-54.

34  L. Krus, op. cit., passim.

35  Voir sur ce point I. Castro, Introdução à história do Português, Lisboa, 2006, p. 96, et A. M. Martins, « Emergência e generalização do português escrito. De D. Afonso Henriques a D. Dinis », Caminhos do Português, coord. M. H. M. Mateus, Lisboa, 2001, p. 36 et 41.

36  J. P. Ribeiro, op. cit., doc. V et doc. XIV.

37  A. A. Andrade, « Les enquêtes royales au Portugal, 1220-1343 », op. cit., p. 27.

38  Cf. projet Regnum Regis, « Cronologia ».

39  A. A. Andrade, O Entre Lima e Minho no século XIII : a revelação de uma região, Arcos de Valdevez, 1997, passim ; J. Mattoso, L. Krus, O. Bettencourt, « As Inquirições de 1258 como fonte da história da nobreza. O julgado de Aguiar de Sousa », Revista de Historia Económica e Social, 9, 1982, p. 17-74 ; L. Ventura, « Terras e julgados », Portugal em definição de fronteiras, coord. M. H. C. Coelho et A. L. C. Homem, t. III, Nova História de Portugal, dir. J. Serrão et A. H. O. Marques, Lisboa, 1996, p. 543-553.

40  Voir l’essai de cartographie de C. Tropeau, Approche de l’organisation de l’espace à travers une source inquisitoire. Le cas de la 2e commission d’enquête d’Alphonse III du Portugal, 1258, Université de Poitiers, 2009 (mémoire de master 2 polyc.).

41  Cf. un exemple : Item, in collatione Sancte Marine de Pedroselo, Johannes Diaz prelatus…, Valdevez Medieval. Documentos. I. 950-1299, dir. A. A. Andrade et L. Krus, Arcos de Valdevez, 2000, p. 123.

42  J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, O castelo e a feira, op. cit., p. 107-112.

43  A. J. Costa, « Comarca eclesiástica de Valença do Minho (Antecedentes da diocese de Viana do Castelo) », I Colóquio Galaico-Minhoto (Ponte de Lima, 1-5 de Setembro de 1981) – Actas, t. I, Ponte de Lima, 1983, p. 68-240 ; pour une région extérieure aux grandes enquêtes royales (mais sur la base d’un registre administratif), on peut voir S. Boissellier, « Organisation sociale et altérité culturelle dans l’hagionymie médiévale du Midi portugais », Lusitania sacra, 17, 2e s. (Clérigos e religiosos na sociedade medieval), 2005, p. 255-298.

44  A. M. Jorge, « Organização eclesiástica do espaço », História Religiosa de Portugal, t. 1, Formação e limites da Cristandade, dir. A. M. Jorge et A. M. Rodrigues, Lisboa, 2000, p. 146.

45  Dans ces derniers cas, l’identification rigoureuse des personnages n’est pas toujours facile, ni même possible.

46  B. Sá-Nogueira, « A organização do padroado régio durante o reinado de D. Dinis – listas de apresentações (1279-1321) », Arqueologia do Estado. Ias Jornadas sobre formas de organização e exercício dos poderes na Europa do Sul, sécs. XIII-XVIII – Comunicações, t. I, Lisboa, 1988, p. 421-445 ; S. Boissellier, Registres fiscaux et administratifs de bénéfices ecclésiastiques du royaume portugais XIIIe-XIVe siècles (édition et présentation). Contribution à l’étude du phénomène administratif, Paris, Université Paris I – Sorbonne, Mémoire inédit  (I) présenté pour l’Habilitation à Diriger des Recherches, polycop., 2002 ; M. F. Andrade, « Entre Braga e Tui : uma fronteira diocesana de Duzentos (o testemunho das Inquirições) », Revista da Faculdade de Letras – História, 2ª série, t. XV, 1998, p. 77-98.

47  Cf. un exemple entre beaucoup d’autres possibles, A. M. O. Martins, O mosteiro de S. Salvador de Vairão na Idade Média : o percurso de uma comunidade feminina,Porto, 2001, p. 104, 149, 152, 160-162, 166, 331-340.

48  M. F. Andrade, « O património dos mosteiros agostinhos segundo as Inquirições de 1220 », 2º Congresso Histórico de Guimarães – Actas do Congresso, t. 6, Guimarães, 1996, p. 131-145.

49  A. A. Andrade, « Entre Lima e Minho e Galiza na Idade Média : uma relação de amor e ódio », A construção medieval do território, Lisboa, 2001, p. 102, et A. C. Henriques, O rei e a Terra do Barroso : montanha, periferia e poder régio (sécs. XII-XIV), 2 tomes, Lisboa, polycop., 2003.

50  Cf. un exemple en 1220 : De Antoana… Mons qui dicitur Malsabela solebat esse domini Regis et modo milites tenent illum defensum et fecerunt ibi deuesas…, J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, A Terra de Santa Maria no século XIII. Problemas e documentos, Sta Maria da Feira, 1993, p. 108.

51  M. J. Trindade, « A propriedade das Ordens Militares nas Inquirições Gerais de 1220 », Estudos de História Medieval e outros, Lisboa, 1981, p. 129-143.

52  J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, O castelo e a feira, op. cit., carte 106, et A. M. O. Martins, op. cit., p. 146, 147, 149.

53  J. P. Ribeiro, op. cit., p. 64.

54  L. Krus, « O rei herdeiro dos condes : D. Dinis e a herança dos Sousas », Passado, memória e poder na sociedade medieval portuguesa,Redondo, 1994, p. 69-71.

55  A. A. Andrade, « A estratégia dionisina na fronteira noroeste », A construção medieval do território, Lisboa, 2001, p. 89-91.

56  Ibid., p. 90, et A. A. Andrade, « Um empreendimento régio : a formação e desenvolvimento de uma rede urbana na fronteira noroeste de Portugal durante a Idade Média », Penélope - Fazer e desfazer a História, 12, 1993, p. 121-125.

57  L. Ventura, « Terras e julgados », op. cit., p. 543-554.

58  Voir un exemple dans M. H. C. Coelho, « A terra e os homens da Nóbrega no século XIII », Homens, espaços e poderes (séculos XI-XVI), t. I – Notas do Viver Social, Lisboa, 1990, p. 170-198.

59  Voir des exemples dans J. L. Fontes, « A Terra de Vermoim nas Inquirições de 1220 : o povoamento e a propriedade régia », 2º Congresso Histórico de Guimarães – Actas do Congresso, t. 6, Guimarães, 1996, p. 93-107, et O. A. Gameiro, « A propriedade régia em Guimarães nas Inquirições de 1220 », op. cit., p. 147-179.

60  Cf. des exemples dans J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, O castelo e a feira, op. cit., carte 76, et A. M. O. Martins, op. cit., p. 143.

61  A. M. O. Martins, op. cit., p. 135.

62  C’est ce que fait R. Durand, Les campagnes portugaises entre Douro et Tage aux XIIe et XIIIe siècles, Paris/Lisbonne, 1982, p. 363-392, en éclairant le corpus des contrats agraires avec les enquêtes de 1258.

63  Cf. projet Regnum Regis, « Base de dados-protocolos de preenchimento - 15.2. Direitos », p. 12-14,

64  Cf. exemples dans I. Gonçalves, « Alguns aspectos da visita régia ao entre Cávado e Minho, no século XIII », Estudos Medievais, 10, 1993, p. 33-57, et A. A. Andrade, Vilas, poder régio e fronteira : o exemplo do Entre Lima e Minho medieval, thèse de doctorat inédite, Faculdade de Ciências Sociais e Humanas da Universidade Nova de Lisboa, Lisboa, 1994, passim.

65  I. Gonçalves, « Espaços silvestres para animais selvagens, no noroeste de Portugal, com as Inquirições de 1258 », Estudos em Homenagem ao Professor Doutor José Marques, t. 2, Porto, 2006, p. 193-219, et « Sobre o pão medieval minhoto : o testemunho das Inquirições de 1258 », Arqueologia Medieval, 6, 1998, p. 225-243.

66  Cf. exemples dans A. M. O. Martins, op. cit., p. 117 et 142.

67  Un exemple dans le texte des enquêtes de 1288 : « Jtem disserum que o castro dUl esta en pose del Rey e ha ia gram tempo […] e dar foros quaes son deuisados per carta do juiz de Figueyredo que ende hy a », dans J. Mattoso, L. Krus, A. A. Andrade, A Terra de Santa Maria no século XIII. Problemas e documentos, Sta Maria da Feira, 1993, p. 214.

68  Ibid., p. 214.

69  A. A. Andrade, « A estratégia dionisina na fronteira noroeste », op. cit., p. 89.

70  A. A. Andrade, « A água no Entre Lima e Minho do século XIII : contornos de uma presença esperada », Estudos Orientais, IV (Homenagem ao Professor António Augusto Tavares),1997, p. 183-197.

71  I. Gonçalves, « A árvore na paisagem rural do Entre Douro e Minho : o testemunho das Inquirições de 1258 », 2º Congresso Histórico de Guimarães, op. cit., t. 6, p. 5-25.

72  C. A. F. Almeida, « Os caminhos e a assistência no Norte de Portugal », A pobreza e a assistência aos pobres na Península Ibérica durante a Idade Média. Actas das 1as Jornadas Luso-Espanholas de História Medieval (Lisboa, 25-30 de Setembro de 1972), Lisboa, 1973, p. 39-57.

73  Cf. un exemple dans J. Mattoso et al., A Terra de Santa Maria, op. cit., p. 125 : Et terminus de Carregosa partet cum Jnsola per mamõa medieanam et per spinarium uellum et per outeirum de pinllal et per portum largunum.

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Pour citer cet article

Référence papier

Amélia Aguiar Andrade, « Une source privilégiée pour l’étude de l’espace à échelle régionale dans le Portugal médiéval : les enquêtes royales »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 21 | 2011, 9-25.

Référence électronique

Amélia Aguiar Andrade, « Une source privilégiée pour l’étude de l’espace à échelle régionale dans le Portugal médiéval : les enquêtes royales »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 21 | 2011, mis en ligne le 10 mai 2014, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/12417 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.12417

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Auteur

Amélia Aguiar Andrade

Faculdade de Ciências Sociais e Humanas, Universidade Nova de Lisboa / Instituto de Estudos Medievais

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