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2011

Thierry Rentet, Anne de Montmorency, Grand maître de François Ier

Jean-Paul Straetmans
Référence(s) :

Thierry Rentet, Anne de Montmorency, Grand maître de François Ier, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011, 432p.

ISBN 978-2-7535-1227-6

Texte intégral

1Anne de Montmorency né sous Charles VIII, meurt à 74 ans, sous Charles IX à la bataille de Saint-Denis. Sa vie, riche en combats, l’a mené aux plus hautes fonctions dans le royaume sous François Ier et Henri II. Thierry Rentet propose une explication à la prodigieuse ascension de ce personnage-clef du début du XVIe siècle, Grand Maître de France, par l’analyse statistique, géographique, sociologique et historique des 3126 lettres qui lui ont été adressées entre 1526 et 1530, ainsi qu’à son secrétaire Nicolas Berthereau. L’ouvrage se fonde sur l’étude globale de cette correspondance passive, qui n’avait jamais été réalisée à ce jour. L’absence de la partie active impose un plan thématique à l’analyse, malgré l’apport de sources complémentaires. Après avoir rappelé l’extraordinaire longévité du compagnon d’enfance de François Ier, l’auteur part des fondements de la puissance d’Anne de Montmorency, raconte son essor à partir de 1520, et enfin décrit le fonctionnement de ses réseaux, principale source de sa réussite.

2La puissance du futur Connétable de France s’appuie sur les trois piliers. Le premier consiste en son lignage et sa parentèle, qui le font accéder à l’entourage du roi. Dans cette position, son talent et les événements lui permettent de progresser à l’aide d’une équipe d’hommes efficaces et dévoués, assurant le bon fonctionnement de l’organisation. Le second pilier est constitué de ses treize officiers domestiques majeurs, qui forment son conseil privé et montrent une grande solidité au travers des épreuves. Enfin, le troisième pilier est celui de ses possessions foncières qui connaissent, à partir de 1526, un élargissement du nord de l’Ile-de-France et de l’Auxois en Bourgogne vers d’autres provinces, en commençant par le Languedoc.

3Le second chapitre de l’ouvrage s’intéresse au pouvoir qu’acquiert progressivement Anne de Montmorency dans la prise en main des affaires du royaume. La correspondance passive du Grand Maître de France révèle « un seigneur conscient de son rôle et qui entend se faire obéir » (p. 145). L’acquisition rapide de sa puissance est favorisée par la disparition partielle des cadres du royaume lors de la défaite de Pavie en 1525. Mais son pouvoir ne s’affirme que progressivement par l’influence exercée sur le roi, sa mère et sa sœur. La correspondance montre les zones d’influence de ses réseaux, et de ses personnages issus du milieu de la justice, de l’armée et des finances royales. À titre d’exemple, Thierry Rentet explique le succès de la libération des enfants royaux retenus en otages à Madrid par la « diagonale de la délivrance » (p. 146). Celle-ci, constituée par les réseaux tissés entre Bruxelles, Paris, Bordeaux et Bayonne, est activée par le Grand Maître dès qu’il engage la négociation.

4Une fois exposé le fondement de la puissance du personnage et les raisons de sa fulgurante progression, l’auteur peut éclairer le fonctionnement des réseaux de Montmorency, en étudiant leurs mécanismes, leurs ressorts et leurs hiérarchies. Dépouillant méthodiquement la correspondance, il dresse la liste des grands thèmes qu’elle traite et classe les 280 correspondants suivant leurs fonctions. Il propose ainsi une anatomie des réseaux sociaux de Montmorency, en distinguant les rapports hiérarchiques et les relations plus informelles. Les membres de ces réseaux, que le Grand Maître doit en permanence contrôler et dominer, protégeant à la fois les individus et les institutions, sont reliés par la famille, l’activité professionnelle ou l’implantation géographique. Outre ses responsabilités de gestionnaire des dépenses de fonctionnement de la cour, le Grand Maître est responsable des logis royaux et de la sécurité du roi. Il doit également établir chaque année la liste des officiers servant les Maisons princières. À ce titre, l’étude de la correspondance met en évidence la présence de groupes très solidaires, fondement de la société de l’époque, et l’existence d’une compétition entre leurs membres pour l’obtention des bénéfices ou des offices. Les démarches auprès du Grand Maître ou de son secrétaire ne laissent pas de place à l’improvisation. Les cadeaux restent indispensables dans une société fondée sur des liens d’hommes à hommes.

5Si les biographes d’Anne de Montmorency conviennent des raisons de sa prodigieuse ascension, la correspondance étudiée permet d’ajouter une explication politique, qui rend François Ier plus machiavélien qu’on ne le représente traditionnellement. En effet, de retour de sa captivité à Madrid, François Ier doit retrouver rapidement son autorité contestée par le Parlement, repartir en guerre contre Charles Quint et faire libérer au plus vite ses enfants retenus en otages. Anne de Montmorency s’impose comme le seul qui puisse réaliser ces objectifs. Il protège la capitale par ses possessions foncières au nord de l’Ile-de-France, et exerce une influence sur le Parlement de Paris par sa parentèle. De plus, il est capable de remobiliser et d’organiser l’armée royale pour de nouvelles aventures italiennes. Ses bonnes relations avec les Impériaux lui donnent également du crédit pour mener à bien les négociations diplomatiques.

6Si l’apport principal de l’ouvrage réside dans la reconstitution de l’environnement d’Anne de Montmorency par le dépouillement méticuleux de sa correspondance passive, il n’apporte pas de révélations sur son histoire et n’offre qu’un portrait en creux du personnage, à partir de textes où sa parole directe est absente. En ce sens, le titre Anne de Montmorency peut porter à confusion, même si le sous-titre de Grand maître de François Ier limite la période étudiée. Il laisse espérer une nouvelle biographie du personnage, à la suite de celle de B. Bedos Rezak portant un titre assez proche, Anne de Montmorency, un seigneur de la Renaissance. Mais la correspondance étudiée, qui est adressée pour un tiers au secrétaire de Montmorency, fonde l’analyse d’un système plus que d’un personnage. Les derniers mots de la conclusion, « étude des réseaux sociaux au XVIe siècle » (p. 390), définissent plus exactement l’objet de l’ouvrage, et auraient constitué un titre plus représentatif de cette passionnante enquête, qui décrit avec précision et originalité les mécanismes du pouvoir d’un grand personnage du début du XVIe siècle.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Paul Straetmans, « Thierry Rentet, Anne de Montmorency, Grand maître de François Ier »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 14 septembre 2011, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/12365 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.12365

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Auteur

Jean-Paul Straetmans

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