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Un inédit de la Bibliothèque municipale de Versailles, le manuscrit M 139, livre d’heures à l’usage de Rouen

Valérie Ruf-Fraissinet
p. 339-355

Résumés

À la Bibliothèque municipale de Versailles est conservé un livre d’heures à l’usage de Rouen datant de la fin du XVe siècle (M 139). Le manuscrit ne présente ni armoiries ni marques de possession permettant d’identifier le commanditaire. Il est illustré de treize miniatures et d’un cycle du calendrier complet. L’étude stylistique de ses miniatures montre clairement que leur exécution a été menée dans le dernier quart du XVe siècle par un artiste proche du milieu parisien du Maître François. L’autre intérêt de ce codex réside dans des choix iconographiques inhabituels, révélant ainsi l’importance des échanges artistiques d’une région à l’autre.

La réalisation de ce travail n’a été possible qu’avec l’aide et les encouragements de Jean-Pierre Caillet et de Claudia Rabel. Je tiens ici à leur exprimer ma vive gratitude.

Haut de page

Texte intégral

1La Bibliothèque municipale de Versailles est renommée pour ses collections liées aux archives royales de l’Ancien Régime, ses estampes et ses nombreuses partitions musicales. On ignore souvent qu’elle renferme un fonds de manuscrits et d’incunables, dont l’ensemble, bien que modeste, est de qualité. Ainsi, elle conserve un livre d’heures, inscrit sous la cote M 139 du catalogue des Manuscrits de la bibliothèque1, qui a traversé les siècles sans trop de dommages. La notice le mentionne comme étant à l’usage de Rouen et daté du XVe siècle. De format réduit (165 mm x 115 mm), le manuscrit se présente aujourd’hui sous une reliure de veau brun, plutôt épais. L’ajout ultérieur de deux gravures sur cuivre2, tirées sur parchemin, suggère que le volume a trouvé refuge dans la collection d’un bibliophile, pour le moment non identifié. Il figure à la fin du XIXe siècle dans la collection d’Édouard Le Corbeiller (1860-1937), un érudit et bibliophile originaire de Dieppe, dont l’ex-libris est noté au contreplat supérieur de la reliure. Il appartient ensuite à ses héritiers, qui ne le cédèrent à la Bibliothèque de Versailles qu’en 1976.

2Constitué de 146 feuillets de parchemin, tous foliotés, ainsi que de quatre pages de garde non foliotées, le manuscrit comprend treize miniatures introduisant les principales articulations des textes contenus dans le volume (lectures des Évangiles, petit office de la Vierge, psaumes de la pénitence, heures de la Croix et du Saint Esprit, office des morts, prières en français), auxquelles il faut ajouter le cycle de vingt-quatre petites miniatures qui orne le calendrier, illustrant, au recto, les travaux des mois, et, au verso, les signes du zodiaque. Les pages de texte sont toutes ornées de bordures latérales, relativement larges, dont la hauteur suit celle de la justification. Des initiales ornées, parfois ponctuées de motifs animaliers ou végétaux, et des lettrines rythment le texte, de même que de nombreux bouts-de-ligne.

3En dépit du nombre relativement modeste de ses miniatures, le M 139 retient l’attention par le caractère de ses réalisations et par certains choix iconographiques inhabituels. Par ailleurs, contrairement à ce que l’usage liturgique aurait pu laisser présager, le style des miniatures trahit une origine parisienne du manuscrit, et témoigne de l’importance des échanges artistiques à la fin du XVe siècle.

Contenu du M 139 : des Heures à l’usage de Rouen

Contenu codicologique

4Les 146 feuillets de parchemin sont de facture moyenne. Le traitement du parchemin en vue de recevoir l’écriture présente des différences de qualité : certaines traces d’étirage de la peau sont visibles, ainsi que les traces d’implantation des poils. Diverses altérations sont relevées : traces d’humidité ayant entraîné une légère dégradation de la peinture (fol. 19, 48v), moisissures (fol. 130, 134) ou piqûres de vers (fol. 1 à 7). Les tranches présentent des restes de peinture rouge sur les trois côtés.

5Bien que la description précise de la composition des cahiers soit rendue difficile par l’état très serré de la reliure, il a pu être dénombré vingt cahiers3, tous signés, la signature4 étant notée sur le recto de la tête de cahier, au milieu de la marge de queue. À l’examen, on note le nombre variable de feuillets composant ceux que l’on peut identifier (deux binions, trois ternions, douze quaternions, un quinion, un sénion), ainsi que le nombre élevé de cahiers irréguliers (un tiers du codex). Ceux-ci peuvent être expliqués, en premier lieu, par la transcription du texte. Ainsi, le premier cahier, affecté au calendrier, est constitué d’un sénion en raison de la copie du texte des douze mois, qui répartit chaque mois au recto et au verso d’un feuillet. De même, la transcription des textes des péricopes des Évangiles, auxquels s’ajoutent ceux de la version abrégée de la Passion selon saint Jean (Jean, XIX, 1-37) et de trois antiennes (saint Vincent, saint Gilles, sainte Marguerite) du deuxième cahier a-t-elle nécessité l’utilisation de cinq bi-feuillets. Par ailleurs, après examen, il apparaît que les ternions G, H et S ne sont pas complets et que soit à déplorer l’absence de trois feuillets. Les débuts des offices de tierce et de vêpres ainsi que de l’Obsecro te étant manquants, il est permis de supposer que chaque texte a pu s’ouvrir par une miniature.

6Le texte est rédigé à longues lignes, avec une justification identique, sans distinction entre le calendrier et le texte. Vingt lignes rectrices ont été tracées ; dix-neuf rectrices sont utilisées pour le texte, dix-sept pour le calendrier. L’organisation de la page de texte comporte, en outre, des bordures latérales qui longent le texte et dont la hauteur suit celle de la justification. L’encre utilisée pour le tracé des réglures est une encre rose pâle, fréquemment utilisée dans les cahiers réglés du XVe siècle. Celle de la copie du texte est brun foncé, d’une teinte dans l’ensemble constante dans le codex, le texte du calendrier étant transcrit au moyen d’encres de couleur, bleue, rouge et or. L’agencement des encres de décoration (rouge pour l’encadrement des bordures de texte, noire pour cerner le contour des initiales ornées, des lettrines et des bouts de lignes) permet une articulation très lisible de la page. Cette variété de couleurs d’encres dans le codex crée un léger effet de polychromie, conférant à l’ensemble un aspect élégant. Le type d’écriture est une bâtarde, caractérisé par un tracé anguleux et allongé des lettres. La copie semble homogène ; on note toutefois une différence de main aux folios 43 à 47, la graphie étant plus resserrée.

L’apport du texte

7Le manuscrit de Versailles comporte l’ensemble habituel des textes constitutifs des livres d’heures de la seconde moitié du XVe siècle, dont l’organisation s’établit comme suit : fol. 1 à 12v, calendrier ; fol. 13 à 19, fragments des Évangiles ; fol. 19 à 20, antiennes ; fol. 21 à 70, heures de la Vierge ; fol. 71 à 81, psaumes de la pénitence ; fol. 81 à 85v, litanies ; fol. 86 à 93, heures de la Croix et du Saint Esprit ; fol. 94 à 130v, office des morts ; fol. 131 à 138v, Stabat Mater, Obsecro te, O Intemerata ; fol. 139 à 145, Quinze joies de la Vierge suivies des Sept requêtes à Notre-Seigneur. Ces textes, hormis le calendrier et les deux dernières prières, sont rédigés en latin. Cet ensemble textuel, rassemblé selon le souhait du commanditaire, révèle à l’étude de forts liens avec Rouen.

8Le calendrier du M 139 (fol. 1 à 12v), rédigé en français, est calqué sur le principe parisien du calendrier complet (une fête par journée, alternativement mentionnée à l’encre rouge et bleue, les grandes fêtes de l’Église et les commémorations de saints étant rubriquées en or) et s’apparente au calendrier parisien tel que publié par Paul Perdrizet5. L’examen montre en effet la forte présence de fêtes propres au diocèse de Paris6, comme sainte Geneviève, le 3 janvier, saint Guillaume de Bourges, le 10 janvier ou Saint Louis, roi de France, le 25 août. Une certaine nonchalance peut être observée dans la transcription des noms (« Supplice » au lieu de « Sulpice »). Toutefois, le scribe a personnalisé cet ensemble en lui adjoignant un ensemble restreint de saints propres au diocèse de Rouen, comme le 28 février, saint Romain, patron de Rouen, dont il fut l’évêque de 626 à 638, et le 7 mai, saint Ouen, évêque de la capitale normande de 641 à 684. On signalera en outre la fête de la Transfiguration le 6 août (sainct Sauveur) mentionnée en lettres d’or. Cette mention semble fournir un indice de datation, puisque cette fête devient triplex à Rouen à compter de 14687.

9Le texte du petit office de la Vierge s’ouvre par l’invitatoire de matines Domine labia mea aperies, sans formule introductive. Les huit heures canoniales sont recensées, mais, comme on l’a noté, manque le début des offices de tierce et de vêpres. Ces heures, examinées au travers des initia des différents textes de prières composant chacun des offices8, suivent l’usage liturgique de Rouen. Selon une pratique inspirée de l’usage de Sarum et héritée de l’occupation anglaise au début du XVe siècle9, les suffrages, peu nombreux (quinze au total), sont ici placés après les laudes (fol. 40 à 47v), ce qui est courant dans les heures à l’usage de Rouen. Notons ici un suffrage au Saint-Sacrement dont l’invocation se rencontre dans les livres d’heures dès la fin du XVe siècle10. Par ailleurs, l’examen de l’office des morts, annoncé par le titre Ad sanctum servicium pro deffunctis, confirme l’usage liturgique du M 13911.

10Bien que les livres d’heures à la fin du Moyen Âge soient un support courant de la dévotion laïque, il est toutefois possible de dégager quelques caractéristiques particulières à notre manuscrit. Si l’identité du commanditaire reste inconnue en l’absence de marques de possession, la rédaction au masculin des prières de l’Obsecro te et de l’Intemerata semble a priori indiquer que ces heures ont été confectionnées pour un homme. La prépondérance des saints masculins au sein des litanies (particulièrement de saints militaires comme Martin, Georges et Maurice) paraît également confirmer cette présomption. Toutefois, dans la longue énumération de saints dont le fidèle invoque l’intercession, se trouve une invocation à sainte Radegonde, reine de France, épouse de Clotaire Ier, devenue abbesse de Poitiers12, qui pourrait avoir été inscrite plutôt à la demande d’une femme. Ce faisceau d’indices laisse en définitive envisager que le livre a été utilisé par un couple, comme le suggère encore la représentation d’un homme et d’une femme en prière devant la Vierge au folio 139. Les trois antiennes précédemment citées, dont la rubrique mentionne saint Vincent martyr, saint Égide (ou Gilles) et sainte Marguerite suivent la même organisation que les suffrages (antienne, verset, répons et collecte). Concernant saint Gilles, il semble qu’il s’agisse de l’abbé en Languedoc, issu d’une vie légendaire, la Vita sancti Egidi, et figurant parmi les dix intercesseurs auxquels, d’après le témoignage d’Eustache Deschamps, « en quelque péril », on ne s’adressait pas en vain. Bien que « la légende de sainte Marguerite passe l’imagination13 » selon les propos de l’abbé Leroquais, la dévotion populaire envers cette sainte était, elle aussi, très répandue. Son intercession était ainsi particulièrement requise par les femmes en couches ; ce choix tend donc à confirmer une utilisation double (par un couple) de ce livre. La présence de ces textes est intéressante comme témoignage de la piété médiévale tardive. Hommes et femmes s’adonnaient à une dévotion particulière envers un saint ou une sainte dont la protection s’étendait dans ce monde et dans l’autre14. Leur citation, à la suite de la Passion selon saint Jean, solennise ces dévotions.

Le décor du M 139 et l’iconographie des grandes peintures

L’organisation du décor secondaire

11Le M 139 bénéficie d’un décor relativement important dont il convient de souligner le caractère soigné. Cet ensemble est organisé afin de structurer le contenu textuel du manuscrit, produisant une hiérarchisation de la décoration en fonction de l’importance accordée aux textes. Ainsi, les subdivisions internes de ceux-ci sont introduites au moyen de lettres ornées dont le module varie suivant l’importance accordée au passage mentionné15, les paragraphes secondaires étant signalés par une lettrine champie. Le corps des initiales ornées est constitué d’acanthes en grisaille bleutée, à la découpe évoquant la forme de rouleau, dont l’usage se diffuse dans les livres d’heures à partir des années 148016. Certaines renferment des motifs animaliers peints au naturel sur fond doré, finement caractérisés en dépit du peu d’espace qui leur est imparti. Les bordures de texte et de peintures en pleine page sont compartimentées17 et strictement organisées, des motifs d’acanthes bleues et or occupant la réserve de parchemin, et des motifs végétaux le fond or. Ce type de décor apparaît dans l’enluminure parisienne vers 148518, et Paul Durrieu y voyait une marque d’influence du modèle ganto-brugeois. La couleur apparaît aussi dans les compartiments, comme l’illustre le feuillet de la Descente de Croix (fol. 131), faisant alterner le bleu et le rouge. L’initiale d’introduction étant traitée sur champ rouge, il en résulte une harmonie de couleur formant cadre autour de la miniature. L’introduction de la couleur dans les bordures se traduit aussi par des acanthes de teinte rouge ou framboise (Annonciation, fol. 21 et Visitation, fol. 30v). Or, ce type de réalisation se retrouve dans les productions parisiennes du Maître de Jacques de Besançon19 et chez un artiste proche de ce dernier, le Maître de Robert Gaguin20. Toutefois, la décoration secondaire semble le fait d’un artiste moins soigneux que celui ayant réalisé les miniatures.

Le cycle des grandes peintures

12Comme cela a été dit, les treize miniatures conservées sont disposées de manière à introduire les grandes articulations des textes. La série débute avec une peinture quadripartite figurant les quatre Évangélistes en train d’écrire (fol. 13) ; viennent ensuite les six miniatures21 illustrant les différentes heures de l’office de la Vierge : Annonciation (fol. 21), Visitation (fol. 30v), Nativité (fol. 48), Adoration des mages (fol. 55v), Présentation au temple (fol. 58v) et Couronnement de la Vierge (fol. 68v). Il convient de signaler que les suffrages, récités après laudes, ne font pas l’objet d’une illustration. Les psaumes de pénitence (fol. 71) sont illustrés d’une représentation de David peu habituelle, où le roi est figuré en songe. Les heures de la Croix et du Saint Esprit sont ornées respectivement d’une scène de la Crucifixion (fol. 86) et de la Pentecôte (fol. 90v). Une Résurrection de Lazare (fol. 94) introduit l’office des morts. Cette série s’achève avec les illustrations des prières, avec la scène de la Descente de Croix (fol. 131) ornant le Stabat Mater et la représentation d’un couple de donateurs en prière devant la Vierge (fol. 139) pour les Quinze Joies de la Vierge.

13Classique à première vue, ce cycle présente toutefois quelques particularités qui méritent d’être relevées. Tout d’abord, en introduction aux péricopes des Évangiles, la miniature quadripartite des Évangélistes accompagnés de leurs symboles (fol. 13, ill. 1) relève du répertoire rouennais22, lequel figure habituellement saint Jean sur l’île de Pathmos, et les synoptiques dans leur cabinet de travail en train d’écrire. Les compartiments de la peinture en question en reproduisent en particulier l’organisation, avec au premier plan l’évangéliste et son attribut dans un espace naturel, figuré de trois-quarts (hormis saint Luc, présenté frontalement). L’artiste du M 139 a conservé l’idée de les représenter ensemble, mais, de manière étonnante, les a réunis au sein d’un espace extérieur traité en grisaille bleutée, esquissant une ville où se profile la flèche d’une église, ou une colline surmontée d’une tour. Il a par ailleurs inversé l’ordre de présentation des évangélistes, saint Luc succédant ici à saint Jean, en lieu et place de saint Matthieu. Davantage qu’une maladresse de l’enlumineur, il s’agit probablement d’une réinterprétation d’un modèle rouennais par un artiste issu d’une tradition picturale différente.

Illustration 1. Évangélistes

Illustration 1. Évangélistes

M 139, BM Versailles, fol. 13.

14On notera ensuite le choix de figurer Joseph au sein de la Visitation (fol. 30v). La scène se déroule devant la maison d’Élisabeth, sortie à la rencontre de Marie. Toutes deux, nimbées d’une fine auréole, sont debout et s’étreignent. Légèrement en retrait de Marie se tient un homme âgé, vêtu d’une robe de couleur violette et d’un manteau rouge-rosé, un bâton à la main, dont le regard dirigé vers la Vierge et le geste de sa main gauche manifestent une muette reconnaissance. Il est peu vraisemblable qu’il s’agisse de Zacharie, dont la présence aurait été naturelle puisque la rencontre a lieu dans sa maison, mais bien de Joseph, dont la présence provient alors des Meditationes Vitae Christi23, dans lesquelles l’époux de Marie l’accompagne chez Élisabeth.

Illustration 2. Arbre de David

Illustration 2. Arbre de David

M139, BM Versailles, fol. 71.

15Les psaumes de pénitence (fol. 71, ill. 2) s’ouvrent, eux, sur une iconographie de David étonnante. On s’attendrait en effet à trouver une représentation de David pénitent. La composition, ici nommée par convention « Arbre de David », est divisée en deux parties, de dimensions à peu près équivalentes. Occupant le registre inférieur, David, identifié par la harpe qu’il tient dans la main gauche, est représenté sous les traits d’un homme âgé et barbu portant une couronne fleurdelisée. Couché sur le côté droit, les yeux fermés, la tête reposant sur sa main, sa position est celle du personnage en songe24 : de sa bouche jaillit une fleur de lis dont la corolle s’ouvre sur Marie portant l’Enfant, cette vision occupant la totalité de la partie supérieure de l’image. Marie, figurée à mi-corps et de trois-quarts, semble surgir du lis, auréolée de rayons de soleil, représentés sous la forme de longues flammes dorées. Vêtue d’un ample manteau bleu, elle aussi porte une couronne sur ses longs cheveux blonds. L’Enfant, de trois-quarts, tend les bras vers sa mère. Aucune auréole ne les entoure, mais entre les flammes du soleil, de fins rayons dorés jaillissent et matérialisent l’aura du groupe sacré. Celui-ci s’inscrit dans une mandorle dont le noyau central, d’un jaune éclatant, est entouré d’une large bande orangée, l’ensemble se détachant d’un ciel bleu azur évoquant le royaume céleste. L’attitude de trois quarts et un certain hanchement, l’inclinaison de la tête, la douceur de la physionomie, servent à l’expression de la tendresse25. Un dialogue semble s’instaurer entre la Mère et son Fils. La nudité du Christ enfant, au corps potelé, souligne sa nature humaine. L’ensemble de ces éléments semble bien s’accorder au contexte de la pensée religieuse de la fin du Moyen Âge, depuis la diffusion du texte d’origine franciscaine déjà cité, les Meditationes Vitae Christi. L’invention formelle que constitue cet « Arbre de David » semble avoir donné lieu à une occurrence normande plus tardive à l’église Saint-Nicaise de Rouen dans un vitrail des verrières hautes du chœur, du milieu du XVIe siècle26 (disparues dans un incendie en 1934). L’originalité de ce thème avait d’ailleurs été déjà perçue par Jean Lafond27, qui soulignait qu’il ne connaissait qu’un « seul exemple de ce sujet très rare » dans une miniature de la collection Le Corbeiller à Dieppe. On peut supposer que cette mention fait référence au livre que nous étudions.

16Enfin, dans son recensement des miniatures du M 139, la notice de la Bibliothèque municipale de Versailles indique une représentation d’un Arbre de Jessé. L’interprétation de la prophétie d’Isaïe (XI, 1) semble être ici l’objet d’une formulation limitée à deux pôles, éliminant les personnages secondaires au profit de l’exaltation de la Vierge, jaillissant d’un lis blanc. Cette exaltation de la Vierge paraît étroitement liée au culte de l’Immaculée Conception dont la croyance s’impose au XVe siècle, après un long débat théologique28. En effet, il n’existait pas encore d’image isolée de l’Immaculée Conception, et ce thème était souvent réuni à une autre image symbolique à référence biblique, celle de la Femme de l’Apocalypse (Ap : XII, 1). L’association des deux images entraîne donc un renouvellement symbolique de l’Arbre de Jessé, dans un sens immaculiste29. Magnifiant la fille de David, les artistes interposent entre elle et son ascendance la fleur liliale, emblème de pureté, et la réunissent à son fils dans ce lis même. Par-là, ils confèrent une matérialité à la croyance pieuse, faisant écho aux textes franciscains des offices de la Conception qui se répandent parmi les fidèles30. Cette adaptation symbolique était particulièrement en faveur en Normandie, ce dès le XIIe siècle, où l’on se trouve en présence d’un foyer géographiquement et liturgiquement cohérent dans lequel la fête de la Conception se diffuse de manière autonome31. Il est avéré que, à Rouen, la fête de l’Immaculée Conception, correspondant à une dévotion ancienne32, était célébrée par les confréries pieuses de la ville33. Le thème apparaît dans les manuscrits normands à partir de la fin des années 146034. Mais l’originalité du modèle rouennais réside en la représentation d’un Jessé assis sur un trône, entouré de prophètes debout ; un arbre jaillit de sa tête, dont les tiges fleuries s’ornent des figures des ancêtres du Christ à mi-corps et le centre d’une fleur liliale avec la Vierge portant l’enfant35. Si les critères de l’usage suggèrent une sensibilité rouennaise du destinataire, la représentation du M 139 ne coïncide pas avec celle des manuscrits issus de ce milieu artistique. Par ailleurs, l’utilisation de ce sujet dans un sens immaculiste est aussi observée dans le cercle de production des livres d’heures parisiens36 de cette période, en diptyque de l’Annonciation, aussi bien dans des manuscrits37 que dans des imprimés38. Dans ces compositions, Jessé est figuré seul et allongé, un arbre sortant de son flanc portant un nombre variable de rois et de prophètes, et avec au centre Marie, représentée debout ou à mi-corps, compositions se rapprochant de la miniature du M 139. Mais, ici, l’artiste a élaboré une création autonome à partir d’un thème largement diffusé.

Une réalisation d’un artiste parisien ?

17Malgré sa probable destination rouennaise, le manuscrit que nous présentons est susceptible de rapprochements stylistiques et iconographiques qui l’inscrivent dans le répertoire parisien, comme le suggère d’ailleurs l’iconographie de l’« Arbre de David ».

Le style du peintre du M 139

18Les miniatures du M 139 témoignent d’une homogénéité stylistique caractérisée par l’éclat des couleurs, posées en aplats nettement délimités. Le coloris est dominé par un bleu intense, un violet-gris et un jaune orangé employés pour la majorité des vêtements, ainsi qu’un rouge mat utilisé également pour les tentures de brocart du fond. On relève un usage abondant de l’or, posé en hachures qui servent à modeler les draperies des habits. Les visages se distinguent par les pommettes et les lèvres inférieures rehaussées de rouge pâle ; les contours des yeux sont allongés, l’arête du nez et la ligne de la paupière finement tracées en gris. Dans les scènes d’intérieur, les murs d’un gris plus ou moins bleuté limitent l’espace du fond, tandis que l’arcature encadrant la peinture est peinte en or. Les paysages de l’arrière-plan se détachent dans des couleurs plus claires et dégradées, avec des silhouettes de villes ou de châteaux-forts se détachant en gris ou bleu pour les édifices plus lointains. Le peintre semble bénéficier d’une certaine connaissance de la perspective atmosphérique, qui se traduit par des lointains de couleur embrumée, plus particulièrement dans la scène de la Visitation (fol. 30v). Toutefois, la prédominance d’un dessin aux traits rigides confère à cet ensemble un caractère un peu sec, accentué par la symétrie des compositions. L’absence de modelage des visages les fige dans une stéréotypie irréelle, accrue par la raideur des gestes censés exprimer les sentiments. Néanmoins, ces compositions se caractérisent par une grande lisibilité où les relations entre les personnages s’expriment par les mouvements des mains.

Un manuscrit parisien

19Les caractéristiques stylistiques ainsi dégagées ne se retrouvent pas chez les artistes rouennais du dernier tiers du XVe siècle. Ainsi, chez le Maître de l’Échevinage, principale figure de l’enluminure rouennaise, actif vers 1460-1485, les figures sont souvent minces quand celles du M 139, bien qu’élancées, procèdent d’un canon plus ample. Une constatation identique peut être faite à propos du traitement des visages : chez le Maître de l’Échevinage et son atelier, les yeux présentent souvent un aspect saillant (Besançon, BM, ms. 69 ; Carpentras, BM, ms. 61)39 absent des peintures du M 139 ; les paupières se définissent par un trait en demi-cercle, alors que l’artiste du M 139 leur donne une forme étirée, davantage en amande. Le style du Maître de l’Échevinage a pu être défini comme linéaire et froid ; dans aucun des manuscrits étudiés du maître rouennais et de son atelier n’a été retrouvé ce coloris d’orange et de bleu intense que privilégie le miniaturiste du M 139.

20Un constat similaire peut être dressé avec l’œuvre d’un autre enlumineur rouennais, Robert Boyvin (actif vers 1485-1542), dont le mauve et le vert olive particularisent la palette40. Ses personnages présentent des visages ovoïdes et étroits, dont les cheveux forment le plus souvent un volume plaqué, de couleur jaune tirant sur le roux, ce qui contraste avec l’aspect « dénatté » des chevelures du M 139. La manière de l’enlumineur du M 139 semble davantage correspondre à celle de l’artiste parisien connu sous le nom éponyme de Maître de Robert Gaguin41. Sur le plan chronologique, la carrière de cet artiste est parallèle à celle du Maître de Jacques de Besançon, et s’est étendue de 1480-1485 aux environs de 1500. Ses formules trouvent leur origine dans le répertoire de Maître François dont il conserve les conventions ; l’éventualité qu’il ait été formé par ce dernier n’est pas à rejeter42.

21La confrontation du M 139 avec certaines réalisations de cet artiste, et notamment les Heures Rothschild43 (Paris, BnF, ms. Rothschild 2536), datées autour de 1480-1485, indique une certaine proximité, qui permet d’inscrire la réalisation du livre d’heures présenté dans le milieu de production parisien. L’analyse de détails – éléments du décor architectural ou de paysage, types des personnages, palette utilisée – confirme cette parenté de conception. Parmi les éléments de décor, le Maître de Robert Gaguin encadre ses peintures d’un dispositif de colonnes de couleur, surmonté d’un réseau réticulé orné d’une clé pendante44 mais dont la base et le chapiteau sont composés d’une simple moulure et le tailloir orné d’une rangée de boules se reconnaissant plus spécifiquement dans les scènes de l’Annonciation et de la Pentecôte (Paris, BnF, ms. Rothschild 2536, fol. 28 et 34 ; Versailles, BM, M 139, fol. 21 et 90v). Des panneaux marbrés rose violet s’encastrent dans des murs animés de pilastres et les ouvertures sont soulignées par des motifs de cercle, également relevés dans le décor du M 139 ; cela semble aussi appartenir au vocabulaire pictural des Heures Rothschild (Paris, BnF, ms. Rothschild 2536, fol. 28, 34 et 78), ainsi qu’à deux autres livres d’heures conservés à la Bibliothèque nationale de France, les Latins 13270 (fol. 25, 29 et 65) et 1072 (fol. 194). Dans les architectures, le motif de tour couronnée d’un petit dôme établi dans le manuscrit M 139 (Évangélistes, fol. 13 ; Nativité, fol. 48) est attesté dans les arrière-plans du manuscrit Rothschild (Crucifixion, fol. 20 ; David combattant Goliath, fol. 92). De même, le motif de la ville entourée de remparts et de tours et bordée d’eau (Versailles, BM, M 139 Crucifixion, fol. 86, Descente de Croix, fol. 131) se retrouve au folio 58 du manuscrit Rothschild 2536, consacré à l’Annonce aux bergers.

22Le type des figures du M 139, relativement élancées conformément à un canon encore en usage au début des années 148045, s’apparente lui à celui des manuscrits contemporains du Maître de Robert Gaguin. Les proportions fautives de certains personnages (ainsi, les têtes minuscules par rapport au corps des personnages d’Élisabeth dans la Visitation et de saint Jean dans la scène de la Crucifixion du M 139) se retrouvent ainsi dans les Heures Rothschild (Annonce aux bergers, fol. 58). Les personnages masculins sont massifs, la tête dans les épaules avec une courte barbe (en collier ou à deux pointes) projetée en avant, les sourcils rehaussés d’un trait blanc. Le Maître de Robert Gaguin a pour autre caractéristique de souligner les yeux de ses personnages d’un trait noir, ce qui les étire à la façon d’un « œil d’antilope46 » ; or les figures du M 139 reproduisent cette particularité. Le visage de la Vierge, avec sa bouche étroite, un peu pincée, ses sourcils tracés haut et ses yeux soulignés d’un trait noir, a une expression bien spécifique relevée dans les manuscrits du Maître de Robert Gaguin déjà cités47.

Illustration 3. Présentation au Temple

Illustration 3. Présentation au Temple

M139, BM Versailles, fol. 58v.

23De même, dans les deux contextes, la figure de Siméon est très proche (Versailles, BM, M 139, f. 58v, ill. 3 ; Paris, BnF, ms. Rothschild 2536, fol. 78 ; BnF, ms. lat. 13270, fol. 65) : visage, barbe à deux pointes, vêtements, haute mitre blanche ornée de bandeaux dorés. Dans la scène de la Crucifixion (Versailles, BM, M 139, fol. 86), l’analogie est ici confortée par le motif de saint Jean soutenant la Vierge, les mains jointes, et le personnage à cheval levant la main (Paris, BnF, ms. Rothschild, fol. 20 ; BnF, ms. lat. 13270, fol. 21).

24On relève aussi une répartition proche des couleurs, notamment dans les costumes. Dans la représentation de la Pentecôte, saint Jean est vêtu d’une robe blanche avec un manteau de couleur rose, tonalité chère au Maître de Robert Gaguin (Versailles, BM, M 139, fol. 90v ; Paris, BnF, ms. Rothschild 2536, fol. 28 ; BnF, ms. lat. 13270, fol. 25). La palette de l’artiste se reconnaît par l’emploi de l’orange, couleur traditionnelle dans le cercle de Maître François48 (ainsi les bottes et le chapeau du roi Hérode dans Rothschild 2536, fol. 73) et abondamment utilisée dans le M 139.

25Le rapprochement avec le milieu parisien est enfin conforté par le fait que les compositions des peintures, inscrites dans le répertoire de Maître François, ne le sont pas dans celui des livres d’heures rouennais. Deux scènes retiennent ici particulièrement l’attention, le Couronnement de la Vierge et la Pentecôte.

Illustration 4. Couronnement de la Vierge

Illustration 4. Couronnement de la Vierge

M139, BM Versailles, fol. 68v.

26Le Couronnement de la Vierge chez les artistes influencés par Maître François constitue souvent une scène qui donne l’impression de flotter sur de légères nuées bleues rehaussées d’or49. Le Christ, figuré parfois sous les traits du Père coiffé d’une tiare à triple couronne ou d’une mitre, assis sur un trône surélevé inscrit dans une banquette de bois sculptée d’arcades aveugles à motif quadrilobé, bénit sa mère, figurée de trois-quarts, le plus souvent les mains jointes. Un ou plusieurs anges accompagnent la représentation, portant la couronne au-dessus de la tête de la Reine du Ciel dont les plis du manteau retombent en un drapé souple. Ces différents traits se retrouvent dans le Couronnement de la Vierge du M 139 (ill. 4). En revanche, ce dispositif des nuées pour évoquer la sphère céleste, de même que la banquette sculptée sont absents des compositions rouennaises du Maître de l’Échevinage ou de Robert Boyvin, lesquelles situent la scène dans un environnement évoquant une salle du trône, ouvrant parfois sur un ciel semé d’étoiles, un panneau de tenture étant généralement utilisé pour séparer l’espace50.

Illustration 5. Pentecôte

Illustration 5. Pentecôte

M139, BM Versailles, fol. 90v.

27La scène de la Pentecôte du M 139 (ill. 5) s’inscrit dans une composition qui isole la Vierge et saint Jean des apôtres, et dans laquelle un certain aspect théâtral se manifeste. Il semble permis de la rapprocher non seulement des Heures Rothschild (fol. 28, ill. 6), mais aussi des réalisations du Maître de Jacques de Besançon (Paris, Bibl. Mazarine, ms. 412, fol. 183), où l’on retrouve une même composition asymétrique. Dans ces peintures, on relève une analogie de construction de la représentation, divisée en trois registres : au bas de l’image, Marie et Jean, dans un même espace, en méditation devant un livre ouvert ; dans la partie médiane, le groupe serré des apôtres en prière, disposé en frise ou demi-cercle ; au registre supérieur, la colombe, symbole de l’Esprit, ou des rayons manifestant sa présence. Ce type de composition se retrouve par ailleurs dans les heures non attribuées de Châlons-en-Champagne (BM, ms. 35, fol. 91), mais probablement issues de ce milieu de production parisien. En revanche, la composition observée dans les livres d’heures rouennais place généralement la Vierge au centre du groupe des apôtres, assis en demi-cercle autour d’elle dans ce lieu clos. Cette disposition du Maître de l’Échevinage, dans laquelle se retrouve le motif d’une tenture séparant l’espace (Aix-en-Provence, BM, ms. 22, fol. 209 ; New York, Pierpont Morgan Library, M 1093, fol. 102v), est reprise par Robert Boyvin51.

Illustration 6. Pentecôte

Illustration 6. Pentecôte

Rothschild 2536, BnF, fol. 28.

28Les comparaisons stylistiques et iconographiques ainsi opérées nous conduisent donc à proposer pour le manuscrit M 139 une datation située vers 1480-1490. Par ailleurs, cette étude montre que le critère de rattachement d’un livre d’heures à une région spécifique en fonction de ses variantes liturgiques est à nuancer. En effet, la définition de l’usage liturgique du M 139 et l’individualisation de son calendrier par des saints rouennais conduisait à le relier, de prime abord, aux ateliers de Rouen. Toutefois, l’examen attentif du texte révélait des points de contact avec le milieu parisien, qu’ont finalement confirmé les comparaisons stylistiques. La permanence d’un vocabulaire de base place selon toute vraisemblance le M 139 dans le sillage de production du cercle des artistes qui ont succédé au Maître François. Les différents éléments relevés dans les miniatures principales paraissent concorder pour attribuer ce manuscrit, sinon au Maître de Robert Gaguin, du moins à un artiste proche de lui. En l’absence de document décisif, cette attribution reste évidemment hypothétique.

29Il est en de même pour ce qui concerne l’identité du commanditaire, qui n’a laissé aucune trace. Sur ce point, on peut avancer qu’il s’agissait d’un normand, probablement un rouennais provenant du milieu de la bourgeoisie marchande. Son éventuelle présence à Paris n’étonne pas a priori, puisque de nombreux notables de province venaient y servir le roi et l’État52. Sa sensibilité immaculiste perceptible dans le manuscrit reflète bien les aspirations de la société rouennaise, fortement engagée, par le biais des confréries, dans la diffusion de la croyance en l’Immaculée Conception.

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Notes

1 Le codex est inscrit sous la double cote 1686 – M 139 ; seule la cote M 139 est ici retenue conformément à l’usage de la bibliothèque de Versailles.

2 Il s’agit de deux gravures sur cuivre signées Cornelis Van Merlen (1654-1723, Anvers), La Sainte Famille et La Superbe du pécheur condamné dans l’élévation du Sauveur sur la Croix.

3 Organisation des cahiers : a, 1/12, sénion ; b, 13/20, quinion ; C, 21/28, quaternion ; d, 29/36, quaternion ; e, 37/44, quaternion ; f, 45/52, quaternion ; G, 53/59, ternion + folio (place non identifiée) ; h, 60/64, ternion + fol.64, rapporté avec talon ; (i), 65/66 ; j, 67/70, binion ; k, 71/78, quaternion ; l, 79/86, quaternion ; M, 87/94, quaternion ; n, 96/102, quaternion ; o, 103/110, quaternion ; p, 111/118, quaternion ; q, 119/126, quaternion ; r, 127/130, binion ; S, 131/137, ternion + fol. 135, rapporté avec talon ; T, 138/146 + page de garde, quaternion.

4 Le système de numérotation utilisé est principalement celui de la lettre gothique minuscule ou majuscule, de « a » à « T » ; certaines lettres sont absentes ou à demi visible, ayant été probablement rognées.

5 P. Perdrizet, Le calendrier parisien à la fin du Moyen Âge d’après le Bréviaire et les Livres d’Heures, Paris, 1933. En effet, les calendriers des livres d’heures parisiens du dernier quart du XVe siècle suivent, le plus souvent, un modèle identique, comparable à celui publié par Paul Perdrizet, cf. I. Delaunay, Échanges artistiques entre livres d’heures manuscrits et imprimés produits à Paris (vers 1480-1500), Paris, Université de la Sorbonne-Paris IV, thèse de doctorat non publiée, 2000, p. 73-74.

6 P. Perdrizet, op. cit., p. 34-41.

7 V. Leroquais, Les Bréviaires manuscrits des Bibliothèques publiques de France, Paris, 1934, vol. 1, p. CXIV.

8 V. Leroquais, Les livres d’Heures manuscrits de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1927, vol.1, p. XXXII-XL. Reprenant l’organisation retenue par Victor Leroquais, Erik Drigsdahl (http ://www.chd.dk) a parachevé cette liste des variantes liturgiques propres au diocèse de Rouen. Une grille complète des initia du petit office de la Vierge du M 139 a été établie : cf. V. Ruf-Fraissinet, Étude codicologique, textuelle, stylistique et iconographique d’un livre d’heures : le M 139, Bibliothèque municipale de Versailles (mémoire de Master 2, Université Paris Ouest-Nanterre), Nanterre, 2008, p. 34.

9 R. Watson, The Playfair Hours : A Late Fifteenth Century Illuminated Manuscript from Rouen (Victoria & Albert Museum, L. 475-1918), Londres, 1984, p. 77. 

10 Émile Bertaud procède à l’analyse de la dévotion eucharistique et cite particulièrement les offices de dévotion du Saint-Sacrement approuvé par Urbain IV (1261-1264) sous la forme de la Fête-Dieu dans l’article « Eucharistie», Dictionnaire de Spiritualité, Paris, 1968, t. VIII, col. 1553-1637.

11 Pour l’identification de l’usage de l’office des morts, découlant des répons des leçons de matines et la première antienne de laudes, voir les notes manuscrits de Victor Leroquais (Paris, BnF, ms. n.a.lat., 3162, p. 45, 53 et 6) et K. Ottosen, The Responsories and Versicles of the Office of Dead, Copenhague, 1993.

12 Il est avéré que le culte de sainte Radegonde était l’objet d’une faveur renouvelée au cours du XVe siècle de la part de la famille royale, qui honorait en elle l’épouse du roi franc, Clotaire, fils de Clovis. Cf. F. Avril, « Un portrait inédit de la reine Charlotte de Savoie », dans Études sur la Bibliothèque nationale et témoignages réunis en hommage à Thérèse Kleinienst, Paris, 1985, p. 259.

13 V. Leroquais, op. cit., p. LXIX.

14 Virginia Reinburg analyse ces rapports de proximité : cf. « Prayer and the Book of Hours »,dans R. Wieck (et al.), Time Sanctified, the Book of Hours in Medieval Art and Life, Baltimore, 1988, p. 39-44.

15 Le module utilisé au début de chaque office correspond à trois lignes de réglure, les paragraphes principaux étant indiqués par un module de deux lignes.

16 Selon Nicole Reynaud, ces initiales sont à la mode parisienne des années 1470, notamment chez le Maître François. Cf. F. Avril et N.Reynaud, Les manuscrits à peinture, 1440-1520, Paris, 1993, p. 51-52.

17 L’utilisation du fond d’or a été réservée aux bordures des peintures de l’Annonciation et de la Visitation, ce qui est conforme aux livres d’heures à l’usage de Rouen, voir L. Delaissé, « The Importance of Books of Hours in the Medieval Book », Gatherings in Honor of Dorothy E. Miner, Baltimore, 1974, p. 217.

18 P. Durrieu, Jacques de Besançon et son œuvre, Paris, 1892, p. 32-34 ; I. Delaunay, L’enluminure rouennaise à travers la production des Livres d’Heures, fin XVe-début XVIe siècle, Mémoire de DEA, Université Paris I-Sorbonne, Paris, 1991, p. 46.

19 Paris, Bibl. Mazarine, ms. 412, Missel à l’usage de Paris.

20 Paris, BnF, ms. Rothschild 2536.

21 L’observation de ces séquences permet de supposer que les feuillets manquants en tête des offices de tierce et de vêpres auraient pu représenter l’Annonce aux bergers et la Fuite en Égypte. L’illustration du cycle iconographique des heures de la Vierge du M 139 aurait donc été complète, ce qui paraît cohérent par rapport au degré d’achèvement du manuscrit.

22 C. Rabel, Les livres d’heures de Rouen peints par « le maître du Trésor genevois » et les enlumineurs influencés par lui, au troisième quart du XVe siècle. Essai pour une étude stylistique, iconographique et historique, Mémoire de D.E.A, Université de Paris I-Sorbonne, 1984, p. 9 ; R. Watson, op. cit., p. 63.

23 I. Ragusa et R. B. Green, Meditations on the Life of Christ. An Illustrated Manuscript of the Fourteenth Century, ms. Ital. 115, Princeton University Press, 1961, p. 22.

24 F. Garnier, Le langage de l’image au Moyen Âge, signification et symbolique, Paris, 1982, p. 117.

25 Dans ses travaux sur la typologie mariale dans l’iconographie chrétienne, Maurice Vloberg distingue la représentation « des tendresses de la Vierge Marie ». Cf. M. Vloberg, La Vierge et l’Enfant dans l’art français, Grenoble, 1933, p. 137-168.

26 M. Callias-Bey (et al.), Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus vitrearum, CNRS, Paris, 2001, p. 65-267.

27 J. Lafond, Les vitraux de Saint-Nicaise de Rouen, Rouen, 1932, p. 12-13.

28 Malgré des oppositions au sein même de l’Église, dont celle de saint Bernard au XIIe siècle, la croyance en une Vierge intacte exempte du péché originel dès l’instant de sa conception, est légitimée par le décret du 17 septembre 1439 du concile de Bâle. La portée du décret fut néanmoins affaiblie du fait qu’à cette date le concile avait rompu avec le pape Eugène IV. Considéré comme émanant d’une assemblée schismatique, le décret fut à son tour controversé. En 1476, Sixte IV approuve officiellement la fête de l’Immaculée Conception (8 décembre) et fait composer pour cette fête un office dont la célébration est liée à l’obtention d’indulgences. En 1482, par la bulle Grave Nimis, il interdit, sous peine d’excommunication, de taxer de faute grave contre la foi la croyance en la doctrine en l’Immaculée Conception. Mais le dogme ne sera établi par l’Église qu’en 1854 par la bulle Innefabilis Deus. Cf. articles « Immaculée Conception », Dictionnaire de théologie catholique, t. VII, 1908, col. 846- 1215 ; « Marie », Dictionnaire de Spiritualité, t. X, col. 409-482 ; M. Lamy, L’Immaculée Conception. Étapes et enjeux d’une controverse au Moyen Âge (XIIe-XVe siècles), Paris, 2000, p. 599- 602.

29 M. Levy D’Ancona, The Iconography of the Immaculate Conception in the Middle Ages and the Renaissance, New York, 1957, p. 16 et 46-50.

30 1475, Sicut lilium, composé par Léonard de Nogarole ; 1480, Libenter ad ea, Bernardin de Bustis, cités par M. Lamy, op. cit.,p. 385-387.

31 Ibid., p. 33-36.

32 Dictionnaire de théologie catholique, op. cit., col. 1065-1066.

33 Catherine Vincent relève huit confréries dans le diocèse de Rouen ayant choisi comme patronage celui de la Conception de la Vierge. Cf. C. Vincent, Des charités bien ordonnées. Les confréries normandes de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle, Paris, 1988.

34 Le Maître de l’Échevinage l’emploie dans les Heures Douce 253 (Oxford, Bodleian Library, ms. Douce 253, fol. 18) en introduction de la généalogie du Christ et dans le Bréviaire de Charles de Neufchâtel, (Besançon, BM, ms. 69, fol. 161). Robert Boyvin réutilise l’Arbre de Jessé en diptyque avec l’Annonciation pour marquer le début des heures de la Vierge (Paris, Bibl. Arsenal, ms. 416, fol. 70 ; New-York, Pierpont Morgan Library, M 261, fol. 25v).

35 Cette formule trouverait peut-être ses origines dans les éditions xylographiques du Speculum Humanae Salvationis. Cf. E. Mâle, L’art religieux de la fin du Moyen Âge en France : étude sur l’iconographie du Moyen Âge et sur ces sources, Paris, 1905, rééd. 1969, p. 82.

36 I. Delaunay, op. cit., p. 83-84, note 5.

37 Paris, BnF, ms. Grec 55, fol. 1 ; BnF, ms. n.a.lat. 3120, fol. 41 ; Sainte-Geneviève, ms. 1275, fol. 26v.

38 Heures Pigouchet à l’usage de Rome (édition du 16 septembre 1498), Paris, BnF, Rés. Vélins 2912.

39 C. Rabel, op. cit.,p. 58.

40 Pour une liste des manuscrits attribués à cet artiste, voir I. Delaunay, « Le manuscrit enluminé à Rouen au temps du Cardinal Georges d’Amboise : l’œuvre de Robert Boyvin et de Jean Serpin», Annales de Normandie, 45e année, n° 3, sept. 1995, p. 221-232.

41 F. Avril et N. Reynaud, op. cit., p. 262.

42 I. Delaunay, op. cit., p. 273.

43 Isabelle Delaunay propose un regroupement autour du livre d’heures de la collection Rothschild, en raison de compositions comparables, in ibidem, p. 224.

44 Ce motif est commun au Maître de Jacques de Besançon, C. Sterling, La peinture médiévale à Paris 1300-1500,t. 2, Paris, 1990, p. 217 ; Avril et Reynaud, op. cit., p. 258.

45 I. Delaunay, ibid., p. 266.

46 F. Avril et N. Reynaud, ibid., p. 262.

47 Versailles, BM, M 139, Pentecôte, fol. 90v ; Paris, BnF, ms. Rothschild 2536, Pentecôte, fol. 28 ; BnF, ms. lat. 13270, Adoration des Mages, fol. 61v ; BnF, lat. 1072, Annonciation, fol. 51.

48 F. Avril et N. Reynaud, op. cit., p. 40 ; Delaunay, op. cit., p. 260.

49 Dole, BM, ms. 43, fol. 165 ; New-York, Pierpont Morgan Library, M 2, fol. 92.

50 Carpentras, BM, ms. 61, fol. 65 ; Dijon, BM, ms. 2244, fol. 38v ; Londres, Victoria and Albert Museum, Playfair Hours, fol. 74v.

51 Dijon, BM, ms. 2244, fol. 25.

52 J. Favier, Nouvelle histoire de Paris au XVe siècle, Paris, 1974, p. 365-384.

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Table des illustrations

Titre Illustration 1. Évangélistes
Légende M 139, BM Versailles, fol. 13.
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Titre Illustration 2. Arbre de David
Légende M139, BM Versailles, fol. 71.
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Titre Illustration 3. Présentation au Temple
Légende M139, BM Versailles, fol. 58v.
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Titre Illustration 4. Couronnement de la Vierge
Légende M139, BM Versailles, fol. 68v.
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Titre Illustration 5. Pentecôte
Légende M139, BM Versailles, fol. 90v.
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Titre Illustration 6. Pentecôte
Légende Rothschild 2536, BnF, fol. 28.
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Pour citer cet article

Référence papier

Valérie Ruf-Fraissinet, « Un inédit de la Bibliothèque municipale de Versailles, le manuscrit M 139, livre d’heures à l’usage de Rouen »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 20 | 2010, 339-355.

Référence électronique

Valérie Ruf-Fraissinet, « Un inédit de la Bibliothèque municipale de Versailles, le manuscrit M 139, livre d’heures à l’usage de Rouen »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 20 | 2010, mis en ligne le 30 décembre 2013, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/12244 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.12244

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Auteur

Valérie Ruf-Fraissinet

Université Paris-Ouest-Nanterre

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