Thisbé dans la Cité des Dames
Résumés
Thisbé est-elle à même de répondre au projet qui gouverne le Livre de la Cité des Dames dans laquelle Christine de Pizan l’a recueillie, à l’instar du De claris mulieribus de Boccace ou de la Legend of Good Women de Chaucer ? Son histoire représente en effet, le plus souvent, une passion amoureuse susceptible de briser l’enceinte permettant aux femmes de se défendre contre les séductions des hommes. Elle risque du même coup de faire subir à cette construction le même sort que celui du château de Jalousie dans le Roman de la Rose de Jean de Meun. On peut toutefois se demander si l’histoire de Thisbé, tout en témoignant de la loyauté des femmes en amour, n’invite pas le lecteur – ou la lectrice – à la relire ou à la réécrire afin de ramener son héroïne dans la chambre qu’elle avait quittée pour retrouver Pyrame, et à lui offrir ainsi un autre destin que cette union dans la mort que lui trace Ovide.
Texte intégral
- 1 Christine de Pizan, La Città delle Dame, éd. E. J. Richards, trad. P. Caraffi, Milan, Luni, 1998, (...)
- 2 Giovanni Boccaccio, Famous Women, éd. et trad. V. Brown, Cambridge (Mass.), Harvard University Pre (...)
1L’histoire « De Thisbé » est une des pierres de la Cité des Dames1. Ce Livre, on le sait, n’est pas seulement un compendium de textes biographiques destiné à conserver la mémoire des « nobles et tresgrans fais des femmes » – serait-ce « en la grande loenge du sexe feminin et ou solas des amys d’icelui », comme c’est le cas du De claris mulieribus de Boccace (1362), traduit en français vers 1401 sous le titre Des cleres et nobles femmes et une des principales sources de Christine de Pizan2. C’est avant tout une Cité fortifiée permettant aux « dames et toutes vaillans femmes », qui « ont par si lonctemps esté delaissees, descloses comme champ sanz haye, sanz trouver champion aucun qui pour leur deffence comparust souffisemment », de bénéficier d’« aucun retrait et closture de deffence contre tant de divers assaillans » qui n’ont eu de cesse de leur faire la guerre (p. 54) : soit tous ces « hommes, clercs et autres », qui « ont esté et sont si enclins a dire de bouche et en leurs traictiez et escrips tant de deableries et de vituperes de femmes et de leurs condicions » (p. 42), depuis les « poetes » et « les tres plus grans philosophes qui ayent esté » (p. 48), jusqu’à ce Matheolus dont le « livre estrange » est arrivé par « aventure » dans la bibliothèque de Christine (p. 40), en passant par Ovide (p. 74) et Jean de Meun, dont le Roman de la Rose incarne le discours misogyne par excellence (p. 48). Mais si les récits dont est composée la Cité des Dames sont autant de pierres destinées à protéger les femmes des médisances des hommes, seules les « dames de renommee et femmes dignes de loz » (p. 54), « preudefemmes de grant beauté et de grant auctorité » (p. 250), peuvent y trouver refuge, « car a celles ou vertue ne sera trouvee les murs de nostre cité seront forclos » (p. 54). Servant de témoignage et de preuve de la vertu des femmes afin de démontrer l’inanité des propos que les « mauvaises lengues » tiennent contre elles (p. 326), ces récits n’ont de valeur exemplaire que si leurs héroïnes respectent leur « propre condicion naturelle, qui doit estre simple, quoye et honneste » (p. 68). Comment pourraient-elles autrement servir de modèle ?
- 3 Ovide, Les Métamorphoses, IV, v. 55-166, éd. et trad. G. Lefaye, Paris, Les Belles Lettres, 1928, (...)
- 4 Pyrame et Thisbé, éd. et trad. E. Baumgartner, Pyrame et Thisbé, Narcisse, Philomena, Paris, Galli (...)
- 5 Cf. F. Schmitt-von Mühlenfels, Pyramus und Thisbe. Rezeptionstypen eines Ovidischen Stoffes in Lit (...)
- 6 Ovide moralisé. Poème du début du quatorzième siècle, éd. C. de Boer, Amsterdam, Noord-Hollandsche (...)
- 7 Gottfried de Strasbourg, Tristan et Isolde, trad. D. Buschinger, in Tristran et Yseut. Les premièr (...)
- 8 Saint Augustin, De Ordine, I.8 et 24, trad. J. Doignon, Œuvres de Saint Augustin, t. IV/2, Dialogu (...)
- 9 Cf. M.-N. Lefay-Toury, La Tentation du suicide dans le roman français du XIIe siècle, Paris, Champ (...)
- 10 Cf. Johannes de Hauvilla, Architrenius, IV, v. 254-85, éd. et trad. W. Wetherbee, Cambridge Univer (...)
- 11 Cf. Jean de Garlande, Integumenta Ovidii. éd. F. Ghisalberti, Messina-Milan, 1933, p. 51, et F. Sc (...)
- 12 Aimon de Varennes, Florimont, v. 3959-61, éd. A. Hilka, Göttingen, 1933, p. 155.
- 13 La Bible de Jehan Malkaraume, v. 7942-46, éd. J. R. Smeets, Assen-Amsterdam, Van Gorcum, 1978, t. (...)
- 14 Évrart de Conty, Le Livre des Eschez amoureux moralisés, 4.3.5 et 4.3.4.5, éd. F. Guichard-Tesson (...)
2Racontée dans les Métamorphoses d’Ovide3, traduite en français au milieu du XIIe siècle4 et largement diffusée tout au long du Moyen Âge5, l’histoire « De Thisbé » est-elle même, cependant, de contribuer à la défense des femmes ? Son héroïne peut-elle être considérée comme une « preudefemme » respectant sa « condicion naturelle » et méritant par conséquent de se retrouver dans cette Cité afin d’être célébrée et imitée ? Certes, l’Ovide moralisé interprète Thisbé comme « l’amie au Creatour », soit comme l’âme humaine, et Pyrame comme une figure du Christ6. Mais leur histoire illustre le plus souvent l’issue fatale de la passion amoureuse. C’est pourquoi, dans Tristan et Isolde de Gottfried de Strasbourg, Tristan chante « le lai De la courtoise Thisbé de l’ancienne Babylone », qui ne sert pas seulement à donner une voix à Yseut, mais qui préfigure aussi l’union dans la mort qui attend les deux amants7. Saint Augustin condamne en revanche l’intérêt qu’on peut accorder à une telle histoire, qui ne fait qu’emporter le lecteur « loin de la philosophie » et « dresser, entre [lui] et la vérité, un mur plus monstrueux qu’entre [l]es amants », alors même que « la malédiction de cette sensualité hideuse et de ces embrasements empoisonnés » aboutissant au suicide des amants devrait nous en détourner8. La morale philosophique ou théologique ne saurait justifier en effet la « mortel ardour » d’un amour qui ne peut mener qu’à la mort, soit la pulsion suicidaire du désir amoureux qu’incarnent de manière exemplaire, au Moyen Âge, Pyrame et Thisbé9. Aussi l’Architrenius de Jean de Hauteville (deuxième moitié du XIIe siècle) se sert-il de leur histoire pour dénoncer les tentations de la luxure : tandis que les amants malheureux l’affectionnent, elle illustre les tours néfastes d’une Fortune auxquels ne peuvent échapper ceux qui s’abandonnent aux aléas de Vénus10. De même, les Integumenta Ovidii de Jean de Garlande (1234) interprètent la métamorphose sur laquelle s’achève ce récit comme le signe emblématique d’un amour suivi par la mort11. Dans le roman de Florimont de Aimon de Varennes (1188), le sage Flocart déconseille au héros qui s’apprête à céder à l’amour de ressembler par sa « folie » à Narcisse et à Pyrame, « mort per amor »12. Selon la Bible de Jehan Malkaraume (ca. 1300), les deux enfants périssent à cause de cette « folie » qu’est l’amour (comme risquent de le faire les prêtres qui, au « sautier » ou à « Salemon », préfèrent lire en « saumon », soit le poète de Sulmone, Ovide)13. Enfin, dans le Livre des Eschez amoureux moralisés d’Évrart de Conty (ca. 1390-1400), l’histoire de Pyrame et Thisbé est un des onze exemples de « foles amours » racontés par Diane, confirmant notamment « que la vie d’amours est de joye et de deul, et de bien et de mal, tousdiz entremellee et que la fin en est, come qu’il en voit de son commencement, voulentiers dolereuse »14.
- 15 Guillaume de Machaut, Poésie lyrique, éd. V. Chichmaref, Paris, Champion, 1909, t. II, Appendice, (...)
- 16 Jean Froissart, Le Dit dou bleu chevalier, v. 242-43, in « Dits » et « Débats », éd. A. Fourrier, (...)
3La tradition « courtoise » elle-même peut être amenée à rejeter l’exemple de Pyrame et Thisbé. C’est le cas dans la Ballade d’amant recreü de Guillaume de Machaut, où l’amant justifie son renoncement à l’amour en se référant à ceux qui en sont morts, comme Pyrame et Thisbé, Tristan et Iseut ou la Châtelaine de Vergy15. Et dans le Dit dou bleu chevalier de Jean Froissart, le narrateur conseille à l’amant de ne pas ressembler à « Piramus, […] qui pour l’amour de Tisbé se murdri »16.
- 17 Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charrette, v. 3803-04, éd. Ch. Méla, in Romans, Paris, LGF/ (...)
- 18 Cf. Amadas et Ydoine. Roman du XIIIe siècle, éd. J. R. Reinhard, Paris, Champion, 1926, p. 220, v. (...)
- 19 Guillaume de Machaut, Le Jugement du roi de Navarre, v. 3171-86 (cit. v. 3180), éd. et trad. R. B. (...)
- 20 Geoffrey Chaucer, The Legend of Good Women, in The Riverside Chaucer, éd. L. D. Benson, Oxford, Ox (...)
4Pourtant, Pyrame et Thisbé offrent également le modèle d’un amour véritable, dont la constance et la force sont telles que rien ne peut s’y opposer ou y mettre fin. Pyrame et Thisbé s’achève d’ailleurs en affirme que cette dernière « Se demoustre veraie amie » (v. 886). L’interprétation de l’Ovide moralisé souligne à son tour la « loiauté » des deux enfants qui, en mourant, « se monstrent vrai amant » : « Qar li uns d’eulx ne vodroit estre / Ou paradis au roi celestre / Et li autres si fust ici, / Se il n’estoit avuecques lui » (v. 1153-57). Aussi, dans Le Chevalier de la Charrette, Chrétien de Troyes affirme que Lancelot « ama plus que Piramus / S’onques nus hom pot amer plus »17, tandis que, dans Amadas et Ydoine, Thisbé est citée parmi les femmes dont le sentiment n’a jamais été marqué par la tricherie ou la fausseté18. Dans le Jugement du roi de Navarre de Guillaume de Machaut, Doubtance décrit la mort de Thisbé afin de souligner sa « parfaite amours » et de démonter ainsi la sincérité qui habite les femmes19. Cette dernière est encore l’une des dix héroïnes dont Chaucer raconte la vie dans The Legend of Good Women (ou The Seintes Legende of Cupide) (ca. 1385), ouvrage écrit soit disant comme pénitence pour avoir traduit le Roman de la Rose et avoir relaté l’histoire de Troilus et Cressida dans laquelle cette dernière se montre inconstante, et qui est destiné du même coup à rendre compte de la fidélité dont les femmes s’avèrent capables en amour20.
5Thisbé est également l’une des 106 cleres et nobles femmes de Boccace (chap. XIII). Mais ce dernier n’hésite pas à mêler des « choses legieres et moins graves […] avec les sainctes et graves choses » (p. 10), par exemple « Medee, Flore, Sempronie ou semblables a elles, desquelles l’engin fut moult grant, mais par aventure pernicieux », avec « Penelope, Lucrece, Sulpice », « matrones treschastes et vertueuses ». Boccace affirme en effet dans son prologue que son « entencion n’est mie ce nom de clareté prendre tant estroitement que tousjours signifie ou sonne en vertu » ; au contraire, précise-t-il, il veut le « prendre plus largement et traire en plus ample sens ». Il entend donc considérer les femmes comme « cleres et nobles » lorsqu’il aura simplement connaissance du fait qu’elles sont « pour quelconques grant fait congnues et renommees au monde » (p. 13).
- 21 Cf. P. Caraffi, « Medea sapiente e amorosa : Da Euripide a Christine de Pizan », Au champ des escr (...)
- 22 Christine de Pizan, Le Débat des deux amans, v. 673-80, éd. M. Roy, Œuvres poétiques de Christine (...)
6Si Boccace ne réduit pas la renommée à la vertu et insère dans son anthologie des femmes illustres qui furent « pernicieuses », Christine de Pizan fonde au contraire la réputation de celles qu’elle retient sur leur moralité et en particulier sur leur chasteté. Aussi, tous les personnages féminins dont parlent Des cleres et nobles femmes ou les différents ouvrages connus de Christine ne se retrouvent pas nécessairement dans la Cité des Dames : si Médée (Livre I, chap. XXXII et LVI)21 et Sempronie sont présentes (Livre I, chap. XLII), il n’y a ni Flore, ni Ève (dont l’histoire constitue le chapitre initial Des cleres et nobles femmes et dont la création à partir de la côte d’Adam est pourtant rappelée dans la Cité des Dames : p. 78), ni Cléopâtre, ni des femmes connues pour leurs actions criminelles comme Athalie et Clytemnestre. D’autres femmes célèbres manquent à l’appel. Thisbé, qui ne semble guère se montrer vertueuse, « simple, quoye et honneste », lorsqu’elle désobéit à ses parents et franchit les murs de sa chambre où elle avait été enfermée afin de sortir « fors de la cité » et rejoindre son amant et son funeste destin (v. 550), ne devrait-elle pas plutôt faire partie de ces femmes « mauvaise[s] », « perverse[s] », « dissolues ou diffamees » (p. 68 et 250), auxquelles Christine interdit l’entrée de son édifice pour n’avoir pas su fuir, comme elle le demande instamment au terme de son ouvrage, « la fole amour » dont les « losangeurs » « admonnestent » les femmes (p. 500-02) ? L’exemple de Pyrame et Thisbé n’est-il pas utilisé par le chevalier du Débat des deux amans (ca. 1401), comme ce fut le cas chez Machaut et Froissart, afin de démontrer qu’on risque la mort « par trop amer » et qu’il vaut donc mieux s’en abstenir22 ?
7L’histoire « De Thisbé » est racontée dans le deuxième livre de la Cité des Dames par Droiture (chap. LVII). Composée très certainement à partir de la version du XIIe siècle insérée dans l’Ovide moralisé et de la version contenue dans Des cleres et nobles femmes de Boccace, cette histoire fait partie d’une série de récits visant à démontrer que les femmes sont « loyalles en la vie amoureuse », placés après un ensemble d’histoires illustrant la constance des femmes dans le cadre du mariage. Ces récits servent à contredire les auteurs qui – comme Ovide et « son livre De l’art d’amours » – accusent les femmes qui, « quoy que elles promettent, y sont moult pou arrestees en un lieu et de pour d’amour et a merveilles faulses et faintes », « adfin de aviser les hommes de leurs cautelles pour mieulx les eschever, si comme du serpent mucié soubz l’erbe » (pp. 374-76). Susceptible de démentir une telle image des femmes, la figure de Thisbé rejoint l’usage qu’en font Amadas et Ydoine, Le Jugement du roi de Navarre et The Legend of Good Women.
- 23 Médée et Didon, accompagnées de Pénélope, servent aussi à démontrer la loyauté des femmes dans L’E (...)
- 24 Pour une comparaison entre ces deux œuvres, cf. J. Laird, « Good Women and Bonnes Dames : Virtuous (...)
8Remarquant que Christine a déjà « traictié la matiere » en son « Epistre du dieu d’amours et es Epistres sus le Roman de la Rose » (p. 376), Droiture soutient que, si ces auteurs avaient voulu défendre le « bien commun ou publique en une cité », ils auraient dû prévenir les « femmes que elles se gardassent des agais des hommes comme ilz ont fait aux hommes que ilz se gardassent des femmes » (p. 376-78). Femmes et hommes doivent se défier des tromperies de l’autre sexe. Droiture entend néanmoins commencer par « prouver par exemple, par deduisant en tesmoing partie de celles qui jusques a la mort y ont perseveré », que les femmes ne sont pas « de si pou d’amour la ou leur cuer s’applique et que plus y font arrestees » que les hommes ne le disent (p. 378). Telle est la thèse que serviront à démontrer les histoires de Didon, Médée, Thisbé, Héro, Sigismonde (la fille de Tancrède) et Élisabeth23, auxquelles s’ajoutent cinq femmes dont l’histoire n’est pas racontée (soit, l’épouse de Guillaume de Roussillon, la « Dame du Fayel », la « Chastellaine de Vergi », « Yseult » et Déjanire). Ces onze femmes, « en tele fole amour surprises qui trop ont amé de grant amour sanz varier », au point d’en mourir, jouent un rôle analogue à celles dont Chaucer raconte l’histoire dans The Legend of Good Women et forment en quelque sorte, à l’intérieur de la Cité des Dames, une réécriture de cet ouvrage24.
9À la différence de Chaucer, cependant, Droiture ne considère pas ces femmes comme des modèles de vertu. C’est pourquoi « ces piteux exemples […] ne doivent mie estre cause d’esmouvoir les courages des femmes de eulx ficher en celle mer tres perilleuse et dampnable de fole amour, car tousjours en est la fin a leur grant prejudice et grief en corps, en biens et en honneur et a l’ame » (p. 404). Si les différentes figures convoquées par Droiture témoignent de la constance des femmes, leur sentiment n’est que « fole amour » et leur loyauté ne peut que les mener à leur perte. Aussi, de même que les hommes sont invités à « eschever » les ruses féminines, les femmes doivent « eschever » les hommes « qui sanz cesser se traveillent d’elles decevoir » (p. 404). Ainsi que l’illustrent emblématiquement les cas de Didon et de Médée sur lesquels s’ouvre cette section, l’amour comme les hommes s’avère trompeur et doit être rejeté.
10Malgré la condamnation de leur folie, ces femmes « loyalles en la vie amoureuse » font partie de la Cité des Dames. Christine de Pizan semble rejoindre Boccace qui, tout en valorisant « la leçon » qui doit donner envie à sa destinatrice d’« ensuir les beaux fais des femmes qui ont esté » et d’esmouvoir « en mieulx » son « noble courage », ne craint pas de réunir des exemples positifs et négatifs. Boccace lui demande explicitement de ne pas renoncer à sa lecture lorsqu’elle tombe sur des passages qui la choquent. Au lieu d’être heurtée par les « espines » des femmes vicieuses et quitter le « verger » des lettres, elle doit poursuivre son chemin afin d’y cueillir les fleurs qui « sont dignes de loenge et exemple des vertus » (p. 10). Suscitant tantôt l’éloge, tantôt le blâme, les différents récits Des cleres et nobles femmes invitent les lectrices à réaliser des « euvres dignes de gloire », ou à se détourner des « maleureuses et detestables choses ». La leçon qu’elles en tirent s’avère capable du même coup de restituer « la beauté et dignité qui semble estre ostee a ceste euvre par ce que en ce livre sont entremeslees aucunes choses de laidure et deshonnesteté ». C’est pourquoi Boccace estime nécessaire d’« inserer aux hystoires aucuns doulx et proffitables enseignemens de vertu et adjouster aussi aucuns aguillons, aucunes reprehensions en blasme et detestacions des vices » (p. 13-14). Le « prouffit espirituel » de ces histoires ne repose pas seulement sur la valeur de leurs héroïnes. La vertu n’est pas la propriété des femmes qui l’incarnent. Elle provient bien davantage de l’enseignement qui découle des récits dont elles sont les personnages.
- 25 Plusieurs des femmes mentionnées ici accompagnent l’exemple de Pyrame et Thisbé avancé par le chev (...)
11Le projet de Christine de Pizan diffère de celui de Boccace. Plutôt que de retracer la biographie de femmes célèbres et en dégager une morale, elle regroupe des femmes qui sont en elles-mêmes de véritables modèles de vertus. Aussi le groupe auquel appartient Thisbé occupe-t-il une position ambivalente. S’il témoigne de la constance féminine, il illustre également une « fole amour » qui s’avère proscrite. Les femmes qui le composent méritent à la fois d’être intégrées dans la Cité de Dames et reléguées à l’extérieur25. Cette situation contradictoire est particulièrement sensible avec Didon et Médée. Christine partage en effet leur vie en deux, séparant leurs amours tragiques de leurs réalisations antérieures rapportées dans le premier livre par Raison (chap. XXXII et XLVI). Elle aurait pu reprendre également la version de l’histoire de Didon transmise par Des cleres et nobles femmes (chap. XLII), où cette dernière se suicide pour préserver sa chasteté, ou omettre tout simplement de raconter la fin de ces deux héroïnes (ce qu’elle fait en partie pour Médée). Tout en conservant les récits de leurs amours malheureux légués par la tradition afin d’illustrer la loyauté des femmes, elle engage toutefois ses lectrices à les rejeter pour ne retenir que la première partie de leur vie.
12Il en est un peu de même avec Thisbé. Alors que Christine ne s’écarte guère de la tradition antérieure, les choix qu’elle effectue, certains infléchissements qu’elle apporte à cette histoire, mais aussi tout simplement le contexte dans lequel celle-ci se situe désormais, nous amènent à la lire ou à l’entendre à la façon dont écrivent les « poetes » quand ils parlent « en maniere de fable », c’est-à-dire « au contraire de ce que [leurs] diz demonstrent » : soit par « antifrasis », « si comme on diroit tel est mauvais, c’est a dire que il est bon, aussi a l’opposite » (p. 48). Elle incite en quelque sorte à réécrire cette histoire, à la dédoubler ou à la corriger afin qu’elle corresponde au projet qui gouverne la Cité des Dames : c’est ainsi que les lectrices peuvent être amenées à lui trouver une issue différente de celle qui unit Thisbé à son amant.
13L’histoire De Thisbé contenue dans la Cité des Dames omet, dans la rubrique qui en constitue le titre, le nom de son amant. Ce n’est pas une nouveauté. Boccace l’intitule De Tisbé vierge (p. 46) et Chaucer Legenda Tesbe Babilonie, martiris (p. 634), sans oublier le titre du lai chanté par Tristan. Mais l’omission du nom du personnage masculin prend ici une valeur particulièrement significative. En renonçant au titre de Pyrame et Thisbé transmis par la tradition manuscrite de l’adaptation française du XIIe siècle, titre caractéristique du roman d’amour et plus particulièrement du récit idyllique, Christine de Pizan marque d’emblée la rupture qu’elle entend introduire au sein de leur relation. D’une part, elle privilégie l’un des deux amants par rapport à l’autre. D’autre part, alors que l’union que Thisbé forme avec Pyrame est au cœur de cette histoire, elle engage ses lectrices à l’en arracher. Elle s’efforce d’ailleurs d’atténuer leur nature gémellaire. Tandis que, dans Pyrame et Thisbé, les deux enfants sont « d’une biauté et d’uns samblans » (v. 6), qu’ils sont presque identiques et que leur couple forme ainsi une sorte d’unité, elle dit simplement qu’ils sont « sur tous autres beaulx et avenans ». Certes, Ovide écrit qu’ils sont « l’un le plus beau des jeunes gens, l’autre la plus admirée entre les filles de l’Orient » (v. 55-56). Mais en les comparant à d’autres, plutôt que de les rapprocher en les rapportant uniquement l’un à l’autre, Christine de Pizan semble vouloir atténuer une similitude qui pourrait légitimer leur alliance.
14La même tendance se retrouve au terme de l’histoire. Celle-ci s’achève, dans la Cité des Dames, par le suicide de Thisbé. Il n’est question ni de métamorphose ni de sépulture commune (si l’on excepte le « blanc cueuvrechef » de Thisbé maculé par le lion et l’union de Pyrame avec ce même « cueuvrechef » qu’il tient « embracié » au moment de mourir). Chez Ovide et dans Pyrame et Tisbé, cependant, Thisbé demande que les fruits du mûrier rougis par le sang de Pyrame se transforment en signes d’amour et de mort, « pour attester que deux amants t’arrosèrent de leur sang » (v. 161). Elle prie en outre son père et celui de son ami qu’ils accordent « que ceux qu’un amour fidèle et leur dernière heure ont unis l’un à l’autre reposent dans le même tombeau » (v. 156-57). Cette double requête lui sera accordée. C’est pourquoi le fruit du mûrier, « parvenu à sa maturité, prend une couleur noirâtre et ce qui reste de leurs bûchers repose dans la même urne » (v. 165-66). Si Boccace ne parle lui non plus ni de métamorphose ni de sépulture, il achève son récit en affirmant que « l’envieuse fortune n’a point souffert » que les amants soient « joings et unis en amour plaisant », mais qu’elle « n’a peu deffendre que le maleureux sang d’eulx n’ait esté meslé ensemble » (p. 48-49). Quant à Chaucer, s’il omet la métamorphose des mûres, il termine son récit avec la prière de Thisbé qui demande en particulier d’être couchée dans le même tombeau que Pyrame (v. 903).
15Ce n’est pas un tombeau lui permettant de rester unie pour toujours à son amant que Christine de Pizan offre à Thisbé en réponse à son suicide, mais la Cité des Dames. Cette dernière demeure implique du même coup de renoncer au monument funéraire édifié à la mémoire de cet amour que la mort elle-même n’aura pu empêcher. Alors que la plupart des récits relatant les aventures de Pyrame et Thisbé sont en quelque sorte les prolongements de l’urne commune – « una […] urna » – qui a fini par les réunir pour l’éternité, la Cité des Dames réintroduit en quelque sorte la paroi de pierre qui fut élevée par leurs parents afin de les maintenir séparés. Ils n’auront plus en commun, désormais, qu’une muraille (cf. v. 66).
- 26 Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. A. Strubel, Paris, LGE/Lettres gothi (...)
16La chambre, gardée par « une chamberiere » (v. 89), dans laquelle Thisbé fut enfermée par sa mère qui avait appris par un serviteur les sentiments qu’éprouvaient les deux enfants, est un des modèles du château de Jalousie du Roman de la Rose26. Le « noviau mur » élevé afin d’y « clorre les rosiers » (v. 3608-09) et y emprisonner Bel Accueil, empêchant l’amant de rejoindre l’objet de son désir, peut être comparé en effet au « mur jaloux » (v. 73), « aspres et durs » (v. 439), qui s’oppose à l’amour de Pyrame et Thisbé. Danger s’étant endormi, Honte le réveille pour qu’il bouche « touz les pertuis » de la « haie » entourant les rosiers (v. 3691). Danger s’engage alors à « garder » (v. 3737) et à « deffendre » (v. 3747) l’enclos dans lequel se trouve Bel Accueil. Après avoir cherché si le mur du jardin de Deduit ne comportait pas quelque « huis », « eschiele » ou « pertuis » (v. 511-12), l’amant était parvenu à y pénétrer par un « huisselet » (v. 516). Avec l’aide de Bel Accueil, il avait réussi à passer la « haie » dans lequel étaient « clos tout entour » les rosiers qu’il avait vus par l’intermédiaire du miroir de Narcisse (v. 1615). Il ne doit pas franchir à nouveau cette haie. Un bâton à la main, Danger s’en va, « cherchant par le porpris / S’i trovera santier ne trace / Ne pertuis qui a bouchier ne face. / Des or est mout changiez li vers… » (v. 3756-59).
17Guillaume de Lorris semble se souvenir de la découverte de Thisbé. Après que Pyrame eut prié Vénus de lui donner la possibilité de parler à son amie, Amour permit à cette dernière de trouver une « crevace » dans la « parois » qui la séparait de son ami (v. 310-11). C’est grâce à ce « pertus » (v. 317), que Thisbé révèle à Pyrame en y faisant passer le « pendant de sa çainture » (v. 320), que les deux enfants parviendront à se parler et à se fixer rendez-vous près d’une fontaine, « hors de la cité ». Né en quelque sorte de l’amour des amants et de l’espoir de se retrouver, ce « pertuis » apparaît comme un passage s’ouvrant à leurs prières par lequel ils peuvent traverser le mur qui les divise afin de s’unir et satisfaire leur désir (cf. v. 438-51).
18De même qu’un oiseau enfermé dans une cage s’efforce de trouver une « fenestre » ou un « pertuis » par lequel s’envoler (v. 13961), de même « toutes fames / Soient demoiseles ou dames / De quelconques condicion, / Ont naturel entencion / Qu’el cercheroient volentiers / Par quels chemins, par quels sentiers, / A franchise venir porroient, / Car touz jourz avoir la vorroient » (v. 13963-69). C’est la Vieille qui s’exprime ainsi dans le Roman de la Rose. Elle non plus n’a pas oublié l’exemple de Thisbé. Mais comment franchir le mur du château de Jalousie autrement qu’en songe, si l’on ne peut s’introduire trois fois par semaine dans les maisons comme les enfants de dame Abonde, « par les fendaces, / Par chatieres et par crevaces », sans craindre « ne cles ne barres » (v. 18438-40) ? On connaît la solution de Jean de Meun. Vénus lance pour commencer un « brandon » à travers une « petitete archiere » dissimulée dans la tour du château (v. 20791 et 20796). Devenu la proie des flammes, cet édifice est incapable désormais d’opposer la moindre résistance. L’amant n’a plus qu’à mettre son « bourdon […] en l’archiere » (v. 21609) pour cueillir la rose tant désirée.
- 27 Cf. C. Reno, « Virginity as an Ideal in Christine de Pizan’s Cité des Dames », Ideals for Women in (...)
19De même que la Cité de Dieu est élevée par saint Augustin sur les décombres de la ville de Rome détruite par les invasions barbares, la Cité des Dames est composée en réponse à l’incendie qui s’est emparé du château de Jalousie. S’inscrivant dans le prolongement du Débat sur le Roman de la Rose, cette œuvre est une reconstruction de l’édifice détruit par Jean de Meun27. Contrairement au château dans lequel Jalousie crut pouvoir enfermer ses roses pour qu’elles restent closes à jamais (cf. v. 3610), la Cité des Dames doit permettre aux « excellens dames de grant gloire et renommee, qui en ceste cité seront herbergees », d’y demeurer « a perpetutité » (p. 218), à l’abri des hommes comme de l’amour qu’ils suscitent. Elle diffère également du royaume des Amazones qui, bien qu’il ait duré huit siècles, a fini par être détruit (Livre I, chap. XVI-XIX). Ce « nouvel royaume de Femenie » paraît bien plus « digne que cellui de jadis, car ne convendra aux dames ycy hebergees aler hors de leur terre pour concevoir ne enfanter nouvelles heritieres pour maintenir leur possession par divers aages de ligne en ligne, car assez souffira pour tousjours, mais de celles que ores y mettrons » (p. 250). La Cité des Dames ne dépend pas de la reproduction sexuelle pour recevoir de nouvelles habitantes. Serait-elle réduite à assurer une descendance, la sexualité provoque une faille ouvrant la femme sur l’extérieur. La poussant à sortir de chez elle ou à laisser passer des forces ennemies, l’amour ne peut que briser la clôture qui protège son intégrité.
- 28 Cf. J. Cerquiglini-Toulet, « Fondements et fondations de l’écriture chez Christine de Pizan. Scène (...)
- 29 Robert de Blois, Floris et Lyriopé, éd. P. Baratte, Berkeley-Los Angeles, University of California (...)
20À l’écriture masculine de Nature forgeant sans cesse de « singulieres pieces / Pour continuer les espieces » (v. 15901-02), prônée par le Roman de la Rose, s’oppose dès lors le livre que les hommes furent incapables d’écrire et que Raison propose à Christine de réaliser en composant la Cité des Dames. Plutôt que d’emprunter le marteau du forgeron employé par Genius, Christine utilise la « pioche d’inquisicion » et celle de l’« entendement » (p. 66 et 64), ainsi que les différents « outilz » nécessaires aux métiers du bâtiment (p. 218), afin de « fuyr » le « Champ des Escriptures » (p. 64) et y ériger sa Cité28. Au lieu de répondre à Nature, l’écriture est chargée désormais de faire œuvre d’édification, soit d’édifier un mur – à la fois moral et physique – entre les femmes et les hommes. Il ne saurait être question « d’esmouvoir les courages des femmes » et les inciter à le franchir et à se ficher « en celle mer tres perilleuse et dampnable de fole amour », comme a pu le faire le « romant » « d’amors » narrant l’« aventure » de « Piramus et Tybé » que lisent Floris et Lyriopé dans le récit de Robert de Blois qui porte leur nom (milieu du XIIIe siècle)29.
- 30 Sur la reprise et le rejet de la complainte amoureuse traditionnellement attribuée aux femmes par (...)
21Bien que sa mère l’eut enfermée dans chambre comme dans une « prison », Thisbé parvint à en sortir – « si que Fortune le volt ». Alors qu’elle regardait « toute esplouree, seule en sa chambre, la paroy qui estoit moyenne entre les .ii. palais, en disant piteusement : “Ha ! paroi de pierre dure qui feis la decevrance de mon amy et moy, se il avoit en toy aucune pitié, tu fendroies affin que je peusse veoir cellui que je tant desire” », elle « vit d’aventure en un quignet la paroit crevee par ou la lueur de l’autre part appercevoit. Adonc elle fuy a la creveure et a tout le mordant de sa çainture (car autre outil n’avoit) crut aucunement le pertuis tant que le mordant fichia tout oultre affin que Piramus le peust appercevoir. Laquelle chose advint et comme par celle enseigne les .ii. amans moult souvent s’assemblassent a parler ensemble au dit pertuis ou leur piteux complains faisoient » (p. 384). Tandis que le poème de Pyrame et Thisbé introduit un long dialogue amoureux aux tonalités lyriques traversant le mur grâce au « pertuis », Christine de Pizan se contente de mentionner son existence. Elle compensera d’une certaine façon cette omission en écrivant les Cent ballades d’amant et de dame (ca. 1409). Mais le dialogue que tisse ce recueil poétique s’achève sur une rupture plutôt que sur une alliance et scelle à son tour l’échec de la complainte amoureuse30. Comme Thisbé, la dame finit par mourir. Mais elle meurt seule en accusant l’amant de l’avoir trahie.
- 31 « This Tisbe hath so gret affeccioun / And so gret lykinge Piramus to se […] ; allas, and that is (...)
- 32 Sur les motifs de l’amant couard et de l’amant hardi, cf. R. Dragonetti, « Trois motifs de la lyri (...)
22Le destin de Thisbé dans la Cité des Dames semble également dû à une trahison de l’amant. Celle-ci est suggérée tout d’abord par des éléments qui mettent en cause l’égalité de leur amour. Tandis qu’Ovide (suivi par Boccace et Chaucer) affirme que la fente dans le mur a été découverte par les deux « jeunes amants » (v. 68), Christine de Pizan attribue cette trouvaille à la seule Thisbé. Certes, Pyrame et Tisbé l’assigne également à la jeune fille. Dans ce texte, toutefois, cette découverte y apparaît comme la conséquence de la prière que Pyrame avait précédemment adressée à Vénus. Christine affirme en outre que Thisbé « plus amoit » que le jeune homme, car elle fut « la premiere venue » à la fontaine où ils s’étaient donné rendez-vous lorsque, « contrains par trop grant amour », les deux enfants « prirent complot de eulx embler de leurs parens par nuit en recelle et de eulx entretrouver dehors la cité » (p. 384). Aucune des autres versions de cette histoire ne justifie l’écart temporel qui provoquera la perte des amants par une différence dans l’intensité de leur amour. Ovide se contente d’affirmer que Pyrame est « sorti plus tard » (v. 105), sans donner de raison. Pyrame et Thisbé dit simplement que « Tysbé s’est desavancie » (v. 603), qu’elle prend les devants, tout en ajoutant qu’elle compte se moquer du retard de son ami (cf. v. 633-35). Boccace note néanmoins que Thisbé « par aventure estoit plus ardant en amour » et que Pyrame « avoit un petit tardé a venir » (p. 47). Seul Chaucer semble un instant laisser entendre que Pyrame serait moins loyal que Thisbé. Après avoir affirmé que cette dernière était impatiente de voir celui qu’elle aimait et avant de regretter que Pyrame soit arrivé le dernier car il était resté trop longtemps chez lui, il dit en effet qu’il est malheureux que les femmes soient tellement sincères qu’elles font confiance à l’homme avant de le connaître suffisamment. Mais cette remarque ne s’applique pas vraiment à Pyrame. En effet, lorsque Chaucer note à la fin de son récit qu’il est difficile de trouver dans les livres des hommes sincères, il en excepte justement ce dernier. C’est pourquoi, conclut-il, il a parlé de lui comme il l’a fait : car il est agréable pour nous, les hommes, de trouver un homme sincère en amour31. Enfin, si Pyrame s’accuse d’avoir assassiné son amie, croyant qu’elle a été dévorée par le lion et regrettant d’avoir tardé à venir auprès d’elle, cette accusation est susceptible d’être interprétée de différentes façons : la bête « fiere » et « hardie » (v. 644 et 698) qui se précipite sur Thisbé vient en quelque sorte en lieu et place d’un amant « couard » resté en retrait, afin d’incarner l’ardeur sexuelle et mortifère que le jeune homme avait exprimé en se disant prêt à ravir « par force » Thisbé (v. 163), mais dont il semble désormais dépourvu, et répondre du même coup au « hardement » qu’Amour donne à la jeune fille (v. 609)32.
- 33 Au point qu’E. Baumgartner a pu qualifier Thisbé de « maîtresse du jeu » (dans la notice de son éd (...)
- 34 Seul Le roman de la poire de Thibaut donne le rôle actif à Pyrame plutôt qu’à Thisbé (éd. C. March (...)
23Si Pyrame et Thisbé et la plupart des versions médiévales de cette histoire attribuent à la jeune fille un rôle moteur afin d’amener de permettre aux amants de se retrouver et au récit de progresser33, si le jeune homme apparaît souvent passif34, cela n’implique pas que l’amour de ce dernier est moins fort. Plus particulièrement, le décalage entre l’arrivée de Thisbé et celle de Pyrame ne saurait mettre en cause la fidélité du jeune homme ou la puissance de son amour. Il est bien plutôt le signe du « non convenable temps » qui caractérise le désir des amants (v. 74), soit de la différence sociale ou sexuelle qui devrait les tenir éloignés l’un de l’autre et du caractère excessif et destructeur d’une pulsion qui ne saurait les amener à se rejoindre.
24En affirmant que Thisbé « plus amoit », Christine de Pizan introduit un trait qui se retrouve chez la plupart de ses amantes : chez Didon, qui « trop amoit » et dont « l’amour » est « moult […] plus grande vers Eneas que celle de lui vers elle » (p. 380), chez Médée, qui « ama de trop grant amour Jason » (p. 380), chez Hero, qui « par trop amer fu perie » (p. 386), chez Élisabeth, qui fut « contrainte de trop grant amour » (p. 400), et chez les femmes dont l’histoire n’est pas racontée, qui « trop ont amé de grant amour », telles la Châtelaine de Vergy, qui « mourut par trop amer », et Yseut, « qui trop ama Tristan » (p. 402). Qu’il soit en plus ou en trop (ce qui semble finalement revenir au même), l’amour des femmes (loyales) paraît toujours en excès : à la fois supérieur à celui des hommes et excessif. Inversement, l’amour des hommes semble constamment déficient. Incapables de répondre à l’amour qui leur est porté, ceux-ci ne peuvent que « decevoir ». Au lieu de fonder une véritable union, l’amour que les hommes et les femmes éprouvent l’un pour l’autre ne produit que de l’inégalité. La « fole amour » des amants est dépourvue d’une juste mesure leur permettant de correspondre l’un à l’autre comme de se rencontrer. Loin de s’unir à celui qu’elle aime, la femme ne peut qu’en tirer un « grant prejudice ».
- 35 Christine de Pizan, Epistre Othea, éd. G. Parussa, Genève, Droz, 1999, n° 38, p. 253-55. À noter q (...)
25Si le lion n’a pas tué Thisbé, son intervention demeure la cause indirecte de sa mort. S’y ajoute cependant la mauvaise interprétation du voile maculé de la jeune fille. Quand Pyrame atteignit la fontaine où il devait rejoindre Thisbé, il trouva son « cueuvrechef » couvert des « entrailles » vomis par le lion et « cuida fermement que s’amie fust devouree. Si ot si grant douleur que il meismes s’occist de s’espee » (p. 384). La mort de Pyrame et celle de Thisbé qui s’en suit apparaissent ainsi comme le résultat d’une erreur de jugement soulignée par le verbe cuidier. Ce verbe est déjà présent dans Pyrame et Thisbé (v. 679) et se retrouve dans la traduction de Boccace (p. 47). Mais, comme le souligne l’adverbe « fermement », l’incertitude qu’implique ce terme prend ici une valeur particulièrement négative. Le danger qu’on court à s’en tenir à ses croyances est d’ailleurs au centre de l’avertissement auquel Christine de Pizan attache l’exemple de Pyrame dans l’Epistre Othea (1400). Le quatrain qui précède le récit qu’elle en donne, afin d’en orienter la lecture, choisit en effet de retenir cet aspect particulier de l’histoire35 :
Ne cuides pas estre certain
Ainçois la vérité attain ;
Pour un pou de presompcïon,
Pyramus t’en fait mencïon.
26Le récit lui-même s’achève par une maxime attribuée à un « sage » non identifié : « “Ne te rens mie certain des choses qui sont en doubte, ains que tu en ayes faite couvenable informacion” ». L’« Allegorie » qui suit se greffe sur cette citation : « De ce qu’il dit [i.e. Pyrame], que il ne cuide estre certain, pouons notter l’ignorance ou nous sommes soubz la correccion de pere et de mere […] ». Réduit à lui-même pour avoir quitté la « correccion » de ses parents, Pyrame se retrouve dans l’ignorance de la nature réelle de ce qu’il voit. Plutôt que de le reconnaître et d’accepter le doute qui devrait être le sien, il « cuide estre certain ». Devant le « cueuvrechef » (ou la « guimple ») ensanglanté de son amie, il ne cherche pas à atteindre « la vérité » et à obtenir une « couvenable informacion ». Il se laisse fasciner par « l’enseigne » mortifère qu’il aperçoit « a la lumiere de la lune » afin de se joindre à elle en se suicidant (p. 384). C’est ainsi qu’il fait preuve de « presompcïon ». Cette outrecuidance serait la cause de son destin tragique comme de celui de Thisbé.
27L’« Allegorie » qui accompagne l’histoire de Pyrame dans l’Epistre Othea se poursuit en affirmant à propos des parents que « pour les biens fais que nous de eulx recevons pouons entendre le quart commandement qui dit : “Honneures pere et mere” […] ». Cette morale fondée sur les dix commandements invite en quelque sorte Pyrame et Thisbé – et tous les enfants qui seraient tentés de suivre leur exemple – à se remettre « soubz la correccion de pere et mere », et à se soumettre en particulier à leur autorité au moment d’épouser celui qu’ils leur désignent : « Par le conseil mon pere avrai / Autresi gent ami, bien sai », affirme Thisbé dans Pyrame et Thisbé au cours de son monologue (v. 265-66), avant de se reprendre et de repousser une telle idée. Christine suivi en revanche le conseil de son père lorsqu’elle épousa Étienne de Castel à l’âge où moururent Pyrame et Thisbé pour s’être dérobés à la volonté de leurs parents, soit à « l’aage de XV ans ».
28L’histoire de Pyrame et Thisbé dans Des cleres et nobles femmes s’achève sur un « enseignement » dans lequel Boccace évalue la responsabilité des différents protagonistes (p. 49). Celui-ci commence par condamner « l’amour de l’aage flourissant », qu’il qualifie de « crime » et un peu de « vice ». Mais, précise-t-il, il n’est pas « a resoingnier et a detester comme il est de ceulx qui sont liez. Car ce crime pouoit aller et estre tourné en mariage ». Boccace estime d’ailleurs que celui qui n’aurait pas de « compassion » pour les « deux josnes amans » et ne verserait pas « au moins une petite larme » sur leur « maleureuse fin », a « le cuer plus dur que pierre ». Car, si ces enfanys se sont « amé l’un l’autre », ils n’ont pas pour cela « desservi tant miserable aventure ».
29Si Boccace accuse également « la tresmauvaise fortune » qui « a pechié », il s’en prend surtout aux « miserables peres et meres des enfans ». Eux aussi, « par aventure », « ont pechié » :
Certes les mouvemens des jeunes enfans sont a refrener petit a petit, afin que, comme nous voulons soudainement resister a eulx et les empeschier du tout, nous ne les faisons trebuchier en plus grant mal par desperacion. La passion d’amour est moult excessive et de immoderé vertu, et est le commun vice des jouvenceauls ; laquelle passion d’amour est en eulx pacienment a tollerer et souffrir, car elle vient et nait en eulx de nature ; car naturelment nous sommes enclins a engendrer lignie pour le temps que nous poons ce faire, afin que l’umain lignage ne deffaille. Et certes, il deffaudroit se la couple charnelle et commixtion des semences d’omme et de femme est differee jusques en la vieillesce.
30Si l’amour qu’éprouvent deux enfants est répréhensible, leurs parents n’auraient pas dû s’y opposer aussi brusquement en les enfermant. Ils paraissent donc plus coupables que leurs enfants. Ils auraient dû faire en sorte que la passion aboutisse à un mariage et donne naissance à un lignage. Une telle conclusion, qui suit en quelque sorte la trame du Roman de la Rose tracée par Jean de Meun, semble totalement étrangère à Christine de Pizan.
- 36 Sur la « correction » que Christine de Pizan fait également subir à Didon, cf. K. Brownlee, « The (...)
- 37 Cf. L. Dulac, « Un mythe didactique chez Christine de Pizan : Sémiramis ou la veuve héroïque », Mé (...)
- 38 Cf. K. Brownlee, « Widowhood, Sexuality and Gender in Christine de Pizan », Romanic Review, 86, 19 (...)
- 39 Christine de Pizan, Cent ballades, ballade XI, v. 24, éd. M. Roy, Œuvres poétiques de Christine de (...)
31L’histoire « De Thisbé » contenue dans la Cité des Dames n’est pas accompagnée d’une morale explicite. Mais on peut y déceler un objectif analogue à celui qu’exprime l’Epistre Othea. Loin de condamner les parents des enfants, Christine de Pizan invite sa lectrice à remettre cette histoire « soubz la correccion » de leur autorité, à la corriger en inversant le fil d’une narration romanesque qui ne peut que mener son héroïne à subir un « grant prejudice et grief, en corps, en biens, et en honneur et a l’ame », soit à arracher Thisbé – en même temps qu’elle même – à la « fole amour » et au scénario tragique qui en est la conséquence36. Plutôt que de s’attarder sur la dernière scène où Thisbé meurt en embrassant son amant, comme dans Pyrame et Thisbé, elle invite en quelque sorte son héroïne à abandonner le jeune homme à la pulsion mortifère qui habite plus particulièrement son amour (comme Énée, Didon), et à retourner dans sa chambre afin de se placer à nouveau sous la tutelle de sa mère qui l’y avait enfermée dans l’espoir de la préserver de la « hantise de Piramus ». Alors qu’Amour – avec l’aide de Fortune – a poussé Thisbé à se glisser dans la « fraite » (v. 627) qui traverse les « murs » (v. 620) d’une cité menacée de ruine par la force destructrice de la passion, et à se rendre en un lieu identifié par « une fontaine soubz un murier blanc », locus amoenus analogue au Jardin de Déduit où l’amant du Roman de la Rose est entré après être sorti en rêve « hors de la vile » (v. 94), il lui faut rebrousser le chemin qu’elle avait suivi en se laissant emporté par la puissance de son désir. Au lieu de rester « desclose […] comme champ sanz haye » (p. 54), elle doit se tenir à l’abri des murs de la cité qu’elle a voulu quitter et reboucher le « pertuis » qu’elle avait emprunté pour retrouver son amant. Au tombeau de Ninus qui jouxte la fontaine où ils se sont donné rendez-vous (tombeau que mentionnent tous les textes antérieurs, mais qui porte le souvenir d’un amour adultère et que Christine passe sous silence), s’oppose « la cité de Babiloine » (p. 382 et 108) que Sémiramis « enforça et refist » après la mort de son mari (p. 106)37. Non seulement la vierge Thisbé s’est montrée prête à renoncer à la virginité en octroyant son « pucelage » à Pyrame en témoignage de la « foit » que revendique son amour, comme elle l’affirme dans Pyrame et Thisbé (v. 249 et 245), mais aussi elle a renoncé, en se tuant, à s’apparenter à une veuve, comme elle aurait pu le faire si elle avait laissé Pyrame mourir en embrassant son double fantasmatique et si, du même coup, elle avait suivi l’exemple de Sémiramis et des très nombreuses femmes de la Cité des Dames qui, à l’instar de Christine elle-même, sont « demourees vesves » tout en restant fidèles à leurs maris défunts38. Si la métamorphose des mûres n’est pas racontée dans cette œuvre, peut-être est-ce pour laisser entendre que c’est Thisbé qui aurait dû revêtir la couleur de ce fruit en signe de deuil plutôt que de se tuer, comme l’a fait Christine qui s’est retrouvée « seulete […] plus tainte que morée »39.
- 40 Cf. P. Romagnoli, « Les formes de la voix : masques et dédoublements du moi dans l’œuvre de Christ (...)
- 41 Comme Christine se caractérise de manière récurrente : cf. M. M. Rivera Garretas, « La utopia de u (...)
- 42 Christine de Pizan, Le Livre de l’advision Christine, 3e partie, chap. X, éd. C. Reno et L. Dulac, (...)
- 43 Cf. R. D. Cornelius, The Figurative Castle. A Study in the Mediaeval Allegory of the Edifice with (...)
- 44 Sur le réemploi de la tradition misogyne par Christine de Pizan, cf. G. McLeod et K. Wilson, « A C (...)
32Certes, Christine de Pizan ne dit à aucun moment que Thisbé doit retourner dans sa chambre et on peut ne pas suivre cette lecture qui semble entendre le « contraire » de ce que ses « dits demonstrent ». Mais comment Thisbé pourrait-elle résider dans la Cité des Dames sans répondre favorablement – au moins de manière implicite – à une telle directive ? Alors que son histoire contient plusieurs motifs qui l’apparentent à Christine, comment pourrait-elle avoir autrement, comme les autres habitantes de cette demeure, le « même visage » que cette dernière40 ? La chambre que Thisbé doit regagner, « seule » comme elle le fut avant d’en sortir, serait-ce pour y pleurer la mort de son ami, s’apparente en particulier à la « cele » (p. 40) dans laquelle s’enferme Christine afin d’écrire ses ouvrages, seulette41, veuve « solitaire et soubstraicte du monde » mais « anvironnée » de livres (p. 54 et 40), clouant ses « portes », c’est-à-dire ses « sens », pour qu’ils ne soient pas tentés de vaquer aux « choses foraines » (comme elle le dit dans le Livre de l’advision Christine42) – un espace que Christine ne semble quitter que lorsque sa « bonne mere » l’appelle « pour prendre la reffection du soupper » (p. 40). La chambre où Thisbé est amenée à retourner est devenue la Cité des Dames : une cité, munie de cinq portes, conforme à l’image à laquelle l’homme est comparé depuis l’Antiquité, notamment par la tradition philosophique et patristique qui lui recommande de barricader les portes de ses sens et de se garder de la vue des femmes et de la concupiscence qu’elles suscitent afin de ne pas laisser les vices envahir son âme43. C’est au tour des femmes de fermer leurs portes face aux séductions de l’amour44, pour retrouver leur « condicion naturelle » et s’engager sur le chemin de longue estude.
33Si l’on se rapporte aux principes qui gouvernent la construction de la Cité des Dames, la présence de l’histoire « De Thisbé » parmi les différentes pierres dont ses murs sont constitués ne paraît justifiée que si son héroïne renonce à la « folle amour » qui la pousse à vouloir s’unir à Pyrame. À défaut de pouvoir réécrire la fin de ce récit et ramener Thisbé vivante dans sa chambre, Christine de Pizan en oriente la lecture afin de suggérer que telle devrait en être la véritable conclusion. Enfermée dans la pièce que cette dernière lui a aménagée au sein de son édifice, la jeune fille pourra toujours témoigner de sa fidélité en continuant d’aimer son amant décédé. Certes, on peut toujours penser que l’auteure voulait simplement démontrer que les femmes étaient constantes en amour, ou que cet amour liée à l’enfance exerçait sur elle une secrète fascination qui ne lui a pas permis de s’en passer. Mais comment ne pas craindre que cette histoire ne s’apparente à un cheval de Troie et qu’avec les autres histoires qui lui sont associées, elle n’introduise quelques « ordes pierres broçonneuses et noires » dans les remparts de cette Cité (p. 68)? Plus attrayante mais tout aussi dangereuse que le livre de Matheolus, si l’on en croit notamment saint Augustin, cette histoire peut apparaître en effet, si l’on n’y prend garde et qu’on n’y met pas un terme, comme un corps étranger susceptible d’y révéler une « fraite » menaçant sa clôture et sa capacité de défense – une faille prenant la forme d’un récit animé par la passion amoureuse qui, à l’image du « pertuis » décelé par Thisbé « regardant […] la paroy » qui la sépare de Pyrame, risque d’« esmouvoir les courages » des lectrices et de laisser passer « la flame de leur amour », au point de les inciter à quitter cet édifice, ou de permettre au clerc que je suis, « estranges ostes » (p. 250) au monde féminin de ce Livre, d’y entrer.
Notes
1 Christine de Pizan, La Città delle Dame, éd. E. J. Richards, trad. P. Caraffi, Milan, Luni, 1998, p. 382-84. Sur Thisbé dans cette œuvre, je ne connais que les pages de M. Quilligan, The Allegory of Female Authority. Christine de Pizan’s “Cité des Dames”, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 1991, p. 174-76. On peut citer aussi la thèse soutenue en 2000par D. L. Bell, Just another crack in the wall ? The tale of Pyramus and Thisbe in Medieval French Literature, qui porte entre autres sur Christine de Pizan (cf. A. J. Kennedy, Christine de Pizan. A Bibliographical Guide. Supplement 2, Woodbridge, Tamesis, 2004, n° 1428, p. 91), mais cette thèse n’est pas publiée et je n’ai pu en prendre connaissance.
2 Giovanni Boccaccio, Famous Women, éd. et trad. V. Brown, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2001. La traduction française de cette œuvre, attribuée un temps à Laurent de Premierfait, est éditée par J. Baroin et J. Haffen, Boccace. “Des cleres et nobles femmes”, Paris, Les Belles Lettres (Annales Littéraires de l’Université de Besançon), 1993-1995 (2 vol.) (cit., t. I, p. 8). Sur l’utilisation de cette œuvre et/ou de sa traduction par Christine, cf. A. Jeanroy, « Boccace et Christine de Pizan : le De claris mulieribus principale source du Livre de la Cité des Dame », Romania, 48, 1922, p. 93-105, P. A. Philippy, « Establishing Authority : Boccacio’s De claris mulieribus and Christine de Pizan’s Le Livre de la Cité des Dames, Romanic Review, 77, 1986, p. 167-93, J. Kellogg, « Christine de Pizan and Boccaccio : Rewriting Classical Mythic Tradition », Comparative Literature East and West. Tradition and Trends, éd. C. Moore et R. A. Moody, Honololu, 1989, p. 124-31, R. Brown-Grant, Christine de Pizan and the Moral Defence of Women. Reading beyond Gender, Cambridge University Press, 1999, chap. 4, « The Livre de la Cité des Dames : generic transformation and the moral defence of women », p. 128-74, ainsi que G. K. McLeod, Virtue and Venom. Catalogues of Women from Antiquity to the Renaissance, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1991, et C. M. Meale, « Legends of Good Women in the European Middle Ages », Archiv für das Studium der Neueren Sprachen und Literatur, 144, 1992, p. 55-70.
3 Ovide, Les Métamorphoses, IV, v. 55-166, éd. et trad. G. Lefaye, Paris, Les Belles Lettres, 1928, t. I, p. 98-101. Sur la figure d’Ovide chez Christine de Pizan, cf. A. Paupert, « “Pouëte si soubtil” ou “grand deceveur” : Christine de Pizan lectrice d’Ovide », Ovide métamorphosé. Les lecteurs médiévaux d’Ovide, éd. L. Harf-Lancner, L. Mathey-Maille et M. Szkilnik, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2009, p. 45-67.
4 Pyrame et Thisbé, éd. et trad. E. Baumgartner, Pyrame et Thisbé, Narcisse, Philomena, Paris, Gallimard/Folio, 2000. Voir aussi l’éd. de P. Eley, Piramus et Tisbé, Liverpool Online Series, 2001. Sur ce texte, outre les préfaces et les bibliographies de ces deux éditions (p. 281-82 et p. 80-83), cf. en particulier mon article, « Le suicide des amants et l’“ensaignement” des lettres. Piramus et Tisbé ou les métamorphoses de l’amour », Romania, 117, 1999, p. 363-95.
5 Cf. F. Schmitt-von Mühlenfels, Pyramus und Thisbe. Rezeptionstypen eines Ovidischen Stoffes in Literatur, Kunst und Musik, Heidelberg, Winter, 1975 (qui mentionne brièvement l’Epistre Othea à la p. 43), R. Glendinning, « Pyramus and Thisbe in the Medieval Classroom », Speculum 61, 1986, p. 51-78, K. Heinrichs, The Myths of Love. Classical Lovers in Medieval Literature, The Pennsylvania State University Press, 1999 (qui mentionne à plusieurs reprises Pyrame et Thisbé, comme en témoigne l’index), et C. Ferlampin-Acher, « Piramus et Tisbé au Moyen-Âge : le vert paradis des amours enfantines et la mort des amants », Lectures d’Ovide, publiées à la mémoire de Jean-Pierre Néraudau¸ éd. E. Bury et M. Néraudeau¸ Paris, Les Belles Lettres, 2003, p. 115-47 (qui mentionne brièvement la Cité des Dames et l’Epistre Othea aux p. 140-41).
6 Ovide moralisé. Poème du début du quatorzième siècle, éd. C. de Boer, Amsterdam, Noord-Hollandsche Uitgevers-Maatschapperij, t. II, 1920, Livre IV, v. 221-1267 (cit. v. 1260). Cf. M. Possamaï-Pérez, L’Ovide moralisé. Essai d’interprétation, Paris, Champion, 2006 (qui ne contient que quelques brèves références à Pyrame ou à Thisbé, p. 104, 369, 370, 699 et 817-18), et, concernant l’iconographie de nos deux amants, C. Bel, « Métamorphose des Métamorphoses : le conte de Pyramus et Thisbé dans les manuscrits de l’Ovide moralisé en vers », Medieval Manuscripts in Transition. Tradition and Creative Recycling, éd. G. H. M. Claasens et W. Verbeke, Louvain, Mediaevalia Lovaniensi, 2006, p. 13-35.
7 Gottfried de Strasbourg, Tristan et Isolde, trad. D. Buschinger, in Tristran et Yseut. Les premières versions européennes, éd. et trad. Ch. Marchello-Nizia et alii, Paris, Gallimard/La Pléiade, 1995, p. 436. À noter que la ronce qui pousse sur la tombe des amants dans la version du Tristan en prose contenue dans le ms. BnF fr. 103, pourrait faire écho au mûrier de Pyrame et Thisbé (cf. J. Bédier, « La mort de Tristan et d’Iseut d’après le manuscrit fr. 103 de la Bibliothqèe Nationale comparé au poème allemand d’Eilhart d’Oberg », Romania, 15, 1886, p. 481-510).
8 Saint Augustin, De Ordine, I.8 et 24, trad. J. Doignon, Œuvres de Saint Augustin, t. IV/2, Dialogues philosophiques. De Ordine – De l’Ordre, Paris, Bibliothèque Augustinienne, 1997, p. 91 et 129-31. Cf. S. Battaglia, « Piramo e Tisbe in una pagina di Sant’Agostino », Filologia e Letteratura, 9, 1963, p. 114-22.
9 Cf. M.-N. Lefay-Toury, La Tentation du suicide dans le roman français du XIIe siècle, Paris, Champion, 1979 (en particulier p. 13-34). L’expression « mortel ardour » est tirée du texte de Pyrame et Thisbé édité par P. Eley (op. cit., v. 134), alors que la version éditée par E. Baumgartner donne « mortel travail » (v. 132).
10 Cf. Johannes de Hauvilla, Architrenius, IV, v. 254-85, éd. et trad. W. Wetherbee, Cambridge University Press, 1994, p. 102-03.
11 Cf. Jean de Garlande, Integumenta Ovidii. éd. F. Ghisalberti, Messina-Milan, 1933, p. 51, et F. Schmitt-von Mühlenfels, Pyramus und Thisbe, op. cit., p. 28-29.
12 Aimon de Varennes, Florimont, v. 3959-61, éd. A. Hilka, Göttingen, 1933, p. 155.
13 La Bible de Jehan Malkaraume, v. 7942-46, éd. J. R. Smeets, Assen-Amsterdam, Van Gorcum, 1978, t. I, p. 186. Cf. J. R. Smeets, « Le duis de Pyramus et Thisbé dans la Bible de Malkaraume : paienisme et chrétienté », Langue et littérature française au Moyen Âge, éd. R. E. V. Stuip, Amsterdam, 1978, p. 74-83, et M. Moussy, « La moralisation du mythe : Pyrame et Thisbé dans la Bible de Jean Malkaraume », Ovide métamorphosé, op. cit., p. 83-103. L’interprétation du mot saumon employé par l’auteur est de mon fait.
14 Évrart de Conty, Le Livre des Eschez amoureux moralisés, 4.3.5 et 4.3.4.5, éd. F. Guichard-Tesson et B. Roy, Montréal, CERES, 1993, p. 418 et 416 (cf. p. 432). Parmi les autres histoires de « foles amours », on peut noter celles de Médée, de Didon et d’Héro et Léandre.
15 Guillaume de Machaut, Poésie lyrique, éd. V. Chichmaref, Paris, Champion, 1909, t. II, Appendice, n° II, p. 638. Dans le Voir Dit, le cas de Pyrame et Thisbé n’est guère plus engageant (cf. Guillaume de Machaut, Le Livre du Voir Dit, éd. P. Imbs et J. Cerquiglini-Toulet, Paris, LGF/Lettres gothiques, 1999, v. 6316-28, p. 580-82, et Lettre XXXVII, p. 594).
16 Jean Froissart, Le Dit dou bleu chevalier, v. 242-43, in « Dits » et « Débats », éd. A. Fourrier, Genève, Droz, 1979, p. 162. Pyrame et Thisbé sont également présents dans La Prison amoureuse deFroissart (cf. R. Blumenfeld-Kosinski, Reading Myth. Classical Mythology and Its Interpretations in Medieval French Literature, Stanford University Press, 1977, p. 167-70).
17 Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charrette, v. 3803-04, éd. Ch. Méla, in Romans, Paris, LGF/La Pochotèque, p. 610. Cf. J. Dornbush, « Ovid’s Pyramus and Thisbé and Chrétien’s Le Chevalier de la Charrette », Romance Philology, 36, 1982, p. 34-42.
18 Cf. Amadas et Ydoine. Roman du XIIIe siècle, éd. J. R. Reinhard, Paris, Champion, 1926, p. 220, v. 5862.
19 Guillaume de Machaut, Le Jugement du roi de Navarre, v. 3171-86 (cit. v. 3180), éd. et trad. R. B. Palmer, The Judgment of the King of Navarre, New York-Londres, Garland, p. 142.
20 Geoffrey Chaucer, The Legend of Good Women, in The Riverside Chaucer, éd. L. D. Benson, Oxford, Oxford University Press, 1988, « Prologue », p. 588-603, et « The Legend of Thisbe », p. 606-08. Cf. M. Hanrathan, « Seduction and Betrayal : Treason in the Prologue to the Legend of Good Women », The Chaucer Review, 30, 1996, p. 229-40, M. Burns, « Classicizing and Medievalizing Chaucer : the Sources for Pyramus’ Death-throes in the Legend of Good Woman », Neophilologus, 81, 1997, p. 637-47, L. J. Kiser, « Chaucer’s Classical Legendary », Chaucer’s Dream Visions and Shorter Poems, éd. W. A. Quinn, New York-Londres, Garland, 1999, p. 315-46 (en particulier p. 330-33), et K. A. Doyel, « Thisbe out of Context : Chaucer’s Female Readers and the Findern Manuscript », The Chaucer Review, 40, 2006, p. 231-62.
21 Cf. P. Caraffi, « Medea sapiente e amorosa : Da Euripide a Christine de Pizan », Au champ des escriptures. IIIe colloque international sur Christine de Pizan, éd. E. Hicks, Paris, Champion, 2000, p. 133-47.
22 Christine de Pizan, Le Débat des deux amans, v. 673-80, éd. M. Roy, Œuvres poétiques de Christine de Pizan, Paris, SATF, t. II, 1891, p. 49-109.
23 Médée et Didon, accompagnées de Pénélope, servent aussi à démontrer la loyauté des femmes dans L’Epistre au dieu d’Amours (éd. M. Roy, Œuvres poétiques de Christine de Pizan, cit., t. II, p. 1-27, v. 437-60).
24 Pour une comparaison entre ces deux œuvres, cf. J. Laird, « Good Women and Bonnes Dames : Virtuous Females in Chaucer and Christine de Pizan », The Chaucer Review, 30, 1995, p. 58-70 (en particulier p. 66 pour Thisbé).
25 Plusieurs des femmes mentionnées ici accompagnent l’exemple de Pyrame et Thisbé avancé par le chevalier du Débat des deux amants : c’est le cas en effet de Hero et Léandre (v. 681-92), de Tristan et Yseut (v. 746-56), du Châtelain de Coucy et de la dame du Fayel (v. 761-68), et de la Chastelaine de Vergy (v. 769-74). Sur l’histoire de Héro et Léandre, ses liens avec celle de Pyrame et Thisbé et son utilisation par Christine de Pizan, cf. D. Lechat, « Héro et Léandre dans l’Ovide moralisé », Cahiers de Recherches Médiévales, 9, 2002, p. 25-37.
26 Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. A. Strubel, Paris, LGE/Lettres gothiques, 1992.
27 Cf. C. Reno, « Virginity as an Ideal in Christine de Pizan’s Cité des Dames », Ideals for Women in the Works of Christine de Pizan, éd. D. Bornstein, Detroit, 1981, p. 69-90 (en particulier p. 81-82), et J. Wisman, « D’une cité l’autre. Modernité de Christine de Pizan gynéphile », Romanische Forschungen, 12, 2000, p. 61-71 (en particulier p. 68-70). Les études consacrées au Débat sur le Roman de la Rose et à la relation de Christine avec l’œuvre de Jean de Meun sont trop nombreuses pour être mentionnées ici.
28 Cf. J. Cerquiglini-Toulet, « Fondements et fondations de l’écriture chez Christine de Pizan. Scènes de lecture et Scènes d’incarnation », The City of Scholars. New Approaches to Christine de Pizan, éd. M. Zimmermann et D. De Rentiis, Berlin-New York, De Gruyter, 1994, p. 79-96 (en particulier p. 83 et 90-96 pour les métaphores de la forge et de la germination).
29 Robert de Blois, Floris et Lyriopé, éd. P. Baratte, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1968, v. 976-96. À rapprocher de Paolo et Francesco lisant l’histoire de Lancelot et Guenièvre d’après la Divine Comédie (cf. R. Dragonetti, L’épisode de Francesca dans le cadre de la convention courtoise (Dante, Inf., V), Aux Frontières du langage poétique (Études sur Dante, Mallarmé, Valéry), Gand, 1961, p. 93-116, repris dans Dante, la langue et le poème, études réunies par C. Lucken, Paris, Belin, 2006, p. 123-48).
30 Sur la reprise et le rejet de la complainte amoureuse traditionnellement attribuée aux femmes par Christine de Pizan, cf. J. Cerquiglini-Toulet, « Christine de Pizan : della conocchia alla penna », Chistine de Pizan. Una Città per se, éd. P. Caraffi, Rome, Carocci, 2003, p. 71-85 (en particulier p. 78-81).
31 « This Tisbe hath so gret affeccioun / And so gret lykinge Piramus to se […] ; allas, and that is routhe / That evere woman wolde ben so trewe / To truste man, but she the bet hym knewe […]. And the laste this Piramus is come ; / But al to longe, allas, at home was he. […] Of trewe men I fynde but fewe mo / In alle my boks, save this Piramus, / And therfore have I spoken of him thus. / For it is deynte to us men to fynde / A man that kan in love be trewe and kynde » (Chaucer, The Legend of Good Women, op. cit., v. 793-94, 799-801, 823-24 et 917-21).
32 Sur les motifs de l’amant couard et de l’amant hardi, cf. R. Dragonetti, « Trois motifs de la lyrique courtoise confrontés avec les Arts d’aimer (Contribution à l’étude de la thématologie courtoise) », Romanica Gandensia, 7, 1959, p. 5-48, repris dans « La Musique et les Lettres » : Études de littérature médiévale, Genève, Droz, 1986,p. 125-68. Pour l’interprétation du lion lié au retard de Pyrame, cf. mon étude, « Le suicide des amants et l’“ensaignement” des lettres », op. cit., p. 386.
33 Au point qu’E. Baumgartner a pu qualifier Thisbé de « maîtresse du jeu » (dans la notice de son édition de Pyrame et Thisbé, op. cit., p. 262). Voir aussi les pages que Y. Foehr-Janssens consacre à l’héroïne de ce poème dans La jeune fille et l’amour. Pour une poétique de l’vasion courtoise, Genève, Droz, 2010, p. 45-68.
34 Seul Le roman de la poire de Thibaut donne le rôle actif à Pyrame plutôt qu’à Thisbé (éd. C. Marchello-Nizia, Paris, SATF, 1984, v. 165-72).
35 Christine de Pizan, Epistre Othea, éd. G. Parussa, Genève, Droz, 1999, n° 38, p. 253-55. À noter que l’iconographie de Pyrame et Thisbé dans cette œuvre est empruntée à l’Ovide moralisé (cf. S. L. Hindman, Christine de Pizan’s “Epistre Othéea”. Paintings and Politics at the Court of Charles VI, Toronto, 1986, p. 93-94). C’est également cette erreur que retient Jean Renart dans L’Escoufle lorsqu’il fait référence à Pyrame (éd. F. Sweetser, Genève-Paris, Droz, 1974, v. 6360-79 ; sur l’importance de Pyrame et Thisbé pour ce roman, cf. M. Vuagnoux-Uhlog, Le couple en herbe. Galeran de Bretagne et l’Escoufle à la lumière du roman idyllique médiéval, Genève, Droz, 2009).
36 Sur la « correction » que Christine de Pizan fait également subir à Didon, cf. K. Brownlee, « The Image of History in Christine de Pizan’s Livre de la Mutacion de Fortune », Contexts : Style and Values in Medieval Art and Literature, éd. D. Poirion et N. F. Regalado, Yale French Studies, NS, 1991, p. 44-56 (en particulier p. 49).
37 Cf. L. Dulac, « Un mythe didactique chez Christine de Pizan : Sémiramis ou la veuve héroïque », Mélanges Charles Camproux, Montpellier, 1978, p. 317-43, et M. Quilligan, The Allegory of Female Authority, op. cit., p. 69-85. À noter que l’inceste de Sémiramis avec son fils, s’il peut paraître comme une faute, peut aussi s’expliquer chez Christine par la volonté de la reine de s’unir à un homme appartenant à sa cité qu’elle n’a pas besoin de chercher à l’extérieur. Ce qui n’est pas le cas de Thisbé.
38 Cf. K. Brownlee, « Widowhood, Sexuality and Gender in Christine de Pizan », Romanic Review, 86, 1995, p. 339-53, et V. Browning, « Perils and Possibilities : Advice for Widows in Le Livre de la Cité des dames », Christine de Pizan. Une femme de science, une femme de lettres, éd. J. Dor et M.-É. Henneau, Paris, Champion, 2008, p. 231-45. Sur la valeur exemplaire des veuves dans la tradition antérieure à Christine de Pizan, cf. Y. Foehr-Janssens, La veuve en majesté. Deuil et savoir au féminin dans la littérature médiévale, Paris, Droz, 2000.
39 Christine de Pizan, Cent ballades, ballade XI, v. 24, éd. M. Roy, Œuvres poétiques de Christine de Pizan, op. cit., p. 12. La comparaison avec la mûre se trouve également dans la ballade LIII, v. 22, des Autres ballades (éd. M. Roy, Œuvres poétiques de Christine de Pizan, op. cit., p. 269).
40 Cf. P. Romagnoli, « Les formes de la voix : masques et dédoublements du moi dans l’œuvre de Christine de Pizan », Au champ des escriptures, op. cit., p. 73-90 (cit. p. 87).
41 Comme Christine se caractérise de manière récurrente : cf. M. M. Rivera Garretas, « La utopia de un espacio separado », Textos y espacios de mujeres, Barcelone, 1990, p. 179-207, et M. McKinley, « The Subversive Seulette », Politics, Gender and Genre. The Political Thoughts of Christine de Pizan, éd. M. Brabant, Boulder etc., 1992, p. 157-69.
42 Christine de Pizan, Le Livre de l’advision Christine, 3e partie, chap. X, éd. C. Reno et L. Dulac, Paris, Champion, 2001, p.110.
43 Cf. R. D. Cornelius, The Figurative Castle. A Study in the Mediaeval Allegory of the Edifice with Especial Reference to Religious Writings, Bryn Mawr, 1930, et I. Gallinaro, I castelli dell’anima. Architecture della ragione e del cuore nella letterature italiana, Florence, Olschki, 1999.
44 Sur le réemploi de la tradition misogyne par Christine de Pizan, cf. G. McLeod et K. Wilson, « A Clerk in Name Only – A Clerk in All But Name. The Misogamous Tradition and La Cité des Dames », The City of Scholars, op. cit., p. 67-76.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Christopher Lucken, « Thisbé dans la Cité des Dames », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 20 | 2010, 303-320.
Référence électronique
Christopher Lucken, « Thisbé dans la Cité des Dames », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 20 | 2010, mis en ligne le 30 décembre 2013, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/12241 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.12241
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