Le Même et l’Autre, entre amour et croisade
Résumés
Le Roman de Florimont, fils du duc Jean d’Orléans et d’Hélène fille du duc de Bretagne, récit en prose du XVe siècle encore inédit, est à la fois un roman chevaleresque oriental et un roman idyllique. L’amour entre deux jeunes enfants devient l’instrument d’un rapprochement politique entre l’Occident chrétien, le royaume d’Égypte et l’empire de Constantinople, imaginés pour ces deux derniers comme un Orient tant sarrasin, turc que déjà chrétien, avant même l’arrivée du jeune Français Florimont, qui au terme de tribulations mais aussi d’une expédition de croisade épouse l’héritière orientale. La subordination des sentiments personnels au triomphe de la foi chrétienne et de l’impérialisme occidental explique l’absence d’une vraie célébration d’un bonheur amoureux, ainsi que l’affaiblissement du rôle de la jeune héroïne.
Texte intégral
- * Ce travail a bénéficié du soutien de l’Agence Nationale de la Recherche (projet ANR-09-BLAN-0307-0 (...)
- 2 B. Woledge, Bibliographie des romans et nouvelles en prose française antérieurs à 1500, Genève, Dr (...)
- 3 Op. cit., p. 43. Sur les imprimés, voir B. Woledge (op. cit., p. 43), et V. L. Saulnier, « L’auteu (...)
- 4 Aimon de Varennes, Florimont, éd. A. Hilka, Halle, Niemeyer, 1933, p. cxli.
- 5 Académie royale de Belgique, Bruxelles, 1939, p. 264-275.
1Le Roman de Florimont qu’Aimon de Varennes écrit au XIIe siècle, en imaginant les aventures féeriques et amoureuses d’un ancêtre fictif d’Alexandre, Florimont, père de Philippe de Macédoine, a joui d’un large succès jusqu’à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, comme l’attestent ses mises en prose du XVe siècle, puis plusieurs imprimés. Des recherches sur ces réécritures m’ont conduite à découvrir le roman copié dans le manuscrit français de la Bibliothèque nationale de France 1488 et intitulé Le livre de Flourimont, filz du duc Jehan d’Orleans et de Helaine fille au duc de Bretaigne. B. Woledge et D. J. A. Ross recensent en effet trois mises en prose du roman d’Aimon de Varennes, avant les imprimés2 : un remaniement fidèle, celui conservé par le manuscrit français de la BnF 1490 (incomplet) et le manuscrit 3476 de la bibliothèque de l’Arsenal (131 folios) ; une amplification libre, celle du manuscrit français 12566 de la BnF (258 folios), sans doute réalisée à la cour de Bourgogne par Jean de Wavrin ; et enfin le récit du manuscrit français de la BnF 1488 (46 folios), qui selon B. Woledge a « moins de rapport avec le poème, paraît se rapprocher de Pierre de Provence »3. L’éditeur du Florimont d’Aimon de Varennes le présente comme « einen fremden Stoff, der mit der Gruppe Pierre de Provence in einigen Zügen verwandt zu sein scheint »4. Il n’entretient en effet aucun lien avec les deux autres, si ce n’est le prénom du héros Florimont. Peut-être ce dernier a-t-il été choisi en écho à l’œuvre à succès d’Aimon de Varennes et à ses prolongements, mais rien n’est sûr puisque aucune allusion ne relie l’intrigue à celle de l’aïeul romanesque d’Alexandre ni même à la destinée du conquérant macédonien. Certes, la ville d’Alexandrie est le théâtre de la première partie du roman, ainsi que celui d’une expédition guerrière, mais jamais l’auteur, qui d’ailleurs ne recourt que très parcimonieusement aux descriptions, ne rappelle le souvenir de sa fondation par Alexandre. Son héros est donc un autre Florimont, un Florimont français et chrétien, qui, fils du duc d’Orléans et neveu du roi de France, vit dans un passé reculé et indéfini. À l’inverse de son homonyme, il ne connaît aucune aventure merveilleuse dans un Autre Monde féerique, mais se sent contraint de partir en Orient pour tenir la promesse trahie de ses parents. G. Doutrepont, dans son ouvrage Les mises en prose des épopées et romans chevaleresques du XIVe au XVIe siècle5, répertorie les deux versions en prose du Roman de Florimont d’Aimon de Varennes (BnF fr. 1490 et Arsenal 3476 ; BnF fr. 12566) mais ne mentionne pas ce troisième roman, qui effectivement n’est pas la mise en prose d’un texte en vers, mais une création originale du XVe siècle.
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- 8 A. Coville ne cite pas ce Roman de Florimont parmi les œuvres composées à / pour la cour d’Anjou, (...)
2Si les études anciennes et récentes sur le roman idyllique n’incluent pas le Roman de Florimont dans leur corpus6, les grandes lignes de l’histoire qu’il retrace montrent à elles seules que l’auteur a concilié l’héritage des romans chevaleresques à aventures orientales avec celui des romans idylliques et qu’il a librement exploité des scénarios narratifs bien établis dans ces derniers. La fuite des amants pour échapper aux obstacles familiaux et sociaux, le vol d’un objet par un oiseau, qui provoque leur séparation malheureuse, et le parcours solitaire d’une jeune fille noble qui parvient à subsister grâce à l’apprentissage d’un métier, évoquent immédiatement L’Escoufle de Jean Renart, et aussi pour le troisième scénario, Galeran de Bretagne. Au XVe siècle, on les retrouve également réunis et retravaillés dans le Roman de Pierre de Provence et de la Belle Maguelonne, qui a joui d’une beaucoup plus large diffusion que le Roman de Florimont7. Des liens existent ainsi bel et bien entre ces deux textes de la fin du Moyen Âge, comme le signalent B. Woledge et A. Hilka, parce qu’ils s’inspirent d’une même tradition romanesque. Ils partagent également une empreinte très forte des valeurs religieuses et l’insistance sur une conception providentielle de l’histoire, en l’occurrence des tribulations et des retrouvailles des amants. Mais en dépit de ces points communs – et par ailleurs on ne date pas précisément le Roman de Florimont8–, il est impossible d’affirmer l’existence d’une filiation entre les deux romans, tant leur exploitation de l’espace oriental et des « Sarrasins » est différente, de même que leurs portraits des personnages féminin et masculin et la répartition des rôles entre les sexes. Si Pierre séjourne chez un sultan, c’est pour se mettre à son service et le mythe de la croisade n’informe pas le Roman de Pierre de Provence et la Belle Maguelonne, tandis qu’à la narration de l’idylle s’entrelace dans le Roman de Florimont le récit d’une soumission politique et religieuse de l’Orient.
- 9 Éd. J.-L. Leclanche,Paris, Champion, 2003, et son étude Contribution à l’étude de la transmission (...)
3Quoiqu’on ne puisse pas non plus affirmer l’existence d’une intertextualité concertée avec Floire et Blancheflor, bien antérieur, toute la première partie du Roman de Florimont évoque plus précisément, mais avec des décalages intéressants, le souvenir de ce récit idyllique du XIIe siècle, toujours diffusé au XVe siècle et encore plus tard9. Une lecture parallèle des deux textes révèle quels déplacements et quels infléchissements transforment ce premier héritage du roman idyllique médiéval, auquel l’auteur conjoint ensuite le personnage de la femme noble contrainte au travail, inventé par les récits du XIIIe siècle que sont L’Escoufle et Galeran de Bretagne. C’est d’abord le prénom Florimont qui évoque celui de Floire, bien que l’auteur du XVe siècle ne reprenne pas le symbolisme de la fleur, qui, présent en écho dans le prénom féminin de l’œuvre du XIIe siècle, y renvoie à la fois à la prédestination divine – le miracle de la double naissance le jour de la fête de Pâques fleurie – et à la naissance du désir amoureux. Ensuite, Floire et Blancheflor et le Roman de Florimont ont avant tout en partage le rêve d’une union de l’Orient et de l’Occident, union qui est permise et réalisée grâce à la naissance d’une idylle et, dans le roman du XVe siècle, au projet du mariage de deux jeunes enfants à la suite d’un pèlerinage de leurs parents. Mais, avec une distribution différente des rôles, la rencontre avec l’Orient se réalise par d’autres voies dans le roman du XVe siècle.
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4Dans le Roman de Florimont comme dans Floire et Blancheflor, l’histoire des enfants est précédée de celle des parents, avec par la suite le refus du père oriental d’accorder le mariage par crainte d’une mésalliance. Au début de l’œuvre du XIIe siècle, une jeune chrétienne, enceinte d’un enfant dont le père est mort, se rend en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, où elle est capturée par des Sarrasins qui la conduisent chez le roi d’Espagne. Là, contre toute attente après cette première violence, elle y reçoit un accueil respectueux et tolérant, avant de devenir la dame de compagnie de la reine, enceinte comme elle. Comme nous l’avons déjà rappelé, leurs deux enfants naissent le même jour, celui de la Pâques fleurie, annonce de la conversion au christianisme du jeune Sarrasin espagnol Floire et de son union avec Blanchefleur10. Quant au Roman de Florimont, comme d’autres romans du XVe siècle tels que le Roman de la Fille de Ponthieu, Gillion de Trazegnies ou le Roman du Comte d’Artois, il commence par l’épreuve de la stérilité que traverse un couple, et son départ en pèlerinage11. Là aussi contre toute attente, après la tempête qui les conduit à Alexandrie, le duc d’Orléans et son épouse découvrent que le souverain sarrasin et sa femme ne sont pas des figures de l’Autre, mais du Même, bien plus parfaitement encore que dans le Conte. En effet, au-delà de la relation d’amitié nouée, le sultan égyptien avoue sa conversion secrète au christianisme et aussi sa douleur de ne pas avoir d’enfant, avant d’exprimer la décision de suivre le duc d’Orléans et sa femme dans leur pèlerinage en Terre sainte (folio 3 verso et folio 6 verso). La seule altérité orientale est celle, superficielle, des coutumes – usages alimentaires, vestimentaires, divertissements –, que le texte évoque néanmoins avec insistance. Dès le premier repas partagé, la discussion montre d’emblée une curiosité réciproque pour le mode de vie de l’Autre. Une comparaison, menée par le sultan et le duc, des mœurs de « par de la » et de « par de ça » révèle l’affleurement d’un exotisme intéressant, car rare dans le roman chevaleresque de la fin du Moyen Âge (folio 4)12. Certes, c’est toujours l’ethnocentrisme européen qui domine : si l’Orient sarrasin fascine par ses richesses, l’Occident est jugé supérieur par son raffinement. Ces différences sont en outre exploitées plus loin comme un outil de la narration, puisque c’est en découvrant la bourse réalisée à la manière étrangère, celle de France, que Filo part à la rencontre de Florimont (folio 16).
5Mais au début du roman, au-delà des différences dans les manières de vivre, les deux couples parentaux sont fondamentalement des doubles l’un de l’autre. Dans l’espoir de voir leurs vœux exaucés, ils jurent alors de marier leurs enfants pour remercier Dieu et la Vierge. Ce désir et cet engagement émanent des femmes, avant d’être exprimés par les hommes (folios 6 verso-7 recto). La promesse est renouvelée et confirmée par les époux après le pèlerinage, auquel trois lignes seulement sont consacrées (folio 7 recto et verso). Le mariage est donc dans un premier temps programmé par les parents, qui décident du destin de leurs enfants, bien qu’ensuite les pères, malgré la volonté des mères, trahissent leur engagement par peur de la mésalliance, thème déjà présent dans Floire et Blancheflor, comme plus tard dans Galeran de Bretagne, L’Escoufle ou Paris et Vienne. La parole parentale les transforme donc malgré eux en protagonistes d’une idylle. C’est une parole efficace malgré la rupture de la foi donnée, puisqu’ils prennent sur eux le vœu non accompli.
- 13 Le Philocope de Messire Jehan Boccace florentin, contenant l’histoire de Fleury et Blanchefleur, di (...)
6Dans le Conte de Floire et Blanchefleur, après leur naissance « simultanée », les enfants vivent d’abord comme frère et sœur et partagent une éducation savante. Très vite ils s’éprennent d’un amour qui est décrit comme déjà sensuel, loin de toute image d’une indifférenciation sexuelle, malgré leur ressemblance physique : « Livres lisoient paienors / U ooient parler d’amors. / En çou forment se delitoient, / Es engiens d’amor qu’il trovoient. / Cius lires les fist molt haster / En autre sens d’aus entramer / Que de l’amor de noureture / Qui lor avoit esté a cure » (v. 227-234). Quand son fils a un peu plus de dix ans, le roi se rend compte de cet amour pour Blanchefleur et redoute un mariage, d’où la décision de l’éloigner. Séparé de son amie, Floire vit dans des fantasmes érotiques qui le tourmentent (v. 373-386). Il n’aura alors de cesse de la retrouver pour connaître cette jouissance, qu’exaltent aussi le tombeau vide de Blancheflor et ses statues amoureuses – leurs automates imitent la vie – et pour ainsi dire aphrodisiaques. En Égypte il se métamorphosera symboliquement en une fleur lorsqu’il rejoindra la jeune fille dans une corbeille remplie de bouquets odorants. Dans l’espace paradisiaque du harem, entièrement conçu pour la satisfaction des sens de l’émir, la « tour aux pucelles » cachera pendant quinze jours leurs retrouvailles, le récit partagé de leurs malheurs puis leur union charnelle, avant que l’émir ne les découvre étroitement enlacés (v. 2499-2502, 2611-2614). On sait que la réécriture du roman par Boccace dans le Filocolo suscite à son tour une adaptation en français en 1542, sous le titre Le Philocope ; son auteur, Adrian Sevin, accentue cet érotisme oriental, en insistant sur une célébration du bonheur d’amour déjà bien présente dans le texte du XIIe siècle13.
7L’assimilation de l’Orient aux idéaux occidentaux est certes l’aboutissement de l’intrigue du Conte de Floire et Blanchefleur, mais son évocation n’affaiblit pas l’autre finalité de l’œuvre qui est l’idéalisation d’un couple d’amoureux prêts à tout l’un pour l’autre. L’Orient hispanique et égyptien adopte d’ailleurs les valeurs occidentales par la force de l’amour, sans le recours aux armes ni à la violence si l’on excepte les derniers vers : Floire se convertit au christianisme par amour pour Blanchefleur, l’émir abandonne la « mauvaise coutume » du harem parce qu’il est touché par la passion si intense que le couple se voue.
8La hiérarchie entre ces deux grandes lignes thématiques – l’idylle et la soumission de l’Orient – est inverse dans le Roman de Florimont, le discours amoureux passant en effet nettement au second plan, avec une mise à distance, voire un refoulement du bonheur individuel et de la jouissance qui semble désormais interdite. Un décalage d’un an sépare d’abord la naissance des enfants, c’est l’annonce d’une inégalité et d’une répartition des sexes différente. Dans ce roman plus austère, qui exalte tant l’idéal chrétien et l’impérialisme occidental que le sens du devoir et la soumission de la femme, le jeune garçon, appelé au pouvoir par la volonté de Dieu, ne peut naître qu’en Occident, et la jeune fille en Orient, si bien que se profile d’emblée le scénario de la conquête de l’empire de Constantinople par un héros de l’Europe occidentale, scénario souvent attesté dans le roman, mais en dehors du genre idyllique : pensons à Partonopeus de Blois ou au Livre des Seigneurs de Gavre. Il préfigure aussi que la conquête ne se réalisera pas seulement par l’amour mais aussi par les armes, contrairement cette fois à l’intrigue de Floire et Blancheflor, où la transformation de l’Orient s’opère de l’intérieur.
9Une autre différence majeure par rapport au récit du XIIe siècle et aux autres romans idylliques Galeran de Bretagne et L’Escoufle réside dans l’absence d’une enfance partagée, puisque Florimont vit en France jusqu’à son entrée dans l’âge adulte et Filo à Constantinople. Leurs premières années et leur éducation, beaucoup moins originale et savante que celle que reçoivent Floire et Blanchefleur, sont retracées dans des scènes parallèles, avec plusieurs fois la reprise de l’adverbe « pareillement » (folio 11 recto). C’est l’auteur qui, par sa technique de narration, établit des rapprochements sur le mode de l’écho, alors que tout sépare les enfants, qui méconnaissent l’existence l’un de l’autre.
10Cette ignorance aurait dû être définitive, en dépit du désir des mères, car ces dernières, loin de tenter la confrontation, obtempèrent. L’auteur exalte en effet toujours la soumission de la femme à la volonté de son époux ou de son père. Le duc d’Orléans se rappelle bien son engagement, mais il y renonce, tant il craint d’être d’un rang social inférieur au sultan, ce qu’entend le jeune Florimont « qui le mist bien en son entendement et ne l’oblia mie » (folio 12 recto). Quant au sultan, il refuse le mariage car il préfère donner sa fille à un roi :
« Vous estes folle, dit le roy, ne suis je roy de toute la terre ? Et emprés moy sera le mary de ma fille roy. Saichés qu’il n’y a roy au monde qui ne soit bien content d’avoir ma fille, et pour ce ne m’en parlés plus. Faictes bonne chiere, ma fille, car si Dieu plaist, je vous marieray bien. » Lors icelle Filo ne mist pas en nonchaloir de savoir que ce estoit. Si appella le maistre d’ostel a ppart, et lui demanda que ce estoit, lequel lui dit qu’il ne savoit se non que il avoit oÿ dire au roy que quant ilz alloyent en pellerinage il avoit fait promesse a ung duc qui estoit de France qui alloit au dict voyaige comme le roy que s’ilz avoyent enfans qu’ilz soyent mariez ensemble, et avoit la dicte promesse esté cause pour quoy s’en estoyent venuz le dit roy demourer es parties de par de ça et laissa le roy le bon païs d’Alixandre. Et ainsi le leur avoit compté le dit roy. Saichés que la dicte fille toute petite nota bien ces parolles et les mist en memoire. (folio 12 recto et verso)
11Chacun de leur côté, les enfants apprennent donc très jeunes – entre sept et dix ans – l’ancienne promesse et son absence de respect, qui marque à jamais leur conscience, car elle équivaut à un sacrilège et pèse sur leurs parents, et peut-être aussi sur eux, comme une faute. Ce qui les rapproche alors, ce n’est pas la pensée de l’Autre ni la naissance de loin d’une attirance amoureuse – l’auteur de Pierre de Provence et la Belle Maguelonne reprend en revanche la thématique de l’amour de loin qui s’éveille sur la seule réputation de la beauté et des qualités d’un être inconnu –, c’est d’abord la découverte d’une trahison qui, par son lien avec leur naissance, engagerait leur existence même. Le désir de réparer la faute paternelle témoigne d’un sens du devoir inné : il s’agit de rendre à Dieu ce qu’ils lui doivent, en s’unissant par les liens du mariage et en scellant le rapprochement entre l’Orient et l’Occident.
12La découverte par bribes, et sans explications, de leur propre histoire, la rend sans doute à la fois plus fascinante et plus traumatisante, d’autant que la deuxième révélation du secret s’associe pour la jeune fille à la mort de sa mère et à la pensée d’un châtiment divin. Elle est ainsi de nature à nourrir en elle un sentiment diffus de culpabilité. S’ensuivent en effet la mort du duc et celle de la mère de Filo, que le sultan interprète lui-même comme une punition de sa faute (folios 12 verso-13 recto). Son remords l’incite à écrire à Rome, pour s’informer du duc d’Orléans. Bien qu’il apprenne la naissance de Florimont, il oublie néanmoins très vite les lettres reçues, que sa fille trouve et se fait traduire – elle ne lit pas le latin :
Si trouva au retrait du dit son pere les lectres que le cardinal avoit escriptes au dit roy et les lit. Mais pour ce qu’elles estoyent en latin ne les sceut entendre. Si les fit expouser a ung clerc qui lui dit que le duc d’Orleans de France avoit ung beau filz. Et alors la dicte fille se advisa de ce que le dit maistre d’ostel luy avoit dit et que ses dicts pere et feue mere avoyent promis par elle au dit filz. Si mist cela en memoire. (folio 13 recto)
13L’initiative décisive vient alors du jeune homme, qui part en Orient pour voir s’il pourra réaliser l’engagement de ses parents. Le sens du devoir n’exclut pas la naissance d’un sentiment amoureux, qui a lieu dès la première rencontre et la reconnaissance de l’identité de l’autre, alors que Florimont est devenu orfèvre chez un « argentier » et révèle à Filo ses « tribulacions », entreprises pour effacer la faute : « pour quoy pour savoir de la verité et descharger envers Dieu la promesse de nostres peres et meres, je me suis mis en chemin de savoir de vous et faire ce que j’ay par souvenance. Et si ay enduré tant pour vous que pouvre homme chretien fit oncques pour dame » (folio 19 verso). Filo interprète leur rencontre comme un signe de Dieu qui éveille son amour et elle consent au mariage pour exaucer la volonté divine. Mais leur sentiment n’autorise aucun geste amoureux. C’est encore plus net dans la scène suivante, celle de la ruse qu’ils imaginent pour que le jeune homme s’introduise dans le palais paternel puis dans la chambre de Filo.
- 14 Sur cette cérémonie des vœux sur un oiseau, dont le premier modèle littéraire est inventé par Jacq (...)
14Loin de la corbeille de fleurs du Conte de Floire et Blanchefleur, Florimont se dissimule dans un aigle en pièce d’orfèvrerie, une œuvre que la jeune fille a imposée comme une commande officielle de son père, qu’il a lui-même réalisée et qui connote la richesse et la puissance. Une première scène publique s’ensuit : une fois l’aigle posé sur le buffet dans la salle du roi, Florimont observe tout par les yeux de l’oiseau. Cet espionnage, plutôt qu’un sentiment de supériorité, lui inspire surtout la peur d’être découvert, mais loin des potentialités romanesques de la séquence, aucun rebondissement n’est inventé. Si la jeune fille présente l’aigle à son père, elle se garde bien de l’inciter à organiser la moindre cérémonie autour de l’oiseau, qui étrangement ne sert ici à rien. Les vœux chevaleresques sur un oiseau sont pourtant très à la mode au XVe siècle14, on pouvait aussi se rappeler la pièce d’orfèvrerie en forme de paon du Restor du Paon de Brisebare, que l’héroïne Édée impose aux chevaliers comme une incarnation des vertus de l’amour courtois. Mais Filo n’essaie pas de révéler son amour.
15Quand elle réussit à faire porter l’œuvre d’art dans sa chambre et dès que Florimont sort de l’aigle, elle lui fait jurer sur son livre de prières qu’il ne la touchera pas avant le mariage, ce qui est aussi l’exigence de la Belle Maguelonne dans Pierre de Provence et la Belle Maguelonne :
Et quant tout le monde fut dehors, elle ferma sa chambre sur elle et puis fit saillir le dit Florimont dehors et luy fist promectre par sa foy et serement que jamaiz ne luy fairoit desplaisir ny ne la toucheroit pour peché jusques a ce qu’il l’auroit prinse a femme et qu’il l’auroit espousee. Lequel ainsi le promist et jura sur les heures d’icelle Filo et puis devisarent d’eulx en aller. (folio 22 verso)
16La transgression de la volonté paternelle que signifie la fuite des amants est alors légitimée par le désir d’accomplir la volonté de Dieu et le respect absolu de la loi chrétienne du mariage. Bien loin de leurs devanciers littéraires Floire et Blanchefleur, le couple ne s’accorde donc aucune liberté sexuelle, pas même lorsqu’après la fuite ils se retrouvent seuls près d’une fontaine et contemplent les pierres précieuses que la jeune fille a emportées avec elle :
Si commança a ouvrir le dit coffre, le quel estoit plain de dyamans, de rubis, esmeraudes turquez et perlez grosses de compte et autres riches pierres precieuses. Si le voulcist extimer le dit Florimont, car bien se y cognoissoit. Et commançarent a gecter tout de hors sur belle herbe pour le mieulx veoir. Si y eust ung gros carboucle comme une noix le quel le dit Florimont mist a ppart et dit que icelle pierre valoit plus et estoit la plus riche et belle que jamaiz il vit oncques, car on ne la sauroit extimer. Si se mirent a extimer les autres et disoyent qu’elles valoyent plus, les unes moins et les autres maiz et avoyent ce debbat ensemble. En regardant aux autres et sans entendre au carboucle, vint une pie qui prist le dit carboucle et s’en pourta sur ung arbre. (folio 24 verso)
- 15 Jean Renart, L’Escoufle, éd. F. Sweetser, Genève, Droz, 1974, v. 4384-4557.
17La comparaison avec les passages correspondants dans L’Escoufle et Pierre de Provence et la Belle Maguelonne,et plus encore avec la première scène d’intimité entre Floire et Blanchefleur, loin de l’espace paternel, est éclairante. Elle souligne combien pèse dans le Roman de Florimont un interdit sur la plénitude personnelle et plus encore sur la jouissance érotique. La pensée du corps de l’Autre ne semble même plus autorisée, à moins de considérer que les bijoux – par delà la nécessité d’introduire le motif du vol de l’oiseau, le lecteur se demande bien pourquoi les héros s’intéressent autant à leur contemplation – pourraient en être interprétés comme des substituts inconscients (folio 24 recto et verso). Ce qui est explicite, c’est l’intérêt porté à la valeur marchande des pierres et à son estimation et plus loin ils s’accusent eux-mêmes de convoitise. C’est d’autant plus surprenant qu’avant comme après cet épisode le roman occulte les questions d’argent, alors qu’au XIIIe siècle L’Escoufle leur accorde une grande importance, non pour introduire la moindre condamnation de la convoitise, mais parce que les amants ont besoin d’argent pour mener leurs recherches et se retrouver. Dans la scène du vol de l’oiseau, Jean Renart présente certes un bijou, l’anneau qu’Aélis a caché entre ses seins et qu’elle remet à Guillaume, mais il signifie le don amoureux de sa personne et si Guillaume l’oublie un moment sur les fleurs, c’est qu’il s’abîme dans la contemplation de son amie endormie15.
- 16 Éd. R. Colliot, chapitre XX, p. 31.
- 17 Op. cit., BnF, RES Y2 202, p. 145-146.
18Dans le Roman de Pierre de Provence et de la Belle Maguelonne, la séquence du vol donne lieu à une scène érotique masculine, pendant le sommeil de la femme et contre sa volonté, puisqu’elle aussi a prié le jeune homme de veiller à son honneur avant leur mariage. L’irruption de l’oiseau qui, tel un instrument de Dieu, sépare les amants signifie désormais la condamnation de ce désir masculin, dont la femme est présentée comme une victime16. Rien de tel en revanche dans le Philocope d’Adrian Sevin, héritier par l’intermédiaire de Boccace du Conte de Floire et Blanchefleur, puisqu’il décrit plus longuement une première jouissance masculine, elle aussi « volée » pendant le sommeil de l’amie retrouvée : Blanchefleur, dès son réveil, consent et répond ardemment à ce désir, magnifié par la célébration d’un mariage symbolique avec la bénédiction des divinités païennes17.
19Sans avoir pourtant jamais cédé à leurs sens, Florimont et Filo interprètent eux-mêmes les malheurs que leur inflige l’oiseau voleur comme la punition à la fois de leur convoitise et de leur transgression de la loi du père, ce qui explique la soumission totale de la jeune fille à l’autorité des religieuses qui la recueillent, son acception de toutes les épreuves et de toutes les souffrances, dans l’espoir implicite de l’expiation du péché. Voici leur double lamentation et leur double repentance, après le vol de l’oiseau et la séparation :
La pauvre Filo est auprés d’un arbre plourant et gemissant, disant en sa complaincte : « Mon dieu et mon createur, pour quoy feuz je oncques nee ! Tu as laissé ton pouvre pere triste et doulant, dont je en ay grant peché. Hellas, hellas ! Et aussi le pouvre Florimont qui a tant souffert pour moy et encores fault que souffre plus. Quelle tristesse a il maintenant ! Maudictes soyent les richesses et couvoytise, car pour la couvoytise du carboucle fumes perduz et esgarés ». Et pareillement le pouvre Florimont se guesmente en cheminant toute la nuyt, cuidant toujours trouver celle que tant desiroit et pour elle avoit tant enduré de peine. Mais quant alloit et plus s’en allongnoit, advint une heure de la nuyt que le pouvre homme fut las et se gecta a terre tout pasmé comme mort et puis se complaint disant ainsi : « Hellas, pouvre creature pour quoy futz tu oncques nez ? Tu as tant souffert de maulx pour obtenir ce que tu desirres ! Et maintenant pour la couvoitise d’un carboucle tu as tout perdu. Hellas, mon dieu, je te cry mercy, car j’ay desolé ce pouvre roy de sa fille et l’ay menee manger aux bestes souvaiges ! » (folio 25 recto)
- 18 Éd. et trad. E. Baumgartner, Pyrame et Thisbé, Narcisse, Philomena, Paris, Gallimard, 2000.
20À la différence de Floire ou de Guillaume, Florimont n’entreprend pas de longues recherches, car il croit la jeune fille dévorée par les bêtes sauvages, ce qui rappelle la légende de Pirame et Tisbé18. Mais il ne connaît pas la tentation tragique du suicide, ni ne traverse une crise de folie comme celle de Guillaume lorsqu’il dévore le cœur du milan et dresse un bûcher pour consumer l’oiseau. Le lecteur moderne peut estimer qu’il se résigne assez vite, mais le texte ne suggère pas la moindre critique, il insiste au contraire sur son sens du devoir et du service, en montrant l’accomplissement de sa charge politique, et aussi le sentiment de culpabilité qu’il éprouve, puisqu’il se croit responsable de la mort de Filo : « […] il se pensoit que sa dicte Filo fut morte dont il s’en sentoit grevé et avoit peché et estre cause de sa mort » (folio 28 recto). Ainsi, sans jamais se dévoiler ni adopter la moindre conduite provocatrice ou déroutante, refuse-t-il de se marier avec l’héritière de Bourgogne, en invoquant sa trop grande jeunesse – elle a dix ou douze ans – (folio 28 recto), ainsi se lance-t-il aussi dans l’expédition de croisade avec d’abord la volonté de réparer la faute qu’il juge avoir commise à l’égard du sultan : « car bien vouloit faire plaisir et service au dit empereur, pour le desplaisir qu’il luy avoit fait de luy avoir emblé et tollu sa fille et l’en avoit menee et conduicte dans le dicte fourest pour morir ainsi qu’il cuidoit et toujours douboit qu’on s’en apperceust aucunement » (folio 30 verso).
21 Après cette guerre et les retrouvailles, ils s’imposent une humiliation publique. Entrant dans le palais de Constantinople, Florimont « tira son espee toute nue et la print par la poincte et pareillement la dicte Filo se mist en cheveulx, lesquelx elle avoit moult beaulx, et tous deux se vont agenouiller par devant le roy » (folio 43 verso), puis ils demandent pardon. Les deux jeunes gens rivalisent alors avec le sultan dans l’expression de leurs remords et de la reconnaissance qu’ils vouent à Dieu. Plus loin, leur nuit de noces semble aussi exclusivement consacrée à la déploration de leurs souffrances passées, à des actions de grâce et des regrets de leurs parents défunts :
« Hellas, dit le dict Florimont, si mon pere et ma mere estoyent maintenant en vie, quel joye qu’ilz auroyent ! Et croy que si monseignor le roy de France le savoit qu’il viendroit de par de ça ». Et pareillement disoit la belle Filo en ceste maniere : « Si ma mere fut maintenant en vie, quelle joye auroit elle, car elle ne desiroit autre chose que de vous et moy estre mariez ensemble, mais monseignor mon pere ne le vouloit acomplir, dont elle morut de melenconie », et en ses regretz et parolles passarent la nuyt. » (folios 45 verso-46 recto)
22L’emploi de l’adverbe « pareillement » au moment du récit de leur union rappelle étrangement le récit de leur enfance séparée. Le lecteur apprend in fine que Florimont « eust des enfans de la dicte Filo et ubsa sa vie en grant honneur et liesse, car bien estoit raison car il avoit usé sa jeunesse en tristesse et douleur » (folio 46 verso). La fin du roman se consacre en effet au personnage masculin et à ses devoirs politiques – sa succession au sultan de Constantinople, le devenir de ses terres en France et ses relations avec le roi de France –, à tel point que Filo disparaît quasiment du récit des derniers folios. Instrument de la soumission de l’Orient à l’Occident, elle n’est plus que l’épouse, après un mariage de devoir qui réalise le vœu, permet une christianisation plus profonde de l’Orient, assure aussi la procréation d’enfants qui vont perpétuer ce contrôle de l’Orient par l’Occident.
23Dès le début de l’intrigue, cette idylle programmée, manquée, puis réalisée bien qu’en partie vidée de sa substance amoureuse, sert en effet avec insistance la prise de possession de l’Orient par des voies diverses, tant pacifiques que guerrières, et l’auteur donne un grand relief à ces enjeux politiques. La conversion du sultan au christianisme, son pèlerinage en Terre sainte et son vœu provoquent immédiatement des dissensions politiques dans son royaume égyptien, précisément relatées. Ses hommes l’accusent de s’être allié aux chrétiens et tentent en vain de le déposer (folios 8 verso-9 recto et verso). Il réunit ses trois États, leur révèle la promesse du mariage de son enfant, décapite un certain nombre d’opposants, avant de déplacer le centre de son royaume vers Constantinople, ville qu’il christianise :
Et lors le dit roy s’en advisa et dit en lui que c’estoit promesse de leurs enfans se ilz en avoient et le leur dit, dont les assistans et gens des trois estas de son royaume en furent tres mal contens de ceulx la et le roy par son conseil leur fist coupper les testes au millieu de la dicte cité et jura et promist adoncques que jamais ne demoureroit en ville ne cité que ne fut chretienne et de tout son povoir seroit contre iceulx mescreans et sarrazins pour ce que une fois ilz avoyent dit qu’il estoit traistre et contre eulx. Si prist sa femme, ses gens avecques ses biens et se mist sur mer et s’en alla demourer en sa cité de Constantinople, dont ceulx du pays et de tout son royaume en furent moult joyeulx et contens et illecques fit sa residence perpetuelle et fist chrestianer pluseurs de son royaume et tous ceulx de la dicte cité. Et servirent Dieu et font encores et quiconques en est roy est empereur sor tout le monde qui doit estre, car tiel se disoit il estre et tiel estoit son tiltre. Ne fault parler des assemblees qu’il fit fere ne comment il fut festoyé a grant pompe des gens du pays et semblement la royne des dames et damoyselles. Si muarent tous deux leurs abillemens selon la coustume du pays et laissarent le leur. Puis fist faire beau service en saincte esglise, requerant a dieu qu’il luy pleust donner lignee descendant de luy et de sa dicte femme et pareillement faisoit la dicte royne ainsi que le roy avoit fait.
(folio 9 recto-verso)
- 19 La Tentation de l’Orient dans le roman médiéval, op. cit., p. 355-405. Lorsqu’il évoque ces espoirs (...)
24La proclamation officielle de la conversion du sultan entraîne donc une christianisation des habitants de Constantinople, avant même que la naissance des deux enfants n’intervienne comme un don du dieu chrétien. Pour que la littérature de fiction remplisse là encore un rêve de compensation, l’auteur laisse dans le flou les contours d’un empire imaginaire de Constantinople et d’Alexandrie. C’est en effet un empire à la fois chrétien et sarrasin par ses sujets, mais gouverné par un souverain égyptien converti au christianisme, avant que son identité turque ne soit suggérée plus loin par l’arrivée en France du « Turquis de Turquie » (folio 28 recto) que le sultan envoie en Occident et qui affronte en duel Florimont (folios 28 verso et 29 recto). Ce dernier inscrit en filigrane le contexte historique du XVe siècle, la montée en puissance de l’empire ottoman et les rêves de conversion des sultans turcs qui affleurent dans la littérature et aussi la réalité. Pensons à la légende de la christianisation de Saladin qui s’épanouit au XVe siècle à la cour de Bourgogne dans le Roman de Saladin, ainsi qu’aux espoirs de conversion de Mahomet II qui inspirent la lettre du pape Pie II au sultan19.
25Peu après son installation à Constantinople, le sultan apprend la nouvelle révolte des Sarrasins d’Alexandrie, qui, horrifiés par sa conversion, ont décidé de choisir un nouveau roi : l’expédition militaire qu’il organise aboutit alors au siège et à la prise d’Alexandrie (folio 10 recto et verso). Enfin, le même scénario de révolte se répète à la fin du roman, lorsque le sultan, menacé de bannissement par ses hommes, est contraint de lancer un appel désespéré à la papauté, ce qui évoque le contexte historique avant la prise de Constantinople par les Turcs en 1453 :
Si se complaint a Dieu disant que maintenant cognoissoit il que Dieu vouloit faire de luy comme il avoit fait de Job la prophete et l’en regracia moult gracieusement, dont Dieu l’en regardonna comme oÿrés cy aprés. Si tint son conseil. […] Si dit : « Mes seigneurs, je suis ja vieulx et me seroit deshonnneur si amaintenant je failloye au besoing, car d’autres fois a l’aide de Dieu les ay je conquestés et feray je encores aidant Dieu. Pour quoy ung chascun s’appreste et aye bon cueur, car Dieu devant c’est toute nostre intencion d’aller vers eulx. Bien est que nous voulons mander et escripre au pappe de Romme que il nous face donner aide et secours des chrestiens de la les montz. » Si escript au pappe lequel luy manda que ainsi le feroit. Si va mander entre autres au roy de France que comment qu’il fut qu’il venisse ou envoyasse secourir la foy chrestienne contre les mescreans et il luy donnoit la croysee et a tous ceulx que il le plairoit de venir. (folio 30 recto)
26 Le récit relate alors une vraie croisade au sens strict du terme, c’est-à-dire une expédition contre les musulmans commandée et légitimée par la papauté et l’auteur recourt au terme « croysee », très rarement employé dans le roman chevaleresque de la fin du Moyen Âge. Et c’est bien sûr parce que Florimont est vainqueur et sauve l’empire de Constantinople qu’il retrouve et épouse Filo. Le roman idyllique devient donc un récit de croisade, à la différence de Pierre de Provence et la Belle Maguelonne et de Paris et Vienne, où le héros, séparé de son amie, voyage en Orient sans diriger d’expédition armée, car il entre au service d’un souverain oriental avec lequel il noue amitié. Par son insistance sur la christianisation, le Roman de Florimont est plus proche de Floire et Blancheflor, mais avec cette différence essentielle que le Conte, dans sa première version, véhicule le rêve d’une transformation de l’Autre sans le recours à la violence et qu’il garde au premier plan la célébration d’un amour idéal entre les deux héros.
27Dans le Roman de Florimont, la subordination de l’idylle amoureuse au sens du devoir et au respect de la loi, au triomphe de la foi chrétienne et de l’impérialisme occidental explique peut-être l’absence d’une véritable idéalisation du bonheur amoureux, d’autant que le couple ne vit pas une enfance partagée. C’est sans doute aussi elle qui entraîne l’amoindrissement du rôle de Filo par rapport à celui des héroïnes des romans idylliques du XIIIe siècle et aussi de la Belle Maguelonne. L’auteur du Roman de Florimont s’inspire en effet de cette image d’une féminité indépendante qui s’invente au XIIIe siècle dans les romans de Jean Renart et dans Galeran de Bretagne, mais sans en reprendre toutes les audaces, puisqu’il établit une hiérarchie dans le couple au profit du jeune homme.
28Recueillie dans une abbaye isolée au milieu d’une épaisse forêt, alors que Florimont la croit dévorée par les bêtes sauvages, Filo y vit enfermée avec les religieuses. Aucune liberté de mouvement ne lui est accordée, alors que le jeune homme franchit les frontières, prend deux fois l’initiative des recherches et vient finalement la sauver. La recluse est d’abord asservie aux tâches infamantes d’une servante, une « chamberiere de cuisine pour laver les escuelles » (folio 25 verso), puis elle apprend le métier de tapissière et de brodeuse, rappelant ainsi les portraits d’Aélis et de Fresne, de Liénor :
Elle estoit mout bonne clergesse et lisoit bien tant qu’elle disoit toujours les heures avecquez la dicte abbesse et tous les jours elle se commança a habiller et revenir tellement que l’abbesse l’amoit fort et toutes les religieuses aussi et bien estoit raison, car elle estoit si gracieuse et plaisante a toutes que toutes en estoyent contentes pour ce qu’elle savoit beaucoup de biens et de honneur. En icelle abbaye avoit des ouvrieres de tapisseries et aussi les religieuses savoyent bien brouder, la dicte Filo se y alloit toujours jouer et esbatre pour les voir besongnier, si y prist plaisance et soy advisa de son amy Florimont qui avoit aprins mestier de quoy il avoit vescu et si elle estoit gectee hors au moins gaisgneroit elle sa vie. Si requist a la dicte abbesse qu’elle la laissast apprendre, la quelle en fut contente, si la bailla a maistresse. Elle aprinst mout fort et sceust incontinant brouder. Elle faisoit boursses, espinguiers a diverses façons, tellement que avant que fut ung moys passé, elle broudoit miaulx que religieuse de leur abbaye. Si luy moustrarent a faire tappisserie dont elle y aprint moult grandement. (folios 27 verso et 28 recto)
- 20 Voir E. Baumgartner, « Les brodeuses et la ville », Un’idea di Città, l’imaginaire de la ville méd (...)
- 21 Galeran de Bretagne, éd. L. Foulet, Paris, Champion, 1975.
29 Le récit suggère que la vente de ses œuvres génère un profit, puisque ses créations originales rencontrent le succès et que plus loin le sultan achète à des marchands la tapisserie où elle a figuré son histoire malheureuse. Mais l’argent, sans doute versé à l’abbaye, ne lui revient pas à elle personnellement. Bien plus, le texte censure cette question financière, comme si elle était trop vulgaire. Jamais Filo n’est donc autorisée à prendre en charge son destin ni même ses moyens de subsistance. C’est ce qui la distingue profondément d’Aélis et de Fresne, qui vivent en dehors d’un couvent, dans un espace urbain et ne sont plus soumises à une autorité : les romans du XIIIe siècle ont alors l’originalité de présenter favorablement une émancipation sociale féminine par le travail et grâce à l’argent gagné20. Rappelons qu’Aélis, dans L’Escoufle, s’établit avec son amie Isabelle à Montpellier, vit de ses travaux d’aiguille, de son art du divertissement et de ses services de coiffeuse, qu’elle est même largement rétribuée (v. 5492-5529). Le roman loue ainsi l’enrichissement d’une femme libre grâce aux plaisirs qu’elle dispense. Très bien intégrée dans un espace social urbain, et ensuite à la cour du comte de Saint-Gilles, elle attire auprès d’elle les plus nobles, qui la respectent. Jean Renart dessine une scène étonnante, lorsque pour divertir et servir le comte au milieu des siens et en présence de son épouse, elle lui retire une partie de ses vêtements, passe son bras sous son surcot, alors qu’il tient sa tête sur ses genoux (v. 7030-7067). Si ces vers lui prêtent une attitude qui pour le lecteur moderne pourrait évoquer celle d’une courtisane, cette interprétation apparaît comme un contre-sens, tout le roman montrant justement combien elle est honorée et conquiert toute seule un statut social enviable. D’ailleurs c’est justement au moment où elle « le [le comte] sert et tient nu (v. 7065) », qu’elle apprend l’histoire de la dévoration du cœur du milan par Guillaume et que s’amorcent les préludes de la reconnaissance des amants. Dans Galeran de Bretagne, après avoir été chassée de l’abbaye où elle a connu Galeran, Fresne va à l’aventure avec sa harpe, devient ménestrelle, puis s’installe à Rouen chez une riche bourgeoise et gagne sa vie comme brodeuse, respectée elle aussi de tous (v. 4081-4328)21.
30Le contraste est ici frappant avec Filo, enfermée dans l’abbaye, cachée même par l’abbesse, vivant une existence clandestine et austère consacrée au travail et aux « enseignements » qu’elle dispense aux religieuses :
[…] estoit la meilleur ouvriere qui fut point en toute l’abbaye et faisoit de chouses nouvelles et plaisantes que jamais n’avoyent esté veues les pareilles. L’abbesse la tenoit moult chiere et mussee tous les jours pour ce qu’elle estoit devenue tant bonne ouvriere et si belle et la plus gracieuse que on sceut regarder. Les religieuses l’amoyent moult grandement et tant que jamaiz n’eussent esté lassés de sa compaignie, car elle leur disoit des plus beaulx enseignemens et coment se devoyent gouverner que c’estoit moult grant plaisance de la oÿr ainsi parler. (folio 29 recto)
- 22 C. Gaullier-Bougassas, « Roman et lyrisme courtois : Partonopeus de Blois et Galeran de Bretagne » (...)
31 Elle ne sort ensuite de l’abbaye que parce que Florimont vient la chercher pour l’épouser. Certes, les retrouvailles sont permises grâce à sa tapisserie, mais c’est un « hasard » providentiel si cette dernière a été vendue à l’empereur. Jamais le roman ne dit que Filo l’a réalisée en pensant à l’utiliser comme un instrument de sa libération. A contrario, dans L’Escoufle et dans Galeran de Bretagne, les retrouvailles sont le fruit de la détermination et de l’action des jeunes femmes, certes accompagnées d’initiatives tout aussi dévouées du jeune homme dans L’Escoufle. C’est dans le rôle d’une ménestrelle que Fresne vient seule aux noces de son ami pour les invalider : l’interprétation d’un poème qui ressemble à une chanson de toile signe son accès à la création poétique, puis, pour se faire reconnaître de lui, elle chante le lai que Galeran avait composé et que seuls eux deux connaissaient (v. 6662-7057)22. Même dans Pierre de Provence et la Belle Maguelonne, si profondément imprégné par l’idéal chrétien, la Belle Maguelonne jouit d’une liberté d’action incomparable avec celle de Filo : elle voyage, parcourt même un long trajet, seule, de Naples jusqu’en Provence, où elle décide de conquérir son autonomie en se vouant au service de Dieu, mais plutôt que d’entrer dans un couvent dont elle accepterait les règles, elle bâtit une église et un hôpital très renommé :
- 23 Éd. R. Colliot, op. cit., chapitre XXVI, p. 41-42.
Et de l’argent qu’elle avoit fist bastir une petite esglise et ung petit hospital, ou elle fist trois licts. Et emprés de l’ospital fist bastir une petite esglise avec un autel. Le quelle elle fist appeler Saint Pierre, en reverence de son amy Pierre, et de s’amye Maguelonne. Quant l’eglise et l’ospital furent eschevés, Maguelonne se mist en grant devotion a servir les malades ; et faisoit tres apre vie, tant que toutes gens de l’isle et de la environ la tenoient sainte et la nommoient la sainte pelerine […].23
32L’auteur du Roman de Florimont dessine une image féminine plus conventionnelle, car il assujettit toujours son héroïne à une autorité : celles de son père, des religieuses, puis de son époux. Ses moments de plus intense liberté se déroulent à Constantinople quand elle se rend chez l’orfèvre, prend ensuite le risque d’introduire le jeune homme au palais, puis de fuir avec lui, mais les souffrances ensuite endurées montrent combien elle doit expier durement ce qui est représenté comme une faute, même si cette « faute » est nécessaire à l’accomplissement de la volonté divine. L’adversité provoque néanmoins des révélations, celle de sa dignité et de son abnégation, et aussi celle de ses talents d’artiste. Exemplaire par son obéissance, elle manifeste un sens de l’initiative dans l’accomplissement de son travail, au point qu’elle domine l’atelier du couvent par sa recherche de la perfection et de la nouveauté (« si fut la maistresse de toute la tappisserie et brouderie, elle gouvernoit tout entierement », folio 29 recto), et que le récit suggère qu’elle gagne la rédemption par ses œuvres.
33Dans cette vie ascétique, ce qui lui permet d’épancher ses sentiments, c’est la réalisation d’une tapisserie autobiographique très complexe, longuement décrite :
Si va deviser ung tapis ou elle mist personnaiges toute sa vie, c’est assavoir qu’il y a une fille de roy en ung pallaix qui va parler a ung orfeuvre et puis comme le dit argentier vint au pallaix querir de l’argent que la dicte fille luy bailla, le quel l’emporta en son ouvroir et le bailla a son varlet, le quel le mist en ouvraige et fit une aigle d’argent si grande que le dit varlet se mectoit dedans icelle. Et puis comment on la porte et le dit varlet dedans au pallaix du roy et comment la dicte fille du roy donne a manger a la dicte aigle estant en la salle du dit roy et ce fait comment le dit varlet et la dicte aigle furent portés en la chambre de la dicte Filo. Et comment le dit varlet sault de la dicte aigle et la chambre fermee sur eulx deux. Et puis comment la dicte Fillo et le dit varlet se descendirent en ung pannier et en une corde par une fenestre au pié d’une tour avecques eulx ung petit coffre et puis se mirent dans une nacelle sur la mer puis vouguarent tellement qu’ilz se vont retraire dans une grant fourest et cheminarent par icelle tant qu’ilz se vindrent rendre et repouser jusques au pié d’une fontaine estant au millieu de la dicte fourest et comment boyvent de l’eaue de la dicte fontaine. Et puis comment charchent dans le dit coffre et en regardant les pierres precieuses qui sont dans le dit coffre et les mectant a ppart l’une auprés de l’autre et mesmement ung gros carboucle, lequel carboucle print une pie et l’emporta de dessus ung arbre. Et alors icellui varlet et la dicte fille de roy se levarent et suyvent la dicte pie et laissarent le dit coffre et autres joyaulx auprés de la dicte fontaine. Et tellement suyvent la dicte pie pour recouvrer le dit carbouble que les dicts varlet et fille de roy se perdent dans le dit boys l’un de l’autre tant que ilz ne se peurent plus voir. Mais toute la nuyt demoura icelle fille de roy auprés d’ung arbre plourant et gemissant moult tamdrement. Et puis le lendemain au matin s’en va arriver en une abbaye ou elle est demourant auprés de la dicte fourest et fait la tappisserie, et ainsi finit le dit tappis et tousjours en fait d’autres que c’est merveilles que de son fait. (folio 29 recto et verso)
- 24 Pyrame et Thisbé, Narcisse, Philomena, éd. cit.
34La description, répétée quand Florimont découvre l’œuvre, prend la forme d’une narration, puisque la tapisserie est une succession complexe d’au moins quinze tableaux organisés en séquence. Elle vient ainsi redoubler l’œuvre comme un abrégé, la met en abyme en transposant l’histoire dans un autre mode de représentation, figuratif, puisque la parole sur le passé est momentanément retirée à l’héroïne. Ces souvenirs en images évoquent immédiatement l’histoire de Philomèle et sa tapisserie, qui représente aussi le lieu de vie de son auteur (v. 1119-1133)24. Mais Philomèle, dont l’histoire a été mise en français dès le XIIe siècle, choisit de réaliser sa tapisserie pour se venger. Dans le Roman de Florimont, la création personnelle de Filo n’est pas conçue comme l’instrument d’un stratagème qu’elle aurait imaginé dans l’espoir de sortir du couvent et de retrouver Florimont. Elle n’envisage jamais de la faire porter au palais.
35En outre, si elle est devenue brodeuse, c’est avant tout en pensant à l’exemple de son amant et en souhaitant imiter ce qu’il a vécu auprès de l’argentier de Constantinople : « […] soy advisa de son amy Florimont qui avoit aprins mestier de quoy il avoit vescu et si elle estoit gectee hors au moins gaisgneroit elle sa vie » (folio 27 verso et folio 28). Elle s’imagine certes ici un destin possible hors de l’abbaye, mais seulement si elle était « gectee hors », ce qui peut rappeler au lecteur l’histoire de Fresne, exilée par l’abbesse qui craint la mésalliance avec son neveu Galeran. Mais surtout, c’est le désir d’imiter Florimont qui l’anime, le désir de vivre ce qu’il a enduré : le héros masculin donne le modèle qu’elle cherche à égaler. Selon les données de l’intrigue, elle n’imagine donc pas quelque chose d’inédit et d’inouï, mais répète ce que son ami a déjà accompli, puisque sa métamorphose en brodeuse et en tapissière est précédée de celle de Florimont en ouvrier orfèvre et aussi brodeur. L’auteur amoindrit ainsi l’audace de l’initiative féminine, en privilégiant le personnage masculin qui s’illustre le premier par son acceptation du travail et du rabaissement social.
36Dans les autres romans idylliques, Floire, Galeran, Paris ou Pierre de Provence ne connaissent pas une telle épreuve. Seul Guillaume dans L’Escoufle perd son identité aristocratique durant les sept années de la séparation : il devient serviteur dans une hôtellerie à Saint-Jacques de Compostelle (v. 6184-6205), puis à Saint-Gilles (v. 6504-6607). Même s’il garde une autonomie dont Florimont ne dispose pas chez l’argentier de Constantinople, il ne conquiert pas alors un statut social aussi valorisant que celui que s’est assuré Aélis à Montpellier : l’émancipation par le travail se réalise bien mieux pour la femme que pour l’homme. En outre, comme ces séquences masculines se déroulent parallèlement aux aventures d’Aélis, qui ne dispose d’aucune nouvelle de son ami, il est bien sûr impossible qu’elle l’imite. De surcroît, elles sont relatées après l’installation d’Aélis à Montpellier et moins développées, si bien que la figure féminine rayonne d’un éclat inégalé. Dans le Roman de Florimont les rôles sont inversés, puisque l’action du héros masculin est toujours plus déterminante que celle de l’héroïne.
37Au XVe siècle, lorsque l’auteur du Roman de Florimont, fils du duc Jean d’Orléans et d’Hélène, fille du duc de Bretagne, a l’originalité de tresser les deux fils du roman idyllique et du roman de croisade, il privilégie le second en exploitant les ressorts narratifs du premier pour imaginer la soumission religieuse et politique de l’Orient. À l’opposé de toute idée de scandale, il bâtit une intrigue sur la nécessité de réparer une faute et d’accomplir un vœu adressé à Dieu et à la Vierge, afin que l’Orient adopte la religion chrétienne puis qu’un jeune noble français puisse devenir le maître de l’empire de Constantinople. Si l’on peut décrypter le double héritage du Conte de Floire de Blanchefleur – le rapprochement imaginé entre l’Orient et l’Occident – et des romans du XIIIe siècle que sont L’Escoufle et Galeran de Bretagne – le vol de l’oiseau et la nécessité pour le couple séparé de gagner sa vie –, le roman idyllique est sensiblement transformé, parce que métamorphosé en roman de croisade : les mêmes scénarios deviennent autres par le relief donné à la question politique et religieuse. La valorisation du respect de la loi et d’un idéal de la soumission joue aussi un rôle dans la transformation du portrait féminin et de l’image de l’amour. La réduction de l’Autre oriental à une figure du Même – processus accompli pour le sultan d’Alexandrie et de Constantinople – s’accompagne d’une plus grande différenciation des rôles féminin et masculin. La répartition que choisit l’auteur du XVe siècle assure en effet la primauté masculine, tandis que les romans idylliques antérieurs décrivaient davantage une relation d’égalité ou célébraient des initiatives féminines audacieuses et une émancipation inédite. Le devoir familial et politique l’emporte alors aussi sur le bonheur individuel et la passion amoureuse.
Notes
* Ce travail a bénéficié du soutien de l’Agence Nationale de la Recherche (projet ANR-09-BLAN-0307-01), de la Région Nord-Pas-de-Calais et du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.
2 B. Woledge, Bibliographie des romans et nouvelles en prose française antérieurs à 1500, Genève, Droz, 1954, p. 43, n° 58-61, et Supplément 1954-1973, Genève, Droz, 1975, p. 28-29, n° 58-61 ; D. J. A. Ross, Alexander Historiatus, a Guide to Medieval Illustrated Alexander Literature, Athenäum, Frankfurt, 1988, p. 128-130. Voir aussi C. C. Willard, « A Fifteenth-Century Burgundian Version of the Roman de Florimont », Medievalia et humanistica, NS 2, 1971, p. 21-46, et L. Harf-Lancner, « Florimont : du roman d’Aimon de Varennes (1188) à la mise en prose de 1528 », Lancelot-Lanzelet, hier et aujourd’hui. Mélanges Alexandre Micha, Greifswald, Reineke, 1995, p. 187-206.
3 Op. cit., p. 43. Sur les imprimés, voir B. Woledge (op. cit., p. 43), et V. L. Saulnier, « L’auteur du Florimont en prose imprimé : Girart Moët de Pommesson », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, 17, 1955, p. 207-217.
4 Aimon de Varennes, Florimont, éd. A. Hilka, Halle, Niemeyer, 1933, p. cxli.
5 Académie royale de Belgique, Bruxelles, 1939, p. 264-275.
6 Bien qu’accordant une large place à la fin du Moyen Âge, Le Récit idyllique, éd. J.-J. Vincensini et C. Galderisi, Classiques Garnier, Paris, 2009, ne le mentionne pas.
7 Nous conservons deux versions françaises manuscrites de ce roman, une version longue (La belle Maguelonne, éd. A. Biedermann, Halle, Niemeyer, 1913 ; Pierre de Provence et la Belle Maguelonne, éd. A.-M. Babbi, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2003) et une version courte (L’Ystoire du vaillant chevalier Pierre, filz du conte de Provence, et de la belle Maguelonne, éd. R. Colliot, Aix-en-Provence, CUERMA (Senefiance, 4), 1977. Voir aussi l’édition récente de F. Roudaut, Pierre de Provence et la belle Maguelonne, Paris, Classiques Garnier, 2009.
8 A. Coville ne cite pas ce Roman de Florimont parmi les œuvres composées à / pour la cour d’Anjou, milieu d’écriture de Pierre de Provence et la Belle Maguelonne ainsi que de Paris et Vienne (La Vie intellectuelle dans les domaines d’Anjou-Provence de 1380 à 1435, Paris, 1941). On n’en trouve pas non plus de mention dans G. Doutrepont, La Littérature française à la cour des Ducs de Bourgogne, Paris, Champion, 1909.
9 Éd. J.-L. Leclanche,Paris, Champion, 2003, et son étude Contribution à l’étude de la transmission des plus anciennes œuvres romanesques françaises. Un cas privilégié : Floire et Blancheflor, Lille, 1980, 2 vol., avec l’éd. de la deuxième version du texte. Voir P. E. Grieve, Floire et Blancheflor and the European Romance, Cambridge, University Press, 1997.
10 Nous avons étudié les rapports que l’auteur du Conte de Floire et Blancheflor imagine entre l’Orient et l’Occident dans notre ouvrage La Tentation de l’Orient dans le roman médiéval, Sur l’imaginaire médiéval de l’Autre, Paris, Champion, 2003, p. 23-68, 109-120.
11 Voir D. Quéruel, « Pourquoi partir ? Une typologie des voyages dans quelques romans de la fin du Moyen Âge », Guerres, voyages et quêtes au Moyen Âge. Mélanges J.-C. Faucon, Paris, Champion, 2000, p. 333-348.
12 Voir notre Tentation de l’Orient dans le roman médiéval, op. cit., p. 158-164, 226-284. On en trouve des exemples dans Paris et Vienne et l’Histoire des Seigneurs de Gavre. Sur la question de l’exotisme, voir aussi Un exotisme littéraire médiéval ?, dir. C. Gaullier-Bougassas, Bien dire et Bien aprandre, 26, 2008.
13 Le Philocope de Messire Jehan Boccace florentin, contenant l’histoire de Fleury et Blanchefleur, divisé en sept livres traduictz d’italien en françoys par Adrian Sevin, Denys Janot imprimeur, 1542 (voir BnF, RES Y2 202, p. 145-146).
14 Sur cette cérémonie des vœux sur un oiseau, dont le premier modèle littéraire est inventé par Jacques de Longuyon dans les Vœux du Paon, voir Les Vœux du Paon de Jacques de Longuyon : originalité et rayonnement, dir. C. Gaullier-Bougassas, Paris, Klincksieck, 2010.
15 Jean Renart, L’Escoufle, éd. F. Sweetser, Genève, Droz, 1974, v. 4384-4557.
16 Éd. R. Colliot, chapitre XX, p. 31.
17 Op. cit., BnF, RES Y2 202, p. 145-146.
18 Éd. et trad. E. Baumgartner, Pyrame et Thisbé, Narcisse, Philomena, Paris, Gallimard, 2000.
19 La Tentation de l’Orient dans le roman médiéval, op. cit., p. 355-405. Lorsqu’il évoque ces espoirs, R. W. Southern (Western Views of Islam in the Middle Ages, Harvard University, 1962, p. 67-109) désigne les années 1450-1460 comme le « moment de la vision ».
20 Voir E. Baumgartner, « Les brodeuses et la ville », Un’idea di Città, l’imaginaire de la ville médiévale, éd. R. Brusegan, Paris / Milan, Istituto italiano di cultura / Mondadori, 1992, p. 89-95.
21 Galeran de Bretagne, éd. L. Foulet, Paris, Champion, 1975.
22 C. Gaullier-Bougassas, « Roman et lyrisme courtois : Partonopeus de Blois et Galeran de Bretagne », Cahiers de Recherches médiévales, 11, 2004, p. 197-212.
23 Éd. R. Colliot, op. cit., chapitre XXVI, p. 41-42.
24 Pyrame et Thisbé, Narcisse, Philomena, éd. cit.
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Référence papier
Catherine Gaullier-Bougassas, « Le Même et l’Autre, entre amour et croisade », Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 20 | 2010, 89-105.
Référence électronique
Catherine Gaullier-Bougassas, « Le Même et l’Autre, entre amour et croisade », Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 20 | 2010, mis en ligne le 30 décembre 2013, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/12211 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.12211
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