Navigation – Plan du site

AccueilPublications en ligneRecensions par année de publication2010Étienne Dolet, Carmina (1538), éd...

2010

Étienne Dolet, Carmina (1538), éd. Catherine Langlois-Pézeret

Denis Bjaï
Référence(s) :

Étienne Dolet, Carmina (1538), éd. Catherine Langlois-Pézeret, Genève, Droz (« Travaux d’Humanisme et Renaissance » 455), 2009, 671p.

ISBN 978-2-600-01267-6.

Texte intégral

1Cet épais volume des THR renferme deux livres en un : une édition-traduction des Carmina de Dolet et une « brève étude » (p. 39) sur sa poétique, en pas moins de cinq chapitres et de deux cent six pages, dont le plan détaillé se lit dans la table des matières. Sans nier l’intérêt et la richesse de ce travail de thèse, on aurait souhaité que l’étude fût un peu élaguée et le propos davantage resserré sur les Carmina, quitte à faire l’économie de développements généraux surla querelle du cicéronianisme (ch. III, avec une longue note liminaire de quarante et une lignes faisant l’état des lieux bibliographique de la question) ou sur la théorie et la pratique de l’épigramme, de l’Antiquité à la Renaissance (ch. IV). Car on ne peut que se réjouir de voir enfin rééditer Dolet, cet auteur à la réputation sulfureuse, somme toute mieux connu pour sa fin tragique sur le bûcher de la place Maubert que par ses œuvres, à l’exception de son Second Enfer, de ses Préfaces françaises et de ses Lettres latines dont Claude Longeon a procuré il y a plus de trente ans, déjà chez Droz, d’excellentes éditions (après l’Erasmianus, par les soins d’Émile Telle, et avant les Orationes duæ in Tholosam, par ceux de Kenneth Lloyd-Jones et de Marc van der Poel). Pour le reste, Commentaires de la langue latine, Genethliacum ou Avant-naissance de Claude Dolet, Francisci Valesii… Fata ou Gestes de François de Valois, nous restons tributaires des éditions anciennes, même si Gallica les rend à présent plus commodément accessibles.

2L’introduction proprement dite, d’une trentaine de pages, s’ouvre sur une biographie de Dolet (que l’auteur fait naître en 1508 plutôt qu’en 1509, « d’après la datation nouveau style » [p. 10, n. 7] ‑ curieusement alléguée pour une naissance intervenue au mois d’août), puis présente le recueil en quatre livres sorti des presses de Sébastien Gryphe en 1538, en le confrontant aux Carminum libri duo parus quatre ans plus tôt chez le même imprimeur, à la suite des Orationes duæ : toutes les pièces de 1534 sont passées dans le recueil suivant, comme le montre l’éclairant tableau des p. 21-23, mais souplement redistribuées, en fonction de la cohérence thématique donnée à chacun des quatre nouveaux livres (programme poétique et inspiration amoureuse, séjour lyonnais, étape toulousaine, épigrammes funéraires) et conformément à l’esthétique de la silve alors cultivée par les poètes néo-latins. Une étude de la réception contemporaine fait apparaître des réactions contrastées, depuis l’hommage de Salmon Macrin jusqu’aux virulentes invectives de Scaliger contre Dolet (Musarum carcinoma aut vomica [le cancer ou l’abcès des Muses], non tanquam poet[a] sed tanquam poetic[um] excrement[um], p. 34). Les principes d’édition sont enfin clairement exposés : choix du texte ne varietur de 1538, d’après la version numérisée en ligne sur Gallica (exemplaire non identifié), et d’une traduction vers à vers, « afin de conserver autant que possible le mouvement du texte latin et le déroulement de ses images » (p. 39).

  • 1  On attendrait plus haut, v. 24, un subjonctif optatif dans « Que je meurs, si… ».

3Le texte se présente donc sur une double page, original latin à gauche, traduction française à droite, avec, en apparat critique, le type de mètre employé, la date de composition ou de première publication, les sources et textes parallèles (avec un petit flottement, dès la pièce liminaire Doletus ad Zoïlum, p. [248-249], où l’apparatus fontium, pour le rire de Démocrite, donne « Cic., De orat. 2, 235 ; Hor., Epist. 2, 1, 194 », tandis qu’on lit à droite, n. 2, De Oratore, II, 234, et Horace, Épîtres, I, 194 [les premières références sont les bonnes]). La traduction vers à vers présente l’intérêt de serrer le texte de près, mais elle ne s’en révèle pas moins, par endroits, un peu raide voire insuffisamment claire (par exemple, p. 443, « Aux festoyeurs les soucis fâcheux et / Aux beuveries peu appropriés », pour rendre Conuiuiis male commodæ curæ nec satis / Potationibus propriæ, et où il faut comprendre « Les soucis fâcheux aux festoyeurs et peu appropriés aux beuveries »). On peut naturellement discuter certaines transpositions : Marotomastigem (p. 306, au titre), rendu par « Marotofouettard », là on aurait pu préférer, plus simplement, « fouette-Marot » ; sedes […] Franciscus ubi Rex dicitur esse, / Rex Gallus (p. 380, v. 52-54), « la Cour […] où, dit-on, se trouve le Roi, / Le Roi français », sans que soit repris son prénom, conformément à la manchette Franciscus Valesius (ou rendu le jeu François / Français); ou encore, à la fin de l’épigramme II, 33, p. 438, le balancement Illorum / hos, pour renvoyer aux orateurs respectivement disertos et arteque […] carentes des v. 28-29, et qui n’est plus guère perceptible dans la traduction proposée des trois derniers vers (« le savoir des uns » laisse attendre une corrélation avec l’ignorance des autres)1. On pourrait ajouter à l’inventaire des textes-sources les Inania pondera terræ de la pièce III, 6, v. 3 (p. 492), réminiscence homérique (Iliade, XVIII, 104) déjà présente dans l’épigramme II, 7, de 1534 (reproduite en annexe, p. 628).

4Ces menues réserves n’ôtent rien aux grands mérites du travail proposé ici par Catherine Langlois-Pézeret, qui offre au lecteur moderne un accès commode aux Carmina en les accompagnant d’une traduction française et qui les éclaire par cette ample étude littéraire sur la théorie et la pratique poétiques de Dolet, la conception qu’il se fait du poète et de la poésie, la part consentie à l’imitation cicéronienne, la singularité de ses épigrammes, ses choix moraux et idéologiques. On permettra, pour finir, au signataire orléanais de ces lignes de rétablir l’orthographe de Groslot, nom de la riche famille pour qui Androuet du Cerceau fit bâtir le magnifique hôtel Renaissance devenu hôtel de ville, derrière lequel se trouve à présent le buste de Dolet reproduit p. 252.

Haut de page

Notes

1  On attendrait plus haut, v. 24, un subjonctif optatif dans « Que je meurs, si… ».

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Denis Bjaï, « Étienne Dolet, Carmina (1538), éd. Catherine Langlois-Pézeret »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 27 octobre 2010, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/12106 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.12106

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search