Navigation – Plan du site

AccueilNuméros19Michel Rio : les réécritures arth...Trahison et résurgence de la mati...

Michel Rio : les réécritures arthuriennes

Trahison et résurgence de la matière arthurienne dans la trilogie de Michel Rio Merlin, Morgane, Arthur

Hélène Bouget
p. 191-206

Résumés

La trilogie de Michel Rio, Merlin, Morgane, Arthur, reprend l’histoire du royaume arthurien en évacuant, apparemment, la dimension merveilleuse et énigmatique propre aux cycles du XIIIe siècle. Les transformations du support et de la poétique romanesques rejoignent toutefois, dans le fond, certains traits et certaines préoccupations inhérentes à la littérature arthurienne du Moyen Âge.

Haut de page

Texte intégral

  • 1  M. Rio, Merlin, Paris, Seuil, 1989 et Seuil, « Points », 1998.
  • 2  M. Rio, Morgane, Paris, Seuil, 1999.
  • 3  M. Rio, Arthur, Paris, Seuil, 2001 et Seuil, « Points », 2002.
  • 4  M. Rio fonde cette œuvre romanesque sur « un imaginaire personnel qui fait de [s]on entreprise une (...)
  • 5  Voir l’entretien accordé par M. Rio au Magazine littéraire en décembre 1999, repris dans Arthur, o (...)
  • 6  « J’ai été fidèle aux potentialités du cycle qui s’y inscrivent dès ses commencements, fidèle à l’ (...)

1Pour un lecteur averti des romans arthuriens français, la trilogie de Michel Rio, Merlin1, Morgane2, Arthur3, est a priori déroutante. Tout en s’appropriant l’histoire du royaume d’Arthur de sa création à sa destruction et certains personnages emblématiques de cette histoire (Arthur, Merlin, Morgane ou Mordred), l’auteur revendique en effet une « trahison illimitée »4, débarrassée de ce qu’il nomme le « bric-à-brac médiéval »5. Disparaissent ainsi l’énigme fondamentale du Graal, les quêtes identitaires et les aventures merveilleuses des chevaliers errants, tout ce qui fonde en somme le matériau des textes médiévaux. Pourtant, malgré la transformation de l’esthétique romanesque arthurienne, dont nous voudrions observer ici les principales modalités, la trilogie de Michel Rio fait résonner plus qu’il n’y paraît certains aspects de la narration et du fonds médiévaux. La « trahison illimitée », telle que l’auteur la revendique, est une posture sans doute plus provocatrice que réelle, et Michel Rio nuance d’ailleurs par la suite son propos initial6. Il s’agirait plutôt d’une fausse trahison, sur le double plan du traitement du matériau romanesque et de la poétique des œuvres. Dans les deux cas en effet, le détournement voire le rejet de la matière première est manifeste, en même temps que d’échos lointains en jeux ou effets de reprise, une certaine fidélité s’exprime.

  • 7  Sur la recomposition et les manuscrits du cycle dit Post-Vulgate, voir F. Bogdanow, The Romance of (...)

2L’objectif n’est donc pas ici de confronter la trilogie contemporaine aux textes du Moyen Âge dans le but d’établir d’hypothétiques sources littéraires au travail de Michel Rio. Celui-ci s’est peu exprimé sur le sujet, et l’idée n’est pas tant de montrer qu’il a pu avoir connaissance de tel ou tel texte dont il se serait sciemment inspiré ou détourné, mais de réfléchir finalement, à travers les œuvres et les siècles, à la permanence et aux qualités intrinsèques de la littérature arthurienne. En posant sur celle-ci un autre regard, en choisissant d’offrir le premier rôle à des personnages souvent secondaires, en remplaçant la merveille par le conflit idéologique et philosophique, Michel Rio soulève en fait des questions nouvelles sur la réception et par conséquent sur la nature de la tradition et de la littérature arthuriennes. Le médiéviste percevra probablement plus de « Moyen Âge » dans les romans de Michel Rio que l’auteur ne voudrait peut-être le croire, en particulier quand il s’agit d’analyser des phénomènes de réécriture de motifs, ou d’établir des comparaisons avec des cycles comme celui de la Post-Vulgate, composé après celui du Lancelot-Graal et qui n’est attesté par aucun manuscrit complet, ce qui soumet toujours son existence à hypothèse7. Mais finalement peu importe, car c’est aussi, semble-t-il, à travers ce décalage que l’on peut tenter de saisir ce qui fonde la littérature des cycles arthuriens par-delà les années.

La couleur arthurienne, noms et merveilles

Décalages et confrontation temporels

3Le rapport décalé qu’entretient la trilogie Merlin, Morgane, Arthur avec la tradition littéraire médiévale se manifeste d’abord dans le traitement réservé au matériau romanesque initial, à ce que nous appellerons la couleur arthurienne. Dans un premier temps, pour se « débarrasser du bric-à-brac médiéval », Michel Rio renonce simplement à toute référence au contexte féodal, courtois et chevaleresque dans lequel sont ancrées les œuvres des XIIe et XIIIe siècles. Comme en atteste sa chronologie personnelle des événements, située en annexe de Merlin et les mentions précises de certaines dates, il resitue l’histoire d’Arthur aux Ve et VIe siècles (entre 406 et 545) sur la fin de l’Empire Romain : « L’empire est en train de mourir de sa pax romana », déclare ainsi le grand-père de Merlin au début du roman éponyme (p. 17). Il introduit également dans le lexique, pour des raisons esthétiques, des termes latins qui renvoient aux mesures romaines :

  • 8  Morgane, op.cit., note de l’auteur, p. 7.

[…] j’emploie les termes traduits en français « pied », « mille », et « livre », mais le terme latin jugerum, pluriel jugera (qu’on prononce « iouguéra »), parce que je le trouve musicalement moins répréhensible que « jugère », bégaiement cacophonique à mon oreille8.

  • 9 Ibid., p. 116.
  • 10 Ibid., p. 190.
  • 11 Merlin, op. cit., p. 104.
  • 12  Arthur, op. cit., p. 12.
  • 13  M. Pastoureau, « Un enchanteur désenchanté », Mélancolies du savoir. Essais sur l’œuvre de Michel (...)
  • 14  Geoffroy de Monmouth, The Historia Regum Britanniae, éd. de N. Wright, Cambridge, Brewer, 1984 ; H (...)

4Allongées sur un triclinium9, le visage couvert d’une palla10, vêtues d’une paenula11 ou d’une stola12, Morgane ou Guenièvre n’ont plus rien, extérieurement, des fées ou dames courtoises du Lancelot en prose. L’auteur exploite également une onomastique étrangère aux cycles médiévaux, fondée sur les noms latinisants de peuples et de lieux : Dumnonii et Dumnonia, Demetae et Demetie, Silures, Brigantes, Durotriges, Ordovices, Venta Belgarun, Erburacum etc. permettent à l’auteur, pour citer Michel Pastoureau, « de changer non seulement la musique des noms mais aussi la couleur des choses »13. En ce sens, Michel Rio se rapproche davantage des chroniques de Geoffroy de Monmouth qui, dans l’Historia Regum Britanniae14, raconte dans un contexte historique similaire les luttes des chefs bretons contre les Saxons et l’accès à la royauté d’Arthur. Il opère d’une certaine manière un « retour » un état antérieur de la légende arthurienne, avant la mutation de l’Histoire en cycle romanesque avec l’apparition du Graal. Michel Rio renonce par exemple, en certains points, à l’histoire de la mère de Merlin rapportée au début du roman de Robert de Boron pour faire de celle-ci, comme chez Geoffroy, la fille du roi de Démétie. Lors de l’inauguration de la Table Ronde à Carduel, l’énumération des différents peuples issus des civitates bretonnes contraste ainsi avec l’onomastique arthurienne minoritaire, comme si deux univers, l’un soumis à un processus ou un effet d’historicisation, l’autre irrémédiablement ancré dans une tradition littéraire romanesque et merveilleuse, se télescopaient :

  • 15  Merlin, op. cit., p. 58-59.

Cinquante et un hommes se tenaient dans la salle de la Table Ronde. Il y avait trois rois, Uther, Leodagan et Loth, et quarante-sept chefs bretons venus de toutes les civitates de Logres. Des Demetae, des Ordovices et des Silures, qui étaient des Galles, à l’Ouest. Des Dumnonii du Sud-Ouest. Des Durotriges, des Belgae et des Regnenses du Sud. Des Dobunii, des Catuvellauni et des Atrebates du Centre. Des Cornovii, des Coritani et des Parisii du Nord. Des Cantiaci, des Trinovantes et des Iceni de l’Est, ainsi que des gens de Londres, appelée aussi Augusta, siège de l’ancien vicarius romain et première capitale de Logres15.

  • 16  La Geste du Roi Arthur selon le Roman de Brut de Wace et l’Historia Regum Britanniae de Geoffroy d (...)

5Certains noms, pourtant, résistent à la relatinisation, comme ici Logres et Londres (Loegria et Londonia chez Geoffroy), de même que l’on retrouve chez Michel Rio les hauts lieux de la vie arthurienne que sont Carduel et Camelot dans les romans du XIIIe siècle. Or ces toponymes sont absents de l’Historia de Geoffroy ou de la partie arthurienne de Roman de Brut de Wace16. Le décalage contextuel initialement créé entre la trilogie contemporaine et les textes médiévaux se résorbe alors dans l’inévitable confrontation, plutôt que fusion, des deux références temporelles. La cité de Camelot devient certes dans Merlin « la forteresse des Durotriges » (p. 86), mais elle est surtout le lieu emblématique où Arthur établit la deuxième Table Ronde après Carduel. Contrairement au passage précédent, les peuples « historiques » ne sont guère mentionnés, et le texte renoue avec l’onomastique arthurienne au moment où Arthur prononce sur la Table Ronde un discours mystique plus en adéquation avec la tradition des romans du Graal qu’avec l’utopie politique et philosophique du Merlin de Michel Rio :

  • 17  Merlin, op. cit., p. 87.

Y siégeaient non seulement les anciens chefs, survivants de l’époque d’Uther, mais aussi leurs fils aînés, ainsi que les héritiers des chefs morts. Il y avait cinq rois, Arthur, Leodegan, Loth, Ban de Benoïc et Bohort de Gaunes. Enfin Arthur avait désigné quelques hommes qui n’étaient ni rois ni chefs, mais qu’il voulait honorer, parmi lesquels se trouvait Kay, le fils d’Auctor17.

Effacement et affleurement de la merveille

  • 18  Cf. J.-R. Valette, La poétique du merveilleux dans le Lancelot en prose, Paris, Champion, 1998 ; C (...)
  • 19  Pour une comparaison de Merlin de Michel Rio avec les versions anciennes sous l’angle du merveille (...)

6La « trahison » la plus flagrante opérée par l’auteur est sans doute, toujours sur le plan du matériau romanesque, l’évacuation de la merveille et de l’énigme qui fondent pourtant la poétique et l’esthétique du roman arthurien des XIIe et XIIIe siècles18. Mais encore une fois, cet effacement est plus problématique qu’il n’y paraît. Certes, les scènes ou motifs merveilleux les plus célèbres et, sans doute, les plus représentatifs de la littérature médiévale ont disparu : la magie, les prophéties et les métamorphoses de Merlin, le sort jeté sur Uther qui lui permet de prendre l’apparence du duc de Tintagel pour passer la nuit avec Ygerne et concevoir Arthur, Excalibur et l’épreuve de l’épée au perron, la main surgie du lac dans la Mort le Roi Artu ou encore les fées d’Avalon19. L’oubli est plus que volontaire ; il correspond évidemment à une perception de la légende et des textes propre à l’auteur. Celui-ci semble presque revendiquer des absences qui peuvent surprendre ou détourner les attentes du lecteur de romans arthuriens. La conception merveilleuse d’Arthur fait par exemple l’objet d’un long développement chez Robert de Boron, tandis qu’elle se trouve ici réduite dans Merlin à une phrase laconique : « Uther posséda Ygerne, et Arthur fut conçu » (p. 56).

  • 20  Les Premiers Faits du Roi Arthur, éd. de I. Freire-Nunes, trad. de A. Berthelot et P. Walter, Le L (...)
  • 21  La Suite du Roman de Merlin, éd. de G. Roussineau, Genève, Droz, 1996, 2 vol.
  • 22  F. Pomel, « Cavernes, tombeaux et voix d’outre-tombe dans Merlin et La Terre Gaste de Michel Rio : (...)

7Michel Rio évoque par ailleurs l’épée d’Arthur, la première fois à la fin de Merlin : « C’était une arme magnifique, la plus belle de Logres. Je l’avais moi-même donnée autrefois au roi, le jour de son avènement. C’était l’épée d’Arthur » (p. 134), et la seconde au début d’Arthur, à l’occasion de la bataille contre les Pictes : « Son arme, la plus belle de Logres, offerte par Merlin le jour de son avènement […] » (p. 38). La mention répétée de cette épée dont personne, ni l’auteur ni les lecteurs – spécialistes ou grand public – ne peut ignorer qu’elle se nomme Excalibur, signale par le refus de nomination un choix en creux, une volonté réelle plus qu’une simple omission. Derrière la plus belle épée de Logres surgit fatalement le fantôme d’Excalibur : le merveilleux est absent, mais il est latent, il affleure par échos lointains qui renvoient immanquablement le lecteur à la tradition médiévale. L’épisode de l’enserrement de Merlin est même, à ce sujet, assez curieux et renoue avec la Suite-Vulgate du Merlin20 où le prophète se trouve enfermé dans une prison d’air, et la version de la Suite-Huth21 où Ninienne condamne Merlin à rester éternellement prisonnier d’une caverne-tombeau. Comme l’a bien montré Fabienne Pomel, « l’enchantement tient moins de la magie que du témoignage d’amour22 », et il s’agit bien davantage d’une prison volontaire à laquelle le désir de Merlin se soumet pour le plaisir de la chair. Mais le rapport de la merveille à l’amour n’est pas moins ambigu dans un cas comme dans l’autre. Dans la Suite-Vulgate, Merlin est en effet conscient du projet de Niniane et il lui enseigne le sort qui le retiendra prisonnier en toute connaissance de cause :

  • 23  Les Premiers Faits du Roi Arthur, op. cit., p. 1631.

Ma dame, […]. Je sai bien que vous pensés et que vous me volés detenir. Et je sui si souspris de vostre amour que a force me couvient faire vostre volenté23.

La Viviane de Michel Rio se soumet elle aussi aux rites magiques de l’enchantement dont les effets, quoique secondaires, semblent pourtant dominer le rationalisme de Merlin :

  • 24  Merlin, op. cit., p. 123.

Elle s’avança jusqu’à l’entrée de la caverne et commença une étrange incantation où je reconnus la science ambiguë de Cardeu imprégnée de la superstition des anciens druides. Elle invoquait le dieu gaulois Ogmios, lui demandant, si elle ne pouvait m’attacher à elle par la passion, de me retenir captif par les liens de l’enchantement. Et cette naïveté désespérée au milieu de l’intelligence, cette preuve d’amour donnée par la malédiction firent qu’elle parvint à son but24.

8Certains toponymes hérités des romans arthuriens fonctionnent également comme des signes immanents du merveilleux, et contrastent avec les noms latins qui entretiennent avec les lieux désignés une fonction référentielle réelle ou posée comme telle. Le Bois en Val, le Lac de Diane, le Val sans Retour et l’Île d’Avalon sont dans la tradition romanesque de hauts lieux de la féerie qui subissent ici un traitement rationnel. Le palais de la Dame du Lac est ainsi désormais situé sur une île et non plus caché par enchantement sous les eaux. La zone interdite que constitue le Val sans Retour dépend également moins de la magie de Morgane que de la défense absolue d’y pénétrer, sous peine d’une mort des plus certaines. Dans le Lancelot en prose, le Val sans Retour, appelé aussi Val des Faux Amants, est un lieu ensorcelé par Morgue où elle retient tous les chevaliers qui ont un jour trahi leur dame, en acte ou en pensée. Chez Michel Rio, il s’agit du palais dont Ban de Benoïc fait don à Morgane le temps d’élever son fils Mordred, et la disparition de ceux qui s’y aventurent malgré tout s’explique par les expériences de dissection sur le corps humain menées par la sœur d’Arthur. Pourtant, la terreur et la fascination inspirées par les lieux restent identiques :

  • 25  Lancelot. Roman en prose du XIIIe siècle, éd. Alexandre Micha, Genève, Droz, t. I, 1978, XXII, 4, (...)
  • 26 Morgane, op. cit., p. 104.
  • 27 Ibid., p. 105.

Tant avoit esté renomee ceste male costume par maintes terres que cil vals estoit si redotés que nus, tant fust buens chevaliers, n’i osoit le pié metre, ançois l’eschievoient et un et autre25.
Ceux, très rares, qui pénétraient à l’intérieur de l’enceinte, et même ceux que les patrouilles de guerriers surprenaient sans raison officielle à proximité, étaient promis à la mort26.
Et le Val, parce qu’on ne savait si l’on y restait pour vivre ou pour mourir, reçut le nom ambigu de Val sans Retour27.

Le pouvoir évocateur du nom est aussi fort et le lieu, régi dans les deux cas par une male coutume, suscite à la fois le désir et la peur des aventuriers qui font naître les légendes.

9Avalon enfin est un nom bien plus récurrent chez Michel Rio que dans le cycle arthurien français. Absent du Lancelot en prose, il n’apparaît qu’une fois dans La Mort le Roi Artu, dans l’épisode où Arthur découvre les peintures de Lancelot dans le palais de Morgue :

  • 28  La Mort le Roi Artu, éd. J. Frappier, Genève, Droz, Paris, Minard, 1964, § 50, p. 60.

[…], ge vos creant loiaument que jamés n’irai a cort, mes sanz faille, quant ge me partirai de ci, ge irai en l’ille d’Avalon ou les dames conversent qui sevent toz les enchantemenz del siecle28.

  • 29  « Li latins de cui cist estoires fu tretiez en romanz [fu pris] en l’Isle d’Avalon en une sainte m (...)
  • 30  « [...] la terre fertile portait une abondance d’arbres d’essences variées où le pommier dominait. (...)

10Et l’on suppose, de fait, que c’est là où les dames de la nef l’emportent à la fin. En tous les cas, si Avalon est jamais la demeure de Morgue, les romans du XIIIe siècle ne s’y aventurent guère. Le mot apparaît pour la première fois chez Geoffroy de Monmouth : Caliburn, l’épée d’Arthur y a été fabriquée et Arthur y est finalement transporté pour soigner ses blessures. Le thème a connu à partir de là une grande fortune littéraire et le lieu « Avalon » a pu être associé, dans l’épilogue du roman de Perlesvaus, à l’abbaye de Glastonbury où auraient été découvertes les tombes d’Arthur et de Guenièvre29. En consacrant une grande partie du cycle à l’île d’Avalon, Michel Rio prolonge et amplifie un thème littéraire et merveilleux et renoue finalement avec une tradition pré-arthurienne propre au monde et aux légendes celtiques. Avalon n’abrite plus de fées, mais une femme avide de savoir, architecte et médecin à ses heures, dont les recherches macabres observent la nature des corps et non les sortilèges des magiciens. L’île est toutefois présentée dès Merlin comme « la riche et belle île des Pommiers » (p. 107) ; elle est dans Morgane : « L’Insula Pomorum, l’île dont la superstition des anciens peuples d’Armorica a fait un lieu sacré et maléfique » (p. 80). La dénomination d’Insula Pomorum est récurrente dans l’œuvre, appuyée par la mention ou la description des vergers et des pommiers30 qui justifient l’expression, employée de façon pragmatique et réaliste. Merveilles et superstitions relèvent, d’après Merlin, des anciens peuples, et ne concernent finalement plus l’Avalon de Morgane. À l’arrivée de celle-ci, la passation de pouvoir se fait d’ailleurs symboliquement entre une hideuse vieille femme, « la gardienne de l’île, la sorcière et la prêtresse d’Avalon » (p. 134) et le despote éclairé que devient Morgane. La translatio opère cependant un double retour en arrière par lequel l’œuvre retrouve le temps de la merveille et l’espace de l’ailleurs propres à l’Autre Monde celtique et arthurien. La prophétie de la sorcière s’accomplit et Morgane, horriblement défigurée par le temps et la haine, rejoint dans la mort et la solitude de l’île la prêtresse de l’ancien Avalon dont elle avait d’ailleurs accepté l’héritage :

  • 31  Morgane, op. cit., p. 135.

« Prends ma place, dit-elle. Tu seras gardienne de l’île après moi. Après… bien après… tu seras comme moi… comme moi ! »
[…]
« Enterrez-la ici même. Je construirai mon palais à la place du sien. Je suis à présent reine d’Avalon non plus du fait de Merlin, mais par héritage légitime. »31

  • 32  Supradictum est, quod Glasteing scrofam suam sub arbore pomifera juxta vetustam ecclesiam invenit, (...)

11L’expression Insula Pomorum, absente des romans arthuriens, provient d’une tradition celtique selon laquelle le nom d’Avallo aurait désigné un locus pomorum. Guillaume de Malmesbury raconte dans le De antiquitate Glastoniensis ecclesiae l’histoire légendaire de Glasteing qui aurait fondé Glastonbury à l’endroit où il aurait découvert une truie et des sangliers sous un pommier, c’est pourquoi il aurait nommé le lieu Insula Avalloniae ou insula pomorum32. Les nouveaux visages de Merlin et de Morgane maintiennent ainsi à distance le merveilleux « bric-à-brac » médiéval, mais celui-ci affleure sous le pouvoir évocateur des noms dont la présence suffit à laisser le légendaire et la merveille approcher de la surface du récit.

  • 33  Voir notre thèse de doctorat, op. cit.
  • 34  M. Rio, Manhattan Terminus, Paris, Seuil, 1995, p. 48, cité par M. Arent Safir, trad. de P. Mikria (...)

12Dans ce domaine, l’absence la plus notable est celle du Graal dont la quête est le moteur de la production romanesque, du Conte du Graal de Chrétien de Troyes aux multiples et prolixes cycles du XIIIe siècle. En regard de cette littérature, éliminer le Graal est un choix audacieux qui, a priori, aurait pu faire perdre à l’œuvre toute la saveur arthurienne. Ce choix s’explique peut-être par la nature même de la poétique mise en place dans les textes du Graal qui, dans l’ensemble, visent moins à l’élucidation d’une énigme née sous la plume de Chrétien, qu’au maintien d’un effet d’énigme et d’une opacité complexe qui prolongent au Moyen Âge les possibles romanesques33. La démarche herméneutique infiniment suspendue dans ces œuvres cède la place chez Michel Rio à un vrai désir de savoir et d’élucidation des choses, illustré notamment par Morgane. En ce sens, la trilogie correspond à la conception de la littérature de l’auteur, qui vise, selon lui à « l’élucidation », au sens d’« évolution de l’homme […] [en] fonction non de la nature, mais de la culture, donc du savoir, qui fabrique son environnement34 », d’où peut-être la nécessité de transformer le spectre d’un savoir caché, et pour cela séduisant, en un savoir « scientifique » et rationnel. D’un idéal l’autre, et l’utopie politique et philosophique de Merlin remplace désormais la quête spirituelle et infinie du Graal. La bibliothèque de Merlin, « le territoire privé où il travaillait, une zone interdite du palais de Carduel » (Morgane, p. 19), est, en raison de cette interdiction et de la sacralisation du lieu, « la chose la plus précieuse qui existe au monde » (Morgane, p. 119), un espace proche de la chambre du Graal à Corbenic dans le Lancelot en prose. Cette bibliothèque, les livres, les instruments, le savoir du monde qu’elle contient remplacent l’autre forme, la forme inverse de savoir ou de désir de savoir que représentait le Graal : l’entreprise mystique de la Queste del Saint Graal cède le pas à une religion du savoir dont Merlin et Morgane sont désormais les grands ordonnateurs. D’un côté comme de l’autre pourtant, quêteurs et utopistes sont voués à l’échec ou à l’inachèvement. Morgane, « condamnée au savoir, à la peur, à la souffrance et à la mort » (Merlin, p. 70), ne parviendra pas, malgré ses efforts et ses cruelles expériences de laboratoire, à comprendre pourquoi il faut mourir. Victime révoltée des affres du temps, elle ne peut que s’isoler du reste du monde, se voiler la face mais non l’esprit à l’heure de la mort : « Je ne sais plus rien du bien et du mal, de l’amour et de la haine, du projet et du vide. Je sais seulement que je meurs » (Merlin, p. 150 et Morgane, p. 194). Rendu à la solitude qui annihile tous ses efforts, Merlin n’a, quant à lui, pas mieux accompli son projet. Dans leurs quêtes d’absolu, les héros de Michel Rio n’aboutissent donc pas plus que les chevaliers du Graal, contraints de se poser la question du sens sans qu’une réponse satisfaisante ne soit apportée. La question de Morgane : « Pourquoi faut-il mourir ? » (Merlin, p. 65 et Morgane, p. 30) est avant tout une question insoluble qui sonne comme une révolte contre la dissimulation ou, pire, l’absence de sens, mais une révolte finalement domptée par la mort elle-même.

13En tant qu’objet emblématique des romans arthuriens, la Table Ronde se maintient ensuite dans la trilogie qui en efface également les attributs merveilleux : exit ici les sièges périlleux et les mystérieuses inscriptions du Merlin de Robert de Boron et de la Queste. De tout l’héritage médiéval, c’est cependant elle qui subit le traitement le plus ambigu vis-à-vis de la matière première. Les trois œuvres oscillent ainsi perceptiblement entre trahison et fidélité : le nombre de chevaliers, cinquante lors de la fondation, cent cinquante après la bataille de Badon, correspond exactement à l’évolution du Merlin à La Suite du Roman de Merlin. Mais avant d’en faire le symbole de l’idéal merlinesque, Michel Rio prend bien soin d’éloigner toute tentative d’assimilation de sa Table à la Table merveilleuse, en insistant sur le côté matériel – le chêne, les planches, le travail des charpentiers – et donc nécessairement et uniquement symbolique de l’objet. Le discours inaugural de la Table Ronde diffère évidemment profondément entre celui du Merlin de Robert de Boron et l’autre : le premier est lié à la quête du Graal, le second est politico-philosophique :

  • 35  Merlin, op. cit., p. 60 et Morgane, op. cit., p. 17.

[…] vous pourrez peut-être établir un nouveau pouvoir, un pouvoir qui ne sera plus au service de l’homme qui le détient, mais au service de l’homme en général, et qui fera plier le roi lui-même, quels que soient ses vertus et ses vices35.

Les deux discours exhortent toutefois les élus de la Table à l’accomplissement d’un idéal qui les dépasse et qui les fera passer à la postérité :

  • 36  Merlin. Roman en prose du XIIIe siècle, éd. A. Micha, Genève, Droz, 2000, § 48, p. 185-186.
  • 37  Merlin, op. cit., p. 60 et Morgane, op. cit., p. 18.

Et je vos creant, se vos le faites, que granz biens et granz honors vos en vendra a l’ame et au cors et si avendront a vostre tens tels choses dont vos vos merveilleroiz molt. […] Et se vos me creez, vos feroiz contre ces choses ce que je vos lo, et se vos le faites et vos me voulez croire, vos en seroiz encore molt loez36.
Vous êtes des instruments de mort, et je ferai de vous des instruments d’éternité. Vous êtes la nuit, et vous serez un jour sans fin. Vous êtes le tumulte, et vous serez la loi. Vous êtes le vide, et vous serez le sens du monde et sa conscience. Vous êtes l’âge de fer et vous préparez la venue d’un âge d’or qui selon moi n’a jamais été, mais qui, par vous, pourra être37.

14Le discours le plus troublant est celui de l’Arthur de Michel Rio, lors de l’inauguration de la deuxième Table Ronde. Comme le reprochera d’ailleurs Morgane à son frère, ses paroles sont empreintes de mysticisme, à travers l’image de « la flamme d’une passion d’amour allumée à l’Orient il y a cinq siècles et qui brille à présent sur Camelot » (Merlin, p. 87 et Morgane, p. 64), et surtout à travers la comparaison entre la Table Ronde et celle de la Cène, exactement comme chez Robert de Boron : « Voici que je partage mon corps à cette Table Ronde, comme le fit le Christ à la Table de la Cène » (Merlin, p. 87 et Morgane, p. 64), affirme en effet Arthur. Certes il explicite son propos et revendique l’usage de la figure de style pour exprimer « une éthique de l’amour qui […] sublime la loi » (Morgane, p. 70), ce qui le distingue fondamentalement du texte médiéval. Cependant, le narrateur lui-même reprend par deux fois à son compte l’image de la Trinité appliqué à la Table Ronde, comme s’il ne pouvait, même métaphoriquement, renoncer à cette conception établie par Robert de Boron, chez qui les trois tables de la Cène, du Graal et d’Arthur symbolisent la Trinité : « Logres invincible et une Table Ronde devenue mythe s’incarnaient dans une trinité presque divine : Arthur, Mordred et Lancelot » (Merlin, p. 129 et Morgane, p. 185). Au-delà de l’image, une véritable translatio des trois tables et, partant, de la Trinité qu’elles symbolisent, s’opère entre les deux cycles. L’utopie merlinesque engendre trois projets différents, chacun représenté par une table qui lui est propre : la loi idéale de Merlin et la première Table Ronde fondée à Carduel, la foi au service du pragmatisme de la deuxième Table Ronde inaugurée par Arthur à Camelot, et enfin la table de dissection de Morgane, véritable leitmotiv du roman éponyme et total opposé de la première, faite cette fois « en marbre et non en bois » (Morgane, p. 97). Mais la ressemblance s’arrête là : sur la table de Morgane meurt en effet de façon grotesque et pathétique le prêtre venu tenter de la convertir. La Table de la Cène, même réduite à une figure de style, ne saurait résister à la table de dissection mortuaire. Le marbre, lisse et impénétrable contrairement au bois, n’en gardera aucune trace – il est fait pour cela. La représentation trinitaire de la table signale à la fois la rupture entre les trois projets des personnages de Michel Rio, et entre le cycle médiéval et la production contemporaine. Comme le Graal, la Table Ronde n’échappe pas totalement au renversement des valeurs et à la transformation de la quête mystique en désir positiviste de connaissance des plus crus.

15À ce point, le traitement du matériau romanesque par Michel Rio soulève une question essentielle liée à la fonction du merveilleux et de l’énigmatique dans le texte arthurien. Si ces deux catégories semblent en effet inhérentes à la poétique des œuvres médiévales et à leur conception même en tant que romans, elles ne sont pas, manifestement, indispensables à la légende et à la littérature arthuriennes dans leur évolution globale. Les trahisons revendiquées et les infidèles fidélités de l’auteur soulignent l’écart entre deux visions de la littérature, mais révèlent aussi des liens de parenté dans le traitement narratif et poétique du substrat médiéval et dans le rapport de l’œuvre à l’écriture.

Écritures et poétiques arthuriennes

Peinture, sculpture, écriture

  • 38  Lancelot. Roman en prose du XIIIe siècle, op. cit., t. V, 1980, LXXXVI, 20-23, p. 51-54.
  • 39  La Suite du Roman de Merlin, op. cit., t. I, § 153, p. 117.
  • 40  Voir N. Koble, « L’illusion prophétique, ou la maîtrise du temps. Les prophéties dans la Suite du (...)
  • 41 Ibid., p. 159.

16On observe dans le passage final de la construction du mausolée d’Arthur et de Morgane un traitement ou plutôt une ré-exploitation, une re-création de motifs narratifs récurrents dans la littérature arthurienne du XIIIe siècle. L’image de Merlin gravant l’histoire de Logres et sculptant le portrait de ses protagonistes sur les murs de la caverne d’Avalon, renvoie par fusion à divers motifs et épisodes du cycle arthurien, voire à une modalité de mise en abyme de l’écriture et de l’histoire couramment exploitée dans le roman médiéval. On pense par exemple à Lancelot, peignant sur les murs de sa prison l’histoire de son amour pour Guenièvre38. La figure du monument commémoratif se trouve également dans La Suite du Roman de Merlin où Arthur, vainqueur de la bataille contre le roi Loth, décide d’édifier treize statues de rois, dont la sienne, plus grande et plus somptueuse que les autres, pour perpétuer le souvenir de l’événement39. Mais la vocation première du monument est détournée par Merlin qui en fait un support prophétique, comme d’ailleurs nombre de tombes ou de perrons sur la pierre desquels il grave les prophéties des grands événements à venir40. Dans le Merlin de Michel Rio, la réécriture dans la pierre de l’histoire arthurienne repose sur les mêmes outils poétiques et métaphoriques que le roman du XIIIe siècle, à la différence près que les gravures et sculptures prophétiques de la Suite du Roman de Merlin tiennent compte, comme l’analyse Nathalie Koble, « de la valeur inaugurale de l’œuvre, qui fonde un royaume »41. Le Merlin moderne admet au contraire :

  • 42 Merlin, op. cit., p. 148.

[…] je construisais, dans le dénuement, un monument à mon propre échec qui resterait sans doute ce que j’avais fait de plus beau et de plus durable, utilisant les matériaux de la légende, la pierre et les mots, pour figer un passé en fuite, une idée vaincue et une chair morte42.

  • 43  F. Pomel, « Cavernes, tombeaux et voix d’outre-tombe dans Merlin et La Terre Gaste de Michel Rio : (...)
  • 44  Ibid. Voir également F. Pomel, « Michel Rio et le modèle textuel médiéval : filiation et paternité (...)
  • 45  La Suite du Roman de Merlin, op. cit., t. I, § 57, p. 45.

17Comme l’a montré Fabienne Pomel, le mausolée « fait figure de double du roman »43, en tant que texte fixe, parfait et achevé qui reflète et ordonne le projet du roman, de même que les prophéties architecturales ou scripturales tendent à régir l’agencement complet du cycle médiéval, de la mort de Merlin à celle d’Arthur. En fait, si Merlin fait bien chez Michel Rio « figure de double de l’écrivain »44, il revêt déjà traditionnellement cette fonction chez Robert de Boron et dans la Suite du Roman de Merlin, attribuée au pseudo-Robert de Boron. Dans le Merlin, le personnage dicte en effet à Blaise l’histoire du Graal depuis l’époque du Christ et de Joseph d’Arimathie, entreprise ensuite continuée par Robert. Dans la Suite, Merlin est encore à l’origine d’un autre livre, celui des aventures des chevaliers de la cour que cinquante clercs sont désormais chargés de consigner par écrit. Du récit originel du Graal à celui des aventures, c’est ainsi que mesires Robiers de Berron45 compose son propre roman et se présente à la fois comme lecteur des livres de Blaise et des clercs et transcripteur, ordonnateur de l’histoire qu’il en tire. La trilogie de Michel Rio constitue ainsi le dernier maillon dans la chaîne des lectures et réécritures à laquelle se livre d’abord le cycle médiéval. Du premier livre dicté par Merlin aux gravures sur les parois de la caverne, le texte produit appelle une nouvelle génération de lecteurs qui prennent ensuite le relais de l’écriture : Merlin réécrit le texte de Michel Rio, de même que celui-ci réécrit un ensemble qui remonte à une parole merlinesque primitive. La tripartition du récit de Merlin dont les étapes revêtent trois pans de mur différents : « […] sur le mur de gauche, [l]a genèse [du royaume de Logres], sur le mur du fond, son triomphe, et sur le mur de droite, sa chute » (Merlin, p. 146), fait d’ailleurs écho, de même peut-être que l’organisation en trilogie, à la tripartition du livre de Robert de Boron, mentionnée à plusieurs reprises dans le cycle, et rappelée dans la Suite du Roman de Merlin :

  • 46  Ibid., t. I, § 173, p. 133-134.

Et sacent tuit cil qui l’estoire monsigneur de Borron vauront oïr comme il devise son livre en .III. parties, l’une partie aussi grant comme l’autre, la premiere aussi grande comme la seconde et la seconde aussi grant coume la tierche. Et la premiere partie fenist il au commenchement de ceste queste, et la seconde el commenchement dou Graal, et la tierche fenist il apriés la mort de Lanscelot, a chelui point meisme qu’il devise de la mort le roi March46.

  • 47  F. Pomel, « Cavernes, tombeaux et voix d’outre-tombe dans Merlin et La Terre Gaste de Michel Rio : (...)
  • 48  P. V. Rockwell, French Arthurian Romance, vol. III – Le Chevalier as deus espees, Cambridge, D. S. (...)

18Chez Michel Rio, la boucle est apparemment bouclée : ultime lectrice de l’œuvre de Merlin, Morgane meurt au fur et à mesure que les gravures couvrent les murs. Aurait-il, à travers la clôture du tombeau et la solitude finale du dernier écrivain, réussi à figer ce qui malgré la vocation totalisante des cycles s’est toujours offert à la reprise et à la réécriture ? Sans doute que non et, pour citer une nouvelle fois Fabienne Pomel, « le texte fixe, parfait et achevé, apparaît pourtant comme une utopie et un idéal remis en question par la pratique de l’auto-réécriture47 ». La métaphore de la translation, de la lettre à la pierre et de la pierre à la lettre, du support matériel au récit littéraire est probablement au contraire signe d’ouverture, d’appel à la continuité, comme dans certains romans médiévaux tel Le Chevalier aux Deux Epées48 (composé vers 1240), où la future épouse du héros porte dans la scène finale un manteau sur lequel est représentée toute l’histoire d’Arthur depuis sa conception.

Poétique et clôture des cycles

  • 49  La Mort le Roi Artu, op. cit., § 190, p. 245.

19Si l’écriture de Michel Rio porte ainsi la trace du texte médiéval, la poétique romanesque mise en place dans la trilogie témoigne aussi de quelques résurgences. L’auteur retient pourtant peu de chose de la trame arthurienne, essentiellement des passages du Merlin et de la Mort le Roi Artu et quelques éléments indispensables au Lancelot en prose. Il s’inscrit au contraire souvent dans les failles des textes médiévaux, comblant à sa manière ce que ceux-ci laissent en blanc : Morgane à Avalon, les conditions exactes de la trahison de Mordred, racontée pour la première fois dans Arthur depuis le centre névralgique de Camelot et non indirectement rapportée par un messager en Gaule. En certains points son texte est toutefois étonnamment proche de ceux du XIIIe siècle, là où se concentre sans doute l’essence de la légende arthurienne, où l’histoire transcende ce qu’il nomme les « galipettes », où la légende meurt avant de renaître par la fiction littéraire : le meurtre du fils par le père et du père par le fils. Dans La Mort le Roi Artu, la scène s’achève sur ce constat tragique : « Einsi ocist li peres le fill, et li filz navra le pere a mort »49, dont on retrouve, significativement, une formulation toute proche dans Merlin : « Ainsi le père avait-il tué le fils. Et sans doute le fils avait-il entraîné le père dans la mort » (p. 134).

  • 50  M. Rio, Merlin, le faiseur de rois, Paris, Fayard, 2006.
  • 51  M. Séguy, « Ce qui aurait pu être, ou ce qui fut et qui est : temps du mythe et temps du monde dan (...)
  • 52  Comprenant dans l’ordre narratif : L’Estoire del Saint Graal, Merlin, la Suite du Merlin – dite Su (...)
  • 53  Cycle reconstitué à partir de fragments manuscrits français et galaïco-portugais et qui contiendra (...)
  • 54  M. Rio, La Terre Gaste, Paris, Seuil, 2003.

20L’organisation cyclique dans la narration d’une utopie vouée à l’échec soulève une dernière fois la question de la rupture avec le modèle textuel médiéval et de la résurgence de ce modèle. Le Merlin, encadrée par la parole solitaire du sage, s’ouvre et s’achève sur le bilan d’un échec, d’une vie et d’une utopie passées : « J’ai cent ans », dit Merlin au début et à la fin, comme si le récit inséré entre ces deux prises de parole et les variantes que constituent Morgane et Arthur – variantes ensuite intégrées à une refonte de la trilogie dans Merlin, le faiseur de rois50 – s’était déroulé en hors-temps. Mireille Séguy a bien analysé la différence du rapport au temps, à l’univers et au savoir entre le récit du Merlin médiéval et celui de Michel Rio. Chez ce dernier, « le récit rétrospectif est tout entier organisé autour de l’abolition de la chronologie et de la durée », si bien que « cette dilution enlève à l’histoire racontée par Merlin sa prétention à entrer dans le temps linéaire et orienté de l’Histoire ». Bien plus, « la prise de parole même de Merlin affecte une forme circulaire qui tend à annuler totalement l’histoire racontée une fois qu’elle a été racontée51 ». En ce sens, la conception du cycle arthurien évolue grandement par rapport aux textes médiévaux : les grands cycles du XIIIe siècle de la Vulgate52 et de la Post-Vulgate53 sont justement considérés comme des cycles car ils englobent une vision totale de l’histoire arthurienne suivant une chronologie linéaire complète, depuis les temps christiques jusqu’à la fin du royaume arthurien. En l’absence de Graal, le temps est, de Merlin à Morgane et Arthur, en éternel recommencement. La présence de Merlin de bout en bout de l’œuvre, éternel vieillard qui seul dans La Terre Gaste54 survit à l’humanité, entre en contradiction avec la mort – réelle ou métaphorique – de ce dernier dans les deux Suites médiévales : enfermé par Niniane, il est définitivement en retrait du monde arthurien obligé de continuer à avancer – ou à se détruire – sans lui. Il se dégage ainsi de la trilogie une impression de clôture et d’inéluctabilité qui s’exprime dès les premières lignes, impression doublement entretenue par de multiples effets d’annonce à l’intérieur de chaque texte, et par la reprise plus ou moins identique de ces passages entre les volumes. Par trois fois le narrateur dénonce la fragilité de l’œuvre de Merlin, et dévoile par anticipation les passions et les aléas humains qui provoquent la chute de Logres :

  • 55  Merlin, op. cit., p. 129-130 et Morgane, op. cit., p. 185.
  • 56  Arthur, op. cit., p. 105.

Logres invincible et une Table Ronde devenue mythe s’incarnaient dans une trinité presque divine : Arthur, Mordred et Lancelot. […]. Cependant, dans le ciment vertueux qui soudait cette trinité entraient quelques ingrédients corrosifs jusqu’alors neutralisés par l’action et la guerre […]. Ces ingrédients étaient l’inceste, l’adultère et le mensonge55.
La Table Ronde, au sommet de sa renommée dans tout l’Occident, semblait indestructible, et ses principaux membres étaient devenus aux yeux des peuples de vivantes légendes.
Mais dans les matériaux de cette superbe construction, chef-d’œuvre enfin abouti de son grand architecte disparu, Merlin, il y avait la passion incestueuse et adultère, le parjure et le mensonge, la mélancolie et le désespoir56.

21La mise en scène tragique des événements n’est cependant pas étrangère à tous les cycles médiévaux, même si le concept de tragédie demeure anachronique. Dans le cycle plus tardif de la Post-Vulgate, la Suite du Roman de Merlin s’ouvre sur l’annonce fatale des conséquences de l’inceste d’Arthur, et anticipe en de multiples endroits la catastrophe finale :

  • 57  La Suite du Roman de Merlin, op. cit., t. I, § 2-3, p. 1-2.

Li rois vit la dame de grant biauté plainne, si l’ama moult si durement et le fist demourer en sa court .II. mois entiers, et tant qu’en chelui terme il gut a li et engenra en li Mordrec, par cui tant grant mal furent puis fait en la terre de Logres et en tout le monde.
Adont conut li freres carneument sa serour et porta la dame chelui qui puissedi le traist a mort et mist a destruction et a martyre la terre, dont vous porrés oïr viers la fin dou livre57.

  • 58  Voir H. Bouget, « Haine, conflits et lignages maudits dans le cycle de la Post-Vulgate », Lignes e (...)

22La conception de Mordred est ensuite suivie d’un songe prémonitoire d’Arthur, où le roi a la vision d’un dragon brûlant et dévastant son royaume. Ces effets d’annonce sont pléthoriques dans La Suite du Roman de Merlin, et ils participent à l’élaboration d’une atmosphère obscure où la prédestination et la faute humaine condamnent le monde arthurien dès son origine. Dans la version Post-Vulgate de la Queste, le Graal passe ainsi au second plan et la chevalerie meurt de ses propres tares qui sont essentiellement l’inceste, l’adultère et les rivalités claniques ou lignagères58. Chez Michel Rio, les causes du drame ne sont guère divergentes et seules leurs manifestations diffèrent. Le projet destructeur de Morgane amorcé dès son éducation et l’instauration de la première Table Ronde, réitéré en de multiples endroits, est lui aussi accompli dès l’ouverture du Merlin. Les signes merveilleux, rêves et visions, et les prophéties de la Suite du Roman de Merlin ont disparu, remplacés par la manipulation intellectuelle et philosophique de Mordred qui, de dragon, devient un fanatique de l’idée et de la loi non moins dévastateur. Dans les deux cas, le ver est dans le fruit dès les premiers temps et en cela, la version Post-Vulgate du cycle est bien plus proche de celle de Michel Rio que de la Vulgate, où la paternité de Mordred est révélée plus tardivement et où le texte joue bien moins des effets d’annonce liés à l’inceste du roi.

23Dès le Moyen Âge, l’histoire arthurienne cède donc la place à la peinture d’une humanité en proie à ses angoisses et ses contradictions. Tout comme le Graal ne peut finalement sauver la Table Ronde et finit par s’éloigner du paysage romanesque au profit des crimes et trahisons, l’utopie de Merlin, la suprématie de l’idée chez Mordred ou le discours de la foi d’Arthur ne peuvent sauver un monde défaillant. Malgré la mise en œuvre d’une poétique romanesque autre, la trilogie contemporaine rejoint, dans le fond, les dernières évolutions des romans médiévaux. Le cycle Post-Vulgate évacue d’ailleurs lui aussi la longue partie du roman de Lancelot pour se concentrer sur l’histoire d’Arthur et la destruction annoncée de son royaume. Michel Rio n’est donc pas le premier remanieur d’une arthuriade centrée sur la figure et la destinée du roi ; si le Graal est encore présent dans le dernier grand cycle médiéval, il n’est que prétexte à un affrontement de valeurs incompatibles qui sème le désastre avant même La Mort le Roi Artu et la découverte de l’adultère.

24Traître, Michel Rio ne l’est qu’à demi, avouant finalement :

  • 59  Extrait du texte publié dans Le Magazine Littéraire, décembre 1999, repris dans Arthur, op. cit., (...)

J’ai été fidèle aux potentialités du cycle qui s’y inscrivent dès ses commencements, fidèle à l’idée en germe, du moins celle que j’ai cru y lire, celle d’un monde qui se pense et qui en fin de compte ne se fait pas […].59

25La couleur arthurienne est changée, mais la nuance, volontaire ou non, est perceptible dans les reflets du romanesque médiéval émanant du lexique, de l’onomastique ou du traitement de la merveille. La transformation de la quête mystique en désir utopique de gouvernement ou de savoir, des prophéties en manipulations idéologiques passe par des sacrifices plus que par de réelles trahisons. Au fond, si la poétique des romans arthuriens du XIIIe siècle repose incontestablement sur des principes différents de celle d’aujourd’hui, l’histoire arthurienne, telle que Michel Rio nous la livre, se situe davantage dans la continuité des différents cycles médiévaux plus qu’elle ne rompt avec eux. En choisissant d’évacuer, de rationaliser ou de modifier le merveilleux et l’énigmatique, il nous offre paradoxalement une lecture plus fidèle qu’il n’y paraît de la légende littéraire arthurienne dont il révèle des traits essentiels.

Haut de page

Notes

1  M. Rio, Merlin, Paris, Seuil, 1989 et Seuil, « Points », 1998.

2  M. Rio, Morgane, Paris, Seuil, 1999.

3  M. Rio, Arthur, Paris, Seuil, 2001 et Seuil, « Points », 2002.

4  M. Rio fonde cette œuvre romanesque sur « un imaginaire personnel qui fait de [s]on entreprise une scandaleuse appropriation, une trahison réduite dans l’espace, mais illimitée dans l’esprit, consistant à accaparer sans la moindre piété une grande légende […] à [s]on seul profit », postface de Merlin, op. cit., p. 155.

5  Voir l’entretien accordé par M. Rio au Magazine littéraire en décembre 1999, repris dans Arthur, op. cit., p. 168.

6  « J’ai été fidèle aux potentialités du cycle qui s’y inscrivent dès ses commencements, fidèle à l’idée en germe, […] celle d’un monde qui se pense et qui en fin de compte ne se fait pas », ibid., p. 168.

7  Sur la recomposition et les manuscrits du cycle dit Post-Vulgate, voir F. Bogdanow, The Romance of the Grail. A study of the structure and genesis of a thirteenth-century arthurian prose romance, Manchester, New York, 1966. Pour la restitution hypothétique d’une partie du cycle à partir des manuscrits français et galaïco-portugais, voir La Version Post-Vulgate de la Queste del Saint Graal et de la Mort Artu. Troisième partie du roman du Graal, éd. de F. Bogdanow, Paris, SATF, 4 vol., 1991-2001.

8  Morgane, op.cit., note de l’auteur, p. 7.

9 Ibid., p. 116.

10 Ibid., p. 190.

11 Merlin, op. cit., p. 104.

12  Arthur, op. cit., p. 12.

13  M. Pastoureau, « Un enchanteur désenchanté », Mélancolies du savoir. Essais sur l’œuvre de Michel Rio, Paris, Seuil, 1995, p. 98.

14  Geoffroy de Monmouth, The Historia Regum Britanniae, éd. de N. Wright, Cambridge, Brewer, 1984 ; Histoire des rois de Bretagne, trad. de L. Mathey-Maille, Paris, Les Belles Lettres, 1992.

15  Merlin, op. cit., p. 58-59.

16  La Geste du Roi Arthur selon le Roman de Brut de Wace et l’Historia Regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth, éd. et trad. de E. Baumgartner et I. Short, Paris, UGE, 10/18, 1993.

17  Merlin, op. cit., p. 87.

18  Cf. J.-R. Valette, La poétique du merveilleux dans le Lancelot en prose, Paris, Champion, 1998 ; C. Ferlampin-Acher, Merveilles et topique merveilleuse dans les romans médiévaux, Paris, Champion, 2003 ; H. Bouget, « Enquerre » et « Deviner ». Poétique de l’énigme dans les romans arthuriens français (fin du XIIe - premier tiers du XIIIe siècle), thèse de doctorat, Université Rennes 2, décembre 2007, dir. C. Ferlampin-Acher, à paraître.

19  Pour une comparaison de Merlin de Michel Rio avec les versions anciennes sous l’angle du merveilleux et de sa rationalisation ou de son évacuation, voir R. Baudry, « L’Enchanteur désenchanté ou le Merlin de Michel Rio », Enfances arthuriennes, textes réunis par D. Hüe et C. Ferlampin-Acher, Orléans, Paradigme, 2006, p. 323-338.

20  Les Premiers Faits du Roi Arthur, éd. de I. Freire-Nunes, trad. de A. Berthelot et P. Walter, Le Livre du Graal, éd. de D. Poirion, dir. P. Walter, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 2001, t. I.

21  La Suite du Roman de Merlin, éd. de G. Roussineau, Genève, Droz, 1996, 2 vol.

22  F. Pomel, « Cavernes, tombeaux et voix d’outre-tombe dans Merlin et La Terre Gaste de Michel Rio : variations sur l’enserrement de Merlin », texte d’une communication prononcée lors du Congrès International de la Société Arthurienne à Rennes, 15-20 juillet 2008. Consultable en ligne : http://www.sites.uhb.fr/celam/ias/actes/index.htm.

23  Les Premiers Faits du Roi Arthur, op. cit., p. 1631.

24  Merlin, op. cit., p. 123.

25  Lancelot. Roman en prose du XIIIe siècle, éd. Alexandre Micha, Genève, Droz, t. I, 1978, XXII, 4, p. 277.

26 Morgane, op. cit., p. 104.

27 Ibid., p. 105.

28  La Mort le Roi Artu, éd. J. Frappier, Genève, Droz, Paris, Minard, 1964, § 50, p. 60.

29  « Li latins de cui cist estoires fu tretiez en romanz [fu pris] en l’Isle d’Avalon en une sainte meson de religion qui siet au chief des Mares Aventurex, la o li rois Artuz e la roïne gisent par le tesmoignage des preudommes religieus qui la dedenz sont, qui tote l’estoire en ont, vraie des le commencement desq’en la fin Le Haut Livre du Graal », Le Haut Livre du Graal,éd., trad. de A. Strubel, Paris, Le Livre de Poche, « Lettres gothiques », p. 1052. Sur Avalon et Glastonbury, voir W. A Nitze, Le Haut Livre du Graal. Perlesvaus, New York, Phaeton Press, 1972, t. II, p. 45-72.

30  « [...] la terre fertile portait une abondance d’arbres d’essences variées où le pommier dominait. […] c’était la relation des marins croisant devant l’île sans jamais oser l’aborder […] qui avait donné à Avalon le nom d’Insula Pomorum », Morgane, op. cit., p. 131.

« Je m’engageai sur un chemin serpentant dans une forêt de pommiers chargés de fruits verts, promesse d’une récolte abondante et vaine qui resterait intacte jusqu’à la pourriture, ne nourrissant pas même les oiseaux », Merlin, op. cit., p. 144.

31  Morgane, op. cit., p. 135.

32  Supradictum est, quod Glasteing scrofam suam sub arbore pomifera juxta vetustam ecclesiam invenit, ubi quia primum adveniens poma in partibus illis rarissima repperit, insulam Avalloniae sua lingua, id est, insulam pomorum, nominavit. Avalla enim Britonice poma interpretatur Latine ; vel cognominatur de quodam Avalloc, qui ibidem cum suis filiabus, propter loci secretum, fertur inhabitasse, Guillaume de Malmesbury, De antiquitate Glastionensis ecclesiae, texte composé entre 1129 et 1135,cité par W. A. Nitze, Le Haut Livre du Graal. Perlesvaus, op. cit., t. II, p. 49.

33  Voir notre thèse de doctorat, op. cit.

34  M. Rio, Manhattan Terminus, Paris, Seuil, 1995, p. 48, cité par M. Arent Safir, trad. de P. Mikriammos, Mélancolies du savoir, op. cit., p. 32.

35  Merlin, op. cit., p. 60 et Morgane, op. cit., p. 17.

36  Merlin. Roman en prose du XIIIe siècle, éd. A. Micha, Genève, Droz, 2000, § 48, p. 185-186.

37  Merlin, op. cit., p. 60 et Morgane, op. cit., p. 18.

38  Lancelot. Roman en prose du XIIIe siècle, op. cit., t. V, 1980, LXXXVI, 20-23, p. 51-54.

39  La Suite du Roman de Merlin, op. cit., t. I, § 153, p. 117.

40  Voir N. Koble, « L’illusion prophétique, ou la maîtrise du temps. Les prophéties dans la Suite du roman de Merlin », Jeunesse et genèse du royaume arthurien, études réunies par N. Koble, Orléans, Paradigme, 2007, p. 157-178.

41 Ibid., p. 159.

42 Merlin, op. cit., p. 148.

43  F. Pomel, « Cavernes, tombeaux et voix d’outre-tombe dans Merlin et La Terre Gaste de Michel Rio : variations sur l’enserrement de Merlin », art. cit.

44  Ibid. Voir également F. Pomel, « Michel Rio et le modèle textuel médiéval : filiation et paternité littéraires », Images du Moyen Âge, dir. I. Durand-Le Guern, Rennes, PUR, 2006, p. 143.

45  La Suite du Roman de Merlin, op. cit., t. I, § 57, p. 45.

46  Ibid., t. I, § 173, p. 133-134.

47  F. Pomel, « Cavernes, tombeaux et voix d’outre-tombe dans Merlin et La Terre Gaste de Michel Rio : variations sur l’enserrement de Merlin », art. cit.

48  P. V. Rockwell, French Arthurian Romance, vol. III – Le Chevalier as deus espees, Cambridge, D. S. Brewer, 2006.

49  La Mort le Roi Artu, op. cit., § 190, p. 245.

50  M. Rio, Merlin, le faiseur de rois, Paris, Fayard, 2006.

51  M. Séguy, « Ce qui aurait pu être, ou ce qui fut et qui est : temps du mythe et temps du monde dans le Merlin de Michel Rio », La trace médiévale et les écrivains d’aujourd’hui, dir.  M. Gally, Paris, PUF, 2000, p. 153.

52  Comprenant dans l’ordre narratif : L’Estoire del Saint Graal, Merlin, la Suite du Merlin – dite Suite historique ou Suite Vulgate, le Lancelot en prose, La Queste del Saint Graal et La Mort le Roi Artu.

53  Cycle reconstitué à partir de fragments manuscrits français et galaïco-portugais et qui contiendrait une Estoire del Saint Graal, Merlin, la Suite du Roman de Merlin ou Suite-Huth, une version de La Queste del Saint Graal et une version de La Mort le Roi Artu.

54  M. Rio, La Terre Gaste, Paris, Seuil, 2003.

55  Merlin, op. cit., p. 129-130 et Morgane, op. cit., p. 185.

56  Arthur, op. cit., p. 105.

57  La Suite du Roman de Merlin, op. cit., t. I, § 2-3, p. 1-2.

58  Voir H. Bouget, « Haine, conflits et lignages maudits dans le cycle de la Post-Vulgate », Lignes et lignages dans la littérature arthurienne, actes du 3ème colloque arthurien de Rennes (13-14 oct. 2005), dir. C. Ferlampin-Acher et D. Hüe, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2007, p. 219-230.

59  Extrait du texte publié dans Le Magazine Littéraire, décembre 1999, repris dans Arthur, op. cit., p. 168.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Hélène Bouget, « Trahison et résurgence de la matière arthurienne dans la trilogie de Michel Rio Merlin, Morgane, Arthur »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 19 | 2010, 191-206.

Référence électronique

Hélène Bouget, « Trahison et résurgence de la matière arthurienne dans la trilogie de Michel Rio Merlin, Morgane, Arthur »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 19 | 2010, mis en ligne le 30 juin 2013, consulté le 22 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/12004 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.12004

Haut de page

Auteur

Hélène Bouget

Université de Bretagne Occidentale, CRBC, Brest

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search