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De tyranno et principe (Cambridge, Corpus Christi College, ms. 469)

Un pamphlet « britannique » contre la tyrannie d’Henri III ?
Frédérique Lachaud
p. 87-104

Résumés

Le texte intitulé De tyranno et principe, conservé dans le ms. 469 de la Parker Library, a été analysé comme un traité composé dans des milieux ouverts aux idées du mouvement de réforme dirigé par Simon de Montfort. On a souligné l’hostilité de l’auteur à la « tyrannie » du gouvernement royal, l’expression dans son ouvrage d’une « conscience britannique », tout comme son préjugé fortement anti-Romain. Il semble toutefois difficile de suivre cette interprétation : copié-collé de textes variés, le De tyranno et principe est le complément sans originalité d’une compilation alphabétique de notions morales et spirituelles. La dimension britannique n’est cependant pas absente du texte : l’intérêt de l’auteur pour le thème de la tyrannie peut être situé dans un courant historiographique et politique spécifiquement insulaire.

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Texte intégral

  • 1  A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England : The Evidence of ms C (...)
  • 2  Pour la description du manuscrit, voir ibid., p. 276 et M. R. James, A Descriptive Catalogue of th (...)
  • 3  A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 277.

1Dans un article publié en 1977, Amnon Linder attirait l’attention des historiens sur un traité, intitulé De tyranno et principe, conservé dans un manuscrit de la Parker Library (Cambridge, Corpus Christi College, ms. 469, fol. 158v-166v)1. La plus grande partie du volume, qui comprend 191 feuillets, est écrite dans une écriture livresque, avec des initiales décorées et quelques dessins marginaux. Aux côtés du De tyranno et principe figurent d’autres textes : l’Admonitio ad filium spiritualem du Pseudo-Basile, des extraits des Etymologiae d’Isidore de Séville, une compilation de proverbes et d’autres paroles édifiantes, un Brut, inspiré de Geoffroi de Monmouth, une chronique, en français, des rois anglais, et quelques très courts textes – notamment un texte qui a pour incipit Lex Dei et premium habet2. La chronique en français des rois anglais se termine, dans ce manuscrit, par la mort du roi Jean, ce qui suggère qu’elle fut composée au plus tard pendant le règne d’Henri III (1216-1272). Par ailleurs, la mention au passé, dans la compilation de proverbes, d’un « comte de Montfort », en qui A. Linder voyait Simon de Montfort, le chef du mouvement réformateur qui s’était opposé au roi Henri III de 1258 à 1265, permet de proposer pour cette partie du manuscrit une date postérieure à la mort du comte sur le champ de bataille d’Evesham en août 12653. Ces deux indications suggèrent que la composition de ces deux parties du volume, voire de l’ensemble des textes qu’il contient, aurait eu lieu pendant les dernières années du règne d’Henri III.

  • 4  Le passage Constantinus fecit Rome… basilicis pluribus adornavit (fol. 163v-164r) est plus proche (...)
  • 5  « Finally, a group of biographies and short characterizations (Galba, Otho, Domitian, Trajan, the (...)

2Toutefois, le De tyranno et principe, qui est le quatrième texte du volume, comprend de nombreuses fautes de copies, ce qui implique l’existence d’une copie antérieure au moins. Ce court traité, dont l’auteur demeure anonyme, est une compilation de passages tirés de sources diverses, dont la plupart ont été identifiées par A. Linder : le Liber breviarium historiae romanae d’Eutrope, la Vita Silvestri, les Etymologiae d’Isidore de Séville, l’Historia Anglorum de Henry de Huntingdon et, surtout, le Policraticus de Jean de Salisbury4. Quant aux passages dans lesquels A. Linder proposait de voir une composition originale de l’auteur5, il s’agit, en réalité, d’extraits de la lettre à Henri Ier d’Henry de Huntingdon. En dehors de quelques formules de transition, le texte du De tyranno et principe est entièrement composé d’emprunts faits à différentes sources.

3Malgré tout, cet aspect de compilation ne signifie pas que l’auteur de ce traité n’ait pas cherché à exprimer des points de vue spécifiques. On trouvera en appendice une transcription du texte, avec une référence aux sources utilisées, mais l’on peut tenter d’en donner ici une analyse générale. La première section, intitulée De tyranno et principe, repose entièrement sur trois passages tirés de la première partie du chapitre 17 du livre VIII du Policraticus. D’emblée, le tyran est décrit comme celui qui oppresse le peuple par une domination violente, alors que le prince gouverne selon les lois. Une définition de la loi suit cette première assertion : la loi est don de Dieu, forme de l’équité, norme de la justice, image de la volonté divine, gardienne du salut, union et consolidation des peuples, « règle des offenses » (regula offensorum) – une déformation du propos de Jean de Salisbury, qui évoquait la « règle des devoirs » (regula officiorum) –, exclusion et extermination des vices, châtiment de la violence et de toute injure. Il est ensuite rappelé que le prince combat pour les lois et pour la liberté du peuple, alors que le seul désir du tyran est de réduire les lois à néant et d’asservir le peuple. Le prince est l’image de la divinité, mais le tyran est l’image de la force de l’Adversaire et de la méchanceté luciférienne. L’origine du tyran est l’iniquité, et de cette racine empoisonnée germe et pousse un arbre mauvais et fatal, qu’il faut détruire par la hache. En effet, si l’iniquité et l’injustice, qui exterminent la charité, ne faisaient pas naître la tyrannie, une paix sûre et une tranquillité perpétuelle pourraient régner sur les peuples pour l’éternité.

4La section suivante, intitulée Quod tyranni sunt ministri Dei, repose sur plusieurs passages du chapitre 18 du livre VIII du Policraticus : il ne s’agit pas, rappelle l’auteur du De tyranno et principe dans les pas de Jean de Salisbury, de nier que les tyrans sont des serviteurs de Dieu. Dans sa colère, celui-ci a donné des rois aux hommes : certains de ces rois sont bons, d’autres sont mauvais. Les tyrans sont l’instrument du châtiment des mauvais sujets et, par leur intermédiaire, les bons sujets sont corrigés et mis à l’épreuve. Bien plus, tout pouvoir est bon, puisqu’il découle de Dieu, et si la tyrannie est bien un abus du pouvoir conféré à l’homme par Dieu, elle n’est pas sans contenir des choses dont l’usage peut s’avérer bénéfique. Le caractère universel de la tyrannie, qui est l’un des arguments les plus percutants du Policraticus, est également repris par l’auteur du De tyranno et principe. En effet, la tyrannie n’existe pas seulement chez les princes, mais chez tous ceux qui abusent de leur pouvoir : Dieu a placé les tyrans, par son juste jugement, dans les deux sphères, le gouvernement des corps et celui des âmes, un rappel du fait que les tyrans peuvent aussi être des clercs.

5À la suite de ces deux sections, qui font office d’introduction générale, figurent une vingtaine de courts portraits de princes et d’empereurs romains : tout d’abord César, Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Galba, Othon, Vitellius, Domitien, Titus, Nerva et Trajan, puis, après une interruption constituée par trois figures de tyrans bibliques (Pharaon, Sénnacherib et Nabuchodonosor), la série reprend avec une sélection de quelques figures d’empereurs : Philippe, Dèce, Aurélien, Carus, Dioclétien et Maximien, Maxence, Constantin, Julien, Valens, Gratien, Théodose et, enfin, Charlemagne. De tous ces personnages, c’est Julien l’Apostat qui reçoit le traitement le plus conséquent, suivi de Constantin et de Trajan. Pour composer ces différents portraits, l’auteur s’est appuyé essentiellement sur le livre VIII du Policraticus, sur la lettre à Henri Ier d’Henry de Huntingdon et sur le Liber breviarium d’Eutrope ; pour le portrait de Constantin, ce sont la Vita Silvestri et l’Historia Anglorum d’Henry de Huntingdon qui ont été mises à contribution.

  • 6  Néanmoins, l’annonce du récit de la mort dans la rubrique n’est pas toujours suivie d’effet : ains (...)

6La section qui ouvre cette partie est intitulée De morte Sesaris et aliorum principum et tyrannorum : elle comprend un éloge des qualités de César, mais aussi un rappel du fait que les contemporains considéraient son mépris du Sénat et plusieurs de ses actions comme tyranniques, un jugement qui justifie la conjuration des sénateurs et l’assassinat de César. La plupart des portraits qui suivent sont placés sous le signe de la bonne ou de la mauvaise mort, comme le rappelle la rubrique Omnium tirannorum finem esse miseriam qui figure au fol. 161: la mauvaise mort est le reflet d’un règne mauvais ou tyrannique6. La mort de Tibère, par le poison, fut saluée avec joie par le peuple de Rome ; les morts de Caligula, de Galba, d’Othon, de Vitellius, de Domitien, pour n’en citer que quelques-unes, jettent sur leur règne un éclairage révélateur. Toutefois, certaines morts ne sont pas nécessairement le reflet d’un règne mauvais ou tyrannique : Claude évita la tyrannie, mais la manière dont il mourut suggère l’emploi du poison. Le décès de Trajan reflète ses excès de table, mais conclut un règne excellent par sa modération. En réalité, l’auteur du De tyranno et principe va au-delà d’une assimilation systématique du bon règne et de la bonne mort, du mauvais règne et de la mauvaise mort. Dans la tradition du contemptus mundi, et dans les pas de Henry de Huntingdon, il conclut que tous les empereurs évoqués, qu’ils aient été bons ou mauvais, ont été réduits à néant par la mort.

7Des considérations générales sur la royauté et la tyrannie, tirées des Étymologies d’Isidore de Séville et du Policraticus, suivent cette longue section sur les bons et les mauvais princes. La position prise par l’auteur y apparaît comme nuancée. Il remarque que le terme « tyran » désignait, dans la Grèce antique, les rois, et qu’il ne revêtait pas nécessairement une signification péjorative. Par la suite, l’usage lui donna un sens négatif, et il finit par désigner les pires rois, ceux qui font peser sur les peuples une domination excessive et cruelle. Le texte se termine par un passage, directement inspiré des livres II et III du Policraticus, qui démontre que la tyrannie est étroitement liée au destin de Rome. L’histoire montre en effet que Rome fut souvent victime de la tyrannie et de séditions fréquentes – les deux paraissant indissociables – si bien que peu de princes romains connurent une mort naturelle. C’est que les Romains furent toujours sensibles à la corruption, qu’il s’agisse de la corruption matérielle ou de l’accès aux honneurs ; c’est aussi que l’histoire de Rome fut marquée, depuis sa fondation, par l’ambition et l’avarice.

  • 7  A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 282.
  • 8  Ibid., p. 280-281.
  • 9  « The treatise was obviously conceived as a political tract. Most of the definitions were borrowed (...)
  • 10 Ibid., p. 281.
  • 11 A. Linder, « The Knowledge of John of Salisbury in the late Middle Ages », Studi Medievali, 3e séri (...)

8Quelle est la signification du De tyranno et principe ? Pour A. Linder, il s’agit clairement d’un pamphlet politique, dont les thèses sont proches de celles que défendaient les barons coalisés contre le gouvernement d’Henri III : c’est dans le contexte d’une critique récurrente de la royauté et de tensions constitutionnelles qu’il faudrait comprendre le De tyranno et principe7. Les exemples historiques qui suivent la partie introductive du texte exprimeraient une réflexion fondamentale sur la légitimité du pouvoir : en particulier, les jugements portés sur les différents princes mentionnés dans le texte reposeraient sur deux catégories d’approbation du pouvoir, une forme d’approbation religieuse et une forme d’approbation séculière8. Bien plus, la définition de la tyrannie qui ouvre le texte implique à ses yeux que l’auteur faisait du tyrannicide un devoir9. Par ailleurs, la dimension britannique du texte serait également significative, et se trouverait renforcée par l’expression d’une hostilité à Rome, qu’il s’agisse de la Rome des papes ou de la Rome antique10. Quant à l’auteur du traité, il pourrait s’agir d’un cistercien sensible aux idéaux de réforme11.

  • 12  A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 276, (...)

9Si l’on s’en tient au dernier point, le contenu du volume suggère bien une audience cléricale, voire monastique, plutôt que curiale et aristocratique. Mais il semble difficile de suivre l’interprétation proposée par A. Linder au sujet de la nature du traité et des buts poursuivis par son auteur. Ainsi, il n’est pas évident que le De tyranno et principe – ce titre n’est d’ailleurs que celui de la première section de cette partie du manuscrit – puisse être considéré comme un texte autonome. Certes, la table qui figure au début du volume, et qui fut établie au xve siècle, le mentionne de manière séparée, sous le titre Liber de tyrannis et morte Cesaris et aliorum principum et tyrannorum12. Mais cette mention ne suffit pas à garantir le caractère indépendant du De tyranno et principe par rapport aux autres textes qui figurent dans le manuscrit : en particulier, une comparaison avec la compilation de proverbes et de dits moraux qui constitue le troisième texte dans le volume fait apparaître de nombreuses ressemblances avec le De tyranno et principe, qui permettent de penser que le même auteur est responsable de la composition des deux textes et qu’il les a conçus comme un tout.

  • 13  Fol. 131v-132r : In Parabolis. Sicut rugitus leonis ita et terror regis qui provocat eum peccat in (...)
  • 14  Fol. 132r : Nam vix ulla potestas longa est et magna repente ruunt. Principis est virtus maxima no (...)
  • 15  Fol. 132r-132v : Unde Constantinus Romanorum fidelissimus imperator cum sacerdotum concilium apud (...)
  • 16  Fol. 133r-133v (d’après Policraticus, VIII, 14, 18 et 19).
  • 17  Fol. 132v : Item tales quidem, teste magno patre Augustino, Romani fuerunt. Nam cum eorum vicia pe (...)

10Les notices sur les prélats, sur la loi, et surtout sur le prince (fol. 131v-133v) sont ainsi très proches, par leur contenu, comme par leurs sources, du De tyranno et principe. La notice De principe s’ouvre sur plusieurs citations bibliques13, puis l’auteur s’attache aux vices et aux vertus des princes, avant de rappeler la nécessité pour le bon prince de se reposer sur le conseil des prêtres, de les respecter et de reconnaître leur supériorité14. C’est la figure de Constantin qui illustre cette partie, pour laquelle l’auteur s’est largement reposé sur le livre IV du Policraticus15. Le portrait du prince inique est également tracé, toujours d’après Jean de Salisbury, en s’attachant particulièrement à la figure de Néron16. Le portrait de Néron n’est pas repris dans le De tyranno et principe, ce qui prouve bien que l’auteur a conçu ce texte comme un complément, voire un post-scriptum à la section sur les proverbes et autres paroles édifiantes. De plus, quelques lignes de la section De principe sur l’ambivalence des Romains, toujours d’après Jean de Salisbury (Policraticus, VIII, 14), annoncent la fin du De tyranno et principe : les Romains étaient les pires de tous quand ils tombaient dans le vice, mais ils étaient les meilleurs quand ils se montraient vertueux. Une domination pacifique et douce leur a acquis un empire ; mais l’excès et la cruauté l’ont perdu17.

11La section intitulée De tyranno et principe a clairement été conçue comme une suite de la section précédente. Elle opère aussi la transition avec les parties suivantes conservées dans le manuscrit. L’indication, au fol. 159r, selon laquelle l’auteur souhaite commencer son récit par la dynastie des César (Ocurrit inprimis domus Cesarea), suggère bien que la partie centrale du De tyranno et principe annonce et doit être suivie de l’histoire d’autres dynasties. Celle-ci figure dans deux courtes chroniques, la première en latin (fol. 167r-177v), la seconde en français (fol. 178r-181r), lesquelles ont pour objet l’histoire des dynasties de Bretagne, la césure entre les deux textes étant constituée par le règne d’Edgar (959-975).

  • 18  Le caractère composite du Liber de principis instructione de Giraud de Barry s’explique sans doute (...)

12Le De tyranno et principe se situe, dans le manuscrit, entre une compilation de notions générales d’ordre spirituel, moral et politique, et deux chroniques : il relève aussi des deux genres. C’est que la vision de l’histoire qui s’exprime ici est particulière : elle obéit aux canons du contemptus mundi, mais le fait que le récit historique à proprement parler soit encadré par deux passages généraux sur la tyrannie permet de la placer dans une autre tradition historiographique, dominée par le thème de la tyrannie et par celui de la mort des tyrans, et dont le Liber de principis instructione de Giraud de Barry, à la fois « miroir au prince » et histoire des « tyrans » anglais, est sans doute l’exemple le plus achevé18. Si l’on ne peut suivre l’interprétation d’A. Linder lorsqu’il affirme que le De tyranno et principe développe une réflexion sur la légitimité du prince, il est indéniable en revanche que la figure du tyran est le fil conducteur du texte. Toutefois, loin de défendre le tyrannicide, le De tyranno et principe se cantonne à des généralités prudentes sur la tyrannie, et à une condamnation des tyrans qui ont marqué l’histoire de Rome, en omettant de citer les passages, d’ailleurs ambigus, du Policraticus au sujet de la nécessité du tyrannicide.

  • 19  A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 276.
  • 20  Le traité a été édité par S. Gieben, « Robert Grosseteste at the Papal Curia, Lyons 1250. Edition (...)

13Il est frappant de constater à quel point la réflexion sur la tyrannie dont fait état le De tyranno et principe est tributaire des idées de Jean de Salisbury. À cet égard, on peut rapprocher ce texte des grands traités mendiants de la période, qu’il s’agisse du Speculum majus et du De morali principis institutione de Vincent de Beauvais – deux ouvrages qui reprennent les passages de la chronique du cistercien Hélinand de Froidmont inspirés du Policraticus –, de l’Eruditio regum et principum de Guibert de Tournai ou encore du Communiloquium de Jean de Galles, tous largement dépendants du Policraticus, et pour la plupart rédigés dans des milieux proches de la cour capétienne. En revanche, et alors même que l’Admonitio ad filium spiritualem qui figure au début du manuscrit de Cambridge comprend des interpolations tirées d’un ouvrage de Robert Grosseteste19, le De tyranno et principe ne fait pas état de l’influence aristotélicienne, contrairement à la pièce De regno et tyrannide que Grosseteste avait intégrée au dossier présenté au pape à Lyon en mai 125020. Le texte de Grosseteste commence en effet par un exposé général de la nature de la tyrannie, qui est opposée au bon gouvernement, et pour lequel l’auteur s’est largement inspiré des livres V et VIII de l’Éthique sur la tyrannie et l’injustice. Grosseteste compare ensuite le gouvernement des hommes au gouvernement des âmes : celui-ci peut tout aussi bien dégénérer en une forme de tyrannie, en particulier quand le prélat pratique des extorsions sous prétexte de visiter son diocèse ou sa province.

14Le traité de Grosseteste n’est pas une critique du gouvernement royal. L’évêque de Lincoln le présenta ensuite à Simon de Montfort, mais il ne s’agissait pas non plus de mettre le comte de Leicester en garde contre les excès inhérents à tout pouvoir – mise en garde que certains historiens ont cru déceler dans ce geste après les excès dont Montfort avait été accusé dans son gouvernement de la Gascogne. C’est, en réalité, dans le contexte d’une controverse sur les pouvoirs respectifs de l’archevêque et de l’évêque que le De regno et tyrannide fut composé. La comparaison entre le De tyranno et principe anonyme et le texte de Grosseteste suggère qu’au XIIIe siècle, le thème de la tyrannie recoupait de manière transversale plusieurs champs du politique. En tout état de cause, en l’absence d’éléments précis qui permettraient de mieux saisir le contexte de la rédaction du De tyranno et principe, la présence du thème de la tyrannie dans ce texte ne peut véritablement être interprétée comme une référence au gouvernement royal contemporain.

  • 21  A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 281 : (...)
  • 22  De principis instructione liber, I, 18, éd. George F. Warner, Giraldi Cambrensis opera omnia, vol. (...)
  • 23  Gemma ecclesiatica, II, 38 (De praelatorum eminentia et officii statu periculosissimo), éd. J. S. (...)
  • 24  Les différentes œuvres de Giraud de Barry qui contiennent cette anecdote ne semblent pas avoir été (...)

15Enfin, le De tyranno et principe exprime-t-il une « conscience britannique » ? Pour A. Linder, c’est ainsi qu’il faut comprendre quelques indications données par l’auteur sur les liens entre la Bretagne et les personnages cités dans les notices historiques qui constituent la partie centrale du texte21. L’expression de cette « conscience britannique » serait renforcée par des sentiments anti-Romains, perceptibles notamment dans l’anecdote au sujet du diable qui se serait écrié, lors de la donation de Constantin, Hodie infusum est venenum in universo orbe. Sur ces deux points, il semble judicieux d’adopter une position nuancée. La dimension britannique des biographies d’empereurs demeure tout à fait mineure dans le De tyranno et principe, et se comprend pleinement si l’on tient compte des deux chroniques qui suivent, et qui sont un abrégé de histoire de l’île de Bretagne. En ce qui concerne l’anecdote au sujet de la donation de Constantin, elle figure déjà, comme A. Linder le note dans son article, dans plusieurs ouvrages de Giraud de Barry, mais il ne semble pas que le Cambrien ait souhaité par là faire état de manière spécifique de sentiments hostiles à Rome, même si Rome est certainement englobée dans sa critique générale de l’Église. Dans le De principis instructione, il utilise cette anecdote pour déplorer le fait que les richesses matérielles de l’Église font croître les vices au détriment des vertus, ce qu’une citation de Jérôme vient conforter22. Dans la Gemma ecclesiastica, il la cite pour illustrer un passage critique sur les possessions de l’Église, qui détournent les prélats de servir Dieu23. On peut penser que l’auteur du De tyranno et principe n’a fait que reprendre une déploration assez commune sur les conséquences néfastes des richesses de l’Église, et qu’il a pu trouver l’anecdote dans l’un des ouvrages de Giraud de Barry, à moins qu’elle n’ait circulé séparément24.

16En conclusion, il semble difficile de voir dans le De tyranno et principe un pamphlet hostile à un gouvernement royal tyrannique. L’idée selon laquelle il exprimerait une « conscience britannique » apparaît également peu convaincante, qu’il s’agisse d’une réaction à l’action du gouvernement d’Henri III ou à celle de Rome. Cependant, à de nombreux égards, le De tyranno et principe se situe bien dans la tradition de l’historiographie insulaire, comme de la réflexion sur les pouvoirs en Angleterre. On y reconnaît en effet une tonalité dominée par un certain pessimisme historique : le pouvoir est presque toujours, par définition même, tyrannique. Depuis Gildas, le thème de la tyrannie domine bien la tradition historiographique anglaise. Et la place éminente que Jean de Salisbury accorde au thème de la tyrannie dans le Policraticus suggère qu’elle est également fondamentale dans la réflexion politique qui s’est développée dans l’île à partir du XIIe siècle. La réflexion sur la tyrannie en Angleterre aux XIIe et XIIIe siècles ne peut être séparée d’une réflexion historique sur le pouvoir qui s’attache non seulement à la figure des tyrans, mais aux tentations de la tyrannie qui menacent tout pouvoir.

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Annexe

Transcription du De tyranno et principe (Cambridge, Corpus Christi College, ms. 469, fol. 158v-166v)

Les particularités orthographiques du texte ont été respectées, mais les lettres u et i ayant valeur de consonne ont été transcrites v et j respectivement. La ponctuation a été modernisée. Les références aux sources du texte sont données en note.

[fol. 158v] De tyranno et principe. Est autem tirannus25 ut eum philosophi depincxerunt, qui violenta dominacione premit populum ; princeps autem qui regit legibus. Porro lex donum Dei est, equitatis forma, norma justicie, divine voluntatis ymago, salutis custodia, unio et consolidacio populorum, regula offensorum26, exclusio et exterminacio viciorum, violencie et tocius injurie pena. § Item princeps pugnat27 pro legibus et populi libertate. § Tirannus nichil actum putat nisi leges evacuet et populum devocet in servitutem. § Item ymago quedam divinitatis est princeps, et tirannus est adversarie fortitudinis et luciferianaea pravitatis ymago. § Item origo tiranni28 iniquitas est, et de radice toxicata mala et pestiffera germinat et pullulat arbor, securi qualibet succidenda. Nisi iniquitas et injusticia carritatis exterminatrix tyrannidem procurasset, pax secura et quies perpetua in evum populos possedissetb. Quod tyranni sunt ministri Dei. Ministros Dei29 tamen tyrannos esse non abnego, qui in utroque primatuc, scilicet animarum et corporum, justo suo judicio esse voluit, per quos punirentur mali, et corrigerenturd et exercerenture boni. Nam et peccata populi faciunt regnare ypocritam. Et, sicut Regum testatur historia [fol. 159r], defectus sacerdotum in populo Dei tyrannos induxit. Et in furore Dei30 dati sunt reges, alii quidem boni, alii vero mali. § Jeremias31 : Ecce ego adducam32 Nabogodonosor servum meum, et quia bene servivit michi apud Tyrum, dabo ei Egiptum. Omnis potestas bona, quoniam ab eo est a quo solo omnia et sola sunt bona utentif bene. Ergo et tyranni33 potestas bona quidem est, tirannide tamen nichil est pejus. § Item sit enim tyrannis adeo concesse homini potestatis abusus. In hoc tamen malo multus est et magnus bonorum usus. § Patet ergo non in solis principibus esse tyrannidem, set omnes esse tyrannos qui concessa desuper potestate in subditisg abutuntur. De morte Sesaris et aliorum principum et tyrannorum. Ocurrit inprimis34 domus Cesarea, qua nichil potencius aut gloriosius ulla etate recolit mundus. § Siquidem Julius Cesar primus orbem prudencie et reimilitaris viribus adquisivit. Homo perpaucorum et cui nullum expresse similem adhuc edidit natura mortalium. Nullus eum in prosperis extolli35, nec in adversis frangi noverit, magnificus sine crudelitate, sine temeritate magnanimus. Nemo ferum36 expertus est Cesarem, nisi superbia rebellaret. Provocatus injuriis pronus fuit ad veniam. Quos vicit viribus, prudencia antecessit. § Item excessus ejus videbantur sperare et ad justiciam aspirare. Quod ex eo conici potest quod nullum tempus [fol. 159v] sibi voluit esse philosophie expers. His videtur Orosius pro parte consentire. Cum enim in Egipto magna pars militum ejus cecidisset, et ipse cogeretur respicere Scevam qui in singulari virtute eminens inter Cesarianos obsedit « muris calcantem menia Magnum », insistencium Egiptorum vi pressus Cesar scapham ascendit, qua mox pondere sequencium gravata et mersa, per ducentos passus ad navem, una manu elata qua cartas tenebat natando pervenit. § Hic tamen, quia rem publicam armis occupaverat, nec senatui37 ad se venienti assurgeret aliaque tyrannica faceret, tyrannus reputatus est, et magna parte senatus concencione38 strictis pugionibus occisus in Capitolio. § Conjuratum est in eum a LX vel amplius senatoribus. Ergo Cesar, die idus martii, cum in senatum39 inter ceteros venisset ad curiam, tribus et XX vulneribus confossus est. § Set et ibi40 honestatis memor extitit, ut enim animavertit se strictis pugionibus peti toga capud involuit41, simul sinistra manu sinum ad ima deduxit quo honestius caderet. § Item Julius Cesar42 primus Romanorum singulare optinuit imperium. Hoc est quartum regnorum principalium que Daniel previderat. De Augusto Cesare. Augustus43 Cesar omnium felicissimus se sub interminacione pene dominum prohibitus est appellare et civem gerens tyrannidis rem declinavit et notam. Vicerat44 tamen Antonium et Cleo- [fol. 160r] -patram dominos Asie. Unde regnum Lagidarum defecit in Egipto, quod steterat annis CCXVI. Tiberius45 et a Julio tercius, veneno obiit, cujus morte ita letatur est populus, ut Terram matrem et deos Manes orarent ne mortuo sedem ullam darent nisi inter impios. De morte Gaii. Tercius tyrannus46 Gayus Caligula occisus est a domesticis suis. Quis47 enim Gaio Caligula Augusti tercio sucsesore tetrior aut inmanior preter Neronem, qui antecessores et successores omnes turpitudine vite et inauditis flagiciis superavit ? Sicut prescriptum est in capitulo de principe48. § Hic autem Caligula. Quia49 hostis deerat magnoque incredibili aparatu profectus est hostem querere, ociosisque viribus Germanniam Galliamque percurrens in ora Oceanih circa prospectum Britanie substitit. Romam reversus est, belli deficiente materia. § Item infestissimus50 quidem Judeis extitit et sacra Jerosolimorum loca prophanari et statuis impleri51 jussit et se coli ut deum. § Item Pilatum Judeum presidem tantis coartavit angoribus, ut sua se transverberans manu malorum compendium mortis celeritate quesierit. Sorores, quas Caligula primum stupro polluerat, dampnavit exilio, et post omnes simul exules jussit occidi. Ipse autem a suis protectoribus occisus est. § Item in secreto ejus inventi sunt duo libelli, continentes electissimorum nomina civium quos morti destinaverat. Eratque alterius [fol. 160v] inscripcio « gladius », alteri « pugio ». Item archa quoque ingens multiplicium venenorum inventa est, quibus Claudio Cesare jubente demersis maria ipsa magnoi piscium exicio protestante traduntur infecta. De morte Tyberii. Tiberius Claudius52, Britannie adquisitor, quintus a Julio, etsi tirannidem vitaverit, manifestis, ut alter Tyberius, veneni signis extinctus est. De Galba et Othone. Galba53 regnans anno nec uno proditor prodicione periit. Otho54 nichil amplius in regno durans belli congressibus occisus est. Vitelliusj.55, nonus a Julio, turpissime protractus est a cellula in quam se construserat, nudus et deductus per viam sacram passim fimum in os ejus conjectantibus aliis et a populo Romano apud Gemonicas scalas minutissimis ictibus excarnificatus, unco tractus est in Tiberim. De morte Domiciani. Domicianus XII. Quia ecclesiam56 Dei immo et totum imperium laceravit, eodem in se Dei usus judicio et ipse laceratus est. Cujus cadaver popularis sandapila per vispiliones exportatum atque ignominiosissime sepultum est. Domicianus57 optimus arcu, pessimus actu. De Tyto. Titus58 vir omnium genere virtutum mirabilis, adeo ut amor et delicie humani generis diceretur. Facundissimus, bellicosissimus, causas [fol. 161r] Latine egit, poemata et tragedias Grece composuit. § In oppugnacione Jerosolimorum sub patre militans, XII propugnatores XII sagittis confixit. § Rome tante civilitatis in imperio fuit, ut nullum omnino punierit. Convictos adversum sese conjuracionis dimiserit, et in eadem qua antea habuerit familiaritate. Facessitatis59 tante fuit, ut cum nulli quicquam negaret ab amicis reprehenderetur, respondit nullum tristem a imperatore debere discederek. Preterea60 cum quodam die in cena recordatus fuisset nichil se illo die cuiquam prestitisse, dixit : « Amici, hodie diem perdidi ». Nichil61 se in vita sua nisi semel tantum fecisse unde peniteret. § De Nerval imperatore. Nerva62 successor Domiciani omnia acta ejus revocavit in iritum et, ascriptus principibus non tyrannis, obiit. § De Trajano imperatore. Trajano adoptato in regno, qui tanta moderacione63 successit, ut sicut Augustus felicissimus, ita et iste imperator optimus diutissime habitus sit, et, ut ferunt, apud Seleucam urbem Isaurie pro fluvio ventris extinctus est. Trajanus64 vero vir item mirabilis ad imperium Rome splendificandum, quasi sol meridianus, ingressus est. Unde in proverbio dictum est : « Nemo Tito melior, Trajano felicior ». Nec tamen vir tantus vicio caruit. Erat enim vir potitor, triumphim apetitor, set in ceteris ammirandus. [fol. 161v] Omnium tirannorum finem esse miseriam. Punitur65 malicia semper a Domino sedn interdum suo, interdum quasi hominis utitur telo in penam impiorum. Afflixit Pharao populum Dei. Et ab eodem gravissimis, sicut in Exodo legitur, flagellatus est plagis. Et in fine cum curribus66 et equitibus suis in mari submersus est. Aquis ergo pro muro ad populi defencionem et pro telo ad subversionem tiranni usus est Dominus. De Ezechia. Tempore regis Ezechie venit angelus67 Domini nocte et percussit castra Asyriorum CLXXXV milia. Cumque diluculo surrexisset, Senacherib rex Assiriorum vidit omnia corpora mortuorum, et recedens abiit de obsidione Jerusalem. Et reversus est et mansit in Ninive. Cumque adoraret in templo Nesarath deum suum, Adramalec et Sarasaro filii ejus percusserunt eum gladio. Fugerunt in terram Armeniorum, et regnavit Esaradon filius ejus pro eo. Hic ergo68 angelico gladio primum adversus exercitum usus est Dominus, deinde adversus impium manibus filiorum. § Item adversus69 Dominum Nabogodonosor intumescens exacto septennio bestiam egit et penitens est denuo reversus in hominem rebus restitutus et regno, licet eo postmodum meruerit misero exitu spoliari. De Philippo imperatore. Philippus70 imperator Christianorum cum Philippo filio suo a Decio occisus est. De morte Decii. [fol. 162r] Decius71 vir crudelissimus in bello barbarico in pallude capre mersus nusquam comparuit. In tempore C° VII° fuit persecutio Christianorum. De morte Aureliani. Aurelianus72, vir omni mundo formidabilis, regnavit similis Alexandro magno, miles rigidissimus, dux invictissimus, marte splenduit, fraude corruit. De Caro. Carus73 fulmine periit. Numeranus filius ejus prodicione cesus occubuit. Dioclicianus74 et Maximianus cum viginti annis regnascent, deposito sponte imperio, philosophi devenerunt. Quod novum fuit et omnibus seculis inauditum. Constantinus75 flos Britannie regnavit XXXa annis et X mensibus. Hic igitur Britannicus genere et patria, ante quem nec post similis egressus est de Britannia, duxit exercitum a Britannia et Gallia in Italiam. Maximianus enim Maxencium filium suum Augustum Rome constituerat. Contra quem Constantinus, adhuc infidelis tendens, vidit angelum Dei ostendentem sibi signum crucis, et hortantem se ut crederet. Credidit ille statim, Maxenciumque Deus flumine submersit. Constantinus igitur potitus imperio, Maximianum bis lege belli superavit, solusque regnum mundi tenuit, et a vulnere lepre, ut scriptura dicit, per sanctum Silvestrum in baptismate mundatus est. Unde ipse Constantinus Augustus ait : § « Sit itaque omnibus datum. [fol. 162v] Quod sum76 a Christo quem negabam pristine redditus sanitati et ab isto errore, ipso domino Jesu Christo auxiliante, cessamusp. » § Item « Patere77 volumus Christianis ecclesias, ut privilegia que sacerdotes templorum habere noscuntur, antistites christiane legis assumant. § Ut autem notum sit universo orbi Romani vero Deo et domino Jesu Christo nos inclinasse cervices. Intra pallacium meum ecclesiam Christo arripui construendam, ut universitas hominum comprobet, nulla dubietatis in corde meo vel preteriti erroris remansisse vestigia. » § Cum in isto verbo Augustus finisset aloquium, vox populorum simulque senatus per tria horarum spacia hec fuit : « Qui Christum negant, male depereant, quia ipse est verus Deus », clamaverunt tricies. § Item « Unus deus christianorum » : dictum est quadragies. § Item « Templa claudantur et ecclesie pateant » : dictum est decies. § Item « Qui Christum non colunt, inimici sunt Augustorum » : dictum est quadragies. Item « Sacerdotes templorum ab urbe pellantur » : dictum est quadragies. § Item « Qui Christum non colunt, hostes Romanorum sunt » : dictum est decies. § Item « Qui salvavit Augustum, ipse est verus Deus » : dictum est tricies. § Item « Qui Christum colit, semper vincit » : dictum est quadragies. § Item « Quid adhuc [fol. 163r] sacrificant dis ab urbe pellantur » : dictum est terdecies. § Item dictum est : « Jube ut hodie repellantur ». § Item ex qua78 hora mundus surgens Constantinus inperator Christum se vidisse in fonte baptismatis confessus est. Et indutus vestibus candidis prima die baptismatis sui hanc legem dedit : § « Christum Deum esse verum, qui se mundasset a lepre periculo et hunc debere coli ab omni orbe Romano ». § Postea exuens se clamidem et accipiens bipennem, terram primus aperuit ad fundamentum basilice construende. Deinde in numero XII apostolorum XII cophinos plenos suis humeris superpositos bajulauit de eodem loco ubi fundamentum basilice apostolis debueratq fundari. Et ita gaudent et exultans, in caruca sua una cum papa residens ad pallacium rediit. § Item altera vero die similiter intra pallacium suum Lataranense basilice fabricam cepit79. Dans talem legem ut qui Christum blasphemasse probatus fuerit puniretur. § Item tercia die promulgavit legem hanc : ut si quis Christiano fecisset injuriam, omnium bonorum suorum facultatem dimidiam amitteret. § Quarta die, privilegium eo die Romane pontifici contulit, ut in toto orbe Romano sacerdotes ita hunc capud habeant sicut omnes judices regem80. [fol. 163v] Eodem tempore audita erat vox in aere : « Hodie infusum est venenum in universo orbe »81. § Item Constantinus fecit Rome82 ubi baptizatus est basilicam Johannis baptiste que vocatur Constantinianar. § Item basilicam Petro et Paulo in templo Appolinis corpus utriusque ere cipro circumdans V pedes in grosso. § Item basilicam in pallacio Sosoriano que cognominabatur Jerusalem ubi de ligno crucis Domini posuit. § Item basilicam sancte martyris Agnetis, ex rogatu filie sue. § Item basilicam beato Laurencio via Tyburtina in agro Verano. § Item basilicam via Lavicana Petro et Marcellino martyribus, et mausoleum ubi matrem suam posuit in sarcophago purpureo. § Item basilicam in civitate Hostia juxta portum urbis Rome. § Item basilicam in civitate Albanensi sancti Johannis baptiste. § Item basilicam in urbe Neapoli. § Constantinus urbem nominis sui statuens in Tracia, sedem Romani imperii et tocius orientis capud esse voluit. § Item Depranam civitatem Bicinie in honorem martyris Luciani ibi condici instaurans ex vocabulo matris sue Helenopolim vocavit. § Idem statuit citra ullam hominum cedem paganorum templa claudi. § Helena vero Britannie nobilis alumpna, Lundoniam muro quod adhuc superest cinxisse fertur, et Colecestriam menibus adornasse. Set [fol. 164r] inter alia multa Jerusalem instauravit, mundatamque idolis, basilicis pluribus adornavit. De morte Juliani. Julianus83 vilis apostata et sordidus imperator dolo pocius quam viribus persecutus est Christum. Nec tamen viribus temperavit. Nam sub eo gravissima Christianorum exorta est persecucio, dum Galilei, quem dicebat, conatu impio nomen moliebatur extinguere. § Verum dum adversus Partos infaustam expedicionem ageret et idolis in reditu suo pro sacrificio cedem devoveret Christianorum, magni Basilii aliorumque sanctorum misertus est Deus precibus, Mercuriumque martirem destinavit qui tyrannum in castris mandato beate Virginis lancea perforavit morientemque coegit impium confiteri Galileum Christum scilicet, quem persequebatur esse victorem et de se triumphasse. § Dicunt enim84 quia cum fuisset vulneratus mox manum complevit sanguine suo et in aerem projecit dicens : « Vicisti, Galilee, vicisti ». Et in eo ipso confessus est victoriam etsi blasphemus. § Tempore suo nichil85 autem quod a paganis committeretur in Christum enorme videbatur, adeo quidem, ut nec sevire in mortuos inhumanum aut crudele paganis videretur. Unde in civitate Sebasta Johannis baptiste sepulcrum aperuerunt ignique tradiderunt ossa vero ad86 pulverem disperserunt. § Dum profectus esset Julianus imperator adversus Parthos, [fol. 164v] fuit in Antiochia87 vir quidam optimus pedagogus eratque illic famosissimus sophista Libanius expectans victoriam Juliani habensque pre oculis minas ejus. § Ait ergo veram deridendo religionem : « Nunc »,inquid, « fabri filius quid putas agit ». At pedagogus completus gratiam dixit : « O sophista, Creator omnium, quem fabri filium nominasti, locellum sepulture Juliano componit ». Post paucos dies mors nunciatur Juliani et in locello advectus est minarumque timor evacuatus. § Quis intulit88 ei vulnus mortis actenus ignoratur. Set alii quendam invisibilium hoc intulisse ferunt, alii unum pastorem Ismaelitarum, alii militem fame et itinere fatigatum. Set, sive homo sive angelus fuerit, patet quia divinis jussionibus ministravit. § Defunctus est autem tercio anno imperii sui, vite tricesimo primo. Nimium tamen vixisse visus est bonis qui nondum modo in ecclesiis set etiam in theatris predicabant victoriam Galilei. § Omnes enim clamabant : « Maxime fatue, ubi sunt vaticinia tua ? Vicit Deus et Christus ejus ». § Defuncto impio, inventa sunt in templis simulacra stupenda principis et mira insignia sapiencie conclamate et famosissime pietatis. Nam in Carris aperto templo, quod usque ad redditum suum clausum esse preceperat, inventa est mulier a capillis appensa, manus extensas habens, aperto utero, in cujus [fol. 165r] jecore eventum belli Persici fuerat speculatus. § In Antiochia quoque archas in pallacio plurimas humanis capitibus plenas invenerunt et demersa puteis innumera corpora mortuorum. § Prodigiosa et scelestas illius que nec imperatorem nec philosophum decuerunt, set impium et magum, Dei hostem et hominum, Tripartita lacius pandit Yhistoria89. § Refert autem Theodorus, quod cum Julianus juvenis Constancium imperatorem90 timens suspicacionemque cavens, tonsus monachicam simulabat vitam, agens proditorem in habitu christiano et in ecclesia Nicomedie lector ordinatus sic furorem declinavit imperatoris. Manus91 tamen non evasisset imperatoris : sua imperatrix Eusebia inveniens latitantem et pro eo intercedens optinuisset ut philosophandum mitteretur Attenas. Ipse autem exinde discurrens omnem Elladam vates querebat, consulens an ad imperium perveniret. § Inventoque viro qui se potentissimum in arte magica fateretur, introductus est ab eo in locum ydolorum, ut in abdito evocatos a mago demones presens ipse consuleret. Quibus sollempniter apparentibus compulsus est Julianus frontem suam crucis munire signaculo. Quo facto repente demones dispararuerunt. Magus itaque cepit culpare Julianum. At ille, pretendens metum, crucis dixit se obstupuisset virtutem, eo quod signum hoc [fol. 165v] demones fugerint. § « Non suspiceris hoc, bone vir », inquit magus, « quia timuerunt sicut ais. Set abhominati hoc signum pocius abierunt ». Et ita capiens miserum,odio christiani signaculi replevit Julianum. § Post hec, sicut Socrates auctor est, imperator, evocans Julianum, eum constituit Cesarem et, data sorore Constancia in uxorem, ipsum contra barbaros destinavit ad Gallias. Successit ergo ei fecitque sibi inicium vincendi barbaros quod amorem suum apud milites collocavit. § In ipso principio92 omnia pro libito disponebat fingmentumque christiane religionis abjecit et singularum urbium templa apperiens, ydolis offerebat, seipsum dicens esse pontificem paganorum. § Item si vel capita93 flagisciorum ejus vel sumatim que per ipsum in orbe adversus ecclesiam gesta sunt volvero enarrare, multis magnisque voluminibus tanta egebat materia. De morte Valentis. Valens Arianus94 a Gothis victus et igne combustus est. § Gracianus95 arcu preclarus apud Viennam per Maximum Britonem interficitur. De morte Theodosii. Theodosius96 Hispannia natus forma pulcherimus, manu acerrimus, mente liberimus fuit. A progenie Trajani descendens, similimus ei forma et moribus, nisi quod viciis eius caruit. Numquam bella quesivit [fol. 166r] set coactus inivit et semper vicit. Vir omni laude dignissimus. De morte Karoli. Karolus97 rex magnus imperavit XLVI annis. Romam libertati restituit. Tot mira fecit quod breviter ea tangere prolixum esset. Sanus thesauros suos et vestes egregie divisit. Febre periit. Sepultus est Aquisgrani cum vixisset annis LXXII. Pie vixit, pie obiit. Cogitetur ergo quomodo predicti imperatores sive bone sive mali exinaniti sunt, et ad nichilum devenerunt98. Regnum99 a regibus dictum. Nam sicut reges a regendo vocati, ita regnum a regibus. Item sicut enim sacerdos100 a sanctificando, ita rex a regendo. Non autem regit, qui non corigit. Recte ergo faciendo regis nomen tenetur, peccando amittitur. Unde et apud veteres tale erat proverbium : « Rex eris si recte facias. Si non facies, non eris rex ». Item reges101 autem ob hanc causam apud Grecos basilei vocantur, quod tanquam bases populum sustinent. Unde et bases coronas habent. Quanto enim quisque magis proponitur tanto amplius pondere laborum gravatur. Tiranni Greceu dicuntur, idem Latine et reges. Nam apud veteres inter regem et tyrannum nulla discrecio erat. Fortes enim reges tyrani vocabantur. Nam tyro fortis dicitur. Jam post ea in usum [fol. 166v] accidit tirannos vocari pessimos atque improbos reges, luxuriose dominacionis cupiditatem et crudelissimam dominacionem in populis exercentes. § Item sciendum quoque102 Romani tyrannidis et sedicionum suarum tam crebra dampna senserunt, ut vix quisquam principum eorum ad exitum vite natura ducente pervenerit. § Item omnis103 Romanus adulacione corrumpitur aut corrumpit. Certe, si non verbis, tamen omnes possunt fraudulentis muneribus expugnariv, et quos munuscula non deiciunt, honoribus capiuntur. § Item Romani104 a Romuli nomine nuncupati, qui urbem Romam condidit, gentique et civitati nomen dedit. Hii antea a Saturno Saturni, a Latino Latini appellati sunt. Nam Latinus Italiew rex fuit, qui ex suo nomine Latinos appellavit, qui postea Romani nuncupati sunt. Hii et quirites dicti, quia Quirinus dictus est Romulus, quod semper asta utebatur, que Sabinorum lingua quiris dicitur. § Item si quis105 ab inicio urbis condite totam revolvat ystoriam, eos ambicione et avaricia pre ceteris gentibus inveniet laborasse et variis sedissionibus plagis totum orbem concussisse. Ipsi quoque tyrannidis et sedicionum suarum, sic predictum est, tam crebra dampna senserunt, ut vix quisquam principum eorum ad exitum vite natura ducente pervenerit.

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Notes

1  A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England : The Evidence of ms Cambridge Corpus Christi College 469 », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 40, 1977, p. 276-282.

2  Pour la description du manuscrit, voir ibid., p. 276 et M. R. James, A Descriptive Catalogue of the Manuscripts in the Library of Corpus Christi College, Cambridge, 2 vol., Cambridge, 1911, vol. 2, p. 403-405.

3  A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 277.

4  Le passage Constantinus fecit Rome… basilicis pluribus adornavit (fol. 163v-164r) est plus proche du texte de l’Historia Anglorum de Henry de Huntingdon que de celui de la Chronica majora de Bède (Bedae venerabilis opera, pars VI, Opera didascalica, 2, éd. C. W. Jones, Turnhout, Brepols, Corpus Christianorum, Series Latina, 123B, 1977, p. 509-510), qu’A. Linder identifiait comme l’une des sources du De tyranno et principe (« John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 279).

5  « Finally, a group of biographies and short characterizations (Galba, Otho, Domitian, Trajan, the two Philips, Decius, Aurelian, Carus, Valens, Gratian, Theodosius and Charles the Great) is probably to be identified as an original composition. Most, though inspired by various classical and medieval sources, nevertheless share the common feature, peculiar to this group only, of an extensive use of poetical means, rhyming, alliteration and assonance » (ibid., p. 280).

6  Néanmoins, l’annonce du récit de la mort dans la rubrique n’est pas toujours suivie d’effet : ainsi, dans le passage intitulé De morte Theodosii, on ne trouve aucune indication sur la mort de Théodose, mais uniquement des considérations sur son règne et sur ses qualités personnelles.

7  A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 282.

8  Ibid., p. 280-281.

9  « The treatise was obviously conceived as a political tract. Most of the definitions were borrowed from the Policraticus, and tyranny is accordingly defined as a violent oppression of the people, as an absolute negation of law and liberty, of charity and of peace, and finally as a manifestation of the Devil’s work. Tyrannicide becomes, consequently, a duty » (ibid., p. 280).

10 Ibid., p. 281.

11 A. Linder, « The Knowledge of John of Salisbury in the late Middle Ages », Studi Medievali, 3e série, 18, 1977, p. 315-366, à la p. 326. Dans son article sur le Policraticus au XIIIe siècle, A. Linder fait également état, au sujet de Simon de Montfort, des bonnes relations que celui-ci entretenait avec l’abbaye de Waverley (« John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 277, n. 15). Pour les relations de Simon de Montfort avec des établissements cisterciens, voir J. R. Maddicott, Simon de Montfort, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 42 et 102.

12  A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 276, n. 3.

13  Fol. 131v-132r : In Parabolis. Sicut rugitus leonis ita et terror regis qui provocat eum peccat in animam suam (Prov. 20, 2). Item leo rugiens et ursus esuriens princeps inpius super populum pauperem (Prov. 28, 15). Item regnantibus inpiis ruine hominum (Prov. 28, 12). Item princeps qui libenter audit verba mendacii et omnes ministros habet impios (Prov.29, 12). § Idem : Ve tibi terra cujus rex puer est, cujus principes mane comedunt (Eccl. 10, 16). § Ysaias sinagoge principes tui infideles socii furum omnes diligunt munera, secuntur retribuciones, puppillo non judicant, causa vidue non ingreditur ad eos (Es. 1, 23). § Item dejecisti eos dum alevarentur (Ps. 72, 18).

14  Fol. 132r : Nam vix ulla potestas longa est et magna repente ruunt. Principis est virtus maxima nosse suos. § Item principem locupletem esse non prohibeo set avarum. § Item legat mens principis in lingua sacerdotis et quicquid egregium videt in moribus, quasi legem Domini veneretur. Nam vita et lingua sacerdotum quasi quedam (sic) liber vite est in facie populorum. § Item princeps minister sit sacerdotum et minor eis quia constat principem legi justicia esse subjectum, auctoritate divine legis (d’après Policraticus, IV, 4, 5 et 6).

15  Fol. 132r-132v : Unde Constantinus Romanorum fidelissimus imperator cum sacerdotum concilium apud Neceam (sic) civitatem convocasset, nec primum locum tenere ausus est nec se presbiterorum inmiscere consessibus, set sedem novissimam occupavit. Sentencias vero quas ab eis conprobatas audivit, ita veneratus est ac si eas de divine majestatis sensisset emanasse judicio. Set et libellos inscripcionum, quos ad invicem conceptos, sacerdotum crimina continentes, imperatori porexerant, suscepit quidem clausosque reposuit in sinu suo. Cum autem eodem (pour eosdem) ad concordiam et caritatem revocasset, dixit sibi tanquam homini et qui judicio subjacet sacerdotum, illicitum esse deorum examinare causas qui non possunt nisi a solo Deo judicari. Libros quoque quos receperat, non inspectos dedit incendio, patrum veritus crimina vel convicia publicare et Cham reprobi filii incurrere maledictionem, qui patris verenda non texit. Unde in scriptis Nicolai pontificis idem dixisse narratur : Vere si propriis oculis vidissem sacerdotem Dei aut aliquem eorum qui monachico habitu circum amicti sunt, peccantem, clamidem meam explicarem et cooperirem eum ne ab aliquo videretur (d’après Policraticus, IV, 3).

16  Fol. 133r-133v (d’après Policraticus, VIII, 14, 18 et 19).

17  Fol. 132v : Item tales quidem, teste magno patre Augustino, Romani fuerunt. Nam cum eorum vicia percurruntur, gens nulla detrior ; cum virtutibus, nulla potior invenitur. Alias tamen gentes non creduli (pour crudeli) dominio, set mansueto subjugaverunt imperio, et quod moderacio adquisivit ; aut crudelitas aut luxuria perdidit. Non enim cura existimationis amissa, dominacionis cupiditate caruerunt (d’après Policraticus, VIII, 14).

18  Le caractère composite du Liber de principis instructione de Giraud de Barry s’explique sans doute par le fait qu’il fut composé sur plusieurs décennies, avec des objets contradictoires. La première partie du traité comprend un exposé des vertus du prince, et une réflexion générale sur la nature du pouvoir, mais les deux parties suivantes sont une histoire virulente et subjective de la tyrannie que subit l’Angleterre depuis l’accession au pouvoir d’Henri II et, plus largement, depuis l’arrivée des Normands dans le pays. Sur ce texte, je me permets de renvoyer à mon article : « Le Liber de principis instructione de Giraud de Barry », Le Prince au miroir de la littérature politique de l’Antiquité aux Lumières, dir. F. Lachaud et L. Scordia, Rouen, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2007, p. 113-142.

19  A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 276.

20  Le traité a été édité par S. Gieben, « Robert Grosseteste at the Papal Curia, Lyons 1250. Edition of the Documents », Collectanea Franciscana, 41, 1971, p. 340-393, aux p. 377-380.

21  A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 281 : « Another facet of the author’s political philosophy is revealed in the interest he manifests in the ‘British dimension’ of the quoted biographies. He takes great care to record any connection the emperors had with Britain, even the most trivial. » He manifests a « ‘national’ pride in the British origin of Helena, ‘Britanniae nobilis alumpna’, and of Constantine, ‘flos Britanniae’, and reproduces Henry of Huntingdon’s account of Helena’s building activities in London and in Colchester. This ‘British consciousness’ is complemented by strong anti-Roman sentiments ».

22  De principis instructione liber, I, 18, éd. George F. Warner, Giraldi Cambrensis opera omnia, vol. 8, 1891, p. 87-88 : Sic itaque primum ecclesia regalibus munificentiis dotari coepit et ditari, plus inde saecularis adepta sollicitudinis et subjectionis quam spiritualis beatitudinis vel tranquillae devotionis ; plus, inquam, exterioris assecuta per hoc pompositatis quam interioris, ut creditur, felicitatis. Proinde et antiquus hostis, facta largitione praedicta, sic in audientia publica legitur vocaliter pronunciasse, « Hodie ecclesiae venenum infudi. » Unde Jeronimus in Vitis Patrum, « Ecclesia ex quo crevit possessionibus, decrevit virtutibus, de vitiis nimirum et divitiis simul incrementa sumendo. » Denique Constantinus Augustus, omni tyrannica dominatione sublata et ecclesia Christi magnifice per orbem exaltata et dilatata, rebus humanis exemptus est felici fine defunctus.

23  Gemma ecclesiatica, II, 38 (De praelatorum eminentia et officii statu periculosissimo), éd. J. S. Brewer, Giraldi Cambrensis opera omnia, vol. 2, 1862, p. 360 : Sciant autem quodam loquendi tropo, quo continenti attribuitur quod contentorum est, haec et hujusmodi dici solere, sicut cum dicitur dies mali sunt vel terra mala. Non enim terrae vel temporum, sed potius hominum malitia designatur. Quid ergo hominibus solum serviunt, et non Deo ? Absit : sed plus hominibus quam Deo ; cum tamen scriptum sit : « Dominum Deum tuum adorabis, et illi soli serves. » Propter regalia nimirum ecclesiis data, ad fas omne nefasque pontifices a regibus provocantur. Unde cum beato Silvestro et successoribus ejus, Constantinus a lepra curatus, Romam et occidentale imperium contulisset, antiquus hostis humani generis in publica audientia alta voce clamavit : « Hodie ecclesiae venenum infudi ; » et vere venenum, quia fermentum illud venenosum quo totam ecclesiae massam male corrupit (ce passage est repris dans De invectionibus, VI, 27, éd. J. S. Brewer, Giraldi Cambrensis opera omnia, 1861, vol. 1, p. 192 et dans Speculum ecclesiae, IV, 39, éd. J. S. Brewer, Giraldi Cambrensis opera omnia, 1873, vol. 4, p. 350-351).

24  Les différentes œuvres de Giraud de Barry qui contiennent cette anecdote ne semblent pas avoir été largement diffusées, mais il n’est pas impossible que l’auteur du De tyranno et principe ait eu accès à l’une d’entre elles. La liste des manuscrits des œuvres de Giraud de Barry est donnée dans Robert Bartlett, Gerald of Wales, 1146-1223, Oxford, Clarendon Press, Oxford Historical Monographs, 1982, p. 213-221. A. Linder note aussi que l’anecdote apparaît dans l’œuvre de Walther von der Vogelweide (« John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 281 et n. 49 et 50), mais la filiation avec Giraud de Barry semble s’imposer.

25  Est autem tirannustocius injurie pena : d’après Policraticus, VIII, 17 (Joannis Saresberiensis episcopi Carnotensis Policratici sive De nugis curialium et vestigiis philosophorum libri VIII, éd. C. C. J. Webb, 2 vol., Oxford, Clarendon Press, 1909, vol. 2, p. 345).

26  Policraticus : regula officiorum.

27  Princeps pugnatpravitatis ymago : d’après Policraticus, VIII, 17 (ibid., vol. 2, p. 345).

a  Ms. luciferarie.

28  Origo tirannipossedisset : d’après Policraticus, VIII, 17 (ibid., vol. 2, p. 345-346).

b  Ms. possidisset.

29  Ministros Deitirannos induxit : d’après Policraticus, VIII, 18 (ibid., vol. 2, p. 358).

c  Ms. qui utroque primatu.

d  Ms. corigentur.

e  Ms. exercentur.

30  Et in furore Deialii vero mali : d’après Policraticus, VIII, 18 (ibid., vol. 2, p. 358).

31  Jer. 25, 9 et Ez. 29, 18, 19, 20.

32  Ecce ego adducamutenti bene : d’après Policraticus, VIII, 18 (ibid., vol. 2, p. 359).

f  Ms. utanti.

33  Ergo et tyranniin subditis abutuntur : d’après Policraticus, VIII, 18 (ibid., vol. 2, p. 359).

g  Ms. in subditos.

34  Ocurrit inprimisnatura mortalium : d’après Policraticus, VIII, 19 (ibid., vol. 2, p. 364-365).

35  Prosperis extollimagnanimus : d’après Policraticus, VIII, 19 (ibid., vol. 2, p. 365).

36  Nemo ferumin Capitolio : d’après Policraticus, VIII, 19 (ibid., vol. 2, p. 365).

37  Nec senatui… faceret : d’après Eutrope, Breviarium liber, VI, 25 (Eutrope, Abrégé d’histoire romaine, éd. J. Hellegouarc’h, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1999, p. 81-82).

38  Policraticus : consentiente.

39  Cum in senatumconfossus est : d’après Eutrope, Breviarium liber, VI, 25(ibid., p. 81-82).

40  Set et ibi honestatiscaderet : d’après Policraticus, VIII, 19 (éd. cit., vol. 2, p. 365-366).

41  Policraticus : obvoluit.

42  Julius Cesarpreviderat : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 79 (Historia Anglorum. The History of the English People, éd. D. Greenway, Oxford, Clarendon Press, 1996, p. 528).

43  Felicissimusnotam : d’après Policraticus, VIII, 19 (éd. cit., vol. 2, p. 366).

44  Vicerat… annis CCXVI : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 80 (Historia Anglorum, éd. cit., p. 528).

45  Tiberius… impius : d’après Policraticus, VIII, 19 (éd. cit., vol. 2, p. 366).

46  Tertius tyrannus… domesticis suis :d’après Policraticus, VIII, 19 (ibid., vol. 2, p. 366).

47  Quis enim… superavit ? : d’après Policraticus, VIII, 18 (ibid., vol. 2, p. 360).

48  Cette mention renvoie à la notice De principe dans la compilation de proverbes et d’autres paroles édifiantes, fol. 131v-133v.

49  Quia hostis deerat… deficiente materia : d’après Policraticus, VIII, 18 (éd. cit., vol. 2, p. 361).

h  Ms. occiani.

50  Infestissimus… infecta : d’après Policraticus, VIII, 18 (ibid., vol. 2, p. 361-362).

51  Policraticus : repleri.

i  Ms. magna.

52  Tiberius… extinctus est : d’après Policraticus, VIII, 19 (ibid., vol. 2, p. 366).

53  Galba… periit : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 85 (éd. cit., p. 530).

54  Otho… occisus est : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 86 (ibid., p. 530).

j  Ms. Vitelinus.

55  Vitellius… in Tiberim : d’après Policraticus, VIII, 19 (éd. cit., vol. 2, p. 367).

56  Qui Ecclesiam… sepultum est : d’après Policraticus, VIII, 19 (ibid., vol. 2, p. 369).

57  Domicianus… pessimus actu : Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 90 (éd. cit., p. 532).

58  Titus… descedere : d’après Eutrope, Liber breviarium, VII, 21 (éd. cit., p. 97) et Henry de Huntingdon, Historia Anglorum, I, 22 (éd. cit., p. 42-43).

59  Facilitatis et liberalitatis chez Eutrope et Henry de Huntingdon.

k  Ms. descedere.

60  Preterea… perdidi : d’après Eutrope, Liber breviarium, VII, 21 (éd. cit., p. 97).

61  Nichil… peniteret : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 89 (éd. cit., p. 532).

l  Ms. Nervo.

62  Nerva… in regno : d’après Policraticus, VIII, 19 (éd. cit., vol. 2, p. 369).

63  Qui tanta moderacione… extinctus est : d’après Policraticus, VIII, 19 (ibid., vol. 2, p. 369).

64  Trajanus… ammirandus : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 92 (éd. cit., p. 532).

m  Ms. triumhi.

65  Punitur… plagis : d’après Policraticus, VIII, 21 (éd. cit., vol. 2, p. 379).

n  ms. si.

66  Cum curribus… est Dominus : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 380).

67  Venit angelus… pro eo : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 380).

o  ms. Sirasar.

68  Hic ergo… filiorum : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 381).

69  Adversus… spoliari : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 381).

70  Philippus… occisus est : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 105 (éd. cit., p. 534).

71  Decius… comparuit : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 106 (ibid., p. 534).

72  Aurelianus… corruit : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 110 (ibid., p. 536).

73  Carus… occubuit : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 114 (ibid., p. 536).

74  Dioclicianus… inauditum : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 115 (ibid., p. 536).

75  Constantinus… mundatus est : d’après Henry de Huntingdon, Historia Anglorum, I, 38 (ibid., p. 60).

76  Quod sum… cessamus : d’après la Vita Silvestri (C. B. Coleman, Constantine the Great and Christianity, New York, Ams Press, Studies in History, Economics and Public Law, 146, 1914, p. 226).

77  Patere… ut hodie repellantur : d’après la Vita Silvestri (ibid., p. 226). L’ordre du passage de la Vita Silvestri dont s’inspire l’auteur n’est pas respecté.

78  Ex qua… orbe romano : d’après la Vita Silvestri (ibid., p. 223-224).

q  Ms. debutat.

79  Exuens… coepit : d’après la Vita Silvestri (ibid., p. 224-225).

80  Legem… regem : d’après la Vita Silvestri (ibid., p. 224).

81  Sur cette légende, qui apparaît notamment dans l’œuvre de Giraud de Barry, voir les commentaires d’A. Linder, « John of Salisbury’s Policraticus in Thirteenth-Century England », art. cit., p. 281.

82  Fecit Rome… adornavit : d’après Henry de Huntingdon, Historia Anglorum, I, 38 (éd. cit., p. 60-62).

r Ms. Constantinia.

83  Julianus… triumphasse : d’après Policraticus, VIII, 21 (éd. cit., vol. 2, p. 381).

84  Enim… blasphemus : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 393).

85  Nichil… disperserunt : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 391).

86  Policraticus : ac.

87  In Antiocha… evacuatus : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 392).

88  Quis intulit… ministravit : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 393).

s  Ms. celestia.

89  Defunctus… yhistoria : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 393).

90  Imperatorem… imperatoris : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 383).

91  Manus… collocavit : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 383-384).

t  Ms. obstipuisse.

92  Nam in ipso principio… paganorum : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 384).

93  Si vel capita… materia : d’après Policraticus, VIII, 21 (ibid., vol. 2, p. 391).

94  Arianus… combustus est : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 125 (éd. cit., p. 540).

95  Gracianus… interfecitur : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 126 (ibid., p. 540).

96  Theodosius… dignissimus : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 127 (ibid., p. 540).

97  Karolus… obiit : d’après Henry de Huntingdon, Lettre à Henri Ier, 156 (ibid., p. 550).

98  Cette phrase est proche de la dernière section de la Lettre à Henri Ier de Henry de Huntingdon : Vide igitur, rex sapientissime, vide et perpende, quam magnificorum, quam terribilium, regum nomina ad nichilum devenerint (ibid., p. 556).

99  Regnum… ita regnum a regibus : Isidore de Séville, Etymologiae, IX, 3, 1 (Isidore de Séville, Étymologies, livre IX. Les langues et les groupes sociaux, éd. M. Reydellet, Paris, Les Belles Lettres, Auteurs latins du Moyen Âge, 1984, p. 119).

100  Sicut enim sacerdos… non eris : d’après Isidore de Séville, Etymologiae, IX, 3, 4 (ibid., p. 121).

101  Reges… exercentes : d’après Isidore de Séville, Etymologiae, IX, 3, 18 (ibid., p. 131-133).

u  Ms. Greci.

102  Quoque… pervenerit : d’après Policraticus, II, 15 (éd. cit., vol. 1, p. 93).

103  Omnis… capiuntur : d’après Policraticus, III, 10 (ibid., vol. 1, p. 202).

v  Ms. expugnare.

104  Romani… dicitur : d’après Isidore de Séville, Etymologiae, IX, 2, 84 (éd. cit., p. 87-89).

w  Ms. Itale.

105  Si quis… pervenerit : d’après Policraticus, II, 15 (éd. cit., vol. 1, p. 93).

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Pour citer cet article

Référence papier

Frédérique Lachaud, « De tyranno et principe (Cambridge, Corpus Christi College, ms. 469) »Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 19 | 2010, 87-104.

Référence électronique

Frédérique Lachaud, « De tyranno et principe (Cambridge, Corpus Christi College, ms. 469) »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 19 | 2010, mis en ligne le 30 juin 2013, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/11988 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.11988

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Auteur

Frédérique Lachaud

Université de Paris-Sorbonne (Paris IV)

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