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2010

Droit de Réponse au Compte rendu de M. Lejbowicz sur l’ouvrage L’inconnu dans la maison. Réponse de M. Lejbowicz

Alain Boureau et M. Lejbowicz
Référence(s) :

Réponse d’Alain Boureau au Compte rendu de M. Lejbowicz sur l’ouvrage L’inconnu dans la maison. Réponse de M. Lejbowicz

Texte intégral

1La lecture de Max Lejbowicz est très partielle et ne porte que sur moins de 10 % du volume. Certes le titre du livre semble privilégier ce thème, mais je l’ai maintenu pour signaler l’hypothèse de départ du livre dont j’ai expressément noté le caractère incertain. J’ai explicitement écrit que le lecteur sceptique pouvait sauter le chapitre I, sans que la suite n’en souffre le moins du monde. Pour moi, il s’agissait de montrer que de l’incertain pouvait engendrer du certain. Or, ces résultats ne sont pas minces : nouvelle chronologie de Mediavilla, existence d’une « génération 1290 » de penseurs, apparition d’une pensée nouvelle de la contribution fiscale, définition d’une « situation quodlibétique » qui dépasse le genre universitaire, aperçus neufs sur les négociations autour du royaume de Naples, etc.

2Mais en restant sur le terrain de la mariologie, je maintiens contre le recenseur qu’il s’agir d’un sujet historique de plein droit. L’agnosticisme de notre fonction doit rendre compte de massifs changements de mentalités, dont les conséquences sont clairement historiques : les pèlerinages, les donations et les fidélités orientent différemment les comportements, notamment envers les Églises et les États. Faut-il rappeler que les Réformes se sont largement centrées sur le culte de la Vierge ?

3Venons en au seul et unique argument de Max Lejbowicz : j’aurais été égaré par un élément du questionnement  posé à (ou par) Mediavilla sur le mouvement céleste d’un corps d’Est en Ouest, que j’aurais sans façon adossé au miracle de Lorette. Le recenseur me renvoie alors au traité De sphera de Jean de Sacrobosco qui avait mentionné ce type de mouvement. Mais, précisément, pourquoi produire une « question de cours » ancienne dans un Quodlibet ? Et surtout  Max Lejbowicz ne rend pas compte de mes arguments :

41 Trois (et non une seule) conditions sont posées ensemble dans le titre de la question : en plus de la direction, on met en relation l’instantanéité et la caractère rectiligne du mouvement.

52 La presque totalité de la réponse inclut des anges comme auteurs du mouvement alors que le titre ne concerne que la puissance de Dieu.

6Mon argument sur l’étrangeté de la question et de la réponse garde alors toute sa force, même si l’étrangeté ne peut, comme je le dis, suggérer qu’une hypothèse et non constituer une preuve.

7Enfin, une petite erreur de lecture du recenseur me permet d’annoncer qu’en octobre prochain, c’est un tome des Questions disputées de Mediavilla que fais paraître aux Belles-Lettres, et non du Quodlibet, disponible en incunable).

8REPONSE de M. Lejbowicz

9À suivre la « Réponse » d’Alain Boureau, la recension que j’ai consacrée à L’Inconnu dans la maison se résume à trois vices rédhibitoires :

101 – Elle ne parle que de « moins de 10% du volume » et par voie de conséquence méconnait l’apport des Quodlibeta de Richard de Mediavilla à l’établissement d’une « nouvelle chronologie » des œuvres de celui-ci ;

112 – « L’agnosticisme de notre fonction [d’historien] » me conduit à méconnaître l’intérêt de la mariologie dans la recherche ;

123 – Ma recension n’a retenu qu’un des trois arguments avancés par Boureau pour décrypter dans les Quodlibeta de Richard des allusions au miracle de Lorette ; en outre, la critiques que j’adresse à cet argument n’est pas pertinente : il convient d’écarter d’un quodlibet « une question de cours », en l’espèce le De sphera de Jean de Sacrobosco.

13Je ne reconnais mon texte dans aucun de ces trois points.

141 – Ma recension rappelle succinctement les thèmes des chapitres III à VI de l’Inconnu. La lecture que l’auteur fait de ce passage de mon texte est si singulière que je prends la liberté de me citer : « Ces thèmes renvoient pour Boureau à des situations historiques précises, qui impliquent toutes la participation active de Richard ». J’enjambe le résumé que j’en donne et en viens à la conclusion : « Cette chronologie donne un enracinement historique bienvenu aux textes de Richard ». Comme j’insiste par ailleurs sur le chapitre I, dont le II est la conséquence et que l’ouvrage en totalise sept, je ne vois pas comment ma recension n’aborde que « moins de 10% du volume ». Je ne vois pas davantage comment j’aurais ignoré l’intérêt de la « nouvelle chronologie » ainsi proposée. J’ai en effet précisé : « On souhaiterait suivre l’auteur dans ses démonstrations [sur l’établissement de la nouvelle chronologie] avec l’attention sereine que ce genre d’exercice d’érudition demande, s’il n’avait pas ouvert son livre avec un chap. I ‘Une maison mobile’ d’une tout autre orientation. C’est à ce chapitre initial que correspond le sous-titre, Richard de Mediavilla, les franciscains et la Vierge Marie à la fin du XIIIe siècle. » Curieux auteur, celui qui demande « au lecteur sceptique » de « sauter » le chapitre auquel lui-même attache suffisamment d’importance pour y faire allusion dans le sous-titre de son livre… Je n’établis mon scepticisme qu’après avoir pris connaissance du dossier en cause ; encore faut-il savoir sur quel thème il s’exerce.

152 – S’il y a scepticisme de ma part, il ne porte par sur la mariologie elle-même, comme Boureau le voudrait, mais sur sa manière dont il la pratique. Il écrit sur le miracle de Lorette en délaissant les travaux qu’il a suscités chez les historiens (à part une rapide allusion au livre d’un Ulysse Chevalier qui n’est pas de la première jeunesse), et, plus encore, en ignorant le texte de Pietro di Giorgo Tolomei qui, jusqu’à preuve du contraire, l’institue.

163 – Si je n’ai retenu qu’un seul des trois arguments qu’il avance pour soutenir sa thèse d’une allusion au miracle de Lorette dans les Quodlibeta de Richard, c’est que les deux autres, instantanéité et mouvement rectiligne, ont un caractère si général qu’ils peuvent, à mon sens, justifier à peu près n’importe quel miracle. Il n’en va pas de même pour le mouvement d’Est vers l’Ouest, puisque le miracle en question repose sur une translation de Nazareth à Lorette. J’ai cru de ma responsabilité de recenseur de rappeler que la primauté de ce mouvement est attestée dans les quatre passages du De Sphera où il est question des mouvements de la sphère locale et de la sphère céleste, sans qu’il soit possible d’y voir là une allusion à la translation en question. En procédant ainsi, je me contente de dire que le manuel de Sacrobosco « prédispose l’ancien artien devenu théologien à recourir dans ses exemples au mouvement d’Est vers l’Ouest. » Boureau voudrait nous faire croire que, pour lui, la formation reçue à la faculté des Arts ne laisse aucun souvenir dans l’esprit des théologiens. Faut-il rappeler, anachronisme mis à part, que l’enseignement supérieur se construit sur les traces laissées par l’enseignement secondaire ? Le rappel s’impose même si, avec Richard, il s’agirait « d’une ‘situation quodlibétique’ qui dépasse le genre universitaire ». Il n’est pas facile de se défaire de la formation reçue, quel que soit le lieu où l’on exerce ses talents.

17Enfin, en codicille, le coup de pied de l’âne : « c’est un tome des Questions disputées de Mediavilla que [je] fais paraître aux Belles Lettres, et non du Quodlibet, (disponible en incunable). » Si les pages 206-207 de la bibliographie n’avaient pas attribué à Jean de Pershore les œuvres de Richard de Mediavilla, le recenseur que je suis aurait pu parler plus précisément des travaux à venir. Pour l’heure, j’estime avoir analysé avec rigueur les différentes facettes de l’Inconnu dans la maison. Je suis porté à en voir la preuve dans la si curieuse réponse qu’Alain Boureau a envoyée à la revue.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Alain Boureau et M. Lejbowicz, « Droit de Réponse au Compte rendu de M. Lejbowicz sur l’ouvrage L’inconnu dans la maison. Réponse de M. Lejbowicz »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 14 juillet 2010, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/11967 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.11967

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Auteurs

Alain Boureau

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