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2008

Jean Dufournet, L’Univers de Rutebeuf

Sébastien Douchet
Référence(s) :

Jean Dufournet, L’Univers de Rutebeuf, préface de Roger Dragonetti, Orléans, Paradigme (« Medievalia », 56), 2005, 254 p.
ISBN 2-86878-253-1

Texte intégral

1Avec ce recueil d’articles, le lecteur n’est pas simplement invité à découvrir ou redécouvrir l’univers poétique d’un grand écrivain du XIIIe siècle : c’est aussi l’histoire d’un regard et le cheminement d’une pensée critique qu’il lui est donné de suivre. En effet, l’introduction de Roger Dragonetti (« Introduction aux études critiques de Jean Dufournet », p. 5-24) et l’ensemble d’articles qui lui font suite forment un diptyque où l’on voit se dessiner peu à peu deux visages, celui d’un écrivain de génie et, en filigrane, celui d’un lecteur non moins excellent et subtil, l’un des grands maîtres de la médiévistique actuelle.

2Roger Dragonetti nous convie à une promenade à travers l’univers de J.D., univers familier dont il se fait le cicérone avec une bonne grâce et avec un plaisir évidents. De Philippe de Commynes à la Farce de Maistre Pathelin, il retrace la démarche exégétique de J.D. et en souligne la cohérence herméneutique. Ce sont avant tout les écritures de l’ambiguïté qui ont intéressé J.D. Celle de Philippe de Commynes en premier lieu, dont le naturel et l’apparente simplicité sont le fruit d’une rhétorique concertée et d’un art consommé du dépouillement. Ont également éveillé l’intérêt de J.D. François Villon, maître en masques et falsifications, créateur d’un génial carnaval « funèbre et grotesque », et Rutebeuf qui partage avec Villon le goût de la « jonglerie verbale » et une conception « renardienne » du jeu littéraire. L’un des principaux apports de J.D. à la compréhension de l’œuvre de Rutebeuf tient à son refus de faire du poète une instance externe à l’œuvre et dont les textes seraient l’expression stylistique. Au contraire, J.D. considère que le jongleur, c’est celui dont « l’art [consiste à] établir une juste convenance entre une matière déterminée, quelle qu’elle soit, et la forme du discours dont le jongleur assume la fonction anonyme d’acteur et d’opérateur : ce rôle pouvant se revêtir d’une identité fictive en première personne ou d’un pseudonyme (souvent symbolique) faisant office d’attribution d’auteur » (p. 11). Sous le couvert de multiples masques, Rutebeuf développe une esthétique du clair-obscur et conçoit une œuvre prise au piège de la nature ambivalente et renardienne des « arts du langage », à la fois instruments « d’une éthique de la forme » et instruments « contaminés par le mal qu’ils dénoncent » (p. 13). Ce qui est l’occasion d’évoquer quelques contributions majeures de J.D. aux études sur le Roman de Renart, comme celles sur la satire, analysée comme « transposition poétique du fait historique » (p. 16), ou sur la fonction démiurgique d’un Renart protéiforme. Sur un autre terrain, R.D. évoque ensuite les travaux consacrés à la chantefable Aucassin et Nicolette et à la dramaturgie du XIIIe siècle que J.D. n’a pas peu contribué à réhabiliter à travers des études sur des œuvres jusque là jugées comme mineures (Courtois d’Arras, Jeu de Robin et Marion, Farce du garçon et de l’aveugle, etc.). Enfin les études sur l’écriture jubilatoire de la Farce de maître Pathelin font dire à R.D. qu’en substance, « si l’on jette un regard rétrospectif sur l’ensemble des travaux de Jean Dufournet, on se rendra compte que les textes littéraires qui l’on attiré le plus sont ceux où la ruse incorporée au génie inventif des poètes constitue le ressort le plus caché et le plus pervers d’un art de spéculer sur les ambiguïtés du langage à des fins esthétiques et de jouissance » (p. 21-22).

3Les articles qui succèdent sont repris à divers ouvrages collectifs et revues. Organisés chronologiquement de 1978 à 1996, ils donnent un bel aperçu du compagnonnage intellectuel de J.D. avec Rutebeuf. On y trouve des commentaires centrés sur des œuvres particulières (La Complainte Rutebeuf, La Pauvreté Rutebeuf, La Repentance Rutebeuf, Le Miracle de Théophile, Renart le bestourné), de larges synthèses (sur « les poèmes de Rutebeuf », son « univers moral et poétique », « l’étau de la mort » de Rutebeuf à Villon, ou encore la « défense des jongleurs » au Moyen Âge), des analyses à entrée thématique (sur « Rutebeuf et la Vierge », son « sobriquet », sa « poésie de l’eau » ou sa « cécité »), ainsi qu’une étude des relations qu’entretient l’œuvre de Rutebeuf avec le Roman de Renart.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sébastien Douchet, « Jean Dufournet, L’Univers de Rutebeuf »Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], Recensions par année de publication, mis en ligne le 29 août 2008, consulté le 20 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crmh/1008 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.1008

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Auteur

Sébastien Douchet

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