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Le « médiévalisme » de la Jeanne d’Arc de Péguy (1897)

Françoise Michaud-Fréjaville
p. 273-283

Notes de la rédaction

« Le “médiévalisme” de la Jeanne d’Arc de Péguy (1897) », Le Porche. Bulletin de l’Association des Amis de Jeanne d’Arc et Charles Péguy, n° 14, déc. 2003, p. 42-50.

Texte intégral

  • 1 G. Krumeich, Jeanne d’Arc à travers l’histoire, Paris, Albin Michel, 1993 (traduction), reste la me (...)

1Charles Péguy a reçu une première éducation historique intellectuelle, la plus républicaine et laïque qui soit, à l’école annexe puis à l’école primaire supérieure d’Orléans, en un temps où, de 1880 à 1894, s’agitèrent ferme les esprits, les plumes et les langues sur le personnage de Jeanne d’Arc1. Il ne faut pas oublier cependant une autre accoutumance à la présence de la Pucelle, sensible et chaleureuse, reçue dans sa ville natale, du faubourg Bourgogne au pont Royal, par les places et les rues, les statues, les peintures des musées et la grande procession du 8 mai.

  • 2 J. Fabre, Jeanne d’Arc libératrice de la France, Paris, Delagrave, 1883.
  • 3 R. Sanson, « La fête de Jeanne d’Arc en 1894, controverse et célébration », Revue d’Histoire modern (...)
  • 4 C. Amalvi, « Jeanne dans la littérature de vulgarisation historique 1871-1914 », L’Amitié Charles P (...)

2Cependant, en cette fin de siècle, les débats autour de Jeanne allaient bon train. Le député républicain Joseph Fabre, auteur d’une Jeanne d’Arc libératrice de la France2, militait avec vigueur pour une fête nationale en l’honneur de la jeune fille, fête qui serait d’État, donc républicaine et non religieuse3. Le principe en fut accepté le 30 juin 1884 par une majorité de représentants de gauche, voire d’extrême gauche. Ce vote provenait d’une opinion résolument décidée à arracher Jeanne aux tenants de la monarchie, aux catholiques royalistes. L’échec final de Fabre est dû autant à son passage au Sénat, fort peu républicain, qu’au succès des démarches de l’Église de France et des Catholiques sur la voie de la canonisation de la victime du bûcher de Rouen. Le 27 janvier 1894, le pape Léon XIII accepta l’ouverture de la cause et prononça la vénérabilité : Johanna nostra est. Cette appropriation par les bourreaux, le terme de vénérable, avec son image de notabilité satisfaite, a dû faire horreur au jeune Péguy comme elle indigna les laïcs de France4. Il suffit de parcourir la didascalie du premier acte de la quatrième partie Rouen pour constater que chacun des juges est introduit par le titre de « vénérable et savant, vénérable et discrète personne, vénérable et scientifique personne… », répété en litanie moqueuse alors qu’aucun d’eux, selon Péguy, n’est digne de la moindre considération morale.

  • 5 Voir la chronologie et l’œuvre de Péguy par Marcel Péguy dans Charles Péguy, Œuvres poétiques compl (...)
  • 6 F. Michaud-Fréjaville, « Les monuments publics à Jeanne d’Arc, 1804-1874 », dans Mémoire sculptée d (...)

3Je crois qu’on ne peut pas lire la Jeanne de 1897 sans garder présentes en mémoire ces luttes pour l’appropriation de l’héroïne et le succès de Rome au moment où l’Orléanais, jeune certes mais si brillant, met en chantier sa première œuvre. On sait qu’il passa d’abord un an dans sa ville (1892-1893), puis y revint après son entrée à Normale supérieure en 1895-18965 et rassembla les éléments de son projet. Pendant ce temps au Sénat, on rediscutait la proposition d’une fête républicaine, tandis que la statue de Jeanne d’Arc au combat de Frémiet, tout comme le Sacré-Cœur de Montmartre, faisaient désormais l’objet d’une vénération de la droite et de l’armée. Ces deux monuments étaient aussi des symboles visant les communards de Paris, le second rachetant l’exécution de l’archevêque de Paris, la première se dressant entre les Tuileries et la colonne Vendôme, ces victimes métaphoriques de l’insurrection populaire, en protégeant de son armure étincelante les beaux quartiers contre le peuple des barricades6.

  • 7 M. Sepet, Jeanne d’Arc, Tours, Mame, 1867. En 1899, on en était à la 22e édition.
  • 8 J. Dalarun, « Naissance d’une sainte », Jeanne d’Arc, une passion française, L’Histoire, n° 210 (19 (...)

4Jeanne devenait presque un élément de discorde civile entre républicains, soucieux de rappeler au nom de la Vérité l’abandon du roi Charles VII qui avait permis au clergé de faire brûler Jeanne par les Anglais, et les cléricaux, souvent royalistes à l’époque, qui mettaient l’accent sur le rôle fondamental de la « vénérable », et donc du dessein de Dieu, dans le sacre du même Charles. Il est vrai que certains spécialistes fort catholiques de Jeanne, comme Marius Sepet7, mettaient également en garde contre ce que nous appellerions des récupérations intégristes qui risquaient de remettre en question la poursuite de la cause de la canonisation8.

  • 9 C. Amalvi, Jeanne d’Arc dans la littérature, p. 76.
  • 10 P. Lanéry d’Arc, Le livre d’or de Jeanne d’Arc, Bibliographie raisonnée et analytique des ouvrages (...)
  • 11 De 1868 à 1888, 35 « Jeanne » présentées au Salon – une tous les deux ans ; de 1988 à 1899 : 63, si (...)
  • 12 G. Zoppi, « Genèse, sources et composition de la première “Jeanne d’Arc” », L’Amitié Charles Péguy, (...)

5Les écrivains et publicistes de tous bords montèrent aux créneaux, C. Amalvi a compté 85 biographies entre 1881 et 19009. En 1894, Lanéry d’Arc publia un Livre d’or, une bibliographie de 2 286 notices10. Au sein de cette agitation, la Jeanne d’Arc de Péguy me paraît un îlot de paix, un vaste étang à peine ridé « au son lointain des clochers calmes », où les silences et les respirations isolent du fracas contemporain, des empoignades des « deux France » revendiquant chacune sa Pucelle. Alors que chaque thuriféraire s’emparait de l’étendard de Jeanne, de son épée, son casque, son cheval, que les représentations aux Salons des Beaux-Arts se multipliaient11, Charles Péguy, ayant mûri et assimilé lectures des textes et des historiens, faisait ses fiches12, laissait parler Jeanne et les siens, les capitaines, Cauchon et Regnaut de Chartres, les étudiants et les aide-bourreaux.

  • 13 S. Fraisse, Péguy et le Moyen Âge, Paris, Honoré Champion, 1978 ; P. Contamine, « La Jeanne d’Arc ( (...)

6Si je me suis lancée dans cette étude, le « médiévalisme » de la Jeanne d’Arc de 1897, alors que la question avait été abordée déjà par de nombreux auteurs et non des moindres13, c’est que la relecture, après bien des années où je ne n’avais fait qu’en réentendre des parties, a fait surgir bien d’autres commentaires que ceux que je lisais à son propos. D’abord Péguy a, dans le tintamarre historicisant passé et présent de son époque, réussi à placer ses lecteurs, ses auditeurs éventuels et ses spectateurs improbables dans un Moyen Âge achronique, intemporel et universel. Pour cela il dut néanmoins composer avec son propre savoir et un supposé public aussi averti que lui-même de l’histoire qu’il racontait.Enfin, en utilisant une forme médiévale, mais qu’il poussa à la perversion avec bonheur, il a présenté un monde du temps de Jeanne qu’il ne souhaitait pas retrouver mais bel et bien abolir. Par une intuition, qui n’est pas la seule de son œuvre, il introduisit un schéma des Ordres qu’il réduisit en cendres.

La déstabilisation du lecteur: ni couleur locale, ni archaïsmes

  • 14 1893, l’Europe des peintres, Musée d’Orsay, février-mai 1993, Paris, Réunion des Musées nationaux, (...)
  • 15 La Chronique de la Pucelle, éd. Vallet de Viriville, Paris, Adolphe Delahayes, 1869 (Bibliothèque e (...)
  • 16 Le Mystère du siège d’Orléans, éd. F. Guessard et E. de Certain, Paris, 1862 (Documents inédits sur (...)
  • 17 M. De Lescure, Jeanne d’Arc, l’héroïne de la France, Paris, Ducrocq, [1875], p. 151.
  • 18 L’édition de référence, l’édition originale n’étant pas paginée, est ici celle du volume des œuvres (...)
  • 19 F. Delay, « L’idiome de France », Esprit, 238, déc. 1997, I, p. 38. L’ensemble de cette contributio (...)

7Conformément à bien des aspects du goût post-troubadour, préraphaélite ou symboliste qui fleurissait alors14, et en vertu de la prétention de jalouse rigueur historique de nombreux auteurs, habituellement dès que Jeanne apparaissait, on entendait les dialogues de la Chronique de la Pucelle15, ou du Mystère du siège16 surgir dans le récit. Ainsi, M. de Lescure dans Jeanne d’Arc, l’héroïne de la France faisait dire à celle-ci le 4 mai 1429 : « Bastard, bastard, en nom Dieu, je te commande tantost que tu scauras la venue dudit Pfastolf, tu me le fasce savoir »17. Chez Péguy, Jeanne parle XIXe siècle finissant, à Orléans, en ce même soir, elle lance à Raoul de Gaucourt : « Et moi, monsieur le gouverneur, je suis responsable de cette ville avant vous… »18. En relevant ces paroles, je suis en désaccord avec Florence Delay quand elle écrit « Jeanne fixe la langue française comme étant naturellement un royaume »19, car d’une part elle parlait une langue que ne comprenaient pas les gens de la moitié du royaume qui étaient de langue d’oc, et d’autre part dans le texte de Péguy, sa langue n’est pas une langue éternelle, un « idiome français […] universel », mais celle d’une fin de siècle bien précise.

  • 20 Jeanne d’Arc, p. 56.
  • 21 Jeanne d’Arc, p. 108.
  • 22 Jeanne d’Arc, p. 109.
  • 23 Jeanne d’Arc, p. 132
  • 24 Jeanne d’Arc, p. 180-181.
  • 25 Jeanne d’Arc, p. 357.

8Si on relevait tous les exemples de langage courant du XIXe siècle, on recopierait largement des pages et des pages. On peut cependant relever que les expressions a(na)chroniques sont soigneusement dosées selon les niveaux de langage. Hauviette, gamine, s’exclame : « Si tu savais comme tu m’as fait peur des fois »20, mais Didier est plus garçonnier : « Marraine ! En voilà une maison21! ». La marraine, maîtresse femme, gronde : « Quand même ils lui mettraient la main dessus »22 et Gaucourt particulièrement borné disserte : « Moi, je suis gouverneur d’Orléans, je suis responsable de la ville. Si en suivant les règles de la guerre, je suis battu, c’est affaire au bon Dieu »23. Jean d’Aulon conserve son bon sens : « Mon Dieu, gardez nous des imbéciles »24. Quant à Jeanne, en dehors de rares moments où elle semble citer les sources historiques, et bien sûr des séquences rimées, elle ne parle ni le barrois, ni le français du Bourgeois de Paris, mais, et jusque dans l’ultime scène, une langue moderne précise et simple : « Je vous prie de bien vouloir accepter cette prière, comme étant vraiment ma prière de moi, parce que tout-à -l’heure je ne suis pas tout à fait sûre de ce que je ferai quand je serai dans la rue… » 25.

  • 26 Jeanne d’Arc, p. 284.
  • 27 E. O’Reilly, Les deux procès de condamnation, les enquêtes et la réhabilitation de Jeanne d’Arc, Pa (...)
  • 28 Jeanne d’Arc, p. 285. Dans le texte latin de P. Champion, Procès, t. I, p. 58, la réponse est à la (...)
  • 29 Jeanne d’Arc, p. 303.

9Péguy pouvait-il tenir son propos jusqu’au bout ? Cela s’est révélé fort difficile au moment où il fallut en venir aux confrontations de Rouen. Les discussions entre les juges et Jeanne risquaient de devenir de purs décalques modernisés des tirades du Procès de condamnation, alors il se déroba : les échanges entre la Pucelle et le tribunal ne font que 24 pages sur les 346 de l’édition de référence, et paraissent comporter les seules citations textuelles des sources, en se gardant toutefois des formes archaïques. Les lecteurs se trouvent rassurés quand, enfin, ils entendent dans leur tête : « Je vous défends bien de trouver en une seule femme à Rouen qui fut plus habile que moi pour filer la laine »26. De fait, ce texte était en latin et au discours indirect : nec timebat mulierem de nendo et suendo ; Péguy a laissé de côté les « médiévalismes » et comme le plus récent traducteur de son temps il est passé au « je »27. Il fit de même quand il est question de l’étendard « dans la bataille j’avais mon étendard »28. Cependant, pour la formule si ferme sur la grâce, il cite textuellement la déclaration de Jeanne : « si j’y suis, Dieu m’y laisse, etc. »29.

  • 30 Fronton du Duc, L’histoire tragique de la Pucelle de Dom Remy, autrement d’Orléans…, Nancy, veuve J (...)

10La langue d’oïl est oubliée et les grandes scènes à faire, où l’on pourrait déployer les couleurs chatoyantes de la cour de Chinon, faire résonner les trompettes royales, entendre le cliquetis des armes et les hennissements des chevaux, tout cela est escamoté ou modifié par des personnes aux allures intemporelles. Dans le décor brûlé de la Chapelle-près-Saint-Denis, des capitaines aux grands noms mais sans armes conversent avec un archevêque en simple manteau couleur de muraille. Les nombreuses pièces et poèmes mettant en scène Jeanne ont toujours offert des personnages de fantaisie, anachroniques comme Agnès Sorel ou la comtesse de Warwick; on rencontrait même des amoureux, tel le Lionel de Schiller. Les arguments du futur procès de Rouen, au sein du parti de Jeanne par le roi, l’évêque de Chartres et un docteur d’université avaient déjà été avancés par Fronton du Duc, comme Péguy les plaça dans ces conversations abritées par les nefs chuchotantes de Saint-Denis30.

  • 31 Cité par P. Contamine, « La Jeanne d’Arc », op. cit., p. 56.

11Le jeune normalien Péguy évoque également par des récits la journée de la bastille Saint-Loup qui s’était déroulée à deux pas des lieux de son enfance, le saut de Beaurevoir, l’épisode de Compiègne, tout cela les lecteurs l’attendaient et reprennent leur souffle, les pieds sur du solide. Mais voici que jamais ne viennent La Trémouille ou l’archevêque de Winchester, mais bien plutôt des moments ahurissants où une mère de famille devenue religieuse, un étudiant en rupture d’université, des apprentis bourreaux, un vieux canonnier ou deux geôliers prennent longuement la parole. Le roi, celui qui fut sacré hors scène, glisse dans les couloirs de Sully comme un fantôme, laconique et méprisant. L’auteur n’a donné aucune truculence au personnage de la Hire; Poton de Xaintraille n’est qu’un nom lancé dans la conversation. Il fallait peut-être que l’histoire soit dite, mais « il était impossible à l’histoire telle qu’on était obligé de la faire de faire l’histoire de cette vie intérieure »31. Ces entorses et ces omissions étaient sans doute admissibles parce que, bien plus qu’aujourd’hui, les détails même menus de la légende johannique étaient connus, ressassés, représentés jusque dans les livres de classe et les marges des missels.

La connivence au lecteur ou le retour aux cadres

12En dépit de l’originalité de la forme, Péguy s’est donné cependant la discipline de jeter de temps en temps une petite touche de références, dont certaines ont été notées plus haut, pour permettre au lecteur de se raccrocher à quelques certitudes. Jamais cependant il n’explique le comment ni le pourquoi de l’action. Il se plaît également à placer sur le chemin des chausse-trapes à l’allure de vérités.

13Il suppose familière et la période de la guerre de Cent Ans et les lieux et les personnages de l’épopée. Il suggère, et sans doute à juste titre, que la science de qui le lit permet de combler les hiatus temporels et de meubler les décors. Les deux cents attributaires auxquels fut fournie la première édition étaient dûment instruits, voire imprégnés par le légendaire de Jeanne. On ne doit jamais oublier cela quand on se penche sur la littérature de combat citant Jeanne d’Arc au long des années 1870-1920.

  • 32 Sur la vérité des dates, voir : Pavel Krylov, « La vérité historique et l’imagination poétique dans (...)

14Je n’ai pas repéré plus d’une vingtaine de références historiques précises. Seules les didascalies suggèrent une chronologie, encore que celle-ci soit assez particulière car elle ne correspond pas aux scansions habituelles de la légende. Nous commençons à l’été 1425, puis passons en mai 1428, enfin en janvier 1429, ces apparentes précisions, surtout les deux dernières qui correspondent aux départs successifs de la jeune fille de la maison, ne sont que des moments de vie privée et non les instants décisifs qui scellent le départ de la petite paysanne vers le roi. Les Batailles, certes, rappellent dans leur première partie les jours importants du siège d’Orléans mais se situent toujours en léger décalage, soit dans le temps, soit dans l’intrigue : le jour de l’Ascension au lendemain de la prise de la bastille Saint-Loup, prétexte au récit du combat, ou encore le 8 mai 1429, jour d’action de grâce sans combat, ici prémices inattendus des futurs débats du procès de Rouen32. Pour Paris, après escamotage des étapes intermédiaires, nous nous trouvons à La Chapelle puis à Saint-Denis, entre le 8 et le 13 septembre 1429, or s’il est sûr que l’échec de la porte Saint-Honoré est du 7-8 septembre, la présence de Jeanne à Saint-Denis n’est pas datée. À Rouen, dernière étape, entre « un des derniers jours de février » et les 24 et 30 mai qui tombent comme couperets en de brèves scènes, l’auteur ne fournit que des indications chronologiques bien vagues, donnant au procès une densité sans quantièmes.

  • 33 C. Amalvi, Les héros de l’histoire de France, Toulouse, Privat, 2001 (1ère éd., Paris, 1979), p. 61 (...)
  • 34 Jeanne d’Arc, p. 13. Le conflit ne remonte pas à 50 ans, soit à 1375, mais « seulement » à 22 ans s (...)
  • 35 Jeanne d’Arc, p. 14. Colette de Corbie (1381-1447) menait en 1428-1429 une de ses tournées de réfor (...)
  • 36 Jeanne d’Arc, p. 27-28, p. 41.
  • 37 Jeanne d’Arc, p. 42-43.
  • 38 Jeanne d’Arc, p. 46, 48, p. 65.
  • 39 Jeanne d’Arc, p. 156.
  • 40 Jeanne d’Arc, p. 15.

15En dépit de la faiblesse de ces indications, au long des dialogues, par petites touches, se dessine un contexte droit sorti des livres de lecture ou d’histoire de la génération qui a suivi la défaite de 187033, mais parfois subtilement perverti. Alors que nous sommes à Domrémy, nous entendons parler des Bourguignons ennemis, en exagérant du double, il est vrai, la durée du conflit34 ; sainte Colette vient à son heure mais grâce à l’invention de Madame Gervaise et non du séjour de Jeanne en Bourbonnais35 ; le siège du Mont-Saint-Michel revient dans Domrémy tel un leitmotiv36 en précédant fort justement l’annonce de celui d’Orléans37. On relève aussi l’usage du terme de Dauphin pour Charles tant que l’action se déroule à Domrémy38, appellation qui devient le roi après le sacre39, cérémonie par ailleurs totalement escamotée par le laïc et républicain Orléanais. De petites gouttes d’histoire sont ensuite distillées par les personnages, mais de quelle façon ! Le résumé succinct sur le conflit de Jeanne à Laxart : « mon oncle, ça n’est pas difficile à comprendre », est une tirade compréhensible par les seuls initiés et se clôt triomphalement par un « c’est bien simple »40, évidemment destiné à rendre complices les lecteurs au courant qui goûtent l’audacieux raccourci historique et à provoquer le sot rire des ignorants qui n’ont rien saisi.

  • 41 Jeanne d’Arc, p. 101-102. Texte dans J. Quicherat, Procès, t. I, p. 240. La lettre aurait été dicté (...)
  • 42 Jeanne d’Arc, p. 185-186.
  • 43 Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, roi de France et de son époque (1403-1461), Paris, Re (...)
  • 44 P. Contamine, « La Jeanne d’Arc », op. cit., p. 58-59, rappelle que Quicherat avait publié, après l (...)
  • 45 J. Quicherat, Procès, t. V, p. 147-148 et 150 ; R. Pernoud et M.-V. Clin, Jeanne d’Arc, Paris, Faya (...)

16Dans les Batailles, où nous sommes à l’arrière du théâtre des combats, comme dans la tragédie classique, tout est donné en miroir par les récits de témoins souvent inconnus de la geste traditionnelle (Didier…). Et puis surgissent trois textes puisés à des sources apparemment les plus « École des Chartes » qui soient. La première est la lettre aux Anglais41, qualifiée faussement de sixième lettre, transcrite avec de menus modernismes, comme « tuer » pour « occire », des coupures (il manque entre autres : « Je suis envoyée de par Dieu le roi du ciel, corps pour corps, pour vous chasser hors de toute la France »), et surtout datée et signée ce qui n’est pas dans l’original envoyé sans doute de Blois. Le second texte est la lettre de Charles VII pour faire lever le siège mis par ses troupes devant Paris, datée ici du 9 septembre 142942. C’est en réalité une astucieuse récupération de la circulaire du roi aux villes du royaume après l’échec contre la porte Saint -Honoré, en partie publiée par Vallet de Viriville et plus tard par Henri Wallon43. Adressée ici aux princes et datée, c’est un faux. Pour atténuer la critique, comme le fit ailleurs Philippe Contamine44, disons néanmoins que le roi René a effectivement apporté une missive royale ordonnant le retrait. Un montage à peu près semblable se décèle pour la courte lettre dictée dans la Jeanne d’Arc par la Pucelle à son départ de Sully et dont la rédaction est une démarque de la missive envoyée à Riom le 9 novembre 1429 et de celle adressée à Reims le 16 mars 143045. Les deux lettres authentiques sont encore conservées et l’on peut par ailleurs juger parfaitement de l’absence totale d’idiotisme médiéval dans le condensé effectué par Péguy.

  • 46 Jeanne d’Arc, p. 283.
  • 47 P. Tisset, Y. Lanhers, Procès de condamnation de Jeanne d’Arc, Paris, Klincksiek, 1960-1971, 3 vol. (...)

17Ces trois brefs moments d’apparentes citations ont leur écho dans la partie Rouen. Lors de la seule scène, déjà citée, où Jeanne parle enfin à ses juges. Les raccourcis sont tels et les silences de la jeune fille si nombreux, marqués par les « tirets-bas », que le texte original des sources est pour ainsi dire redit en français tout moderne par les questions directes et surtout les apartés des juges. Tout en ne s’adressant pas directement à Jeanne, ils reçoivent parfois de sa part de fières réponses en un jeu de la parole et du corps, en une gestuelle non décrite mais suggérée. Au « pourquoi regarde-t-elle ainsi dans les yeux quand elle parle », elle répond directement: « C’est une habitude en France, quand on parle à quelqu’un de regarder en face, quand bien même ce serait l’Empereur Charlemagne »46. Cet apocryphe, que l’on est prêt à accepter, est digne de la bien authentique parole du 24 février : « Vous dites que vous êtes mon juge, avisez-vous bien de ce que vous faites : car en vérité je suis envoyée de par Dieu, et vous vous mettez en grand danger »47.

  • 48 Vernulz, Joana Darcia [..] tragedia, Louvain, 1629, éd. et trad. Latour, Orléans, Herluison, 1880.
  • 49 Un exemple entre bien d’autres : G. Ducoudray, Histoire de France, cours supérieur, notions élément (...)

18Enfin l’histoire de Jeanne ne se termine que dans le cœur ou la tête du lecteur. Le procédé va plus loin que dans la tradition théâtrale qui consistait à faire mourir la Pucelle en coulisses pour rapporter les détails du supplice ou les conséquences qui en découlent. On avait trouvé cela déjà chez Fronton du Duc (1581) et surtout dans la tragédie de Vernulz (1629), qui venait d’être traduite à Orléans en 188048. D’évidente manière, la culture générale du XIXe siècle aurait voulu que soit écrite la phrase que chacun connaissait : « Nous avons brûlé une sainte »49. Mais Charles Péguy ne pouvait accepter de cautionner une sainteté institutionnelle en marche, c’était à l’opposé de ses convictions intimes et l’histoire se dérobe à nouveau. Jeanne sort pour mourir seule, déjà morte au monde sensible.

Une intuition médiévale

19Comme on le constate, le médiévisme de Péguy, si on le cherche du côté de la langue ou de l’histoire, n’est guère décelable sinon en traquant de près la forme au risque de passer à côté des véritables valeurs poétiques, humaines, révolutionnaires et spirituelles de l’œuvre. Pourtant en considérant cette étrange Jeanne d’Arc avec un regard moins minutieusement scrutateur mais au contraire en se laissant porter par la connaissance générale du Moyen Âge, il me semble qu’une profonde influence médiévale a quand même imprégné l’ensemble de ces pages de jeunesse. Hors de toute couleur locale criarde ni historicité anecdotique.

  • 50 Noland et d’Héricourt, Nouvelles françaises du XIIIe siècle, Paris, 1859 (Bibliothèque elzévirienne (...)
  • 51 Aucassin et Nicolette, chantefable du douzième siècle, traduite par A. Bida, révision du texte orig (...)
  • 52 Quand le vicomte de Beaucaire tente de dissuader Aucassin d’aimer Nicolette, captive sarrasine bapt (...)
  • 53 […] Puis inutiles comme on l’est/À cette heure j’en vins à croire/Que j’aurais peut-être assez fait (...)

20La disposition de la Jeanne d’Arc de 1897 en prose dialoguée interrompue de séquences de poésie rimée a au moins une correspondante dans la littérature du Moyen Âge : le jeune normalien audacieux a réinventé à son usage la chantefable, ce genre qui légua une unique œuvre à la littérature française, cet Aucassin et Nicolette50 qui mêlait déjà poésie et prose, monologues et dialogues, chants et paroles : « or dient chantent et fablent ». Chez nos deux auteurs, l’ancien anonyme et le jeune Péguy, quotidien, ironie, émotion, parodies et emprunts sont utilisés soit pour une chanson de geste à l’envers, soit pour la biographie d’une damnée élue de Dieu. Le sujet de Jeanne d’Arc était cependant trop grave pour pousser complètement le plagiat de l’étonnante chantefable médiévale. On doit se demander si Charles Péguy connaissait ce petit chef-d’œuvre. Une édition récente alors d’Aucassin et Nicolette, traduite si j’ose dire, modernisée dans une jolie édition préfacée assez savamment, suivie du texte en vieux français établi par Gaston Paris, peut justement porter à réfléchir à un modèle formel. Le préfacier insistait sur la clarté de la langue et le rythme: « cette prose a été faite pour être récitée, presque jouée et non être froidement lue […] on verra en la lisant, si l’on a le droit de dire que notre ancienne langue était barbare, confuse et gauche […] Voltaire ou Mérimée auraient envié cette grâce dégagée et celle allure à la fois négligée, sûre et rapide »51. G. Paris soulignait également la transgression permanente des genres qu’opèrent sans cesse les dires et les aventures de deux héros, dont la caractéristique fondamentale est d’être jeunes, jeunes en tout avec toute l’audace et la candeur de l’amour vrai52. L’envoi de l’adaptateur, et également illustrateur, évoquait en outre une lecture de la chantefable comme dérivatif au lendemain de l’année maudite 187053.

  • 54 R. Burax, Charles Péguy, le révolution et la grâce, Paris, 1994, p. 63.

21Comment Péguy aurait-il pu avoir accès à ce texte, si l’on ne peut affirmer qu’il a vu cette édition ? Nous savons qu’il pouvait l’avoir retenu des leçons de Joseph Bédier (1864-1938) dont il suivait les cours à l’École dès 189454. Le médiéviste était alors au début enthousiaste de sa carrière, quand il élaborait sa théorie des origines savantes et non populaires des chansons de geste. Péguy, jeune homme suprêmement favorisé par l’intelligence, commençait lui aussi de son côté à bâtir sa chanson de la geste johannique en une expression populaire originale, et déjà parfaitement maîtrisée.

  • 55 J’ai évoqué ailleurs une des sources possibles, avec Schiller, de l’élégie célèbre : « Adieu Meuse (...)
  • 56 On attribue au roi anglais (849-899) une adaptation-traduction de La consolation de la Philosophie (...)
  • 57 On pourra lire le petit article Trois ordres (théorie des), assez ferme, de Dominique Barthélemy, D (...)
  • 58 A. Thierry, Essai sur la formation et l’histoire du Tiers État, Paris, Garnier frères, 1853.
  • 59 Les œuvres complètes d’Alain Chartier (av. 1395 -1430) avaient été éditées par Duchesne en 1617. De (...)
  • 60 Jeanne d’Arc, p. 159.
  • 61 Jeanne d’Arc, p. 188. Les allitérations en « m » et « s » font que la somme est très exagérée : 200 (...)
  • 62 Jeanne d’Arc, p. 213.
  • 63 Sg., 6, 15-16 : « Celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à s (...)

22En soulignant la finesse et le talent précoce de ce Charles Péguy qui sait utiliser une culture récente et scolaire pour apporter de véritables nouveautés55, je voudrais enfin attirer l’attention sur ce qui me paraît être une des clefs de l’économie générale de la première Jeanne d’Arc. On connaissait fort bien à la fin du XIXsiècle la théorie des ordines ou des trois ordres de la société, exposée dès le IXe siècle par le roi Alfred le Grand56, reprise par Aldalbéron de Laon et Gérard de Cambrai (v. 1020) et répétée à satiété ensuite par les moralistes des « états du monde ». Certes, ni Dumézil ni Duby n’avaient encore rendu presque banale, journalistique – et par la même victime d’une généralisation discutable– une « trifonctionnalité » réelle ou imaginaire57, mais le schéma d’une société composée de ceux qui prient, ceux qui combattent et ceux qui travaillent appartenait au bagage des normaliens littéraires, affamés de culture et curieux d’histoire. Qu’il y ait eu assimilation hâtive entre « ceux qui travaillent » du XIe siècle, les laboratores, et le Tiers État fut facilité par la littérature historique d’Augustin Thierry58. Les textes accessibles ne manquaient pas, bien sûr la plupart en latin, mais un au moins en français avait fait l’objet d’une édition ancienne et de travaux récents c’était Alain Chartier. Le quadriloge invectif59, cité dans les livres d’histoire, était un échange de discours, sous le regard de l’acteur-auteur, entre France à la robe en lambeaux et la couronne de travers, le Peuple en haillons couché de tout son long, le Chevalier démoralisé et le Clergé accablé. Or que nous offre la Jeanne d’Arc avec sa composition en trois espaces ? D’abord les laboratores de Domrémy, ce peuple aux bois, aux champs selon les saisons et les joies, ses malheurs, les chants des fileuses et les îles de refuge. Des travailleurs lassés, amers et qui parlent, argumentent, réfléchissent, aiment, pleurent et sont tous rivés à leur horizon meusien, sauf Jeanne. Puis viennent les Batailles, des soldats, des capitaines jeunes, entre 15 et 38 ans rappellent les didascalies. Le texte commente des actions que l’on ne voit jamais et si ces garçons sont plutôt sympathiques, ils font preuve d’un étroit conformisme – la guerre doit être selon les règles–et d’une plate obéissance. Ils débitent des banalités affreuses. Le pire et le plus vieux, trois fois l’âge de Jeanne, est le gouverneur d’Orléans, Raoul de Gaucourt, qui pontifie : « d’abord Paris est toujours Paris »60. Le moins pitoyable est peut-être Jean d’Alençon, 22 ans, dont la profession de foi est cependant d’un débilitant et égoïste matérialisme car sa détestation des Anglais est toute personnelle : « quand je pense qu’il m’a fallu leur donner deux cent mille saluts d’or pour me sauver de leurs mains, et qu’ils m’ont renvoyé tout malade en ma ville de Fougères »61. Les bellatores des Batailles n’ont pas bien fait envers Jeanne et la France leur travail d’aide : « la défaite en bataille a ployé ma vaillance/Et je n’ai plus à moi ma vaillance passée », ni leur devoir de conseil : « la défaite au conseil a faussé la vaillance »62. Enfin, dans Rouen j’ai déjà relevé la longue énumération des vénérables gens d’église, avec leur âge, de 35 à 55 ans. Ils sont vieux, pour la plupart ils ont le double de l’âge de Jeanne et se croient savants. Mais les ans ici ne signifient pas la sagesse de la Bible63 mais paralysie de l’esprit et rhumatismes de l’âme. L’ordre des oratores de Péguy ne prie pas, il s’incline mécaniquement, silhouettes interchangeables, marionnettes sur rail, devant les autels, puis ratiocine et condamne en papotant.

  • 64 Jeanne d’Arc, p. 159.

23Alors Jeanne surgit dans son mystère et bouleverse les Ordres. Elle doit quitter le sien, celui des aratores, si chaleureux pourtant mais impropre à sauver la France dans le schéma du monde d’autrefois. Elle entre par effraction dans le groupe des combattants, suspecte par son sexe et son ordre d’origine, elle est rejetée après avoir servi, elle « s’use terriblement vite » comme le dit cruellement Gaucourt et demeure hors des normes, car son « âme est trop tendre »64, ce qui est inacceptable. Abandonnée, trahie, elle se retrouve cernée par les clercs, ces gens qui prient mais sont incapables d’écouter la voix de la France qu’elle essaie de faire entendre, ils repoussent avec horreur ce sarment sec, ce corps étranger qui doit disparaître en flamme, en cendre, en eau de Seine mais s’est aussi, colombe, envolé vers le ciel.

  • 65 « En vos discors et descharges l’un vers l’aute ne gist pas la ressource de mon infortune […] mais (...)

24Cinq siècles et demi après, le Péguy de 1896 répond à Alain Chartier que le vieux monde, l’ancien régime, continue de mourir, incapable par ses discordes de recoudre la robe déchirée de la France65 et d’ouvrir ses bras à l’éternelle Jeanne d’Arc unificatrice. Le seul remède est donc bien « l’établissement de la république socialiste universelle », société sans ordres, utopie des égaux.

  • 66 G. Zoppi, Genèse…, op. cit., p. 495-496.

25La Jeanne d’Arc de 1897 est bien le produit de son époque dans le savoir, dans la langue, dans le projet. Il n’en reste pas moins que son auteur, frais émoulu des traditions locales orléanaises et de la culture très large des impétrants à l’École normale supérieure, a créé par son génie une œuvre proprement singulière, aiguillonné peut-être par les premiers remous de l’affaire Dreyfus66.

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Notes

1 G. Krumeich, Jeanne d’Arc à travers l’histoire, Paris, Albin Michel, 1993 (traduction), reste la meilleure approche circonstanciée de la période qui nous intéresse, p. 211 et suivantes. M. Winock, « Jeanne d’Arc », Les lieux de mémoire,dir. Pierre Nora, III, Les Francs, 3, De l’archive à l’emblème, Paris, Gallimard, 1992, p. 674-733, est une brillante et fine analyse du mythe de Jeanne.

2 J. Fabre, Jeanne d’Arc libératrice de la France, Paris, Delagrave, 1883.

3 R. Sanson, « La fête de Jeanne d’Arc en 1894, controverse et célébration », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, 20 (1973), p. 444-463.

4 C. Amalvi, « Jeanne dans la littérature de vulgarisation historique 1871-1914 », L’Amitié Charles Péguy, 92 (1998), p. 79.

5 Voir la chronologie et l’œuvre de Péguy par Marcel Péguy dans Charles Péguy, Œuvres poétiques complètes, Paris, Gallimard, 1941 (Bibliothèque de la Pléiade), p. XXX-XXXI.

6 F. Michaud-Fréjaville, « Les monuments publics à Jeanne d’Arc, 1804-1874 », dans Mémoire sculptée de l’Europe, colloque de Strasbourg, Conseil de l’Europe (nov. 2001), à paraître.

7 M. Sepet, Jeanne d’Arc, Tours, Mame, 1867. En 1899, on en était à la 22e édition.

8 J. Dalarun, « Naissance d’une sainte », Jeanne d’Arc, une passion française, L’Histoire, n° 210 (1997), p. 50-55.

9 C. Amalvi, Jeanne d’Arc dans la littérature, p. 76.

10 P. Lanéry d’Arc, Le livre d’or de Jeanne d’Arc, Bibliographie raisonnée et analytique des ouvrages relatifs à Jeanne d’Arc…, Paris, Tetchener, 1894.

11 De 1868 à 1888, 35 « Jeanne » présentées au Salon – une tous les deux ans ; de 1988 à 1899 : 63, six par an. (Source : Images de Jeanne d’Arc, catalogue de l’Exposition de la Monnaie, Paris, 1979, p. 192-193).

12 G. Zoppi, « Genèse, sources et composition de la première “Jeanne d’Arc” », L’Amitié Charles Péguy, 96 (2001), p. 487-488.

13 S. Fraisse, Péguy et le Moyen Âge, Paris, Honoré Champion, 1978 ; P. Contamine, « La Jeanne d’Arc (1897) de Charles Péguy, simples notes d’un médiéviste », dans Centenaire de la Jeanne d’Arc de Péguy 1897-1999, L’Amitié Charles Péguy, 82 (1998) et G. Zoppi, « Genèse », op. cit.

14 1893, l’Europe des peintres, Musée d’Orsay, février-mai 1993, Paris, Réunion des Musées nationaux, 1993.

15 La Chronique de la Pucelle, éd. Vallet de Viriville, Paris, Adolphe Delahayes, 1869 (Bibliothèque elzévirienne).

16 Le Mystère du siège d’Orléans, éd. F. Guessard et E. de Certain, Paris, 1862 (Documents inédits sur l’Histoire de France), rééd. V. Hamblin, Le Mystère du siège d’Orléans, Paris, Champion, 1999 et partiellement par G. Gros, Paris, Librairie Générale Française, 2002 (Le Livre de poche, Lettres gothiques).

17 M. De Lescure, Jeanne d’Arc, l’héroïne de la France, Paris, Ducrocq, [1875], p. 151.

18 L’édition de référence, l’édition originale n’étant pas paginée, est ici celle du volume des œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1948, Jeanne d’Arc, p. 133.

19 F. Delay, « L’idiome de France », Esprit, 238, déc. 1997, I, p. 38. L’ensemble de cette contribution laisse par ailleurs la médiéviste que je suis perplexe sur sa pertinence générale.

20 Jeanne d’Arc, p. 56.

21 Jeanne d’Arc, p. 108.

22 Jeanne d’Arc, p. 109.

23 Jeanne d’Arc, p. 132

24 Jeanne d’Arc, p. 180-181.

25 Jeanne d’Arc, p. 357.

26 Jeanne d’Arc, p. 284.

27 E. O’Reilly, Les deux procès de condamnation, les enquêtes et la réhabilitation de Jeanne d’Arc, Paris, Plon, 1868, t. II, p. 54 : « pour coudre et pour filer je ne crains aucune femme de Rouen ». P. Champion, Procès de condamnation, Paris, Honoré Champion, 1921, t. II, traduction, p. 33, le traducteur a médiévalisé légèrement : [elle] « ne craignait point femme de Rouen pour filer et pour coudre ».

28 Jeanne d’Arc, p. 285. Dans le texte latin de P. Champion, Procès, t. I, p. 58, la réponse est à la troisième personne : respondit … quod praediligebat vexillum (« elle répondit qu’elle préférait son étendard »).

29 Jeanne d’Arc, p. 303.

30 Fronton du Duc, L’histoire tragique de la Pucelle de Dom Remy, autrement d’Orléans…, Nancy, veuve Jean Janson, 1581.

31 Cité par P. Contamine, « La Jeanne d’Arc », op. cit., p. 56.

32 Sur la vérité des dates, voir : Pavel Krylov, « La vérité historique et l’imagination poétique dans le drame de Péguy, Jeanne d’Arc », Centenaire de la « Jeanne d’Arc » de Péguy 1897-1997, L’Amitié Charles Péguy, 82 (1998), p. 55-60.

33 C. Amalvi, Les héros de l’histoire de France, Toulouse, Privat, 2001 (1ère éd., Paris, 1979), p. 61-63.

34 Jeanne d’Arc, p. 13. Le conflit ne remonte pas à 50 ans, soit à 1375, mais « seulement » à 22 ans si on le fait débuter avec le meurtre de Louis d’Orléans en 1407.

35 Jeanne d’Arc, p. 14. Colette de Corbie (1381-1447) menait en 1428-1429 une de ses tournées de réformation des Clarisses, on s’interroge encore pour savoir si elle aurait pu rencontrer Jeanne à Moulins à l’automne de 1429.

36 Jeanne d’Arc, p. 27-28, p. 41.

37 Jeanne d’Arc, p. 42-43.

38 Jeanne d’Arc, p. 46, 48, p. 65.

39 Jeanne d’Arc, p. 156.

40 Jeanne d’Arc, p. 15.

41 Jeanne d’Arc, p. 101-102. Texte dans J. Quicherat, Procès, t. I, p. 240. La lettre aurait été dictée le 22 mars à Poitiers, expédiée de Blois entre le 24 et le 27 avril 1429.

42 Jeanne d’Arc, p. 185-186.

43 Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, roi de France et de son époque (1403-1461), Paris, Renouard, 1863, t. II, p. 120 ; H. Wallon, Jeanne d’Arc, Paris, Hachette, 1867 (2e éd.), t. I, p. 199 et n. p. 361.

44 P. Contamine, « La Jeanne d’Arc », op. cit., p. 58-59, rappelle que Quicherat avait publié, après les volumes des procès, la lettre royale du 28 août sur la trêve avec les Bourguignons.

45 J. Quicherat, Procès, t. V, p. 147-148 et 150 ; R. Pernoud et M.-V. Clin, Jeanne d’Arc, Paris, Fayard, 1986, p. 385-386.

46 Jeanne d’Arc, p. 283.

47 P. Tisset, Y. Lanhers, Procès de condamnation de Jeanne d’Arc, Paris, Klincksiek, 1960-1971, 3 vol. (Société de l’Histoire de France).

48 Vernulz, Joana Darcia [..] tragedia, Louvain, 1629, éd. et trad. Latour, Orléans, Herluison, 1880.

49 Un exemple entre bien d’autres : G. Ducoudray, Histoire de France, cours supérieur, notions élémentaires d’histoire de France, Paris, Hachette, 1888, p. 202 : « Un secrétaire du roi d’Angleterre disait tout haut en revenant [du lieu du supplice de Jeanne] : “Nous sommes perdus, nous avons brûlé une sainte” ».

50 Noland et d’Héricourt, Nouvelles françaises du XIIIe siècle, Paris, 1859 (Bibliothèque elzévirienne).

51 Aucassin et Nicolette, chantefable du douzième siècle, traduite par A. Bida, révision du texte original et préface par Gaston Paris, Paris, Hachette, 1878, p. xxix.

52 Quand le vicomte de Beaucaire tente de dissuader Aucassin d’aimer Nicolette, captive sarrasine baptisée, en lui faisant remarquer qu’elle n’est pas de son rang et ne peut l’épouser et que s’il la met dans son lit comme maîtresse, il doit être mis en garde : « pendant l’éternité votre âme serait en enfer et vous n’entreriez jamais en paradis », Aucassin répond : « Qu’ai-je à faire en Paradis ? Je n’y désire pas entrer, mais bien avoir Nicolette […] car en Paradis ne vont que telles gens que je vais vous dire : de vieux prêtres, de vieux éclopés et manchots qui nuit et jour se traînent devant leurs autels et leurs vieilles cryptes […] Mais bien en enfer veux-je aller car en enfer vont les beaux clercs et les beaux chevaliers qui sont morts aux tournois et aux belles guerres, avec ceux-là je veux bien aller… ». Aucassin et Nicolette, trad. Bida, op. cit., p. 8-9.

53 […] Puis inutiles comme on l’est/À cette heure j’en vins à croire/Que j’aurais peut-être assez fait/Pour votre plaisir et la gloire/Si je traduisais cette histoire/Et si sur le dernier feuillet/Ne pouvant rien pour ma Patrie/Que prier Dieu pour son pardon/J’inscrivais le cher et doux nom/De mon amie, ibid., p. [vii-viii].

54 R. Burax, Charles Péguy, le révolution et la grâce, Paris, 1994, p. 63.

55 J’ai évoqué ailleurs une des sources possibles, avec Schiller, de l’élégie célèbre : « Adieu Meuse en dormeuse… ». Il s’agit de la même scène de séparation, en latin, dans la Joana Darca de Vernultz (Louvain, 1629), qui avait été éditée à Orléans, avec traduction, quelques années auparavant (éd. Latour, Orléans, Herluison, 1880), cf. F. Michaud-Fréjaville, « Personne, personnage, Jeanne d’Arc en France au XVIIe siècle », dans Jeanne d’Arc en garde à vue, D. Goy-Blanquet éd., Bruxelles, In’huit-le Cri, 1999, p. 55-77, réimpr. supra, article n° 20.

56 On attribue au roi anglais (849-899) une adaptation-traduction de La consolation de la Philosophie de Boèce dans l’introduction de laquelle il aurait tracé la distinction entre les trois catégories (cf. Dominique Iognat-Prat, « Le “baptême” du schéma des trois ordres fonctionnels. L’apport de l’école d’Auxerre », Annales ESC, 1986, n° 1. p. 101-126).

57 On pourra lire le petit article Trois ordres (théorie des), assez ferme, de Dominique Barthélemy, Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, PUF, 2002, p. 1411-1412.

58 A. Thierry, Essai sur la formation et l’histoire du Tiers État, Paris, Garnier frères, 1853.

59 Les œuvres complètes d’Alain Chartier (av. 1395 -1430) avaient été éditées par Duchesne en 1617. Des études par A. Delaunay ont été publiées dans les années 1880 et A. Piaget commença à travailler sur la Belle dame sans merci vers 1896 ; son premier article sur l’auteur dans Romania est de 1901.

60 Jeanne d’Arc, p. 159.

61 Jeanne d’Arc, p. 188. Les allitérations en « m » et « s » font que la somme est très exagérée : 200 000 saluts d’or auraient pesé 776 kg d’or ! Les Anglais ont racheté Jeanne pour un peu moins de 38,8 kg d’or (10 000 francs).

62 Jeanne d’Arc, p. 213.

63 Sg., 6, 15-16 : « Celui qui la cherche dès l’aurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte. Ne plus penser à elle prouve un parfait jugement, et celui qui veille en son honneur sera bientôt délivré du souci ».

64 Jeanne d’Arc, p. 159.

65 « En vos discors et descharges l’un vers l’aute ne gist pas la ressource de mon infortune […] mais l’affection du bien publique peut estaindre vos desordonnances singulieres, se les voulentez se conjoingnent en ung mesme desir de commun salut » : Alain Chartier, Le quadrilogue invectif, dans Jeux et sapience du Moyen Âge, éd. A. Pauphilet, Paris, Gallimard, 1951, (Bibliothèque de la Pléiade), p. 908.

66 G. Zoppi, Genèse…, op. cit., p. 495-496.

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Pour citer cet article

Référence papier

Françoise Michaud-Fréjaville, « Le « médiévalisme » de la Jeanne d’Arc de Péguy (1897) »Cahiers de recherches médiévales , 12 spécial | 2005, 273-283.

Référence électronique

Françoise Michaud-Fréjaville, « Le « médiévalisme » de la Jeanne d’Arc de Péguy (1897) »Cahiers de recherches médiévales [En ligne], 12 spécial | 2005, mis en ligne le 28 juin 2008, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/crm/739 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/crm.739

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Auteur

Françoise Michaud-Fréjaville

 

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